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Tag: Turquie
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Manifestations en Turquie : « La Convention d’Istanbul est nôtre »

Dix ans après l’avoir signée, la Turquie s’est retirée de la « Convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. »
Par Ecehan Balta, Sosyalist Alternatif ISA en Turquie
Cela a été fait par décret présidentiel, publié au Journal officiel, et appliqué après minuit le 20 mars. La Turquie était le premier pays à adhérer à cette convention qui vise à prévenir les violences sexistes et à punir leurs auteurs.
En 2020, il y a eu 330 officiellement féminicides en Turquie. Selon des sources officielles, 40 % des femmes vivant en Turquie ont subi des violences physiques ou sexuelles au moins une fois dans leur vie. Il ne fait aucun doute que le chiffre réel est bien plus élevé que cela. L’effet du retrait de la Convention est pire que de ne pas l’avoir signé en premier lieu. Cela indique que l’État autorise la violence contre les femmes.
Le retrait de la Turquie d’un accord international par décret présidentiel va même à l’encontre de la Constitution turque rédigée par le parti au pouvoir, le “Parti de la justice et du développement” (AKP), et le président Erdogan. Selon l’article 90 de cette Constitution, les conventions internationales ne peuvent être acceptées ou rejetées que par l’adoption d’une loi à l’Assemblée.
Alors que le retrait de la Convention a été largement débattu depuis le 20 mars, le mouvement des femmes a également réagi en entrant en action dans toute la Turquie. Les femmes sont descendues dans la rue dans au moins dix provinces. « La Convention d’Istanbul est nôtre », « Retirez votre décision, appliquez la Convention » figurent parmi les slogans les plus populaires. Des manifestations et des actions de protestations ont lieu presque tous les jours dans les grandes villes.
Il semble certain que la décision de se retirer de la Convention a été prise pour apaiser les milieux islamistes d’extrême droite en Turquie proches de l’AKP. Ce retrait visait également à apaiser le courant islamiste d’extrême droite au sein même de l’AKP. Depuis le 20 mars, ils célèbrent leur “victoire”. Cela reflète davantage la faiblesse que la force du régime d’Erdogan, qui perd son soutien en raison de la crise économique actuelle, de la crise sanitaire et de la corruption croissante. Il a donc besoin de garder ses alliés réactionnaires à bord, tout en essayant de diviser toute opposition.
Il ne fait aucun doute qu’une convention internationale ne peut mettre fin à la violence contre les femmes. Bien que la convention d’Istanbul constitue un pas en avant par rapport à la situation qui prévalait avant sa signature, elle est loin d’être suffisante. Seule la destruction du capitalisme patriarcal mettra fin à la violence contre les femmes. C’est l’ordre capitaliste – qui considère les êtres humains en général et les femmes en particulier comme une marchandise, comme un bien qu’il faut surveiller – qui produit la violence contre les femmes. Étant donné que ces conventions sont adoptées par des institutions et ratifiées par des États qui reposent précisément sur ce système capitaliste, elles ne peuvent – au mieux – que fournir une protection partielle aux femmes et pousser les États à mettre en œuvre certaines mesures, même à contrecœur.
La Convention d’Istanbul n’a de toute façon pas été suffisamment appliquée. Depuis quelques années, le mouvement des femmes réclame dans la rue l’application de la convention. Aujourd’hui, le slogan s’est transformé en « annuler cette décision, appliquer la convention d’Istanbul ». Ce retrait est le symbole d’une série d’attaques contre les grandes réalisations du mouvement pour l’émancipation des femmes. Mais au bout du compte, Erdogan devra se rendre compte que cela pourrait se retourner contre lui en renforçant encore la colère et la résistance des femmes en Turquie.
Le mouvement pour l’émancipation des femmes a la capacité de répondre en masse aux attaques du parti conservateur néolibéral AKP aujourd’hui. Le rassemblement de divers groupes et organisations féministes, de gauche et de la classe ouvrière dans cette lutte est une étape importante pour renforcer cette capacité.
En tant que féministes socialistes, nous estimons que nous sommes sur un terrain très favorable pour exprimer nos revendications contre la violence envers les femmes. Le mouvement en général a mis en avant plusieurs revendications importantes qui trouvent un écho dans les manifestations, notamment :
– la réalisation de l’égalité des genres, l’État prenant toutes les mesures nécessaires dans l’éducation et sur le lieu de travail pour assurer une représentation égale des femmes ;
– la fin des discriminations à l’encontre de toute personne, quelle qu’en soit la raison, y compris l’orientation sexuelle ou l’identité de genre ;
– la mise en place d’une “ligne d’assistance téléphonique contre la violence” distincte, disponible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, destinée aux femmes et proposant des services dans différentes langues, ainsi que l’ouverture d’un nombre suffisant de centres de conseil et de refuges pour aider les femmes victimes de violences ;
– la fin de l’impunité pour les cas de violence contre les femmes ;
– la collecte et la publication régulière de données indépendantes sur la violence à l’égard des femmes et des enfants ;
– l’accès des femmes, en toute sécurité et sans risque, aux services de santé génésique de base tels que l’avortement ;
– le droit à une pension alimentaire, pour la simplification des procédures de divorce et la médiation obligatoire, contre l’amnistie pour les mariages d’enfants -la fin de toute discussion sur les droits acquis des femmes et des enfants ;
– la mise en place de dispositions claires pour toutes les femmes et tous les enfants réfugiés, demandeurs d’asile et immigrés afin qu’ils aient les mêmes droits à la protection contre la violence.En tant que socialistes, nous soutenons ces revendications et entendons aller au-delà. Pour prévenir la violence sexiste et la discrimination sur le lieu de travail et mettre en œuvre des politiques efficaces pour garantir l’égalité, il convient de supprimer tous les obstacles au droit d’organisation, de garantir l’égalité des genres dans tous les domaines par les syndicats et les organisations sur le lieu de travail ainsi que de garantir la mise en œuvre des droits des travailleuses.
Les droits des femmes et la lutte contre la violence à l’égard des femmes devraient être des questions centrales pour le mouvement ouvrier, notamment au travers de la lutte pour assurer un salaire décent pour toutes les travailleuses et un accès plus facile aux emplois pour les femmes avec la mise en place de garderies publiques gratuites et d’autres mesures visant à aider les femmes à sortir du foyer et à entrer dans la vie active.
Cela doit comprendre des logements abordables et, si nécessaire, gratuits pour les femmes qui doivent fuir des partenaires violents – ces logements pourraient rapidement être fournis dans les hôtels vides.
