Tag: Terrorisme

  • Charlie Hebdo : victime de la surenchère entre forces réactionnaires

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    Cette attaque d’une brutalité sans précédent a suscité une vague d’indignation et de colère qui a dépassé les frontières de l’Hexagone. Des dizaines de rassemblements spontanés se sont organisés dans de nombreuses villes de France, en Belgique et encore dans d’autres pays. La violence de l’attaque a créé une onde de choc qu’il est encore difficile de mesurer à l’heure actuelle, mais qui mettra du temps à s’apaiser. Car toute attaque contre la liberté d’expression est une attaque contre tous nos droits fondamentaux : nos libertés individuelles, nos droits politiques, syndicaux… Ces droits n’existent pas seulement grâce aux lois et aux institutions “démocratiques”. Ils existent grâce aux hommes et aux femmes qui se lèvent chaque matin pour les défendre : journalistes, militants, travailleurs sociaux, délégués syndicaux, artistes… L’attaque contre Charlie Hebdo est un coup porté contre tous ceux-là.

    Par Jean L. (Luxembourg)

    La liberté d’expression que nous connaissons aujourd’hui est relative. Il ne saurait être question de liberté réelle tant que les magnats de la presse détiennent 90% des médias pour influencer l’opinion afin de défendre leur propre idéologie. Mais même de tels droits démocratiques limités (comme le droit de nous organiser, le droit de mener des actions collectives et la liberté d’expression) n’ont pu être arrachés que grâce à la lutte du mouvement des travailleurs.

    Nous devons donc nous mobiliser pour défendre ces droits contre ceux qui veulent nous bâillonner. Mais dans cette lutte, il ne faut pas se tromper d’ennemi. Il faut aussi prendre garde aux faux amis. Ceci mérite quelques explications.

    Les gros amalgames se profilent déjà, en embuscade, venant de la droite et d’extrême droite : “”les terroristes sont des islamistes donc “l’islamisation” de la France est un problème…” Une communauté entière est assimilée à une poignée de fondamentalistes criminels. C’est tellement simple ! Et facile, tant le terrain a été patiemment préparé par de sinistres « polémistes » adeptes du suicide de la pensée et du déclin des valeurs humaines. Quelques faits divers avaient récemment fait monter le taux d’islamophobie dans l’atmosphère, comme signe prémonitoire d’une tempête qui s’annonçait.

    A ceux qui seraient tentés par ces amalgames anti-musulmans, rappelons simplement 2 faits. Premièrement, les victimes de la terreur islamiste sont majoritairement des musulmans. Ensuite, les islamistes n’ont pas le monopole de la terreur, bien au contraire : ces dernières décennies, les attaques contre les journaux étaient surtout le fait de l’extrême droite, de certains intégristes catholiques, ou encore des partisans de l’Algérie française… En 2011, des dizaines de jeunes norvégiens sont tombés sous les balles d’un extrémiste de droite islamophobe. On pourrait multiplier les exemples…

    Mais l’heure n’est pas aux décomptes macabres. L’heure est à la mobilisation des jeunes et des travailleurs pour la liberté d’expression, contre toute forme de terreur, de racisme et de discrimination. Il ne faut pas laisser l’extrême droite et les partisans du repli sur soi identitaire occuper le terrain. Une phrase de la première déclaration de notre organisation-sœur française Gauche Révolutionnaire pourrait laisser entendre qu’elle pense que les manifestations « républicaines » appartiennent à la droite et l’extrême droite. Ce n’était pas l’intention. Gauche Révolutionnaire est en effet intervenue dans le mouvement à Rouen avec ses propres tracts qui ont été très bien reçus et défendaient des positions partant des intérêts du mouvement des travailleurs et pas tout simplement à se ranger derrière «l’unité républicaine ». Cela est important car un climat nauséabond s’est développé ces derniers mois en France et en Allemagne notamment, avec des relents clairement islamophobes. Nos gouvernements en portent une part de responsabilité. Ne nous laissons pas diviser.

    Pour éviter qu’à ce drame, s’ajoute celui d’un “choc des civilisations”, les syndicats, les organisations du mouvement ouvrier, les associations doivent appeler à se rassembler et à rendre hommage aux victimes de Charlie Hebdo sur leurs propres bases : pour l’unité des travailleurs, des jeunes et de la grande majorité de la population quelles que soient son origine ou ses croyances, pour la liberté d’expression, contre tous les réactionnaires et les terroristes intégristes, contre les politiques racistes et impérialistes des gouvernements en France qui accroissent les divisions sectaires, l’intolérance et l’obscurantisme.

     

  • Les conséquences du 11 septembre : Un monde mis sens dessus-dessous

    Dix ans ont passé depuis que les tours jumelles du World Trade Center se sont effondrées à New York. Dans la période qui a suivi cette attaque terroriste, l’impérialisme américain a déclenché un massacre de masse en Afghanistan et en Irak, poussant certains à croire que s’était ouverte une ère de domination totale du monde par une seule superpuissance. Mais la crise économique mondiale actuelle et l’impuissance des États-Unis face à la révolution en Afrique du Nord et au Moyen-Orient a au contraire démontré la fausseté de ce point de vue. Dans cet article, Peter Taaffe, secrétaire général de la section du CIO en Angleterre et Pays de Galles (le Socialist Party) analyse les nombreux bouleversements qu’a connu la situation mondiale depuis lors.

    Par Peter Taaffe

    Les effroyables attentats terroristes du 11 septembre 2011 à New York, en Pennsylvanie et à Washington ont été un des moments déterminants de l’Histoire récente. La mort de milliers de gens a fourni à la réaction capitaliste – dirigée par le président américain George W Bush et le premier ministre britannique de l’époque, Tony Blair – l’excuse de déclencher une nouvelle ère de terrible guerre impérialiste et de distiller partout les relents empoisonnés de la division ethnique et du racisme, dirigés en particulier contre les citoyens de confession musulmane. Cela a résulté en une somme colossale de morts et de destruction, qui a infligé une incommensurable misère et souffrance sur des millions de travailleurs et de pauvres, en particulier dans le monde néocolonial.

    Dès ce moment, le Socialist Party a condamné sans ambages Al-Qaïda, l’organisation à l’origine de ces attaques, décrivant ses méthodes comme étant celles de ‘‘petits groupes utilisant un terrorisme de masse’’. Au même moment, nous n’avons jamais accordé le moindre soutien à Bush, à Blair, ni à la cacophonie des médias capitalistes qui appelaient alors au déclenchement mondial d’une “guerre contre le terrorisme”. En réalité, ces gens ont utilisé le 11 septembre pour justifier l’emploi de la terreur d’État contre des populations sans défense et innocentes partout dans le monde, symbolisée par les salles de torture de Guantánamo et par la tristement célèbre prison d’Abu Ghraib en Irak.

    Toutefois, ce point de vue politique n’a pas été partagé même par certains groupes de gauche, qui préféraient rester équivoques et refusaient de condamner ces attaques. Ce refus était une approche profondément erronée, qui risquait d’aliéner la majorité des travailleurs, dégoutée par le carnage à New York et à Washington. En outre, cela amenait alors la possibilité pour Bush et Blair de rallier ces travailleurs à leur cause pour les préparatifs de l’invasion en Afghanistan puis en Irak.

    Tout au long de l’Histoire, le marxisme s’est toujours opposé à l’emploi de méthodes terroristes. En Russie, le marxisme a été dès le départ forcé de s’opposer à ces méthodes dans la lutte contre le régime brutal et dictatorial du tsar. Les marxistes opposaient à ces méthodes la lutte de masse de la classe ouvrière qui, alliée aux paysans (et en particulier les masses rurales pauvres), était pour eux la seule force capable de mener une lutte victorieuse contre le tsarisme.

    Léon Trotsky comparait le terrorisme au ‘‘libéralisme capitaliste, mais avec des bombes’’. Cela peut nous sembler étrange aujourd’hui. Il est inconcevable, par exemple, d’imaginer que Nick Clegg, dirigeant des libéraux-démocrates britanniques et vice-premier ministre du Royaume-Uni, associé à des actes terroristes ! Mais les idées de Trotsky demeurent valides de nos jours. Les libéraux croient qu’un changement fondamental peut être obtenu par le simple retrait de tel ou tel ministre, voire gouvernement. Le terroriste partage ce point de vue, mais via des méthodes violentes. Le remplacement d’un ministre ou d’un gouvernement n’est pas une condition suffisante pour accomplir un réel changement social. Pensons-nous que l’élimination du gouvernement britannique actuel, par exemple, et l’arrivée au pouvoir du travailliste Ed Miliband et de son New Labour serait un facteur capable de modifier la situation en profondeur ? Poser la question, c’est déjà y répondre. Parce qu’un gouvernement Miliband serait toujours fermement ancré dans le cadre du capitalisme, aucun changement substantiel n’en découlerait, en particulier en ce qui concerne les conditions sociales de la masse de la population.

