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Tag: Terrorisme
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Tunisie: attaque terroriste à El Kantaoui – Pour un mouvement de masse contre la pauvreté et la terreur !
Al-Badil al-Ichtiraki (Alternative Socialiste, CIO en Tunisie) condamne fermement l’attaque terroriste barbare de Sousse, qui, au dernier décompte, a conduit à la mort de 39 personnes innocentes. Il s’agit de la pire attaque terroriste que la Tunisie ait jamais connue, et la deuxième attaque terroriste majeure ciblant des touristes en moins de quatre mois. Les victimes de cette attaque, au-delà des touristes massacrés pendant leurs vacances et la douleur insupportable occasionnés à leurs familles et amis, seront aussi les nombreux Tunisiens qui dépendent de l’industrie touristique comme gagne-pain quotidien.Déclaration d’Al-Badil al-Ishtiraki (Alternative Socialiste, Comité pour une Internationale Ouvrière – Tunisie)
Des milliers de touristes ont déjà quitté le pays ou sont en attente de le faire. Daesh, qui a revendiqué l’attaque, peut bien dénoncer les « infidèles »; en réalité, d’innombrables familles musulmanes pauvres vont payer le prix fort de leurs actions répugnantes. Horrifiés par l’assaut, des travailleurs de l’hôtel et d’autres personnes locales ont héroïquement formé une barricade humaine pour protéger autant de touristes qu’ils le pouvaient.
Seifeddine Rezgui Yacoubi, l’homme qui a perpétré cette attaque, a utilisé une kalachnikov pour tuer 39 personnes en 17 minutes. Cela présuppose qu’il a été entraîné pour utiliser son arme – comme le sont un nombre croissant de Tunisiens, entraînés et armés via les terrains de guerre en Syrie, en Irak et en Libye voisine, cette dernière étant devenue, depuis l’intervention militaire de l’OTAN, une plaque tournante pour le trafic de toutes sortes par de nombreux groupes djihadistes armés.
Depuis l’opération terroriste au musée du Bardo en mars dernier, les conditions qui ont conduit à ce genre d’horreurs sont restés inchangées. “Rezgui” s’était vu lui-même nié le droit d’être logé dans les dortoirs universitaires de Kairouan, poussé à vivre dans un quartier où de nombreux salafistes opèrent et endoctrinent les jeunes. Le chômage de masse, la marginalisation sociale et politique, le manque d’infrastructures de base dans de nombreux quartiers, le manque d’accès à une éducation décente et d’investissement public dans les moyens d’expression culturelle et artistique, tout cela a créé un profond sentiment d’aliénation parmi des centaines de milliers de jeunes tunisiens, dont les prédicateurs radicaux et les réseaux salafistes, aidés par l’inondations d’argent provenant de riches donateurs du Golfe, profitent pour mettre en œuvre leurs entreprises ignobles.
Après ce nouveau carnage à Sousse, les terroristes nous feraient presque oublier qu’il y a quatre ans, c’était l’appareil d’Etat lui-même qui « tirait pour tuer » en Tunisie, massacrant des centaines de personnes afin de protéger les intérêts de la clique de voleurs au pouvoir. Bien que quelques haut bonnets soient tombés, l’épine dorsale et la fonction de cet État sont fondamentalement restés les mêmes (ce qui peut se voir par exemple par le nombre de décès sous la torture policière ces derniers mois), et le parti au pouvoir Nidaa Tounes s’inscrit dans la lignée politique directe de ceux qui ont nous exploités et opprimés pendant tant d’années. C’est pourquoi nous ne pouvons pas faire confiance en cet Etat et en ce gouvernement pour faire face au danger terroriste. Tout ce à quoi ils sont intéressés, c’est à intensifier la répression et à criminaliser les libertés que nous avons arrachées de haute lutte – une “solution” qui est vouée à l’échec, car elle ne traite pas les causes profondes du problème. Bien au contraire, les politiques néolibérales du gouvernement et sa collaboration avec des pays impérialistes qui alimentent les guerres au Moyen-Orient et vendent des armes aux théocraties sunnites, ne feront qu’empirer les choses.
L’heure est à la mobilisation de masse!
La meilleure façon d’honorer toutes les victimes de la terreur, qu’elle soit celle des djihadistes, mais aussi les centaines de victimes de la terreur d’État qui réclament toujours justice, est de poursuivre la lutte pour un véritable changement révolutionnaire, et pour le développement d’une voix politique de masse représentant les travailleurs et les jeunes. Sans cela, le peuple tunisien sera pris entre les feux d’une poignée de criminels assassins et une autre.
Les mouvements sociaux et syndicaux ont révélé à plusieurs reprises la possibilité d’attirer des milliers de jeunes dans la lutte collective, pour l’emploi et l’exigence d’une vie digne. Beaucoup de jeunes qui sont aujourd’hui les proies d’extrémistes religieux s’étaient battus pour lutter contre le régime de Ben Ali, et pour un avenir meilleur. Cette dernière lutte est le type de mouvement révolutionnaire de masse que nous devons reconstruire d’urgence, afin de redonner de l’espoir à la jeune génération et arracher nos jeunes des griffes des terroristes et des gangs de trafiquants.
Si la gauche ne fournit pas de réponses claires sur la façon de changer la société et n’offre pas un canal pour l’action politique radicale de masse ; si elle déçoit ceux qui mettent leurs espoirs en elle, les « Takfiris » vont combler le vide en exploitant le désespoir, le détournant en des actions individuelles et destructrices, dont les victimes seront principalement des travailleurs et des pauvres, tunisiens et étrangers.
Par conséquent, nous appelons tous les syndicats, la gauche et la jeunesse révolutionnaire à ne pas être induits en erreur par la propagande de la classe dirigeante et des médias, qui cherchent à créer un climat d’intimidation, ordonnant aux gens de se ranger derrière le gouvernement et exigeant une «pause» dans les revendications sociales. C’est exactement la route vers plus de la misère, et vers une multiplication du type de violence qu’on a vu vendredi. Au lieu de cela, nous appelons la masse du peuple tunisien, les syndicalistes de l’UGTT, les partis de gauche et les organisations sociales, à envahir les rues pour dire non à la terreur et à l’extrémisme religieux, mais aussi pour renouveler la lutte sur le terrain pour réclamer des emplois et une vie décente pour tous et toutes, ainsi que pour défendre nos droits démocratiques face aux menaces de tout bord.
Non au terrorisme, non au capitalisme, non à l’impérialisme – pour une alternative socialiste contre la guerre, la pauvreté et la terreur !
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Tunisie : Après l’attaque terroriste, de nouvelles batailles de classe se dessinent
L’attaque terroriste barbare qui a eu lieu le 18 mars au musée du Bardo à Tunis, arrachant la vie à 22 personnes, représente un tournant dans la situation politique de la Tunisie postrévolutionnaire. Cet événement, le premier acte terroriste d’une telle ampleur au cœur de la capitale, a consterné l’écrasante majorité de la population du pays, et est venu rappeler la sombre réalité se cachant derrière la propagande élogieuse des médias et des politiciens traditionnels au sujet de la “transition démocratique” réussie.
Par Serge Jordan (Comité pour une Internationale Ouvrière)
Mais l’attaque du Bardo a également offert une excuse commode pour la classe dirigeante afin d’accélérer son offensive contre-révolutionnaire envers les masses tunisiennes, tant dans les domaines économique que politique. Il semble qu’un coup de pouce a été donné à l’obsession du Président Béji Caïd Essebsi de “restaurer le prestige et l’autorité de l’Etat”. Le gouvernement américain a par exemple déjà annoncé le triplement de son aide militaire à la Tunisie.
Le gouvernement tunisien -dont la principale force politique, Nidaa Tounes, est en partie une machine de recyclage pour des partisans de l’ancien régime et des hommes d’affaires corrompus liés à la dictature de Ben Ali- a immédiatement saisi la récente horreur terroriste comme une occasion en or pour réaffirmer un appareil d’État fort, et pour cibler les mouvements sociaux et les grèves, lesquels sont dans une phase ascendante depuis le début de cette année.
Le discours officiel met l’accent sur le fait que les assaillants du Bardo visaient le nouveau “symbole de la démocratie” que les institutions tunisiennes représenteraient. Cela coïncide ironiquement avec des tentatives du nouveau gouvernement d’exploiter cet évènement pour imposer un retour en arrière sur les droits démocratiques. Comme indiqué par un rapport récent de Human Rights Watch, le nouveau projet de loi anti-terroriste, s’il est voté, permettrait la détention prolongée de suspects sans inculpation, donne la possibilité pour qu’une perturbation des services publics soit poursuivie comme un acte terroriste, et justifie le recours à la peine de mort.
Sous le couvert de “protection des forces armées”, un autre projet de loi adopté par le conseil des ministres le 8 avril donnerait, de facto, un statut d’impunité aux forces de sécurité, au détriment des libertés individuelles. Entre autres, il y est stipulé qu’ “aucune responsabilité pénale n’incombe à un agent qui causerait le décès d’un individu dans le cadre de la mission qu’il poursuit”.
Le changement de rhétorique utilisée dans la presse tunisienne depuis le 18 mars souligne également une accélération de l’offensive idéologique visant à blâmer tous les travailleurs et les pauvres qui se battent pour leurs droits:
“Les mouvements contestataires gratuits et commandités menacent les équilibres économiques fragiles du pays. Pourquoi en voyons-nous partout et sans raisons valables? La Tunisie doit-elle décréter que tous ceux qui s’attaquent au tissu économique doivent être considérés comme des terroristes économiques? Et pourquoi pas après tout? Devons-nous tolérer qu’une poignée de personnes mal intentionnées et conduites par manipulateurs saboteurs et ravageurs fassent de notre pays une nouvelle Somalie?” (DirectInfo, 14/04)
Cela s’accompagne aussi d’une nouvelle flambée de calomnies et de dénigrements à l’égard de la révolution elle-même, et dans certains cas, de la diffusion d’un parfum de nostalgie pour les jours de la dictature défunte:
“Les droits de l’homme perdent toute leur signification dans la lutte contre ces terroristes” (Touhami Abdouli, Le Temps, 21/03)
“Évidemment, nous ne nous posons jamais la question de savoir pourquoi la Tunisie a eu la paix pendant 23 ans de régime de dictature” (Le Temps, 22/03)
Cette tentative d’enterrer l’héritage de la révolution marque une certaine réaffirmation de la “vieille garde” au sein de l’appareil d’État, que la victoire électorale de Nidaa Tounes a encouragé. La composition du gouvernement n’y fait pas exception: le Premier ministre Habib Essid lui-même occupa plusieurs postes de secrétaire d’État sous le régime de Ben Ali, et d’autres dans son cabinet ont des pédigrées similaires.
Après les attentats du Bardo, certains hauts fonctionnaires de sécurité qui avaient été licenciés par Farhat Rahji en 2011 ont été réintégrés à leur poste, une mesure justifiée par leur expérience supposée dans la lutte contre le terrorisme – une “lutte contre le terrorisme” qui, sous Ben Ali, était une couverture pour le harcèlement, l’emprisonnement et la torture de milliers de militants politiques et syndicaux.
De même, deux jours après l’attaque, Essebsi a dans son allocution télévisée martelé le besoin pour le pays d’accepter des “réformes douloureuses”, et défendu la levée de toutes les restrictions sur les hommes d’affaires faisant face à des poursuites judiciaires et des interdictions de voyage pour leur compromission avec le régime de Ben Ali.
Unité nationale?
