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Tag: Socialist Alternative
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USA : Un soulèvement contre la violence policière
Par Eljeer Hawkins, Socialist Alternative, section-soeur du PSL aux USA
Un grand jury de Staten Island (New York) a annoncé qu’il n’allait pas inculper l’officier de police Daniel Pantaleo pour avoir illégalement étranglé à mort Eric Garner, un habitant de Staten Island père de 6 enfants. Cette annonce stupéfiante fait suite à la vague explosive de contestation à Ferguson et nationalement, après l’annonce que le policier Darren Wilson ne serait pas inculpé du meurtre de Michael Brown, 18 ans. Il est clair que le système capitaliste raciste dans ce pays n’a aucune considération pour les vies de la classe ouvrière, des pauvres, et en particulier des jeunes Noirs dont les vies sont réputées jetables. La police tue des Noir-Américains presque dans les mêmes proportions que les lynchages au temps de la ségrégation (ère Jim Crow) et les jeunes hommes noirs ont 21 fois plus de chances d’être abattus par la police que les hommes blancs. L’indignation légitime de la classe ouvrière et des jeunes, qui contestaient l’annonce du grand jury la nuit dernière, est justifiée et doit s’escalader pour mettre fin à cette misère quotidienne.
Les amis et la famille d’Eric Garner le décrivent comme un bon être humain. Le 17 juillet, il a été approché par des policiers en civil comme il se tenait dans une rue de Staten Island, supposément en train de vendre des cigarettes en vrac. Il avait déjà eu à en découdre avec la police pour la même raison. Cette fois, il a déclaré qu’il ne se ferait plus harceler par la police. L’officier Pantaleo a appliqué illégalement une prise d’étranglement à Garner et a maintenu sa prise après l’avoir mis au sol. Graner a crié « je ne peux pas respirer ». Même après que Pantaleo ait relâché Garner, les secours sont restés passifs et ont laissé Garner mourir sur place. Les événements de cette tuerie policière ont été filmés par Ramsey Orta, qui s’est fait harceler par la police et inculpé de possession illégale d’une arme. Orta affirme avec raison que cette inculpation est en représailles de sa vidéo et de son soutien inébranlable à la famille Garner.
Selon le site FiveThirtyEight.com, « Le FBI rapporte qu’en 2011, les policiers en Amérique ont tué 404 suspects dans des actes d’ « homicide justifié ». » Étonnamment, ce nombre n’inclut probablement pas toutes les pertes civiles cette année, étant donné qu’il repose sur des rapports volontaires et n’inclut pas les homicides policiers qui ne sont pas considérés « justifiables ». Cependant, 404 est un grand nombre. En comparaison, seulement 6 personnes ont été tuées par la police en Australie dans la même période. La police en Angleterre et au Pays de Galles n’a tué que deux personnes, et la police allemande, 6.
Comme le soulignait récemment un éditorial du New York Times, l’échelle du harcèlement et des meurtres par la police montre pourquoi dans beaucoup de communautés noires, « la police est vue avec justesse comme une force occupante étrangère qui est synonyme d’abus sponsorisé par l’État. » (The Meaning of the Ferguson Riots, NY Times editorial, 25/11/14). Mais alors que la brutalité policière affecte disproportionnellement les communautés pauvres afro-américaines, des centaines de Blancs et de Latinos sont aussi tués par la police chaque année, souvent dans des circonstances très douteuses. Les raids sans sommations et les procédures policières de tirer pour tuer sont la norme dans tous les USA et en particulier dans les communautés pauvres.
Les verdicts de Ferguson et de Garner montrent l’incapacité et le manque de volonté du Big Business et de ses deux partis (Démocrates et Républicain) de s’attaquer sérieusement à la militarisation de la police et là a nature systémique de la violence policière ou même de les réduire. Le rôle de la police sous le capitalisme est d’abord et avant tout de défendre les intérêts, la propriété et le prestige de la classe dirigeante par tous les moyens. En général, l’élite a vu la militarisation de la police, en plus de la criminalisation d’une grande partie de la jeunesse Noire et de l’incarcération en masse, comme une élément-clé du maintien de l’ordre social. La peur du crime est utilisée pour diviser la classe ouvrière sur des lignes raciales alors que les communautés pauvres noires font face à un État policier virtuel. Alors que certains parmi la classe dominante montrent le besoin de ralentir la guerre de la drogue et d’introduire des réformes de la police, il y a des limites importantes à jusqu’où la classe dominante est prête à aller. Par exemple, le Président Obama a récemment passé en revue la vente d’équipement militaire aux départements de police et a décidé de ne faire aucun changement.
A New York City, Bill de Blasio a été élu maire il y a un an en partie sur la promesse de mettre fin au programme honni Stop and Frisk (qui permet à la police d’arrêter et de fouiller les piétons, NdT). De Blasio a en effet significativement diminué ces contrôles, un important pas en avant, mais il a en même temps rappelé à New York l’ancien responsable de la police William Bratton, le cerveau des doctrines policières agressives de « la vitre cassée » et de la « qualité de vie » (tolérance zéro pour les infractions mineures, qui mèneraient à la criminalité, NdT). Ce sont les politiques et l’entraînement de la NYPD et du Big Business qui ont mené directement à la mort de Garner. C’est n’est pas un cas accidentel ; tout le système est coupable.
La réponse de Bill de Blasio à la décision Garner a été tiède et sentimentale et il n’a pas ouvertement condamné la décision, contrairement à d’autres élus locaux. Pendant ce temps, le sommet le sommet de la Maison Blanche d’Obama, avec beaucoup de maires suivant les événements de Ferguson, promouvait l’allocation de 260 millions de dollars pour les body cameras, fixées sur les uniformes des policiers, et une commission nationale pour revoir la militarisation de la police. L’utilisation des body cameras seraient une réforme bienvenue mais n’aurait pas maintenu Eric Garner en vie, étant donné que le policier Pantaleo savait qu’il était filmé. Une question plus profonde est de savoir ce qu’il faudrait pour obtenir la condamnation d’un policier qui a tué quelqu’un, étant donné l’étendue très vaste des « rules of engagement » (procédure que la police américaine suit lorsqu’elle interpelle un suspect, NdT). La limite de la commission d’Obama se manifeste aussi dans le choix de Charles Ramsey comme coprésident. Ramsey, ancien chef de la police à Washington DC et à Philadelphie, est connu pour être un pilier de la loi et de l’ordre et un défendeur de la militarisation de la police.