    Al-Qaïda, cependant, était un genre entièrement différent de groupe terroriste. Malgré les tentatives de certains groupes de gauche d’embellir l’image des terroristes islamistes, Al-Qaïda est ancrée dans les doctrines du wahhabisme, une version médiévale de l’islam sunnite et le crédo dominant du régime théocratique d’Arabie saoudite. Dans le passé, les groupes terroristes qui se basaient, au moins en théorie, sur la réalisation des intérêts sociaux des masses, se lançaient dans l’assassinat de figures publiques particulièrement réactionnaires, de membres de gouvernements, etc. Les origines d’Al-Qaïda, avec son opposition messianique non sur une base de classe mais contre les “infidèles” et le “Grand Satan” que sont les États-Unis, signifie que cette organisation utilise une terreur de masse indiscriminée. Non seulement elle a attaqué les États-Unis et ses alliés, mais a également abattu d’innocents travailleurs et pauvres. Cela était évident lors du 11 septembre, mais aussi lors d’autres attentats terroristes auparavant et depuis lors.

    Le correspondant du journal The Independent Patrick Cockburn, a souligné ce fait : ‘‘On mentionne toujours trop peu dans les médias occidentaux un aspect particulièrement malsain des activités d’Al-Qaïda : cette organisation a toujours tué plus de musulmans chi’ites que d’Américains. Ce groupe était sectaire avant d’être nationaliste. Les chi’ites étaient considérés comme des hérétiques, aussi dignes de mourir que tout soldat américain ou britannique. Encore et encore, les kamikazes d’Al-Qaïda ont ciblé de simples travailleurs chi’ites sur les places publiques de Bagdad tandis qu’ils se rendaient au travail tôt matin, quand ce n’était pas des bombes massives qui explosaient au moment où les fidèles chi’ites quittaient leurs mosquées’’. C’est le même tableau qui émerge au Pakistan, où les talibans (une filiale d’Al-Qaïda) massacraient les musulmans chi’ites partout où ils les voyaient.

    De plus, Al-Qaïda n’est pas réellement parvenue au cours des dix dernières années à engranger le moindre véritable succès contre l’impérialisme américain ou ses régimes vassaux au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Le principal groupe autour d’Oussama ben Laden était fort restreint, de sorte que son étendard était “donné en franchise” à d’autres groupes terroristes islamistes partout dans le monde. L’idée selon laquelle on avait affaire à une sorte “Internationale islamiste” n’a jamais été qu’une grossière exagération. Le seul moment où ce groupe est parvenu à rassembler quelque chose qui ressemble à une véritable force était en Afghanistan dans les montagnes de Tora Bora, probablement entre 1996 et 2001.

    Lutte de masse

    Au cours des magnifiques révolutions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, à commencer par la Tunisie puis par l’Égypte, Al-Qaïda n’a eu que peu voire aucune influence. Comme nous l’avions prédit – à l’encontre de nombreux groupes de gauche, tels que le Socialist Workers Party au Royaume-Uni, qui s’est adapté à des organisations basées sur un islam politique de droite tout en exagérant leur importance – les jeunes et les travailleurs ont rejeté le modèle terroriste erroné, adoptant à la place les méthodes de la lutte de masse. Les occupations massives des places publiques, les grèves et les manifestations – voilà quelles ont été les armes politiques des masses tunisiennes et égyptiennes qui ont mené au renversement de Ben Ali et de Moubarak.

    Il est vrai que le déclenchement de la révolution a été l’auto-immolation du vendeur de rue Mohamedd Bouazizi. Mais cet acte individuel n’a rien à voir avec les méthodes de terreur de masse indiscriminée perpétrée par des kamikazes qui caractérise Al-Qaïda. Qui plus est, les conditions pour la révolution avaient été préparées par toute la période précédente, de sorte que le moindre facteur déclenchant aurait pu mettre en branle un mouvement de masse en Tunisie ou en Égypte, ce qui est un trait commun à toutes les véritables révolutions.

    Là où la religion garde une certaine base et une attraction pour les masses, en particulier dans le monde néocolonial, cela est dû en partie du fait des conditions de la dictature ou du caractère économiquement sous-développé de certains pays qui ont une large population agraire. Dans la dictature stalinienne en Pologne avant 1989, c’est le catholicisme qui, via les églises, a fourni aux travailleurs polonais les moyens d’organiser la résistance. Par conséquent, leur insurrection a adopté une coloration religieuse fortement prononcée. Cela ne les a cependant pas menés à tirer des conclusions pro-capitalistes de leur opposition au stalinisme, du moins pas dans la première phase. En 1981-81, le mouvement Solidarnosc, avec ses comités de masse et une participation massive, représentait à la base le mouvement pour une révolution politique visant à remplacer les structures d’État stalinistes anti-démocratiques. En même temps, il cherchait à conserver les éléments de l’économie planifiée, de la nationalisation, etc. Lors de la révolution iranienne de 1979, nous avons observé une forme d’“islam radical” qui disposait alors d’un immense pouvoir d’attraction pour les travailleurs et les pauvres de l’époque. Nous ne pouvons exclure le fait que de tels phénomènes se produisent à nouveau dans le monde néocolonial.

    En Égypte, au départ, les masses ont été capables de concentrer leurs forces en opposition au régime Moubarak autour des mosquées et, dans une certaine mesure, des syndicats indépendants clandestins. Mais les Frères musulmans étaient la seule organisation autorisée à fonctionner de manière semi-politique, en plus d’être une organisation charitable d’aide sociale. Il est donc tout naturel que certaines sections de la population se soient d’abord tournées vers cette organisation dans la période qui a suivi le renversement de la dictature égyptienne. Alors qu’il existe des groupes et partis islamiques en Tunisie, ceux-ci ne semblent pas disposer du même ancrage dans la société que ce n’est le cas en Égypte à ce stade. La Libye post-Kadhafi, d’un autre côté, pourrait connaitre une fracture du pays et la croissance de groupes islamistes. Mais il est encore trop tôt pour déterminer si cela deviendra ou non la tendance dominante. En Égypte, malgré la récente importante mobilisation des islamistes sur la place Tahrir, ceux-ci ne sont d’aucune manière certains d’obtenir une majorité absolue même en cas d’élections anticipées organisées à la va-vite qui les favoriseraient. En outre, il n’est pas certain que les Frères musulmans resteront une force unifiée et cohérente. Il y a des scissions, qui reflètent en partie des divisions d’un caractère de classe. On parle maintenant de la création éventuelle d’au moins quatre différents partis politiques formés à partir de la Confrérie.

    En même temps, les forces opposées à l’islam politique de droite, laïques et socialistes, trouvent un écho parmi les sections nouvellement politisées de la classe ouvrière en Égypte, en Tunisie et partout dans la région. Même au Yémen, qui est ‘‘largement considéré comme participant à la franchise Al-Qaïda’’ (The Guardian), l’insurrection de février a mené à la création de comités révolutionnaires dans lesquels les débats faisaient rage quant à la nécessité d’adopter une stratégie non-sectaire pour parvenir à un réel changement. Partout au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, l’élan initial des révolutions a été en faveur d’une approche non-sectaire, avec une direction claire vers des conclusions de classe de la part des masses. Dans les conditions sociales indescriptibles du Yémen (un pays de sept millions d’habitants dont un tiers est jugé comme “alimentairement précaire” et dont 10% sont mal nourris), il faudra plus que de la religion pour satisfaire aux revendications des masses.

    Libérées du joug de la dictature, celles-ci se sont déversées sur l’arène politique et, comme le montre l’exemple de l’Égypte, ne seront pas réduites au silence par les édits de l’élite militaire discréditée. Elles vont pousser encore et encore pour mettre en avant leurs propres revendications en faveur de conditions de vie drastiquement améliorées, de droits démocratiques, d’organisation syndicale, etc. L’ingrédient vital qui manque aujourd’hui afin de garantir le succès dans la lutte est l’existence d’organisations de masse, de puissants syndicats et de partis ouvriers indépendants. Mais les mouvements convulsifs qui ont déjà été expérimentés, tout comme les encore plus grands mouvements à venir, seront d’importantes sources d’enseignements pour les masses, qui en tireront la conclusion que ce n’est que sous leur propre bannière qu’elles pourront conquérir une position à partir de laquelle elles pourront commencer à réaliser leurs attentes en termes d’emplois, de logements et de mode de vie.