La classe dirigeante tunisienne et ses soutiens impérialistes telles que le FMI, la Banque Mondiale ainsi que les gouvernements occidentaux derrière eux, ont des tas de plans prévus dans leurs starting-blocks: dérégulations des conditions d’investissement, privatisations des banques et d’autres entreprises publiques, liquidation du système de subventions sur les produits de base, et plein d’autres mesures néo-libérales. Mesures qui ont toutes un même but: compresser toujours plus les revenus des travailleurs et de leurs familles, tout en maximisant les sources de profit pour les patrons, les actionnaires et les rentiers internationaux.
Ils espèrent tous compter sur le choc provoqué par l’effusion de sang du Bardo pour lubrifier le tout, afin de faire passer leur programme anti-pauvre plus facilement.
Partie intégrante de cette stratégie, le martèlement systématique de la nécessité de “l’unité nationale”. Il y a quelques mois, les principaux partis dans le gouvernement actuel, Nidaa Tounes et les islamistes de droite d’Ennahda, étaient encore en train d’essayer de nous convaincre qu’il y avait une fracture irréconciliable dans la société tunisienne: celle entre les “modernistes” en faveur d’un “Etat civil” d’une part, et les islamistes en faveur d’un “Etat religieux“ de l’autre. Maintenant que cette mascarade a été exposée pour ce qu’elle est – les ennemis d’hier s’étant finalement donné la main à la grande joie de leurs amis capitalistes- nous sommes censés nous convaincre que leur nouvelle “union sacrée”…serait aussi la nôtre.
L’unité nationale est une exigence de la classe dirigeante visant à neutraliser l’opposition à son pouvoir, au moment même où ses porte-paroles trainent dans la boue les grévistes et les populations en lutte. Ce nouveau dogme de la réconciliation nationale vise à dévier la colère de classe montante en ralliant l’ensemble du pays derrière un ennemi commun, afin de lier les mains des travailleurs à leurs maitres capitalistes.
Cependant, le nombre croissant de conflits éclatant sur les lieux de travail, dans les secteurs aussi bien public que privé, illustre qu’ un fossé important se creuse entre les vœux pieux de la classe capitaliste et la réalité sur le terrain. Les représentants du gouvernement sont sans doute bien conscients en effet qu’au-delà de l’utilisation politique de la conjoncture immédiate, ils n’éviteront pas la confrontation avec la classe ouvrière. Les actions de grève nationales répétées menées par le syndicat des enseignants depuis le début de l’année ont donné une idée de ce à quoi le pouvoir peut s’attendre pour l’année qui vient. Lors de la dernière journée de grève le mercredi 15 avril, les enseignants ont enregistré une moyenne nationale de participation à leur grève de 95,3%, selon les chiffres du syndicat (le plus élevé étant dans le gouvernorat de Gafsa avec 99,6%, et le plus bas dans le gouvernorat de Bizerte avec 91 %).
Dans l’extraction de phosphate, dans l’industrie textile, dans les services postaux, parmi les pilotes, dans les transports publics… de nombreux secteurs ont été impliqués dans des actions de grève au cours des dernières semaines. L’UGTT a également annoncé une grève nationale de deux jours dans le secteur de la santé pour les 28 et 29 avril. Un rapport publié le jour même de la tragédie du Bardo comptait déjà 94 grèves depuis le début de l’année 2015, dont 74 dans le secteur privé. Il est maintenant de plus en plus clair que les espérances du gouvernement quant au fait que l’épouvantail terroriste aiderait à couper court à cette vague montante de résistance ouvrière et populaire auront été de très courte durée.
La question brulante à se poser est la suivante: quand est-ce que les dirigeants du mouvement ouvrier vont finalement se décider à se réveiller, et à donner une direction aux millions de personnes qui ont soif de passer à l’action?
Une direction qui manque à l’appel
Alors que le gouvernement prétend être engagé dans une lutte résolue contre le terrorisme, ses politiques de dévastation sociale ne peuvent qu’accroitre le sentiment d’impuissance et de désespoir parmi les couches les plus pauvres – une des conditions de la croissance de l’extrémisme religieux dans le pays. Les quartiers qui sont devenus un terrain fertile pour le recrutement de djihadistes sont, avant tout, des zones où la politique de l’État a échoué sur toute la ligne.
C’est pourquoi la lutte contre le terrorisme doit être intimement liée à la lutte pour une politique économique rompant de manière décisive avec la trajectoire suivie par tous les gouvernements qui se sont succédé depuis la chute de Ben Ali, et qui ont tous fondamentalement appliqué les mêmes recettes désastreuses que le régime de Ben Ali lui-même.
L’UGTT appelle à un “congrès national contre le terrorisme”. Mais son appel est dirigé vers l’establishment politique bourgeois existant, y invitant même à bord l’organisation patronale UTICA (Union Tunisienne de l’Industrie et du Commerce), plutôt qu’en vue d’utiliser un tel congrès comme un levier pour organiser la riposte contre le gouvernement et engager une discussion sérieuse sur la construction d’une alternative à l’austérité et à la répression d’État – la seule politique que ce gouvernement de droite ait à offrir au peuple tunisien.
Depuis l’attaque du musée du Bardo, l’exécutif central de l’UGTT s’est pour l’essentiel contenté de faire écho à la rhétorique du gouvernement sur la nécessité de “l’unité nationale” plutôt que de fournir à ses affiliés un plan d’action digne de ce nom, indépendamment de toutes les manœuvres des capitalistes et leurs partis, et de contester les prétentions de ces derniers à “donner le la” sur la question de l’anti-terrorisme.
L’absence d’initiatives provenant de la direction syndicale, tout comme par ailleurs de la coalition de gauche du Front Populaire, a laissé un vide, opportunément comblé par le gouvernement et l’establishment capitaliste dans son ensemble. Par conséquent la voix des travailleurs, des syndicalistes et militants de gauche, de la jeunesse révolutionnaire, des chômeurs, n’a guère été entendue dans ce débat.
Le mouvement des travailleurs a besoin de sa propre voix politique
Dans son dernier journal, Al-Badil al-Ishtiraki (Alternative Socialiste, section tunisienne du Comité pour une Internationale Ouvrière) établissait un parallèle entre la terreur des djihadistes et la terreur d’État, et mettait en avant des propositions d’actions visant à rejeter les deux, et à transformer toutes les luttes sociales locales et sectorielles en une lutte généralisée, avec comme objectif ultime de renverser le gouvernement Essid.
A l’heure actuelle, cela peut sembler une tâche herculéenne. Mais le gouvernement est en réalité beaucoup plus faible qu’il n’y parait. Plus de quatre millions de Tunisiens (sur une population de 11 millions), dont environ 80% des jeunes entre 19 et 25 ans, se sont abstenus lors des dernières élections législatives. Une crise interne affecte déjà les principaux partis au pouvoir, qui ont ouvertement menti à leur propre électorat. L’existence même d’une telle coalition est en soi une expression des difficultés auxquelles est confrontée la classe dirigeante pour assembler un outil capable de mettre en œuvre les politiques souhaitées par cette classe.
La “force” apparente du gouvernement actuel ne fait que trahir le caractère extrêmement timoré des dirigeants du mouvement ouvrier et leur manque de confiance dans la classe dont ils sont censés défendre les intérêts. Les accointances d’une partie de la bureaucratie syndicale avec Nidaa Tounes ont aussi agi comme un frein sur la réponse, ou plutôt le manque de réponse, de l’UGTT face aux récents évènements.
L’urgence est à la construction d’un front uni de tous les travailleurs et des organisations sociales, centré autour des bases militantes de l’UGTT et de la gauche, des organisations de chômeurs telles que l’UDC, et des mouvements sociaux, afin de repousser l’offensive contre-révolutionnaire en cours. Le point de départ d’un tel mouvement pourrait être une campagne pour l’organisation d’une grève générale de masse de 24h, afin de rassembler toutes les couches en lutte, sur la base d’un refus total de tout “sacrifice” économique et de tout recul des droits démocratiques.
Une telle grève générale devrait être considérée comme un tremplin vers une escalade des actions et des revendications, et ce jusqu’à ce que le gouvernement reçoive un coup fatal. Des assemblées générales locales et des comités d’action démocratiques dans les quartiers et les lieux de travail aideraient à élargir la base de soutien actif du mouvement, en offrant un espace pour pouvoir discuter et décider démocratiquement tous ensemble des prochaines étapes de la lutte. À long terme, la coordination locale, régionale et nationale de tels outils pourrait constituer l’épine dorsale d’un gouvernement représentant véritablement la révolution et ses forces vives, et s’engageant dans la réalisation de ses revendications.
Tous les gouvernements depuis le renversement de Ben Ali ont échoué lamentablement à satisfaire les revendications de la révolution, et le gouvernement présent ne fait pas exception. S’il en est, ce cabinet est composé de toutes les composantes de la contre-révolution mises ensemble. La lutte pour un gouvernement progressiste des pauvres, des jeunes et des masses laborieuses, basé sur un programme socialiste de nationalisation des grandes industries, des banques et des grands domaines agricoles sous le contrôle démocratique du peuple tunisien: telle est la tâche stratégique à laquelle la gauche et le mouvement syndical devraient préparer sans plus attendre la masse de la population.
Une alternative politique pour les travailleurs et les jeunes, décisivement tournée vers les luttes populaires, et équipée d’un programme d’action militant ainsi que de structures démocratiques et inclusives, est ce qui fait cruellement défaut aujourd’hui en Tunisie. La montée de forces religieuses réactionnaires, la victoire électorale d’un parti basé sur des éléments de l’ancien régime, l’absence de réponses de la gauche après l’attaque du Bardo… tous les développements récents en Tunisie soulignent la nécessité de reconstruire d’urgence une voix politique authentique pour les travailleurs, les jeunes, et tous ceux qui ont fait la révolution, portés d’espoirs dans un meilleur avenir.
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Le programme de ‘‘déradicalisation’’ du gouvernement est voué à l’échec
Contre la politique de diviser pour régner : l’unité des travailleurs migrants et d’origine belge
Depuis l’attaque terroriste contre Charlie Hebdo, les journaux sont bourrés d’articles consacrés à la radicalisation religieuse croissante de jeunes musulmans et au danger que cela représente pour la société. Le niveau d’alerte 3 a été atteint en Belgique face à la menace terroriste, l’armée a été déployée et les moyens de la police ont été renforcés. D’autre part, les divers gouvernements se sont engagés dans l’élaboration de programmes de déradicalisation pour aider les écoles, familles, mosquées,… à faire face au phénomène.Par Els Deschoemacker, article tiré de l’édition d’avril de Lutte Socialiste
Plus de répression ne signifie pas plus de sécurité
L’accent est désormais systématiquement mis sur la lutte contre la radicalisation religieuse. Mais les services de sécurité avertissent que les autres formes de radicalisation ne doivent pas être oubliées. Tout comme après les attaques terroristes du 11 septembre 2001 et après les attaques terroristes de Madrid (2004) ou de Londres (2005), nous pouvons nous attendre à ce que la peur du terrorisme soit instrumentalisée pour accroitre les moyens pour la sécurité et le contrôle d’Etat. Au sein du gouvernement, la N-VA ne se fera pas prier pour jouer sur ce terrain et pour assurer que les moyens de répression et de surveillance accrus soient également utilisés contre la résistance sociale. Sous le couvert de la sécurité, n’importe quel type de résistance sera bâillonné ou verra sa liberté de mouvement restreinte. Lors du prochain contrôle budgétaire, la N-VA propose déjà de nouvelles réductions de budgets pour la sécurité sociale afin de déployer plus de ressources pour les “services de sécurité” des ministères de l’Intérieur et de la Défense.
