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Tag: Ukraine
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Ukraine : Ianukovich destitué
Par Niall Mulholland, Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO)
Les derniers développements en Ukraine ont vu la chute spectaculaire du président Viktor Ianoukovitch ainsi que son départ de Kiev. En novembre dernier, le mécontentement massif contre la misère ainsi que la brutalité et la corruption du régime ont été à la base d’une révolte à Kiev et dans de nombreuses autres régions d’Ukraine. Mais en l’absence de toute alternative de la part de la classe des travailleurs, des forces réactionnaires bénéficiant du soutien de l’impérialisme occidental ont réussi à dominer le mouvement de protestation. Un nouveau régime pro-occidental est en cours de consolidation, sur fond de dangereux approfondissement des tensions ethniques parmi une population forte de 46 millions de personnes.
A la suite d’affrontements sanglants entre manifestants et policiers dans le centre de Kiev entre le 18 et le 21 février – durant lesquels plus de 80 personnes ont trouvé la mort, des centaines d’autres étant blessées – les dirigeants d’Allemagne, de France et de Pologne ont négocié un accord avec le régime en ruine de Ianoukovitch. Cet accord de médiation de l’Union Européenne envisageait la constitution d’un gouvernement «d’unité nationale», la tenue d’élections présidentielles et législatives et le rétablissement de la constitution de 2004, qui aurait privé la présidence de certains pouvoirs essentiels.
Mais l’accord s’est rapidement effondré quand l’opposition de droite, qui comprend des ultra-nationalistes et des éléments fascistes, est passée à l’offensive. Le parlement a destitué Ianoukovitch et a nommé les dirigeants du parti de la Patrie Arsen Avakov et Oleksandr Turchynov respectivement ministre de l’Intérieur et président de la Rada (le parlement). Turchynov, proche allié de l’ancienne première ministre Ioulia Tymochenko libéré de prison le 22 février, est également président par intérim. Turchynov tente de constituer un nouveau gouvernement de coalition tandis que de nouvelles élections présidentielles auraient lieu le 25 mai. Des mandats d’arrêt ont été délivrés pour Ianoukovitch et d’autres anciens ministres.
Même les députés du Parti des régions de Viktor Ianoukovitch ont voté pour ces mesures, une tentative désespérée pour tenter de se distancer de l’ancien régime. Le leader parlementaire du Parti des régions a condamné le président déchu pour avoir lancé “des ordres criminels”. De puissants oligarques jusqu’ici proches de Ianoukovitch et favorables à l’alliance avec la Russie ont de manière très opportuniste opéré un virage à 180°.
Réaction furieuse du Kremlin
Le Kremlin a réagi avec fureur à ces évènements et a dénoncé un “coup d’État” soutenu par l’Occident réalisé par des «extrémistes armés et par des pogromes». La destitution de Ianoukovitch représente un sérieux revers pour le régime de Poutine, pour qui l’Ukraine est un pays à l’importance stratégique vitale.
Le Kremlin a fait de grands efforts pour politiquement et économiquement assurer de mettre son proche voisin dans sa poche. En novembre dernier encore, Moscou a conclu un accord commercial de 15 milliards de dollars après que Ianoukovitch ait rejeté un accord de partenariat avec l’Union Européenne. La lutte entre grandes puissances impérialistes pour disposer de la plus grande influence en Ukraine n’a fait que s’accroître, ce territoire étant également géostratégiquement important pour les États-Unis et pour l’OTAN.
Le rejet de cet accord avec l’Union Européenne a suscité protestations et opposition, ainsi que des manifestations place Maidan, au centre de Kiev. Ces mobilisations étaient au départ essentiellement composées de personnes issues de la classe moyenne et d’étudiants. Nombreux sont ceux qui entretiennent l’illusion qu’une collaboration plus étroite avec l’Union Européenne conduirait à une plus grande prospérité ainsi qu’à l’obtention de droits démocratiques. Mais l’accord de partenariat de l’Union européenne de novembre dernier prévoyait un sévère plan d’austérité sous les diktats du FMI, et Ianoukovitch avait craint que cela ne conduise à une explosion de colère.
La brutalité de la police à l’encontre des manifestants a assuré qu’un plus grand nombre de personnes descende dans les rues de Kiev et de Lviv ainsi que dans toute la partie occidentale et de langue ukrainienne du pays. Le ressentiment suite au refus de l’accord avec l’Union Européenne s’est très vite transformé en une colère de masse contre la pauvreté, la stagnation économique ainsi que la corruption et l’incompétence du régime autoritaire de Ianoukovitch. Alors que les travailleurs et leurs familles sont de plus en plus pauvres, Ianoukovitch et sa clique se sont spectaculairement enrichis. Les manifestations anti-régime ont d’ailleurs touché jusqu’aux bases politiques de Ianoukovich dans la partie industrialisée et principalement russophone d’Ukraine.
Très rapidement, il est apparu que ce régime corrompu bénéficiait de très peu de soutien populaire, ce qui fut notamment illustré lorsque les manifestants ont ouvert les portes de la résidence principale de Ianoukovitch, exposant ainsi son style de vie opulent au grand jour. Remarquons à ce titre que les médias occidentaux ont délibérément choisi de ne pas réserver un traitement similaire pour la richesse tout aussi obscène des oligarques et politiciens pro-occidentaux.
Mais en l’absence de fortes organisations de la classe des travailleurs, il n’a pas été possible que cette opposition de masse devienne un mouvement unifiant toute la classe des travailleurs ukrainienne contre tous les clivages ethniques, religieux et linguistiques. Si nombreux travailleurs se sont rendus dans les rues à titre individuel, la révolte contre le régime et le règne des oligarques n’a pas été dirigée par une classe ouvrière agissant en tant que classe pour soi. La majorité de la classe ouvrière est opposée tant à l’ancien régime qu’aux oligarques, mais les travailleurs sont largement restés passifs. La classe ouvrière n’a pas laissé son empreinte sur les évènements de façon indépendante et organisée.
Les forces réactionnaires
Cela a laissé aux forces réactionnaires l’opportunité d’occuper le vide dès le début, avec le soutien des puissances occidentales, afin de cyniquement exploiter l’exaspération des masses. L’opposition de droite et pro-capitaliste, comme l’ancien champion de boxe poids lourd Vitali Klitschko et Arseniy Yatseniuk, lié au Parti de la Patrie, ont pris les devants en se liant étroitement aux ultra-nationalistes, à l’extrême-droite et aux groupes néo-fascistes. Au cours de ces trois derniers mois, le parti antisémite Svoboda et l’organisation d’extrême-droite Secteur Droite ont joué un rôle clé dans l’organisation des combats de rue et l’occupation des bâtiments du gouvernement.
Le caractère totalement réactionnaire du nouveau régime et les craintes qu’il engendre peuvent être illustrés par l’appel lancé par le rabbin Moshe Reuven Azman pour que les Juifs fuient Kiev. Le nouveau ministre de l’Intérieur a déclaré que les «forces d’autodéfense» de la place Maidan seront incorporées aux nouvelles structures du régime. Les chefs du parti Svoboda s’attendent à occuper un poste dans ce nouveau régime.
La décision provocatrice de diminuer le statut de la langue russe a conduit à divers appels à la sécession dans le sud et l’est de l’Ukraine, russophones. Des milliers de personnes ont protesté à Sébastopol, en Crimée, une base navale cruciale pour la flotte russe de la Mer Noire, en agitant des drapeaux russes. Ils ont voté pour mettre en place une “administration parallèle” et pour organiser des “escadrons de défense civile”.
Au cours de ce week-end, Susan Rice, conseillère à la sécurité nationale des États-Unis, a averti Vladimir Poutine que ce serait une “grave erreur” pour la Russie d’intervenir militairement. Le chef du commandement militaire de l’OTAN en Europe a eu des entretiens avec l’état-major russe le 24 février afin de tenter d’apaiser les tensions avec la Russie. Moscou a encouragé les dirigeants régionaux d’Ukraine orientale pour qu’ils s’opposent à Kiev et qu’ils s’orientent vers une plus grande «autonomie». Reste encore à voir dans quelle mesure ce processus pourra aller loin, mais si d’importantes régions décidaient d’aller jusqu’à la sécession, le régime de Poutine, blessé, pourrait alors faire monter les enchères et intervenir militairement. Les oligarques concurrents et l’ingérence agressive de l’impérialisme occidental et russe ont dangereusement poussé l’Ukraine dans la voie d’un processus désordonné de désintégration, si pas carrément vers la partition sanglante du pays.
L’Ukraine fait face à la banqueroute
Poutine conserve une puissante influence économique sur Kiev. Plus de la moitié des exportations ukrainiennes sont à destination de la Russie et la Russie assure l’approvisionnement de l’Ukraine en gaz. Moscou pourrait causer de réelles difficultés aux Ukrainiens en révoquant la réduction de 30% des prix du gaz.
Ni l’Union Européenne, avec le soutien des États-Unis, ni Moscou et ses oligarques n’agissent pour les intérêts des travailleurs en Ukraine. Que ce soit Ianoukovitch ou le nouveau régime pro-occidental au pouvoir à Kiev, ces gens n’agissent que pour la défense des intérêts des super-riches, y compris avec l’application d’une politique d’austérité contre les masses ukrainiennes.
La Russie a annoncé qu’elle gelait son aide économique de 15 milliards de dollars tandis que les dirigeants occidentaux parlent de mettre sur pied un “plan de sauvetage” destiné à sauver le pays de la faillite. Le nouveau régime de Kiev dit avoir besoin de 35 milliards de dollars en deux ans pour empêcher l’économie d’aller droit dans l’abîme. La croissance économique a été nulle en 2013 et la monnaie, la hryvnia, a perdu plus de 8% de sa valeur en trois mois à peine. Le Financial Times a rapporté que les USA et l’Union Européenne avait explicitement exigé que cette aide s’accompagne de réformes économiques. Jack Lew, le secrétaire d’État américain au Trésor, a de son côté souligné la nécessité de réformes suivant les lignes des plans de lu FMI, c’est-à-dire synonymes d’austérité et de privatisation.Une caractéristique frappante de ces dernières semaines fut que malgré la fracture ethnique, les travailleurs ont exprimé leur forte opposition à l’ensemble de l’élite politique ainsi qu’à leurs bailleurs de fonds oligarques. Ils veulent mettre un terme au régime de la mafia des oligarques et aspirent à une société différente, avec des droits démocratiques et de bonnes conditions de vie.
La dirigeante de l’opposition Julia Timochenko a été “reçu poliment mais en aucun cas avec ravissement”, selon un journaliste du quotidien britannique The Guardian, lorsqu’elle s’est adressée à la foule place Maidan après à sa sortie de l’hôpital de la prison de Kharkiv. Beaucoup d’Ukrainiens se souviennent que Timochenko, héroïne de la «Révolution orange» de 2004, est ensuite devenue Première ministre au sein d’un gouvernement corrompu qui a lancé des attaques contre les conditions de vie déjà pauvres de la population.Le nouveau régime entrera en collision avec la classe des travailleurs
Les nouveaux dirigeants capitalistes pro-occidentaux espèrent disposer d’une lune de miel avec les masses mais, tôt ou tard, ils entreront en collision avec les intérêts de la classe ouvrière ukrainienne.
La crise de ces derniers mois révèle l’urgente nécessité pour les travailleurs de construire leurs propres organisations de classe, y compris par l’intermédiaire de syndicats réellement indépendants. A ce jour, cela s’avère être un processus très long et difficile. Ce n’est pas surprenant étant donné les conséquences de décennies de règne du stalinisme, qui ne permettait aucune véritable auto-organisation de la classe ouvrière, de l’effondrement de l’ex-URSS et de la «thérapie de choc» de restauration du capitalisme. La conscience politique des masses est confuse et marquée par la désorientation.
Pourtant, les travailleurs tirent d’importantes leçons des évènements. Ils sont passés par la très décevante «Révolution orange» et par le règne de Ianoukovitch. Maintenant, ils goûteront les fruits amers de Turchynov, Klitschko, Yatseniuk et les autres politiciens capitalistes pro-occidentaux.
De plus en plus de sections de la classe des travailleurs se rendront compte que la seule façon d’avancer est de construire un parti de masse des travailleurs multiethnique et indépendant du capital, qui rejette le nationalisme réactionnaire, l’oligarchie et toute ingérence impérialiste. Un parti authentiquement socialiste disposant du soutien des masses et unifiant tous les travailleurs à travers l’Ukraine ferait campagne pour un gouvernement des travailleurs afin de prendre en mains l’énorme richesse des oligarques et de nationaliser les grandes banques et grandes entreprises, dans le cadre d’un d’une économie démocratiquement planifiée, afin de satisfaire les besoins de la grande majorité de la population. Une telle lutte saurait trouver un écho parmi les travailleurs de toute l’Europe et de Russie. -
Ukraine : Les raisons de la crise
Rob Jones, article tiré de l’édition de mars 2014 Socialism Today
Ce dossier a été écrit la semaine dernière, avant les plus récents développements de la crise ukrainienne. Ce texte reste toutefois d’actualité est est d’une grande aide pour comprendre le contexte de la situation actuelle.
L’Ukraine est à nouveau ébranlée par des manifestations de masse. La police anti-émeutes du président Ianoukovitch a violemment pris à partie les manifestants sur la place de l’Indépendance (Maïdan nézalejnosti) de Kiev. À ce jour, 29 personnes ont été tuées, en plus de centaines de blessés graves. En cause : un système politique pourri. Dans un article écrit peu avant ces évènements, Rob Jones analyse les différentes forces à l’œuvre dans la crise ukrainienne.