    L’impasse d’Al-Qaïda

    Un des principaux facteurs déclencheurs de la révolution – qui a permis au Comité pour une Internationale ouvrière (CIO) de prévoir comme nous l’avons fait l’an dernier l’apparition imminente d’un mouvement visant à renverser Moubarak – a été l’aggravation des conditions sociales partout à travers la région, et en particulier la hausse spectaculaire du chômage de masse. Cette aggravation découlait elle-même de l’approfondissement de la crise économique mondiale du capitalisme, accompagnée par une détérioration de l’accès à la nourriture et par l’importation massive de céréales dans cette région qui, historiquement, a été un des berceaux de la civilisation et de la fondation de l’agriculture humaine, dans le croissant fertile entre les fleuves Tigre et Euphrate. Rien ne pourrait mieux illustrer le caractère destructeur du latifundiste et du capitalisme modernes, et de leur incapacité à fournir les bases vitales aux travailleurs et paysans de la région.

    Une chose est absolument claire : Al-Qaïda et l’islam politique de droite n’ont rien à offrir en termes concrets, ni pour la lutte, ni pour l’accomplissement des objectifs des masses dans cette région. Pas seulement en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, mais également au Pakistan et en Afghanistan, les méthodes d’Al-Qaïda représentent une complète impasse politique. L’assassinat de Ben Laden en juillet a été un non-événement pour la masse des Pakistanais. Lorsqu’il a été lui-même assassiné sur ordre de l’impérialisme américain, son organisation était dans les faits déjà morte politiquement.

    Toutefois, le danger du terrorisme et de l’attraction des idées terroristes pour les sections aliénées de la société, y compris la jeunesse en général et même quelques jeunes travailleurs, n’est pas restreint au monde néocolonial. Comme l’a montré l’exemple des Brigades rouges en Italie dans les années ’70 et ’80, si la classe ouvrière et ses organisations ne parviennent pas à prendre l’initiative du changement, alors quelques personnes désespérées peuvent se mettre à chercher un raccourci imaginaire vers le socialisme – le terrorisme. Les conditions auxquelles la classe ouvrière est confrontée aujourd’hui, et en particulier la jeunesse, sont incommensurablement pires qu’à l’époque. Il est par conséquent nécessaire d’examiner de contrer les méthodes terroristes d’un point de vue marxiste, afin d’empêcher que de nombreux éléments qui autrement feraient de très bons socialistes, n’aillent se perdre dans cette impasse.

    L’attaque sur les tours jumelles et sur le Pentagone d’il y a dix ans a été l’acte terroriste le plus spectaculaire de l’Histoire. Il a également été, du point de vue d’Al-Qaïda, le plus “efficient en termes de couts”, coutant un peu moins de 500 000 $ à organiser (soit 167$/personne tuée, NDT), une simple bagatelle pour l’héritier de la riche famille saoudite des Ben Laden. Au même moment, cela a permis à l’impérialisme de se mobiliser via son fameux appel à “la guerre contre la terreur”, avec toutes les implications réactionnaires qui en découlent.

    Cela a aussi permis à l’impérialisme, surtout américain, de renforcer sa prouesse militaire, qui a alors mobilisé pour l’intervention militaire en Afghanistan et en Irak, avec toutes les conséquences sanglantes pour les masses, là et ailleurs. Selon Robert Harris : ‘‘Le nuage de fumée des tours jumelles s’étend toujours par-dessus la planète. Il semble que nous vivons à présent dans une ère plus sombre, plus paranoïaque, moins optimiste que celle dans laquelle nous vivions dans les années ’90 lorsque la guerre froide venait de se terminer, et que le “choc des civilisations” ne faisait en réalité que commencer. L’Amérique ne s’en est jamais pleinement remise : ni l’Occident de manière générale’’. (Sunday Times, 14 aout 2011).

    L’arrogance de l’impérialisme

    Mais l’équilibre des forces sur le plan mondial qui penchait de manière si décisive en faveur de l’impérialisme américain a subi un profond changement. L’impérialisme américain a été au départ renforcé par le 11 septembre, tandis que ses représentants proclamaient sa dominance. En 2001, les États-Unis étaient toujours la principale puissance économique et militaire de la planète. Leur ambition d’accomplir la “pleine dominance militaire sur tous les plans” a été mise en œuvre dans la période qui a suivi le 11 septembre. Dans cette période, les États-Unis ont dépensé à eux seuls en termes d’armement autant que le reste du monde pris tout ensemble, y compris en termes d’armes de destruction massive.

    Cette nouvelle donne a été accompagnée par la doctrine facile de la “guerre contre la terreur”. Selon le secrétaire à la Défense américain de l’époque, Donald Rumsfeld, celle-ci devrait se prolonger pour les 50 prochaines années ! Mais comme nous l’avions prédit, elle n’a en réalité pas duré dix ans, complètement discréditée même parmi les bourgeois. Néanmoins, sous cette couverture, une offensive massive a pu être lancée contre les droits démocratiques de la population américaine et d’ailleurs.

    Les médias capitalistes aux États-Unis et ailleurs se sont avilis plus encore que de coutume par leur alignement sur le régime Bush. Cela a jeté la base pour l’intervention impérialiste en Afghanistan et en Iraq, sous l’appellation hypocrite d’“intervention militaire libérale”. La droite américaine avait rêvé de pouvoir se débarrasser du “syndrome Vietnam”, et en a reçu l’opportunité avec le 11 septembre. Voilà encore un aspect des implications réactionnaires du terrorisme : il renforce la marge de l’État en termes de répression et d’attaques sur les droits démocratiques, y compris ceux de la classe ouvrière et du mouvement ouvrier. Même les émeutes largement spontanées qui sont récemment survenues au Royaume-Uni ont été utilisées par le gouvernement pour tirer le balancier politique plus à droite, avec des menaces de répression accrues.

    Bien avant les guerres qui ont éclaté, le CIO avait prédit que l’Afghanistan et l’Irak avaient de grandes chances de se faire envahir. Toutefois, nous avons contré les inévitables peurs et déception, voire de noir pessimisme, qui s’étaient emparées du mouvement ouvrier en particulier. Peu après les attaques du 11 septembre, nous écrivions ceci : ‘‘Le 11 septembre, comme nous l’avons vu, a clairement ouvert la voie a une nouvelle phase pour le monde et pour le capitalisme. Malgré les clairons de Bush et de ses laquais comme Blair, cela ne veut pas dire que nous sommes arrivés dans une période victorieuse et triomphale pour l’impérialisme. Les “victoires” qui ont été obtenues sont bourrées de contradictions. Il est certain que le colosse américain parcourt en ce moment le monde comme jamais auparavant dans l’Histoire. Mais en même temps, il a rempli ses fondations de tout le matériel explosif du capitalisme mondial’’ (Après le 11 septembre, peut-on vaincre l’impérialisme américain ? – septembre 2002).

    L’impérialisme américain a de fait connu de profonds changements, qui ont fait tomber en poussière toutes les doctrines de Bush et de ses partisans néoconservateurs. Qui parle encore aujourd’hui d’un président américain jouant le rôle d’un “César” moderne, comme c’était le cas après le 11 septembre ? Barack Obama n’a été qu’un simple observateur, incapable d’intervenir dans les premières étapes des révolutions tunisienne et égyptienne. Ce n’est qu’avec l’assistance des régimes théocratiques contre-révolutionnaires d’Arabie saoudite, du Bahreïn et autres, en plus de l’intervention de l’OTAN en Libye, que l’impérialisme américain est parvenu à garder une très fragile main dans la situation au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

    En Syrie, ce n’est qu’après une période prolongée de troubles qu’Obama s’est senti capable d’intervenir contre Bashar al-Assad avec la menace de sanctions économiques au cas où il ne quitterait pas la scène politique. Comme c’était le cas avec toutes les forces pro-capitalistes de la région, toutefois, Obama est terrifié à l’idée de ce qui surviendrait au cas où Assad serait renversé. Ce problème ne semble pas se poser dans l’immédiat, puisque le régime d’Assad conserve toujours une base de soutien dans les régions cruciales que sont Damas et Alep.