Il est illusoire de penser que cela procurera plus de sécurité. Nous devons naturellement prendre au sérieux le développement du fanatisme religieux auprès des jeunes musulmans : des mouvements tels que l’Etat Islamique et Al-Qaïda représentent une sérieuse menace, y compris pour le mouvement social. Ils exploitent la colère qui vit parmi la jeunesse pour la détourner vers le terrorisme aveugle, qui frappe en premier lieu les travailleurs et leurs familles et monte les communautés les unes contre les autres. Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord tout comme ici, ces méthodes divisent la classe des travailleurs en renforçant l’islamophobie, ce qui profite aussi à l’extrême droite.
Les projets des autorités visant à combattre l’influence de groupes comme l’Etat Islamique et Al-Qaïda et à isoler cette forme de radicalisation sont voués à l’échec. Un ordre social qui perd sa crédibilité et son autorité sur des couches grandissantes de la population faute de pouvoir garantir un avenir décent à la population est incapable de s’en prendre à cette problématique. Les autorités peuvent bien tenter de combattre les symptômes, elles ne pourront pas aller jusqu’à la racine.
Des solutions individuelles pour les problèmes sociaux
Toutes les pistes de ‘‘déradicalisation’’ partent du principe que ces jeunes ont besoin d’être rééduqués. Les écoles devraient ‘‘signaler’’ les cas problématique plus vite afin ‘‘d’intervenir’’ à temps. Il faudrait alors discuter avec ces jeunes, quand bien même les moyens pour ce type d’encadrement sont systématiquement rabotés au fil des ans, tout comme pour la sensibilisation. Il est aussi question de mener la bataille sur internet également, en contrepoids de la propagande radicale de l’Etat Islamique. Le mystère reste entier concernant ce que les autorités veulent faire sur ce point. Comment vont-ils faire la promotion des prétendues ‘‘valeurs démocratiques occidentales’’ alors qu’elles ont dégouté tant de jeunes ?
C’est sous le couvert des ‘‘valeurs démocratiques’’ que l’impérialisme américain & Co sont intervenus en Irak et en Afghanistan. En Irak, le nouveau régime a favorisé la population chiite contre les sunnites. Cette discrimination a permis à l’Etat Islamique de trouver une base parmi les sunnites. Même ici, les valeurs occidentales prétendument démocratiques ne livrent pas de sérieux réconfort. Les migrants sont de plus en plus victimes de discrimination, ils vivent bien souvent dans des quartiers pauvres, reçoivent leur enseignement dans des écoles sous-financées qui reproduisent les disparités sociales tandis qu’il leur est plus difficile de trouver un bon emploi et un bon logement. Même le secteur des titres-services connait une discrimination massive.
Les familles devraient aussi être utilisées contre la radicalisation. Après qu’un certain nombre de jeunes filles musulmanes britanniques se soient rendues en Syrie, on a encouragé les mères à parler à leurs filles. Comme si ces mères n’avaient pas déjà fait tout ce qui était en leur pouvoir pour empêcher la radicalisation de leurs enfants !
Et si tout ça échoue, il reste encore le langage populiste (à l’instar du ‘‘foutez le camp !’’ du maire de Rotterdam) et la répression. En Belgique, c’est un registre sur lequel le bourgmestre d’Anvers Bart De Wever ne rechigne pas à jouer. Tout le pays doit être au pas, l’armée dans la rue, les jeunes criminels ou radicalisés privés de nationalité ou enfermés dans des unités spéciales en prison.
Ce ton martial trouve un certain écho car la peur est là et personne ne veut que rien ne se fasse en l’attente d’un attentat terroriste qui touchera aveuglément n’importe qui et qui renforcera d’autres formes de radicalisation, notamment l’extrême droite. Mais cette rhétorique et cette approche politique ne font qu’accroitre la polarisation et la division dans la société. Le résultat sera tout le contraire qu’une atténuation de la radicalisation.
Un choc des cultures ou une société en déclin qui doit être renversée de toute urgence?
Tant que l’instabilité au Moyen-Orient et en Afrique du Nord se poursuit en parallèle à la croissance du chômage et des discriminations en Europe et ailleurs, des millions de jeunes se retrouveront systématiquement en dehors de la vie sociale. La pauvreté et le manque de perspectives continueront à pousser des jeunes à la recherche d’un moyen de sortir de ce bourbier.
Mais là, ces jeunes se détournent d’une société oppressive pour trouver réconfort dans une autre société oppressive et particulièrement cruelle. Mais qui prétend défendre leurs droits. Il s’agit d’une forme extrême de politique identitaire où certaines couches de la population, faute d’alternative sociale générale, se replient sur elles-mêmes. On peut imaginer tous les projets de déradicalisation ou d’intégration qu’on veut, sans modèle de société capable d’insérer les migrants sans qu’ils ne soient victimes de discrimination, on peut difficilement être crédible !
Le contexte international joue un rôle radicalisant
Le contexte international, les souffrances infinies et la situation quasiment désespérée des masses au Moyen Orient et en Afrique du Nord jouent un rôle décisif très important dans la radicalisation de nombreux jeunes musulmans. Les masses de la région doivent survivre dans des Etats nationaux brisés, sous la coupe de régimes dictatoriaux souvent soutenus par les puissances occidentales et qui s’accrochent au pouvoir à l’aide du principe de diviser pour régner. C’est le terreau qui a conduit aux conflits sectaires actuels.
Il y a l’important conflit israélo / palestinien, insoluble sous le capitalisme, où les guerres successives ont créé des conditions invivables pour les Palestiniens. Et la récente victoire électorale de Netanyahou en Israël sur base de la poursuite d’une ligne dure d’Israël envers les Palestiniens n’augure rien de bon. Mais, surtout, l’échec des mouvements révolutionnaires au Moyen-Orient et en Afrique du Nord laisse un grand vide qui peut être occupé par divers groupes désireux d’imposer leur idéologie barbare. Le conflit syrien/irakien s’approfondit de plus en plus et s’est maintenant également étendu jusqu’en Libye. L’attaque terroriste en Tunisie démontre que l’Etat Islamique recrute également parmi les jeunes diplômés sans perspective d’emploi ou de vie décente.
Contre la terreur et la haine, la solidarité !
La (dé)radicalisation est un processus d’une grande complexité provenant à la fois de l’exploitation, de la politique de diviser pour régner de l’impérialisme et des régimes qu’il soutient ainsi que du manque de perspective politique, issu notamment des erreurs historiques des mouvements staliniens ou nationalistes.
La classe des travailleurs a besoin d’unité dans le cadre de son combat contre l’austérité et pour une société différente. Celle-ci va à l’encontre des intérêts des capitalistes et leur classe fera tout pour l’empêcher. Elle peut bien parler de tolérance, elle ne défend le droit à la migration que dans la mesure où cela peut lui assurer un approvisionnement de force de travail pour assurer ses profits. L’establishment mène une politique qui vise à diviser la population active.
Le groupe anti-islam Pegida lui aussi agit comme le gouvernement et concentre son approche sur les individus de la jeunesse musulmane et leur environnement immédiat (école, famille). Ce n’est pas la religion en soi qui est dangereuse, c’est le contexte qui permet son interprétation particulière qui peut en faire une force sociale dangereuse, que ce soit en Occident ou au Moyen-Orient.
Face à l’oppression et à la politique de diviser pour régner, nous devons défendre la solidarité et le socialisme autour d’un programme qui vise à unir tous les opprimés, sans distinction d’origine ou de religion, pour prendre en mains les énormes richesses et possibilités qui existent et les utiliser dans les intérêts de la majorité de la population, au lieu d’enrichir une infime élite ici ou ailleurs.
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Big Brother ne va pas empêcher le terrorisme
La menace terroriste reste fixée au niveau 3 dans notre pays. Depuis, l’armée patrouille dans les rues d’Anvers, de Bruxelles et de Liège. Le gouvernement a aussi adopté 12 mesures antiterroristes que même l’Ordre du barreau flamand – qui n’est pourtant pas connu en tant qu’avant-garde de la résistance contre l’establishment – a qualifiées de menaces pour la vie privée. Le gouvernement fédéral a voulu se positionner sur le sujet, sans aucune véritable réponse contre la menace terroriste.
Par Geert Cool, article tiré de l’édition de mars de Lutte Socialiste
L’enquêteuse Marion Van San a conquis les médias et le parlement en expliquant que la radicalisation n’a rien à voir avec la position sociale. Elle a notamment affirmé que les combattants en Syrie ne sont pas forcément des jeunes sans perspectives d’avenir. Elle a ainsi immédiatement suggéré que la lutte contre l’exclusion sociale ne constitue pas une réponse face à la “radicalisation”. Les différentes couches sociales répondent différemment aux mêmes phénomènes et s’influencent mutuellement, ce qu’oublie Marion Van San. Le terrorisme est toujours principalement utilisé par des couches légèrement plus favorisées, surtout quand elles se sentent victimes de discrimination en raison de l’oppression ethnique, religieuse ou nationale et que leurs espoirs de promotion sociale sont brisés nets par la crise. Les déclarations de Van San ont directement été récupérées par la droite pour se débarrasser de toute responsabilité vis-à-vis des jeunes qui se laissent séduire par le désespoir terroriste.
Le gouvernement de droite dure pense pouvoir lutter contre le terrorisme grâce aux techniques d’écoute ou à la possibilité de déchoir quelqu’un de sa nationalité, même concernant des personnes nées en Belgique.
Le gouvernement veut s’en prendre à la “radicalisation” dans les prisons et les écoles. Il a pourtant fait la sourde oreille lorsque le personnel des écoles a participé aux actions syndicales fin de l’année dernière pour revendiquer plus de moyens et notamment renforcer l’accompagnement individuel des jeunes. Les actions syndicales ont même été condamnées par le gouvernement. Il n’en a pas été autrement avec le personnel des prisons qui réclamait plus de moyens pour sa sécurité et l’assistance aux prisonniers. Le gouvernement refuse d’investir dans des solutions collectives, il cherche au contraire à faire des économies.
Finalement, l’armée a été envoyée surveiller les rues de grandes villes. Les soldats s’étaient à peine positionnés dans le quartier des diamantaires d’Anvers que, le jour même, un Carrefour Express situé quelques centaines de mètres plus loin était dévalisé. Si l’armée ne parvient pas à stopper des bandits armés de simples couteaux, comment pourrait-elle nous protéger de terroristes armés ?
En déployant l’armée dans les rues et en livrant des explications très détaillées concernant la protection personnelle de politiciens comme Bart De Wever (parti skier accompagné de dix gardes du corps), la droite dure cherche à donner l’impression qu’elle a agi de manière ferme.
Il est vrai que les choses n’ont pas été aussi loin en Belgique qu’aux États-Unis après les attaques du 11 septembre 2001. Mais les mesures antiterroristes outre-Atlantique font tout de même réfléchir. Les États-Unis n’ont pas gagné en sécurité au cours de ces 14 dernières années, attaques terroristes et fusillades s’y produisent toujours. Un réseau d’espionnage à grande échelle a en revanche été instauré pour surveiller de façon permanente les simples citoyens américains. Comme si Big Brother pouvait arrêter le terrorisme…
Le danger grandit
Les nouvelles attaques à Copenhague à la mi-février confirment que le danger du terrorisme grandit. Ce n’est pas étonnant. La politique d’austérité assure qu’une part croissante de la population ne parvient plus à joindre les deux bouts. C’est d’autant plus le cas concernant les familles d’immigrés, y compris en Belgique.