La classe dominante ne va pas faire la moindre concession sur les pouvoirs de la police en général sans une lutte sociale majeure de la classe ouvrière, en particulier des travailleurs et des jeunes noirs. Le mouvement ouvrier doit jouer un rôle actif dans cette lutte pour la justice raciale et économique. La répression policière qui vise la jeunesse noire aujourd’hui va être utilisée contre les luttes des travailleurs demain comme cela s’est vu souvent aux USA contre les grandes grèves et batailles pour de meilleurs salaires et conditions de travail.
Le pouvoir ne concède rien sans revendications. Il ne l’a jamais fait et ne le fera jamais. »La question sérieuse de la responsabilité et du contrôle de la police est posée à notre mouvement. Socialist Alternative (section-soeur du PSL) appelle à ce que les polices locales soient contrôlées par des comités de représentants des syndicats et de la communauté démocratiquement élus. Ces comités devraient avoir le pouvoir d’embaucher, de reconvertir et de licencier les officiers de police, et de faire fermer les postes de police connus pour leur corruption et leurs bavures. C’est un outil crucial de la lutte contre la violence policière comme composante de la remise en cause du contrôle du capitalisme sur la société. Le procureur général Eric Holder a annoncé une investigation fédérale du cas Garner. Nous avons peu d’espoir dans ce procès. Nous devons demander la refonte du rôle des grands jurys et des procureurs dans tous les cas. Socialist Alternative demande des investigations complètement indépendantes à Ferguson, Staten Island et dans tous les autres cas de meurtres par la police, menés par des représentants des communautés affectées et des organisations ouvrières avec le pouvoir d’assigner à comparaître, d’inculper et de poursuivre en justice.
Le mouvement contre la violence policière
Le mouvement dans les rues contre la violence policière peut devenir le début d’un nouveau mouvement de la libération des Noirs. Un tel mouvement doit aussi s’attaquer à la dévastation économique causée par le capitalisme. C’est sous le Président Obama que les travailleurs et les jeunes noirs font face à une forte montée des niveaux de pauvretés et d’inégalité de revenu, pendant que l’incarcération de masse continue. En fait, sur les 6 dernières années, les Afro-Américains ont subi la pire perte de richesse depuis la fin de l’esclavage. La lutte pour un salaire minimum de 15$ par heure qui se répand dans tous les USA est une voie brillante pour commencer à construire une riposte de la classe ouvrière large, qui est essentielle à la lutte victorieuse contre toutes les formes d’oppression.
Nous devons démolir l’édifice du capitalisme et de l’oppression raciale avec notre énergie et notre ingéniosité pour réaffirmer notre humanité face à la violence sponsorisée par l’État et l’indifférence sans pitié de la classe dominante. Aucun de nous ne peut respirer dans un système de terrorisme économique, politique et social ; le seul remède qui peut soigner nos maux est un changement de système. La lutte pour un socialisme démocratique et la démocratie ouvrière doit être mise à l’agenda.
Revendications de Socialist Alternative
• Inculpation de l’officier Daniel Pantaleo.
• Fin du système des grands jurys fermés. Pour des investigations complètement indépendantes sur les tueries policières.
• Commissions d’examen composées de civils élus dans toutes les villes, avec le pouvoir d’embaucher et de licencier, comme étape vers le contrôle de la police par la communauté.
• Non à la militarisation de la police ! Pour que les millions dépensés en armement de la police soient investis dans les écoles, la santé, le logement et les travaux publics.
• Justice économique ! Pour des emplois de qualité garantis avec un salaire minimum de 15$ par heure.
• Un nouveau Mouvement de Libération des Noirs pour construire des manifestations nationales coordonnées contre le racisme, la violence policière et l’inégalité économique. -
USA : L’essor de Socialist Alternative
Par des correspondant de Socialist Alternative
La victoire électorale de Kshama Sawant, élue de Socialist Alternative à Seattle, a bénéficié d’une attention médiatique nationale répétée, ce qui a aidé à relancer l’intérêt pour les idées du socialisme et à positionner Socialist Alternative comme un véritable pôle d’attraction pour les travailleurs et les jeunes à la recherche d’un outil de lutte contre le capitalisme. Depuis le mois de novembre dernier, notre travail politique a régulièrement été relayé par les médias de masse à Seattle mais également dans le MSNBC, le Washington Post, The Nation, et même en première page du New York Times.
La victoire de Sawant et le profil national accru de Socialist Alternative arrivent à un moment où les gens sont à la recherche d’une alternative politique à une échelle inconnue depuis des décennies. Notre développement gagne un rythme de plus en plus rapide partout à travers le pays. Nous avons ainsi gagné plus de 200 nouveaux membres depuis notre victoire électorale, plus de la moitié de cette croissance ayant été effectuée dans des zones où nous n’avions jusqu’ici aucune section active.
Kshama Sawant et Socialist Alternative ont clairement démontré leur capacité à utiliser une position élue non seulement comme plate-forme pour populariser les idées du socialisme, mais aussi comme outil pour aider à développer des mouvements construits par la base. Kshama Sawant utilise ainsi l’élan de notre victoire électorale pour développer la campagne “15 NOW”, en faveur de l’imposition d’un salaire minimum de 15 dollars de l’heure aux USA, une campagne qui a le potentiel de remporter à Seattle le salaire minimum le plus élevé des États-Unis.
En conséquence, des gens à travers le pays ont été convaincus que les idées du socialisme sont un guide efficace dans l’élaboration d’une stratégie pour de nouvelles conquêtes sociales. En mars dernier, 21 villes à travers les États-Unis ont participé à une semaine d’action pour un salaire minimum de 15 $ par heure, avec la journée d’action du 15 mars en point d’orgue. Les sections de Socialist Alternative, y compris les plus récentes, ont dirigé ces actions qui représentent un historique pas en avant pour les travailleurs aux USA.
Les demandes d’adhésion affluent par centaines sur notre site internet. La victoire électorale de Kshama Sawant et tout ce qui a été publié dans les actualités nationales et internationales ont beaucoup aidé, mais ce qui a suscité le plus grand intérêt fut la réponse de Kshama Sawant au discours sur l’état de l’Union du président Obama, en janvier. Cette réponse-vidéo a été consultée en ligne par près de 100.000 personnes, un nombre de vues plus élevé que celui des vidéos des réponses des républicains ou du Tea Party !
Cela illustre que l’aspiration à disposer d’une alternative aux politiques pro-capitalistes des deux grands partis, Démocrate et Républicain, est bien réelle et que le potentiel est tout simplement énorme pour une politique en faveur de la classe des travailleurs. L’impact politique de Kshama Sawant s’est étendu bien au-delà de la ville de Seattle!