Nous n’avons aucune confiance dans l’État turc et ses institutions, ni dans l’UE ou l’ONU pour mettre en œuvre de telles politiques. Elles doivent être arrachées par la lutte, mises en œuvre et contrôlées par les représentants des travailleurs et du mouvement des femmes.
En tant que mouvement pour une alternative socialiste, nous nous impliquons dans les discussions sur le programme et les perspectives du mouvement et nous souhaitons y ajouter nos idées féministes socialistes. Nous continuerons à contribuer à la fois à la construction du rassemblement des organisations féministes, de gauche et de la classe ouvrière et à la lutte dans la rue. Ce mouvement ne pourra être que plus fort s’il est combiné aux autres mouvements d’opposition contre le régime de l’AKP qui attaque les droits de toutes les minorités, des opprimés et de la classe ouvrière dans son ensemble.
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Tensions en Méditerranée : non au nationalisme et à la guerre, non à l’extraction de gaz naturel !

La découverte de gisements d’hydrocarbures dans les fonds marins de la Méditerranée orientale ajoute un autre facteur à la concurrence entre les classes dirigeantes de Grèce, de Turquie et de Chypre. La crise actuelle, qui dure depuis des mois, est la pire depuis la guerre de 1974, tant par sa durée que par les menaces qu’elle représente.
Déclaration commune de Xekinima (section d’ASI en Grèce), d’Alternative socialiste (section d’ASI en Turquie) et de NEDA (section d’ASI à Chypre)
Les gouvernements grec et chypriote ont désigné des parcelles offshore et conclu des contrats avec de grandes multinationales pétrolières pour la recherche et l’exploitation d’hydrocarbures.
Cela a pour effet d’acculer objectivement, économiquement et géopolitiquement, la classe dirigeante turque, qui est le seul grand acteur intéressé dans la région à être exclu de l’exploitation des gisements. Le régime d’Erdogan était tenu de réagir vigoureusement – mais c’était un facteur que les gouvernements grec et chypriote ont complètement sous-estimé.
La réponse du gouvernement turc, en revanche, s’inscrit dans le cadre de ses aspirations néo-ottomanes, qui provoquent déjà d’énormes tensions dans l’ensemble de la région, comme le montre son intervention militaire en Libye, avant celle en Syrie, etc.
Les navires de guerre turcs ont escorté les navires de forage turcs en Méditerranée orientale depuis la proclamation de la ZEE (zone économique exclusive ou EEZ en anglais) autour de la République de Chypre. La déclaration d’une ZEE entre la Grèce et l’Égypte, en réponse à la déclaration d’une ZEE entre la Turquie et la Libye, a été suivie par le déploiement de navires de guerre turcs dans la mer autour de l’île de Kastelorizo, qui a été suivi par le déploiement de navires de guerre grecs en réponse.
Pendant des jours, les deux flottes se sont fait face, “les doigts sur la gâchette”. Selon les médias allemands (Die Welt), Erdogan a discuté de la possibilité de couler un navire grec ou d’abattre un avion grec, mais il en a été empêché par ses généraux.
La Méditerranée orientale est actuellement le siège de l’une des plus grandes concentrations de forces navales de la planète : Des porte-avions et des navires de guerre américains, français et russes y sont stationnés, en plus des forces grecques et turques.
Les exercices navals et militaires qui s’y déroulent, parmi les forces qui composent le bloc anti-turc et qui comprennent Israël, l’Egypte et les Emirats arabes unis, ainsi que la Grèce, Chypre et la France, illustrent l’extrême tension qui règne.
Les gouvernements de Grèce, de Turquie et de Chypre, bien qu’ils aient été durement touchés par la pandémie de Covid-19 et la crise économique qu’elle a déclenchée, au lieu de dépenser leur argent pour la santé, la protection et la prospérité de leur population, se lancent dans une nouvelle course aux armements.
Selon le Frankfurter Allgemeine Zeitung (journal général de Francfort), le gouvernement turc a fait passer les dépenses militaires à 20 milliards de dollars en 2019, ce qui représente 7,8 % du PIB de la Turquie. Parallèlement, la Grèce négocie de nouveaux grands paquets d’armes d’une valeur de 10 milliards d’euros (environ 12 milliards de dollars) pour les prochaines années. La petite économie chypriote, après la levée de l’embargo par les États-Unis, se prépare à acheter de nouveaux équipements militaires plus avancés.
La population des trois pays est très inquiète. Malgré la “propagande patriotique” massive qui se développe tant en Turquie qu’en Grèce, selon un récent sondage, seuls 35 % des Turcs et 46 % des Grecs pensent que leur pays est capable de supporter le coût d’une guerre. Même en Turquie, où l’opinion publique est “habituée” à la guerre constante dans laquelle leur gouvernement est engagé, 60% sont contre une guerre avec la Grèce et seulement 31% y sont favorables.
Les illusions cultivées pendant des années en Grèce et à Chypre, selon lesquelles l’UE et l’OTAN pourraient contribuer à désamorcer la crise et les tensions nationales qui durent depuis des décennies, se dissipent de jour en jour. Il devient de plus en plus clair pour de larges pans de la population que les pays de l’OTAN et de l’UE servent leurs propres intérêts et, en fait, peuvent souvent être en conflit les uns avec les autres, comme le montrent les différentes attitudes de la France et de l’Allemagne au sein de l’UE.
Il est impossible de concilier les intérêts matériels réellement concurrents dans la région dans le cadre du capitalisme. Tout mouvement qui renforce la classe dirigeante grecque et chypriote grecque affaiblit la classe dirigeante turque et chypriote turque et vice versa.
Mais ce qui devrait être clair pour la classe ouvrière et les jeunes en Turquie, en Grèce et à Chypre, c’est que peu importe à quel point les classes dominantes sont prêtes à sacrifier d’innombrables vies dans cette compétition, nous n’avons rien à gagner. Ni des forages, ni des profits qu’ils génèrent pour les multinationales et les capitalistes locaux, ni de la revendication d’îlots rocheux inhabités en mer Égée qui ne servent que des intérêts géostratégiques en cas de guerre, ni bien sûr de la division de Chypre qui se poursuit sans aucune perspective sérieuse de résolution.
Pour toutes ces raisons :
- Nous sommes contre la guerre et le nationalisme qui se développe dans ces trois pays !
- Nous luttons contre l’extraction des hydrocarbures qui sacrifie l’environnement et la paix au profit des multinationales du pétrole.
- Nous appelons à une lutte commune des travailleurs et des jeunes en Grèce, en Turquie et à Chypre (nord et sud) contre les politiques anti-ouvrières et nationalistes des gouvernements et des classes dominantes qu’ils servent.