    Mais la chute d’Assad pourrait mener à une désintégration “désordonnée” du pays et à sa fracturation selon des lignes ethniques et religieuses. Cela pourrait avoir des répercussions immédiates, avec par exemple l’intervention d’Israël au cas où les événements en Syrie venaient à affecter les territoires qu’il contrôle, tels que les collines de Golan. La Turquie menace même d’intervenir militairement afin de préserver la “stabilité”. Cela signifie qu’elle agira si elle juge probable un renforcement de l’opposition de la part de la population kurde en Syrie, libre du contrôle d’Assad, qui renforcerait à son tour l’opposition des Kurdes de Turquie au gouvernement Erdogan. Dans une telle situation, l’intervention de l’impérialisme américain ne se fait en gros plus qu’en paroles. C’est ce qui a conduit Robert Fisk du journal The Independent à écrire : ‘‘Obama rugit. Le monde tremble. Ou pas.’’

    Le terrible legs de l’impérialisme

    Ceci souligne le fait que l’impérialisme américain, tout en restant un géant économique et militaire, ne possède plus la puissance nécessaire pour imposer sa volonté aux quatre coins de la planète, comme cela semblait être le cas dans la période de l’après 11 septembre. Il est pris au piège de ses propres faiblesses économiques, symbolisées par l’immense déficit budgétaire, qui est en partie une conséquence des saccages impérialistes en Afghanistan et en Irak. La somme colossale de 3 trillions de dollars a été dilapidée dans la catastrophe de l’intervention américaine en Irak et en Afghanistan. Cela est l’équivalent d’environ un cinquième du PIB annuel des États-Unis. Pire encore est le bilan : au moins 600 000 civils irakiens innocents ont péri, en plus des troupes de la “coalition des braves” mortes dans les guerres ingagnables en cours dans ces pays.

    Et quel est le résultat de ces interventions ? Les talibans sont toujours là. Pire encore, leur influence néfaste, en conséquence de la guerre en Afghanistan, s’est étendue aux masses pakistanaises, déjà plongées dans une misère croissante et dans le pur désespoir qui prévaut dans les principales régions et villes du pays. Le pantin afghan du Royaume-Uni et des États-Unis, Hamid Karzai (dit le “maire de Kaboul”) est de plus en plus assiégé et pourrait se voir renversé si le soutien impérialiste et ses baïonnettes venaient à disparaitre, comme cela sera sans doute le cas prochainement. Le récent assassinat de son frère et d’autres piliers du régime indique à quel point les talibans sont capables de pénétrer au cœur même de la capitale et à quel point est fragile l’État afghan actuel. Plus encore, l’impérialisme est engagé dans des pourparlers avec les talibans – comparées par David Cameron, le premier ministre britannique, au “processus de paix” en cours en Irlande du Nord. Ceci démontre bien ce que nous avons dit dès le départ : cette guerre est ingagnable.

    En réalité, l’impérialisme est sur le point de “déclarer victoire puis battre en retraite”, en utilisant sans doute l’écran d’un gouvernement de “coalition” impliquant les talibans, ou du moins quelques sections d’entre eux, et certains reliquats du régime actuel. Au même moment, il pourrait également continuer à déverser des ressources dans la construction de la pseudo “armée afghane” tout en maintenant des bases dans la zone. Un tel scénario existe pour l’Irak. Encore une fois comme nous l’avions prédit, c’est un terrible legs qui est laissé au peuple irakien par l’intervention impérialiste américano-britannique. Les forces américaines préparent leur “retrait”, après avoir complètement ruiné l’Iraq sans avoir résolu – mais bien au contraire après avoir renforcé – tous les problèmes de pauvreté, de manque de services et infrastructures de base et, par-dessus tout, des divisions ethniques et sectaires.

    Néanmoins, lors du splendide mouvement – essentiellement ouvrier – cette année de tous les groupes ethniques, la classe ouvrière irakienne commence à réémerger de la catastrophe. Ce développement renforce aussi notre argument contre l’intervention impérialiste en tant que moyen de renversement de Saddam Hussein. Il y avait certaines personnes soi-disant de gauche – en particulier parmi les exilés irakiens – qui affirmaient que seule une intervention militaire extérieure pourrait renverser Saddam. Nous soulignons au contraire le potentiel de la classe ouvrière irakienne, mais nos arguments étaient systématiquement écartés sous prétexte que ‘‘Les Irakiens sont un peule enchainé, incapable d’entrer en action par lui-même’’ et que ‘‘L’impact pour dégager Saddam doit venir de l’extérieur’’. De nombreuses personnes se sont alors tournées vers les pires ennemis de la classe ouvrière, les capitalistes et les impérialistes, pour accomplir l’œuvre que seul un mouvement indépendant de la classe ouvrière était en réalité capable de réaliser.

    Nos arguments ont été confirmés lors des magnifiques mouvements indépendants des masses qui se sont dressées et ont fracturé l’armée en Égypte et en Tunisie. De plus, les développements de la classe ouvrière et de ses organisations indépendantes, même dans des sociétés frappées par la misère comme l’Afghanistan et l’Iraq, va se poursuivre tout au long de la prochaine période. La tendance vers des mouvements non-sectaires qui était présente dans tous ces événements peut se développer à une échelle régionale. Aucun pays, pas même le plus puissant, n’est viable de par lui-même, et certainement pas du point de vue économique. Ce n’est qu’en combinant les ressources des différents peuples en une confédération socialiste, garantissant la pleine autonomie et les pleins droits démocratiques pour toutes les nationalités et groupes ethniques, y compris la reconnaissance des droits à la langue et des minorités religieuses, que les peuples de cette région pourront émerger du cauchemar qu’ils connaissent aujourd’hui sur base du capitalisme.

    La fin du monde unipolaire

    Dans la période qui a immédiatement suivi les attentats du 11 septembre, l’impérialisme américain a été capable d’imposer sa volonté, bien que dans certaines limites, parce qu’il ne se trouvait plus aucune puissance rivale directement face à lui. Pendant la guerre froide, le seul rival de l’impérialisme américain était la Russie stalinienne. Le spectaculaire effondrement de celle-ci, peu après le décès de l’“Union soviétique” et des restes de l’économie planifiée stalinienne, a fortement affaibli cet ancien géant économique et politique.

    Cette situation mondiale et la position unipolaire dont jouissaient les USA après le 11 septembre sont à présent révolues, surtout étant donné la montée de la Chine qui, on l’estime, dépassera les États-Unis au cours de la prochaine décennie en termes de PIB et de production – bien que sans doute pas en termes de niveau de vie. La Chine, forte de sa nouvelle puissance économique, défie de plus en plus directement l’impérialisme américain, et même sur les plans militaire, diplomatique et géopolitique. Cela a été récemment démontré avec le lancement du tout premier porte-avion chinois, clairement destiné à être employé dans le Pacifique afin d’y contrer la dominance de la flotte américaine. La Chine a également lancé son propre modèle de bombardier furtif, et ses avions de guerre ont déjà chassé les engins de reconnaissance américains de l’espace aérien chinois entre la Chine et Taïwan.

    Contrairement à la situation d’il y a dix ans, les stratèges du capitalisme américain ont été bien forcés de se rendre compte qu’ils ne peuvent plus continuer leur politique précédente. Dans les années ’90, la part des dépenses militaires américaines dans le total mondial semblait stable et supportable. Cette impression découlait largement du fait que la part du PIB américain dans le PIB mondial était elle aussi relativement stable pendant une décennie. Cependant, au cours de la première décennie de ce siècle, la part du PIB américain dans le PIB mondial a décliné, et son immense dépense militaire devient de plus en plus insupportable. Mais, à cause des interventions aussi couteuses qu’inutiles en Afghanistan, en Irak et ailleurs, la part américaine dans les dépenses militaires mondiales s’est en réalité accrue de 36% à 42%. C’est ce qui pousse maintenant l’administration Obama à envisager des coupes dans le budget de la Défense pour une valeur d’environ 800 milliards de dollars.

    Il fallait bien évidemment s’attendre à ce que cela provoque la colère du complexe militaro-industriel et de ses représentants au Congrès, qui sont prêts à effectuer des coupes dans les budgets sociaux afin de pouvoir maintenir leurs illusions dans la grandeur impériale des États-Unis. Mais, étant donné l’affaiblissement des fondations économiques du capitalisme américain, il ne peut plus se permettre cela sans effectuer des attaques encore plus grandes sur le niveau de vie des classes ouvrière et moyennes. Cela signifie que les États-Unis, en plus de se voir frustrés sur la scène internationale, vont aussi connaitre au sein de leurs propres frontières la même explosion de féroce lutte de classe – bien qu’avec des caractéristiques spécifiquement américaines quant à la vitesse et à la détermination de la classe ouvrière – qu’a récemment connu l’Europe.