Les passions se sont autant déchaînées que l’hiver a été rude en Ukraine. Les manifestants occupent les bâtiments du ministère et de la mairie dans la capitale, Kiev, et un peu partout dans le pays, surtout dans l’Ouest. À l’Est, d’où le président Ianoukovitch tire sa principale base de soutien, les autorités locales ont bloqué leurs propres bureaux avec de grands blocs de béton afin d’éviter toute tentative d’occupation. Les manifestants prennent tout ce qui leur tombe sous la main pour construire des barricades. Dans certains endroits, ce sont des piles de vieux pneus ; dans d’autres, des sacs de sable remplis de neige et de glace.
Dix ans se sont écoulés depuis le grand mouvement appelé la “révolution orange”, qui avait été organisé contre les fraudes électorales et qui avait contraint Ianoukovitch à laisser le pouvoir à son rival Viktor Youchtchenko. Youchtchenko n’a pu rester au pouvoir que le temps d’un mandat avant d’en être de nouveau chassé par Ianoukovitch aux élections suivantes. Aujourd’hui, la place de l’Indépendance de Kiev (Maïdan nézalejnosti) est à nouveau remplie de milliers de manifestants qui y campent depuis deux mois dans un village de tentes et de barricades, avec le même but de chasser Ianoukovitch. Le mot “Maïdan” fait depuis partie du vocabulaire politique en tant que symbole de contestation, cette fois sous l’appellation “Yevromaïdan” (place de l’Euro).
Le facteur déclencheur du mouvement a été la décision prise le 21 novembre par le parlement ukrainien de ne finalement pas signer l’“accord d’association” avec l’Union européenne qui aurait dû être signé fin novembre lors d’un sommet européen en Lituanie. Cet accord n’était pas une invitation pour l’Ukraine à rejoindre l’Union européenne – dans le climat économique actuel, l’UE peut sans doute encore se permettre d’intégrer l’un ou l’autre petit pays d’Europe de l’Est (comme la Croatie), mais certainement pas l’Ukraine, qui est à la fois le troisième pays le plus pauvre du continent européen tout en étant le plus grand par sa superficie sur le continent et celui qui a la cinquième plus grande population du continent (Russie exceptée). (Les seuls pays du continent européen à être plus pauvres que l’Ukraine sont la Moldavie, la Géorgie et l’Arménie, dont les PIB par habitant sont à rapprocher de ceux du Ghana et du Pakistan ; le PIB par habitant de l’Ukraine est d’à peine 5100 €, équivalent à celui de l’Algérie ; à titre d’exemple, le PIB par habitant de la France est de 25 000 € ; celui du Kazakhstan est de 9500 €, celui de la Roumanie, 8900 €). Cet accord d’association avait pour but d’encourager l’Ukraine à adopter les soi-disant “valeurs européennes” de “démocratie“ et de “justice”, et surtout à aller vers un accord de libre-échange entre ce pays et le reste de l’Europe.
Selon le premier ministre du moment, Mykola Azarov (qui a été viré en janvier dans une tentative de satisfaire les revendications des manifestants), la décision de reporter la signature de l’accord d’association aurait été prise à la suite d’une lettre du FMI qu’il aurait reçue le 29 novembre, dans laquelle le FMI détaillait les conditions pour le remboursement des emprunts effectués pour sauver l’économie du pays en 2008 et 2010. Selon Azarov, « Les termes consistaient en une hausse du prix du gaz et du chauffage pour la population d’environ 40 %, la promesse de geler le salaire minimum de base au niveau actuel, une importante réduction des dépenses budgétaires, la diminution des subsides sur l’énergie, et la suppression graduelle des exemptions de TVA pour l’agriculture et d’autres secteurs ». Il se plaignait donc du fait que, alors que l’UE fait beaucoup de promesses en parlant des avantages futurs pour l’économie du pays, elle n’est jamais là quand on a besoin d’elle aujourd’hui.
Depuis le début de la crise mondiale, l’Ukraine s’est trouvée dans une situation économique effarante. Entre 2008 et 2009, le PIB est tombé de 15 %, et ne s’est pas relevé depuis. Le chômage officiel est passé de 3 % à 9 % – un chiffre qui sous-estime de beaucoup la situation réelle. La situation désespérée dans laquelle vivent de nombreux Ukrainiens explique pourquoi le mouvement a pris une coloration si pro-européenne, du moins dans ses premiers stades. Beaucoup de personnes, surtout parmi la jeunesse, considèrent l’Union européenne en tant que havre de richesse et de liberté, surtout comparée à l’autre puissance voisine – la Russie. Il suffit de regarder le salaire moyen pour comprendre cela : il est de 250 € par mois en Ukraine (et plus bas dans l’ouest du pays que dans l’est), alors qu’en Pologne, pays européen voisin de l’Ukraine, le salaire moyen est le double.
Lorsqu’ils ont appris que c’est à cause de la pression russe que la signature de cet accord avec l’UE avait été annulée, les étudiants sont descendus dans les rues de l’ouest du pays. À Lviv, la plus grande ville de l’ouest, les revendications étaient très larges : à côté de ceux qui exigeaient du gouvernement la signature de l’accord, on en voyait d’autres qui tenaient des pancartes demandant la fin du contrôle des entrées et sorties et du couvre-feu dans les résidences universitaires (les portes sont généralement fermées à partir de 22 heures).
Le tir à la corde Est-Ouest
La question nationale était déjà bien présente lors de la révolution orange, et continue à jouer un rôle extrêmement important dans le Yevromaïdan. Il y a de fortes divisions entre l’ouest du pays, ukrainophone, et l’est, russophone et beaucoup plus industrialisé. Mais la division linguistique s’est changée en une âpre lutte où tous les coups sont permis, exacerbée par les différentes puissances impérialistes afin de tirer des profits de l’exploitation de l’Ukraine et d’accroitre leur avantage géopolitique. Avant l’éclatement du Yevromaïdan, les puissances occidentales étaient prêtes à faire des concessions au gouvernement ukrainien uniquement parce qu’elles voudraient pouvoir utiliser ce pays en tant qu’“État tampon” afin de restreindre l’influence de la Russie. La Russie veut quant à elle maintenir son influence et utilise l’aide qu’elle fournit au pays afin de renforcer sa position.
Le président Ianoukovitch est généralement considéré comme étant pro-russe mais, depuis son retour au pouvoir en 2010, s’est montré extrêmement pragmatique dans ses relations entre les différentes puissances. Sa première visite officielle après sa réélection était à Bruxelles, où il a affirmé que l’Ukraine ne remettrait pas en question son affiliation au programme d’extension de l’Otan. Juste après, il s’est rendu à Moscou afin d’y promettre de restaurer les bonnes relations entre l’Ukraine et la Russie. Il a cependant résisté à toutes les tentatives de Vladimir Poutine de faire entrer l’Ukraine dans son “union douanière eurasienne” qui inclut la Russie, le Bélarus et le Kazakhstan. Jusqu’à sa décision choc fin 2013, Ianoukovitch semblait être fort enthousiaste au sujet de cet accord d’association.
Au fur et à mesure que la date de signature se rapprochait, la Russie a commencé à imposer de plus en plus de restrictions au commerce. Le volume des échanges entre les deux pays a décru de 11 % en 2012, et encore de 15 % en 2013. Le volume des échanges entre l’Ukraine et l’UE équivaut à peu près à celui avec la Russie, mais vu l’état de l’économie européenne, l’Ukraine n’a pas pu accroitre ses échanges avec l’UE afin de compenser ses pertes avec la Russie. La proposition d’aide européenne, d’un montant de 1,8 milliards d’euros sur dix ans, n’était clairement pas suffisante. De plus, la Russie utilise ses gazoducs à travers l’Ukraine en tant qu’argument supplémentaire.
Cela semble à présent difficile à croire, mais les premières journées du Yevromaïdan se sont déroulées dans une ambiance véritablement festive. Beaucoup d’étudiants considéraient cela comme un grand pique-nique ; ils disaient ne pas vouloir soutenir l’un ou l’autre parti politique. Lors du grand rassemblement du 24 novembre, les discours des principaux partis d’opposition ont fait l’effet de pétards mouillés. La foule scandait « À bas les bandits » – c’est-à-dire, Ianoukovitch et sa clique. Les quelques nationalistes qui cherchaient à provoquer des divisions en huant les “Moskali” (insulte envers les personnes d’ethnie russe) restaient isolés.
Tout cela a changé assez rapidement, début décembre, lorsqu’un orateur du parti d’extrême-droite Svoboda (“Liberté”) a demandé qu’un stand installé là par un syndicat indépendant soit enlevé. Cela a été le signal pour une bande de voyous d’extrême-droite d’attaquer les syndicalistes, brisant même les côtes de l’un d’entre eux.
L’“opposition” politique
Dès le départ trois personnalités, représentant la coalition des partis d’opposition au parlement, ont été le visage de la contestation. Arseni Yatseniouk représente le parti de l’ancienne première ministre (en prison) Ioulia Tymochenko, autrefois surnommée la “princesse du gaz” lorsqu’elle se faisait une immense fortune en contrôlant la plupart des importations de gaz venant de Russie. Elle était un des principaux dirigeants de la révolution orange ; mais une fois au pouvoir, son gouvernement a suivi une ligne économique basée sur un mélange de pro-européanisme et de néolibéralisme, avec une vague sauce populiste très modérée. Le second leader est Vitaliy Klytchko, champion du monde de boxe, dont le parti Oudar (“Coup”) veut l’intégration à l’Union européenne et est lié au Parti populaire européen, le bloc des chrétiens-démocrates (centre-droite) au parlement européen.
La troisième figure de proue est Oleh Tiahnybok, du parti “Liberté”, qui a 37 sièges au parlement et contrôle le gouvernement local dans trois régions. Il s’agit d’un parti d’extrême-droite voire, selon certains, néofasciste. Jusqu’en 2004, ce parti utilisait la svastika comme symbole. Tiahnybok lui-même voue une haine virulente envers toute la gauche, et justifie la collaboration de certains Ukrainiens avec Hitler pendant la Seconde Guerre mondiale comme ayant été nécessaire afin de « nettoyer l’Ukraine des éléments impurs tels que les Moskali, les Allemands et les Juifs ». “Liberté” tente aujourd’hui de modérer son image pour des raisons électorales, mais joue un rôle de plus en plus dangereux dans le Yevromaïdan, aux côtés de groupes encore plus répugnants, tels que l’union de partis et hooligans fascistes “Secteur droite” (Pravyï sektor).
À la suite du refus de signer l’accord d’association, Ianoukovitch a été forcé de voyager partout dans le monde pour y chercher des fonds. Bien que la Chine ait signé des accords commerciaux d’une valeur totale de 5,6 milliards d’euros, elle est apparue peu encline à apporter une aide directe à l’Ukraine. La Russie a par contre accepté un prêt de 10 milliards d’euro, en plus d’une réduction du prix du gaz naturel de 33 %, bien que cet accord pourrait être fortement remis en question si Ianoukovitch quittait le pouvoir. Tout en aidant l’Ukraine à éviter la faillite sur sa dette dans l’immédiat, l’économie, après trois mois de manifestations permanentes, reste dans un état désespéré.
Une violence étatique croissante
Au moment où cet accord avec la Russie a été conclu, la situation avec le Yevromaïdan échappait déjà à tout contrôle. Les forces de l’État, en particulier la police anti-émeutes, ont tenté d’interrompre le mouvement en attaquant la place de l’Indépendance le 30 novembre à 4 heures du matin (sous prétexte de faire de la place pour pouvoir y ériger le grand sapin de Noël), blessant grièvement plusieurs personnes. Le lendemain, des centaines de milliers de manifestants ont débarqué en guise de réponse à cette attaque par la police, et la contestation n’a cessé de croitre tout au fil de la semaine. La nature des revendications a changé. La signature de l’accord d’association européen est passée au second plan, tandis que de plus en plus de gens réclamaient la démission du président et du gouvernement, et des élections anticipées. Divers groupes se sont mis à occuper des bâtiments administratifs. Même la présidence a été assiégée. Les groupes de droite ont commencé à organiser des milices et des groupes de défense.
L’ampleur renouvelée de la contestation a causé une crise catastrophique au régime. En recourant à la répression, il n’avait fait que provoquer encore plus de colère. Incapable de calmer les manifestants, le gouvernement a voté douze lois le 16 janvier, qui ont été surnommées les “lois dictatoriales”. Ces lois, si elles étaient appliquées, feraient de l’Ukraine un pays aussi répressif que les régimes autoritaires de Russie, du Bélarus et du Kazakhstan. Toute activité “extrémiste” (ce dernier terme n’étant pas défini dans la loi afin de demeurer à la libre interprétation de la police ou des juges) pourrait désormais mener à trois ans de prison ; l’occupation des bureaux administratifs, à cinq ans. Les organisations qui reçoivent de l’argent de l’extérieur seraient à présent considérées comme des “agents étrangers” ; il est interdit de porter des masques, et l’accès à internet a été restreint. La police et les autres agents de l’État reçoivent en outre l’immunité pour tout crime perpétré à l’encontre de manifestants.
Ces lois ont évidemment mené à une nouvelle vague de contestation redoublée. Non seulement la manifestation du week-end qui a suivi l’adoption de ces lois était forte de 200 000 personnes, mais les manifestants les plus radicaux, principalement d’extrême-droite, ont renforcé leur occupation des sièges gouvernementaux. Un groupe fasciste nommé Assemblée nationale ukrainienne – Autodéfense ukrainienne (Oukrayinska Natsionalna Asamléya – Oukrayinska Narobna Samooborona) appelle même maintenant à prendre les armes contre le gouvernement. Partout des rumeurs circulaient selon lesquelles des tanks marchaient sur la ville. La femme d’un policier a révélé à la presse que la police anti-émeutes avait reçu l’ordre d’évacuer leurs familles. La police anti-émeutes a commencé à utiliser des canons à eau, alors que la température est de -10°C.