- Nous luttons pour la construction d’organisations politiques de masse de travailleurs et de jeunes qui lutteront pour le renversement du capitalisme dans nos pays, contre l’intervention impérialiste, et pour le socialisme, dans des conditions de démocratie et de liberté véritables, au sein d’une fédération socialiste volontaire, sur une base égale, non seulement des trois pays mais de toute l’Europe.
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Les femmes en Gréce et en Turquie – défis et luttes
Jeudi 5 mars, à partir de 19h
Pianofabriek Cultureel Centrum (Salle Casablanca 2), Rue du Fort 35, 1060 Saint-Gilles
A l’occasion du 8 mars, le collectif Sok?k-? vous invite à une discussion sur les femmes en Gréce et en Turquie. Nous voudrions présenter et discuter la situation actuelle, leurs réalités, leurs luttes et les perspectives.Le mouvement féministe dans le monde se développe de plus en plus. Pourtant les féminicides, les viols, les attaques sexuelles sont toujours d’actualité. Nos deux pays ne font pas l’exception. Nous voudrions regarder donc ce qui se passe dans nos deux pays, mais aussi en Belgique pour les femmes grecques et turques qui vivent ici.
La langue principale du débat sera le français; il y aura la possibilité de traduction en grec et en turc.
Appel du Collectif Sok?k-?
Il y a un an, motivés par le réveil des tensions entre la Grèce et la Turquie, ainsi que par le fait qu’il n’y avait jamais eu d’initiative d’action commune, grecs et turcs de Bruxelles, nous avons créé Sok?k-?. Notre collectif a pour but la promotion de la paix et de la coopération parmi nos deux peuples, et notre première action a été une fête, en décembre 2018, qui a eu beaucoup de succès.
La croissance du mouvement des femmes partout dans le monde, et aussi en Europe et dans les pays du Moyen-Orient, est évidente ; le rôle des femmes dans les luttes plus larges est très important. En même temps, étant conscients de la gravité du sexisme dans nos pays, nous avons décidé d’organiser un débat, justement au sujet des problèmes auxquels font face les femmes, ainsi que leurs luttes en Grèce et en Turquie.
Les viols et les féminicides font souvent la une dans les deux pays. Même si l’on peut avoir l’impression que la situation en Turquie est plus dure, la fréquence de tels incidents en Grèce ne laisse pas d’espace aux illusions. Il ne s’agit pas seulement de la question du viol, mais également de la façon dont il est traité par la justice et la législation. L’exemple le plus récent est le procès du viol d’Eleni Topaloudi : cette femme a été brutalement violée et assassinée l’année dernière sur l’île de Rhodes. Le procès a commencé il y a quelques semaines et les avocats des accusés ont demandé l’exclusion des femmes du corps du jury, ce que la cour a accepté. Et ce n’est pas seulement les féminicides, mais aussi le fait qu’une grande partie des médias et de la société refuse d’accepter le fait qu’il y a des femmes assassinées, justement parce qu’elles sont des femmes, et que certains les considèrent comme leur propriété. Ainsi, les médias masquent la vérité avec l’emballage du « crime passionnel » ou du « meurtre par amour ».
En Turquie, des femmes ont été arrêtées récemment pour avoir essayé de réaliser la performance de la fameuse chanson chilienne de Las Tesis « Un violeur sur ton chemin ». Quelques semaines plus tard, on a pu lire dans la presse que le législateur turc propose que le crime du viol d’une mineure soit radié dans le cas où l’auteur accepte de se marier avec la victime. Comme si, pour certaines filles, ce n’est pas suffisant de se faire violer une fois : il faut qu’elles subissent cette atrocité tous les jours, avec l’approbation de la loi.
Mais en même temps, nous avons vu un grand nombre de manifestants dans les rues des villes grecques et turques le 25 novembre, manifestant contre les violences faites aux femmes. Nous avons aussi vu des députées turques réaliser la performance de la chanson chilienne dans le parlement, pendant que leurs collègues masculins tenaient des pancartes avec les noms des femmes assassinées. On voit des réactions importantes, immédiates et efficaces contre la tentative de remettre en question le droit à l’avortement en Grèce, un droit acquis et reconnu légalement depuis 1986.
En Belgique aussi, l’austérité et le chômage, qui augmentent de plus en plus, frappent surtout et avant tous les femmes. Les femmes ont davantage de mal à trouver un travail, tandis que les coupes budgétaires dans la santé, l’éducation et l’État-providence, rendent très dure la vie surtout des femmes, qui sont souvent les chefs des familles monoparentales et sont souvent moins bien rémunérées que les hommes.
En Belgique, comme en Grèce et en Turquie, les femmes hésitent souvent à se séparer d’un partenaire violent et, ce, pour des raisons financières. Le nombre de féminicides est élevé, tout comme le nombre de publicités sexistes.
En Belgique également, le 8 mars et le 24 novembre derniers, les rues des Bruxelles se sont remplies de gens qui se battent contre les violences faites aux femmes et exigent le renforcement des structures qui soutiennent les femmes et les mères. Avec la Campagne ROSA (Résitance contre l’Oppression, le Sexisme et l’Austérité), nous voulons intervenir dans ce mouvement, le renforcer et y amener notre programme socialiste féministe.
Notre débat aura lieu le 5 mars, dans le cadre des actions prévues pour la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes (manifestation le 8 mars et grève le 9 mars), dans le but d’informer sur ce qui se passe dans les deux pays, et de montrer qu’en Grèce, en Turquie ou en Belgique, nous avons la même lutte à mener.
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Au Grand Duché aussi, on proteste contre l’invasion du Rojava !

Des manifestations contre l’invasion du Rojava prennent place dans plusieurs pays et réunissent non seulement des Kurdes, mais aussi des militants anti-guerre, des syndicalistes, des féministes,… Ce fut également le cas ce lundi 14 octobre au Grand Duché du Luxembourg. Plusieurs centaines de personnes se sont réunies Place Clairefontaine. Des militants du PSL étaient également présents et y ont diffusé la déclaration de notre organisation-soeur en Turquie, Sosyalist Alternatif que vous pouvez consulter ici. (PDF de notre tract)
Non à la guerre contre les Kurdes !
- Arrêt immédiat de l’opération « Source de Paix » !
- Les syndicats, les ONG et la gauche, en Turquie et au niveau international, doivent organiser des manifestations contre la guerre !
- Suppression du soutien à tous les groupes djihadistes, qu’il s’agisse de l’Armée Syrienne Libre ou de l’Armée Nationale Syrienne !
- Toutes les forces impérialistes hors du Moyen-Orient !
- Défense du droit à l’autodétermination des Kurdes et de tous les groupes opprimés !