Socialist Alternative maintenant actif dans 45 nouvelles villes aux USA
Des personnes rejoignent notre organisation dans de toutes nouvelles régions à travers le pays. En 2014, des militants de Socialist Alternative ont fait leur apparition dans 45 nouvelles villes américaines, dans de nombreux cas, il s’agit déjà de groupes. Nous sommes sur la bonne voie pour plus que doubler notre effectif au cours de cette année en recrutant des travailleurs et des jeunes qui mènent campagne dans leurs communautés.
De nouveaux groupes de Socialist Alternative existent maintenant à travers les Etats-Unis, donnant à notre organisation un caractère national comme jamais nous n’en avons eu auparavant. De la Californie à l’Alabama; de l’Oregon au Maine, de Washington DC à Hawaii, nos nouveaux membres s’organisent et militent sur leurs lieux de travail, les campus universitaires et les collectivités locales ! En février, Socialist Alternative a tenu sa première conférence régionale dans le Sud, avec des militants de Floride, d’Alabama et de Louisiane.
Le premier membre de Socialist Alternative à Hawaii, Thomas Nishimura, a rejoint après avoir vu la couverture médiatique qu’Al Jazeera a accordée à la victoire de Kshama Sawant. Il nous a expliqué qu’il était à la recherche ‘‘d’une force disposant de la direction et de la stratégie nécessaire à aider le peuple de Hawaï à sortir de la brume et à se libérer des chaînes de l’impérialisme et des grandes entreprises. Le temps est venu de construire une force représentant les travailleurs pour s’opposer au système bipartite à Hawaï!’’
La recherche d’une alternative face à la crise mondiale du capitalisme se développe à travers tout le pays. Carolyn Elerding de Columbus, dans l’Ohio, est à la base de la construction d’une nouvelle section de Socialist Alternative et déclare “qu’il semble que de plus en plus de gens veulent travailler ensemble pour lutter contre les inégalités intégrées dans le système actuel.’’
Notre capacité à nous développer est une réflexion de notre victoire électorale, mais aussi de la force de la direction politique de Socialist Alternative. C’est aussi un témoignage vivant de la faillite des Démocrates et des Républicains et de leur fidélité pour un système qui ne sert que les intérêts de l’élite. A travers le globe, les travailleurs se relèvent et ripostent, comme l’a encore récemment illustré la manifestation de plus d’un million de personne en Espagne contre l’austérité ou encore la formation d’un nouveau parti de la classe des travailleurs qui se présentera aux prochaines élections en Afrique du Sud.
Mais notre nombre est encore bien trop limité compte tenu l’objectif gigantesque de transformer la société. Notre récente croissance montre toutefois quelle est la trajectoire de Socialist Alternative. Au cours de l’année à venir, nous visons à avoir un réel impact politique dans plusieurs villes à travers les États-Unis, à l’instar de ce que nous avons déjà pu développer à Seattle. Nous préparons à toute vitesse une organisation capable d’aider à développer les mouvements sociaux et les luttes des travailleurs qui vont prendre place aux États-Unis dans les années à venir.
Cette année, nous allons jouer un rôle clé à Seattle et au-delà dans le cadre de la lutte pour augmenter le salaire minimum. Nous sommes également bien placés pour constituer l’aile gauche d’un mouvement visant à faire apparaître une organisation politique large représentant les intérêts de la classe des travailleurs. Au cours de ce processus, nous allons politiquement éduquer des centaines de nouveaux militants. Vous aussi contactez-nous pour rejoindre ce mouvement !
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Réaction de Kshama Sawant sur le discours de “l’état de l’Union” du président Obama
Kshama Sawant, membre de Socialist Alternative et élue socialiste à Seattle, a réagi au discours sur “l’état de l’Union” du président Obama. Voici ci-dessous la vidéo de cette réaction qui a également été publiéee sur le site d’Occupy Wall Street en tant que riposte officielle face à la prise de parole présidentielle.
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États-Unis : une colère politique énorme s’exprime par l’élection de Kshama Sawant
Rapport du député irlandais Joe Higgins
Qui aurait imaginé que, dans une grande ville américaine, l’élection d’une conseillère socialiste aurait totalement éclipsé le nouveau maire élu au suffrage direct ainsi que les autres membres du Conseil lors d’une cérémonie d’inauguration en présence d’un millier de personnes ? C’était pourtant la situation qui s’est présentée le 6 janvier dernier à Seattle.
Joe Higgins, député du Socialist Party (CIO-Irlande)
La conseillère Kshama Sawant, membre de Socialist Alternative, a vertement dénoncé dans son discours la crise du capitalisme et ses conséquences pour la classe des travailleurs. Elle a appelé les travailleurs à s’organiser, s’est déclarée favorable à la constitution d’un nouveau parti de la classe ouvrière pour faire face aux politiciens Démocrates ou Républicains et s’est proncé pour une changement socialiste de société.
Kshama Sawant a été élue en novembre dernier, en obtenant le soutien remarquable de 93.000 suffrages et en remportant ainsi la course contre le précédent titulaire du poste de conseiller, un politicien de droite partisan du Parti Démocrate. Seattle, qui comprend une population de 634.000 habitants, n’a que neuf membres du Conseil, qui sont élus dans l’ensemble de la ville, qui ne compte donc pas de petites circonscriptions électorales. Les élections sont organisées sur une base échelonnée, quatre sièges en 2013 et cinq l’année précédente par exemple.
J’ai eu le privilège d’assister à l’inauguration. C’était un événement extraordinaire en contraste flagrant avec les premières réunions des Conseils nouvellement élus en Irlande. La cérémonie a pris place dans l’immense hall de l’hôtel de ville et comprenait la prestation de serment du maire Ed Murray et de trois autres conseillers réélus après avoir déjà siégé au Conseil. Le public est invité au sens large à assister à l’événement.
Les fonctionnaires m’ont affirmé que, normalement, cette cérémonie a lieu dans la salle même du Conseil, qui comprend des sièges pour 200 personnes. Cette fois, ce fut différente. Murray est le premier maire ouvertement gay élu à Seattle, ville dont l’establishment se considère comme progressiste en comparaison d’autres zones urbaines américaines. Ce candidat disposait du soutien de l’establishment du Parti Démocrate et a invité un grand nombre de représentants de l’establishment pour l’assister.
La différence vraiment significative était cependant l’énorme bouleversement politique créé par l’élection de Kshama Sawant. Auparavant, il aurait été considéré comme impensable pour une candidate socialiste de parvenir à vaincre un candidat républicain ou démocrate dans une grande ville aux États-Unis. Mais Socialist Alternative a lancé une campagne massive abordant de front les questions cruciales qui touchent la classe des travailleurs de Seattle, avec notamment la revendication d’un salaire minimum de 15 $ de l’heure pour faire face à la flambée des loyers et des autres nécessités de base.