Le dernier rapport de l’OCDE concernant la Belgique confirmait le fait que le taux de chômage des immigrés non-européens s’est accru au cours des cinq dernières années. En Europe, seules l’Espagne, la Grèce et la Turquie ont fait pire que la Belgique à cet égard. Et les personnes qui ont un travail ne l’ont souvent qu’à titre temporaire. Cette situation entraine un plus grand risque de pauvreté : parmi les immigrés en âge de travailler, ce risque est de plus de 40 %. L’enseignement ne parvient pas à réduire le fossé (1). L’OCDE recommande de s’attaquer à ce problème, mais cela ne fait malheureusement pas partie des priorités du gouvernement de droite.
À côté de ça, nous nous retrouvons entrainés dans des aventures à l’étranger, comme c’est le cas en Afghanistan, en Irak, en Libye ou en Syrie. On nous promet que ces interventions vont ramener la paix et le bonheur dans ces pays ravagés par la guerre et le chaos. Mais on se rend bien compte que tout cela n’a rien arrangé et que chaque intervention doit être suivie d’une autre. La guerre et le chaos sont toujours là et renforcent à présent le risque d’attaques terroristes dans notre propre pays.
Il faut un changement de société !
Pour mettre un terme à la menace terroriste et à la violence croissante, nous avons besoin d’un changement fondamental. Ce système dans lequel les très riches continuent à s’enrichir inexorablement aux dépens du reste la population conduit forcément à plus de violence. Il ne s’agit pas d’un problème individuel. Cela fait partie d’un tout, de la manière dont fonctionne ce système.
Une rupture avec la politique d’austérité par un investissement massif dans l’enseignement, dans le logement, dans les services publics et dans les infrastructures permettra également de créer beaucoup d’emplois. La réduction du temps de travail afin de répartir le travail disponible entre tous permettrait à chacun d’envisager des perspectives pour un avenir décent. Pour que cela se réalise, nous devons retirer le pouvoir des mains des super riches, ce qui est possible en plaçant les secteurs stratégiques de l’économie (banques et grandes entreprises) sous contrôle et gestion démocratiques de la collectivité, afin de pouvoir prendre notre propre destin en main.
La dictature des 1 % de riches ne nous offre que le malheur et l’insécurité. Nous refusons d’accepter cela comme une fatalité. Luttons pour une alternative socialiste, dans laquelle la priorité serait les besoins de la majorité de la population et au sein de laquelle les éléments de barbarie existants seraient totalement extirpés.
(1) OECD Economic Surveys Belgium. février 2015. http://www.oecd.org/eco/surveys/Overview_Belgium_2015_Eng.pdf
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Tunisie: 23 personnes tuées dans une attaque terroriste. Non à la terreur! Non au capitalisme!
Au moins 23 personnes sont mortes dans l’attaque perpétrée par des hommes armés au Musée du Bardo à Tunis, une attaque maintenant revendiquée par le groupe auto-proclamé «Etat Islamique». Nous condamnons fermement cette attaque lâche et atroce. Une vague d’effroi et de colère a traversé le pays tout entier, et des milliers de Tunisiens sont descendus dans les rues spontanément pour manifester leur solidarité avec les victimes de cette attaque terroriste, arrachant la vie à des innocents, y compris une travailleuse tunisienne appartenant au personnel du musée.Déclaration d’Alternative Socialiste, CIO-Tunisie
Ce type d’attaques n’a malheureusement rien de très surprenant. Les activités de recrutement et l’endoctrinement par des groupes djihadistes sont à la hausse depuis un certain temps en Tunisie, aidés entre autres par la crise sociale grandissante, ainsi que par la désintégration complète de la Libye voisine suite à l’intervention militaire des puissances impérialistes, qui a laissé ce pays en ruine. Ces dernières années, des milliers de Tunisiens ont afflué pour rejoindre des groupes djihadistes en Syrie et en Irak, y compris au sein de l’«État Islamique», faisant de notre pays l’une des principales sources de combattants étrangers dans ces conflits.
Non à l’unité nationale avec Essebsi et compagnie !
Le gouvernement essaie maintenant d’exploiter les évènements récents en appelant à « l’unité nationale» face au terrorisme. Les Tunisiens doivent certes se serrer les coudes, mais surement pas avec un gouvernement pourri comme celui-ci, qui comprend un parti dont les racines remontent à l’ancienne dictature, et un autre dont les racines remontent à la droite fondamentaliste religieuse.
Plus de la moitié des députés de Nidaa Tounes sont des anciens membres ou sympathisants du RCD, un parti qui a exploité pendant des années la «lutte contre le terrorisme» pour anéantir les libertés publiques et museler toute forme d’opposition dans le pays. L’attentat meurtrier de Djerba en 2002, qui avait fait 19 morts, montre par ailleurs qu’un régime dictatorial n’est en aucun cas un «rempart» contre le terrorisme, contrairement à ce que certains essaient de nous resservir aujourd’hui.
Quant aux dirigeants d’Ennahda, leurs accointances idéologiques avec certaines franges du salafisme radical ne sont plus à démontrer. C’est pourquoi la moindre illusion dans n’importe quelle aile de la classe dirigeante capitaliste actuelle doit être rejetée à tout prix. Le président Essebsi, qui parle de mener la «guerre au terrorisme», a lui-même récemment offert ses condoléances au despote saoudien Abdullah, et invité le prince Alwaleed à venir visiter la Tunisie, un prince dont le régime a exporté à coups de milliards le poison de l’idéologie wahhabite dans toute la région et au-delà. De plus, la récente attaque est en partie une conséquence des guerres catastrophiques menées par les puissances impérialistes au Moyen-Orient, avec qui les deux partis au pouvoir ont systématiquement collaboré.
Non au terrorisme, non au retour à un état policier!
Des troupes de l’armée ont été déployées dans les rues des principales villes tunisiennes. Après ce qui est arrivé, de nombreux Tunisiens pourraient voir d’un bon œil une telle démarche. Mais ce déploiement de forces ne répond pas aux problèmes de fond, et pourrait bien être utilisé pour réprimer d’autres formes d’opposition au gouvernement actuel, et pour empêcher la population d’investir les rues d’une manière qui remettrait en cause le pouvoir en place.
Le gouvernement va essayer d’instrumentaliser le choc et l’émotion suscitée par l’attaque du Bardo afin de tenter d’imposer un retour en arrière sur nos droits démocratiques et de restaurer un appareil policier étouffant – tout en continuant les mêmes politiques antisociales qui aliènent de larges pans de la population et creusent le lit des extrémistes religieux. La nécessité de mettre «tous les efforts de la nation» dans la lutte contre la terreur pourrait aussi servir de prétexte bien utile pour en finir avec les actions de grève et de protestations sociales, lesquelles commencent à ressurgir dans de nombreux secteurs.
Le gouvernement actuel n’a aucune réponse sérieuse à offrir à la violence terroriste, et risque seulement d’engranger le pays dans un cycle de violences dont on ne verra pas la fin, tout en usant du prétexte de la guerre à la terreur pour en finir avec l’héritage de la révolution, et pour restaurer un régime basé sur la terreur d’Etat.
Car la terreur n’a pas qu’un seul visage : la terreur, c’est aussi la continuation de la torture dans les commissariats, les manifestants abattus par la police comme cela s’est encore passé à Dehiba en février dernier… Et cette terreur-là, la majorité des Tunisiens n’en veulent plus non plus !
La lutte contre le terrorisme doit aussi être une lutte contre les politiques capitalistes
La plupart des Tunisiens ont une aspiration légitime à la sécurité. Mais la première sécurité est celle d’avoir un boulot et un revenu stables, pour pouvoir mener une vie décente. Ce droit est refusé à un nombre croissant de personnes dans notre pays. La Tunisie a un des taux les plus élevés de chômage des jeunes dans le monde, les prix ont considérablement grimpé, et aujourd’hui trois fois plus de Tunisiens jugent l’état de l’économie “très mauvais” comparé à l’époque de Ben Ali. Les politiques du nouveau gouvernement, prévoyant de nouvelles coupes dans les subventions publiques et d’autres réformes néo-libérales, ne vont faire qu’empirer les choses.Il y a deux ans, dans le cadre du Forum Social Mondial 2013 à Tunis, le CIO-Tunisie avait distribué un tract avec les mots suivants: « La misère grandissante dans les quartiers pauvres nourrit le terreau à partir duquel les salafistes et djihadistes embrigadent, surtout parmi des jeunes qui n’ont plus rien à perdre. Les couches de la population pauvre les plus désespérées, si elles ne voient pas d’issue du côté du mouvement syndical et de la gauche, pourraient devenir la proie de ces démagogues réactionnaires. La seule façon dont la classe ouvrière et la jeunesse révolutionnaire peuvent gagner à elles la masse des laissés-pour-compte est de créer un mouvement national puissant capable de lutter pour les revendications de tous les opprimés. »
A l’heure ou s’ouvre l’édition 2015 du Forum Social Mondial, ces mots pourraient être réimprimés dans leur intégralité. En effet, les tergiversations incessantes de la direction du mouvement ouvrier et son incapacité à fournir une alternative révolutionnaire radicale face à l’impasse de la crise capitaliste en Tunisie a fourni un vide que des groupes extrémistes s’efforcent de combler. Des organisations salafistes et jihadistes investissent les zones délaissées (desquelles les deux assaillants du Bardo étaient d’ailleurs tous deux issus) où le désespoir et le chômage de masse font déjà pour elles la moitié du travail.
Reprenons l’initiative des mains du pouvoir!
Comme le résumait si bien Chokri Belaid : «Vous craignez de descendre dans la rue? Si seulement vous saviez ce qui vous attend si vous restez chez vous! »
La responsabilité de sauver le pays de la terreur, quelque soient ses formes, se trouve entièrement dans les mains des masses laborieuses et de la jeunesse, lesquelles partagent un intérêt et un désir réels de changer radicalement les choses.
Comme ce fut le cas en 2013 après l’assassinat de Chokri Belaid et Mohamed Brahmi, qui furent immédiatement suivies de deux grèves générales d’ampleur historique, l’UGTT, le Front populaire et toutes les sections militantes de la gauche tunisienne devraient prendre l’initiative de déployer leur pouvoir -potentiellement considérable- et d’unifier le pays derrière un programme d’action clair, indépendant du gouvernement en place: un programme s’appuyant résolument sur la force de la classe ouvrière et sur la ferveur révolutionnaire toujours vive de la jeunesse, en vue de pousser à une transformation économique, sociale et politique profonde du pays.
La clique au pouvoir prétend se soucier de notre sécurité, alors que son propre appareil d’Etat est toujours infesté de partisans de l’ancien régime, dont certains nagent toujours dans l’impunité pour des montagnes de meurtres et de tortures. En fait, les temps les plus « sûrs » de l’histoire récente de la Tunisie étaient lorsque les masses occupaient les rues et donnaient directement le pouls à la politique du pays. Les meilleures traditions de notre révolution, comme la construction de comités révolutionnaires de défense dans les quartiers, devraient être remises au goût du jour, afin d’éviter de laisser l’initiative de la lutte contre le terrorisme et le djihadisme dans les mains de l’élite dirigeante. Les terribles souffrances que nos frères et sœurs algériens ont traversées dans les années 1990 doivent servir d’avertissement sur où ce type de méthodes peuvent conduire.
L’heure est à la mobilisation de masse ! Il ne faut pas laisser l’initiative et la rue aux classes dirigeantes! Le mouvement syndical, l’UGET, les organisations de chômeurs, la gauche et la jeunesse révolutionnaire doivent appeler à l’action de masse, mais sur leurs propres bases. Un appel pour une grève générale de 24h serait un bon premier pas dans ce sens : pour l’unité de tous les travailleurs, des jeunes et de la majorité du peuple tunisien contre le terrorisme et l’obscurantisme -mais aussi pour la défense résolue de nos droits démocratiques, et pour la construction d’une lutte contre les politiques capitalistes de misère sociale et de répression, qui ont contribué à la situation actuelle.