Mais Ianoukovitch a été le premier à céder. Le 24 janvier, il a commencé à laisser entendre que ses lois dictatoriales allaient être amendées. Quatre jours plus tard, le premier ministre Azarov a proposé sa démission, provoquant dans la foulée la chute du gouvernement. Le régime a utilisé la promesse d’annuler les lois dictatoriales si seulement les manifestants voulaient bien tout d’abord quitter les bâtiments occupés. Ianoukovitch a proposé de former un gouvernement de coalition qui comprendrait Yatseniouk et Klytchko. Il ne fait aucun doute que ces deux-là étaient tout à fait prêts à aller s’installer dans leurs fauteuils ministériels, mais sous la pression des éléments plus radicaux, ils ont été contraints de refuser cette offre, déclarant que la seule option possible pour eux est un “gouvernement du Maïdan” après la démission de Ianoukovitch et de nouvelles élections.
La confusion politique à gauche
Si des élections étaient organisées aujourd’hui, les partis de Yatseniouk et de Klytchko recevraient un bon nombre de voix. Mais leur volonté de collaborer avec Svoboda (“Liberté”) pourrait bien également amener l’extrême-droite au gouvernement. Les dirigeants de l’opposition bourgeoise se sont pris à leur propre piège. Klytchko en particulier, qui se présente comme un véritable Européen et vit d’ailleurs en Allemagne, a cédé face à la pression de l’extrême-droite. Il commence maintenant tous ses discours sur la place de l’Indépendance avec le slogan fasciste “Gloire à l’Ukraine”, auquel la foule répond “Gloire aux héros”.
Ces évènements ont mené à un renforcement apparent du soutien pour Svoboda et pour le Secteur droite. Les causes de tout ceci sont cependant en grande partie à chercher du côté de la gauche, en grande partie responsable. Nommément, le plus grand parti de “gauche” dans le pays, le Parti communiste, a 32 sièges au parlement. Mais, qui l’eût cru, dès que les manifestations ont commencé, son groupe parlementaire a déclaré qu’elle cesserait de demander la démission du gouvernement. Le PC a entièrement soutenu les lois dictatoriales, et s’est plaint du fait qu’elles aient été en partie annulées.
Le PC mène sa politique non en fonction de ce qui servirait au mieux les intérêts de la classe des travailleurs ukrainienne, mais afin de servir les intérêts géopolitiques de la Russie. Tandis que le dirigeant communiste Piotr Simonenko critique l’UE et les États-Unis pour leur scandaleuse intervention directe dans le Maïdan, il dit que l’Ukraine devrait rejoindre l’union douanière russe. Les sections régionales de ce parti ont même tenté d’organiser des manifestations sur ce thème. Cette position, bien sûr, ne fait que renforcer les arguments de l’extrême-droite dans son attaque de la gauche en général, comme quoi elle voudrait abandonner l’indépendance de l’Ukraine afin de satisfaire les intérêts de l’impérialisme russe.
La gauche “anti-système” – celle qui n’est pas représentée au parlement – ne vaut guère mieux. Il ne fait aucun doute que, depuis le début de la révolution orange, la principale caractéristique du pays a été un conflit entre les intérêts des différentes section de la bourgeoisie ukrainienne. Et cela continue aujourd’hui. Parmi les oligarques, ceux qui sont en faveur de l’Occident sont en général ceux qui possèdent des entreprises dans l’industrie légère et les services, tandis que ceux qui investissent dans l’industrie lourde sont plutôt en faveur de la Russie.
Cependant, comme cela s’est produit avec certaines sections des forces de sécurité et de l’appareil d’État, il y a des signes qui montrent que certains des oligarques misent sur les deux tableaux. Même l’homme le plus riche d’Ukraine, Rinat Akhmetov, qui a toujours soutenu la présidence Ianoukovitch, a condamné l’usage de la violence contre les manifestants, même s’il est ensuite “repassé” au camp Ianoukovitch. Le troisième homme le plus riche du pays, Dmytro Firtash, dont la plus grande partie de la fortune provient du commerce avec la Russie, serait le principal sponsor du parti Oudar mené par Klytchko. Petro Poroshenko, quatrième fortune ukrainienne, est intervenu sur le podium place de l’Indépendance pour demander que l’accord européen soit signé immédiatement. Ses intérêts sont assez clairs : son usine de chocolats Roshen a été la principale victime des sanctions mises en place par la Russie contre l’Ukraine en 2013.Toute une couche de la gauche anti-système tire la conclusion de ceci que l’ensemble de l’expérience du Maïdan n’est que le résultat d’une simple lutte d’intérêts entre oligarques, sans comprendre en profondeur l’ampleur de la colère de tous ceux qui participent, une colère surtout alimentée par le désespoir sur le plan économique et par la haine envers un gouvernement de plus en plus autocratique. Pour les groupes de gauche issus d’une tradition “communiste”, « ce n’est pas notre lutte ». En particulier, ils ne voient pas d’autres facteurs impliqués dans ce mouvement que l’influence de l’extrême-droite. Par exemple, le groupe Borotba (“La Lutte”), qui a pourtant une position correcte sur la plupart des questions, a décidé d’occuper les bureaux de l’administration à Odessa (une ville essentiellement russophone) afin d’empêcher la section locale de Svoboda de s’en emparer. Même si ses actions sont compréhensibles, ce groupe n’a pas offert la moindre alternative par rapport au Maïdan ou à Ianoukovitch, à part quelques phrases d’ordre général. Car pour faire cela, il est nécessaire de toucher à la question nationale.
Une autre section de la gauche anti-système considère que Ianoukovitch est un fasciste. Pour elle, tout refus de lutter, puisque cela est impossible sans collaborer avec les forces d’extrême-droite, mènera à la victoire du régime fasciste, ce qui signifie qu’il serait dès lors impossible de former la moindre organisation indépendante telle que des syndicats ou des partis politiques indépendants. Son intervention dans le mouvement n’a pas non plus cherché à proposer une alternative, et elle se retrouve donc à suivre les dirigeants de l’opposition pro-capitalistes.
Le soutien pour l’extrême-droite
Bien que le soutien pour les groupes d’extrême-droite semble s’être accru au cours de ce mouvement, il ne bénéficie pas d’une base stable. Svoboda n’est parvenue à remporter des succès qu’en cachant sa véritable nature aux yeux des masses. Il n’y a pas si longtemps encore, Svoboda critiquait tout discours visant à favoriser l’intégration à l’Europe en tant que « acceptance du cosmopolitanisme, de l’empire néolibéral qui mènera à la perte totale d’identité nationale avec la légalisation du mariage homosexuel et l’intégration d’immigrés venus d’Afrique et d’Asie dans une société multiculturelle ». Trois jours à peine après le début du Yevromaïdan, la section de Lviv de Svoboda organisait une marche au flambeau avec des drapeaux suprématistes blancs en solidarité avec l’Aube dorée grecque. Mais tellement de gens étaient dégoutés par de telles positions, que Svoboda a dû temporiser la plupart de ces interventions. Le Secteur droite, par contre, ne cache pas sa position. Pour lui, l’Union européenne est « une structure anti-chrétienne, anti-nationale, dont le vrai visage est celui de défilés gays et d’émeutes ethniques, avec la légalisation des drogues et de la prostitution, des mariages homos, l’effondrement de la moralité et un véritable déclin spirituel ».
Certains parmi les manifestants qui suivent les nationalistes disent qu’ils le font non pas parce qu’ils soutiennent les idées des nationalistes, mais parce que ce sont eux qui organisent le mouvement. Un tel soutien n’est pas fait pour durer. D’ailleurs, selon au moins trois sondages d’opinion effectués en janvier, le soutien envers Svoboda a drastiquement chuté depuis les dernières élections. Malheureusement, la simple présence de l’extrême-droite donne de plus au régime une arme de propagande très puissante qu’il utilise dans l’est du pays, où pour une vaste majorité de la population, l’idéologie fasciste est toujours associée aux horreurs de la Seconde Guerre mondiale.
La grande faiblesse du mouvement actuel, qui était d’ailleurs tout aussi présente lors de la révolution orange, est le manque d’une alternative claire de gauche et pro-travailleurs, capable de donner au mouvement un véritable caractère révolutionnaire. Depuis qu’il a commencé en novembre, nombre de ses participants ont exprimé leur opposition à l’ensemble des partis politiques existant. Ce n’est que dans pareil vide que l’extrême-droite est capable de se tailler la position qu’elle occupe à présent. Si une véritable force de gauche avait existé et était intervenue de manière décisive dans ces évènements, les choses en auraient été tout autrement.
Le rôle du mouvement des travailleurs
Cette nécessité d’une alternative de gauche est démontrée par la crise économique qui se prolonge. L’Ukraine est déjà en récession depuis 18 mois et, bien que la banque centrale ukrainienne ait mis en place un plan de soutien de la monnaie nationale (la hryvnia) pour un montant de 1,4 milliards d’euros en janvier, son cours a quand même chuté de 10 % en novembre. Pour les économistes, le pays se trouve face au risque imminent d’un nouveau défaut de paiement. Ni l’alliance avec l’Union européenne, ni rejoindre l’union douanière russe ne pourront sortir l’Ukraine de l’abysse.
Il est clair que le gros de la lutte devrait concerner les salaires et les conditions de travail. On voit Ianoukovitch faire le tour du monde à la recherche d’un prêt de 10 milliards d’euros pour sauver l’économie, alors que son ami Akhmetov possède déjà cette somme sur son compte en banque. L’industrie et les banques ukrainiennes doivent être nationalisées afin que les ressources du pays puissent être utilisées dans l’intérêt de tous ses citoyens et non pour les profits de quelques oligarques. Si elle faisait cela, l’Ukraine n’aurait plus à se tourner sans arrêt vers l’UE ou vers la Russie pour mendier leur aide. Il faut construire de véritables syndicats, capables de mener la lutte pour des conditions de vie décentes pour tous.
Le mouvement ouvrier doit se placer à la tête de la lutte pour les droits démocratiques. Le mouvement actuel a raison d’exiger la démission de Ianoukovitch et d’appeler à de nouvelles élections. Mais tout ce que cela signifierait aujourd’hui serait le retour d’un nouveau gouvernement de coalition avec les mêmes partis qui étaient au pouvoir après la “révolution” orange, en plus de l’extrême-droite de la Svoboda. Il est donc absolument nécessaire que la classe ouvrière s’organise afin de construire son propre parti des travailleurs de masse, un véritable organe indépendant capable de défendre les intérêts de tous les travailleurs dans le pays et de se battre pour le pouvoir politique. Le parlement actuel est dominé par des politiciens qui ne représentent que les intérêts des oligarques. C’est au mouvement ouvrier à diriger la lutte pour aller vers une assemblée constituante à laquelle participeront des représentants des travailleurs, des étudiants, des chômeurs et des pensionnés d’Ukraine, afin d’ensemble décider de quel type de gouvernement ils ont besoin.
Plus important encore, la gauche et le mouvement des travailleurs doit adopter une position claire et sans équivoque sur la question nationale. La division du pays selon des lignes nationales ne bénéficie qu’aux oligarques, aux puissances impérialistes et aux multinationales. Des conditions de travail et des salaires décents, des droits démocratiques et un gouvernement des travailleurs ne peuvent devenir une réalité que si la classe ouvrière est unie dans la lutte.
Il est donc essentiel que la classe ouvrière rejette tous ces politiciens qui veulent vendre le pays à la Russie ou à l’Europe, ou qui voudraient établir un régime basé sur la domination d’une nationalité sur une autre. Un mouvement des travailleurs uni doit accorder tout son soutien au développement de la langue et de la culture ukrainiennes, tout en défendant les droits de ceux qui parlent russe. Tout en soutenant le droit à l’auto-détermination, la gauche doit insister sur la nécessité d’une lutte unie de l’ensemble de la classe des travailleurs ukrainiens.
La population ukrainienne est confrontée à de nombreux problèmes, auxquels les politiciens tels que Yanoukovitch, Klytchko, etc. n’ont pas la moindre solution ; et ce n’est pas le fait de rejoindre la Russie ou l’Europe qui changera quoi que ce soit non plus. L’éventuelle victoire de l’extrême-droite rassemblée autour de Svoboda ou de Secteur droite ne fera que mener l’Ukraine vers les journées sombres des conflits ethniques et de la dictature réactionnaire. La seule issue est la lutte pour l’établissement d’un puissant mouvement uni de tous les travailleurs, associé à un parti des travailleurs de masse, capable de s’emparer du pouvoir. Il faut mettre en place une société socialiste, basée sur la propriété nationalisée de l’industrie, des banques et des ressources naturelles, dans le cadre de la planification démocratique par les travailleurs ; une Ukraine unie, indépendante et socialiste, dans le cadre d’une confédération plus large d’État socialistes.
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Environnement. Pénurie énergétique et changement climatique : Il faut une planification socialiste pour les énergies alternatives
Un spectre hante le monde – le spectre du changement climatique irréversible. Mais en même temps, le monde est saisi d’une soif désespérée d’énergie. Chaque année, nous générons et utilisons de plus en plus, produisons de nouveaux produits, tandis que les habitants des pays riches sont persuadés de jeter leurs vieux produits. Au Royaume-Uni, la consommation d’énergie est restée à peu près constante pendant les 30 dernières années, parce que presque tous nos biens de consommation sont importés. L’énergie qui est nécessaire à la fabrication de ces produits, par exemple, en Chine, est une des raisons pour lesquelles la demande en énergie s’est tellement accrue. Mais la demande en énergie n’est pas simplement un besoin de l’“Occident avide”.