La campagne de Kshama a initié une grande excitation parmi les gens ordinaires, parmi tous ceux qui sont malades du système bipartisan pro-capitaliste américain. Des centaines de personnes se sont portées volontaires pour travailler à cette campagne. Un soutien financier massif de 141.000 $ a été soulevé au travers de milliers de contributions de gens ordinaires, sans qu’aucune grande entreprise ne participe bien entendu.
Lors de la cérémonie d’inauguration, la salle était véritablement comble. La première page du quotidien de l’establishment, le Seattle Times, a parfaitement résumé cet affrontement politique : ”Murray parle d’innovation, Sawant lève le poing et défie.” Dans un article titré “Sawant énerve Ed Murray” , l’hebdomadaire radical The Stranger a décrit la scène. ”La conseillère socialiste Kshama Sawant a attiré les applaudissements les plus nourris et les plus soutenus lorsqu’elle a dénoncé le ”capitalisme international” tout en proclamant du centre de ce bastion de la grande démocratie que ”les travailleurs ont besoin d’un nouveau parti politique qui ne rende des comptes qu’à eux-mêmes. Les partisans de Sawant, en T-shirt et agitant leurs bras n’ont fait qu’acclamer sa prise de parole alors que les sinistres partisans du Parti Démocrate bien habillés regardaient leurs pieds, se demandant quoi faire avec leurs mains. Sawant n’affiche pas cette incertitude, elle a ainsi clôturé son discours en levant un poing en l’air et en déclarant : ”Solidarité”.”
Des comptes-rendus de cette inauguration sans précédent ont été livrés dans les médias partout à travers les Etats-Unis, et même plus loin. Cela présage de l’accroissement des luttes à venir ainsi que de la possibilité de construire un véritable mouvement pour un changement socialiste au cœur même du capitalisme mondial.
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Kshama Sawant prête serment en tant qu’élue marxiste à Seattle
La prestation de serment de Kshama Sawant, élue de Socialist Alternative à Seattle, a pu compter sur une large présence : des centaines de personnes étaient venues ce lundi célébrer sa victoire électorale. En plus des 800 personnes qui ont pu prendre place dans la salle de cérémonie, des centaines d’autres ont dû suivre la session du dehors… De nombreux médias locaux et nationaux ont couvert l’événement. Et dans son discours d’investiture, Kshama Sawant a immédiatement donné le ton…
Prise de parole de Kshama Sawant
Chers frères et soeurs,
Merci pour votre présence aujourd’hui.
Cette ville a fait la fortune des super-riches et des grandes entreprises qui dominent le paysage de Seattle. Parallèlement, les conditions de vie des travailleurs, des chômeurs et des pauvres sont de jour en jour devenues plus difficile. Les coûts du logement, de l’enseignement et des soins de santé sont montés en flèches jusqu’à devenir inaccessibles.
Cette situation n’est pas spécifique à Seattle. Honteusement, concernant ce domaine, le pays le plus riche de l’histoire humaine comprend cinquante millions de personnes – une sur six – vivant dans la pauvreté. Partout dans le monde, des milliards de personnes n’ont pas accès à l’eau potable ainsi qu’aux infrastructures sanitaires de base et des enfants meurent chaque jour de malnutrition.
Telle est la réalité du capitalisme international. C’est le produit du gigantesque casino de la spéculation créé par les bandits de grand chemin de Wall Street. Dans ce système, le marché est Dieu et tout est sacrifié sur l’autel du profit. Le capitalisme a échoué pour les 99%.
Malgré les récentes discussions portant sur la croissance économique, la reprise n’a été favorable qu’aux plus riches, les 1%, tandis que le reste d’entre nous tombent loin derrière.
Dans notre pays, les politiciens Démocrates et Républicains servent en premier lieu les intérêts des grandes entreprises. Un Congrès complètement dysfonctionnel ne parvient à se mettre d’accord que sur une chose – l’augmentation régulière des leurs salaires déjà pléthoriques – tout en permettant en même temps que le salaire minimum fédéral stagne et diminue sans cesse à cause de l’inflation. Nous avons devant nous ce spectacle obscène de dirigeants d’entreprises qui gagnent en moyenne sept mille dollars de l’heure, tandis que les travailleurs les moins bien payés sont qualifiés de présomptueux lorsqu’ils revendiquent tout juste quinze dollars de l’heure.
Pour commencer à changer tout cela, nous avons besoin de mouvements de masse organisés des travailleurs et des jeunes, en s’appuyant sur leur propre force indépendante. C’est ainsi que nous avons gagné le droit de nous syndiquer, obtenu les droits civiques ou encore les droits des LGBT.
Encore une fois, tout au long de la longueur et de la largeur de ce pays, les travailleurs se mobilisent pour une vie décente et digne pour eux-mêmes et leurs enfants. Regardez le mouvement des travailleurs des fast food, les campagnes des travailleurs de Walmart et l’activisme héroïque pour stopper la construction du pipeline Keystone XL!
Ici, dans la proche ville de SeaTac, nous venons d’assister à la formidable campagne victorieuse pour obtenir l’imposition d’un salaire minimum de quinze dollars de l’heure. Dans le même temps, dans le comté de Lorain, en Ohio, vingt-quatre candidats se sont présentés, non pas comme Démocrates ou Républicains, mais comme ”Independant Labor” (indépendants du monde du travail) et ont été élus aux conseils communaux.
Je ferai de mon mieux pour représenter les démunis et les exclus, les pauvres et les opprimés – en luttant pour un salaire minimum de 15 $ de l’heure, pour des logements abordables, pour taxer les super-riches et pour une expansion massive du transport en commun et de l’enseignement. Mais ma voix ne sera entendue par ceux qui sont au pouvoir que si les travailleurs eux-mêmes crient leurs revendications sur les toits et s’organisent en masse.
Mes collègues de Socialist Alternative et moi-même nous tiendrons au coude-à-coude avec tous ceux qui veulent se battre pour un monde meilleur. Mais les travailleurs ont besoin d’un nouveau parti politique, d’une organisation de masse de la classe ouvrière, dirigée par eux-mêmes et ne devant rendre de compte qu’à eux-mêmes. Un parti qui luttera et mènera campagne pour leurs intérêts en défendant avec hardeur des alternatives contre ce système en crise.
Ici, à Seattle, les politologues se demandent à mon sujet : fera-t-elle des compromis ? Peut-elle travailler avec d’autres ? Bien entendu, j’aurai à rencontrer et à discuter avec des représentants de l’establishment. Mais quand je le ferai, je mettrai sur table les besoins et les aspirations de la classe ouvrière, peu importe qui sera assis en face de moi. Et permettez-moi de clarifier une chose : il n’y aura pas de tractation secrète avec des entreprises ou leurs serviteurs politiques. Il n’y aura pas d’arrangement pourri qui desservirait ceux que je représente.
