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  • Comment la planification socialiste résoudrait-elle la crise climatique ?

    Il ne fait aucun doute que le capitalisme représente une menace existentielle pour notre société et qu’un changement complet de son mode de fonctionnement est une nécessité absolue.

    Par Jonas Brannberg (Suède) et Philipp Chmel (Autriche), article issu de la brochure « Le capitalisme assassine la planète » éditée par Alternative Socialiste Internationale.

    Le message de Greta Thunberg, qui consiste à « écouter la science », est aussi simple qu’il est impossible à suivre pour les dirigeants capitalistes. Au lieu d’écouter la science, la classe dirigeante fait tout ce qu’elle peut pour relancer l’économie capitaliste après la crise économique déclenchée par la pandémie. Lorsqu’ils y voient une chance d’accroître leurs profits, tous les mots concernant une société durable passent à la trappe. Nous en avons vu une illustration graphique dans les plans de relance étatiques massifs que les gouvernements capitalistes ont mis en œuvre pour relancer l’économie après la récession de 2020, qui ont investi beaucoup plus dans les combustibles fossiles que dans les énergies renouvelables !

    Il en va de même pour la rivalité impérialiste accrue qui se transforme en une véritable guerre froide entre la Chine et les États-Unis, dans laquelle les intérêts des grandes puissances l’emportent complètement sur toute préoccupation pour le climat. À un moment où la coopération mondiale n’a jamais été aussi nécessaire pour faire face à la menace la plus grave qui pèse sur la civilisation mondiale dans son ensemble, les capitalistes font passer leurs propres intérêts en premier – la coopération et la planification mondiale sont plus éloignées de la réalité qu’elles ne l’ont été depuis des décennies. La guerre froide peut bloquer les nouveaux accords internationaux, même ceux qui sont insuffisants comme l’accord de Paris en 2015.

    Comme cela a été souligné ailleurs dans cette brochure, la crise climatique est peut-être l’exemple le plus évident de la raison pour laquelle nous devons nous éloigner de l’économie capitaliste, où le « marché » capitaliste est dirigé par des sociétés gigantesques et leur recherche du profit maximum. Ce dont la planète a besoin, c’est d’une transition planifiée où les combustibles fossiles seront complètement éliminés en l’espace d’une décennie, et où la biodégradation et la pollution seront remplacées par des programmes de nettoyage et de restauration des écosystèmes.

    Pour que cela soit possible, nous avons besoin d’une société où les travailleurs du monde entier, par le biais d’États ouvriers démocratiques, contrôlent, possèdent et planifient démocratiquement les parties les plus importantes de l’économie – cela signifie construire le socialisme à l’échelle mondiale.

    Le socialisme peut tout changer

    De même que les jeunes qui participent aux grèves pour le climat crient « tout doit changer », le socialisme signifie justement que tout va changer :

    • Cela signifie que la structure du pouvoir de la société sera renversée. Un nouvel État ouvrier aura pour priorité l’intérêt des travailleurs au lieu de l’État capitaliste d’aujourd’hui dont les lois, la répression et les armes existent pour préserver les profits capitalistes à tout prix.
    • Cela signifie que les éléments clés de l’économie seront nationalisés (placés sous propriété collective) et gérés sous le contrôle et la gestion des travailleurs.
    • Cela signifie que les lieux de travail, ainsi que les écoles et les communautés, deviendront un forum pour la gestion démocratique de la société, en utilisant la créativité et la contribution de chacun, au lieu d’être un simple lieu d’exploitation.
    • Cela signifie qu’il faut répartir le travail afin d’éradiquer le chômage et de donner à chacun le temps de participer à la gestion de son lieu de travail, de sa communauté et de la société, tout en bénéficiant de vacances et de temps libre.
    • Cela signifie de produire en fonction des besoins des gens, avec des produits qui durent, peuvent être réparés et sont fabriqués à partir de matières premières réutilisables.

    Une économie socialiste planifiée pourrait réduire radicalement les émissions en quelques mois ou quelques années :

    • 12% des émissions totales de CO2 proviennent du transport routier. En investissant massivement dans des transports publics gratuits dans toutes les villes, en transportant les marchandises par rail et en empêchant que le transport maritime mondial soit utilisé comme un moyen de réduire les coûts de la main-d’œuvre, ces émissions pourraient être réduites de façon spectaculaire et très rapide.
    • 6 % des émissions proviennent de la déforestation et des incendies. La déforestation pourrait être rapidement transformée en son contraire, tandis que les incendies pourraient être réduits grâce à la gestion des forêts, à une planification urbaine plus responsable et à des investissements publics dans les services de lutte contre les incendies.
    • Les « voyages d’affaires », qui représentent une part importante des voyages en avion (12 % du total des voyages en avion aux États-Unis), pourraient être considérablement réduits.
    • L’industrie et les entreprises énergétiques d’aujourd’hui créent d’énormes émissions (environ 10 % des émissions) exclusivement par des processus inefficaces. Avec une économie planifiée qui élimine les déchets inutiles et avec des investissements permettant d’économiser l’énergie, ces émissions pourraient être réduites de façon spectaculaire.
    • 17,5 % des émissions proviennent de l’énergie utilisée dans les bâtiments. En isolant les bâtiments, ce qui est souvent une mesure très simple, ce pourcentage pourrait être réduit rapidement.
    • Des structures capitalistes entières et des industries extrêmement destructrices pourraient être démantelées : l’industrie de l’armement, l’industrie publicitaire extrêmement excessive, la spéculation financière, y compris les cryptomonnaies.

    D’autres secteurs de l’économie peuvent prendre plus de temps pour changer, et nécessitent également des investissements massifs dans une intensive recherche scientifique :

    • Nous avons besoin d’investissements dans des sources d’énergie non fossiles, sans que ces investissements n’entraînent d’émissions excessives, et sans autres effets néfastes sur l’environnement, comme la perte de biodiversité.
    • Il existe une énorme crise du logement dans le monde entier. Nous devons construire des logements abordables pour tous, mais sans l’empreinte écologique importante d’aujourd’hui.

    Mettre la science au service de la planète

    Il est donc nécessaire que la science et la recherche soient canalisées dans l’intérêt des personnes et de la planète au lieu d’être axées sur la production de profits pour les grandes entreprises.

    Une économie socialiste planifiée démocratiquement nous permettra de produire en fonction des besoins, des besoins humains comme des besoins écologiques.

    Grâce aux évaluations du cycle de vie de certains produits (y compris l’extraction, la transformation, l’utilisation et l’élimination), nous pouvons déterminer quels processus de production entraînent quel type d’impact écologique et climatique, à quel moment du processus cela se produit et comment y remédier.

    Voici un exemple concret : dans la production de ciment, environ 90% des émissions sont causées par le processus de production du clinker, le constituant clé du ciment. Ce processus émet directement du CO2 via une réaction chimique qui nécessite des températures extrêmement élevées. Mais avec l’aide de micro-organismes (cyanobactéries), il est possible de faire pousser des briques de biobéton en quatre jours à température ambiante à partir de sable, en consommant du CO2 au lieu d’en émettre. Cependant, dans le cadre du capitalisme, le passage à cette technologie n’a pas lieu en raison des sommes d’argent déjà investies par les capitalistes dans le mode de production actuel. Sans les contraintes capitalistes sur la recherche et la production, il existe un grand potentiel pour découvrir des matériaux et des processus de production ayant un impact environnemental moindre et les mettre en œuvre à grande échelle.

    Agriculture capitaliste contre agriculture durable

    Un autre exemple est l’opposition entre l’agriculture industrielle et l’agriculture durable. Pour les entreprises agroalimentaires, la méthode la plus rentable consiste à pratiquer des monocultures (cultures uniques) sur d’immenses champs, en utilisant de grandes machines à énergie fossile, des pesticides et des quantités massives d’engrais industriels. Cette méthode permet d’obtenir des rendements élevés en peu de temps, mais elle est extrêmement inefficace si l’on tient compte de l’énorme quantité d’énergie nécessaire à la production d’engrais et des dommages écologiques qui en découlent. En outre, ce type d’agriculture industrielle entraîne une dégradation massive des sols, créant ainsi une dépendance à l’utilisation intensive d’engrais pour compenser la baisse de fertilité des sols.

    L’agriculture durable, en revanche, pourrait favoriser un processus naturel de fertilisation des sols (connu sous le nom de « fixation biologique de l’azote ») au lieu d’une utilisation excessive d’engrais industriels, faisant ainsi de l’agriculture un élément d’un métabolisme écologique durable au lieu de lui nuire. De nombreuses communautés indigènes ont également des connaissances en matière de pratiques agricoles durables, comme la culture intercalaire, une pratique qui consiste à planter plusieurs cultures ensemble sur une même zone. Cela permet aux cultures de s’entraider en échangeant des nutriments, en maintenant l’humidité du sol et en se soutenant physiquement les unes les autres, notamment par la lutte contre les parasites. Cela permet également d’augmenter le rendement des cultures.

    L’agriculture durable ne signifie pas qu’il faille adopter une approche anti-technologie, loin de là. Les pratiques durables peuvent être combinées aux technologies modernes. Les drones pourraient être utilisés pour capturer des données sur la croissance des plantes, leur santé et le bien-être du bétail. Les capteurs, les grandes bases de données et l’Intelligence Artificielle peuvent être utilisés pour surveiller la composition du sol, l’humidité et la température, et contrôler une irrigation au goutte-à-goutte automatisée efficace qui tient également compte des prévisions de précipitations. Ce ne sont là que quelques exemples de la manière dont la technologie peut être utilisée pour faciliter une société durable.

    Réparer le climat

    Pour limiter autant que possible la crise climatique et le réchauffement de la planète, nous devrons également prévoir de gigantesques programmes de réparation et de nettoyage écologiques. Il ne suffit pas d’arrêter la déforestation, il faut planter des millions d’arbres, recréer des marécages et colmater les fuites de méthane. La sylviculture actuelle, qui défriche de grandes surfaces et émet de grandes quantités de gaz à effet de serre, peut être remplacée par une sylviculture durable qui augmente le stockage du carbone dans le sol. En ce qui concerne la reforestation, une étude publiée en 2019 dans la revue Science a révélé qu’en plus des arbres existants, des zones agricoles et urbaines, il est possible de développer 0,9 milliard d’hectares supplémentaires de forêts. Cela pourrait permettre de stocker 205 gigatonnes de carbone, soit environ quatre fois les émissions annuelles mondiales actuelles d’équivalent CO2.

    La restauration à grande échelle des zones humides et des marécages serait également extrêmement efficace, car ce sont les puits de carbone les plus efficaces de la planète. Ils ne couvrent qu’environ 3 % des terres de notre planète, mais stockent environ 30 % de tout le carbone terrestre, soit deux fois la quantité de toutes les forêts du monde réunies.

    La possibilité d’éliminer industriellement le CO2 de l’atmosphère ne doit pas non plus être écartée, même si nous savons que la « capture du carbone » (CSC) dans le cadre du capitalisme est souvent présentée comme une excuse pour continuer à brûler des combustibles fossiles.

    Comment vaincre le marché

    Ces actions et politiques pourraient et vont transformer la situation. Cependant, pour qu’elles réussissent toutes, il faut une propriété publique démocratique de l’économie, qui la réoriente pour servir les intérêts des gens et de la planète plutôt que le profit. Aujourd’hui, la propriété privée bloque une telle transformation. Vous ne pouvez pas contrôler ce que vous ne possédez pas ! Malheureusement, beaucoup, même à gauche, ne se concentrent que sur les investissements nécessaires à l’action climatique, qu’ils soient publics ou privés. Ils ne soulèvent pas la question de la propriété publique ou nationale et de la planification socialiste démocratique comme faisant partie des politiques nécessaires.

    Souvent, cela découle d’un refus d’envisager une solution qui remet en cause la logique fondamentale du système capitaliste. Sortir de ce carcan et reconnaître que toute solution réelle à cette crise nécessite une réorganisation fondamentale de l’économie et de la société – une révolution socialiste – est essentiel si le mouvement pour le climat veut l’emporter.

    En outre, la faillite des économies staliniennes bureaucratiquement planifiées dans l’ancienne URSS et ailleurs, et les récits de droite sur les économies planifiées qui « ne fonctionnent pas » en raison d’un « manque d’information » et d’un « manque d’innovation », sont certainement des facteurs qui expliquent le scepticisme à l’égard de la planification socialiste parmi de nombreux dirigeants et penseurs écologistes. Il s’agit d’un héritage de l’offensive idéologique du capitalisme qui a eu lieu après la chute du mur de Berlin en 1989.

    En réaction contre la planification excessivement centralisée et bureaucratique des régimes staliniens, certains plaident en faveur d’un marché basé sur « l’autogestion » par des entreprises ou des coopératives appartenant aux travailleurs. L’un des problèmes de cette autogestion dans un environnement de marché est que les entreprises appartenant aux travailleurs seraient obligées de se faire concurrence. Un tel système manque également de planification démocratique globale, car il est organisé au niveau régional et national plutôt qu’international. Ce soi-disant « socialisme de marché » aurait très vite tendance à imiter le capitalisme de marché. Un autre courant a plaidé en faveur d’un passage direct à la production pour les besoins humains sans argent ni marchés, mais n’a fourni aucune stratégie pour y parvenir – c’est-à-dire pour surmonter le système actuel et mettre fin à la domination du capital – restant ainsi dans le domaine des rêves utopiques.

    Marx, quant à lui, affirmait que, sur le plan économique, le socialisme connaîtrait deux étapes de développement différentes (à ne pas confondre avec la « théorie des deux étapes » stalinienne, qui prétend que les pays doivent obligatoirement passer par une étape capitaliste avec la démocratie libérale avant d’évoluer vers le socialisme).

    Au cours de la première étape économique, que les marxistes appellent « économie de transition », l’abondance générale (l’absence globale de pénurie) n’est pas encore atteinte. Par conséquent, certains éléments d’une approche capitaliste de la distribution, comme l’utilisation de l’argent, seraient conservés, mais sous une forme modifiée. Par exemple, des éléments du marché, l’argent et le paiement en fonction des heures travaillées. Cependant, en plus du salaire, il y aurait un salaire indirect ou social : une multitude de services publics gratuits ou presque gratuits. Une fois que, grâce aux avantages de la planification socialiste, l’abondance est atteinte pour certains produits, le nombre de biens et de services distribués gratuitement pourrait augmenter. L’argent deviendrait secondaire à mesure que les gens s’habituent à un monde sans pénurie.

    Au fur et à mesure que ce processus se poursuit, le « deuxième stade » du socialisme pourrait être atteint, lorsque la pénurie, la société de classe et l’État qui en découle « dépérissent », comme l’a décrit le révolutionnaire russe Vladimir Lénine. Le plein développement du socialisme signifierait la réalisation d’une société basée sur ce que Marx décrit comme « de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins » (Critique du programme de Gotha).