Par Geoff Jones, Socialist Party of England and Wales (CIO-Angleterre et Pays de Galles)
Au fur et à mesure que les travailleurs des pays en voie de développement s’organise et obtiennent le droit à la parole, ils demandent eux aussi le droit de pouvoir posséder tous ces biens que nous tenons pour indispensables à la vie : des frigos, des lampes électriques, des radiateurs ou climatiseurs.
La construction de routes, de chemins de fer, de logements décents, tout cela demande de l’énergie, même si de nouvelles technologies permettent aujourd’hui de ralentir la croissance de cette demande – par exemple, l’utilisation de téléphones portables nous épargne la nécessité de mettre en place un réseau de câbles téléphoniques ; les ampoules LED consomment beaucoup moins que les ampoules incandescentes traditionnelles.
La concentration de dioxyde de carbone et autres gaz à “effet de serre” dans l’atmosphère terrestre augmente de plus en plus. Cette augmentation de leur concentration va mener à une hausse de la température mondiale, dont les conséquences pourraient être catastrophiques pour l’humanité. 87 % de notre énergie dans le monde est produite en brulant des carburants fossiles non-renouvelables – essentiellement le pétrole, le gaz et le charbon –, ce qui génère du dioxyde de carbone.
Au Royaume-Uni, la proportion est presque la même, bien que le gouvernement Con-Dem se soit engagé à ce que 15 % (à peine) de notre énergie provienne de sources d’énergie renouvelables d’ici 2020. Une telle politique qui finalement ne mène à aucun changement, ne peut que nous conduire à la catastrophe.
Les sources d’énergie aujourd’hui
Aujourd’hui, la plupart de notre énergie est produite par de grosses multinationales dont le seul but est une offre sur le court terme et de super profits.
Pour extraire le pétrole, ils passent des contrats avec les seigneurs féodaux du Moyen-Orient, et ils transforment des terres agricoles en déserts pollués. Ce n’est que lorsque la pollution causée par l’extraction du pétrole apparait plus proche de chez eux, comme on l’a vu avec la catastrophe du golfe du Mexique, que les multinationales pétrolières (essentiellement américaines) affichent un tant soit peu de repentir – mais ça ne dure jamais qu’un bref moment.
Cela fait une génération que l’offre mondiale de pétrole est dominée par les dictatures du golfe Persique. L’Arabie saoudite produit ainsi à elle seul le dixième des exportations de pétrole. Cherchant désespérément d’autres sources, les compagnies pétrolières bâtissent des plate-formes pétrolières en haute mer qui forent de plus en plus profond et dans des zones de plus en plus dangereuses.
L’ironie suprême est que le réchauffement climatique lui-même cause la fonte des glaces polaires, ce qui ouvre tout d’un coup l’accès aux immenses gisements de pétrole et de gaz de l’Arctique, ce qui ne peut avoir pour conséquence qu’une hausse encore plus catastrophique de la température mondiale.
L’exploitation à ciel ouvert des sables bitumineux du nord du Canada, qui est un procédé extrêmement polluant et inefficace, fournit malgré tout 20 % des importations de pétrole américaines. À présent, il y a un projet de démarrer une exploitation qui créera dans le nord du Canada un désert toxique de la taille de l’Arabie saoudite, qui amènera ensuite le pétrole sur la côte Pacifique à l’ouest afin qu’il puisse y être acheminé vers la Chine. Ce projet a déjà provoqué de nombreuses manifestations.
Certains “biocarburants” sont une source alternative d’énergie, mais leur culture implique la destruction d’immenses superficies de forêt tropicale en Amérique latine et la reconversion de terrains aux États-Unis et ailleurs uniquement pour la production de maïs, à fins de biocarburant. Toutes ces terres pourraient à la place être employées pour cultiver des vivriers.
Après le pétrole, le gaz naturel est la deuxième plus grande source d’énergie du Royaume-Uni ; dans le monde, ce combustible est troisième derrière le charbon et le pétrole. Dans les années ’80 et ’90, les Tories ont utilisé les champs de gaz de la mer du Nord pour restaurer leur économie capitaliste en faillite. À présent ces gisements sont presque épuisés. En 2011, les importations de gaz ont excédé la production nationale pour la première fois.
Dans le reste du monde, la production continue de s’accroitre, mais les réserves ne sont évidemment pas inépuisables. En outre, rien ne permet d’empêcher les exportateurs d’augmenter leurs prix sans prévenir (comme l’Opep, Organisation des pays exportateurs de pétrole, l’avait fait en 1973 en décidant subitement une hausse de +70 %), ou d’éviter de couper totalement leurs fournitures énergétiques, comme la Russie l’a fait subir à l’Ukraine en 2009 en coupant le “robinet à gaz”.
La nouvelle panacée serait à présent la “fracturation hydraulique” – un forage profond dans les couches de schiste géologiques pour en extraire du gaz. Au Royaume-Uni, les ministres Con-Dem ont sauté sur cette occasion pour permettre aux firmes privées de foncer sur ce nouveau créneau, même après qu’une première expérience ait déclenché des séismes mineurs et ait révélé un véritable risque de pollution des eaux souterraines.
Les Tories parlent de gaz “bon marché”, mais le gaz qui sera ainsi produit sera vendu sur le marché mondial ; donc son prix sera aligné sur le prix mondial. De toute manière, un récent rapport indique que le cout de l’extraction par fracturation hydraulique serait plus élevé que le prix mondial actuel du gaz.
Enfin, il y a le charbon. La Chine est le plus grand producteur de charbon mondial. Elle extrait trois fois plus de charbon que les États-Unis et six fois plus que l’Inde, qui sont les deux autres plus grands producteurs mondiaux. Depuis que les Tories ont détruit l’industrie charbonnière britannique dans les années ’80, le Royaume-Uni est contraint d’importer deux fois plus de charbon que ce qu’il en produit.
À l’échelle mondiale, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) prédit, sur base des tendances actuelles, que le charbon sera la plus grande source d’énergie mondiale d’ici 2020, et que si cette tendance continue, le climat mondial connaitrait une hausse de température de 6°C d’ici 2100.
L’énergie nucléaire, qui était généralement considérée il y a 50 ans comme une source d’énergie bon marché et non-polluante, a depuis longtemps perdu de son aura. Les réacteurs nucléaires, utilisant des systèmes conçus pour produire des armes nucléaires, laissent derrière eux des montagnes de déchets radioactifs hautement dangereux.
Au centre de traitement des déchets nucléaires de Sellafield, en Angleterre, le stock de déchets radioactifs est égal en volume à 27 piscines olympiques, et les autorités n’ont aucune idée de quoi faire avec ! (ce serait déjà bien s’ils savaient où se trouve l’ensemble des déchets). On pourrait construire des systèmes qui produisent moins de produits dangereux mais, à nouveau, les gouvernements et les entreprises privées ne sont pas désireux de financer les investissements sur le long terme que cela implique.
Pendant ce temps, la possibilité de systèmes efficaces et non-polluants tels que la fusion nucléaire (plutôt que la fission) semble n’avoir été qu’un mirage, qui s’éloigne au fur et à mesure qu’il parait plus proche.
La capture du carbone ?
Le charbon, le pétrole et le gaz requièrent des procédés de plus en plus chers, dangereux et polluants pour leur extraction, tout en continuant à relâcher de plus en plus de gaz à effet de serre. Les émissions mondiales de dioxyde de carbone sont passées de 20 gigatonnes par an en 1990 à près de 30 gigatonnes par an aujourd’hui. Neuf gigatonnes sont produits par les seules centrales électriques au charbon.
Le changement climatique ne peut plus être empêché, mais il pourrait être ralenti en capturant une partie du dioxyde de carbone émis et en le stockant quelque part. Mais cela voudrait dire un investissement considérable dans la recherche afin de développer des systèmes adéquats ; cela couterait de l’argent et nuirait aux bénéfices des compagnies énergétiques. Les gouvernements parlent de la nécessité de capturer et stocker le carbone, mais il faut beaucoup plus de recherches ; aussi, le nombre d’installations à capture du carbone actuellement opérationnelles est minuscule si on le compare à l’ampleur du problème.
Il y avait dans le monde en 2011 seize installations à grande échelle de capture du carbone, qui toutes ensemble ne capturaient qu’un millième du carbone généré à l’échelle mondiale. Il est prévu d’en construire plus (surtout en Chine), mais dans de nombreux cas, les investissements gouvernementaux se font longtemps attendre.
Au Royaume-Uni par exemple, l’installation de capture de carbone de Longannet, qui devait capturer environ 1,5 mégatonnes de carbone par an, n’a finalement jamais vu le jour, parce que les propriétaires espagnols de Scottish Power et le gouvernement Con-Dem ne sont pas parvenus à se mettre d’accord sur le financement du projet.
Bien que Ed Davey, secrétaire d’État à l’énergie Con-Dem, aime discourir à longueur de temps sur les “formidables opportunités” qui se présentent dans l’industrie de la capture de carbone, il n’y a en ce moment que très peu de recherches effectuées, et aucune installation de capture de carbone à grande échelle n’existe au Royaume-Uni.
Il existe une alternative
Il existe pourtant une alternative à l’accroissement indéfini de l’utilisation de carburants fossiles. En fait, en novembre 2009 déjà, dans un article paru dans la célèbre revue américaine Scientific American, on démontrait que simplement en utilisant la technologie dont nous disposons déjà à l’heure actuelle, il serait possible de satisfaire toute la demande mondiale en énergie, en utilisant des sources d’énergie renouvelables et non-polluantes. Quelles sont ces sources ? Essentiellement les énergies solaire, éolienne, et hydraulique.
L’énergie solaire, générée par des panneaux photovoltaïques, est déjà familière. On la voit un peu partout, sur les calculatrices de poche et sur les toits des maisons. La baisse de cout extrêmement rapide des matériaux nécessaires pour la fabrication des panneaux photovoltaïques rend aujourd’hui possible et compétitive la génération d’énergie solaire à une échelle industrielle.
En Californie par exemple, près de 2 gigawatts d’énergie solaire ont été installés. Cela est d’une part réalisé par des “fermes solaires”, champs de panneaux solaires à grande échelle, et d’autre part, par les nombreuses installations sur les toits des maisons et des entreprises, qui subviennent ainsi à leurs propres besoins.
Cette “génération d’énergie distribuée” a aussi le grand avantage de fortement diminuer le cout du transport de l’électricité. De tels plans ont été adoptés en Allemagne, et c’était également un des objectifs du dernier gouvernement britannique, qui voulait créer une “taxation adaptée” afin d’encourager les firmes solaires britanniques (mais ce plan est passé à la trappe sitôt les Con-Dem au pouvoir).
Bien sûr, la Californie est un cas particulier, vu qu’elle jouit d’un climat idéal, et de centaines d’hectares de désert ; mais l’idée des fermes solaires est reprise sur d’autres continents. Au Ghana par example, un projet d’installation solaire devrait fournir 155 mégawatts – 6 % de la demande énergétique ghanéenne.
Aussi, un immense projet appelé “Desertec”, vise à satisfaire 15 % de la demande énergétique européenne à partir de fermes solaires en Afrique du Nord, acheminée par des câbles sous la Méditerranée. Mais ce projet rencontre beaucoup de critiques. Au premier rang, les Africains qui se demandent pourquoi ils devraient envoyer toute cette électricité en Europe, quand eux-mêmes en ont tellement besoin. Mais il reste tout de même que ce projet démontre que la génération d’énergie solaire à grande échelle est possible.
L’énergie éolienne est devenue la source d’énergie renouvelable la plus diabolisée. Mis à part les mythes selon lesquels les champs éoliens en haute mer terroriseraient les dauphins et tueraient les oiseaux migrateurs, l’énergie éolienne est souvent décrite comme inefficace et chère. En réalité, tout cela est faux.
Une récente étude effectuée par un groupe de recherche très respecté, Cambridge Econometrics, a démontré qu’il est possible d’installer des turbines éoliennes en haute mer qui satisferaient à un quart de la demande énergétique britannique à un cout modique, à peine plus que le cout équivalent d’utilisation de gaz équivalent, tout en créant des dizaines de milliers d’emplois dans le secteur de la construction.
Il faut, il est vrai, des systèmes de stockage de l’énergie pour s’assurer de la fourniture au cas où il n’y a ni vent, ni soleil, mais cela peut être fait.
On entend aussi l’argument comme quoi le régime des vents n’est pas fiable. Moins que les oligarques russes et les sultans arabes ?
L’énergie hydraulique, qui utilise des turbines actionnées par l’eau stockée dans de grands réservoirs (lacs de barrage), est la plus ancienne forme d’énergie renouvelable.
Aux États-Unis dans les années ’30, l’Autorité de la vallée du Tennessee a été instituée en tant qu’agence fédérale hydraulique – suscitant une vive critique de la part des compagnies énergétiques – afin de fournir des emplois et une électricité à bon marché grâce à un réseau d’immenses barrages. En Chine, le barrage des Trois Gorges, qui traverse le fleuve Yangtzi, devrait fournir 22,5 gigawatt. Mais ce barrage a déplacé 1,3 millions d’habitants, et causé de graves dégâts écologiques.
D’un autre côté, l’énergie océanique et marémotrice est une immense ressource mais qui est complètement négligée, surtout si on parle d’une nation insulaire telle que le Royaume-Uni.
En Europe, il n’existe qu’une seule installation marémotrice à grande échelle, celle de l’estuaire de la Rance, en France, qui fonctionne depuis 1966, et génère 240 mW. Mais des projets grandioses tels que celui du barrage maritime de l’estuaire du Severn, censé produire 5 % des besoins énergétiques britanniques, ne sont sans doute pas la meilleure option. Une majorité de l’industrie de la construction pourrait se voir engagée dans ce projet pendant des années, et il pourrait avoir des conséquences environnementales imprévisibles. D’un autre côté, un réseau de générateurs marémoteurs tel que proposé par l’ONG Friends of the Earth, produirait tout autant d’énergie pour beaucoup moins de dégâts écologiques.