Je porte l’insigne du socialiste avec honneur. Je remercie les presque cent mille électeurs qui ont voté pour moi et les centaines d’entre vous qui ont travaillé sans relâche dans cette campagne, je vous remercie. Continuons.
L’élection d’une socialiste au Conseil d’une grande ville dans le coeur du capitalisme mondial a fait des vagues dans le monde entier. Nous le savons pour avoir reçu des messages de soutien d’Europe, d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie. Ceux qui luttent pour un changement nous ont dit qu’ils ont été inspirés par notre victoire.
Je fais appel à tous ceux qui sont prêts à résister à l’agenda des grandes entreprises – que ce soit à Seattle ou à l’échelle nationale – pour s’organiser. Joignez-vous à nous dans la construction d’un mouvement de masse pour la justice économique et sociale, pour un changement démocratique et socialiste, de sorte que les ressources de la société puissent être exploitées, non pas pour satisfaire la cupidité d’une petite minorité, mais pour le bénéfice de tous les peuples. Solidarité.
Vidéos
La totalité de la cérémonie d’investiture du conseil de Seattle est disponible en vidéo sur le lien suivant. Kshama Sawant intervient à partir de 29 minutes et 20 secondes.
Les médias locaux et nationaux ont accordé une grande attention aux événements de Seattle et à cette cérémonie : Video et article de King 5, vidéo d’Al Jazeera.
“Democracy Now” a également réalisé cette interview.
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Succès retentissant pour une socialiste révolutionnaire à Seattle
Kshama Sawant est élue avec 95.000 voix (50,6%) ! Le socialisme contre-attaque aux USA
10 jours avant la tenue des élections locales, on pouvait lire dans le quotidien Seattle Times: “Nous pouvons déjà désigner les vainqueurs. Ce sont les socialistes. (…) Il est remarquable de constater qu’au cours de la campagne politique à Seattle de cette année, quasiment la totalité de son [Sawant] agenda a dû être repris même par les deux candidats-maires.” A ce moment-là, la majeure partie des commentateurs considéraient encore que Kshama Sawant ne remporterait pas le siège. Une fois devenu clair qu’elle avait pu réunir 95.000 voix, la presse locale n’a plus été seule à faire part de son étonnement, les médias nationaux et même internationaux se sont emparés du sujet de ce spectaculaire saut en avant.
Par Bart Vandersteene
Une éruption de mécontentement
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La politique locale aux USA
A Seattle, il n’y a pour toute la ville que 9 sièges au conseil de ville. Lors de la précédente législature, tous étaient du Parti Démocrate. Cette année, quatre de ces sièges étaient remis en jeu. Chaque habitant avait à choisir entre deux candidats pour chaque siège (après la tenue d’un premier tour en août).
Extrait d’un article du quotidien britannique The Guardian
‘‘Son élection montre qu’elle n’a pas eu peur de se profiler comme une socialiste, mais aussi que les électeurs n’ont pas craint de l’élire en tant que telle. Ce n’est pas seulement la preuve que le socialisme est devenu populaire, les gens ont conclu qu’ils étaient peut-être depuis longtemps des socialistes pour ne le réaliser que maintenant. (…) L’espoir aujourd’hui n’est pas seulement que Sawant constitue un nouveau souffle progressiste pour Seattle, mais qu’elle en inspire d’autres, elle démontre que si l’on endosse pleinement l’étiquette du socialisme, cela peut être considéré comme un compliment.’’
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La société américaine traverse actuellement une période de profonds changements. Pour une grande partie de la population, le fameux ‘‘rêve américain’’ gît brisé à leurs pieds. La crise a exposé au grand jour toutes les faiblesses du capitalisme et a ouvert un nouveau chapitre dans l’histoire du pays. Le soutien pour le parlement n’est plus que de 9%, contre 45% dix ans passés. Un sondage a aussi récemment dévoilé que 60% des Américains veulent voir un troisième parti émerger pour rompre la domination du système bipartite. A la base de ces chiffres se trouve l’énorme fossé entre riches et pauvres qui va grandissant, mais aussi l’incapacité d’instaurer un système de soin de santé décent pour tous, la spectaculaire augmentation de l’endettement des étudiants, les salaires de famine (qui touchent 12% de la masse salariée…), ces millions de personnes qui ont perdu leur maison,…. La liste des raisons pour lesquelles les gens se détournent de ce système est sans fin.
Construire une voix de gauche et socialiste
Le premier mouvement à avoir exprimé cette colère fut le Tea Party, de droite et conservateur. Leur campagne hystérique contre Obama et toute leur rhétorique affirmant qu’il voulait répartir les richesses et instaurer le socialisme a toutefois suscité un grand intérêt pour les idées du socialisme.
Le président américain est pourtant loin d’être socialiste. Obama a luimême récemment précisé à ce sujet lors d’une rencontre patronale organisée par le Wall Street Journal : ‘‘Les gens disent parfois que je suis un socialiste. Mais non, allez voir ce qu’est un véritable socialiste. Vous aurez alors une idée de ce que c’est d’en être un. Je parle ici de diminution des taxes pour les entreprises. Ma réforme des soins de santé était basée sur le principe du libre marché. Et la dernière fois que j’ai regardé la Bourse, elle se portait très bien.”
L’espoir de l’arrivée d’un changement était grand au moment de son élection et de sa réélection. Aujourd’hui, c’est la déception qui domine. En paroles, Obama a su donner une certaine expression à l’aspiration pour un changement. Mais dans les actes, il a révélé sa véritable nature, celle d’un ardent défenseur des intérêts de l’élite économique. Cela a ouvert un espace à la gauche des Démocrates. Socialist Alternative, notre organisation-soeur américaine, a été parmi les premiers à percevoir ce potentiel. Notre victoire électorale est un bon exemple de ce qui s’offre à la gauche pour les années à venir. Si cette opportunité n’est pas saisie, le danger est réel que les forces électorales conservatrices et réactionnaires puissent être en mesure d’en profiter.
Construire le soutien aux idées du socialisme
La victoire de Seattle est une indication de la direction dans laquelle se dirige la société américaine. Des idées qui jusqu’à tout récemment encore étaient rejetées comme bien trop folles gagnent aujourd’hui en audience.