    Par conséquent, au lieu de la nouvelle ère triomphaliste de renforcement et d’épanouissement du capitalisme à laquelle s’attendaient entièrement ses stratèges après le 11 septembre, c’est exactement l’inverse qui s’est produit dix ans plus tard. Déchiré par ses propres contradictions, confronté à sa plus grande crise depuis les années ’30, le capitalisme américain et mondial se retrouve dans une impasse. Le capitalisme est un système déchu. Le récent “Rapport sur le développement” de la Banque mondiale estime qu’un quart de la population mondiale vit aujourd’hui dans des pays grièvement endommagés par des cycles de violence politique et criminelle. Martin Wolf affirmait calmement dans le Financial Times que : ‘‘Le politique et le criminel sont étroitement connectés’’. Le Mexique et ses dérives à la “Mad Max” dont il est le symbole sont un indicateur de cette tendance.

    La confiance en berne des capitalistes

    Une des pires conséquences du 11 septembre a été le fait qu’il a permis au capitalisme, en particulier de la part de son extrême-droite, de stigmatiser l’ensemble des musulmans comme étant des partisans déclarés, sinon tacites, du terrorisme d’Al-Qaïda, ce qui n’est pas le cas et ne l’a jamais été. Tout comme dans le cadre du conflit en Irlande du Nord, où de parfaits innocents ont été arrêtés et emprisonnés, les musulmans eux aussi ont été arrêtés et emprisonnés. Les divisions et suspicions qui existaient déjà entre les travailleurs d’origine immigrée et les autres travailleurs se sont agrandies. Cela a été renforcé par Cameron et son criticisme du “multiculturalisme”, une attaque à peine voilée à l’encontre des immigrés. Les politiciens partout en Europe – y compris Angela Merkel en Allemagne et Nicolas Sarkozy en France – jouent tous le même air.

    Pourtant, dans la période qui a suivi les récentes émeutes au Royaume-Uni et le meurtre de trois jeunes Asiatiques à Birmingham, c’est bel et bien une approche “multiculturelle” qui a été adoptée par les Asiatiques, les noirs et les blancs. Cette adoption a été essentiellement du fait de la magnifique initiative prise par le père d’un des jeunes décédés. Cela aurait alors fourni au mouvement ouvrier une opportunité d’intervenir et de donner une expression à ce rassemblement instinctif de la classe ouvrière. C’est aussi cela qui s’est produit en Irlande du Nord en 1969 après que les délégués syndicaux de Belfast aient pris l’initiative de former des “comités pour la paix” entre travailleurs protestants et catholiques. Malheureusement, le mouvement ouvrier n’a pas fait de même à Birmingham, laissant la porte grande ouverte aux organisations religieuses. Seule une approche de classe mettant en avant les intérêts de l’ensemble des travailleurs pourrait permettre au mouvement de garder sa colère et son humeur combative.

    À moins que ne s’ouvre une nouvelle voie ouvrière et socialiste, l’influence néfaste de l’extrême-droite peut croitre, avec parfois pour résultat que des maniaques du style d’Anders Breivik en Norvège se mettent en tête d’assassiner des innocents au nom de la soi-disant “guerre contre l’Islam”. Cette créature n’était qu’un reflet de l’islam politique de droite, utilisant les mêmes méthodes fascisantes qu’Al-Qaïda.

    L’Humanité est en ce moment en train de plonger dans des conditions qui deviennent de pire en pire, avec des catastrophes environnementales et la destruction de tous les espoirs pour l’avenir en brisant les perspectives de la jeunesse. La situation a été résumée par Max Hastings (de la Royal Society of Literature britannique) lorsque celui-ci racontait une discussion qu’il avait eue avec un banquier, au sujet de la projection du gouverneur de la Bank of England, lequel avait évoqué le fait que le Royaume-Uni devait s’attendre à “sept années de vaches maigres”. Hastings et ce banquier étaient toutefois arrivés à la conclusion que c’était là une perspective fort modeste : parlons plutôt de “70 années” ! Bien sûr, personne ne peut donner une estimation précise de combien de temps cette crise va durer. Mais une chose est sûre : les porte-paroles du capitalisme eux-mêmes n’ont pas confiance dans leur propre système. Les capitalistes démontrent cela par leur refus de réinvestir dans la production le surplus extrait du travail de la classe ouvrière. Voilà pourquoi 2 000 milliards de dollars qui ne profitent à personne attendent maintenant des jours meilleurs bien à l’abri dans les coffres-forts des grandes entreprises américaines, et pourquoi de même 60 milliards de livres sterling sont en ce moment inutilisés, stockés par les entreprises britanniques. Il n’y a aucun “débouché profitable” dans lequel investir, du coup le chômage monte, la misère s’accroit, et la classe ouvrière peut bien aller au diable.

    Bien que pas encore de manière consciente, aujourd’hui la masse de la classe ouvrière et des pauvres rejette instinctivement le système de par ses actions. Elle n’est pas encore parvenue à se défaire de l’héritage des 20 à 30 dernières années de campagne idéologique du capitalisme néolibéral afin de gagner un soutien à son système. Mais sur le plan social, les masses du monde entier sont en train de virer à gauche. Cette humeur finira inévitablement par se refléter également sur le plan politique, à moins que le capitalisme ne finisse avant cela par trouver une issue à la présente impasse. Même les Héraults de ce système, qu’ils se trouvent dans les gouvernements, dans les parlements, ou dans les think-tanks – ces monastères modernes du capitalisme – ne gardent que très peu d’espoir dans le fait que leur système puisse être sauvé sur le court terme. Tout cela fournit la base pour de terribles événements convulsifs révolutionnaires, qui élargiront énormément l’audience en faveur des idées socialistes et marxistes, et pour les partis de masse qui seront bâtis sur ces fondations.

    La véritable leçon du 11 septembre est que ni l’impérialisme, ni son reflet direct qu’est le terrorisme islamiste – ni aucune forme de terrorisme – n’offrent une voie en avant pour la classe ouvrière et pour l’Humanité. Seules les idées libératrices et démocratiques du socialisme tracent un chemin vers l’avenir.

  • Norvège: massacre du terroriste d’extrême-droite – Comment devrait répondre le mouvement des travailleurs?

    Le massacre commis par l’extrémiste de droite Anders Behring Brevik à l’île d’Utøya, à une quarantaine de kilomètre d’Oslo, la capitale de Norvège, a choqué et horrifié partout où la nouvelle a été entendue. C’était un acte de cruauté à peine imaginable. De sang froid, Behring Brevik a tiré et tué des dizaines de personnes, principalement des jeunes, et en a blessé des dizaines d’autres. Aujourd’hui, le choc et la peine sont les sentiments dominants en Norvège. Beaucoup de questions demeurent sans réponse. Qu’il y-a-t-il derrière le terrorisme d’extrême-droite ? Comment le mouvement des travailleurs et les marxistes doivent-ils répondre ?

    Per-Åke Westerlund, Rättvisepartiet Socialisterna (CIO-Suède)

    Anders Behring Breivik a préparé son attaque pendant presque 10 ans, en combinant les méthodes de deux massacres précédents – l’attaque à la bombe l’Oklahoma par Timothy McVeigh et la fusillade responsable du massacre à Columbine. Tout comme McVeigh, Anders Behring Breivik s’est construit une énorme bombe pour s’en prendre à des bâtiments du gouvernement et, tout comme pour le massacre de Columbine, il a tiré sur de jeunes victimes innocentes, de sang froid. L’attaque terroriste d’Oslo a été conçue pour attirer un maximum d’attention.

    Haine du “marxisme culturel” et de la “colonisation islamique”

    Quelques heures avant l’attaque, Behring Brevik avait envoyé les 1.500 pages de son ‘manifeste’ d’extrême-droite à des destinataires choisis, et avait posté une vidéo sur youtube. Le manifeste contient également une sorte de journal intime commencé en 2002. Les principaux titres du manifeste sont éloquents et s’en prennent au ‘‘marxisme culturel’’ et à la ‘‘colonisation islamique’’.

    Behring Breivik déteste le marxisme, l’internationalisme et l’Islam. Sur Internet, il s’est décrit comme ‘‘conservateur’’ plutôt que nazi ou néolibéral. C’est un chrétien pratiquant, un franc-maçon et, de 1999 à 2006, il a été membre du Parti du Progrès, un parti raciste, jusqu’à récemment encore le deuxième plus grand parti de Norvège. Il n’a pas caché son admiration pour le politicien hollandais islamophobe Geert Wilders, et a essayé de lancer une branche norvégienne de l’English Defence Ligue, la Ligue de défense anglaise, un groupe d’extrême-droite anglais fondé en 2009. Il était également actif sur le site Web nazi suédois nordisk.nu.