    Parmi les premières mesures, au cours de la première étape, figurerait la réduction du temps de travail sans perte de salaire, afin d’éliminer le chômage et de parvenir à un meilleur équilibre entre le travail, la famille et les loisirs, et de permettre la prise de décisions économiques et politiques par la classe ouvrière.

    Ceci est également essentiel pour la lutte contre la crise climatique. Avec des transports publics et planifiés démocratiquement, nous pourrions remplacer les vols courts et moyens par un large réseau de liaisons ferroviaires rapides, de manière rapide et planifiée. Ceux qui cessent de travailler dans l’aviation ou dans d’autres secteurs fossiles ne seront pas au chômage, bien sûr. Nous avons besoin de toute urgence de programmes de recyclage pour réorienter la main-d’œuvre vers la lutte et l’adaptation à la crise climatique, ainsi que d’un plus grand nombre de travailleurs dans les secteurs social, sanitaire et éducatif.

    Comment la planification fonctionnerait-elle ?

    Il existe également de nombreux débats sur le fonctionnement d’une « économie planifiée ». Devrait-elle être centralisée ou décentralisée ? La réponse est « cela dépend ». Voici trois façons différentes d’organiser la planification économique :

    Anticiper la demande en fonction de son évolution en temps réel, c’est le modèle de la multinationale de la distribution Walmart. L’entreprise partage les informations de la caisse enregistreuse en temps réel avec sa chaîne d’approvisionnement. Avec ces informations, les fournisseurs organisent le réapprovisionnement des stocks de Walmart, l’entreprise ne le fait pas elle-même. La planification socialiste pourrait utiliser cette technologie avec beaucoup d’efficacité, mais elle serait bien sûr différente, les discussions démocratiques entre les travailleurs et les organisations représentatives remplaçant l’exploitation et les décisions descendantes sur des objectifs de vente plus ou moins aléatoires.

    La planification basée sur les commandes. Dans ce cas, la production ne démarre que lorsqu’une commande arrive. Cette méthode peut être utile pour les grands produits industriels ou technologiques et est déjà appliquée dans presque toutes les grandes entreprises, mais sans être intégrée dans un plan global pour l’industrie ou l’économie dans son ensemble.

    Analyse des entrées-sorties. Il s’agit d’une forme de planification particulièrement utile pour la planification socialiste. Elle signifie que la planification de la production est basée sur des objectifs de production et sur les intrants nécessaires à leur réalisation. Cette méthode est très utile lorsqu’il s’agit de planifier des infrastructures gratuites et suffisantes en matière de santé publique, de services sociaux et de soins, comme les hôpitaux, les écoles, les crèches et les blanchisseries publics. Il en va de même pour les transports publics et les énergies propres.

    Les différentes méthodes de planification peuvent être d’une grande aide, mais elles ne peuvent remplacer la nécessité d’un système de démocratie ouvrière, qui est la clé du succès d’une économie planifiée. Dans le cadre de la planification socialiste, les comités ou conseils élus des travailleurs sur les lieux de travail, ainsi que dans les quartiers, les écoles et les communautés, auraient un pouvoir réel, les représentants élus de ces comités se coordonnant au niveau régional, sectoriel et national pour gérer les secteurs clés de l’économie. De cette manière, nous pouvons décider du type et du niveau de planification à mettre en œuvre pour tel ou tel secteur et produit ou service.

    Bien entendu, toutes les activités économiques n’ont pas besoin d’être nationalisées et planifiées. Les petits magasins, les bars, les restaurants, etc. pourraient avoir d’autres formes de propriété. Cependant, en commençant par les secteurs clés, la grande majorité de la production et de la distribution doit être nationalisée et planifiée démocratiquement afin de permettre des discussions démocratiques aux différents niveaux pour décider quelle part de l’excédent ira à quel secteur et où les investissements sont les plus urgents pour faire face au changement climatique et aux besoins humains.

    Même les couches les plus clairvoyantes de la classe dirigeante réalisent que les « solutions de marché » du capitalisme sont un frein à tout ce qui est nécessaire pour résoudre la multitude de crises auxquelles leur système est confronté. C’est pourquoi nous constatons que certains modifient leurs politiques climatiques dans le sens d’une plus grande intervention de l’État. Cependant, cela est voué à l’échec par les contradictions systémiques du capitalisme. Ce n’est qu’avec une société socialiste planifiée démocratiquement que nous aurons la possibilité de limiter la catastrophe climatique en cours et de donner aux travailleurs, aux jeunes et à l’ensemble de l’humanité un véritable avenir.

  • La politique traditionnelle perd toute crédibilité

    Selon un récent sondage réalisé par Ipsos, les jeunes (18-34 ans) sont tentés par le Vlaams Belang (20%) au nord, par Ecolo (24%) et le PTB (24%) au sud, dans des proportions supérieures à leurs aînés. Le soutien aux partis traditionnels s’effondre.

    Par Nicolas Croes, article tiré de l’édition de mai de Lutte Socialiste

    Riposter contre la crise

    Le discrédit des trois familles politiques traditionnelles est flagrant dans tout le pays, et la crise économique et sanitaire l’a encore amplifié. La précarité a augmenté avec la mise en chômage temporaire à une échelle de masse et des indemnités insuffisantes pour s’en sortir. Des pans entiers de la classe travailleuse et de la jeunesse se retrouvent sans revenus avec la fermeture de l’Horeca, l’évènementiel et la culture notamment, pendant de très longs mois. Les sans-papiers se retrouvent plus que jamais sans ressource et vulnérables face à la présence policière.

    Comme le souligne « l’Appel pour un Premier Mai de Lutte »(1) à l’initiative de la CGSP-ALR (Administration locale et régionale) à Bruxelles : « Alors que des secteurs entiers s’écroulent, d’autres tournent à plein régime. La pharmaceutique, la logistique et la grande distribution par exemple. Pourtant, le patronat tente de bloquer la hausse hors indexation des salaires à 0,4% pour 2021-2022. Pourtant, de l’argent, il y en a : 17 des 20 plus grandes entreprises cotées à la Bourse de Bruxelles ont distribué des dividendes en 2020 pour un total de 5 milliards d’euros ! Le salaire annuel des dirigeants du BEL 20 a augmenté de 50% entre 2014 et 2019. Notre classe, la classe travailleuse, a vu le salaire minimum réel (en prenant en compte la hausse des prix) baisser depuis 1996 ! »

    Le vieil argument « sans nous ce serait pire » des sociaux-démocrates et d’ECOLO a certainement regagné de la vigueur après l’austérité dure des années Michel. Mais l’ampleur de la crise est là. Et les effets d’annonces cosmétiques ne suffiront pas à calmer la colère sourde qui grandit dans la société.

    Pour une gauche offensive et cohérente

    Comment riposter à ce soutien pour l’extrême droite en Flandre ? La question avait été posée à Conner Rousseau, le jeune président de Vooruit, le nouveau nom du SP.a. « On doit retrouver notre crédibilité autour de ces thèmes. En Flandre, nous sommes trop restés sur la défensive. On doit réintroduire le concept de solidarité. » Lors de l’annonce officielle du changement de nom, le 21 mars dernier, Rousseau est resté très énigmatique quant à ce qu’il entendait par « solidarité ».

    Peut-être est-il lui-même bien conscient qu’il lui est préférable de rester silencieux… Parmi ses précédentes déclarations dans la presse, on trouve la suppression des allocations familiales pour les investir dans l’enseignement ou l’accueil de la petite enfance. Drôle de manière d’envisager la solidarité… « Tout doit pouvoir être débattu », dit-il. On se souvient qu’il avait évoqué la possibilité d’empêcher momentanément les personnes victimes d’addiction d’avoir des enfants. Comment imagine-t-il la chose ? Faire avaler la pilule de force ? La Ligue des Familles avait réagi : « Oui, ces parents et leurs enfants rencontrent des difficultés importantes, mais ils ont besoin d’un accompagnement adéquat. Conner Rousseau confond lutte contre la précarité et les addictions et lutte contre les familles précaires. »

    Avec une gauche pareille, pas étonnant que l’extrême droite puisse progresser… Le problème pour Vooruit, c’est que, depuis les années 1980, la social-démocratie a accepté le dogme néolibéral et a participé à des gouvernements qui ont imposé à la classe ouvrière la baisse du pouvoir d’achat, la pauvreté et les privatisations. La gestion de la crise et l’opposition aux luttes des travailleurs pour des emplois et des services décents (la seule façon de bloquer les préjugés racistes) ont renforcé le déclin de la social-démocratie, ce qui a facilité la croissance de l’extrême droite. Heureusement, il y a maintenant plus de soutien pour le PVDA (nom du PTB en Flandre). Chez les jeunes, ce chiffre s’élève à 10%, selon le sondage mentionné ci-dessus.

    Le PS est-il différent ? La pression du mouvement syndical et du PTB est plus forte. Cela oblige le président du PS Paul Magnette à reprendre les revendications du mouvement ouvrier, au moins en paroles. Il parle de soins de santé gratuits et de davantage de logements sociaux, alors que le PS a participé à des gouvernements qui ont réduit les soins de santé et refusé d’investir dans le logement social. Magnette aime dire que le PS peut présenter des résultats, alors que le PTB ne fait rien. À en juger par les indicateurs que sont les problèmes sociaux, il y a vraiment quelque chose qui ne ne tourne pas round après autant d’années de participation au pouvoir…

    Dans des interviews accordées à De Standaard et au Soir, Magnette a déclaré : « Dans le Bel20, dix-sept entreprises ont versé des dividendes en pleine crise. Les actionnaires obtiennent plus et les travailleurs n’obtiennent rien. Cette lutte, c’est le cœur du socialisme et en cela je serai toujours du côté des travailleurs. » Pour vraiment briser la norme salariale de 0,4 %, la loi sur les salaires doit changer. Cependant, Magnette a rejeté une proposition de loi du PTB et du député PS Marc Goblet à cette fin comme étant de la « pure communication » pour laquelle il n’y a « de toute façon pas de majorité ». La séparation de l’enveloppe bien-être pour les allocations sociales les plus faibles de la norme salariale est un pas en avant. Mais en fait, le PS fait la même chose que les patrons : jouer sur les allocations les plus basses pour imposer un blocage des salaires. Le ministre PS Dermagne a annoncé que la norme salariale de 0,4% interviendra si les partenaires sociaux ne trouvent pas d’accord d’ici le 1er mai. Quelle est la position de Magnette sur son « soutien à 200% » de la grève sur les salaires ? De la « pure communication » ?

    Ce qu’il faut aujourd’hui est : mobiliser ce mécontentement dans l’action collective. C’est la seule manière d’assurer qu’il ne se transforme pas en ce cynisme dont raffolent l’extrême droite et les populistes de droite. Le PTB/PVDA a un rôle à jouer dans ce processus. Comme nous l’avons fait remarquer dans notre dernier article sur le projet de loi Goblet-Hedebouw : « Pour remporter la victoire, le projet ne doit pas se limiter à une initiative parlementaire. C’est par la lutte de masse que le changement est possible et que, dans le passé, des conquêtes sociales ont été arrachées. »

    L’action doit partir non pas de ce que les autres partis ou les médias trouvent « acceptable », mais de ce dont la classe ouvrière a besoin. Bien sûr, des propositions de loi peuvent aider à clarifier la position réelle du PS ou d’Ecolo, mais le mot d’ordre « Votez pour nous aux prochaines élections » est totalement insuffisant. Il faut entrer en action autour d’un programme et d’une alternative pour susciter l’enthousiasme et rendre crédible les changements pour lesquels nous nous battons. Une gauche cohérente doit renforcer les mouvements de lutte et populariser la nécessité d’une transformation socialiste de la société.

    La classe ouvrière doit faire entendre sa voix

    Un programme socialiste ne part pas de ce que proposent les sociétés de marketing, mais de ce dont la classe ouvrière a besoin : un emploi décent pour tous avec un allègement de la charge de travail par une réduction collective du temps de travail sans perte de salaire et avec embauches compensatoires ; plus de moyens pour les soins de santé afin qu’une pandémie ne domine pas nos vies pendant des mois ; des logements abordables grâce à un programme massif de construction de logements sociaux ; des services publics de qualité tels que l’enseignement, la garde d’enfants mais aussi la culture ; des pensions et des allocations sociales décentes afin que personne ne doive vivre dans la pauvreté ; la régularisation des personnes sans papiers ; la protection de l’environnement…

    Cela se heurte à l’appât du gain des gros actionnaires et des capitalistes, c’est pourquoi il va falloir nous battre et jeter un pont entre nos inquiétudes quotidiennes et la transformation socialiste de la société. Seule l’unité de la classe ouvrière est capable d’organiser et d’imposer ce changement. À cette fin, nous devons prendre en main les leviers de l’économie, en nationalisant les secteurs clés sous le contrôle démocratique de la collectivité. Ce n’est que de cette manière que nous pourrons décider nous-mêmes de la manière d’utiliser les richesses et les technologies disponibles dans l’intérêt de la majorité de la population et de la planète. Nous ne voulons pas réformer ou moderniser le capitalisme, il faut le remplacer par le socialisme.

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    La résistance sociale à l’époque du Covid-19

    Alors même que les conditions pour organiser la lutte sociale et se réunir ont été rendues très compliquées par les restrictions sanitaires (sans compter l’impact de la pandémie en termes de décès, de dépressions…), les mobilisations sociales n’ont pas manqué depuis le début de la pandémie.

    Le 29 mars a connu la première grève nationale de la pandémie, pour des salaires plus élevés et un minimum de 14 euros de l’heure. Ce n’est pas qu’économique : il s’agit aussi du respect de celles et ceux qui font tout fonctionner en temps de coronavirus. Auparavant, ces luttes sociales ont joué un rôle majeur pour imposer et faire respecter des mesures sanitaires et l’accès aux équipements de protection sur le lieu de travail. Les travailleurs de la santé ont mis en lumière le manque de ressources en tournant le dos à la Première ministre de l’époque, Sophie Wilmès, et, en septembre, la première grande manifestation de la santé avait réuni 7.000 personnes.

    Le premier confinement a commencé peu après la Journée internationale des femmes, le 8 mars 2020, et la manifestation qui a rassemblé 10.000 personnes à Bruxelles. Depuis lors, des journées d’action contre la violence à l’égard des femmes (25 novembre) et à l’occasion de la Journée internationale des femmes ont été organisées avec succès, en plus des actions en faveur du droit à l’avortement. La campagne ROSA a joué un rôle important à cet égard.

    Vers la fin de la première vague de la pandémie, des actions ont été menées par les personnes sans papiers, ce qui a conduit à la création de l’Union des Sans-Papiers pour la Régularisation (USPR). Les manifestations de Black Lives Matter aux États-Unis ont été suivies chez nous d’actions contre le racisme et les violences policières. Ces dernières semaines, diverses actions étudiantes ont également eu lieu. Les travailleurs du secteur artistique et culturel ont également commencé à occuper le Théâtre Nationale Bruxelles-Wallonie et la Monnaie.