Juste après l’annonce de sa victoire, Kshama Sawant a pu prendre la parole lors d’une grande assemblée des travailleurs de Boeing. Pour la énième fois, cette entreprise a menacé de délocaliser sa production, un chantage qui lui a rapporté un nouveau cadeau fiscal historique de l’État de Washington : 8,7 milliards de dollars. Mais leur soif de profit est inapaisable. Les managers ont, par-dessus le marché, réclamé une révision extrêmement drastique des pensions des travailleurs ! Pour ces derniers, la coupe était pleine et ils ont voté à une large majorité contre cette proposition, même sous la menace de la délocalisation brandie par Boeing.
Kshama Sawant a stupéfait les travailleurs par son langage radical et très inspirant. ‘‘La seule réponse à donner quand la direction de Boeing menace de partir, c’est de dire que les machines restent ici. Les travailleurs qualifiés et expérimentés aussi sont ici, nous continuerons à travailler, nous n’avons aucunement besoin de managers. Ce ne sont pas eux qui font tourner l’usine, ce sont les travailleurs. Ils peuvent partir, nous reprendrons l’entreprise sous propriété publique.’’
Les forces socialistes ont dû nager à contre-courant très longtemps aux États- Unis, plus encore que dans le reste du monde. Cette percée des socialistes révolutionnaires est une source d’inspiration pour tous ceux et toutes celles qui se battent pour un autre monde, un monde socialiste.
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[INTERVIEW] USA : Victoire éclatante pour une socialiste révolutionnaire à Seattle!
Des “conséquences fracassantes” aux Etats-Unis et internationalement
Le soir du 15 novembre 2013 restera une date marquant une étape historique dans la construction d’un nouveau mouvement socialiste aux États-Unis, la plus grande puissance capitaliste au monde. Kshama Sawant, candidate de Socialist Alternative (les partisans du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) aux USA) a été capable de remporter un siège au conseil de Seattle après que son adversaire ait concédé avoir perdu. C’est la première fois depuis de nombreuses décennies qu’un socialiste révolutionnaire remporte une élection aux Etats-Unis en battant le parti Démocrate, un parti qui prétend être favorable aux travailleurs. Le décompte des voix se poursuit toujours et confirme l’avance croissante de Kshama Sawant dans cette ville. En date du 18 novembre, Kshama avait reçu le suffrage de 93.168 personnes.
Sarah Wrack, Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)
Pourquoi avez-vous, avec Socialist Alternative, decide de vous presenter à ces élections ?
L’an dernier, nous avions déjà mené campagne pour la Chambre des représentants de l’Etat de Washington, j’étais alors candidate contre le président de la Chambre, Frank Chopp, probablement le parlementaire le plus puissant de l’Etat (Lire notre article Socialist Alternative remporte un score historique contre le Président de la Chambre des Représentants de l’Etat de Washington).
Derrière notre décision de mener cette campagne électorale, il y a notre analyse politique des conditions qui ont émergé suite au mouvement Occupy. Ce mouvement a été très actif puis, vers fin 2011 – début 2012, il a commencé à bifurquer vers des campagnes telles que Occupy Homes au Minnesota (contre les expulsions et les saisies immobilières) et ainsi de suite. Mais dans la plupart des cas, le mouvement commençait à perdre son souffle. Le sujet le plus important à ce moment était la réélection de Barak Obama et le fait que, pour ceux qui se considèrent comme des progressistes, la priorité était d’obtenir cette réélection parce qu’il était impensable de voir le Républicain Mitt Romney arriver à la Maison Blanche.
Bien entendu, Socialist Alternative est d’accord pour dire que l’aile droite ne doit pas disposer d’une telle opportunité, mais nous avons également fait remarquer que les Démocrates ne constituent en rien une alternative et que dans l’ensemble, la classe des travailleurs n’a pas bénéficié de la politique des deux partis du Big Business, qui sont dans les faits deux ailes d’un même grand parti pro-capitaliste.
En fait, l’administration Obama est en elle-même un bon exemple de la manière dont les Américains progressistes placent leurs espoirs dans les Démocrates années après années pour ensuite devoir faire face à toute une série de trahisons. Toutes les promesses concernant les soins de santé, les détentions à Guantanamo Bay, la fin de l’occupation de l’Afghanistan et les attaques de drones,… n’ont pas été tenues. Les attaques de drones ont augmenté, la présidence d’Obama a été marquée par le plus grand nombre d’expulsions de sans-papiers et, en tant que professeur, je peux vous garantir que l’assaut contre l’enseignement public et contre les syndicats d’enseignants a été plus aigu sous Obama.
La question qui se posait à Socialist Alternative était de voir comment pouvoir poursuivre les discussions politiques et d’approfondir la clarification portant sur la nécessité de rompre avec les deux partis de Wall Street et de rompre également avec le système capitaliste lui-même. Lancer notre propre campagne et illustrer par la pratique ce qu’une campagne populaire véritablement indépendante pouvait être nous a semblé constituer une stratégie efficace.
Nous avons mené campagne en refusant l’argent des grandes entreprises et sans chercher le soutien de l’establishment du parti Démocrate.
L’an dernier, nous avons obtenu 29% des voix, un score tout à fait remarquable : plus de 20.000 personnes avaient voté pour nous. Et nous nous sommes battus pour notre droit d’avoir ‘‘Socialist Alternative Party’’ sur le bulletin de vote (et non tout simplement le nom du candidat), tout comme nous avons cette année aussi mené ouvertement campagne sous le nom de Socialist Alternative.
Comment la campagne a-t-elle été organisée?
Les premières personnes impliquées ont été les membres de Socialist Alternative. Notre objectif principal au début était de développer la plate-forme de la campagne. Le thème fut discuté et débattu dans toutes les sections locales de Socialist Alternative. Nous avons particulièrement souligné trois points, dont la revendication d’un salaire minimum de 15 $ de l’heure, ce que nous avions déjà défendu l’an dernier. Cette année, puisque nous étions impliqués dans une campagne menée à travers toute la ville, notre revendication d’un salaire minimum a été discutée dans toute la ville de Seattle. Le second point concernait le droit de disposer d’un logement abordable et d’un contrôle des loyers. Le troisième était l’instauration d’une taxe sur les millionnaires pour financer le transport en commun et l’enseignement.
Notre campagne était placée sous le slogan : ‘‘make Seattle affordable for all’’ (rendre Seattle abordable pour tous), car Seattle est une ville très riche mais profondément inégalitaire. Y vivre est inabordable pour la grande majorité des gens, et en particulier dans les rangs des travailleurs à bas salaire.
Dès le début, il était clair que ces revendications attiraient l’attention enthousiaste de la classe des travailleurs à Seattle, ce qui nous a aidé à développer notre réseau de volontaires. De nombreuses personnes se sont senties galvanisées à l’idée d’une campagne électorale tellement différente du business-as-usual des politiciens pro-capitalistes.