    Le Parti Travailliste, au gouvernement en Norvège, ainsi que son organisation de jeunesse, AUF, représentaient le mouvement des travailleurs aux yeux de Behring Breivik, et ils ont donc été ses cibles. Par conséquent, il est nécessaire pour les syndicats, les organisations et les militants de gauche de discuter de ces événements et des initiatives à prendre. De leur côté, les conservateurs de l’opposition ne savent pas quoi dire et se limitent à des expressions vides concernant la démocratie et la défense de la Norvège.

    Au début, les forces de la réaction ont tenté de rejeter le blâme pour le massacre sur d’autres. En Suède, l’attaché de presse des Démocrates Suédois (extrême-droite), tous comme des journaux tels que le Dagbladet en première page ou comme le commentateur politique Henrik Brors, ont bien vite identifié des islamistes comme étant responsables des attaques. Maintenant, médias et politiciens pro-establishment parlent seulement de l’extrémisme, en évitant généralement de discuter des idées et des motivations de droite de Behring Brevik. L’éditorial du Dagens Nyheter du 24 juillet a même tenté d’assimiler le massacre d’Olso avec une ‘‘menace’’ imaginaire de ‘‘l’extrémisme de gauche’’. En fait, tant Behring Breivik qu’Al-Qaeda représentent les réactionnaires et les idées de droite contre le mouvement des travailleurs, les droits démocratiques et les droits des femmes.

    Les véritables socialistes s’opposent au terrorisme d’individus ou de groupes, de même qu’ils s’opposent au terrorisme d’Etat qui est l’œuvre de l’impérialisme américain et de ses alliés, y compris la Suède et la Norvège. Les attaques terroristes d’Oslo sont aussi choquantes pour la Norvège que le 9/11 l’a été aux USA ou que l’a été le meurtre du premier ministre Olof Palme en Suède en 1986.

    En Norvège, la solidarité avec les victimes de Behring Breivik s’est immédiatement exprimée, notamment illustrée par ces propriétaires de bateaux qui ont risqué leurs vies afin de sauver les jeunes qui avaient sauté dans les eaux entourant l’île pour se sauver du terroriste armé. En une expression d’incrédulité et de sympathie avec les jeunes assassinés, des montagnes de fleurs ont été déposées à l’extérieur des bureaux et des bâtiments des sociaux démocrates du parti Travailliste et dans les églises. C’est un élément révélateur du potentiel des travailleurs et de la jeunesse pour agir contre la terreur de droite et le racisme ainsi que contre les conditions sociales qui les provoquent.

    Unité du mouvement des travailleurs contre les idées réactionnaires

    Le terrorisme est essentiellement un produit de la société. Les anciennes sociétés basées sur l’Etat-Providence en Norvège et en Suède ont petit à petit été détruites, avec une extension des pénuries de moyens pour pourvoir aux besoins sociaux et la création de nouvelles injustices. En l’absence d’organisations de travailleurs capables de mener campagne en unissant ceux-ci pour résister au néolibéralisme et au système dans son ensemble, l’espace a été créé pour que des racistes et des extrémistes de droite puissent en profiter pour blâmer de commodes boucs émissaires. La droite populiste, les racistes, les néonazis et quelques fondamentalistes chrétiens s’en prennent aux immigrés, aux minorités, aux travailleurs et aux militants de gauche et les rendent responsables de la crise croissante que connaît la société. Les politiciens de l’establishment préparent le terrain sur lequel se développe ce climat réactionnaire en menant des politiques qui ont pour conséquence de traiter durement les réfugiés et de miner la solidarité dans la société à coups d’attaques contre les malades, les chômeurs, et ainsi de suite.

    Pour couper court au développement des idées et organisations réactionnaires, ainsi que pour s’en prendre au terreau pour le terrorisme de droite, il faut une campagne du mouvement des travailleurs, uni internationalement. Combattre le terrorisme, c’est aussi combattre la guerre, la mondialisation capitaliste et le racisme. C’est lutter pour des conditions de vie décentes pour tous, pour de bons salaires, et pour une société qui réponde aux besoins de chacun.

    Cela doit commencer dès maintenant, par des mobilisations contre l’extrême droite et le terrorisme inspiré par l’extrême-droite, et aller en direction d’une alternative socialiste démocratique contre la dictature des marchés capitalistes.

  • Niger : Enlèvements en plein centre de Niamey – Terrorisme au Sahel : ça doit cesser !

    L’enlèvement et la mort de deux jeunes Français le week-end dernier au Niger révèle l’ampleur de l’arrogance de l’élite impérialiste française

    Vendredi soir, le 7 janvier, deux amis, Antoine de Léocour, et Vincent Delory, prenaient tranquillement leur verre au maquis Le Toulousain, en plein centre de Niamey, lorsqu’ont fait irruption quatre hommes armés qui leur ont ordonné de les suivre. Moins de 24 heures plus tard, les deux jeunes hommes trouvaient la mort dans la steppe malienne au terme d’une course-poursuite digne des plus lourdingues des films d’action.

    Au départ, on avait cru qu’il s’agissait d’un règlement de compte de la part d’un prétendant jaloux, vu qu’Antoine s’apprêtait à se marier avec une Nigérienne, raison pour laquelle son ami Vincent venait d’arriver au Niger, pas même deux heures auparavant, pour lui servir de témoin. Qui pouvait croire à une prise d’otage ? En plein centre de Niamey, cela ne s’était encore jamais vu. En plus, le même soir, dans le même maquis, étaient présents des poissons autrement plus juteux : le chef de la coopération espagnole, le directeur d’Oxfam, etc. tous témoins de l’enlèvement.

    Pourtant, sitôt les premiers accrochages armés pendant la nuit au niveau d’un barrage routier, il a fallu se résoudre au fait que oui, il semblait bien que l’on avait à faire à un enlèvement d’otages par AQMI (al-Qaïda au Maghreb islamique). La course-poursuite entre l’armée nigérienne et les ravisseurs s’est poursuivie toute la nuit et le lendemain, passé la frontière malienne. C’est là qu’est intervenue l’aviation française, mettant un terme sanglant à l’aventure.

    Pourquoi est-ce justement ces deux jeunes Français (âgés de 25 ans), dont l’un n’avait jamais mis les pieds au Niger auparavant, qui ont été enlevés ? La faute à pas de chance. Cette aventure a révélé la barbarie profonde des terroristes d’AQMI. AQMI jusqu’ici ne s’attaquait qu’au personnel de la société minière Areva, qui exploite les gisements d’uranium dans le nord du Niger qui fournissent à la France un tiers (!) de sa production d’électricité totale. Cela avait permis aux soi-disant “moudjahidines” de se doter d’un certain soutien en tant que “combattants anti-impérialistes” (en particulier de la part de la population locale majoritairement touarègue, qui soufre de la pollution radioactive), puisqu’ils allaient même jusqu’à revendiquer la nationalisation des mines. Ce soutien leur a permis de se constituer un vaste réseau d’informateurs et de ravitaillement, masquant leurs pratiques mafieuses de trafic de drogue et d’armes passant par les routes du désert.

    Mais ce week-end, ils se sont attaqués à une toute autre cible : deux jeunes Français choisis purement au hasard. Les guérilleros d’AQMI sont tout bonnement rentrés dans un endroit où ils savaient qu’ils allaient trouver des Blancs, en ont chopé un au hasard (Vincent), qui a été suivi par son ami Antoine, et sont partis avec. C’est-à-dire que n’importe qui peut être ciblé. Donc que tous les blancs au Niger sont ciblés (reste à voir si AQMI s’en prendrait aussi aux non-Français, mais c’est probable). AQMI a également envoyé un pied de nez à la junte militaire au pouvoir, en opérant dans un café se trouvant à peine à 300 m de la Présidence ! Donc, tous les blancs sont ciblés, partout au Niger. Voire partout au Sahel, vu que cet enlèvement fait suite à une tentative d’attentat à la bombe à Bamako, capitale du Mali, pas même une semaine auparavant – une grande première également.