Une telle grève, couplée à des mobilisations de rue à travers tout le pays, aiderait à la reconstruction d’une lutte de masse remettant au cœur des évènements les objectifs initiaux de la révolution pour «le pain, les emplois, et la dignité» : une lutte qui ne pourra trouver son expression véritable que dans la construction d’une société socialiste et démocratique, basée sur la propriété publique et la planification démocratique des richesses.
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Face au fondamentalisme: politique sécuritaire ou de solidarité ?
Face à la violence de groupes islamistes, notre gouvernement s’apprête à emboiter le pas aux USA et à la France : il choisit de combattre les « ennemis de la liberté »… en diminuant nos libertés ! Mises sur écoute sans autorisation d’un juge, interrogatoires sans avocats, militaires dans la rue,… les idées pleuvent. Un gouvernement créatif et dynamique où se discute actuellement la nouvelle trouvaille : la déchéance de nationalité.
Par Nicolas P. (Bruxelles)
Déchéance pour qui ? Pour quoi ?
Même si aucun texte précis n’a été présenté pour l’instant, la volonté est claire : retirer la nationalité belge aux auteurs d’actes terroristes d’origine étrangère. La « ligne dure » de la NVA va jusqu’à demander le retrait de nationalité aux immigrés de 3ème génération (donc ceux dont les parents sont nés en Belgique !).
Il n’y a évidemment aucun désaccord sur le fait que les coupables de tels actes doivent être punis. Cependant, une analyse un tant soit peu posée montre qu’il s’agit d’une mesure inefficace, stupide et discriminante.
Premièrement, toute considération idéologique mise de côté, il est assez utopique d’imaginer décourager des gens prêts à mourir pour leur « cause » avec un retrait de passeport. Il s’agit de personnes décidées à sacrifier leurs vies pour accomplir leurs actes barbares, et il est très peu probable que la menace d’un retrait de nationalité ait le moindre impact sur leurs choix.
Il s’agit donc peut-être d’autre chose, peut-être notre gouvernement souhaite-t-il réserver uniquement la nationalité belge aux gens qui partagent un certain socle de valeurs, dont le rejet du terrorisme ? Idée intéressante qui se heurte immédiatement à un mur de raisonnement : Pourquoi ne la retirer qu’aux terroristes ? On n’a entendu aucune voix demander la déchéance de nationalité pour Marc Dutroux ou pour Michelle Martin. Une punition sélective, qui ne s’appliquerait qu’à une classe de crimes, indépendamment de la gravité de ceux-ci? Une prétendue « communauté nationale de valeurs » qui n’existerait que pour les actes de terrorisme, et pas les viols, les agressions racistes ni quoique ce soit qui pourrait toucher le reste de la population? L’argument commence à s’effriter…
Il ne s’agirait donc ni d’être efficace dans la lutte contre le terrorisme, ni cohérent dans la vision légale.
Des citoyens et des sous-citoyens…
Il est constitutionnellement impossible de rendre quelqu’un apatride. Cette mesure ne pourra donc s’appliquer qu’aux citoyens possédant la double nationalité. Inutile de voiler les faits, ce sont clairement les populations immigrées belgo-marocaine, belgo-turque, etc. qui sont visées.
A l’inverse des vastes mouvements qui revendiquent plus de solidarité et un combat commun contre la haine, ce projet du gouvernement aura pour unique conséquence non pas de dissuader des terroristes mais bien de créer deux classes de citoyens belges, ceux qui sont certains de conserver quoiqu’il arrive leur nationalité et puis les autres.
Un jeune d’origine maghrébine, dont la Belgique a fait venir les grands-parents pour construire nos métros pour un salaire de misère, se voit donc envoyer un message très clair : il n’est et ne sera jamais tout à fait belge.
Montée du fondamentalisme islamique : quelles causes pour quelles solutions ?
Isoler la conséquence des causes est une méthode typique des médias dominants actuels et ne sert que deux choses : un affaiblissement intellectuel navrant du débat politique et un passage en force d’un projet politique en évitant toute discussion, toute contradiction et toute opposition.
Prendre les violences de groupes terroristes se réclamant de l’Islam sans s’interroger sur les racines de cette violence n’endiguera aucune barbarie.
A l’échelle mondiale…
A l’échelle mondiale et nationale, la religion musulmane et de nombreux caractères culturels qui s’y rattachent sont stigmatisés. Alors qu’il est statistiquement prouvé que les musulmans sont les premières victimes de ces violences en termes de morts et que les actes terroristes « islamistes » sont minoritaires en comparaison aux autres (indépendantistes, néonazis,…), l’Islam (ou dans le meilleur des cas les « extrémistes » uniquement) est posée comme le prétendu défi de notre siècle, la menace pour notre civilisation et la démocratie.
Pour protéger notre « modèle de société » et notre liberté, il est donc entrepris d’influencer des gouvernements, de financer des partis politiques ou des groupes paramilitaires, ou en dernier recours de bombarder, envahir et occuper des pays.
Naturellement dans le même temps, il est nécessaire de continuer à faire des affaires avec l’Arabie Saoudite par exemple, qui est connue comme un des principaux supports financiers des groupes islamistes à travers le monde. Le sujet ne serait pas aussi grave, la vague d’émotions et de condoléances des dirigeants occidentaux lors de la mort du Roi Abdallah (despote sanguinaire qui règne sur un pays où les coups de fouets et les lapidations sont légaux et courantes) serait d’ailleurs assez amusante en comparaison des réjouissances qui ont accompagné la mort du Président du Venezuela Hugo Chavez. Naturellement, lorsqu’un président choisit d’utiliser les ressources pétrolières du pays pour financer des programmes sociaux (ce qui lui a notamment valu de gagner d’affilée 8 élections reconnues libres par les observateurs internationaux) plutôt que pour s’enrichir personnellement (le Roi Abdallah était le souverain le plus riche du monde avec plus de 18 milliards de dollars de fortune), les choses se présentent différemment pour l’establishment capitaliste.
La politique internationale des puissances occidentales est la même depuis des dizaines d’années. Bombardements, menaces et ingérences pour défendre les prétendus « intérêts occidentaux » sous couvert de démocratie. Quand ce n’est pas Dieu qui est invoqué (comme lorsque le président Bush avait déclaré que Dieu lui avait « demandé » d’amener la liberté en Irak) c’est la défense de la liberté et la lutte contre le terrorisme qui sont utilisés pour renverser des gouvernements, soutenir des groupes rebelles ou bombarder des villes.
Les grands groupes de multinationales sont évidemment les premières bénéficiaires de ces politiques. De nouveaux marchés sont ouverts et toute régulation étatique est abolie. En matière de sécurité, d’armements, de ressources primaires, d’électricité,… les profits en jeux sont colossaux. Comme l’économiste anglaise Naomi Klein le détaillait avec brio dans son livre « la stratégie du choc », les conflits militaires et les marchés libérés par ceux-ci sont un des premiers facteurs à la fois de prise de décision des politiciens occidentaux, mais aussi de perpétuation de la misère dans les pays du monde néocolonial.
…et nationale
Il ne s’agit pas de pleurnicherie mais de faits réels, et donc à prendre en compte : les musulmans sont discriminés à l’embauche, dans le logement et régulièrement par les forces de police (quand ce n’est pas par le personnel médical par exemple, comme avec ce médecin qui avait fait parlé de lui en déclarant refuser de soigner « les barbus et les voilées »). Il y a peu, l’hebdomadaire Moustique nous honorait d’une couverture « Mon voisin est musulman », empreinte de panique. Une énorme partie des citoyens belges non-musulmans naissent, vivent et votent sans avoir jamais réellement discuté avec un musulman. L’essentiel des médias donne une image tronquée, d’une population menaçante, dangereusement différente de « nous » et qui refuse de se mélanger.
Enfin, les populations immigrées sont majoritairement constituées de pauvres. Ils sont parmi les groupes les plus touchés par les effets de la crise, les fermetures d’usines, l’austérité. En Belgique, entre 43% et 52% (selon les études) des Belges d’origine marocaine vivent sous le seuil de pauvreté. Une petite visite dans les quartiers délabrés de Molenbeek où s’entassent des familles dans des appartements minuscules serait sans doute une bonne prise de conscience pour l’essentiel des journalistes et politiciens « caucasiens » pour qui la misère n’est qu’un mot dans un discours ou une donnée statistique et jamais une réalité palpable.
Dans ces quartiers, l’état s’est bien souvent désinvesti de toute mission. Écoles de devoirs, éducateurs de rues, théâtres, plaines de vacances… tous ces secteurs qui permettent aux jeunes de s’épanouir et de s’éduquer malgré une situation difficile sont aujourd’hui menacés et en grande partie déjà amputés par les politiques néolibérales.
Alors comment faire ?
De nombreux musulmans reconnaissent le caractère impérialiste et hypocrite de la politique internationale menée par l’Europe et les États-Unis. Partout, l’image qui leur est renvoyée est celle d’un Occident hostile, si pas en guerre contre l’Islam. En Europe, discrimination et pauvreté sont le quotidien. Pointés du doigt et fragilisés socialement, de nombreux jeunes sont des cibles faciles pour des recruteurs djihadistes. Ces derniers trouvent d’ailleurs d’excellents arguments dans les actions du gouvernement (« tu vois de toutes façons ils te détestent/ne te traitent pas comme les autres/… »).
Face à une situation internationale révoltante et des conditions sociales souvent misérables, le discours déformé des groupes djihadistes sont tentants.
Combattre ces groupes devrait passer par trois choses. Une lutte contre le racisme, pour enfin appliquer les belles paroles d’égalité prononcées si souvent. Un réinvestissement public dans les secteurs sociaux plutôt qu’une austérité barbare et impopulaire comme appliquée actuellement. Une politique internationale cohérente, qui refuse la collaboration avec les pays qui financent ces groupes, et un arrêt des opérations impérialistes militaires comme économiques.
Pour les masses de pauvres des pays du Moyen Orient et d’Afrique du Nord comme de l’Occident, les injustices et les oppressions de ce monde sont indéniables. La seule idéologie que les jeunes musulmans voient comme une alternative est l’islamisme radical. Or, il fut un temps où les espoirs pour une société meilleure s’incarnaient différemment. Avec toutes les critiques que l’on peut (et doit !) faire envers les grands Partis Communistes qui existaient par le passé (et qui ont d’ailleurs perdu leur position essentiellement suite à leurs erreurs politiques), il est indéniable que ceux-ci étaient vus comme l’outil privilégié pour lutter contre les injustices et les inégalités. Analyser pourquoi ceux-ci ont échoué est nécessaire. Mais pour combattre les partisans de la haine, que ce soient des néonazis norvégiens ou des terroristes islamistes, il est nécessaire de reconstruire un mouvement large, démocratique et populaire qui permet de lutter pour une société différente. Faillir à cette mission, c’est laisser la voie aux pires régimes de terreur.
C’est ce que l’Histoire nous enseigne à travers l’échec de la révolution allemande et à la victoire du nazisme qui a suivi ou aux complications du processus de révolution et de contre-révolution en Tunisie.