Enfin, le développement de générateurs utilisant l’énergie des vagues (ou houlomotrice) est complètement ignorée par le gouvernement et par les entreprises énergétiques.
En fait, dans l’ensemble, très peu d’intérêt est affiché par les gouvernements et les multinationales de l’énergie partout dans le monde pour le développement de systèmes non-polluants.
Bien que la recherche dans de nouvelles technologies encore inconnues puisse offrir des solutions encore plus efficaces dans le futur, et devrait d’ailleurs être financée comme il le faut, il est urgent de s’occuper de ce problème aujourd’hui et maintenant. Au Royaume-Uni, la dépendance obsessive de la part du New Labour et des Tories sur l’industrie privée nous mène droit au pire.
D’un côté, il faut absolument fermer les centrales électriques au charbon qui vomissent des tonnes de dioxyde de carbone dans l’air, d’autant plus étant donné leur âge, vu que que les firmes énergétiques refusent d’investir dans de nouveaux générateurs qui seraient un peu plus propres.
D’un autre côté, nous voyons que les gouvernements ont toujours échoué à maintenir le moindre engagement envers la production d’énergie non-polluante et les économies d’énergie. Ils espèrent pouvoir se baser sur des centrales au gaz, en important du gaze ou en utilisant des procédés polluants et potentiellement très dangereux tels que la fracturation hydraulique.
Quoi qu’il en soit, le prix des combustibles va inévitablement s’accroitre, ce qui veut dire que de plus en plus de gens seront poussés dans la misère de ce fait. Et le chef de l’office de régulation de l’industrie, Ofgen, nous a déjà prédit que dans quelques années, le Royaume-Uni connaitra sans doute des délestages, ce que nous n’avons jamais vu dans le pays depuis la grève des mineurs de 1974.
Que doivent faire les marxistes?
Tout d’abord, nous ne devons pas accorder la moindre confiance au système capitaliste pour nous sortir de la catastrophe qui arrive à grands pas.
Au Royaume-Uni, nous devons réclamer :
- La fin immédiate des essais de fracturation hydraulique.
- La renationalisation du secteur de la production et de la distribution d’énergie, afin de permettre la mise en place d’un plan de capture de carbone, et de nous sortir de l’utilisation de combustibles fossiles aussi rapidement que possible.
- Une reconversion à très grande échelle de l’industrie de la “défense” vers la production de générateurs éoliens et solaires, en nationalisant les grandes compagnies énergétiques quand cela est nécessaire, sans compensation sauf sur base de besoins prouvés.
- Un programme national d’expansion de la “génération énergétique distribuée” sur chaque nouveau bâtiment construit : à chaque logement et chaque entreprise ses panneaux solaires.
- Une expansion massive du système de transport public, en particulier des chemins de fer, afin de réduire la pollution par les véhicules qui circulent sur les routes.
- Un plan massif et public de recherche et de développement dans les systèmes de génération d’énergie marémotrice et houlomotrice.
Dans le monde :
- Les organisations des travailleurs, des peuples indigènes et des militants écologistes doivent s’opposer à tous les plans de développements désastreux tels que l’extraction des sables bitumineux et les plantations de cultures à “biocarburants”.
- Il faut soutenir la lutte des peuples des pays à basse altitude, en particulier d’Asie du Sud-Est et du Pacifique, qui seront contraints à la migration et à l’appauvrissement national à cause de la hausse du niveau de la mer et du changement climatique.
- Il faut se battre pour un plan énergétique international afin de satisfaire aux besoins de l’humanité en utilisant uniquement les énergies renouvelables.
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NON à la violence homophobe ! De nouveaux incidents en Grèce et en Ukraine
En Ukraine, on s’apprêtait à célébrer la Gay Pride ce dimanche 20 mai. C’était sans compter sur la présence de 400 néonazis prêts à en découdre (voir la photo ci-contre), sans que la police ne protège les participants à la Gay Pride. Celle-ci a donc dû être annulée sous la pression de ces brutes bavant de rage. En Grèce, l’organisation néonazie Aube Dorée s’en ait physiquement pris à des immigrés et a prévenu la communauté homosexuelle : ‘‘vous êtes les suivants’’.
- Rubrique LGBT de ce site
Le 12 mai dernier, notre pays a connu une Belgian Lesbian and Gay Pride particulièrement suivie, avec des dizaines de milliers de participants. Après celles-ci, quelques critiques se sont faites entendre concernant le caractère commercial de l’évènement, ou son côté quasiment unilatéralement festif. Le PSL est intervenu à cette occasion en voulant souligner un autre aspect de la Gay Pride : celui de la lutte contre les discriminations et la violence homophobe, son aspect revendicatif. Le récent meurtre du jeune homosexuel Ihsane Jarfi à Liège a encore tout récemment clarifié que cette lute est loin d’être terminée dans notre pays également. Nous avons besoin d’un programme politique qui couple la lutte pour des droits égaux à la lutte du mouvement des travailleurs contre chaque forme de discrimination. Tout ce qui nous divise nous affaiblit ! Nous plaidons pour des manifestations combatives sur ces questions, ce qui peut en outre être un encouragement pour les luttes dans les pays où il est moins évident de défendre son orientation sexuelle.
Homophobie en Ukraine
Deux projets de lois sont actuellement en discussion en Ukraine pour interdire le travail des associations LGBT (Lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels) ou la publication d’articles à ce sujet dans la presse. De lourdes amendes et des peines de prison pouvant atteindre les 5 ans sanctionneront bientôt les militants LGBT.
L’homophobie reste bien ancrée en Europe de l’Est de manière générale. La Russie, la Hongrie, la Moldavie, la Lituanie, et la Lettonie ont déjà instauré des lois homophobes, poussant les LGBT à vivre dans la crainte, à vivre dans la haine. Ces lois contre la "propagande" homosexuelle empêchent tout débat public sur l’homophobie, interdisent les gay pride, et rendent illégale l’éducation sexuelle dans les écoles.
Grèce : les néonazis passent à l’action
En Grèce, dans le contexte actuelle de crise, les militants du parti néo-nazi "Aube dorée" (qui vient de faire son entrée au Parlement) ont distribué des tracts homophobes à Gazi, le quartier gay d’Athènes, sur lesquels on pouvait lire : "Après les immigrés, vous êtes les suivants!" Une menace qui inquiète sérieusement la communauté LGBT puisque le parti néo-nazi est coutumier des ratonnades, et propose par ailleurs avec beaucoup de sérieux la mise en place de champs de mines autours des frontières pour empêcher l’immigration !
La violence contre les militants de l’égalité des droits est aussi en augmentation. En Russie, à Saint-Pétersbourg, le bus des militants gays et lesbiennes qui se rendaient à la Journée Mondiale de lutte contre l’Homophobie a été sauvagement prit d’assaut par des skinheads armés de bâtons. Après avoir brisé les vitres du bus en marche, ces brutes épaisses se sont jetées sur les gays et les lesbiennes piégés à l’intérieur du véhicule. "Nous allons tous vous pendre et vous enterrer", beuglaient-ils alors (voir la vidéo sur le site du Standaard).
Dans ce cadre, le fait que le Parlement européen ait, pour la première fois de son histoire, appelé les pays européens à légaliser la cohabitation et le mariage entre personnes de même sexe est un élément positif. Mais il s’agit d’une résolution non-contraignante, qui sont très très loin de compenser les dégâts de la machine d’austérité européenne, y compris sur le plan des droits des personnes LGBT. Face à la pénurie de moyens pour satisfaire les besoins de la collectivité (en termes d’emplois, de logements, d’accès à l’enseignement,…), et faute de riposte collective face à l’austérité, des organisations d’extrême-droite peuvent se développer en pointant des boucs émissaires. L’exemple de la Grèce indique très clairement que ce danger n’est pas un fantasme.
No passaran !
Chez nous, l’homophobie est largement sous-estimée, notamment dans le monde du travail (voir le tract de la commission LGTB du PSL distribué le premier mai), mais pas seulement. L’horreur de Liège nous le rappelle cruellement (tract du PSL distribué lors de la Belgian Gay and Lesbian Pride). La marche vers l’égalité réelle est encore longue. Les discours de haine et les agressions contribuent a créer une climat de haine, d’intolérance et de violence. Nous revendiquons :
- Pour une éducation sexuelle digne de ce nom (dans les écoles et au travers des médias)
- Pour une réelle égalité des droits.
- Les injures homophobes doivent être combattues au même titre que le racisme ou le sexisme
- Pour une lutte commune des différentes minorités dans le cadre de la lutte globale du mouvement des travailleurs : tout ce qui nous divise nous affaiblit !
- Pour une alternative socialiste démocratique qui assure à chacun un bon avenir, un emploi décent, un logement abordable et des services publics conséquents et gratuits face au capitalisme et sa logique de chômage, de pauvreté, de racisme, de sexisme, d’homophobie et d’exploitation.
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Russie : Anatomie de l'“orangisme”
Les révolutions oranges – ou “colorées” – tirent leur nom de la couleur des drapeaux de l’opposition ukrainienne qui est descendue dans les rues en 2004 contre le régime de Koutchma et la fraude organisée par ce dernier lors des élections présidentielles. Depuis lors, le “péril orange” est devenu le cauchemar de tous les régimes autoritaires de l’espace post-soviétique.
Lev Sosnovski, CIO-Russie
Nous ne partageons pas la position de ceux qui, dans les meilleures traditions conspirationnistes, cherchent les ennemis parmi de puissants services spéciaux étrangers, oubliant au passage le vieux dicton révolutionnaire : ”Le plus grand ennemi est celui qui se trouve dans ton propre pays” ; ni celle de ceux qui tentent d’esquiver l’importance de ces événements via des raisonnements selon lesquels ce qui serait en cours est une révolution “démocratique” ou “démocratique-bourgeoise”.
La parade des dictateurs
Le terme de “révolution démocratique-bourgeoise”, s’il signifie quelque chose, s’emploie essentiellement lorsque l’on parle de la période où la bourgeoisie jouait – ou estimait pouvoir jouer – un rôle, même partiellement progressiste, dans la lutte contre le féodalisme ou ses survivances sous la forme des représentants de la classe féodale qui se trouvaient au pouvoir et de leur bureaucratie qui y était liée. Il va de soi que politiquement parlant, il n’existe plus aujourd’hui dans les pays ex-soviétiques la moindre classe féodale, ni le moindre de ses vestiges. Toutes les révolutions et mouvements de masse de la dernière période – en Géorgie, en Moldavie, en Ukraine, en Kirghizie (deux fois), en Serbie, etc. – se sont développés entièrement et pleinement sur le champ des relations bourgeoises.
La crise de l’économie planifiée bureaucratique et de l’appauvrissement de masse qui en a découlé, qui a amené la “nécessité” de diviser la propriété d’État entre les capitalistes naissants et l’ex-bureaucratie des soviets et du Parti, a engendré un tel flot de conflits économiques, politiques et internationaux que dans l’espace “post-soviétique” – y compris les anciens pays staliniens d’Europe de l’Est – les “fusibles de la démocratie”, pour reprendre les mots de L. Trotski, ont tout simplement brûlé. C’est alors qu’est survenue une demande pour des Bonaparte de divers niveaux de dureté, que la bourgeoisie et la bureaucratie d’État, ayant une riche expérience en la matière, s’est dépêchée de satisfaire en abondance.
C’est ainsi qu’au cours des 15-20 dernières années, nous avons vu défiler la longue série des Milosevic, Shevardnadze, Koutchma, Loukachenko, Akayev, Eltsine, Poutine, etc. Si leur nationalité et leur mode d’arrivée au pouvoir – coup d’État ou élections – varient, leur rôle social est le même : atomiser la classe ouvrière et les “nouveaux pauvres”, tout en expropriant politiquement la bourgeoisie grâce à l’usurpation du mécontentement des masses larges vis-à-vis des actions de la “première vague de privatisateurs”. Ainsi a vu le jour toute une pléiade de dictateurs et de demi-dictateurs, qui présentent aux travailleurs, au lieu de la “thérapie de choc”, un capitalisme “modéré”.
Mais les relations sociales du capitalisme ont leur propre logique. Le bien-être des travailleurs ne croit pas, ou croit trop lentement et de manière disproportionnée par rapport à la croissance économique. Écartés du processus de redistribution des richesses, souffrant de la corruption et perdant la main dans la bagarre avec leurs concurrents plus proches de la bureaucratie, certains groupes de la bourgeoisie commencent à former une Fronde et à exiger la justice, des élections honnêtes et la démocratie. Le pouvoir, après avoir recouvert la société d’une chape de plomb, accumule sous lui-même un matériau si explosif qu’il est capable d’emporter en un clin d’œil toute la vieille superstructure. Et après ?
Le vide à gauche
Constatant la participation au mouvement en Ukraine en 2004 de divers groupes sociaux et politiques – de la bourgeoisie, de la petite-bourgeoisie, de l’intelligentsia, des nationalistes – chacun avec ses propres buts et intérêts – nous tirions néanmoins la conclusion suivante :
« Mais aucune de ces parties, ni séparément, ni tous ensemble, ne sont en mesure de rassembler un demi-million de manifestants dans le centre de Kiev. Il existe encore […] la partie la plus importante – la jeunesse – les lycéens, les étudiants, les jeunes travailleurs. La majorité, si pas l’entièreté, d’entre eux participe pour la première fois à une telle action. Ils n’étaient pas des bourgeois, ni des petits-bourgeois, ni même des nationalistes. Et s’ils crient : « Gloire aux héros ! », c’est seulement pour pouvoir s’identifier en tant que groupe de référence ; personne à aucun moment ne leur a donné d’autres slogans.