  • Collapsologie : en désespoir de causes

    Tableau de John Martin. La Fin du Monde, 1851-1853.

    Depuis quelques années, une nouvelle « discipline » a vu le jour : la collapsologie. Cette doctrine est née il y a une quarantaine d’année mais ne s’est fait connaître du grand public que récemment. Les collapsologues s’appuient sur les constats alarmants dressés par les scientifiques concernant le changement climatique et les menaces sur notre environnement. Extinction de masse, ruptures irréversibles dues au changement climatique… Les motifs d’angoisse existentielle pour l’Humanité ne manquent pas. C’est de là que vient la collapsologie.

    Par Jean (Luxembourg)

    Définition ?

    Les collapsologues prédisent que le changement climatique provoquera un effondrement de la civilisation. Ou plutôt un effondrement de… un peu tout à la fois : du capitalisme, de la finance, de l’économie, de la modernité, de la « culture occidentale », de la complexité, de la démocratie libérale, de l’Etat, des services publics… Bref, de tout ce qui nous entoure. C’est le premier problème de la collapsologie : il n’y a pas de définition claire et précise de ce qui va s’effondrer. Beaucoup de collapsologues assument ce flou et le justifient par le fait que « tout est lié ». C’est un peu vrai, mais il ne faut pas confondre liaison et confusion, corrélation et causalité, complexité et melting-pot…
    Un élément qui revient souvent dans les discours des collapso, c’est la notion de « ruptures irréversibles », à savoir de changements brutaux et profonds qui sont en train de se dérouler dans nos écosystèmes et qui seront pour la plupart irréparables. Ils ont parfaitement raison d’en parler et d’insister sur ce point car c’est exactement ce qui est en train de se passer sur notre planète. Et c’est exactement ce qui a été ignoré pendant trop longtemps. Là où le bât blesse, c’est que ces ruptures irréversibles sont vues comme menant inexorablement à un effondrement de la civilisation voire de l’Humanité.

    La collapsologie se présente souvent comme une science. De fait, elle s’appuie sur l’analyse scientifique de la nature et du climat. Mais elle applique les mêmes logiques mécanistes aux champs économique, social et politique. Les collapsologues procèdent à une naturalisation des rapports sociaux. C’est le deuxième problème, car les sociétés humaines ne réagissent pas forcément comme n’importe quel écosystème. La réponse à un choc, qu’il soit climatique ou épidémique, dépend de beaucoup de choses : du système politique, des infrastructures, des forces productives, du rapport de force entre les classes, de la créativité des uns, de la combativité des autres… Bref de tout ce qui fait la différence entre l’Humanité et la Nature.

    Vision mécaniste

    Il y a toujours plusieurs scénarios possibles à une crise et à sa résolution. Prenons l’effondrement du système financier en 2008. La classe dirigeante a réussi à sauver les banques et en même temps sa peau en faisant payer ce sauvetage aux travailleurs et aux classes populaires. Mais cela aurait pu se dérouler tout autrement. Si la résistance et la colère qui se sont exprimées à l’époque avaient été plus fortes et mieux organisées, elles auraient pu s’opposer à ces « solutions » et imposer une toute autre politique faite de nationalisation des banques, d’investissements publics massifs et de justice sociale.

    Les collapsologues ont tendance à voir des signes d’effondrement dans tous les événements politiques (qu’il s’agisse de l’élection de Donald Trump, à la pandémie de Coronavirus, en passant par la crise grecque…) et ne s’attardent pas à analyser les multiples facteurs qui expliquent ces crises et encore moins des différents scénarios dans lesquels nous ne serions pas de simples spectateurs de notre perte mais les acteurs d’un possible salut. En plus d’être réductrice et mécaniste, la vision des collapso est quelque peu ethnocentriste, car elle parle surtout de la situation et des préoccupations de l’homme occidental.

    Solutions ?

    Chez les collapsos, la vision apocalyptique de la crise climatique laisse peu de place à des solutions. Il nous faudrait donc faire le deuil du monde dans lequel nous vivons sans essayer de changer le cours des choses. La seule chose que nous pouvons faire, c’est d’essayer de nous préparer à l’effondrement. Comment ? En retournant à la nature… Mais comment faire pour les 5 milliards de citadins qui composent l’humanité ? Aucune idée…

    Cette absence de solution découle notamment d’une cécité quant à la réalité de classe de nos sociétés et de l’impact que cette réalité sur la question climatique. Nous serions « Tous coupables », du SMICard au capitaine d’industrie polluante. Or il est évident que ceux qui souffrent et souffriront le plus du changement climatique sont rarement ceux qui ont une réelle influence sur le climat et la biodiversité. Nier ou sous-estimer cette réalité est une grave erreur qui non seulement épargne les responsables du désastre, mais surtout, empêche les collapsos de mener le combat là où il doit l’être, en intégrant la question importante de la justice climatique.

    Que faire ?

    Il faut reconnaître une chose : les collapsologues ont tiré la sonnette d’alarme d’une manière plus audible que les rapports scientifiques. Ils ont le mérite d’avoir mis des termes clairs et concrets sur ce que signifie + 1,5 ou +2 degrés et de mettre en lumière la situation d’urgence dans laquelle nous nous trouvons.

    Mais leurs « solutions » n’en sont pas car il s’agit davantage d’une capitulation que d’une méthode pour affronter le changement climatique et ses effets.

    L’accélération récente des dérèglements climatiques pourrait cependant donner l’impression que les collapsologues ont peut-être raison sur le diagnostic. Est-il trop tard pour agir? Il est clair que certains seuils ont été franchis et qu’on ne peut pas espérer revenir à une situation « normale » en termes de climat et de biodiversité. Mais capituler et « laisser filer » le dérèglement serait la pire des choses. Car même dans un environnement fortement dégradé, les conséquences pour l’Humanité seront très différentes selon qu’on organise et planifie le partage des richesses, les efforts de réduction des gaz à effet de serre, la protection des écosystèmes et l’adaptation de nos modes de vie ou qu’on laisse le capitalisme « gérer » la situation. Face à l’adversité, la construction d’une société résiliente ne pourra pas se faire dans le cadre du capitalisme. On le voit déjà clairement avec une « petite crise » comme celle du Coronavirus. Contre la barbarie d’un effondrement en mode « Mad Max », la seule alternative à visage humain est le Socialisme, c’est-à-dire la construction d’une société fondée sur le partage des richesses et du savoir, la propriété collective des moyens de production et la planification écologique couplée la libération des formidables capacités de l’être humain à protéger et à réparer son environnement. Bref, à faire passer la Vie avant les profits.

  • Un programme socialiste d’urgence contre la crise du coronavirus

    Nous avons publié une version élaborée de notre programme socialiste face à la crise du coronavirus (accéder à ce document), mais nous avons également préparé une version plus courte avec le plan d’urgence proposé ci-dessous.

    Pour un plan d’investissements publics massif dans le secteur de la santé.

    – Suffisamment d’équipements de protection, des infrastructures adéquates et plus de personnel.
    – Rendre l’emploi dans le secteur de la santé plus attractif : augmentation des salaires, réduction collective du temps de travail avec embauches compensatoires
    – Des ressources et investissements suffisants dans le secteur social, des moyens supplémentaires pour l’assistance psychologique pendant et après cette crise, des refuges supplémentaires pour les victimes de violence domestiques, les LGBTQI+, les sans-abris ou les sans-papiers.
    – L’arrêt immédiat de toutes les restrictions budgétaires, un plan d’investissements publics dans les soins et le social, élaboré démocratiquement.

    Extension massive du dépistage, collaboration dans le développement de vaccins

    – Si les équipements et le matériel sont insuffisants : réquisitions et nationalisation des sites de production pour y pourvoir.
    – Afin d’augmenter considérablement le nombre de tests, il faut un plan basé sur les connaissances et les possibilités scientifiques, et non sur les limites de la propriété privée des moyens de production.
    – Plaçons le secteur pharmaceutique entre les mains du public, abolition des brevets : coopération dans le développement de vaccins au lieu de la cupidité qui domine le secteur actuellement.

    Protégeons les travailleurs !

    – Arrêt de la production non essentielle afin de ne pas exposer les travailleurs au risque d’infection.
    – A travail essentiel, salaire essentiel : augmentation des salaires, en commençant par un salaire minimum de 14 euros de l’heure.
    – En cas de chômage temporaire : versement du salaire dans sa totalité par le patron (sauf si ce dernier peut démontrer que cela menace de provoquer la faillite de l’entreprise).
    – Soutien aux indépendants et petites entreprises en difficulté, sur base d’un besoin avéré.
    – Renforcement de la sécurité sociale et arrêt des cadeaux au patronat. La sécurité sociale est un droit : accès gratuit aux soins et à la protection.

    Des comités de crise sur tous les lieux de travail

    – Les travailleurs savent mieux que quiconque quelle protection est nécessaire sur leur lieu de travail ou quelle production n’est pas essentielle. Laissons-les décider des mesures nécessaires !
    – Instauration d’un comité de crise dans chaque lieu de travail comptant 20 travailleurs. Dans les entreprises où il existe un Comité pour la prévention et la protection au travail (CPPT), celui-ci peut servir de base au comité de crise, dans les entreprises de 20 à 50 salariés sans CPPT, le comité de crise peut être un tremplin vers des élections sociales obligatoires pour un CPPT. Ce comité de crise peut discuter et imposer des mesures. Nationalisation des entreprises qui refusent de mettre en place un tel comité de crise.
    – Les syndicats doivent lancer une campagne nationale avec des revendications et des propositions claires pour ne pas faire payer cette crise aux travailleurs ! Profitons du large soutien dont bénéficie, entre autres, le personnel de santé pour préparer la bataille pour obtenir plus de moyens !

    Pour une approche planifiée de la crise !

    – Des secteurs tels que l’agro-alimentaire ou le pharmaceutique ne peuvent être laissés à la cupidité privée.
    – L’énergie et les grandes entreprises agroalimentaires doivent être placées dans les mains du public dans le cadre d’une transition écologique vers une production durable.
    – Pour l’adaptation rapide de la production aux besoins et aux exigences de cette crise. Les sites de production doivent être mis en mains publiques afin de fournir, par exemple, suffisamment d’équipements médicaux, de biens de protection ou de tests.
    – Les décisions sur les éléments cruciaux de l’organisation de la société ne devraient pas être laissées à la discrétion des patrons : la majorité de la population devrait décider démocratiquement de la manière dont et de ce qui est produit.
    – Nationalisation des secteurs clés de l’économie sous contrôle et gestion des travailleurs et de la collectivité.

    Changeons de système maintenant ! Pour une alternative socialiste internationale !

    – Prenons l’argent là où il est : dans les paradis fiscaux et dans les poches des milliardaires!

    – En prenant les secteurs clés en main, la production inutile (par exemple les dépenses de défense) et le gaspillage peuvent faire place à une économie planifiée.

    – Ce sont les travailleurs qui font tout fonctionner, ils doivent pouvoir décider démocratiquement de ce qui est produit et comment !

    – Pour une société socialiste où la cupidité des ultra-riches est remplacée comme axe central de la société par une coopération et une solidarité internationales visant à satisfaire les besoins et les revendications de la majorité de la population.

  • Un autre monde est possible, une société socialiste est nécessaire !

    Le capitalisme est un système malade, il nous faut une autre société. Le principe du just-in-time ou flux tendu devenue la norme sous le capitalisme afin d’économiser sur les frais de stockage a fragilisé la chaîne d’approvisionnement de matériel sanitaire et de protection. Avec les intérêts commerciaux et économiques, la santé est reléguée au dernier plan. Nous ne pouvons pas laisser cette avidité organiser l’économie !

    • Ceci est une partie du programme plus global du PSL face à la crise du coronavirus auquel vous pouvez accéder en cliquant ici.

    Afin de permettre un contrôle et une gestion démocratiques de la production et de la distribution, nous devons assurer que les leviers économiques, les secteurs clés de l’économie, deviennent propriétés publiques, sous contrôle et gestion des travailleurs et de la collectivité. Les travailleurs qui produisent les richesses pourraient ainsi démocratiquement décider de la manière dont leurs connaissances pourraient être utilisées.

    Les possibles nationalisations évoquées en France ou en Italie sont des interventions de l’Etat visant à socialiser les pertes – en indemnisant totalement ou partiellement les patrons et à ensuite faire payer l’assainissement de l’activité par les travailleurs et la collectivité – pour ensuite les privatiser à nouveau. Il n’en a pas été autrement avec le sauvetage des banques après la crise de 2008.

    Nous avons besoin d’un autre type de nationalisation : des nationalisations qui protègent les travailleurs et leurs familles des conséquences de la recherche de profit, sans rachat ni indemnité sauf sur base de besoins prouvés.

    Grâce à cela, il serait possible d’élaborer une planification rationnelle de l’économie, reposant sur l’examen minutieux des ressources disponibles et de toutes les possibilités techniques actuelles, afin d’adapter l’économie aux besoins et exigences de la population dans le respect de la planète. Une telle approche permettrait d’éviter le gaspillage, les productions inutiles et l’obsolescence programmée tout en permettant une transition verte harmonieuse. Cela poserait les bases d’une autre société, une société socialiste démocratique, qui rendrait possible une véritable coopération internationale.

    Toutes les grandes institutions que sont l’Organisation mondiale du commerce, le Fonds monétaire international ou encore l’ONU n’ont cessé de démontrer au fil des ans qu’il s’agissait de constructions capitalistes dont le seul et unique but est de préserver la dictature des marchés. Il n’en va pas autrement de l’Union européenne, un projet capitaliste déjà vacillant et qui n’a offert aucun début de solution face à la propagation du virus ou pour l’assistance aux pays les plus touchés.

    Les populations des pays capitalistes développés et des pays du monde néocolonial sont laissées à leur sort, dans des conditions encore plus dramatiques dans ces derniers, car même le confinement s’y révèle impossible.

    Mais le propre des grandes crises est que les opinions y connaissent des évolutions fulgurantes. Alors que nous n’en sommes encore qu’au début, cette pandémie nous enseigne déjà quelle est l’extrême fragilité du capitalisme, quelle est l’importance du secteur public et quelle est l’importance d’une approche internationale. N’oublions pas non plus que nous venons de clôturer une année 2019 marquée par des soulèvements de masse aux quatre coins du monde. La colère sociale à la base de ces révoltes n’a pas disparu, elle sera même alimentée par la gestion meurtrière ce cette crise par les divers gouvernements capitalistes.