Avec le Parti Socialiste de Lutte et les Etudiants de Gauche Actifs, nous considérons que notre tâche, plutôt que de chercher comment mieux contrôler les citoyens et mieux exclure certains d’entre eux, doit être de reconstruire une idéologie et une société basée sur l’égalité, et non les différences ; sur la liberté plutôt que l’oppression ; et sur la justice sociale plutôt que sur les montagnes de misères causées par le capitalisme. C’est ce que nous appelons une société socialiste. Et comme le déclarait Rosa Luxembourg , il s’agit de se poser la question : socialisme, ou barbarie.
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Attaques terroristes à Copenhague
Il faut une lutte unitaire contre les politiques de droite
Les deux violentes attaques à l’arme automatique par un terroriste, le week-end dernier à Copenhague, ont fait 3 morts, blessé 5 policiers et laissé un pays en état de choc. Ces attaques doivent être clairement condamnées.
Par Arne Johansson, Rättvisepartiet Socialisterna (section suédoise du Comité pour une Internationale Ouvrière)
Au Danemark, comme en Suède et dans le reste de l’Europe, ces évènements ont naturellement ravivé les peurs de nouvelles attaques terroristes et d’augmentation du racisme, islamophobie comme antisémitisme. Il existe aussi un grand risque de montée des contrôles de police « radicalisés », de campagnes officielles contre toute forme de « radicalisme » et de surveillance d’état.
La présence d’agents de police sur la scène des deux attaques a apparemment évité des désastres encore pires. C’était le cas lors de la première attaque, samedi après-midi, contre un meeting avec l’artiste suédois Lars Vilks, qui était menacé de meurtre depuis ses dessins du prophète Mohammed sous forme de chien. Puis, ce fut à nouveau le cas lors de la seconde, dimanche peu après minuit devant une synagogue du centre-ville de Copenhague où se tenait une Bat Mitzvah. Le choc et la peur de nouvelles attaques ont caractérisé la réaction de la communauté juive du Danemark et d’Europe.
Des parallèles avec la France ?
Ce schéma est d’une manière frappante similaire aux attaques terroristes à Paris, d’abord contre le magazine satirique Charlie Hebdo et ensuite contre un supermarché juif, même si cette fois elles semblent avoir été perpétrées de manière isolée par Omar Abdel Hamid El-Hussein. Ce dernier a, par ailleurs, été tué par la police dans la course-poursuite qui s’en est suivie. Deux jeunes hommes ont depuis été arrêtés, suspectés d’avoir aidé le tireur.
L’assaillant était un natif danois de 22 ans, fils de réfugiés palestiniens, relâché de prison seulement deux semaines avant les attaques terroristes après avoir purgé une peine pour avoir poignardé un homme dans un train local. Omar El-Hussein aurait aussi été connu de la police antérieurement pour possession d’armes et des crimes liés à un gang.
Il ferait aussi partie des 39 personnes listées « radicalisées » par le Service des Prisons et de la Probation danois. Il avait, entre autres, parlé ouvertement de son désir de partir en Syrie pour se battre pour « l’État Islamique ». Comme les terroristes français, il était donc déjà connu des services de renseignements de la police, le PET. Une heure avant la première attaque terroriste, El-Hussein avait aussi posté une vidéo prônant le djihad sur sa page Facebook.
Deux personnes ont été tuées dans ces attaques. L’une était un réalisateur de films, à l’extérieur du meeting « Art, blasphème et liberté d’expression ». Un artiste anglais, une représentante du groupe féministe FEMEN et l’ambassadeur français, entre autres, participaient également à cet évènement. L’autre personne tuée est Dan Uzan, un garde du corps volontaire en dehors de la synagogue. « Je n’ose pas imaginer ce qu’il se serait passé si [le tireur] était entré dans le bâtiment », disait Dan Rosenberg Asmussen, présidant de la communauté juive, au journal danois EkstraBladet.
Alors que les médias véhiculent l’image d’une attaque contre un meeting pour « la liberté d’expression », il est peu probable qu’il y aura une vague de réaction comparable à celle suite à l’attaque contre Charlie Hebdo. La « satire » de Lars Vilks et son comité de soutien sont perçus comme une dérision unilatérale de l’Islam. Une indication parlante des motivations de Vilks est la façon dont il explique sa propre présence à la Conférence islamophobe tenue à New York en 2012 sous le titre de « Stop à l’Islamisation des Nations ». Cela « faisait partie de son œuvre d’art », a-t-il dit. Quelles que soient ses opinions, cependant, elles ne justifient bien sûr pas l’attaque meurtrière contre son meeting, tout comme les politiques réactionnaires du gouvernement israélien ne peuvent justifier les tentatives de tuer des Juifs lambda dans une synagogue.
Réactionnaires
Des dizaines de milliers de Danois ont participé aux manifestations de lundi contre le terrorisme. Le premier ministre du Danemark, Helle Thorning-Schmidt, a parlé du besoin de transparence et de cohésion, similairement à ce que le président français, Hollande, a dit après les attaques terroristes à Paris. Cependant, le message opposé, celui de la surveillance d’État et de contrôle renforcés de la société, a lui aussi été donné.
« Il y a des forces obscures qui veulent nous faire du mal et nous devons donc donner une réponse forte. Nous allons faire l’expérience d’un Copenhague qui parait différent pour quelque temps », a dit le ministre de la Justice, Mette Frederiksen.
Le président de l’UE, Donald Tusk, a promis l’implantation rapide d’une stratégie commune contre l’extrémisme et le terrorisme. Les chefs des gouvernements de l’UE y ont donné leur accord il y a quelques jours seulement. Il comprend des propositions telles que l’enregistrement systématique des passagers aériens, des contrôles forts des frontières extérieures de l’UE et l’augmentation de la coopération entre les services de renseignements.
La Suède
Ainsi, en Suède, le ministre de l’Intérieur social-démocrate, Anders Ygeman, a annoncé un effort parallèle avec une nouvelle stratégie antiterroriste nationale pour accélérer encore la forte augmentation des fonds pour plus de forces de police, de renseignements, de surveillance et de protection des institutions et des personnes. Ce type de décision avait déjà suivi les attaques terroristes ratées en 2010.
Le journal suédois Dagens Nyheter liste certains des arguments-clés de la stratégie nationale contre le terrorisme comme « des mesures préventives contre les gens qui se radicalisent et sont recrutés pour participer aux batailles terroriste, des investigations urgentes pour incriminer les départs pour la guerre de terreur, l’incrimination du recrutement, du financement et de l’organisation de ces trajets ». Ygeman parle aussi de chercher une possibilité de vidéo surveillance bien plus extensive dans le cadre des lois qui existent.
Jusque maintenant, il n’y a pas eu de proposition de centres de tortures comme ceux utilisés par les USA à Guantanamo Bay ou ceux délocalisés dans les dictatures pro-occidentales. Mais les risques d’avancées vers un développement de l’augmentation du contrôle et de l’enregistrement des opinions dans les endroits habités par beaucoup de migrants s’ajoutent à la frustration déjà en germe.
La rhétorique à l’emporte-pièce de l’ancienne dirigeante sociale-démocrate, Mona Sahlin, qui a été nommée coordinatrice nationale contre « l’extrémisme violent », est inquiétante. Sahlin veut que les professeurs, les travailleurs sociaux et les dirigeants religieux aident la police secrète à espionner les enfants et les jeunes à risques pour détecter l’extrémisme violent. À la radio, à la télévision et dans les journaux, elle met sans arrêt à égalité ce qu’elle appelle « les trois grandes idéologies de la haine » – le djihadisme, l’extrême droite et l’extrémisme de gauche. Et elle a des difficultés à distinguer les critiques vives de l’oppression par l’État israélien et l’antisémitisme.
Rättvisepartiet Socialisterna (section sœur du PSL en Suède), comme d’autres organisations de gauche, a souvent participé aux manifestations contre la terreur d’État israélienne dans les bombardements de Gaza, par exemple, mais a une ligne très claire contre l’antisémitisme. Nous avons très rarement entendu des slogans ou toute autre expression d’antisémitisme dans ces manifestations, dans lesquels on retrouve d’ailleurs régulièrement une organisation appelée « Juifs pour la paix ».
Sahlin n’a aucun sens de la proportion. En exprimant sa condamnation de la terreur djihadiste et du nazisme violent, elle ajoute que le slogan « l’antifascisme est l’auto-défense » (une phrase utilisée par certains antifascistes pour indiquer qu’ils sont prêts à résister physiquement aux attaques contre eux) est un exemple de l’extrémisme de gauche tout aussi dangereux et violent. Le racisme violent ne doit jamais être assimilé à l’auto-défense contre celui-ci !
Les politiciens au pouvoir en Suède, tout comme au Danemark et dans l’UE, ne sont pas capables d’admettre leur propre responsabilité politique dans l’extrémisme violent, causé par leurs politiques étrangères comme intérieures. L’auteur des attaques à Copenhague – comme ceux en France en janvier – vient apparemment d’un quartier ouvrier avec un haut niveau de chômage.
Des politiques étrangères provocatrices
Le journaliste et auteur danois, Cartsen Jensen, a demandé dans un article après l’attaque terroriste si « le Danemark officiel » ne pourrait pas s’en prendre à lui-même, « une nation auto-radicalisante » qui a délibérément mis le cap vers la confrontation. Il s’interroge aussi si c’est juste une coïncidence que les étincelles de terreur se soient propagées de Paris directement à Copenhague.
« Le Danemark, avec la Belgique et le Royaume-Uni, sont les seuls pays européens à avoir participé aux 4 guerres des 12 dernières années – Irak, Afghanistan, Libye et maintenant celle contre l’État Islamique », écrit-il. Il rappelle que le Danemark a aussi dans son parlement le Parti du Peuple Danois, de droite et fortement xénophobe, qui pourrait devenir le plus grand parti aux prochaines élections et dont les opinions réactionnaires ont été adoptées par la majorité des partis au parlement. Plus la Suède est intégrée à l’OTAN et impliquée dans ce genre de guerres catastrophiques, comme dans la guerre aérienne contre la Libye et la nouvelle mission au Mali, et plus la menace correspondante va augmenter en Suède aussi.
Mais comme l’explique un porte-parole de l’initiative « Copenhague pour la diversité », « la marginalisation, la discrimination et l’humiliation par une minorité est aussi un terreau pour le terrorisme ». Un autre facteur est aussi que la prison est un environnement qui consolide et radicalise le sentiment d’aliénation. Il semble que c’est exactement ce qu’il s’est passé avec Omar El Hussein.
Heureusement, il y a certains espoirs au Danemark de développement d’un mouvement pour une autre société. Par exemple, il y a des contre-manifestations bien plus grandes contre les tentatives d’établir une branche danoise du mouvement xénophobe et islamophobe Pediga, qui voulait établir les marches racistes les lundis dans plusieurs villes danoises. Un autre facteur important est que, comme le montre un sondage récent, le soutien pour Enhedlisten, de gauche (Liste Unité ou Alliance Rouge-Verte), continue d’augmenter. À Copenhague, il a atteint 20% et a gagné le statut de plus grand parti de la capitale.
À l’encontre des campagnes des partis dominants contre « toutes les formes d’extrémismes », il est important pour la gauche, tout en défendant le droit à la liberté de parole et d’expression, d’appeler à une lutte unie contre le terrorisme, le racisme, les politiques de droite et les guerres impérialistes. Les politiques socialistes sont nécessaires pour créer des emplois et des logements pour tous, via la nationalisation et la planification, de façon à en finir avec l’attirance des jeunes appauvris vers le terrorisme et la violence.
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Contre la haine et la terreur : la solidarité!