- Pour l’unité de tous les travailleurs, paysans, jeunes et femmes du Moyen-Orient – contre toute discrimination fondée sur la religion, la langue, ou le genre, toutes et tous sous la bannière du socialisme !
- Vive la solidarité internationale des travailleurs !
- Pour une confédération socialiste démocratique et volontaire du Moyen-Orient.






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Manifestation contre l’invasion du Rojava à Bruxelles : construisons un mouvement anti-guerre de masse!

Des centaines de Kurdes et d’opposants à l’agression militaire de l’Etat turc contre le Rojava ont manifesté cet après-midi à Bruxelles. Le cortège est parti du rond-point Schuman pour rejoindre le Parlement européen, avec un arrêt et deux minutes de silence à la station de métro de Maelbeek à la mémoire des victimes du terrorisme. Au podium, notre camarade Nicolas Croes a pu exprimer la solidarité du PSL / LSP et de son internationale le Comité pour une Internationale Ouvrière.
Il a notamment défendu la construction d’un mouvement antiguerre international de masse qui défendra notamment le droit à l’autodétermination des Kurdes et de tous les groupes opprimés. Ce serait également l’opportunité de débattre du type d’Etat et de société dont nous avons besoin : une société socialiste démocratique débarrassée des guerres, de la misère et de l’exploitation.





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Non à la guerre au Nord et à l’Est de la Syrie! Un mouvement international peut stopper cette guerre!
Ayant reçu le feu vert de l’impérialisme américain, le régime d’Erdo?an a lancé une invasion massive dans le Nord et l’Est de la Syrie. Le 9 octobre, des avions de combat des forces armées turques ont commencé à bombarder la région. L’élite dirigeante a prouvé que son cynisme n’a aucune limite, en baptisant cette guerre “Opération Source de Paix”. Un mouvement de masse international peut stopper cette poignée d’exploiteurs qui, pour défendre ses intérêts, est prête à bafouer les droits des masses populaires et des pauvres de nationalités turque, kurde, arabe et autres et, une fois encore, à lancer des bombes et des tanks contre les populations.
Déclaration de Sosyalist Alternatif (section du CIO en Turquie) PDF de notre tract
Le régime d’Erdo?an et ses partisans utilisent l’expression “zone de sécurité” pour justifier l’attaque du Nord et de l’Est de la Syrie par la deuxième force militaire de l’OTAN, accompagnée de djihadistes de la région récemment regroupés dans l’Armée Nationale Syrienne. A l’instar des Etats-Unis et d’autres forces impérialistes qui ont justifié leurs guerres contre l’Afghanistan, l’Irak et d’autres pays au nom de la démocratie, le régime d’Erdo?an et ses partisans décrivent cette guerre comme une nécessité pour la sécurité des frontières turques. Ils espèrent que l’on croie de tels mensonges. Tout cela n’est que démagogie, comme en témoignent les plus de 100.000 personnes déjà déplacées par l’offensive de l’armée turque. Pendant le conflit syrien, des centaines de milliers de personnes ont perdu la vie, des millions de personnes ont fui leur foyer et des villes entières ont été détruites. Mais jusqu’à présent, la région du Nord-Est de la Syrie, jusqu’à la frontière turque, avait été relativement épargnée.
Le régime d’Erdo?an n’a jamais levé le petit doigt quand l’État islamique (Daesh) brûlait des gens vivants, les décapitait et les réduisait en esclavage. La première et dernière opération contre Daesh près de la frontière turque a été menée en août 2016 par les Forces démocratiques syriennes (FDS – principalement composée des YPG/YPJ kurdes). Elles se sont déplacées à l’Ouest de l’Euphrate, étant entendu qu’elles chasseraient Daesh sans prendre le contrôle de la région.
La principale raison de cette guerre initiée par le régime d’Erdo?an est la crainte que les Kurdes de Syrie n’obtiennent les droits démocratiques qu’ils revendiquent. Il craint que cela n’encourage les plus de 20 millions de Kurdes vivant à l’intérieur des frontières turques puisqu’ils ne disposent même pas des droits démocratiques les plus basiques, ne parlons même pas de ceux acquis au Nord-Est de la Syrie au cours de ces huit dernières années. Cela explique pourquoi les partis et toutes les sections du régime en Turquie, des kémalistes aux néo-ottomans, des islamistes aux ultra-nationalistes, font la queue pour soutenir la ligne nationale-chauviniste soutenue par Erdo?an. Ils ont tous approuvé cette opération militaire au Parlement, permettant ainsi à l’armée turque de franchir la frontière.
Les ambitions impérialistes
Erdo?an se dit recourt dans ses discours à une terminologie datant de la conquête ottomane. Le régime, qui a soigneusement évité d’utiliser le terme de “guerre” dans l’opération de conquête d’Afrin en janvier 2018, parle cette fois ouvertement de guerre.
Cette opération est une guerre de conquête du régime d’Erdo?an. Il entend s’en prendre à l’autonomie des Kurdes, mais aussi ouvrir de nouvelles possibilités pour la Turquie en tant que puissance impérialiste en s’emparant du Nord et de l’Est de la Syrie. Le régime fait constamment référence à l’intégrité territoriale de la Syrie, mais ce n’est qu’une tactique. Si le régime d’Erdogan n’avait voulu agir que pour bloquer les Kurdes, il aurait convenu avec le régime d’Assad d’une approche commune, plutôt que de risquer une issue incertaine.
Le régime a un autre objectif très clair : il veut renvoyer des réfugiés vivant en Turquie dans les différentes parties du Nord et de l’Est de la Syrie en créant des zones tampons entre les régions kurdes en modifiant la structure démographique de ces zones géographiques et en dressant Arabes et Kurdes les uns contre les autres. C’est ce que le régime de Hafez al Assad a fait par le passé pour créer ce que l’on appelle la “ceinture arabe”. Il veut également transférer les groupes djihadistes actuellement bloqués à Idlib, dans l’Ouest de la Syrie, plus à l’Est, afin d’établir leur présence dans le pays à moyen et long terme. Naturellement, cela ouvre aussi la région aux entreprises turques, en particulier dans le secteur de la construction, pour relancer l’économie turque en déclin.