Un mouvement de masse aussi soudain de la part de la jeunesse kiévienne démontre toute la profondeur de la crise sociale en Ukraine. La jeunesse ukrainienne voit très bien la vie de galère qui l’attend demain. Sa protestation est strictement sociale, mais pas pleinement consciente, et c’est pourquoi elle prend la forme d’un soutien à Viktor Youchtchenko. Cette protestation tire sa source en premier lieu de la non-reconnaissance de la réalité et d’une volonté de changement. Et deuxièmement, de l’absence de toutes sortes de peurs face aux changements. Mieux vaut n’importe quel changement, que la stagnation actuelle, ça ne pourra de toute manière pas aller pire.
Les masses de leur côté ont fait tout ce que peuvent faire des travailleurs non-organisés – dépourvues de leurs propres slogans, programme et direction. Elles ont fait irruption au parlement, ont bloqué les routes, se sont bagarrées avec les policiers, ont fait dégager les dictateurs putréfiés. Mais à leur place tout de suite sont arrivés des représentants de cette même classe, qui déjà le lendemain avaient oublié toutes leurs promesses aux participants de base au mouvement, laissant de ce fait aux travailleurs un sentiment persistant de désenchantement par rapport à “la politique”. »
Le rôle dirigeant des libéraux dans ces événements est compréhensible et explicable – ils ont assez d’argent pour pouvoir louer des propagandistes, soutenir leurs propres médias, imprimer à des centaines de milliers d’exemplaires leurs brochures et affiches, c-à-d. insister par tous les moyens le fait que ce sont eux et eux seuls qui sont à la tête du mouvement et qui représentent tous les espoirs et attentes des manifestants. Et dans cette situation, il est tout à fait logique que se forment des blocs de prime abord contre toute nature. C’est ainsi qu’on voit aujourd’hui “Solidarnost” et “Yabloko” reproduire la coalition “orange” du modèle ukrainien – le bloc des ultra-libéraux et de l’extrême-droite.
Que de la tribune les discours se succèdent à qui mieux-mieux sur le caractère “national” et “russe” de la révolution – tant qu’elle n’est pas sociale. Que la jeunesse se batte avec l’OMON en tant que hooligans, pas en tant que travailleurs en grève. Il faut à tout prix récupérer le mouvement atomisé, l’empêcher de créer ses propres structures à la base.
La classe ouvrière, de son côté, ne peut contrer cette comédie de fraternisation universelle que grâce à sa propre organisation. Mais là où devraient se trouver des organisations qui proposent aux masses insurgées un programme clair et un plan d’action, afin de ne pas laisser se disséminer l’énergie du mouvement et de faire passer la révolution du plan politique au plan social, régnait et règne toujours un vide béant. Les monstres en putréfaction des partis “communistes” post-soviétiques exhalent autour d’eux une puanteur de conformisme et de corruption. Et les formations plus petites, au lieu d’aller vers les masses avec leurs propres slogans et programme, soit se métamorphosent en suppôts des libéraux, répétant leurs slogans et symboles, soit attendent que les étudiants, les travailleurs et les petits fonctionnaires arrivent d’eux-mêmes en disant : « Bonjour, nous voulons le socialisme ! ». À moins qu’elles ne se débarrassent des événements par une analyse “profonde” du style “Que la peste soit sur vos deux maisons”. Mais une telle position est stérile.
Aller sur les places !
Nous proposons de construire notre propre participation aux actions de masse sur base de quelques principes simples et clairs :
- L’isolation dans le temps des actions de masse inévitablement démoralise le mouvement et le repousse en arrière.
- Nous devons absolument soutenir le droit démocratique du peuple aux élections, y compris le droit d’information sur le résultat véritable. Il est tout à fait évident que les résultats finaux sont truqués. Et pour cela, pas même besoin de recompter les bulletins : si la majorité est convaincue qu’il y a eu falsification, cela signifie que ç’a été le cas. Aujourd’hui c’est la rue qui décide, et pas la Commission électorale centrale. En fait, nous avons vu se produire devant nous le “deuxième tour des élections”, dans lequel les masses prolongent le vote, mais cette fois-ci selon leurs propres règles.
- Nous disons aux gens qui sont sortis sur les places : « Nous sommes contre l’opposition qui récupère le mouvement. Ils représentent la bourgeoisie, nombre d’entre eux étaient d’anciens hauts fonctionnaires, et nous nous sommes toujours battus contre eux. Mais si la majorité vote pour eux, alors ainsi soit-il. Les autorités officielles qui tentent de contester ce choix sont nos ennemis, tout comme les vôtres. Vous êtes venus ici spontanément sans objectif politique clair, sans programme, sans organisation. Vous avez reçu tout cela déjà préparé ici de la part de Nemtsov, Kassianov, Navalny, de la part des nationalistes, de la part de tous ces gens qui avaient une organisation et un programme. N’est-ce pas ? Mais s’il existait une organisation politique qui représente vos propres intérêts, les intérêts des simples travailleurs, alors tout serait différent. Imaginez seulement qu’il existe de puissants syndicats regroupant des millions de travailleurs, avec une direction résolue. Est-ce que dans cette atmosphère turbulente, ils ne pourraient pas à leur tour dicter leur propre volonté ? »
- Il ne faut pas attendre que vienne le grand soir. À un moment donné les groupes marxistes doivent être avec les masses et lutter avec elles, et doivent tout faire pour être entendus. Et même si aujourd’hui nous n’obtenons aucune réponse, demain, quand notre pronostic s’avérera justifié, beaucoup de gens se rappelleront de nos tracts et de nos discussions. Ceux qui viendront à nous à partir des manifestations d’aujourd’hui, arriveront à nous pour longtemps.
L’opposition voudrait bien la richesse et la propriété, c’est pourquoi elle a besoin de sa propre Douma et de son Président. Mais ça, c’est son affaire. Ce qu’il nous faut, c’est une agitation et une propagande marxistes, des contacts, une organisation. Ils veulent s’emparer de la machine de répression d’État pour la repeindre, la régler sur le ton “démocratique” nécessaire, la contraindre à œuvrer pour leurs propres objectifs – c-à-d., défendre les 1% de capitalistes contre les 99% de travailleurs. Mais notre but – c’est de la détruire. Voilà toute la différence.
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Les tempêtes de protestations qui font rage partout dans le monde ont atteint la Russie
La falsification éhontée des élections s’est avérée être un point tournant pour l’hégémonie du parti de Poutine, “Russie unie”. Les opposants loyaux au Kremlin, tels que le KPRF (le Parti “communiste”) et les pseudo-“sociaux-démocrates” de “Juste Russie” avaient déjà presque terminé leur désormais traditionnelle séance de pleurnicherie post-électorale et leurs déclarations d’usage concernant le viol de la démocratie lorsque, “tout à coup”, des milliers de gens sont sortis dans les rues pour se rendre au meeting organisé par “Solidarité” aux Clairs Étangs, et de même le lendemain sur la place du Triomphe. La prochaine étape est un meeting qui se tient aujourd’hui sur la place du Marais à Moscou.
Tract de Komitiet za rabotchi internatsional (CIO-Moscou)
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Pour en savoir plus:- Russie : Nous sommes les 99% ! Il nous faut une démocratie réelle !
- Russie : Des milliers de personnes arrêtées après deux jours de manifestations de rue
- Appel aux soldats et aux agents du rang
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Les dirigeants libéraux considèrent comme autant de nouveaux partisans les gens qui sortent aujourd’hui dans les rues. Cependant, dans les entreprises, dans les cuisines et sur les réseaux sociaux, parmi tous ceux qui sont sortis ou se préparent à sortir sur la place, pas la moindre discussion ne concerne les Nemtsov, Kasianov, Navalnyï et autres. L’un d’entre eux fait des avances aux nationalistes, les autres cherchent un soutien à l’étranger, mais aujourd’hui dans notre pays, ce que nous voyons de nos propres yeux, c’est que les gens sortent non pas pour se ranger derrière ces leaders “oranges”, mais tout simplement parce que “Ça suffit !”.
Si nous sortons sur cette place, c’est pour dire que le “Ça suffit!” ne cède pas la place à l’amertume de la défaite, ni à l’arrivée au pouvoir du regroupement “orange” russe. Nous sortons et invitons tout le monde à sortir pour une démocratie réelle. Pas celle qui rendra aux businessmen la propriété qu’ils ont perdue au cours des règlements de comptes avec le clan de Poutine, mais celle qui rendra sa voix à la majorité – aux travailleurs, aux étudiants, aux simples gens.
Le régime actuellement en vigueur s’effondrera tôt ou tard, mais s’il s’effondre en cédant la place à un autre régime bourgeois, alors l’Histoire ne fera que tourner en rond, et à la tête du pays se lèvera un autre clan de businessmen, avec ses propres intérêts, opposés à ceux de la majorité, comme cela déjà s’est passé en Ukraine, en Géorgie, en Kirghizie et dans tous les autres pays qui ont subi toutes ces révolutions “de couleur”.
Sur la place aujourd’hui doit retentir la voix indépendante de la majorité, la voix de ceux à qui ce qu’il faut, ce sont des hôpitaux, des d’écoles, des emplois ; ceux à qui, aujourd’hui comme jamais auparavant, il faut leur propre force politique en guise de contrepoids aux partis des bureaucrates et des oligarques. Ils ont sept partis, il nous en faut un à nous !
Rejoignez-nous, soutenez nos revendications :
- Aucune confiance dans les résultats des élections, démission du gouvernement !
- Liberté pour les opposants politiques. Halte à la violence policière, pour une véritable liberté de réunion, de meeting, de manifestation, de grève sans besoin de notification ni d’accord des autorités !
- Fin de toutes les restrictions à la création d’organisations politiques, sociales et syndicales et à leur participation aux élections ! Pour la liberté pour toutes les organisations, exceptés celles qui attisent la discorde nationale ou ethnique !
- Démission de la Commission électorale centrale et de toutes les commissions électorales – pour de nouvelles élections immédiates, transparentes, organisées sous le contrôle de comités de travailleurs et de résidents locaux !
- Annulation du financement des partis politiques à partir du budget d’État. Les partis doivent être financés par leurs propres partisans !
- Électivité à tous les niveaux de pouvoir !
- Liberté de presse ! Non au contrôle des bureaucrates et des patrons !
- Accès aux médias pour toutes les organisations sociales et pour toutes les forces proportionnellement à leur poids dans la société !
- Convocation d’une assemblée constituante de toutes les couches des travailleurs, dans laquelle la classe ouvrière et ses alliés – l’écrasante majorité de la population – pourront décider quelles structures étatiques semblent les meilleures pour la défense de leurs intérêts !
- Pour la création d’un parti de masse des simples travailleurs et étudiants afin de mener la lutte pour une société socialiste et démocratique, dans laquelle l’industrie collectivisée permettra de donner accès à un enseignement et à des soins de santé gratuits et de qualité, mettra un terme à la crise économique et relèvera le niveau de vie de la majorité !
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[DOSSIER] Hausse des prix: Une réponse socialiste
En février, nous avons payé nos achats en moyenne quasiment 3,4% plus cher que l’an dernier, la plus forte augmentation de l’inflation depuis octobre 2008. Grâce à l’indexation automatique des salaires, cela sera heureusement compensé – avec retard et de façon partielle seulement. Mais juste au moment où cette indexation doit nous protéger de la perte de pouvoir d’achat, le patronat lance son offensive. Il peut compter sur l’appui des institutions internationales. Quelle est la réponse socialiste face aux hausses des prix ?
Par Eric Byl
Comment expliquer les hausses des prix?
Souvent, on associe la crise aux hausses des prix ou à l’inflation. C’est pourtant l’inverse en général. Les crises vont de pair avec des baisses de prix, la déflation, alors que les reprises s’accompagnent d’une hausse de l’inflation. En temps de crises, lorsque les produits se vendent plus difficilement, les patrons ont tendance à baisser les prix. Ils diminuent les coûts de production, surtout les salaires, ou se contentent d’une marge de profit plus restreinte. Lors de la reprise, ils essayent alors de vendre à des prix plus élevés afin de rehausser la marge de profit. Dans un monde où l’offre et la demande s’adapteraient de façon équitable, les prix évolueraient de façon assez stable autour de la valeur réelle du produit, c.à.d. la quantité moyenne de temps de travail nécessaire pour produire la marchandise, de la matière première au produit fini.
Mais le monde réel s’accompagne de changements brusques, avec des accélérations soudaines et des ralentissements abrupts. La nature ellemême connait de nombreux caprices. De mauvaises récoltes en Russie et en Ukraine, pour cause de sécheresse, ont contribué à faire augmenter les prix de la nourriture. Un système de société peut tempérer ces caprices, les corriger, mais aussi les renforcer. Les incendies de forêts, les tempêtes de neige, les inondations, les tremblements de terres et les tsunamis s’enchaînent, avec en ce moment au Japon la menace d’une catastrophe nucléaire. Nous ne connaîtrons avec certitude la mesure exacte de l’impact humain sur le réchauffement de la planète qu’au moment où la recherche scientifique sera libérée de l’emprise étouffante des grands groupes capitalistes. Mais que la soif de profit pèse sur l’être humain et son environnement, conduit à la négligence des normes de sécurité et à des risques inacceptables, le PSL partage avec beaucoup cette conviction.