    La colère ne suffit toutefois pas à elle seule. Pour aboutir au changement dont nous avons absolument besoin, celle-ci doit être organisée et canalisée autour d’un programme et d’une stratégie orientée vers la prise du pouvoir par la classe des travailleurs, la seule force sociale capable de paralyser toute l’économie grâce à l’arme de la grève et qui est également en mesure de relancer celle-ci sur une autre base. Il serait ainsi possible de se débarrasser une bonne fois pour toute des parasites capitalistes qui se nourrissent de notre exploitation.

    Cela exige bien entendu de mener le combat de façon internationale. C’est pourquoi le PSL/LSP est affilié à Alternative Socialiste Internationale, un parti mondial organisé dans une trentaine de pays qui s’engage sur tous les continents dans la lutte pour reléguer dans les poubelles de l’histoire ce système capitaliste où l’élite compte son argent pendant que nous comptons nos morts. Si vous êtes d’accord avec ce document, nous vous invitons à nous rejoindre et à participer à ce combat titanesque qui est la seule issue hors de cette crise systémique.

     

  • Une réponse socialiste à la pandémie du Covid-19

    La protection et la santé au travail et dans la société en général sont des questions qui préoccupent le mouvement ouvrier en premier lieu. C’est au prix de durs combats que nous avons arraché la sécurité sociale, dont l’assurance maladie. Les travailleurs ont également défendu la prévention et la protection au travail et dans leur milieu de vie. Ces derniers mois, les jeunes et les travailleurs ont milité en faveur du climat, c’est-à-dire pour la protection de la santé des personnes et de la planète. Ci-dessous, cinq propositions pour faire face à la crise.

    Article de Geert Cool tiré de l’édition spéciale de Lutte Socialiste qui sera envoyé demain à nos abonnés.

    1/ Un plan d’investissements publics drastique dans les soins de santé

    Le taux de mortalité en raison du virus est de 2,6% en Italie, mais il atteint 3,9% dans les zones où les hôpitaux sont saturés. Un espace suffisant dans les hôpitaux est essentiel pour combattre le virus.

    Ces dernières années, le nombre de lits d’hôpitaux a fortement diminué en Belgique. Le progrès médical a permis de réduire le nombre de lits et de faire des économies. Alors qu’en 1990, il y avait encore 46.472 lits d’hôpitaux pour les admissions en soins intensifs, ce chiffre est tombé à 34.962 lits en 2019. Si les progrès de la médecine se traduisent en diminution des infrastructures, ils risquent de se transformer en pandémie.

    Après des années d’austérité, la pénurie de personnel se généralise dans le secteur des soins de santé. Un emploi dans ce secteur est peu attractif : bas salaires, pression au travail insoutenable, horaires décalés. La contestation récente dans plusieurs hôpitaux en réaction aux mauvaises conditions de travail n’est donc pas étonnante. Les patients souffrent de la politique de réduction des coûts imposée par Maggie De Block: les temps d’attente augmentent, le nombre de jours d’hospitalisation diminue, les soins et les médicaments sont de plus en plus chers.

    Les économies rendent la médecine préventive moins efficace. ‘‘Mieux vaut prévenir que guérir’’, dit le dicton, mais cela n’est possible qu’avec un système de soins de santé développé. Les économies réalisées sur la sécurité sociale doivent cesser, mais il faut aller au-delà et investir davantage.

    2/ Des travailleurs protégés à leur domicile avec un salaire complet et une prime de risque pour ceux qui doivent travailler

    Celles et ceux qui travaillent devraient avoir librement accès aux mesures de protection telles que les masques de protection. Si les entreprises qui produisent des masques prétendent qu’il n’y a plus de stock afin de faire grimper les prix, elles doivent être placées sous le contrôle des représentants élus de la population et du personnel de l’entreprise.

    Des mesures de protection sont indispensables en cas de danger sur le lieu de travail, mais il faut aussi prévoir des indemnisations. Par exemple une prime de risque pour le personnel de santé ou le personnel des transports publics, lorsqu’il y a contact avec le public et donc avec des personnes potentiellement infectées. Pour faire face à la fermeture des écoles, il faut réduire les heures de travail sans perte de salaire afin d’organiser la garde des enfants. Des recrutements supplémentaires doivent permettre d’y parvenir.

    Toute personne contrainte à ne pas travailler, en quarantaine ou malade, doit être protégée des soucis financiers. La maladie elle-même est déjà assez grave ! Ceux qui ne peuvent pas travailler en raison de la crise du coronavirus doivent être entièrement indemnisés. L’augmentation de l’allocation de chômage temporaire de 65 % à 70 % du salaire est une bonne chose, mais c’est insuffisant. Le salaire complet doit être versé ou remplacé par une allocation qui correspond à 100 % du salaire. Après tout, les loyers, les hypothèques ou le coût de la vie ne diminuent pas.

    Lorsque les écoles ferment, les parents doivent avoir la possibilité de s’occuper de leurs enfants à la maison, à moins qu’ils ne travaillent dans des secteurs essentiels tels que les soins ou la distribution de nourriture. Cela devrait être possible tout en conservant la totalité du salaire. Un plan doit être établi pour déterminer quels sont les secteurs essentiels et quels travailleurs peuvent être déployés à cette fin. Cela doit être fait par des comités d’experts en soins, organisés et gérés démocratiquement, par la collectivité locale et par les travailleurs du secteur concerné. Un soutien immédiat dans le secteur des soins avec un vaste programme de recrutement est nécessaire. Les personnes qui travaillent dans un secteur non essentiel et qui restent à la maison devraient également pouvoir temporairement aider le secteur des soins.

    Le personnel des secteurs essentiels devrait bénéficier d’une protection suffisante offerte gratuitement. Le contrôle de cette situation ne doit pas être laissé aux politiciens, aux patrons ou aux conseils d’administration. Ce sont les travailleurs eux-mêmes qui savent le mieux ce qu’il faut faire.

    Les petites entreprises ou les indépendants qui se retrouvent en difficulté à cause de cette crise doivent être indemnisés sur la base de besoins prouvés. Les travailleurs qui subissent des pertes en raison de l’annulation de vacances, de concerts ou d’autres activités doivent être indemnisés. Ce n’est pas aux travailleurs de payer pour cette crise.

    3/ Le secteur pharmaceutique et d’autres secteurs clés doivent devenir propriété publique

    Les entreprises pharmaceutiques cherchent chacune séparément un vaccin contre le coronavirus. Le développement d’un tel vaccin est important pour l’avenir, même s’il est peu probable qu’il y ait encore un vaccin utilisable cette année. Les différentes entreprises travaillent séparément car elles entendent transformer la percée en chiffre d’affaires pour elles-mêmes. C’est ainsi que fonctionne le secteur pharmaceutique, l’un des plus rentables au monde. Entre 2000 et 2018, 35 géants pharmaceutiques ont réalisé ensemble un bénéfice net de 1.900 milliards de dollars dans le monde ! Les marges bénéficiaires des entreprises pharmaceutiques sont bien supérieures à la moyenne, voire plus élevées que celles du secteur technologique. Des laboratoires privés proposent des tests de coronavirus à des prix exorbitants dans l’espoir de bénéficier de la crise.

    Il est scandaleux que l’une des plus grandes entreprises pharmaceutiques du pays, GSK, ait annoncé au début de l’année une restructuration qui pourrait coûter des centaines d’emplois. À un moment où le développement d’un vaccin est crucial, il est tout aussi important d’utiliser au maximum les connaissances disponibles. Cela montre également qu’il est problématique de laisser ce secteur vital à la soif de profits des grands actionnaires. Notre santé compte moins que leurs dividendes.

    L’ensemble du secteur doit être aux mains du public afin que les travailleurs et la population dans son ensemble puissent décider démocratiquement de de ce qui est produit et de quelle manière. Cela permettra de réduire les prix, d’éliminer les pénuries de médicaments et de rassembler les efforts pour développer de nouveaux vaccins.

    4/ Transparence démocratique et planification rationnelle

    Le manque de clarté, la méfiance justifiée envers les institutions établies et le sensationnalisme des médias dominants créent une certaine panique au sein de la population. Et la méfiance conduit à faire des réserves démesurées. Il est important que chacun ait accès à des informations fiables et scientifiquement fondées. Tout le contraire du fonctionnement actuel des médias. De plus, l’information ne sera considérée comme fiable que s’il y a une transparence démocratique.

    Les décisions sur les mesures nécessaires doivent être prises par des structures démocratiques de travailleurs, avec des représentants du mouvement ouvrier et de la population locale en consultation avec des experts médicaux. Dans les entreprises, les Comités pour la prévention et la protection au travail (CPPT) ont un rôle à jouer : la lutte contre la propagation du coronavirus fait partie de leur domaine.

    Mais il faut plus : l’ampleur de la crise rend nécessaire une approche planifiée. Dans le mouvement pour le climat, nous avons préconisé une planification rationnelle afin de permettre une réorientation de la production. Cela est nécessaire pour éviter le gaspillage, mais aussi pour réaliser une transition vers les énergies renouvelables. Il en va de même pour l’organisation de la production et de la distribution de produits vitaux tels que l’alimentation, les médicaments, les équipements de protection,… en temps de crise.

    Le principe du juste-in-time utilisé sous le capitalisme pour économiser sur les stocks rend la chaîne d’approvisionnement vulnérable. Les intérêts commerciaux et économiques placent la santé au second plan. Pieter Timmermans, de l’organisation patronale FEB, a commenté dans La Libre (13 mars) : “A mon avis, l’essentiel a été sauvegardé : la préservation de l’appareil de production et surtout de ceux qui travaillent dans les entreprises”. Lire : les bénéfices des actionnaires. Nous ne pouvons pas laisser l’organisation de l’économie à cette cupidité !

    Afin de permettre un contrôle et une gestion démocratiques de la production et de la distribution, nous devons assurer que les leviers économiques deviennent propriétés publiques. La nationalisation de secteurs clés de l’économie sous le contrôle démocratique de la collectivité doit poser les bases d’une planification rationnelle où les ressources disponibles seront adaptées aux besoins et aux exigences de la population.

    5/ Prendre l’argent là où il est

    C’est LA question qui se posera au lendemain de la crise du coronavirus : qui en paiera les conséquences ? Sur fond de crise boursière, liée à une récession de l’économie réelle, les capitalistes et leur personnel politique diront que l’argent manque. Ils diront que la collectivité doit continuer à soutenir les grandes entreprises pour qu’elles puissent investir, après quoi cela se répercutera sur la population. C’est faux. Nous l’avons constaté après la crise de 2008. Les cadeaux aux capitalistes ont été augmentés, tandis que la majorité de la population a été obligée de se serrer la ceinture. En Belgique, nous avons subi un saut d’index qui a réduit nos salaires réels, une augmentation de l’âge de la pension, des économies sur la sécurité sociale, etc.

    Immédiatement au début de la crise du coronavirus, les autorités ont annoncé qu’il y avait de l’argent pour les banques. Les entreprises ont obtenu, entre autres, un report du paiement de leurs cotisations à la sécurité sociale. Mais il n’est pas question de fonds supplémentaires pour nos salaires et nos soins de santé.

    Si cela ne dépendait que des patrons et de leurs pantins politiques, le coût de la crise serait répercuté sur les travailleurs et leur famille. Ils nous diront qu’augmenter les salaires est impossible et qu’il faudra nous serrer la ceinture, notamment en sabrant dans la sécurité sociale. Ils vont essayer de faire passer cela pour de la solidarité. La vérité est que le tax-shift à lui seul a créé un trou de 5,8 milliards d’euros dans la sécurité sociale. Toutes sortes de systèmes de prestations extra-légales, encouragés par le gouvernement par le biais, entre autres, d’un plafond obligatoire de normes salariales, ont également créé un trou de plusieurs milliards dans la sécurité sociale. Au lieu d’investir dans une meilleure protection sociale, qui ne s’avère pas être un luxe superflu dans cette crise, des milliards ont été donnés en cadeau aux grandes entreprises. Toutes les réductions de cotisations patronales à la sécurité sociale doivent cesser immédiatement. Nous exigeons le remboursement de ce qui a été pillé et l’imposition de contributions sociales pour faire face aux besoins. C’est grâce au combat acharné de la classe ouvrière que la sécurité sociale a été instaurée pour faire face à des crises comme celles d’aujourd’hui.

    Aller chercher l’argent là où il est exigera le même type de combat ! Les études d’Oxfam ont clairement illustré qu’un petit groupe richissime dispose d’une fortune sans précédent. Des milliards d’euros sont planqués dans les paradis fiscaux et des capitaux sont investis massivement dans des productions socialement inutiles, comme les dépenses militaires. Allons y chercher ce dont nous avons besoin ! Et pas en le demandant gentiment ! Nous devrons nous battre pour retirer les secteurs clés des mains des grands actionnaires et les placer sous propriété publique.

    En fin de compte, pour orienter les richesses et les moyens disponibles sur la satisfaction des besoins de la majorité de la population, il faut un changement de système. Le capitalisme est un système malade, nous avons besoin d’une société différente. Nous défendons un système de contrôle et de propriété publique démocratique des moyens de production afin qu’ils puissent être utilisés dans l’intérêt de la majorité de la population, une société socialiste démocratique.

  • Y’en a assez de cette société ! Réponse socialiste pour un urgent changement de système

    On n’oubliera pas de sitôt ces dizaines de milliers de jeunes grévistes pour le climat qui, des mois durant, ont notamment crié ‘‘system change, not climate change!’’ (‘‘changeons le système, pas le climat !’’) avec une colère mêlée d’espoir et d’angoisse. Nous sommes de plus en plus à en être convaincus: il n’y a plus de temps à perdre ! Le changement climatique est déjà là et nous n’avons qu’une petite fenêtre d’opportunité face à nous pour éviter la catastrophe totale. Alors il est urgent de comprendre ce que représente ce système, ce sur quoi il repose et comment il est possible de le renverser au plus vite.

    Dossier, par Nicolas Croes

    Le système capitaliste nous pousse à l’abîme

    Les rapports scientifiques et commentaires d’experts se suivent et se ressemble. S’ils divergent sur l’étendue de la gravité de la situation, ils s’accordent sur un point : les dix années à venir seront cruciales. En juin, l’ancien ministre français de l’environnement (2001-2002) Yves Cochet déclarait ‘‘L’humanité n’existera plus en tant qu’espèce en 2050’’. Au même moment, les scientifiques australiens du Breakthrough National Centre for Climate Restoration publiaient un rapport qui défend que ‘‘La planète et l’humanité auront atteint un point de non-retour à la moitié du siècle (…) sans une action radicale immédiate, nos perspectives sont faibles’’.

    En août 2018, une étude de la revue Proceedings of the National Academy of Sciences indiquait encore que la Terre se trouvait proche de son ‘‘point de rupture’’, avec une température pouvant se stabiliser à 4 ou 5 degrés Celsius supplémentaires par rapport à celles de l’ère préindustrielle. À l’ouverture de la COP24, en décembre 2018, David Attenborough (la voix des documentaires Planet Earth de la BBC) déclarait : “Si nous ne faisons rien, il faut s’attendre à l’effondrement de nos civilisations et à la disparition de la nature dans sa quasi-totalité.”