L’hypocrisie de l’impérialisme américain
L’impérialisme américain, dans sa campagne contre Assad en Syrie, a fourni des armes et un soutien aérien directement aux YPG (les Unités de protection du peuple), d’abord pendant le crucial siège de Kobané par Daesh après que ce dernier se soit emparé d’un vaste territoire et ait déclaré un “État Islamique”. Mais les relations des États-Unis avec les YPG ont compliqué ses relations avec le régime turc, important membre de l’OTAN. En réponse, le régime d’Erdo?an, qui s’est trouvé allié aux États-Unis contre le régime d’Assad, a utilisé l’achat de missiles S-400 à la Russie pour développer des relations tactiques défensives avec le Kremlin. Cela a maintenu les États-Unis sous pression constante pour satisfaire la principale exigence d’Erdo?an : couper son lien avec les forces kurdes. La récente décision de Trump, semble-t-il, d’autoriser cette opération était destinée à satisfaire la revendication de la Turquie après que le territoire contrôlé par Daesh ait été pratiquement réduit à néant.
Cela fait suite, il y a moins d’un mois, aux efforts déployés par les États-Unis pour persuader les FDS (Forces démocratiques syriennes, qui comprend des troupes du YPG auprès d’autres composantes armées) de battre en retraite dans le cadre d’un accord avec la Turquie sur une prétendue “zone sécurisée”. L’impérialisme américain a ainsi trompé les FDS juste avant de donner le feu vert à l’opération d’Erdo?an.
Les calculs russes et syriens
L’opération d’invasion du Nord et de l’Est de la Syrie ne serait pas possible sans l’approbation du régime syrien et celle du grand frère d’Assad, le régime de Poutine. Les calculs effectués par la Russie et la Syrie sont à prendre en compte dans l’influence de la Turquie sur les groupes djihadistes.
Lorsque la Turquie a envahi la région située entre Kobané et Afrin en 2016, elle a déplacé les forces djihadistes d’Alep à Idlib, au profit de la Syrie et de la Russie au point qu’elles ont regardé ailleurs. De même, elles ont fermé les yeux lorsque l’armée turque a envahi Afrin, en déplaçant les djihadistes du Sud de Damas vers Idlib. À la suite de ces opérations, tous les groupes djihadistes autrefois dispersés en Syrie ont été rassemblés en un seul endroit, Idlib.
Aujourd’hui, alors que la Turquie occupe le Nord et l’Est de la Syrie, il est probable qu’elle déplacera les forces djihadistes d’Idlib vers cette partie du pays. Les régimes syrien et russe ont planifié une opération militaire totale dans ce territoire dans le même but. Les derniers rapports militaires, s’ils sont confirmés, suggèrent que des frappes aériennes russes sur le territoire d’Idlib ont sans aucun doute été menées pour accélérer ce processus.
En outre, le régime d’Assad est également intéressé à mettre un terme aux aspirations démocratiques et sociales du peuple kurde et est actuellement très heureux que les Kurdes subissent l’agression militaire turque, avant d’être contraints de se soumettre à son régime.
David contre Goliath
Les FDS ont annoncé qu’ils se battront jusqu’au bout sur tous les fronts. Pendant combien de temps pourront-ils résister à l’une des plus grandes armées de l’OTAN ? Contrairement à Afrin, le territoire à l’Est de l’Euphrate est plat. Cela signifie qu’une guerre de front ouverte contre une machine militaire bien équipée ne sera pas facile à soutenir. Néanmoins, alors que l’opération d’Afrin a duré deux mois, cette guerre pourrait durer plus longtemps.
A court terme, il est difficile qu’émerge un mouvement anti-guerre en Turquie en raison de l’absence de droits démocratiques et de liberté d’expression tandis que de larges pans de la classe ouvrière sont influencés par le nationalisme et la propagande de guerre. Mais malgré cela, toutes les forces de gauche, y compris les syndicats, doivent immédiatement agir. Les circonstances changeront au fur et à mesure que la guerre s’éternisera et que toutes ses contradictions et conséquences seront révélées à la classe ouvrière. Il deviendra évident que le régime d’Erdo?an utilise cette guerre pour détourner l’attention de la réalité politique dans laquelle vivent les travailleurs et les pauvres, où la cherté de la vie et le chômage ne font que s’aggraver.
Dans un premier temps, il est plus probable qu’une réaction efficace contre cette invasion émerge au niveau international, en particulier en Europe. La classe ouvrière européenne est très sensibilisée à cette question, notamment en raison du rôle dominant que les combattants kurdes ont joué dans la guerre contre Daesh. Les syndicats, les organisations non gouvernementales et la gauche peuvent lancer un mouvement anti-guerre international. Mais il est crucial que des appels soient lancés aux travailleurs et aux pauvres turcs car, en Turquie, Erdo?an présente les réactions internationales contre la guerre comme de simples “pressions impérialistes”.
L’invasion du Nord et de l’Est de la Syrie ne résoudra aucun des problèmes auxquels est confrontée la classe ouvrière turque. Nier le droit du peuple kurde à l’autodétermination là où ils vivent, au même titre que n’importe quel autre peuple, n’apportera aucune amélioration des conditions de vie de la classe ouvrière. Au contraire, cette guerre renforcera la classe dirigeante, répandra la haine parmi la population et provoquera de nouveaux schismes ethniques et sectaires.
Aujourd’hui, le Moyen-Orient est un bain de sang où les travailleurs, les pauvres et les opprimés sont amenés à s’entre-tuer au milieu de la famine, des maladies, de la mort, de la pauvreté et de la migration. L’antidote à ce bain de sang est de lutter contre l’impérialisme et le capitalisme ainsi qu’en faveur d’une véritable alternative reposant sur l’unité de la classe ouvrière sans distinction raciste, sur base communautaire ou de confession religieuse ou encore de genre ; pour une société sans exploitation ni oppression nationale, c’est-à-dire une Confédération socialiste démocratique et volontaire du Moyen-Orient. Même si cela semble difficile aujourd’hui, il n’y a pas d’autre solution.
Non à la guerre contre les Kurdes !
• Arrêt immédiat de l’opération “Source de Paix” !
• Les syndicats, les ONG et la gauche, en Turquie et au niveau international, doivent organiser des manifestations contre la guerre !
• Suppression du soutien à tous les groupes djihadistes, qu’il s’agisse de l’Armée Syrienne Libre ou de l’Armée Nationale Syrienne !
• Toutes les forces impérialistes hors du Moyen-Orient !
• Défense du droit à l’autodétermination des Kurdes et de tous les groupes opprimés !
• Pour l’unité de tous les travailleurs, paysans, jeunes et femmes du Moyen-Orient – contre toute discrimination fondée sur la religion, la langue, ou le genre, toutes et tous sous la bannière du socialisme !
• Vive la solidarité internationale des travailleurs !