Le fait que nous nous sommes engagés, en cas de victoire, à ne garder que le salaire moyen d’un travailleur a particulièrement suscité l’intérêt. Un membre du conseil de Seattle (qui en comprend 9) gagne 120.000 dollars par an, un salaire très élevé qui n’est devancé qu’au conseil de Los Angeles. La plupart des gens ne savaient pas qu’il en était ainsi et nous avons bénéficié d’un large écho en affirmant que nous ne garderions que le salaire moyen d’un travailleur, en consacrant le reste à la construction des mouvements pour la justice sociale.
C’est donc à travers la politique à la base de la campagne que nous avons été capables de construire une grande base de bénévoles. Plusieurs membres de Socialist Alternative ont travaillé à temps plein pour les organiser. Nous avions un bureau de campagne où étaient organisées des réunions de travail quotidiennement, en collaboration avec la direction locale de Socialist Alternative.
Nous avons de cette manière pu être en mesure de prêter attention à tout ce qui se passait dans la ville et de profiter de toutes les opportunités pour parler de la campagne, pour la faire connaître et disposer d’espaces dans les médias, chose véritablement nécessaire puisque nous étions en lutte contre un puissant Démocrate implanté au conseil depuis 16 ans déjà. Nous avons été capables de faire fortement ressortir les conséquences néfastes de sa politique mais aussi de celle de l’administration de Seattle en général et de montrer à quel point ces politiciens sont totalement en dehors de la réalité quotidienne des travailleurs. Grâce à tous ces efforts, nous avons pu construire une base de plus de 350 bénévoles, une grande source d’énergie pour la campagne.
Dans la dernière ligne droite, ce qui a beaucoup aidé la campagne, ce fut l’organisation d’une centaine d’actions le week-end précédant le jour du scrutin. Des partisans de Socialist Alternative se sont placés avec des affiches à tous les carrefours majeurs de la ville, plusieurs bannières ont été déployées au-dessus des autoroutes autour de la revendication d’un salaire minimum.
Cela nous a vraiment aidé pour convaincre les gens d’aller voter. La politique de la ville est tellement hors de la réalité des travailleurs et de leurs familles qu’il est normal que nombre parmi eux ne fassent pas attention à la campagne électorale, qu’ils trouvent ennuyeuse. Ils considèrent les membres du conseil comme de riches blancs issus de la classe supérieure, qui ne sont pas au courant de ce qui se passe sur le terrain et ne s’en soucient pas. Le défi auquel nous avons dû faire face ne consistait donc pas seulement à influencer des électeurs, mais aussi à pousser les habituels abstentionnistes à aller voter pour cette fois.
Nous avons également désiré approfondir le dialogue avec les gens. Nous sommes marxistes, nous ne pensons pas que l’arène électorale est la plus favorable pour la construction des mouvements sociaux. Nous avons voulu montrer un exemple de la manière dont cela pouvait être fait, avec une implication active dans la campagne. Je pense que c’était là notre plus grand défi, et que nous nous en sommes plutôt bien sortis.
Mais nous ne pouvons pas tout simplement parler de notre campagne. Nous devons aussi mentionner qu’elle a été menée au même moment que la lutte des travailleurs des fast food. A Seattle tout particulièrement, ces travailleurs en lutte étaient très confiants en leurs possibilités, et nous nous sommes montrés solidaires de leur combat. Un scrutin portant sur l’instauration d’un salaire de 15 $ de l’heure a aussi été lancé à Seatac, une ville voisine de Seattle où se trouve l’aéroport international. Le thème était très précisément la question du salaire des travailleurs des aéroports. Tout cela a contribué à l’élan de la campagne.
Comment les gens ont-ils réagi au fait que vous vous êtes présentés ouvertement comme socialistes ?
Pour la plupart des gens, ce qui est surtout ressorti, c’est que nous luttions pour un salaire minimum de 15 $ de l’heure.
Ce qui est vraiment attiré l’attention, c’était l’audace dont nous avons fait preuve sur cette question, contrairement à ce qui se fait généralement. Pas mal de gens qui approuvaient notre campagne et avaient l’expérience des partis bourgeois nous disaient : ‘‘vous devez baisser le ton, ne critiquez pas tellement l’administration.’’ On m’a même souvent demandé: ‘‘pourquoi devez-vous toujours commencer chaque discours en disant: ‘‘Je suis un membre de Socialist Alternative’’?’’
Ils voulaient me dissocier de Socialist Alternative parce que la politique électorale américaine est normalement centrée sur des personnes et des personnalités, pas sur des organisations collectives ou l’effort collectif. Mais nous avons complètement rejeté cela. Nous avons été plus audacieux et avons été implacables en présentant notre politique et affirmant clairement que chaque personne qui aimait cette campagne et son aspect combatif devait savoir que cela avait directement à voir avec le fait que nous sommes des socialistes révolutionnaires.
Beaucoup de gens ne se souciait du reste pas tellement de l’étiquette, ils se souciaient du fond de la campagne. Mais pour une certaine couche, cela était important. Certains disaient ‘‘Eh bien si c’est ça une campagne socialiste, et que je suis d’accord avec tout, alors peut-être bien que je suis moi-même un socialiste, peut-être que j’ai besoin d’entrer en discussion avec Socialist Alternative.’’ Des personnes ont rejoint notre organisation, où sont en discussion à cette fin, parce qu’ils ont approuvé ce que nous avons dit et que leur confiance a été renforcée par notre ardeur à nous battre pour la victoire.
Quels sont vos projets maintenant ?
Tout d’abord aujourd’hui [le 17 Novembre] nous avons un grand meeting pour réunir tous ceux qui ont participé à la campagne et pour célébrer notre victoire. Mais il sera également question de donner une idée de la voie à suivre pour l’avenir : que doit-il maintenant se passer ?
Nous ne voulons pas limiter à parler de la campagne et de ce que nous allons faire au conseil de Seattle, nous voulons aussi aborder la signification de cette victoire. Quelle est la signification de la victoire d’un socialiste révolutionnaire au conseil d’une grande ville américaine ? En de nombreux points, il s’agit d’un bouleversement pour la gauche en général, en particulier aux Etats-Unis mais aussi au niveau international. Si cela a été possible, qu’est ce qu’on peut faire d’autre ?
La raison pour laquelle nous obtenons l’attention des médias nationaux et internationaux n’est pas que nous avons gagné un siège au Conseil de Ville. Normalement, tout le monde s’en fiche. Ce qui est frappant, c’est qu’une personne ouvertement socialiste remporte un siège, que la campagne n’a pas bénéficié de l’argent des grandes entreprises et qu’elle n’a pas reposé sur l’appareil du parti Démocrate pour l’emporter. Nous avons besoin que la gauche tire parti de ces enseignements et se rende compte qu’il existe une ouverture pour construire des mouvements et construire une alternative anticapitaliste viable qui luttera pour les travailleurs, contre les deux partis de Wall Street.