    Certains nuancent. Mais même une augmentation de 3 degrés – c’est-à-dire la perspective faisant l’objet du plus large accord si la tendance actuelle se confirme – signifierait une destruction des écosystèmes de l’Arctique et de l’Amazonie. Les sécheresses que cela impliquerait soumettraient la moitié de la population mondiale à vingt jours par an de ‘‘chaleur létale’’, c’est-à-dire à des vagues de chaleur mortelles similaires à celles qui ont causé des dizaines de morts en juin dernier au Nord de l’Inde. Il est impératif de réduire drastiquement les émissions pour garder le réchauffement climatique à 1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle et ainsi se prémunir des conséquences les plus dramatiques.

    Et s’il n’y avait que les émissions de gaz à effet de serre ! À rythme inchangé, il y aura plus de plastique que de poissons dans les océans en 2050! Aujourd’hui déjà, l’être humain absorbe environ cinq grammes de plastique par semaine, soit l’équivalent du poids d’une carte bancaire, selon le Fonds mondial pour la Nature (WWF). Chaque année, 600.000 tonnes de plastique sont rejetées dans la mer Méditerranée !

    L’eau est amenée à devenir un enjeu géopolitique, et nous savons très bien ce que cela signifie dans ce système où règnent les ‘‘guerres pour le pétrole’’ et le pillage néocolonial des ressources. En 2018, les guerres et les persécutions ont poussé 71 millions de personnes à fuir : jamais il n’y a eu autant de réfugiés et de déplacés à travers le monde que l’an dernier. Qu’en sera-t-il avec les profonds changements climatiques qui s’annoncent ? Si nous ne parvenons pas à inverser le cours des choses, la barbarie sera poussée jusqu’à de nouveaux sommets effroyables.

    Ni fatalité, ni résignation

    Ce futur apocalyptique n’est toutefois inévitable que si on l’accepte ! Prendre conscience qu’il faut changer les choses est un premier pas mais, sans perspective, il est facile de se laisser envahir par un profond sentiment d’impuissance (on parle aujourd’hui d’éco-anxiété) et les discours catastrophistes. Il n’est pas question d’embellir le constat, mais de l’analyser pour déterminer quelles sont les forces sociales capables de délivrer un changement concret et, sur cette base, de développer une stratégie pour arracher la victoire.

    Une chose est sûre : nous ne devons pas nous en remettre à ce qui a échoué jusqu’ici. Cela fait des décennies que les divers gouvernements se réunissent, palabrent, promettent, versent des larmes de crocodiles… et n’agissent pas, où alors pour balancer de la poudre aux yeux. Comment ne pas éclater de rage face au gouvernement canadien de Justin Trudeau qui a fait déclarer ‘‘l’urgence climatique’’ au parlement le 17 juin… et a approuvé une extension massive de l’exploitation du pétrole dans le pays le 18 juin, moins de 24 heures après ?!

    L’autorité de ces marionnettes politiques hypocrites soumises aux grandes entreprises disparaît à vue d’œil. Mais les préjugés qu’ils ont répandu des années durant ne s’évanouissent pas si facilement. Ces dernières décennies, le règne quasi sans partage de la pensée néolibérale a conduit à une forte individualisation dans la société. Si tellement de gens se sentent si mal face à l’état de l’environnement, c’est non seulement faute de stratégie globale, mais aussi parce que l’establishment – et certains écologistes aussi hélas – font tout pour les culpabiliser en accentuant que le problème, ce sont avant tout les comportements individuels.

    Quel magazine n’a pas publié de questionnaire sur l’empreinte écologique et l’impact sur la planète de nos habitudes alimentaires ou de transport? Systématiquement, cela débouche sur des recommandations personnalisées. Il n’y a aucun mal à réfléchir à sa consommation, mais un mode de vie n’est pas un mode de lutte. Il est impossible de combattre le réchauffement climatique simplement en recyclant nos déchets. Mettre l’accent sur le recyclage, c’est non seulement sous-estimer l’immensité du problème, mais également l’immensité du pouvoir que nous avons pour changer les choses.

    Le recyclage individuel tel qu’il est considéré aujourd’hui est d’ailleurs né de la campagne Keep America Beautiful lancée par Coca-Cola, d’autres géants de la boisson et Phillip Morris après le vote d’une loi interdisant la vente de boissons en emballages non réutilisables en 1953 dans le Vermont, aux Etats-Unis. L’objectif visé était de mettre pression sur les législateurs (la loi fut effectivement abrogée) et de convaincre le public que le problème, ce n’était pas la production et la vente, mais bien la consommation et l’utilisation.

    Nous sommes bien plus que des consommateurs, et le champ de nos actions dépasse de loin le cadre étroit du caddie d’un magasin. Présenter le capitalisme comme un simple choix de vie revient à culpabiliser l’individu au lieu de condamner le système, ce qui revient à faire un beau cadeau à ce dernier. Au final, tout est fait pour qu’il nous soit plus facile d’envisager l’effondrement de toute civilisation ou la fin de la planète plutôt que la fin du capitalisme.

    Un système qui repose sur le gaspillage

    En 2015, une série d’enquêtes journalistiques révélaient que les multinationales pétrolières avaient conclu que le réchauffement climatique était un risque réel à partir de 1977 déjà. Elles avaient donc décidé en toute connaissance de cause de dépenser des millions de dollars en relations publiques et lobbying pour convaincre les politiciens et le grand public que le réchauffement climatique n’existait pas ou qu’il s’agissait d’un phénomène naturel. De plus récentes études montrent que ces entreprises étaient au courant depuis 1954 au moins (date du rapport du géochimiste Harrison Brown à l’American Petroleum Institute).

    Récemment, ExxonMobil, Shell, Chevron, BP et Total ont reconnu leurs erreurs et annoncé leur soutien affiché à la maîtrise du réchauffement climatique. Mais, dans les faits, l’ONG InfluenceMap a révélé que ces géants du pétrole ont dépensé un milliard de dollars en lobbying visant à ‘‘étendre leurs opérations en matière d’énergies fossiles’’ depuis les Accords de Paris sur le Climat, en 2015 ! Ces entreprises sont capables de tout sacrifier – environnement, santé, droits des peuples indigènes,…- pour satisfaire l’avidité de leurs actionnaires.

    Ce ne serait que justice d’exproprier ces multinationales criminelles, il faut les empêcher de nuire. C’est là que se situe le problème fondamental : le capitalisme repose sur la propriété privée des moyens de production et d’échange ainsi que sur la concurrence dans le but d’accumuler du profit. C’est l’exploitation de la majorité au profit de la minorité possédante.

    Ce système entrave la technologie et ce qu’il est possible de faire pour le bien de la planète ou de l’humanité. C’est de toute évidence le cas au niveau des énergies renouvelables. Mais les moyens techniques actuels permettraient aussi, par exemple, de libérer l’être humain d’énormément de temps de travail. Au lieu d’augmenter le bien-être de chaque être humain, des masses de gens sont jetées dans la précarité. La seule manière d’assurer que le remplacement du travail manuel par la technologie puisse libérer les travailleurs sans atteindre leurs conditions de vie est la diminution du temps de travail sans perte de salaire et avec embauches compensatoires. Pour cela, il faudra posséder nous-mêmes les lieux de travail, les capitalistes n’accepteront jamais pareille atteinte à leurs bénéfices.

    Plutôt que d’être réinvesties dans la protection de l’environnement et le développement social, culturel ou technologique, les richesses sont stockées dans des paradis fiscaux et servent, par exemple, à spéculer sur le prix des denrées alimentaires ou bien dorment sur des comptes en banque pour générer des intérêts. Les investissements dans la technologie de guerre étant plus rentables que pour sauvegarder notre environnement, nous nous retrouvons avec des machines à tuer sophistiquées à la durée de vie certainement plus longue que les téléphones et autres outils du quotidien volontairement programmés pour ne fonctionner correctement qu’un court laps de temps.

    Ce fonctionnement est une pure aberration. Le fait que le résultat des recherches scientifiques faites par des entreprises privées ne soit pas collectivisé amène les entreprises concurrentes à refaire ces recherches avec le risque évident de refaire les erreurs de la première. C’est un gaspillage complet de temps, d’énergie et d’argent. Ce non-sens n’est justifiable que par la logique de profit et la concurrence du secteur privé. Cette logique agit comme un frein au progrès: retient des nouveaux brevets, refus de produire de nouveaux médicaments tant que les anciens stocks ne sont pas écoulés, production polluante car moins coûteuse, etc.

    Concentrer la colère vers les fondements du système

    Nous ne sommes pas que des consommateurs : nous sommes surtout des producteurs de richesses, c’est notre travail qui fait tourner l’économie. Cette force sociale, c’est la faiblesse du système capitaliste. La classe sociale dominante possède les moyens de production et les utilise comme bon lui semble, mais cette puissance peut être vaincue lorsque la classe des travailleurs se croise les bras et que plus rien ne tourne. Grâce à la grève, il nous est possible de bloquer l’économie toute entière. C’est une étape déterminante non seulement pour se rendre compte de notre force collective, mais aussi pour remettre en question la propriété de ces moyens de production. Les patrons ont besoin des travailleurs, mais les travailleurs n’ont pas besoin de patrons !

    Imaginons ce qu’il serait possible de faire si les secteurs stratégiques de l’économie tels que l’énergie et la finance étaient expropriés et placés dans les mains de la collectivité ! Que ne serait-il pas possible de réaliser en possédant ces moyens et en décidant démocratiquement de la manière de les gérer dans le cadre d’une planification rationnelle de la production !

    Ce système est à bout de souffle. Dix ans après la grande récession, une certaine reprise économique a eu lieu, essentiellement basée sur les ressources injectées dans l’économie par les autorités. Cela a contribué à creuser davantage le fossé entre riches et pauvres. L’élite au sommet de la société en a profité alors que la vaste majorité de la population a souffert de l’austérité. Mais aujourd’hui, l’économie mondiale est à nouveau au bord de la crise.

    Cependant, tout comme les aristocrates se sont accrochés au pouvoir alors que le féodalisme était obsolète face au nouveau système naissant, la bourgeoise – qui possède les moyens de production autant que les aristocrates possédaient les terres à l’époque – s’accroche au pouvoir malgré la preuve évidente que son système est dépassé. Des mouvements de masses menant directement à des révolutions ont été nécessaires pour arracher le pouvoir à la vieille aristocratie, il en ira de même pour arracher le pouvoir des mains des capitalistes.

    L’ère des mouvement de masse

    A la suite de la crise économique de 2007-8, des mouvements de masse exceptionnellement dynamiques ont eu lieu de par le monde, y compris de dimension révolutionnaire ou prérévolutionnaire comme ce fut le cas avec les révolutions de 2011 en Afrique du Nord et au Moyen-Orient ou avec les luttes des travailleurs grecs dans la période de 2010 à 2013. Ces luttes n’ont hélas pas réussi à conduire à un changement de système.

    En Egypte, en Syrie et en Libye, les révolutions se sont transformées en contre-révolutions ouvertes en raison de l’absence d’un parti révolutionnaire de masse capable d’orienter la colère à l’aide d’une stratégie claire et d’un programme visant à renverser tout le système et non pas seulement les dictateurs. En Grèce, le parti de gauche SYRIZA a capitulé une fois arrivé au pouvoir en 2015 faute de disposer d’un programme de rupture anticapitaliste et socialiste. C’est l’absence de partis révolutionnaires de masse qui a permis à la classe dirigeante de mener une contre-offensive à l’échelle mondiale et de faire payer aux masses populaires de la planète la crise que le système capitaliste avait lui-même créée.

    Mais en dépit de ces défaites, des dizaines de millions de travailleurs et de jeunes se sont radicalisés et sont à la recherche d’idées et de méthodes de lutte. La méthode de la grève a fait son retour sur le devant de la scène. En Belgique, le plan d’action syndical de 2014 a remis au goût du jour la grève générale politique, contre un gouvernement, et a popularisé l’idée d’un plan d’action. L’outil de la grève a également été saisi par le mouvement pour le climat à travers le monde sous l’impulsion de la jeunesse ou encore par le mouvement pour l’émancipation des femmes.

    Lors de ce mois de juin uniquement, alors que les mobilisations de masse se poursuivaient en dépit de la répression en Algérie ou au Soudan, le régime de droite du président brésilien Bolsonaro a fait face à une grève générale qui a mobilisé 45 millions de travailleurs. A Hong Kong, plus de deux millions de personnes (plus d’un quart des habitants !) se sont mobilisées contre une loi répressive et contre la soumission au régime de Pékin. En Suisse, 500.000 personnes ont participé aux mobilisations dans le cadre d’une grève féministe organisée par les syndicats.

    La colère est vaste et profonde. L’ingrédient crucial qui manque est une alternative politique de masse pour organiser la classe des travailleurs, les opprimés et les pauvres à l’échelle internationale autour d’un programme cohérent de transformation socialiste de la société. Nous sommes confrontés à un choix. Soit l’infime minorité parasitaire continue à piller la planète tout en continuant à s’enrichir en ruinant la vie de la grande majorité de la population. Soit nous parvenons à une société socialiste démocratique, qui ferait en sorte que toutes les ressources, les connaissances scientifiques et les capacités productives modernes soient mises au service de la société tout entière, et dans le respect de l’environnement.

  • Les dirigeants d’entreprises américains effrayés par les socialistes

    ‘‘Je suis un capitaliste, et même moi je pense que le capitalisme est brisé.’’ Tel était le message de Ray Dalio, responsable d’un des plus grands fonds spéculatifs au monde, Bridgewater Associates, dans un manifeste publié en avril de cette année. Dialo s’inquiète, comme tant d’autres dirigeants américains, des critiques croissantes contre le capitalisme. Il craint une ‘‘certaine forme de révolution’’. Ses déclarations font écho à d’autres. L’ancien directeur de la société financière BlackRock, Morris Pearl, défend ainsi que les riches payent plus d’impôts : ‘‘Étant donné le choix entre les fourches et les taxes, je choisis les taxes.’’

    Par Per-Ake Westerlund (Suède)

    Leur pire cauchemar

    ‘‘Le capitalisme tient les PDG éveillés la nuit’’, a titré le Financial Times pour résumer la situation. ‘‘Pourquoi les grands capitalistes américains semblent-ils si mal à l’aise aujourd’hui, dix ans après la crise financière mondiale, après avoir vu les marchés boursiers et les bénéfices atteindre de nouveaux sommets et avec un président républicain qui réduit l’imposition des entreprises et allège les réglementations fiscale à l’envi ?’’ a demandé le magazine.