• Pour une confédération socialiste démocratique et volontaire du Moyen-Orient. -
Bruxelles & Liège : Rassemblements de solidarité avec le Rojava

Liège Quelque 600 personnes se sont réunies cet après-midi à Bruxelles, dans la commune de Saint-Gilles, pour dénoncer l’invasion turque du Rojava, au nord de la Syrie. Des militants du PSL étaient présents, comme c’était d’ailleurs également le cas hier à Liège pour un rassemblement similaire.
A Liège, environ 250 personnes se sont réunies Place Saint Lambert à l’appel de la Coopérative politique Vega, de Vert Ardent, de Solidarité Liège Rojava, des JOC, d’Action antifasciste liégeoise, d’Ecologie sociale Liège, du Front Antifasciste 2.0 (auquel le PSL collabore également), d’Action autonome Liège et du PSL.
Un groupe d’une quarantaine de jeunes sont venus provoquer le rassemblement avec des drapeaux turcs mais aussi du MHP, un parti d’extrême droite turc, en proférant des insultes et en faisant le signe de ralliement des Loups Gris, organisation turque néofasciste liée au MHP. Ces derniers ont décidé de charger le rassemblement de solidarité avec le Rojava alors que commençaient les prises de parole, mais ils ont été repoussés.
Il est évident que la manœuvre visait à faire taire les Kurdes, mais aussi les soutiens qui étaient présents et qui tenaient à faire entendre leur solidarité face à cette agression. En s’attaquant au Rojava, Erdogan ne s’en prend pas qu’aux Kurdes : il s’agit d’un assaut porté contre chaque féministe, chaque antifasciste, chaque militant de gauche, chaque syndicaliste.
Au côté des représentants kurdes, seul le conseiller communal de la coopérative politique Vega a finalement pu prendre la parole avant les échauffourées provoquées par les jeunes turcs mobilisés par l’extrême droite turque. Mais la députée écolo Sarah Schlitz et le conseiller provincial PTB Rafik Rassâa étaient également présents et auraient très certainement publiquement fait part de leur soutien à la lutte du Rojava, tout comme l’auraient fait le PSL et les autres groupes présents. Nous invitons d’ailleurs les différents groupes et associations désireux de montrer leur soutien au Rojava à venir la prochaine fois avec leurs drapeaux et leurs banderoles, tout comme l’ont fait le PSL et le Front Antifasciste 2.0 hier, pour démontrer le plus clairement possible que les Kurdes ne sont pas seuls !
Bruxelles




Liège
Voir par ailleurs le reportage-photos du Collectif Krasnyi.






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Rojava : Non à l’invasion turque !

Une nouvelle étape a été franchie dans la guerre en Syrie après que le président Recep Tayyip Erdogan a annoncé que les troupes turques sont prêtes à attaquer et occuper la région kurde de Rojava au nord de la Syrie. La première vague de troupes a traversé la frontière accompagnée de lourdes frappes aériennes. Pour la population de la région, c’est la panique. Cela survient trois jours à peine après un coup de fil entre Erdogan et Donald Trump au cours duquel ce dernier a promis que les troupes américaines seraient retirées du nord-est de la Syrie.
Par Claus Ludwig, SAV (CIO-Allemagne).
Les unités turques ayant déjà envahi Afrin en 2018, la province géographiquement isolée de l’ouest de la région kurde, ont reçu le feu vert pour reprendre Rojava durant cet appel téléphonique avec Donal Trump. Cela marque le début de la prochaine phase de la guerre entre les puissances mondiales et régionales qui se déroule sur le territoire syrien à un coût terrible pour le peuple syrien.
L’issue de l’opération est incertaine. Le président Erdogan bénéficie de la supériorité écrasante de l’armée turque, mais il s’est avéré être un piètre stratège à plusieurs reprises. Les Unités de protection du peuple (YPG) et les Unités de protection de la femme (YPJ) qui contrôlent actuellement Rojava ne disposent pas d’un potentiel militaire suffisant pour s’opposer aux tanks et à l’armée de l’air turcs. Leur héroïsme, motivé par la défense de leurs foyers, ne suffira pas à résister à la puissance de feu de la Turquie. Mais malgré cela, Erdogan ne parviendra pas à “pacifier” la région. Même s’il remporte rapidement des victoires sanglantes, il ne sera pas en mesure de faire respecter son règne sans violence supplémentaire. Les unités kurdes continueront à se battre par des opérations de guérilla, comme à Afrin.
La zone de guerre va s’étendre avec l’augmentation de la résistance dans le sud-est de la Turquie, au nord de l’Irak et au nord de la Syrie. Plus longtemps durera l’opposition à l’invasion et les combats de guérilla, plus cela aura un impact sur le conflit kurde en Turquie. L’équilibre du pouvoir nouvellement perturbé en Syrie va gagner en confusion. En exposant les raisons du retrait de ses troupes, le gouvernement américain a déclaré qu’elles n’y sont plus nécessaires puisque que le califat de “l’Etat islamique” a été vaincu. Mais Daesh a été écrasé au sol par les unités kurdes. Des milliers de militants islamistes et leurs proches se trouvent actuellement dans des camps d’internement kurdes. L’invasion turque les libérera.
Une défaite des forces kurdes créera instantanément un vide que les forces islamistes réactionnaires pourront combler. Par le passé, le régime d’Erdogan a utilisé les forces de Daesh pour terroriser la population. Aujourd’hui, des milices islamistes sont déployées à Afrin en tant que forces terrestres sous contrôle de l’armée turque. Mais qu’Erdogan s’appuie directement sur les islamistes ou tente de les garder sous contrôle, dans les deux cas, ils se regrouperont dans le but commun de détruire le Kurdistan.
Si la Turquie tient sa promesse de réinstaller de nombreux réfugiés syriens – pour la plupart d’origine arabe – de Turquie dans les régions kurdes, cela préparera le terrain pour de nouvelles explosions ethniques et des massacres. Ces victimes de la guerre se verront offrir un nouveau “chez-soi” dont d’autres doivent d’abord être expulsées. Cela ouvrirait la voie aux milices islamistes et aux gangsters de toutes sortes pour prendre le contrôle de la redistribution des zones d’influence et des routes commerciales. Sur cette base, Daesh ou une organisation du même genre pourrait même être en mesure de relancer une offensive contre le régime d’Assad.
Parallèlement, on ne peut exclure que le régime d’Assad exploite l’invasion turque et utilise ses troupes contre la région kurde pour faire d’une pierre deux coups : accélérer la chute de l’autonomie gouvernementale kurde tout en faisant en sorte que les combattants islamistes capturés par les Kurdes soient écartés de l’équation en les massacrant ou les emprisonnant.