Le spectre du terrorisme a refait son apparition à la une de l’actualité à la lumière des tragiques évènements de Paris et de l’opération anti-djihadiste de la mi-janvier en Belgique. À la stupéfaction et à l’horreur ont succédé l’inquiétude et l’incompréhension. Mais gare aux amalgames ainsi qu’à la manière dont ces évènements peuvent être récupérés…Il nous faut bien entendu nous opposer aux terroristes ainsi qu’à la méthode du terrorisme de manière générale. Dans ce cas-ci, le seul résultat qu’auront obtenu les réactionnaires de droite prétendant défendre les musulmans est le renforcement des préjugés et des tensions contre tous les immigrés, musulmans y compris. La majeure partie des décès imputables à l’activité de groupes terroristes tels qu’Al-Qaïda et l’Etat Islamique sont d’ailleurs des musulmans. Cela n’a rien à voir avec la défense des musulmans, mais tous avec un agenda réactionnaire de droite basé sur l’exploitation et l’oppression.
Dans son éditorial du Soir des 17 et 18 janvier intitulé ‘‘Ne pas céder à la psychose? C’est déjà fait’’, Marc Metdepenningen soulignait que ‘‘Les douze mesures de sécurité annoncées par le gouvernement Michel auraient sans doute suscité, en temps normal, un débat d’idées au Parlement tant ce qui concerne les libertés est précieux et se doit d’être approché à pas juridiquement et moralement comptés’’. Mais là, sous le coup de l’émotion de l’opinion publique, tel ne fut pas le cas.Les attentats du 11 septembre 2001 et le désormais tristement célèbre ‘‘Patriot Act’’ doivent nous servir de mise en garde. Au nom de la ‘‘défense de la sécurité’’, un gigantesque appareil de fichage et de surveillance de la population a été mis en place sans qu’aucun contrôle ne soit exercé tandis que des gens comme Edward Snowden, qui ont publiquement révélé l’ampleur de cette surveillance de masse, ont été poursuivis. Toutes les lois qui renforcent l’appareil d’État vont finalement être utilisées contre le mouvement des travailleurs. Et quant à l’efficacité… Jamais le nombre incroyable de militaires présents dans les rues de Bagdad et d’autres villes du Moyen-Orient n’ont permis de mettre fin aux attentats terroristes.
L’establishment capitaliste instrumentalise la répulsion ressentie face au terrorisme pour défendre une ‘‘unité nationale’’ qui vise à masquer l’absence totale de réponse dont il dispose. L’hypocrisie de la classe dominante pouvait difficilement être mieux illustrée par la manifestation du 11 janvier à Paris, lorsqu’au côté de François Hollande paradaient notamment le premier ministre israélien Netanyahu, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov ou encore le premier ministre hongrois Victor Orban. Leur soutien à la liberté d’expression est une vaste blague…
Ce sont des situations désespérées et l’absence visible d’alternative positive qui conduisent certains dans les bras de solutions désespérées et réactionnaires. De la même manière que la délinquance et la criminalité continueront de se développer tant que séviront la pauvreté et la misère, les idées réactionnaires – qu’elles soient intégristes (de n’importe quelle confession), racistes ou même fascistes – continueront de se propager tant que la société n’offrira aucune perspective positive. Le capitalisme en est devenu incapable, et c’est sur la pourriture de ce système en décomposition que fleurissent les idées les plus nauséabondes du type du ‘‘choc des civilisations’’, de la ‘‘perte des valeurs’’,…
En Belgique, selon des chiffres du Centre d’Études de l’Ethnicité et des Migrations (Université de Liège) et du Onderzoeksgroep Armoede, Sociale Uitsluiting en de Stad (Université D’Anvers), environ 59% des personnes d’origine turque et 56% des personnes d’origine marocaine vivent sous le seuil de pauvreté européen (estimé à 777 euros par mois). Cela peut s’expliquer par le manque de connaissance du français et/ou du néerlandais, mais surtout par les nombreuses discriminations en matière de travail, d’enseignement ou encore de logement. Cette situation de discrimination va encore être alourdie par les conséquences des activités des djihadistes, car c’est toutes les personnes d’origine immigrée (bien au-delà de la religion musulmane) qui va en pâtir. Ces terroristes qui prétendent défendre une « religion » ne valent pas mieux que les réactionnaires islamophobes qui, du coup, vont se frotter les mains et multiplient les actes de violence à l’égard des musulmans.
Ce cercle vicieux ne peut être brisé que d’une seule manière : par la lutte commune contre le terreau sur lequel se développent les idées réactionnaires. Jeunes et travailleurs (avec ou sans emploi), d’origine belge ou immigrée : luttons ensemble contre la casse sociale, défendons nos droits et visons à les étendre !
Il est possible d’avoir une société tolérante et démocratique qui permet à chacun de vivre comme il l’entend selon la culture, la philosophie, la religion qu’il souhaite. Une telle société démocratique est réalisable, mais elle demande de détruire les racines de l’oppression et de la division : le capitalisme, sa loi du profit et l’exploitation des travailleurs et des richesses naturelles au bénéfice d’une petite minorité de super riches.
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Croissance de la menace terroriste
Photo: MediActivistaLa Belgique a connu une opération anti-terroriste de grande ampleur contre des djihadistes, dont deux ont été tués et plusieurs arrêtés. L’armée a été déployée pour assurer des tâches de sécurité. La menace terroriste n’est pas limitée à la Syrie, à l’Afghanistan, au Pakistan ou à Paris. Verviers, Vilvoorde ou encore Molenbeek ; ces noms rendent la menace plus palpable. Ce danger ne tombe pas du ciel.
Par Geert Cool
Ces derniers mois, près de 400 jeunes sont partis de Belgique pour se battre en Syrie. Une partie d’entre eux reviennent déçus, mais ce n’est pas le cas de tous. Certains veulent poursuivre leur combat. Les organisations du type d’Al-Qaïda et de l’État Islamique qui encouragent le terrorisme en Occident sont très autoritaires et profondément réactionnaires. Leur volonté est d’instaurer des régimes basés sur l’exploitation capitaliste et féodale, la censure et la servitude. Comment peuvent-elles exercer une force d’attraction ?
Dès avant les guerres impérialistes menées en Irak et en Afghanistan, nous avions prévenu du danger des répercussions terroristes en Occident. Si la colère était massive à travers le monde contre ces guerres, ce fut très certainement le cas parmi les communautés musulmanes. L’intervention impérialiste et son cortège de morts et de destructions suscitaient une répulsion extrême. À cela s’ajoutait encore l’oppression continue de la population de Gaza. L’impérialisme n’a, par ailleurs, pas hésité à stigmatiser les musulmans pour justifier ses guerres, parallèlement au renforcement de la répression policière et de la limitation des libertés démocratiques.
Ensuite, les inégalités – déjà fortes – ont été renforcées par l’austérité instaurée dans nos pays. En raison des diverses formes de discrimination, cette réalité est devenue encore plus crue pour les jeunes d’origine immigrée. Et faute de tout espoir d’amélioration, des circonstances désespérées ne peuvent conduire qu’à des opinions désespérées. Selon nous, la seule perspective positive réaliste part d’une canalisation de la colère contre ce système, dans la lutte du mouvement organisé des travailleurs pour une société qui rompe avec la logique du chacun-pour-soi capitaliste. Mais au cours de ces dernières décennies, le mouvement syndical et la gauche se sont retrouvés en position de faiblesse, dans la défensive. L’espace a ainsi été laissé pour toutes sortes d’actes désespérés, comme les émeutes des banlieues françaises (2005) ou en Angleterre (2011).
Pire encore, le fondamentalisme religieux peut exercer un certain attrait, de la même manière que le racisme et le nationalisme dans les pays capitalistes développés. La crise économique et sociale en cours mondialement entraine une désintégration du tissu social et l’émergence d’éléments de barbarie, la Syrie ou l’Afghanistan constituant des exemples parmi les plus extrêmes. L’horreur causée par le capitalisme ne justifie toutefois en aucun cas d’infliger une abomination similaire à la population ordinaire.
Le terrorisme est un danger que les classes dirigeantes et les gouvernements capitalistes sont incapables d’éloigner. Ils sont eux-mêmes responsables du terreau à la base de la croissance de ce terrorisme. Aucun renforcement de la répression d’État n’éliminera la menace. Ce qu’il nous faut, c’est une lutte unitaire contre les politiques d’austérité et les interventions impérialistes de l’establishment capitaliste.
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Liberté d’expression ! Non au racisme ! Pas d’unité derrière les Valls-Merkel-Cameron-Sarko,…
L’attaque et le meurtre de 12 personnes par des hommes lourdement armés dans les locaux du journal Charlie Hebdo mercredi 7 janvier est un événement dramatique que nous condamnons fermement comme une attaque lâche et barbare.
Par la Gauche Révolutionnaire (CIO-France)
Nos pensées et tout notre soutien vont bien sûr vers les proches des victimes : Frédéric Boisseau, agent d’entretien ; Bernard Maris, économiste ; Michel Renaud, Elsa Cayat, psychanalyste ; Mustapha Ourrad., correcteur ; Franck Brinsolaro, brigadier ; Ahmed Merabet, policier ; Wolinski, Charb’, Tignous, Cabu, Honoré (dessinateurs), les autres victimes et les blessés.
En attaquant Charlie Hebdo et des personnes comme Wolinski et Cabu, ce n’est pas n’importe qui qui a été visé. Ce sont, pour beaucoup, des journalistes connus pour leur engagement de longue date. Ils ont, de multiples manières, combattu l’intolérance, le racisme, la censure… Qu’ils meurent sous les balles de fous furieux racistes et intolérants nous révolte. En s’en prenant aussi à de simples travailleurs, ceux qui ont commis cet assassinat atroce démontrent qu’ils n’en ont rien à faire de lutter contre le racisme, ils ne défendent pas les musulmans et ne veulent surtout pas d’une société tolérante et respectueuse de chacun.
En aucun cas les musulmans en France ne vont se sentir soulagés par cet acte, bien au contraire. C’est d’ailleurs bien souvent eux qui vont payer les conséquences dans la rue, comme à chaque fois qu’un acte réactionnaire et aveugle est commis. Ces terroristes qui prétendent défendre une « religion » ne valent pas mieux que les réactionnaires islamophobes qui, du coup, vont se frotter les mains et multiplient les actes de violence à l’égard des musulmans. De fait, ces deux catégories marchent main dans la main pour développer l’intolérance et l’obscurantisme. Cet acte terroriste odieux et lâche renforce tous les courants réactionnaires qui veulent diviser les travailleurs et les jeunes sur une base religieuse ou communautaire.
Pas d’entrave à la liberté d’expression et au droit à la caricature !
Charlie était le produit d’une longue tradition de lutte contre la censure, contre le racisme et l’extrême droite ; sans pour autant épargner la gauche. Ils utilisaient la provocation et le sarcasme à l’extrême comme moyen de dénonciation du politiquement correct et de la manipulation politique et médiatique. On défend Charlie Hebdo car on pense qu’il ne doit pas y avoir d’obstacles à la liberté d’expression. Nous savons que ce droit est très vite attaqué par les classes dirigeantes. Nous avions défendu la même position pour Dieudonné alors que nous sommes en désaccord avec ce qu’il dit, qui peut aussi être considéré comme du racisme dans certains aspects, notamment ses nombreux sous-entendus anti-sémites. Quand Charlie Hebdo a publié les caricatures de Mahomet c’était d’abord pour répondre aux menaces de mort contre le journaliste danois, pour dire : oui on a le droit de ne pas croire en dieu et de critiquer les religions… Le problème c’est qu’aborder les choses de façon aussi provocante, et parfois insultante, dans un contexte de surenchère dans le racisme anti-musulman, surtout après le 11 septembre 2001, n’est pas une réponse et peut même paraître faire le jeu des racistes. Et ce fut le cas des fois notamment durant les trop longues années où Charlie a été dirigé par l’opportuniste Philipe Val (qui sera passé de l’extrême gauche dans sa jeunesse à prôner désormais des positions proches de Sarkozy). Tout en défendant le droit le plus complet à la liberté d’expression, c’est sur ces sujets là que nous gardons largement nos distances avec certains propos et dessins que pouvaient publier Charlie.