    ‘‘La crainte est réelle qu’il soit désormais légitime de parler d’idées socialistes, de la gauche (…) et de l’étranglement de l’économie de marché’’, fut l’une des réponses. ‘‘Ce qui les effraie vraiment, ce sont les sondages qui montrent que les jeunes sont de plus en plus à l’aise avec le socialisme comme moyen d’organiser l’économie’’, a répondu Darren Walker de la Fondation Ford.

    Patrons et politiciens capitalistes, parmi lesquels Trump, sont préoccupés par l’atmosphère anticapitaliste, mais aussi par le soutien croisant au socialisme. L’hebdomadaire le plus important des capitalistes, The Economist, a publié un article indiquant que 51 % des jeunes de 18 à 29 ans ont une opinion positive du socialisme aux Etats-Unis. En janvier dernier, Trump a déclaré dans son discours annuel sur ‘‘L’état de l’Union’’ que les Etats-Unis ‘‘ne seront jamais un pays socialiste’’. En avril, lors du lancement de sa campagne électorale pour 2020, il a annoncé: ‘‘Nous allons faire la guerre à certains socialistes’’.

    La nouvelle atmosphère s’est clairement manifestée lorsque les dirigeants des grandes banques ont été interrogés par les politiciens à la Chambre des représentants. ‘‘Êtes-vous socialiste ou capitaliste’’, a demandé Roger Williams, républicain du Texas, aux dirigeants surpris de Citigroup, Goldman Sachs et d’autres. Les accusés ont vigoureusement défendu le capitalisme, mais il est remarquable que cette question ait été posée.

    Des salaires 1000 fois plus élevés

    L’atmosphère provenant ‘‘d’en bas’’ résulte de la politique néolibérale et de la crise capitaliste (sociale, environnementale, démocratique, etc.). Pour The Economist, ce sentiment opposé aux inégalités, à la dégradation de l’environnement et au régime antidémocratique de l’élite est grandissant.

    Les cadres supérieurs sont au centre du débat. Il y a 40 ans, le dirigeant d’une grande entreprise aux États-Unis gagnait 30 fois plus que le salaire médian d’un employé. Leur salaire est 254 fois plus élevé aujourd’hui ! Dix dirigeants gagnent même 1000 fois plus !

    Le capitalisme a survécu à la crise de 2008-09 en creusant de nouveaux déficits extrêmes et en bâtissant de nouvelles montagnes de dettes, en combinaison de mesures d’austérité sauvages contre les travailleurs et leurs familles. Les capitalistes et les grandes entreprises ont été ‘‘stimulés’’ et ont obtenu des profits encore plus juteux qu’auparavant. Les ‘‘faiblesses du système’’ qui devaient être corrigées ont été aggravées. La capacité du système à faire face à une nouvelle s’est détériorée.

    La classe ouvrière a été prise par surprise par la crise. Les dirigeants syndicaux se sont révélés totalement incapables d’organiser une lutte efficace. Mais un espace a grandi pour le développement des idées de gauche. Les capitalistes américains sont d’autant plus alarmés qu’ils connaissent le soutien populaire dont jouit Bernie Sander. Lors de la dernière campagne électorale, il a réuni derrière lui plus de suffrages parmi la jeunesse que Trump et Hillary Clinton réunis !

    Un vrai programme socialiste

    Bernie Sanders se définit socialiste. Il refuse l’argent des grandes entreprises et défend des systèmes gratuits de soins de santé et d’enseignement. Cela a fortement joué pour ce regain d’intérêt envers le socialisme. De plus en plus de politiciens du Parti Démocrate tentent de suivre ses traces, comme Alexandria Ocasio-Cortez. L’organisation DSA (Democratic Socialists of America) s’est très rapidement développée et a également obtenu des élus au conseil municipal de Chicago.

    The Economist exhorte les libéraux à s’opposer au socialisme. Pour le magazine, la moindre augmentation de taxe conduira à une fuite des capitaux. Cela illustre les faiblesses de propositions de réformes qui semblent raisonnables. Me très riche trio Bill Gates, Charlie Munger et Warren Buffett est arrivé à la même conclusion dans une récente interview télévisée consacrée au socialisme. Bill Gates a expliqué que les propositions de Sanders et Ocasio-Cortez ne sont pas socialistes, elles représentent un ‘‘capitalisme avec un certain niveau de taxation’’.

    L’évolution récente de la Suède – d’un modèle de réformes progressistes à des contre-réformes antisociales – souligne que si le pouvoir capitaliste et la propriété privée des moyens de production ne sont pas renversés pour donner naissance au socialisme démocratique, les capitalistes riposteront par des privatisations, des inégalités accrues et une dégradation du bien-être.

    Les nouveaux courants socialistes sont un signe de fraîcheur, mais ils doivent encore aller plus loin. Pour sauver le climat et satisfaire les besoins populaires en termes de logement, de salaires, de soins, d’éducation,… les grandes entreprises et les banques doivent être expropriées et placées sous le contrôle démocratique de la collectivité. Le risque que l’intérêt d’aujourd’hui pour le socialisme conduise à une telle évolution est ce qui effraie le plus les dirigeants des grosses entreprises.

    Et en Chine ?

    Une couche de jeunes est à la recherche de réponses socialistes pour les défis d’aujourd’hui en Chine également. Le régime de Pékin est au moins aussi inquiet que les patrons américains. Au cours de l’année écoulée, le régime a intensifié sa répression contre les jeunes marxistes, les féministes et les écologistes. Des jeunes sont emprisonnés, des sites Web fermés, des cercles étudiants interdits,…
    Après la grève notable de Jasic Technology (Shenzen) en 2018, où les travailleurs réclamaient le droit d’organiser leur syndicat, les travailleurs ont été battus, licenciés et arrêtés. Nombre de leurs soutiens ont été arrêtées. Une cinquantaine d’entre eux sont toujours aux arrêts.

    Ils sont qualifiés de maoïstes dans les médias, mais cette description est très superficielle. Ces jeunes se tournent vers le marxisme pour répondre aux inégalités grandissantes et en finir avec les conditions d’esclavage dans les usines chinoises. Aucun d’entre eux ne considère la Chine comme un pays socialiste ou communiste.

    Tout comme aux Etats-Unis, la radicalisation en cours n’en est encore qu’à ses débuts. Elle s’amplifiera avec de nouvelles luttes, mais aussi, en Chine, en réaction à la répression et aux ‘‘aveux’’ forcés.

  • Venezuela : Comment les choses ont-elles pu mal tourner ?

    Quand Chavez est arrivé au pouvoir au Venezuela en 1998, le pays était un symbole du renouveau des luttes contre le néolibéralisme. Ce fut aussi le premier pays ou l’idée du socialisme a été remise à l’ordre du jour. Mais aujourd’hui, 20 ans plus tard, le pays est plongé dans la crise. Environ 10% de la population a fui le régime tandis que l’inflation est vertigineuse et que les médicaments et la nourriture manquent. La droite, qui en règle générale n’a que faire du sort des pauvres, se frotte les mains : ‘‘Vous voulez le socialisme ? Allez au Venezuela !’’

    Des débuts prometteurs

    L’arrivée de Chavez au pouvoir constitua un développement positif important pour les masses vénézuéliennes. Entre 1998 et 2009, la pauvreté a diminué de 43%, le taux de mortalité infantile a baissé de 35% et l’espérance de vie moyenne a augmenté de presque 2 ans. La consommation d’aliments par personne a augmenté de 25%. Des efforts considérables ont été accomplis pour augmenter le nombre de personnes ayant accès à l’eau ou à l’énergie. Le chômage a diminué : de 11% en 1998, il passa à 16,8% en 2003 à cause du lock-out patronal, mais diminua jusqu’à 7,5% en 2009 en grande partie grâce à la création d’emplois dans le secteur public. Un million de personnes ont pu sortir de l’analphabétisme et des millions ont pu voir un médecin pour la première fois de leur vie.

    A ses débuts, Chavez ne parlait que de ‘‘capitalisme à visage humain’’. Pour la classe dominante et l’impérialisme américain, c’était déjà de trop. La perspective d’un changement pouvant faire tâche d’huile leur était insupportable. Les tentatives de déstabilisation du nouveau régime n’ont pas manqué, parmi lesquelles la tentative de coup d’État de 2002 et le ‘‘lock-out’’ patronal de 2002-2003. Les actes de sabotage économique n’ont pas manqué pour créer des pénuries tandis que la propagande médiatique tournait à plein régime contre le nouveau gouvernement.

    Une seule chose a mis en échec toutes ces manœuvres : la réaction spontanée des masses populaires. Cela a non seulement vaincu toutes ces tentatives de contre-révolution, mais cela a aussi donné un nouveau souffle au processus révolutionnaire. Poussé par les masses, Chavez a commencé à ouvertement parler de la nécessité de construire le ‘‘socialisme du 21ème siècle’’ (pour la première fois début 2005). Il a par la suite également lancé le Parti Socialiste Unifié du Venezuela (créé en 2006).

    La force des masses vénézuélienne et la grande augmentation du niveau de conscience de classe dans la société a tellement mis à mal le patronat vénézuélien et ses laquais politiques que beaucoup ont cru qu’ils avaient disparu à jamais. Mais le capitalisme n’ayant pas été vaincu, la menace de la contre-révolution était toujours présente.

    Le retour de la droite

    Si la droite est revenue sur l’échiquier politique et est même parvenue à gagner la sympathie de travailleurs dans les quartiers et les entreprises, c’est en raison des faiblesses et des erreurs de la gauche chaviste. La faute la plus grave étant de vouloir à tout prix faire des compromis et des alliances avec la bourgeoisie qui gardait en mains les rênes du pouvoir économique.

    Dans les faits, le ‘‘socialisme vénézuélien’’, c’est le capitalisme avec une politique d’accroissement de l’intervention étatique. En gros, on a assisté à des créations massives d’emplois dans le secteur public ainsi qu’à l’instauration de réformes sociales véritables sans véritable plan de transformation socialiste de la société. Même les ‘‘nationalisations’’ opérées par le gouvernement étaient plutôt des partenariats public-privé tandis que les ‘‘expropriations’’ n’étaient que rachats d’entreprises par l’État (à un prix souvent supérieur à la valeur réelle de l’entreprise).

    Faute de contrôle démocratique des travailleurs et des usagers sur le secteur public, l’extension du secteur étatique a vu l’essor d’une bureaucratie attachée à ses privilèges. Durant des années, celle-ci a cherché à empêcher la droite de revenir au pouvoir (la bureaucratie vivant sur le dos du mouvement chaviste) mais, de l’autre côté, elle repoussait toute forme de contrôle démocratique sur l’État ou la production, car cela menaçait sa position parasitaire. De plus en plus, la répression a frappé toutes formes de lutte ou de critique.

    Le pays dispose des plus importantes réserves de pétrole au monde. Les exportations pétrolières de la compagnie d’État PDVSA assurent 95% des exportations et 50% du PIB. Mais, la baisse du prix du pétrole a fait chuter les revenus de l’État et exploser le taux d’inflation. Les Vénézuéliens doivent faire la queue pour obtenir la plupart des produits de base de consommation (sucre, huile, médicaments, papier toilette…) et l’État doit pratiquer le rationnement. Le gel des prix a engendré un important marché noir. A cela s’ajoute encore les sanctions économiques des États-Unis.

    Ces derniers mois, le régime a appliqué de très dures coupes budgétaires et salariales et a licencié des milliers de travailleurs des entreprises publiques. Mais la victoire des forces réactionnaires de droite ne résoudra aucun problème des travailleurs. Bien au contraire ! Le putschiste Guaidó est tel un loup vêtu d’une peau d’agneau. Son programme est de permettre aux patrons de prendre leur revanche.
    Cette crise n’est pas celle du socialisme, c’est celle d’un modèle capitaliste instable où une caste de bureaucrates civils et militaires corrompus ont tout fait pour éviter que le processus révolutionnaire aille jusqu’au bout : jusqu’à l’instauration d’une économie démocratiquement planifiée où les secteurs stratégiques de l’économie sont retirés des mains du patronat pour servir la population.

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    [Socialisme 2019] “Venezuela : l’échec du réformisme, pas du socialisme”, atelier de discussion ce samedi 30 mars, de 13h30 à 15h30, lors du week-end Socialisme 2019.

  • Journée internationale de lutte pour les droits des femmes & lutte pour le socialisme

    Ce sont les ouvrières russes du textile qui, il y a 100 ans, le 8 mars 1917 ont donné le coup d’envoi à la révolution de Février. À l’occasion de la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes, elles sont descendues en masse manifester dans les rues de Saint-Pétersbourg aux abords des usines pour protester contre l’explosion des prix des denrées alimentaires en conséquence de la guerre. Ce fut le début d’une période de lutte intense qui se traduira par la prise du pouvoir par les soviets et la création du premier état ouvrier.

    Par Anja Deschoemacker et Liesje (Gand), article de 2017

    Cette révolution a eu un énorme écho international et a signifié un immense pas en avant pour le mouvement ouvrier. En ce qui concerne les conditions de vie et de travail des femmes, ce sont des pas de géants qui ont été réalisés. Les mesures prises il y a 100 ans ont représenté une amélioration fondamentale des conditions de vie des femmes (et des hommes). Ces réalisations sont, pour l’époque, phénoménales en comparaison de ce que les pays occidentaux dits “développés” avaient alors à offrir.

    Le jeune état ouvrier russe a légalisé le droit à l’avortement en 1920. Aux Pays-Bas, ce ne fut le cas qu’en 1981 et en Belgique en 1990. L’accès au divorce a été facilité et les droits qu’avaient les hommes mariés sur leur femme ont disparu. En Belgique, refuser des rapports sexuels au sein d’un couple marié a été longtemps considéré comme un non-respect des devoirs qu’impliquait le mariage. C’est seulement depuis 1989 que le viol au sein du mariage est officiellement reconnu et donc punissable. Le congé de maternité est introduit en Russie juste après la révolution alors qu’il a fallu attendre l’après-Seconde Guerre mondiale pour l’obtenir en Belgique. Le travail de nuit pour les enfants a été interdit alors que dans la même période les enfants étaient encore envoyés dans les mines en Belgique.

    Les acquis de la révolution russe sont donc énormes (cette énumération n’en est qu’une petite partie) et indiquent clairement ce qui est possible dans une société où la logique du profit cesse de prévaloir et où les richesses existantes sont utilisées pour répondre aux besoins de la majorité de la population. On peut aujourd’hui se demander : si cela a déjà été possible dans les conditions de développement de la Russie de 1917, qu’est-ce qui serait aujourd’hui possible si la science et la technologie, le développement économique et la richesse actuelle étaient mis au service de la majorité de la population et non pas pour répondre aux intérêts d’une élite toujours plus petite?!