Les dirigeants européens sont également impliqués
Il y a quelques jours, le président fédéral allemand Steinmeier s’est rendu en Turquie. Bien qu’il ait probablement exprimé ses “préoccupations” ou ses “inquiétudes” au sujet de l’invasion turque du nord de la Syrie, il n’a pas essayé de stopper Erdogan ni menacé de prendre des mesures quelconques. Le gouvernement fédéral a également donné son feu vert en proférant des avertissements publics mais impuissants. Les unités turques qui envahissent Rojava le font avec l’aide de la technologie allemande, avec des chars, des camions et des armes automatiques produits sous licence. Les avions allemands Tornado pilotés par les pilotes de l’armée de l’air allemande opèrent à partir de l’aéroport militaire turc d’Incirlik jusqu’à 2017. Ils surveillaient la situation dans la zone frontalière et leurs renseignements étaient recueillis pour être utilisés “contre d’autres acteurs”, “contre l’Etat islamique” et “contre le terrorisme”. La Turquie est évidemment un partenaire de l’OTAN.
Bien que les Kurdes vivant en Europe protestent activement contre les attaques contre leur région, ils constatent souvent qu’ils ne bénéficient pas d’un soutien plus large, contre le régime d’Erdogan par exemple. Mais il est possible d’élargir les manifestations en soulignant l’implication des puissances européennes et des entreprises d’armement européennes et en assurant que la population se rende compte du profit tiré de la mort en Syrie. Si les courageuses organisations kurdes prêtes à se mobiliser en Europe lançaient un appel aux organisations de gauche, aux syndicats et aux mouvements sociaux, elles pourraient obtenir un très large soutien.
Pendant la bataille de Kobane en 2014/15, bien que les unités kurdes du YPG et du YPJ aient été très motivées et déterminées, le soutien aérien américain a été essentiel pour assurer leur succès. En coopérant ainsi avec l’impérialisme américain, le mouvement kurde a acquis un avantage tactique, mais il s’est retrouvé dans une impasse stratégique. Cette coopération s’est effectuée au prix d’une partie de son plus grand atout, sa position de principe en faveur d’une Syrie multiethnique, multireligieuse et démocratique, renonçant aux gains territoriaux et à l’oppression.
La réponse des Etats-Unis
La déclaration de Trump concernant le retrait des troupes américaines fut un choc, non seulement pour le peuple kurde, mais aussi aux Etats-Unis, jusqu’au sein du Parti républicain. Des commentateurs décrivent cette mesure comme un cadeau à la Russie et à l’Iran, car cela renforcera leur alliance avec Assad. Certains affirment qu’une partie de la direction kurde attend de la Russie qu’elle négocie un accord avec Assad, ce qui signifierait le sacrifice de l’autonomie kurde pour mettre un terme à l’avancée turque.
Mais ni les puissances régionales, ni les impérialistes américains ni la Russie de Poutine ne peuvent être de véritables alliés. Pour l’impérialisme américain, l’alliance avec les Kurdes n’était qu’une mesure tactique et non stratégique. Il était évident que, tôt ou tard, le soutien aux unités du YPG/YPJ serait abandonné pour servir les intérêts primordiaux et à long terme de l’impérialisme américain. En fin de compte, les Kurdes ne peuvent garantir leurs droits démocratiques qu’en luttant en alliance avec les opprimés et les exploités des autres nations de la région pour leurs intérêts communs et surtout contre les puissances capitalistes qui ne sont pas prêtes à garantir leurs droits politiques et économiques.
Les années de conflit sectaire et de guerre ont grandement élargi les fractures nationales et religieuses. Il est nécessaire de commencer le travail très difficile – et parfois politiquement délicat – de surmonter ces divisions et de construire une force véritablement multiethnique dans la région.
La marche commune pour la conquête de la ville sunnite de Raqqa par les YPG et les forces américaines n’a pas contribué à faire avancer cette tâche stratégique essentielle, elle a repoussé le mouvement kurde. D’un point de vue militaire, on pourrait peut-être soutenir qu’il était nécessaire de prendre le contrôle de certaines zones habitées par des Arabes pour créer une zone défensive autour de Rojava. Mais Raqqa, ville arabe nettement sunnite, est loin des zones de peuplement kurde. Une partie de la population y a salué la fin du terrorisme de Daesh, ce qui aurait pu jeter les bases d’une certaine unité avec la population kurde. Au lieu de cela, de nombreux civils sont morts pendant le bombardement de la ville par les États-Unis. De nouvelles blessures ont été faites, de nouvelles haines ont été semées. Il y a maintenant le danger que, contrairement à 2014, les unités du YPG et du YPJ ne soient pas considérées comme une force de libération, mais simplement comme une milice ethnique parmi les autres de la guerre syrienne, une milice prête à s’allier à d’autres forces en fonction de ses intérêts propres et, ce faisant, à prendre une part de la responsabilité de la mort et du terrorisme qui ravage le pays.
La situation au Moyen-Orient ne peut changer qu’avec la construction d’un mouvement multiethnique et socialiste des opprimés de tous les pays. Le mouvement kurde peut jouer un rôle de premier plan à cet égard, en raison de sa situation géographique, de ses racines socialistes et de sa politique actuelle contre les divisions ethniques et pour l’autonomie démocratique égalitaire. Mais il a besoin d’une stratégie consciente pour trouver un écho parmi les travailleurs et les paysans turcs, arabes et iraniens. Il a besoin d’un programme qui promeuve l’unité des travailleurs et des opprimés. Pour cela, il doit être totalement indépendant de la classe capitaliste et rejeter toute alliance avec les bandits criminels des élites dirigeantes.
Au moment-même où l’invasion turque se déroule, d’autres événements prennent place dans la région, comme les manifestations sociales de masse en Irak ou encore la grève des enseignants en Jordanie. Ces mobilisations montrent la voie vers une perspective différente pour la région. Le mouvement kurde devrait se pencher sur sa propre expérience, sur la manière dont les femmes ont lutté, sur sa défense de l’environnement et sur son soutien à la démocratie directe – et regarder au-delà de l’horizon kurde. Il doit être clairement accepté qu’il ne saurait y avoir de progrès sur base capitaliste au Moyen-Orient. La seule issue, c’est la lutte de classe commune par-delà les frontières nationales et religieuses, la lutte commune pour le renversement de tous les régimes et pour une fédération socialiste volontaire et démocratique du Moyen-Orient.