    À l’annonce de la mort de ces deux innocents, les premières réactions pour les Nigériens ont été une grande tristesse et une grande inquiétude pour l’avenir. La situation se dégrade. Cela est confirmé par exemple par la liste de l’International Crime Threat Assessment rédigée par les États-Unis : en 2000, aucun pays du Sahel ne figurait sur cette liste ; en 2010, tous les pays de zone sahélo-saharienne étaient, à un degré ou à un autre, touchés par la criminalité transnationale et le terrorisme. Les Nigériens sont un peuple en général fier de son hospitalité et de sa non-violence – surtout quand on compare la situation dans le pays par rapport à ce qui se passe quotidiennement au Nigéria voisin. En plus, le départ précipité de l’ensemble des blancs présents au Niger aurait une répercussion certaine sur l’ensemble du commerce et de l’emploi (vu le nombre d’ONG occidentales qui emploient énormément de personnel nigérien, cadres comme petit personnel). D’ailleurs, le couvre-feu imposé dès 19h à l’ensemble de la population blanche du Niger commence déjà certainement à avoir un effet.

    Même au-delà de ça, à partir du moment où l’ensemble du territoire nigérien devient “zone rouge”, quid du tourisme ? L’économie de la région d’Agadez (centre de la culture touarègue au Niger, dans une région de grande beauté naturelle et qui accueillait beaucoup de visiteurs chaque année) est déjà dévastée, la plupart des artisans touaregs se sont repliés à Niamey… – où aller maintenant ?

    Mais au fil de la semaine, la tristesse a fait place à l’incompréhension puis à la colère et à l’indignation.

    L’incompréhension d’abord, parce que les communiqués émis par l’armée française sont en contradiction flagrante avec ceux de l’armée nigérienne. Notamment concernant le nombre de pertes des deux camps, la capture ou non de terroristes par les forces nigériennes pour interrogatoire, la présence inexpliquée de gendarmes nigériens qui apparemment accompagnaient les terroristes, et évidemment, les circonstances du décès des deux malheureux otages.

    La colère ensuite, parce que si les médias français comme nigériens se sont longuement étalés sur l’identité des deux otages, sur leur vie, leur famille, etc. avec photographies, grandes déclarations du Ministre de la défense Alain Juppé et organisation d’une marche blanche dans leur ville natale, absolument rien n’est dit concernant les trois gendarmes nigériens tués dans l’aventure (le Capitaine Aboubacar Amankaye, le maréchal des logis Abdallah Aboubacar et le gendarme de 1ère classe Abdou Alfari ). Il a fallu attendre l’édition du journal gouvernemental le Sahel du 12 janvier pour avoir leurs noms, accompagnée d’une photo en noir et blanc d’un brancard recouvert d’un drap – on suppose que l’un d’entre eux se trouve en-dessous. D’ailleurs, l’ensemble de la presse nigérienne semble n’avoir eu que faire de l’événement, toute concentrée qu’elle était sur l’organisation des élections communales et régionales du 11 janvier. Les seules informations provenaient des chaines françaises. Pas un merci, rien. Tout cela a contribué à donner l’idée que la vie de deux Français vaut plus que celle de trois Nigériens. Eh quoi, on n’est pas des êtres humains ou bien ?

    L’indignation enfin, parce qu’il semble de plus en plus se confirmer qu’alors que les soldats nigériens étaient tout proches des terroristes, l’aviation française a ouvert le feu sans même en aviser ses alliés (ou laquais ?) nigériens. L’autopsie des corps de Vincent et Antoine a révélé que l’un est mort d’une balle dans le visage tirée à bout portant (vraisemblablement de la part d’un des terroristes qui, voyant leur opération échoué, s’est vengé sur les otages), l’autre de brulures graves – il serait donc apparemment décédé dans l’incendie du véhicule des terroristes après que celui-ci ait essuyé les tirs français. Vincent et Antoine auraient donc été sacrifiés par leur propre gouvernement. De même que certains soldats nigériens qui, il le semble, se sont vus eux aussi canardés par l’aviation française.

    La revendication de l’enlèvement par les chefs d’AQMI a encore plus retourné le couteau dans la plaie : ceux-ci, loin de se désoler de la perte de leurs hommes et de leur matériel, et de l’échec de leur mission de prise d’otages, se félicitent au contraire d’avoir infligé plus de pertes à l’ennemi que leurs propres pertes (ils parlent de 25 blessés et tués nigériens), et d’avoir semé le désordre entre les états-majors français et nigériens.

    En réalité, il semble à présent que, alors qu’AQMI aurait pu se voir discrédité par cette manœuvre à l’arbitraire répugnant, cette organisation ait été dépassée en barbarie par l’armée française elle-même. L’armée française, en voulant régler cette affaire elle-même et de la manière la plus musclée possible («Ne rien faire, c’est donner un signal que la France ne se bat plus contre le terrorisme», Alain Juppé), a en réalité contribué à miner encore un peu plus sa propre réputation.

    Beaucoup de Nigériens sont aujourd’hui scandalisés du fait que ce soit à nos compatriotes de payer pour des histoires qui, finalement, “ne nous concernent pas”, et qu’en plus, il semble que le chef actuel de l’État, le dictateur débonnaire Salou Djibo, ait donné son accord à l’intervention française. Ce “grand patriote” se retrouve donc quelque peu compromis dans cette affaire.

    Le terrorisme, fruit de l’impérialisme

    Les vrais responsables de la situation d’insécurité croissante sont les Sarkozy et les Juppé, mais au-delà des exactions d’un gouvernement, c’est l’ensemble de la classe dirigeante impérialiste française qui est responsable de cette affaire, les Lauvergeon et Co, patrons des mines d’uranium qui irradient la nature, le bétail et la population du Sahara pour tirer un immense profit, sans rien donner en retour au pays à qui appartiennent les richesses exploitées, à part des cacahouètes.

    Avec leurs amis spéculateurs et du FMI, ils ont contraints à la faillite et à la misère l’ensemble du continent africain. Aujourd’hui encore, ils manipulent la politique de leurs anciennes colonies en soutenant tel dictateur par-ci (comme Ben Ali en Tunisie), tel président soi-disant élu par-là (comme Ouattara en Côte d’Ivoire). La démocratie ? Seulement quand ça les arrange ! Dès qu’un président ose se dresser contre eux, on le renverse ou on l’assassine. Au-delà de ça, ils corrompent les élites nationales qui sont réduites au rang de bourgeoisie compradore purement parasitaire.

    Il n’y a en ce moment au Niger aucun parti des travailleurs digne de ce nom, qui pourrait servir de relais aux justes revendications du peuple nigérien. C’est d’ailleurs aussi le cas au Mali et en Algérie. Cela crée un vide politique, c’est-à-dire que toute cette colère face au pillage en bonne et due forme des richesses du pays et face à la corruption des élites nationales se retrouve sans aucun outil de lutte politique pour canaliser cette colère en quelque chose de constructif. De même en ce qui concerne les justes revendications nationales du peuple touareg. Et donc, ce vide politique est petit à petit en train d’être occupé par les organisations islamistes réactionnaires, qui sont perçues par les masses comme étant les seules à oser se dresser contre la domination de l’impérialisme, les seules à donner une réponse à l’aliénation des masses. C’est un réel danger. Les islamistes n’ont rien d’autre à offrir que la barbarie. Il faut tout faire pour éviter que la peste islamiste ne se répande au Niger ou au Mali, comme elle s’est répandue en Somalie, au Yémen et au Pakistan.

    Mais les élites corrompues de France et d’Afrique n’offrent aucune solution à part le massacre d’innocents, qui ne fait que renforcer ces organisations qu’elles disent vouloir combattre.

    Travailleurs français comme nigériens : contre l’impérialisme !

    Au cours de son Quatrième Congrès en 1922, l’Internationale Communiste déclarait déjà dans ses “Thèses sur la question nègre” que «l’ennemi de la race nègre est aussi celui des travailleurs blancs. Cet ennemi, c’est le capitalisme, l’impérialisme. La lutte internationale de la race nègre est une lutte contre le capitalisme et l’impérialisme.» Et un peu plus loin : «Le peuple nègre n’est pas le seul à souffrir de l’oppression du capitalisme et de l’impérialisme : les ouvriers et les paysans d’Europe, d’Asie et d’Amérique, sont aussi les victimes de l’impérialisme ; la lutte contre l’impérialisme n’est pas la lutte d’un seul peuple, mais de tous les peuples du monde».

    Ces thèses ont été illustrées le week-end dernier par le mépris avec lequel le gouvernement français a traité la vie des deux jeunes Français, n’hésitant pas à ouvrir le feu. Le prestige de la France avant tout. Il fallait “donner une bonne leçon aux terroristes”, montrer que “c’est nous qu’on est les plus forts” (on pourrait même croire qu’ils ne voulaient pas que l’armée nigérienne leur vole la vedette en arrêtant elle-même les terroristes).