La Banque Mondiale estime que la hausse des prix de l’alimentation a, depuis juin 2010, poussé 44 millions de personnes en plus dans l’extrême pauvreté. Son index des prix de l’alimentation a gagné 15% entre octobre 2010 et janvier 2011. Diverses raisons sont citées: la croissance démographique dans les régions pauvres, la demande de biocarburants, la sécheresse, les inondations et d’autres catastrophes naturelles, la faillite de paysans africains face à la concurrence des excédents agricoles de l’occident, la spéculation qui accélère les hausses des prix. La hausse des prix de l’alimentation et la montée du coût de la vie ont constitué des éléments primordiaux dans les révolutions au Moyen- Orient et en Afrique du Nord.
Le seul système qui fonctionne?
L’establishment prétend que le capitalisme est le seul système de société qui fonctionne. La noblesse féodale et les esclavagistes avant elle prétendaient de même à leur époque concernant leurs systèmes. Chaque système fonctionne, il n’existerait pas sinon. Il répond toujours à un certain degré de développement de nos capacités productives. Dès qu’un système de société devient un frein à l’application de savoirs scientifiques et techniques, il provoque le chaos plutôt que le progrès. C’est alors que le moteur de l’histoire se déclenche; la lutte des classes.
Brûler des combustibles fossiles est un gaspillage de richesses livrées par des processus naturels qui ont pris des millions d’années, et c’est catastrophique pour notre environnement.
Nous le savons depuis plusieurs dizaines d’années. Mais depuis ce temps, la recherche scientifique concernant les sources d’énergies alternatives est sabotée par les fameuses ‘’sept soeurs’’, les sept sociétés pétrolières les plus grandes au monde. Des moteurs actionnés par hydrogène, énergie solaire et éolienne, masse bio, etc. sont trop menaçants pour leurs profits. Au lieu d’orienter la recherche vers les énergies renouvelables, elle a pratiquement été exclusivement consacrée au développement du nucléaire ‘’bon marché’’. Avec la ponctualité d’une horloge, nous sommes rappelés à la réalité des dangers de cette technologie.
Ce n’est pas une surprise si la demande d’énergie augmente. On aurait pu investir depuis longtemps pour des économies d’énergie et dans le développement de sources d’énergie renouvelables. Mais ce n’est pas ainsi que fonctionne le capitalisme.
Les investisseurs privés ne sont intéressés que s’ils peuvent récupérer à cout terme leur investissement, avec une bonne marge de profit. C’est valable pour les mesures d’économies d’énergie et pour l’énergie renouvelable tout autant que pour les combustibles fossiles plus difficiles à extraire, par exemple. Avec la spéculation, le manque d’investissements pour garantir une offre suffisante a été à la base de la forte envolée des prix du pétrole, jusqu’à atteindre 147$ le baril, il y a deux ans. La récession a fait retomber la demande et le prix, mais le problème a continué à proliférer. La perversité du capitalisme s’exprime dans la réaction des ‘‘marchés’’ face aux insurrections démocratiques contre les dictateurs corrompus au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Les ‘‘marchés’’ craignent que la démocratie menace l’approvisionnement en pétrole. Au cas où la dictature en Arabie-Saoudite succomberait elle aussi, un prix de 200$ ou plus est à l’horizon pour le pétrole. Pour l’économie capitaliste mondiale, cela équivaudrait à une crise cardiaque.
Les prix de l’énergie et de l’alimentation en hausse en Belgique
Cette perversité du capitalisme échappe à ceux qui plaident pour la mise sous curatelle de l’indexation salariale en Belgique. Ils savent que les prix du pétrole et de l’alimentation sont en hausse partout dans le monde, ce qu’ils n’expliquent pas par le capitalisme, mais comme quelque chose qui nous tombe dessus tel un phénomène naturel. Ce ‘‘phénomène naturel’’ s’infiltre en Belgique. Les prix de l’énergie et de l’alimentation, surtout, ont augmenté en flèche ces derniers temps. Sans produits liés à l’énergie – le fuel, le diesel, le gaz et l’électricité – l’inflation serait plus basse de moitié.
La bourgeoisie belge préfère couper dans l’investissement pour le renouvellement de la production. Aujourd’hui, elle se trouve à la queue du peloton en termes d’investissements dans la recherche et le développement. Nos politiciens en sont le parfait miroir. Depuis des années, ils économisent sur les investissements nécessaires dans l’entretien des routes, des bâtiments scolaires, de l’infrastructure ferroviaire, etc.
Nous en subirons les conséquences des années encore. ‘’Si la politique énergétique de nos autorités ne change pas immédiatement, des coupures d’électricité se produiront, littéralement’’. C’était la conclusion d’une récente émission de Panorama. ‘’La Belgique manque d’électricité parce que nos gouvernements ont fait construire trop peu de centrales et parce que le réseau à haute tension qui devrait importer du courant supplémentaire n’a pas la capacité de répondre à la demande.’’ Mais GDF Suez, la maison mère d’Electrabel, a réalisé l’an dernier un profit record de 4,62 milliards d’euros.
Le secteur de l’énergie n’est pas le seul à manier des marges de profits indécentes. Selon le rapport annuel de l’observatoire des prix, les hausses des prix des matières premières mènent à des adaptations de prix exagérées en Belgique. En plus, cela n’est qu’à peine corrigé lorsque les prix des matières premières reculent. Toutes les chaines de supermarchés le font. Ce sont les prix des produits de base tels que les pommes de terre, les oignons, le fuel et le gaz qui haussent fortement. Des marchandises moins couramment achetées, comme les télévisions à écran 16/9e ou les PC, ont vu leur prix baisser.
Indexation des salaires, un acquis du mouvement ouvrier
Il existe des moyens de tempérer les caprices de la nature et du système capitaliste. La classe ouvrière en a arraché plusieurs durant le siècle précédent. Ainsi, après la révolution Russe de 1917 et la vague révolutionnaire qu’elle a engendrée, un index des prix à la consommation a été obtenu dès 1920 en Belgique. A l’origine, seul un nombre limité de conventions collectives avaient introduit l’indexation automatique des salaires. Mais après chaque grande grève, ce nombre s’est élargi.
Dans son Programme de Transition de 1938, Trotsky plaidait en faveur de l’échelle mobile des salaires, l’appellation contemporaine de l’adaptation automatique des salaires au coût de la vie, afin de protéger les foyers des travailleurs de la pauvreté. Parallèlement, il plaidait aussi pour l’introduction d’une échelle mobile des heures de travail, où l’emploi disponible est partagé entre tous les travailleurs disponibles, cette répartition déterminant la longueur de la semaine de travail. ‘’Le salaire moyen de chaque ouvrier reste le même qu’avec l’ancienne semaine de travail. La “possibilité” ou l’ “impossibilité” de réaliser les revendications est, dans le cas présent, une question de rapport des forces, qui ne peut être résolue que par la lutte. Sur la base de cette lutte, quels que soient ses succès pratiques immédiats, les ouvriers comprendront mieux toute la nécessité de liquider l’esclavage capitaliste.’’
Après la deuxième guerre mondiale, le rapport de forces était favorable au mouvement ouvrier. Le système a graduellement été introduit dans tous les secteurs. Mais comme toute victoire du mouvement ouvrier, cet acquis aussi a été attaqué dès que le rapport de forces a commencé à se modifier. En 1962, le ministre des affaires économiques, Antoon Spinoy (PSB !) a essayé de retirer de l’index la hausse des prix des abonnements sociaux pour le transport public. En 1965, ce même gouvernement a à nouveau essayé, cette fois-ci avec le prix du pain. En 1978, de nouveau avec le PSB, le gouvernement a réussi à remplacer les produits de marques compris dans l’index par des produits blancs. En mars 1976, la loi de redressement de Tindemans – Declercq a aboli l’indexation pour la partie du salaire supérieure à 40.250 francs belges (1.006,25 euros). Cette mesure sera retirée en décembre, suite à la résistance de la FGTB.
La victoire du néolibéralisme à la fin des années ’70 et au début des années ’80 a conduit à des attaques systématiques contre le mécanisme de l’indexation. Le gouvernement de droite des libéraux et des chrétiens-démocrates a appliqué trois sauts d’index entre 1984 et 1986. A trois reprises, donc, l’indexation des salaires n’a pas été appliquée. Ceci continue encore aujourd’hui à agir sur les salaires. En 1994, le gouvernement de chrétiens-démocrates et de sociaux-démocrates a retiré le tabac, l’alcool et l’essence de l’index ‘’santé’’. Depuis, dans divers secteurs, des accords collectifs all-in et saldo ont été introduits. Ces accords neutralisent en partie l’effet de l’indexation des salaires.
La Belgique est-il le seul pays où s’app lique l’indexation automatique des salaires ?
Dans certains secteurs de l’industrie aux États-Unis et en Grande-Bretagne, de tels accords étaient largement répandus jusqu’en 1930. En Italie, cela a été introduit dans les années ’70, mais a, depuis, été partiellement aboli. Au Brésil, au Chili, en Israël et au Mexique, l’indexation salariale a été abolie cette dernière décennie.
Aujourd’hui, l’indexation automatique des salaires ne s’applique plus qu’en Belgique et au Luxembourg. A Chypre, elle existe aussi, mais ne s’applique pas à tous les travailleurs. En Espagne, au Portugal, en Finlande, en Italie, en Pologne et en Hongrie, des mécanismes d’indexation salariale sont repris dans des accords de secteurs où dans des contrats individuels. En France, en Slovénie et à Malte, les salaires minimaux sont indexés.
D’abord produire, ensuite partager
Dans leurs attaques contre l’indexation automatique, les politiciens et les économistes bourgeois accentuent toujours qu’il faut ‘’d’abord produire les richesses avant de pouvoir les partager’’. Il faut raconter cela au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ! Tant Moubarak que ses fils Gamal et Alaa sont milliardaires. De l’ancien dictateur Tunisien Ben Ali et sa famille, il est connu qu’il dispose d’une fortune immobilière correspondant à une valeur de 3,7 milliards d’euros en France uniquement. Les barons du textile belge qui ont massivement délocalisé vers la Tunisie dans les années ’70 y sont devenus indécemment riches. Combien de richesses faut-il avant que le partage ne commence ?
Ce n’est pas de cela qu’ils parlent, mais bien des effets soi-disant pervers de l’indexation de salaires. Ainsi, l’indexation créerait selon Thomas Leysen dans Le Soir du 19 mars, une perception erronée de la marge salariale. L’économiste Geert Noels appelle cela ‘’le handicap concurrentiel automatique’’. Pour le professeur en économie Joep Konings (KULeuven) l’indexation automatique protège les habituels bien payés, mais complique l’accès aux emplois pour ceux qui n’en ont pas, puisque les entreprises seraient plus prudentes avant de recruter: ‘’Abolir l’indexation salariale automatique serait donc une mesure sociale.’’ Il rajoute qu’il faut l’accompagner de l’abolition de l’indexation des allocations sociales, au risque de voir la différence entre travailler ou ne pas travailler se réduire.
Unizo, l’organisation des petits patrons en Flandre, plaide en faveur de ‘’quelques sauts d’index’’. Le professeur Peersman (UGand) veut annuellement adapter le salaire aux objectifs de la Banque Centrale Européenne. Son collègue De Grauwe (KULeuven) veut retirer le coût de l’énergie importée de l’index. Wivina Demeester, ancienne ministre CD&V, plaide pour une indexation en chiffres absolus au lieu de pourcentages. Mais selon De Grauwe, cela rendrait le travail non qualifié relativement plus cher et aurait par conséquent un effet non souhaitable. La Banque Nationale s’en tient à mettre en garde contre une spirale salaire-prix où des hausses de prix entraineraient des augmentations salariales qui seraient compensées par de nouvelles hausses de prix et ainsi de suite. Ce n’est pas un nouvel argument. Elle veut nous faire croire que lutter pour des augmentations salariales n’a pas de sens.
Marx a déjà répondu à ces argument il y a 150 ans dans sa brochure ‘’Salaire, prix, profit’’ En réalité, le patron essaye d’empocher lui-même une partie aussi grande que possible de la valeur que nous avons produite. La peur de l’inflation n’a jamais freiné les patrons à empocher le plus de profits possibles. Avec un profit à hauteur de 16 milliards d’euros, une hausse d’un tiers comparée à 2009, les plus grandes entreprises belges disposent à notre avis de beaucoup de marge. En plus, des dividendes sont royalement versés aux actionnaires. Le producteur de lingerie Van de Velde, pour donner un exemple, a versé en 2010 quelque 70% du profit réalisé à ses actionnaires. Même en pleine crise, en 2009, les patrons des entreprises du Bel 20 s’étaient accordés en moyenne une augmentation salariale de 23%.
Contrôles des prix
Il n’y a rien à reprocher aux travailleurs en Belgique. Nous sommes toujours parmi les plus productifs du monde, loin devant nos collègues des pays voisins. Grâce à notre mécanisme d’indexation, la demande intérieure a mieux résisté à la crise de 2009 que dans d’autres pays, y compris en Allemagne. La contraction économique et le recul des investissements ont été moindres, tout comme la hausse du chômage. A l’époque, tout le monde a reconnu que c’était dû aux prétendus stabilisateurs automatiques, ce qui fait référence à la sécurité sociale et au mécanisme d’indexation.
Nos prix de l’énergie sont largement plus élevés que ceux pratiqués à l’étranger. Des profits énormes sont drainés vers les poches des actionnaires, qui ne se trouvent d’ailleurs pas tous en France. De plus, en Belgique, l’industrie est très dépendante de l’énergie, mais là aussi on investit à peine dans une utilisation rationnelle de l’énergie. Nulle part ailleurs en Europe autant de voitures d’entreprises ne sont utilisées à titre de compensation salariale afin d’éviter des charges sociales. En comparaison des pays voisins, il y a en Belgique très peu de logements sociaux. Nos bâtiments résidentiels, tout comme nos bâtiments scolaires vieillis, sont extrêmement mal isolés et souvent encore chauffés au fuel, d’où les plaidoyers pour des contrôles transparents sur les prix.