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Effondrement de la livre turque : Erdogan dans la tourmente

L’an dernier, le taux de croissance économique turc était de 7,4%, soit la croissance la plus élevée des pays du G20, devançant même les 6,9% de la Chine. Aujourd’hui, la monnaie turque menace d’attirer l’ensemble de l’économie dans sa chute vertigineuse, la livre ayant perdu plus de 40% de sa valeur face à l’euro et au dollar entre début janvier et fin août 2018. Le président-dictateur turc Erdogan connait mieux que personne ce que pareille situation peut impliquer : si son Parti de la justice et du développement (AKP) créé en 2001 est arrivé au pouvoir l’année suivante, c’est à la faveur de la crise monétaire turque de 2000-2001 qui avait balayé les partis traditionnels.
Par Nicolas Croes
Une crise qui ne tombe pas du ciel
Sous les encouragements d’Erdogan, la croissance turque de ces dernières années a été essentiellement stimulée par l’accès au crédit bon marché sur les marchés internationaux. Depuis la fin des années 2000, il était plus avantageux d’emprunter en dollars qu’en livres turques, situation dont a largement abusé le secteur turc de la construction. Mais cette politique ne pouvait pas éternellement durer. Depuis décembre 2015, la Fed (la banque centrale américaine) a entamé un processus de relèvement de ses taux directeurs pour sortir de la période de taux d’intérêts excessivement bas. Cela participe à pousser le dollar vers le haut face aux autres devises, tandis que le coût des emprunts pour les entreprises turques endettées en dollar est devenu plus lourd à supporter. Le nombre de faillites a augmenté de 37% en 2017, et même de 120% dans le secteur du bâtiment-travaux publics.
Lorsque l’afflux de crédit bon marché dépasse largement la production de biens et de services, cela provoque inévitablement de l’inflation. Depuis ce début d’année, elle a commencé à durablement franchir le seuil des 10% en-dessous duquel elle avait été contenue jusque-là. Le pouvoir d’achat de la population s’est considérablement érodé. La situation économique est peu à peu devenue la première préoccupation des plus les 80 millions de Turcs en dépit de la propagande des médias contrôlés par le régime.
Les perspectives économiques pessimistes ont joué un rôle fondamental dans les motivations qui ont poussé Erdogan à avancer au 24 mai dernier la tenue des élections législatives et présidentielle, soit un an et demi plus tôt que prévu. Avant que l’économie ne se détériore davantage – l’inflation était déjà de 10,85% en avril et la monnaie avait perdu 10% de sa valeur face au dollar – Erdogan voulait briguer un nouveau mandat qui lui ouvrirait des pouvoirs présidentiels illimités.
A la suite du référendum constitutionnel de 2017, le pays est passé d’un régime parlementaire à un régime présidentiel, mais le nouveau système ne devait être introduit qu’après les prochaines élections. Cette précipitation s’apparentait donc à la panique. Alors que la campagne débutait à peine, l’agence de notation Standard and Poor’s abaissait la note de la dette turque, prévoyant ‘‘un atterrissage difficile’’ de l’économie du pays. Finalement, Erdogan a remporté les élections présidentielles (52%), mais son parti a perdu la majorité absolue des sièges qu’il détenait à lui seul à l’Assemblée nationale. Ce n’est que grâce à son alliance avec le Parti d’action nationaliste (MHP), une formation d’extrême droite, qu’Erdogan dispose d’une majorité à l’Assemblée.
Tensions grandissantes avec les Etats-Unis
Alors que le bilan de santé de la livre turque était problématique depuis le début de l’année, la décision des Etats-Unis début août d’imposer des sanctions contre deux ministres turcs et d’ensuite doubler les taxes à l’importation sur l’acier et l’aluminium turcs (jusqu’à respectivement de 50% et 20%) a précipité la dégringolade de la monnaie. Ce à quoi la Turquie a répliqué en relevant les tarifs douaniers sur l’importation de plusieurs catégories de produits américains tout en annonçant qu’Erdogan avait eu un entretien téléphonique avec Poutine pour discuter de la Syrie et des échanges commerciaux entre les deux pays.
Cette crise inédite entre les Etats-Unis et un de ses alliés de l’OTAN, parmi les plus anciens et les plus importants, est illustrative de la volatilité de la situation internationale actuelle, marquée par l’instabilité, les difficultés économiques, les conflits entre grandes puissances et les changements d’alliance.
Une décennie après l’éclatement de la crise, rien n’a été réglé. Au contraire, de nouveaux problèmes sont apparus, dont le développement de tendances protectionnistes et le début d’une guerre commerciale. Au moment où la livre turque plongeait en août, une nouvelle tranche de droits de douane imposés par les Etats-Unis portait à 50 milliards de dollars annuels la valeur des marchandises chinoises taxées à 25% en entrant sur le territoire américain.
Un colosse au pied d’argile
Fidèle à ses habitudes, Erdogan s’est réfugié dans une rhétorique nationaliste et religieuse qui le place à la tête d’un pays ‘‘assiégé’’ par des puissances hostiles et un ‘‘lobby du taux d’intérêt’’ tandis qu’il annonçait une nouvelle vague de répression, contre les ‘‘terroristes économiques’’ cette fois.
Les fondamentaux économiques resteront cependant sourds à ses menaces. L’agence de notation Standard and Poor’s prévoit que le pays entrerait en récession en 2019. L’éventualité d’un plan d’aide du Fonds monétaire international (FMI) ou d’un recours au contrôle des capitaux est de plus en plus ouvertement discutée. Si cela a été évité jusqu’ici, c’est parce que la Turquie a pu emprunter 15 milliards de dollars au Qatar. Cela suffira-t-il si l’économie continue sur cette pente glissante ? C’est loin d’être certain.
Parmi les masses, le ralentissement de l’économie ainsi que la poussée de l’inflation et du chômage alimentent la colère de même que le discrédit d’Erdogan. Les manœuvres autoritaires et paranoïaques du régime ne sont pas une preuve de force, mais une démonstration de faiblesse et de crainte face à ce que représente le géant du mouvement ouvrier dans l’Etat turc. Il n’est pas à exclure qu’Erdogan cherche à dévier son attention en ressuscitant les vieilles contradictions nationales par le biais d’une nouvelle offensive contre les Kurdes au Nord de la Syrie.
Le potentiel du mouvement ouvrier a encore été partiellement illustré à l’occasion des dernières élections. Le HDP (Parti démocratique des peuples) a ouvert ses listes en constituant dans les faits une alliance de gauche composée de militants et de syndicalistes tant kurdes que turcs. Cette alliance électorale doit être transformée en une force capable d’aider à organiser la résistance contre le régime d’Erdogan et tout ce qu’il représente. Le mouvement ouvrier doit riposter contre toutes les tentatives de faire payer la crise aux travailleurs et aux pauvres ainsi que contre chaque essai de diviser les masses, notamment sur base ethnique et religieuse.