Les caricatures peuvent toujours déranger, mais elles ne tuent personne au contraire des réalités que des dessinateurs comme Cabu ou Wolinski ont dénoncé dans leur travail d’artiste. On pouvait les trouver un peu «bêtes et méchants» des fois, mais eux mêmes visaient à dénoncer la bêtise et l’oppression. Dès leurs débuts, ils se sont affrontés aux forces qui brimaient la société : l’Eglise, l’armée, les partisans du colonialisme, l’extrême droite… Ce qu’ont visé ces terroristes dans leur lâcheté, ce n’est pas les vrais islamophobes d’extrême droite, mais des défenseurs de la liberté d’expression, et de la lutte contre l’oppression et le totalitarisme. Souvent, ça n’était pas la foi qui était visée dans les dessins, mais l’utilisation qui en est faite à des fins de pouvoir ou de racisme.
Pas d’unité avec ceux qui nourrissent le racisme !
Il est quand même incroyable d’entendre tous les politiciens que Charlie critiquait et caricaturait défendre aujourd’hui ce journal. Les dessinateurs auraient bien rigolé d’ailleurs si on leur avait dit que la cathédrale Notre Dame de Paris sonnerait le glas en leur hommage pendant 15 minutes… belle prouesse pour des anticléricaux forcenés ! Ce sera leur dernière blague, dommage qu’ils ne puissent en profiter.
Mais, il y a de quoi rire jaune devant l’hypocrisie sans borne des classes dirigeantes et de leur valets des médias, et on ne doit pas oublier quelles sont les responsabilités des uns et des autres. Nous défendons de manière intransigeante la liberté d’expression, mais quand on sait que la presse est à 90% aux mains de grands groupes capitalistes qui y censurent sans hésiter souvent selon les lois de la rentabilité, ce ne sont certainement pas eux qui peuvent nous donner des leçons sur la « liberté d’expression ».
Sarko, Le Pen etc. n’ont pas leur place dans les hommages !
Alors qu’une nouvelle loi « anti terroriste » restreignant nos libertés a été votée en novembre, sous prétexte de lutte contre les filières djihadistes, prétexte toujours facile pour fliquer les gens, tout d’un coup les politiciens se préoccupent de nos libertés. Il y a deux mois, la police était déployée avec violence pour empêcher les actions pacifiques en mémoire de Rémi Fraisse, militant écologiste assassiné par la police. Alors que ce gouvernement attaque les syndicalistes, ils se préoccuperaient de la liberté d’opinion ? Alors que tous les médias à la recherche du « clash » et du « buzz » sont ouverts à des Zemmour & co et multiplient les amalgames et les insultes contre les musulmans et les immigrés, ils se redécouvrent défenseurs de la liberté d’opinion et de la tolérance ?
Même le FN veut entrer dans cette « unité nationale » et prétend défendre un journal qui luttait contre ce qui fait son fond de commerce : le racisme et l’islamophobie en particulier. Non, le FN n’a pas sa place dans des hommages aux morts de Charlie Hebdo. D’autant plus que Marine Le Pen en profite pour parler de réintroduire la peine de mort, chose contre laquelle tous les dessinateurs de Charlie ont toujours été.
Quant à la droite, ce n’est pas non plus l’hommage aux morts de Charlie qui l’intéresse. Sarkozy parle de « guerre de civilisation » comme il a parlé des « racailles » avant. Des députés de droite comme Mariani se prétendent défenseurs de la liberté d’expression alors qu’ils ont tenté de faire interdire de nombreux spectacles et même des chansons de Rap… Pas d’unité avec ces politiciens qui tentent de se servir de l’émotion actuelle pour avancer leurs idées racistes.
Et certainement pas non plus avec les chefs de gouvernement qui ont été invités par Valls : le premier ministre espagnol et héritier du franquisme, Rajoy, le premier ministre britannique Cameron qui avait animé dans sa jeunesse les jeunesses du Parti conservateur et leur campagne « pendez Mandela »…
La liberté d’expression : une arme contre les classes dirigeantes et les réactionnaires.
Alors, nous manifesterons, en hommage aux victimes, en défense de la liberté d’expression et d’opinion, et contre les politiques de régression sociales qui font le lit des fanatiques et réactionnaires de tous bords. Nous devons être le plus nombreux possible dans les jours et mois à venir à les empêcher de se refaire une virginité sur la mort de ces personnes. Il nous faut de l’unité, mais pas cette unité de façade qui ne garantit pas nos libertés.
Le meilleur hommage que l’on puisse rendre aux victimes, c’est de renforcer la lutte contre le racisme, l’obscurantisme et toutes les politiques qui visent à diviser les travailleurs et les jeunes. Ce qui nous manque cruellement depuis des années c’est d’avoir une force politique qui défende clairement les victimes de la société capitaliste, qui soit ouverte à tous et toutes, et se donne pour objectif l’unité des travailleurs, des jeunes, des chômeurs, des retraités, quelles que soient les origines, les cultures… Une force politique qui appelle à lutter autant contre les attaques du gouvernement et du patronat que contre le racisme et l’intolérance. La gauche nous a trahi de multiples façons ces dernières années, en acceptant de placer son action dans le cadre du capitalisme, en abandonnant la lutte antiraciste et en soutenant pour certains les guerres (au Proche et moyen Orient, au Mali…). Ce même gouvernement nous parle du « danger djihadiste » ici, alors qu’il soutient la Turquie qui aide Daesh en Syrie, qui s’allie avec le Qatar ou l’Arabie Saoudite dont les régimes ultra-réactionnaires soutiennent eux aussi des groupes terroristes…
Le gouvernement actuel, dirigé par le PS, porte aussi une responsabilité dans l’atmosphère délétère de ces derniers mois. Il suit sans sourciller les pas des politiques de casse sociale et démocratique engagées par son prédécesseur, Sarkozy. Les événements ne doivent pas nous faire oublier les déclarations de Macron, pour qui le seul objectif que doit avoir un jeune est de devenir milliardaire, ce qui veut dire s’enrichir sur le dos des travailleurs et de la majorité de la population. Ils ne doivent pas nous faire oublier non plus les milliers de licenciements, la politique ultra libérale en faveur des plus riches et le chômage, qui nous touchent tous d’où qu’on vienne. La mobilisation en hommage aux morts de Charlie ne doit pas nous faire mettre de côté la nécessité d’une lutte d’ensemble contre la politique de ce gouvernement au service des riches et des banquiers.
Pour l’unité des travailleurs et de la population contre le racisme, l’islamophobie et l’antisémitisme !
L’édition du Monde de jeudi 8 janvier titrait « Le 11 septembre français » … fidèle au sensationnalisme qui caractérise désormais les médias. Mais le fait qu’ils osent cette comparaison est lourde de sens sur l’ambiance que l’on devra subir dans les semaines à venir. On peut s’attendre à ce qu’un espace plus grand existe pour les forces de droite et d’extrême droite. C’est à nous de nous organiser sur des bases de lutte contre le racisme et contre le capitalisme pour contrer cela. On peut s’attendre à ce que cet attentat soit utilisé par les classes dirigeantes (pas seulement en France) pour imposer des mesures drastiques contre les immigrés (ou ceux qui ont l’air de l’être…), les militants et nous tous, sous prétexte d’unité nationale et de lutte contre le terrorisme. Le plan Vigipirate a déjà été mis au niveau maximum en Île de France, ce qui prévoit entre autre l’interdiction des grands rassemblements, et va renforcer encore les contrôles au faciès notamment parmi la population d’origine maghrébine.
Le climat d’islamophobie entretenu est de plus en plus fort. Ceci amène certains musulmans en France à se sentir fort justement sous attaque. Nous dénonçons toute forme de racisme, d’islamophobie, d’antisémitisme, de sexisme… Et nous luttons pour un monde solidaire, fraternel, et tolérant. Rien de comparable avec ces illuminés qui se prennent pour des justiciers (mais craignent, semble-t-il, des gens armés d’un simple crayon). Les terroristes, à l’image des seigneurs de guerre qui violent et pillent des populations sans défense en Afrique et au Moyen Orient, n’ont que faire de la lutte des peuples de ces régions, que ce soit en Palestine, en Syrie, en Irak, lors des révolutions en Tunisie, en Egypte, ou des mouvements de masse au Burkina, au Sénégal…pas plus que de celles des gens ordinaires, musulmans ou pas, en France. La « religion » de ces terroristes est un trafic juteux et rentable comme celui des armes, tout comme le trafic d’êtres humains est un business pour des groupes comme Boko Haram ou Daesh, qui d’ailleurs massacrent en premier lieu des musulmans par milliers au Nigeria, au Cameroun, en Irak ou en Syrie. Dans le même temps, si, en Europe, des jeunes se radicalisent au point de perdre toute notion humaine et de devenir terroriste, ce n’est pas sans rapport avec la politique des impérialistes qui bombardent certains pays depuis des années, et ont semé le chaos et la guerre pour des centaines de millions de personnes de part le monde.
Mais face à cela, ce n’est pas le terrorisme individuel qui changera les choses, au contraire, il renforce la classe dominante et enferme les populations dans la peur. Et la réponse n’est pas le repli sur soi, l’enfermement dans les communautés, qui est certainement voulu autant par l’extrême droite traditionnelle française que par certains groupes religieux. C’est au contraire un mouvement de masse tolérant, combatif et démocratique qu’il faut !
Tous ensemble, reprendre l’initiative !
Les syndicats, les organisations du mouvement ouvrier, les associations doivent appeler à se rassembler et à rendre hommage aux victimes de Charlie Hebdo sur leurs propres bases : pour l’unité des travailleurs, des jeunes et de la grande majorité de la population quelque soit son origine ou ses croyances, pour la liberté d’expression, contre tous les réactionnaires et les terroristes intégristes, contre les politiques racistes et impérialistes des gouvernements en France qui accroissent les divisions sectaires, l’intolérance et l’obscurantisme.
Contre le racisme, et contre les politiques qui mettent dans la précarité des millions de personnes, il faut une mobilisation unie et massive ! C’est sur ces bases que nous participerons au soutien aux journalistes et employés de Charlie Hebdo et que nous continuerons de lutter contre les politiques de régression sociale du gouvernement dans les semaines et mois à venir.
Nous sommes pour une société tolérante et démocratique, où chacun puisse vivre comme il l’entend, selon la culture, la philosophie, la religion qu’il souhaite. Une telle société démocratique est possible, elle demande qu’on lutte tous ensemble pour détruire les racines de l’oppression et de la division : le capitalisme, sa loi du profit et l’exploitation des travailleurs et des richesses naturelles au bénéfice d’une petite minorité de super riches. C’est en retirant des mains des capitalistes les principaux moyens de productions et d’échange, et en organisant l’économie de manière démocratique, sous propriété publique et sous la gestion et le contrôle des travailleurs et de la population qu’on peut mettre fin aux inégalités, aux guerres et à l’injustice. C’est cette perspective d’une société socialiste et démocratique que nous défendons, en opposition complète à la barbarie sans fin que nous impose le capitalisme. Rejoignez nous!