Au Conseil, notre première priorité sera de pousser l’application d’un salaire minimum de 15 $ de l’heure. Nous allons rédiger une ordonnance à cette fin à destination du Conseil. Mais nous n’avons aucune illusion sur le fait que cela sera facile. Les grandes entreprises vont résister bec et ongles parce que Seattle est une ville importante, et qu’il leur faut éviter tout précédent. Cela pourrait avoir un effet domino sur d’autres villes. Nous devons donc continuer à soutenir la construction d’une mobilisation de masse autour de cette revendication.
Une des choses à laquelle nous allons maintenant œuvrer est l’organisation d’un meeting de masse, notre objectif est de réunir 10.000 personnes mais nous verrons comment ça se passe, début d’année prochaine, en soutien à cette revendication des 15 $ de l’heure.
J’ai vu beaucoup de commentaires disant qu’il y a quelque chose d’unique à Seattle. Bien sûr, il y a toujours des choses différentes d’une situation à l’autre, mais je pense qu’il est important pour la gauche de partout réaliser que, compte tenu de la crise du capitalisme (et en particulier en Europe au vu de la politique d’austérité qui y a été appliquée), il est absolument certain que de grandes possibilités existent. Si cela peut se produire dans l’antre de la bête, il n’y a aucune raison que cela ne puisse pas être fait ailleurs. Mais ce n’est pas automatique, et c’est pourquoi nous devons consciemment construire nos forces.
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USA : des centaines de personnes présentes au meeting célébrant la victoire de Socialist Alternative à Seattle
Un rassemblement qui donne le ton pour les luttes à venir et les occasions historiques qui se présentent pour la gauche socialiste
Plus de 300 personnes ont assisté au meeting tenu à Seattle pour célébrer la première socialiste révolutionnaire élue au conseil de Seattle depuis des décennies. Kshama Sawant y a notamment appelé à la nationalisation sous contrôle démocratique de Boeing, le plus grand employeur privé de la région qui menace actuellement de déplacer ses activités hors de l’Etat, un appel qui a reçu des applaudissements enthousiastes de la salle. Sawant a ainsi déclaré : ”Les machines sont ici, les travailleurs sont ici. Plaçons la production toute entière sous propriété publique démocratique et orientons l’activité vers la production de transports en commun.”
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Une socialiste révolutionnaire bientôt élue à Seattle ?
Le résultat des élections locales tenues le 5 novembre derniers aux Etats-Unis se fait toujours attendre. Ainsi, à Seattle, quelques dizaines de milliers de voix doivent encore être comptés. Lors de la première publication des résultats, notre camarade Kshama Sawant (Socialist Alternative) avait obtenu le score extraordinaire de 46%, contre 53% pour son adversaire démocrate qui lui faisait face lors du deuxième tour. Maitnenant, pour la première fois, Kshama Sawant se trouve en tête, et sera probablement élue, avec 79.751 voix, soit 49,91%.
Un socialiste révolutionnaire remportant la moitié des voix dans une grande ville américaine, voilà qui ressemblait fort à un scénario impossible. C’est pourtant ce qui est actuellement en train de se produire à Seattle. À Seattle, un nombre limité de conseillers de ville sont élus par poste, par tous les résidents de la ville. En position 2, Kshama Sawant, de Socialist Alternative, avait déjà remporté un score remarquable au premier tour, qu’elle avait brillamment passé avec 34%. Son adversaire, le Démocrate Richard Conlin, avait alors gagné 49% des suffrages.
Les revendications défendues par Khsama Sawant sont depuis lors devenues le coeur du débat politique. Seuls les travailleurs discutaient de la nécessité d’un salaire minimum de 15 $ de l’heure, un thème ignoré par l’establishment capitaliste. Soudain, presque tous les politiciens ont fait des déclarations à ce sujet et ont plus ou moins soutenu l’idée d’un salaire minimum. Avec humour, Sawant a déclaré qu’elle était en faveur d’un salaire minimum de 15 $ de l’heure et du droit de se syndiquer avant que ce ne soit ”cool”. Cetter campagne basée sur la défense des intérêts des travailleurs avait sa contrepartie à Minneapolis, avec la candidature de notre camarade Ty Moore, dans le district électoral 9 (là-bas, les conseillers sont élus par circonscription et non pas par position), qui a finalement reçu 42% des voix.
La campagne de Socialist Alternative a reçu le soutien de centaines de bénévoles, de nombreux syndicats locaux et de divers groupes de campagne. La campagne fut impressionnante jusqu’au dernier moment et a réussi à convaincre les électeurs. Peu à peu, le décompte des voix est maintenant réalisé. Si les premiers électeurs avaient plus voté pour Richard Conlin, la compagne ”Vote Sawant” avait déjà déclaré le 5 novembre que tout était encore possible.
Depuis lors, le décompte est palpitant. Les deux premiers jours, Conlin a obtenu plus de voix, mais cette tendance s’est totalement inversée depuis, et Sawant remporte toujours plus de suffrages. Lors du dernier lot de plus de 8000 voix, elle en a obtenu plus de 57%. Actuellement, Sawant est en tête avec 79.751 voix, soit 41 de plus que Conlin. La différence entre les deux candidats est inférieure à 0,5%. Il faudra encore attendre quelques semaines pour avoir le résultat final, mais si la tendance actuelle se poursuit, la victoire sera au bout du chemin, le 26 novembre. (Cet article a été écrit hier, les nouvelles du jour sont que Kshama Sawant dépasse maintenant son opposant démocrate non plus de 41 voix, mais de 402 voix avec 49,99% contre 49,75% !)
Socialisme.be et le PSL félicitent chaleureusement Kshama Sawant ainsi que tous les bénévoles qui ont permis à cette campagne impressionnante d’être une réalité. Ils ont écrit une page de l’histoire des luttes aux Etats-Unis avec cette campagne qui est aujourd’hui devenue un thème de discussion national. De Belgique, nous avons contribué à cet effort en envoyant notre camarade Bart Vandersteene un mois durant afin d’aider le développement de la campagne. A son retour, nous organiserons des meetings dans différentes villes et Bart y prendra la parole pour aborder le contexte sur lequel ce développement important a pu prendre place ainsi que les perspectives que cela ouvre aux Etats Unis pour la lutte pour le socialisme. Plus d’informations arriveront bientôt sur ce site.