Le SP.a vise en premier lieu les prix de l’énergie. Le PS veut s’attaquer à l’inflation par des contrôles des prix d’au moins 200 produits. Nous sommes un peu étonnés que personne n’ait encore proposé d’introduire, à côté de la norme salariale, une norme des prix, où les prix ne pourraient monter plus que la moyenne pondérée des prix pratiqués dans nos pays voisins. Pour beaucoup de gens, le contrôle des prix de l’alimentation, de l’énergie et du loyer serait le bienvenu. Au Venezuela, Chavez a également introduit des contrôles des prix sur les denrées alimentaires, mais les rayons sont presque vides. Morales en Bolivie s’est heurté à une grève des employeurs lorsqu’il a voulu bloquer les prix des tickets de bus. Les propriétaires ont organisé un lock-out.
Nous ne croyons pas que cela se produirait facilement en Belgique, ni pour l’alimentation, ni pour les loyers, ni pour l’énergie. Mais la leçon à tirer est qu’il est impossible de contrôler la distribution sans que l’autorité reprenne également la production en main, en assurant que le revenu du petit producteur soit garanti. Les contrôles des prix sont en fait une forme de contrôle des profits. Les entreprises privées essayeront de restaurer leur marge de profit aux dépens des travailleurs et si cela échoue, ils menaceront de délocaliser ou de stopper les investissements prévus.
LE PSL TROUVE QUE LES TRAVAILLEURS N’ONT PLUS À PAYER LA CRISE PROVOQUÉE PAR DES SPÉCULATEURS
- Pas touche à l’indexation automatique, pour le rétablissement complet de l’index. Liaison au bien-être de toutes les allocations.
- Pas d’allongement du temps de travail, mais une semaine de travail de 32 heures, sans perte de salaire et avec embauches compensatoires, pour que le travail disponible soit réparti entre tous. Cela peut s’accompagner de crédit bon marché aux indépendants et de subsides salariaux sur base de coûts prouvés.
- Ouverture des livres de comptes de toutes les grandes entreprises afin de contrôler leurs véritables coûts, les profits, les salaires des directions et les bonus.
- Nationalisation du secteur énergétique sous contrôle des travailleurs et sous gestion des travailleurs eux-mêmes, pour être capables de libérer les moyens afin d’investir massivement dans l’énergie renouvelable et l’économie de l’énergie.
- Pour le monopole d’État sur les banques et le crédit sous contrôle démocratique de la communauté. Au lieu de devoir supplier les directions des banques afin d’obtenir du crédit, le public pourrait alors planifier les investissements publiques nécessaires aux besoins réels de la population.
- Pour une société socialiste démocratiquement planifiée et pour rompre avec le chaos capitaliste
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Japon. Tremblement de terre & cauchemar nucléaire
Le système capitaliste est incapable de faire face aux désastres naturels – pour un contrôle démocratique sur l’aide et la reconstruction
Le tremblement de terre massif qui a ébranlé le Nord-est du Japon ce vendredi 11 février et les destructions causées par l’un des plus puissants tsunamis jamais vu est la “pire crise depuis 1945”, selon les termes employés par le Premier Ministre japonais, Naoto Kan. Les terribles évènements du Japon soulèvent de nombreuses questions concernant les folies du capitalisme, et plus particulièrement le développement massif du nucléaire – qui n’est jamais entièrement sûr – dans une région connue pour ses secousses sismiques.
Par des correspondants du CIO en Chine, Hong Kong et Taiwan, de chinaworker.info
L’épicentre du tremblement de terre de ce vendredi est situé dans la préfecture de Miyagi, à 400 kilomètres au nord-est de Tokyo. Il aurait atteint 8.9 sur l’échelle de Richter, ce qui en fait le 5e séisme le plus puissant depuis 1900. Sa puissance a été telle qu’elle a, aux dires des géologues, fait bougé 2,5 mètres l’île principale de l’archipel du Japon et que l’axe de rotation de la terre lui-même a bougé de 10 cm. Depuis lors, il y a eu au moins 67 autres chocs, d’une magnitude de 5, y inclus le puissant contrecoup d’une magnitude de 7 qui a lancé un tsunami d’une hauteur de 10 mètres qui a englouti de nombreuses villes côtières de l’Est du pays. La vague monstrueuse a causé d’incroyables destructions aux docks, aux chemins de fer et autres, des navires de plusieurs milliers de tonnes étant tout simplement balayés. Au moins deux trains ont totalement été engloutis dans les eaux. La puissance de l’onde de choc a été ressentie jusqu’à la côte pacifique des Etats-Unis, causant même la mort d’un homme qui filmait les vagues en Californie.
Les premiers reportages sur le réseau de télévision japonaise NNT parlaient de 1.000 personnes décédées. Mais des dizaines de milliers de personnes sont toujours disparues. Dans la préfecture de Miyagi, fortement touchée, la police a déclaré qu’il y avait encore de “nombreuses” personnes disparues et dans la préfecture de Sanrikucho, la région la plus touchée, un million de personnes sont toujours recherchées. La police a parlé de centaines de milliers de personnes évacuées et que le nombre de bâtiments et de routes détruits était incalculable. Deux millions de maisons sont toujours sans électricité, dans le froid hivernal. Le Shinkansen (train à grande vitesse) et d’autres moyens de transport majeurs sont toujours hors d’état pour la troisième journée consécutive. Les zones affectées par la catastrophe incluent la ville de Tokyo, où de nombreux travailleurs n’ont eu d’autre choix que de marcher pour rejoindre leur foyer après le travail, parfois à plusieurs heures de marche.
Les explosions de Fukushima – ‘le troisième plus grave incident nucléaire de l’histoire’
Mais il y a aussi les explosions dans deux réacteurs nucléaires. Le jour suivant le séisme (le 12 mars), le réacteur n°1 a explosé à la centrale nucléaire de Fukushima, à cause d’une fissure dans l’unité de refroidissement. Une seconde explosion a été rapportée, sur le même site hier (le 13 mars). Le porte-parole du gouvernement Yukio Edano a révélé qu’il pourrait y avoir une “fusion partielle” des barres de combustible au réacteur n°1 de Fukushima.
Le gouvernement a annoncé l’état d’urgence dans la région ainsi que l’évacuation de tous les habitants dans un rayon de 20 km autour du complexe de Fukushima, soit un total d’environ 300.000 personnes. Des fuites radioactives ont été officiellement confirmées, mais le Premier Ministre Kan a déclaré que le niveau n’était pas “élevé” et a assuré la population que cela était “fondamentalement différent de l’accident de Tchernobyl” – une référence à la catastrophe nucléaire de 1986 en Ukraine. Quelque 160 personnes évacuées sont examinées, suspectées d’avoir été irradiées. Les expertes disent qu’il s’agit du troisième plus grave accident nucléaire de l’histoire, après Tchernobyl et la crise de Three Mile Island, en 1979 aux Etats-Unis. Le niveau de radiation par heure dans les centrales affectées au Japon est égal au niveau normalement autorisé en une année. Même les navires et avions américains envoyés pour prendre part à l’effort d’aide ont été déplacés des zones côtières en raison du taux trop élevé de radiations, qui constitue une menace pour le personnel US.
Au moment d’écrire ces lignes, 11 des 55 réacteurs japonais étaient à l’arrêt, et on parle d’un incident à une troisième centrale à Ibaraki, à 120 km au nord de Tokyo. La méfiance et le scepticisme à l’encontre du gouvernement se répandent. C’est bien compréhensible dans ce pays, le seul à avoir subit une attaque nucléaire, avec toutes les horreurs que cela suppose.
Cet incident souligne les dangers du nucléaire, qui n’est en rien une solution à la crise énergétique et constitue de nombreux risques pour les hommes et la nature. Les désastres naturels, comme les séismes et les inondations, ou encore les guerres, peuvent causer de dangereuses déstabilisations des centrales nucléaires, avec des dégâts à long terme pour la société humaine. Sous les conditions capitalistes, depuis que les énergies fossiles se raréfient, on assiste à un virage en direction de l’atome. Cette tendance a été renforcée par la pression pour diminuer les émissions de gaz carbonique et pour sembler plus “verts” au vu de la croissance des inquiétudes concernant le climat.
En Asie et dans le Pacifique, au Japon mais aussi en Chine, en Russie et aux USA, il y a une extension massive du nucléaire. Dans son dernier plan quinquennal, la Chine a prévu de largement étendre ses capacités nucléaires. Il est globalement question de construire 350 nouveaux réacteurs nucléaires pour les 20 prochaines années. L’industrie nucléaire se frotte les mains en imaginant les profits à venir, mais les experts avertissent des nombreux dangers.
“Les centrales nucléaires japonaises étaient sensées résister aux séismes et être les mieux préparées au monde pour résister aux catastrophes, mais voyez ce qui s’est produit.” a déclaré un porte-parole de Greenpeace. L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a averti que 20% des centrales nucléaires au monde se situent sur des zones d’activité sismique (comme les séismes) “significative”.
Le ministre chinois de la science et de la technologie, Wan Gang, a récemment annoncé qu’au cours du prochain plan quinquennal, les investissements dans les alternatives aux énergies fossiles seraient principalement concentrées sur le nucléaire et non sur le vent, l’énergie solaire ou d’autres formes d’énergie renouvelable. La Chine est aussi hautement sous le risque de séismes, et a subi les deux tremblements de terre les plus mortels au cours du demi-siècle dernier (Tangshan en 1976 et Sichuan en 2008). Il est donc particulièrement insouciant de la part des autorités chinoises de construire plus de centrales nucléaires. A Taiwan aussi, la crise nucléaire japonaise provoque un grand débat. Il y existe une grande panique concernant d’éventuelles retombées radioactives. Le parti écologiste a connu un certain progrès dans sa popularité avec son opposition à la construction de réacteurs nucléaires, Taïwan en ayant construit deux juste au-dessus d’une faille sismique.
Sur le front économique, le Japon est en crise depuis 20 ans, et cela va encore être aggravé par le tremblement de terre. La région du Japon la plus affectée a une forte concentration de fer et d’acier, d’entreprises pétro-chimiques, de fabriques, de centrales nucléaires et autres industries clés du pays. Une explosion et un incendie à la COSMO Oil Company, dans la ville de Chiba, a fait fermer la raffinerie. De nombreuses compagnies dans cette region ont été forcées de fermer leurs portes, y compris Mitsui Chemicals, Mitsubishi Chemical, JFE Steel, Sumitomo Metal Industries, Maruzen Oil Company et d’autres grandes entreprises. Nissan Motor et Honda ont annoncé qu’ils allaient stopper la production dès le 14 mars faute de fournitures. Sony et d’autres producteurs d’électronique ont aussi leur chaîne de production affectée par la catastrophe. En raison du poids de l’économie japonaise dans l’économie globale, la catastrophe du 11 mars aura un impact significatif sur les USA, la Chine, l’Union Européenne et d’autres économies.
Quelques économistes parlent en des termes positifs des investissements qui ont suivi le séisme de Kobe en 1996, et voient une possible croissance dans l’infrastructure. Le Premier Ministre a fait écho à cette théorie en disant à la population de ne pas être pessimiste car le Japon connaîtra une sorte de “ New Deal” avec la restauration de l’économie, sur base des travaux massifs nécessaires à la reconstruction. Mais alors que le gouvernement japonais va être force de faire de grandes dépenses d’urgence, ses caisses sont vides, et le pays connaît le plus grand taux de dette au monde (la dette publique équivaut à 200% du Produit Intérieur Brut), juste après le Zimbabwe. Dans un environnement de crise économique globale, ce tremblement de terre peut avoir des conséquences très néfastes pour le capitalisme. Cela a été illustré par la chute massive sur les marches asiatiques, au vu du fait que les spéculateurs ont pris peur.
Ces processus exposent entièrement les conséquences de la soif de profit capitaliste, sans aucune considération pour la vie humaine et l’environnement naturel. La théorie économique capitaliste de la “fenêtre brisée” montre aussi la logique complètement folle du système, où la perspective de profits élevés est acclamée, même si cela doit être réalisé par la destruction économique ou la guerre. Le capitalisme et ses idéologues sont les seuls véritables éléments “antisociaux”.
La reconstruction et l’aide causera de sérieux problèmes spéculatifs. La nécessité d’un grand nombre de projets de reconstruction et d’investissements lies aux assurances provoquera certainement une réduction de liquidités dans l’économie, le tremblement de terre aura donc aussi probablement comme conséquence de pousser le Yen encore plus haut, et affaiblira la position des exportations. Au même moment, les capitalistes lancent partout des attaques massives contre la classe ouvrière – de l’Union Européenne au Wisconsin et d’autres Etats américains – et la classe ouvrière japonaise devra faire face à des mesures similaires de la part de son gouvernement, qui voudra leur faire payer la crise pour sauver les capitalistes.
Nous revendiquons :
- L’auto-organisation immédiate des travailleurs et des communautés locales dans les régions affectées afin de gérer les secours et de démocratiquement déterminer les besoins liés à la reconstruction. Pour la solidarité internationale et le soutien actif à la population japonaise !
- Pour une révision urgente de la politique énergétique et des investissements massifs dans les énergies propres, en alternative au nucléaire! Pour la nationalisation du secteur énergétique sous le contrôle des travailleurs !
- Aucune confiance envers les profiteurs, les spéculateurs et les capitalistes dans l’organisation des secours et de la reconstruction du pays. Luttons pour le socialisme et la propriété démocratique et publique de l’économie japonaise, seule façon de concilier les besoins des travailleurs et le développement de la nature et de la terre.