    L’origine de la Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes

    La Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes trouve son origine dans une grève de travailleuses de l’industrie textile et du vêtement à New York, menée pour une journée de travail de 8 heures, pour de meilleures conditions de travail et pour le droit de vote des femmes, le 8 mars 1908. L’année suivante, un appel du Socialist Party américain a débouché sur une lutte de plusieurs semaines pour de meilleurs salaires et conditions de travail, dans laquelle 30?000 travailleuses ont été impliquées. Cette journée est restée longtemps un jour de fête et de lutte pour les organisations de femmes du mouvement ouvrier, même si la mobilisation s’affaiblissait d’année en année.

    De ce point de vue, l’histoire de l’origine de la Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes ressemble beaucoup à celle du 1er Mai. Tout comme celle-ci, elle célèbre des actions qui ont eu lieu aux États-Unis et qui ont été ensuite reprises internationalement par le mouvement ouvrier organisé. La première célébration internationale, celle qui a été en ce sens la première véritable Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes, date de 1911.

    La Journée de lutte pour les droits des Femmes du 8 mars 1917 fut cependant la plus tumultueuse et la plus enthousiasmante. Celle aussi qui a eu le plus de conséquences : elle annonçait le début de la Révolution russe. Ce n’est qu’en 1922, à l’appel de l’Internationale Communiste, que la journée a été fixée à une date qui s’est imposée à travers le monde : le 8 mars.

    Cette date trouve sa source dans la Russie du début du 20e siècle, une période où le capitalisme exigeait la participation active des femmes dans l’économie du pays. Chaque année, le nombre de femmes qui devaient travailler dans les usines et les ateliers ou comme domestiques augmentait. Les femmes travaillaient ensemble avec les hommes et elles créaient, de leurs mains, une partie de la richesse du pays. Pourtant, les femmes n’avaient pas le droit de vote.

    Les femmes ont lutté pour l’acceptation de leurs revendications au sein du mouvement ouvrier

    L’acceptation de la revendication du droit de vote des femmes n’était pas évidente dans l’Internationale Socialiste (aussi connue comme la Deuxième Internationale), tout comme ne l’était d’ailleurs pas l’ensemble de la lutte pour les droits des femmes. L’organisation en 1907 par Clara Zetkin et les femmes socialistes allemandes d’une Conférence internationale des Femmes Socialistes – la veille de la Conférence de la Deuxième internationale – a marqué les origines du mouvement de défense des droits des femmes au sein du mouvement socialiste. Une motion y est votée par laquelle les partis adhérents à la Deuxième Internationale s’engagent à lutter pour le droit de vote des hommes et des femmes.

    Clara Zetkin était une figure importante dans le parti socialiste allemand, une socialiste convaincue et une championne des droits des femmes, mais aussi une opposante déterminée au féminisme bourgeois. Lors de la réunion où a été décidée la mise sur pied de la Deuxième Internationale (1889), elle avait déjà argumenté que le socialisme ne pouvait pas exister sans les femmes, que les hommes devaient lutter ensemble avec les femmes pour les droits des femmes et que cette lutte faisait partie de la lutte des classes. La réponse peu encourageante qu’elle reçut l’a conduite à prendre l’initiative d’un mouvement socialiste des femmes, ayant pour but d’influencer les partis socialistes. Elle essaya d’acquérir et d’élargir cette influence avec le journal femme socialiste « Die Gleichheit », dont elle était rédactrice en chef.

    Mais, malgré l’acceptation de la résolution, l’enthousiasme pour le droit de vote des femmes était tiède dans la plupart des partis socialistes. Pour changer cela et pour impliquer davantage les femmes dans la lutte, la deuxième Conférence internationale des Femmes Socialistes (1910) a décidé de tenir chaque année une journée internationale de lutte pour les droits des femmes, une journée pendant laquelle on manifesterait, on ferait de la propagande,… En 1911, la Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes est célébrée en Allemagne, en Autriche, au Danemark, en Suisse et aux États-Unis. La liste des pays participants s’est allongée jusqu’à la Première Guerre mondiale.

    Cette guerre n’a pas seulement signifié un massacre, mais également la désintégration de la Deuxième Internationale. Le soutien à la guerre des différents partis socialistes – d’abord la social-démocratie allemande et ensuite tous les partis de la Deuxième Internationale – montre que, dans le cadre d’une analyse réformiste, le soutien à la bourgeoisie nationale avait pris le dessus sur l’internationalisme, sur le refus de laisser les travailleurs de “son” pays tirer sur ceux d’autres pays, et ce au seul bénéfice de leur propre bourgeoisie belliqueuse. Le seul parti qui est resté fidèle aux principes internationalistes du socialisme a été le Parti Ouvrier Social-Démocrate de Russie et en particulier son aile gauche majoritaire (les bolcheviks), sous la direction de Lénine et suivie dans cette voie par une partie de l’aile gauche de l’Internationale Socialiste (la Deuxième Internationale).

    L’organisation internationale des femmes a continué d’exister et s’est rangée dans le camp anti-guerre. Les femmes socialistes allemandes, au contraire de la direction du Parti Social-Démocrate allemand, ont aussi continué à mobiliser contre la guerre et contre la répression de l’État. En 1914 notamment, elles ont milité contre la guerre qui approchait à grands pas et contre l’arrestation de Rosa Luxembourg, qui participait avec Clara Zetkin à la direction des groupes de gauche au sein du SPD.

    Les protestations à l’occasion de la Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes ouvrent la voie à la Révolution de février en Russie

    Pendant la guerre, les femmes socialistes ont poursuivi les actions de protestation à l’occasion de la Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes, dont la date varie alors entre le 23 février et le 18 mars. Ces protestations étaient fortement centrées sur le manque de vivres et les prix élevés de la nourriture provoqués par la guerre ainsi que sur l’opposition à la guerre elle-même.

    C’est ainsi que les femmes socialistes italiennes de Turin ont diffusé une affiche, adressée aux femmes des quartiers ouvriers. L’arrière-plan de leur propagande, c’est alors l’augmentation générale des prix de la nourriture de base, comme la farine (dont le prix a grimpé de 88 % entre 1910 et janvier 1917) et les pommes de terre (+ 134 %). Ces affiches disaient : “N’avons-nous pas assez souffert à cause de cette guerre?? Maintenant la nourriture nécessaire à nos enfants commence aussi à disparaitre. (…) Nous crions : à bas les armes?! Nous faisons tous partie de la même famille. Nous voulons la paix. Nous devons montrer que les femmes peuvent protéger ceux qui dépendent d’elles.”

    Mais les protestations les plus spectaculaires ont eu lieu lors de la célébration de la Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes en 1917 en Russie. Sous la direction d’Alexandra Kollontaï, les femmes russes sont descendues dans les rues. Au centre de leurs préoccupations se trouvaient les conditions de vie qui continuaient à empirer. Le loyer d’un logement à Saint-Pétersbourg avait doublé entre 1905 et 1915. Les prix des produits alimentaires, surtout ceux de la farine et du pain, avaient augmenté de 80 à 120 % dans la plupart des villes européennes. Le prix d’une livre de pain de seigle, qui était la base de la nourriture des familles ouvrières de Saint-Pétersbourg, était monté de 3 kopecks en 1913 à 18 kopecks en 1916. Même le prix du savon avait augmenté de 245 %. Une spéculation énorme et un marché noir de la nourriture et de l’énergie se développaient à toute allure alors que les entreprises fermaient leurs portes les unes après les autres faute d’énergie. Les femmes et les hommes qui étaient licenciés partaient souvent en grève. En janvier et février 1917, plus d’un demi-million de travailleurs russes ont ainsi fait grève, surtout à Saint-Pétersbourg. Comme dans les autres pays impliqués dans la guerre, les femmes formaient une grande partie de ces travailleurs, vu que beaucoup d’hommes avaient été envoyés au front.

    À l’occasion de la Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes (le 23 février du calendrier russe correspond au 8 mars), des ouvrières ont organisé une manifestation passant le long des usines de Saint-Pétersbourg. Beaucoup de travailleurs des usines métallurgiques ont rejoint cette action. Le 25 février, deux jours après le début de l’insurrection des femmes, le Tsar a ordonné que l’armée tire sur les masses pour arrêter le mouvement. Ainsi a commencé la Révolution de Février, qui força le tsar à abdiquer le 12 mars. Le Gouvernement Provisoire qui est mis au pouvoir est le premier gouvernement d’une grande puissance à accorder le droit de vote aux femmes.

    Mais, pour le reste, ce gouvernement n’était pas du tout prêt à augmenter le niveau de vie de la majorité de la population et d’ailleurs en était incapable. Le Tsar était parti, mais les grands propriétaires fonciers et les capitalistes continuaient d’exploiter la grande partie de la population et d’accaparer les richesses. À côté de ce Gouvernement Provisoire, une autre force s’est cependant construite, les Conseils (soviets) de délégués élus des travailleurs, paysans et soldats. Ces Soviets sont entrés en concurrence avec le Gouvernement Provisoire sur la question centrale : qui va diriger le pays. De plus, le gouvernement refusait également de mettre fin à la guerre, une revendication qui gagnait toujours plus de soutien parmi les masses, en raison aussi de la campagne menée sans répit par les bolcheviks.

    Ce double pouvoir – d’un côté le Gouvernement Provisoire et de l’autre les soviets – ne pouvait pas durer longtemps. Lors de la Révolution d’Octobre, les Soviets, réunissant les représentants élus des masses laborieuses, ont répondu à l’appel des bolcheviks et ont pris le pouvoir. Ces événements ont fixé la date de la Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes en Russie et en Europe au 8 mars. En 1922, l’Internationale Communiste (ou Troisième Internationale), mise sur pied à l’initiative de Lénine et Trotsky, a fait de cette journée un jour férié communiste.

    La dégénérescence du mouvement communiste révolutionnaire coïncide avec celle de la Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes

    L’État ouvrier, arrivé au pouvoir par la Révolution d’Octobre, a donné aux femmes travailleuses des acquis dont les femmes en Occident ne pouvaient alors que rêver. À côté de l’égalité devant la loi, les femmes ont obtenu le droit au travail et à des régimes de travail spéciaux (diminution du temps de travail, interdiction du travail de nuit, congé de maternité,…) qui tenaient compte de la fonction sociale des mères en plus du travail hors de la maison. Et le jeune état ouvrier a aussi été le premier à prendre réellement ses responsabilités envers la majorité de la population sur le plan du logement et des services de base. Les richesses produites par la population ont été, pour la première fois, réellement utilisées pour servir les intérêts des masses par le biais d’une économie planifiée, qui avait au cœur de ses préoccupations les besoins des masses et qui également avait été élaborée dans une première période de manière démocratique à travers les soviets, les conseils des travailleurs, paysans et soldats.

    Mais le jeune État ouvrier a fait beaucoup plus encore. L’oppression des femmes est en effet un problème plus profond qu’une simple question de revenu et de salaire. Le droit à l’avortement, la possibilité de divorcer plus facilement, l’abolition des “droits” que les hommes avaient sur les femmes dans le mariage,… tout cela a fait partie des acquis des femmes de la classe ouvrière en Russie – des acquis que les femmes en occident ont dû attendre longtemps encore. Afin de stimuler et d’aider les femmes à sortir de leur foyer et à s’engager dans la société, un travail de formation à grande échelle a aussi été mis sur pied, au moyen de campagnes d’alphabétisation dans les zones rurales et d’un travail de formation pour élever le niveau culturel. Des femmes socialistes ont parcouru cet immense pays pour expliquer aux femmes les droits dont elles disposaient.

    Mais la Révolution Russe ne pouvait pas tenir debout et évoluer vers une société socialiste dans l’isolement total dans lequel se trouvait le pays après la défaite des mouvements révolutionnaires en Europe, et tout particulièrement en Allemagne. Ces défaites se sont succédé surtout à cause de la trahison des dirigeants des partis socialistes de la Deuxième Internationale. La société russe se heurtait à un manque de développement technique, à une arriération culturelle dans les vastes régions rurales,… et était en plus entraînée dans une guerre sans fin : les puissances capitalistes de l’extérieur faisant tout pour aider l’ancienne élite dirigeante russe à reprendre le pouvoir, en bloquant les relations commerciales, mais aussi en envoyant des troupes (les armées de 21 pays ont ainsi foncé à travers le territoire russe). La poursuite de la guerre imposée à la société russe a conduit à des famines dans différentes parties du pays.

    Le soutien – ouvert et concret – donné par tous les partis russes, excepté les bolcheviks, à la contre-révolution a conduit à une situation dans laquelle de plus en plus de partis ont été mis hors-la-loi. Cette période de “communisme de guerre” est toujours perçue, même aujourd’hui, par une série de partis communistes comme un “modèle” alors qu’il ne s’agissait que d’une adaptation à la guerre, concrète et nécessaire, imposée au jeune État ouvrier. Beaucoup de penseurs bourgeois mettent cela en avant pour montrer combien le “communisme” est “antidémocratique” – bien que dans les pays capitalistes la démocratie ait également été suspendue en temps de guerre et parfois d’une manière encore plus profonde qu’en Russie.

    Mais l’échec des révolutions en Europe occidentale et les difficultés économiques internes dans un pays détruit par la guerre ont fait qu’en Russie, une bureaucratie a pu concentrer dans ses mains toujours plus de pouvoir. Cette bureaucratie, sous la direction de Staline, a progressivement étranglé toute opposition et a remplacé le fonctionnement démocratique de l’économie planifiée par son propre pouvoir tout-puissant. Cette prise de pouvoir de la bureaucratie s’est marquée aussi à travers l’adaptation graduelle du programme du Parti Communiste russe envers les femmes, qui a glissé de plus en plus vers la glorification de la maternité et de la famille nucléaire dans laquelle la mère préoccupée du bien-être de la famille occupait la place centrale.

    Parallèlement, l’Internationale Communiste (la Troisième Internationale) est devenue partout dans le monde un instrument de cette bureaucratie russe, donnant chaque jour davantage la priorité aux intérêts de la politique extérieure de l’URSS sur les intérêts de la classe ouvrière dans le reste du monde. C’est ainsi qu’a commencé une longue chaîne de trahisons, débutant avec la première Révolution Chinoise dans les années ’20 (au cours de laquelle le Parti Communiste chinois a été forcé d’aider le Kouo-Min-Tang, le parti bourgeois nationaliste au pouvoir), se poursuivant avec la guerre civile espagnole en 1936-39 (au cours de laquelle le Parti Communiste espagnol a notamment utilisé son influence pour retirer leurs armes aux femmes ouvrières et les cantonner au rôle de cuisinières et d’infirmières dans l’armée), dans laquelle les intérêts des travailleurs et paysans espagnols ont reçu une importance bien moindre que les accords que Staline avait conclus avec différents pays capitalistes (ce qui a mené à la victoire de Franco) ou encore avec la Révolution Iranienne de 1979 (au cours de laquelle le Parti Communiste iranien a refusé de jouer un rôle indépendant et de diriger lui-même la lutte, a apporté son soutien à Khomeiny et a totalement abandonné les femmes iraniennes à leur sort. Dans ce cadre, la Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes a changé de nature dans les pays staliniens pour devenir une sorte de fête des Mères ou de Saint-Valentin, un jour où les femmes reçoivent des petits cadeaux et des fleurs.