    Un internaute, commentant la situation sur le site TamTam info, disait aussi ceci : «On sait, pour parler d’une autre affaire, que Florent Lemaçon avait été tué sur son bateau par des tirs “amis” (on dit aussi “tirs fratricides”) c’est-a-dire par ses compatriotes français et non par les pirates somaliens. De même, l’humanitaire français de 78 ans, Michel Germaneau est mort parce qu’il ne pouvait plus prendre ses médicaments (il était cardiaque) et non pas par la faute de ses ravisseurs “parce qu’ils voulaient se venger” comme on a voulu nous faire croire.» Avant de conclure : «Désinformation ou mépris ? Les deux».

    Mais à quoi s’attendre d’autre quand on voit le mépris ouvert avec lequel l’élite française, regroupée autour de son président Sarkozy, traite au quotidien la vie de ses concitoyens en France même ? Ce gouvernement qui est sourd aux aspirations de son peuple, qui passe sa réforme des pensions malgré des journées d’action regroupant des millions de Français, qui attaque les fonctionnaires, qui privatise les chemins de fer, la poste, l’électricité, tout en arrosant de milliards d’euro ses amis banquiers. Un gouvernement qui envoie l’armée faire dégager des grévistes ! Qui au moindre problème, cherche à dévier l’attention en inventant de faux débats comme la question des Roms, le port du voile, bref, qui se cherche des bouc-émissaires pour masquer sa propre politique mafieuse.

    L’État français se fait de plus en plus musclé, en France comme dans ses anciennes colonies. Il est urgent que le peuple africain arrête de considérer tous les Français comme des envahisseurs, mais considère au contraire les travailleurs français comme des alliés potentiels dans la lutte contre la détestable et criminelle élite française.

    Combler le vide politique, construire un mouvement de lutte

    Pour lutter contre le terrorisme et l’impérialisme, il est urgent de construire un mouvement populaire large et démocratique, qui regroupe l’ensemble des ouvriers et des employés, et des représentants des petits commerçants, des artisans, des chauffeurs de taxi, des étudiants et des jeunes en galère, des éleveurs, des agriculteurs, des pêcheurs du bord du fleuve… et des pauvres en général, pour organiser et diriger la lutte contre le gouvernement nigérien pro-impérialiste actuel, comme celui qui va sortir des urnes. Ce mouvement pourrait prendre une forme similaire à celle de la Coalition de la société civile (Lasco) au Nigéria, et devrait se doter d’un parti politique.

    Ce mouvement devrait être armé d’un programme socialiste et internationalise, appelant à la (re)nationalisation, mais sous contrôle des travailleurs, des secteurs-clés de l’économie, comme l’ensemble des mines d’uranium et d’or, des champs pétroliers, des banques, et des services publics comme les télécommunications, l’eau, etc. afin de mettre en commun l’ensemble des ressources du pays pour un plan de développement socialiste du pays basé sur les aspirations de comités populaires élus et armés dans chaque quartier, village, etc. et avec une attention particulière sur la question touarègue.

    Enfin, le Niger ne se développera pas seul, et la tentation serait grande pour l’impérialisme d’envoyer ses escadrons de la mort semer la terreur et assassiner les leaders de ce mouvement populaire. C’est pourquoi nous prônons l’organisation de ce mouvement à une échelle internationale, dans toute l’Afrique de l’Ouest, dans toute l’Afrique, et au niveau mondial, avec notamment des liens forts et fraternels avec le peuple travailleur français en lutte contre son élite dirigeante.

    C’est ainsi seulement que l’on pourra une bonne fois pour touts couper l’herbe sous les pieds des terroristes et des islamistes, et enfin assurer un développement et une paix durables au Niger et en Afrique.

  • Contre la guerre et le terrorisme

    Londres, début juillet 2005 : C’était la première fois que l’Europe subissait l’action terroriste de kamikazes. Multiples explosions dans les bus et le métro, bilan : une cinquantaine de morts. De partout les réactions de solidarité envers les victimes n’ont pas manqué. La guerre et le terrorisme ont ça de commun: un bilan effrayant payé majoritairement par les travailleurs.

    Lucas Gilles

    Nous ne pouvons accepter de telles méthodes assassines dont les travailleurs et les jeunes sont les premières victimes. Lors du déclenchement de la guerre, près de deux millions de gens manifestaient à Londres contre l’éclosion du conflit, il est probable que certaines victimes des attentats faisaient partie de ceux-là. Mais les gouvernements qui condamnent de manière unilatérale ces attentats sont aussi ceux qui sont responsables de la croissance de ces phénomènes. Sous couvert de s’attaquer au terrorisme, Bush et Blair occupent et massacrent en Irak pour le pétrole. Ils prétendent que ce conflit est le front central de leur sacro-sainte « guerre contre le terrorisme », comme n’a pas manqué de le repréciser le président américain au lendemain des attentats. Le terrorisme ne serait donc pas la conséquence de la guerre et de l’oppression, mais ce serait l’inverse… Bush junior ne semble jamais manquer d’humour, même dans des circonstances aussi dramatiques.

    On évalue aujourd’hui le nombre d’innocents tués en Irak à plus de 100.000 et le nombre de kamikazes ne cesse d’augmenter. La politique impérialiste et néo-colonialiste n’a pourtant pas démarré avec l’Irak ou avec l’Afghanistan, mais remonte bien à plus d’un siècle avec la volonté de s’emparer des ressources naturelles du proche-orient. Cela n’empêche pas les musulmans à travers le monde de percevoir ces guerres comme des attaques visant directement leur religion. Cette colère et le racisme à leur encontre sont encore nourries par les propos des politiciens bourgeois qui ne cessent de clamer le manque d’intégration de leurs communautés. Là se trouvent les causes réelles de ces attaques.

    Al-Qaïda, quant à elle, a perpétré et planifié ces attaques, et n’est rien d’autre qu’une organisation réactionnaire qui rêve des même choses qu’Iznogoud : devenir Calife, revenir au XVIIème siècle. C’est aussi une organisation fondée par ceux qui ont servi de rempart contre le stalinisme dans la guerre de ’79 grâce au soutient de l’impérialisme américain.

    Pourtant après la chute de l’URSS, nul doute que leur combat allait s’orienter vers ce même impérialisme. Les socialistes se sont toujours opposés au terrorisme aveugle, tentative de remplacer l’action de masse par l’action individuelle, car la classe dirigeante l’utilise perpétuellement pour justifier sa politique de répression. Où s’arrêteront les lois antiterroristes ? Un jeune électricien brésilien a déjà été abattu par la police : il pouvait représenter potentiellement une « menace ».Se fera-t-on arrêter lorsque nous manifesterons contre la guerre pour « collusion avec des terroristes » ? Aucune de ces mesures ne sera capable d’endiguer le terrorisme. Bien au contraire, elles ne feront qu’augmenter l’aliénation des jeunes musulmans, les rendant plus facilement « recrutables » pour Al-Qaïda et ouvrant des possibilités pour de nouveaux Abou-Ghraïb et Guantanamo, voire d’enfermer des innocents sans la moindre preuve. Nous devons également désigner clairement les causes et les responsables de cette boucherie, le caractère de classe de la guerre sous peine de voir les gouvernements s’en décharger et au passage accroître le racisme. Le seul moyen d’empêcher ce genre d’atrocités de se reproduire est de s’attaquer aux racines et non aux conséquences du mal : une classe ouvrière unie, au-delà des différences de religion, pour un retrait unilatéral et immédiat des troupes d’occupation.

    Nous ne pensons pas qu’un simple changement de ministère, voire de gouvernement suffise à arrêter les horreurs, mais bien qu’un changement pur et simple de système par des actions de masse le permette.

    Le capitalisme est entré dans sa phase réactionnaire, il est dépassé par sa crise, la guerre nous le rappelle chaque jour. La solution en Irak, comme partout, ne réside pas dans des idées réactionnaires et théocratiques comme celles d’Al-Quaïda ou d’autres tendances politico- religieuses de droite, mais bien dans une solution socialiste. Nous nous trouvons donc bien à un croisement où nous devrons choisir entre deux routes : la première, une polarisation ethnico-religieuse qui marquerait un retour désastreux à une mentalité de ghetto ; la deuxième, une solution de groupe qui s’attaquerait aux causes fondamentales du terrorisme, le racisme et la pauvreté. Remettant donc en cause le capitalisme, car comme Malcolm X l’a dit: il n’y a pas de capitalisme sans racisme.

    Non à la guerre, Non au terrorisme, Non au racisme. Construisons cette alternative, rejoins le CIO, rejoins EGA!

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