    Relance de la lutte des femmes dans les années ‘60

    Dans le reste du monde, la Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes a été de plus en plus oubliée pour n’être reprise qu’à la fin des années ’60 par le nouveau mouvement féministe, ce qu’on a appelé la “deuxième vague” (après une “première vague” pour le droit de vote). C’est également la période durant laquelle d’autres mouvements d’émancipation, comme le mouvement pour les droits pour les homosexuels, a connu une forte poussée.

    Les années ’60 ont vu un grand afflux de femmes sur le marché du travail. Vu le chômage très bas, les femmes ont été stimulées à aller revendiquer leur place au travail. La nouvelle vague féministe s’est donc développée sur la base de ces conditions économiques favorables. En Belgique, la montée de ce mouvement a été annoncée par la grève des ouvrières de la FN d’Herstal sur la revendication “à travail égal, salaire égal”, qui a duré 12 semaines.

    Cette nouvelle vague féministe, qui a coïncidé avec le développement d’autres mouvements d’émancipation comme celui des homosexuels, avait comme objectifs d’obtenir l’indépendance économique, de rompre avec la répartition classique des rôles entre hommes et femmes, d’arracher la libération sexuelle, de casser le “plafond de verre” qui maintenait les femmes loin des hautes fonctions, y compris en politique. Dans beaucoup de pays, des acquis importants ont été obtenus grâce à cette lutte, entre autres sur les questions de la contraception et de l’avortement, de l’assouplissement des lois sur le divorce,… illustré par des slogans comme le très célèbre “maître de mon ventre” ou “le personnel est politique”.

    En termes légaux, la revendication “à travail égal, salaire égal” a été obtenue tout comme l’interdiction des discriminations professionnelles, mais sur on doit bien constater encore aujourd’hui que les salaires réels des femmes sont toujours en moyenne 25 % plus bas que ceux des hommes.

    La lutte n’est pas encore terminée

    Malgré les énormes acquis pour les femmes – l’accès à l’enseignement et au marché du travail, la légalisation de l’avortement, la facilitation des procédures de divorce, l’égalité devant la loi,… – obtenus par les luttes dans les pays capitalistes industrialisés, les problèmes ne sont pas fondamentalement résolus. Au contraire. Suite aux dizaines d’années de politique antisociale et néolibérale, un grand nombre d’acquis ont été rabotés. Et ceci touche les femmes très durement.

    Une partie d’une liste malheureusement longue :

    Un quart des femmes pensionnées ont droit à une pension de moins de 500 euros par mois. Le gouvernement Michel veut augmenter l’âge de la retraite de 65 à 67 ans d’ici 2030 et dans le même temps exige une carrière plus longue pour avoir droit à une pension complète. En 2017, il faudra une carrière de 41 ans, en 2019, de 42 ans. Les trois quarts des travailleuses (et un quart de la main-d’œuvre masculine) ne répondent pas à cette exigence de carrière. Ces mesures, auxquelles s’ajoute la suppression prévue d’un certain nombre de périodes assimilées (crédit temps, régimes de congé, chômage, études,…), aggraveront encore la situation déjà pénible des femmes au niveau des pensions.

    L’accès aux allocations d’insertion (les ex-allocations d’attente), qui avaient déjà été limitées à 3 ans par le gouvernement Di Rupo, a encore été restreint par le gouvernement Michel. Près de deux tiers des 40?000 chômeurs qui ont perdu leurs allocations de cette façon ou à qui elles ont été refusées sont des femmes, dont la moitié sont seules avec enfants. Le gouvernement Michel en a encore rajouté une couche en baissant les allocations complémentaires pour les travailleurs à temps partiel.

    Avec la loi Peeters, la demande croissante de flexibilité atteint son paroxysme. Si l’horaire d’une personne peut toujours être modifié 7 jours à l’avance, comment peut-elle encore par exemple prendre ses dispositions pour la prise en charge des enfants.

    Les coupes dans les services publics affectent doublement les femmes. Les femmes y sont surreprésentées et donc les premières victimes en tant que membres du personnel. De plus, à cause de la baisse des services, de plus en plus de tâches retombent sur les familles au lieu d’être prises en charge par la société. Et dans les ménages, les femmes prennent en charge en moyenne à 80 % des tâches ménagères.

    Nous appelons la double journée de travail, la combinaison des tâches ménagères et des soins avec le travail rémunéré. Beaucoup de femmes travaillent en dehors de la maison aujourd’hui et très peu de filles et de jeunes femmes se voient comme des futures femmes au foyer. Mais la société ne voit toujours pas les tâches ménagères et les soins – que ce soit pour les enfants, pour le mari et, à cause du coût élevé des maisons de repos combiné au faible montant des pensions, toujours plus aussi pour les parents âgés – comme des tâches sociales pour lesquelles il faut créer des services publics. Tout le poids repose dès lors sur les épaules des femmes qui subissent une double journée de travail. Cette double journée, dans la situation d’un marché du travail de plus en plus flexible, fait que beaucoup de femmes ne gagnent pas assez pour être indépendantes sur le plan financier.

    Ce manque d’indépendance financière fait que les femmes sont particulièrement vulnérables face à la violence. Même si elles veulent échapper à une relation violente, elles rencontrent plein d’obstacles sur leur route. Comment, avec les bas salaires que beaucoup de femmes subissent à cause du temps partiel, avec les titres-services et autres “petits boulots”, avec l’insécurité d’un contrat temporaire ou intérim,… trouver un nouveau logement et des revenus suffisants pour vivre, en particulier s’il y a des enfants??

    La violence contre les femmes est inhérente au capitalisme : elle fleurit sur la division et les préjugés entretenus envers les groupes spécifiques afin de diviser et de paralyser la majorité de la population qui est exploitée et opprimée par la bourgeoisie. Les femmes sont souvent confrontées au harcèlement sexuel dans l’espace public, dans les écoles et les lieux de travail, mais aussi à la violence physique et sexuelle dans leurs familles. Les préjugés envers les femmes font aussi qu’elles doivent souvent travailler bien plus dur pour être perçues comme égales aux hommes. Le sexisme installe des limitations très réelles dans la vie des femmes. Malgré les énormes pas en avant qui ont été faits et la plus grande liberté que les femmes ont aujourd’hui pour décider de leur vie, cette violence perdure.

    Une femme sur trois est confrontée un jour à la violence au cours de sa vie. En Belgique, une femme sur sept est victime de violence intrafamiliale grave et 68 % des femmes déclarent avoir un jour été victimes de violence physique ou sexuelle. Environ 70 % des femmes victimes de meurtre ont été tuées par leur partenaire. 8,9 % des femmes ont déjà été victimes avant leurs 18 ans de contact ou de relations sexuelles forcés.

    De nouvelles formes d’oppression sont aussi apparues, ou plus exactement de vieilles formes sous une nouvelle apparence. La croissance de l’internet a été utilisée par la mafia du sexe pour assurer un élargissement jamais vu de l’industrie du sexe – le porno est un des plus grands secteurs sur internet. On voit aussi une évolution vers du porno de plus en plus dur, vers la pornographie enfantine. Le porno est présent partout aujourd’hui et diverses études ont montré que cela exerce une pression sérieuse sur les jeunes femmes, en particulier sur le plan de leurs “prestations” sexuelles. Ces études ont montré que, dans 97 % du matériel pornographique, les relations entre les sexes reposent sur l’obéissance et la soumission des femmes. La plus grande partie du matériel porno déborde de clichés du genre “les femmes veulent dire oui quand elles disent non”, etc.

    Pour beaucoup de jeunes femmes qui atterrissent dans cette industrie du porno, faire des photos est une manière rapide de se faire un peu d’argent, mais cela s’avère aussi souvent être un tremplin vers la prostitution.

    Dans la société, le point de départ dans le débat au sujet de la prostitution c’est souvent la notion de ‘choix’. Cependant pour la plupart de ces filles, il n’est aucunement question de choix. Leurs ‘choix’ sont limités par la nature restreinte du capitalisme en crise. Une enquête récente dans neuf pays indique que 60 % des prostituées travaillent dans des conditions d’esclavage, que 38 % disent ne pas avoir d’autre choix en raison de la pauvreté, du racisme, du manque de possibilités et du sexisme. Seulement 2 % des prostituées interrogées pensent qu’elles peuvent arrêter cette activité à tout moment.

    Les médias grand public mettent en avant volontiers les compagnies d’escortes qui offrent de la prostitution de luxe afin de démontrer que la prostitution serait un choix. La réalité est différente. Les prostituées de luxe ne représentent qu’une petite minorité. Beaucoup de personnes qui atterrissent dans la prostitution n’ont aucune autre ‘solution’ pour survivre. Il s’agit entre autres des sans-papiers ou des personnes restées sur la touche et qui n’ont aucune source de revenus.

    En affirmant que “la prostitution est un droit humain”, Amnesty International se joint à un nombre croissant d’institutions, de personnalités publiques et même d’États qui sont mis sous pression afin de faire de l’industrie du sexe un secteur comme les autres. Une organisation des droits de l’Homme qui présente la prostitution comme faisant partie des droits de l’Homme fait naître l’illusion que la prostitution sans exploitation est possible. En fait, la position d’Amnesty International revient à dire que les hommes – ce sont en effet presque toujours des hommes qui font appel à des prostituées – ont le droit d’acheter du sexe et qu’un commerce basé sur l’oppression des femmes ne pose aucun problème. Des études menées aux Pays-Bas et en Allemagne indiquent que ceux qui font des bénéfices sur base de la vente du corps des autres – les proxénètes donc – bénéficient de la légalisation de l’industrie du sexe. La traite des personnes a même augmenté dans ces pays. La plupart des prostituées vivent encore toujours dans l’illégalité et sont vulnérables à la violence sexuelle et physique en plus des autres formes d’abus.

    Plutôt que de voir la prostitution comme un «droit de l’Homme», la nécessité de se prostituer pour de nombreuses femmes est entraînée selon nous par les manques de droits sociaux comme le droit au travail, des salaires et des allocations décents et le droit à une vie sans pauvreté. Le chômage élevé, les bas salaires et allocations, le coût élevé du logement, des soins et des services … font tout simplement que beaucoup de femmes atterrissent dans la prostitution. Et également de plus en plus d’hommes, surtout les hommes appartenant à des groupes défavorisés tels que les sans-papiers, atterrissent dans la prostitution, principalement la prostitution homosexuelle. Cela reflète la façon dont, dans la société, des couches toujours plus larges – aussi au-delà des couches traditionnellement défavorisées – atteignent une situation où leurs possibilités de faire des choix sont de plus en plus limitées.

    La prostitution n’est pas une question de “choix”, mais d’un manque de choix?! ROSA défend les droits des femmes – et des hommes – et lutte contre la criminalisation de la prostitution, ce qui a comme seul effet de pousser ce secteur à travailler encore plus “underground” et à rendre la situation des prostituées encore plus difficile. Mais pour défendre les droits des femmes, nous devons surtout, en plus de la lutte contre la criminalisation, mener une lutte pour un programme social qui offre des possibilités pour les personnes qui se prostituent de quitter la prostitution, même pour celles sans-papier . Les enquêtes réalisées à travers le monde montrent déjà que c’est ce que la majorité d’entre elles veulent.

    Nécessité d’une nouvelle Journée internationale de lutte pour les droits des femmes combative dans le cadre de la lutte pour le socialisme

    La lutte des générations précédentes pour plus d’indépendance, de liberté et d’égalité a débouché sur de nombreux acquis. Cependant, nous voyons que le capitalisme est capable de convertir tout progrès à son propre avantage et d’en faire une source de profit. Dans une société où la logique du profit continue de prévaloir, aucun acquis ne sera définitif.

    Pour arriver à un changement réel de la situation des femmes et des hommes, nous avons besoin d’une société qui fait disparaitre les bases matérielles de l’oppression. La lutte pour l’émancipation d’un groupe opprimé doit être menée par l’ensemble de la classe ouvrière. Quand celle-ci se mettra massivement en action, elle devra tirer avec elle tous les groupes opprimés. C’est ce qui s’est passé au cours de la Révolution russe. Les hommes et les femmes de la classe ouvrière ne peuvent pas se laisser diviser, mais doivent s’unir dans leur lutte pour une société dans laquelle ils y gagnent tous.

    Nous voyons dans le monde entier des femmes qui se révoltent contre la réalité quotidienne. Aux États-Unis, il y a des manifestations massives contre les déclarations sexistes de Trump. Les femmes polonaises et irlandaises luttent pour mettre fin à l’interdiction de l’avortement. En Islande, les femmes ont fait grève contre l’écart salarial. En Belgique ces dernières années, les femmes sont principalement descendues dans les rues lors des mobilisations syndicales et elles étaient massivement représentées lors des actions contre les coupes budgétaires dans le secteur non marchand.

    Le nombre de femmes et de jeunes filles qui veulent dénoncer et combattre le sexisme augmente à nouveau. Il y a un sentiment de “c’en est assez” et le mouvement féministe connait un nouvel élan. Il y a un rejet radical et marqué de toute forme de subordination et de sexisme. La volonté de s’engager dans la lutte s’accroît. Nous appelons à faire à nouveau de la Journée internationale pour les droits des femmes une journée de résistance des masses.

    Nous de luttons pas pour que plus de femmes occupent des postes élevés, telles que la PDG de Proximus, Dominique Leroy, ou la présidente de l’organisation patronale (la FEB), Michèle Sioen, et qu’elles appliquent ensuite la même politique que leurs homologues masculins, c’est-à-dire défendre les intérêts de la classe capitaliste au détriment de millions de travailleurs et travailleuses. Leur objectif et ceux de leur classe sociale ont été clairement expliqués dans un article de ‘De Tijd’, le 31 décembre 2016. Elles font pression sur le gouvernement pour qu’il mette le paquet pour une énième réduction d’impôt pour les entreprises, ce qui mènera indubitablement à des coupes supplémentaires dans la sécurité sociale, avec toutes les conséquences que cela comporte pour la vie de milliers de femmes et de leur famille. Nous n’avons justement pas besoin de telles figures emblématiques, qu’elles soient femmes ou non?! Ainsi, il est apparu que Sanders, d’inspiration socialiste, était beaucoup plus populaire auprès des femmes que Clinton, la candidate pro-Wallstreet. Cela montre que ce genre de politiques identitaires longtemps en vogue n’est pas la voie à suivre.

    La place des femmes est dans la lutte contre l’oppression, le sexisme et les économies sans fin que le capitalisme nous impose et qui rendent la vie de la plupart des femmes toujours plus difficile. C’est une lutte pour un programme et un parti qui pourrait libérer la classe entière, les hommes et les femmes, de toutes les formes d’oppressions et de discriminations. Une lutte pour un programme de transformation socialiste de la société?!

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