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Tag: Secteur pharmaceutique
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Multinationales pharmaceutiques. La Bourse au détriment de la vie

Après deux ans d’épidémie et un an de vaccination, le capitalisme n’offre pas d’issue sérieuse. Nous ne sommes plus au Moyen Âge : les technologies, le savoir et les moyens de communication devraient nous permettre d’en finir avec cette pandémie. Qu’est-ce qui nous en empêche ? L’économie de marché reposant sur la propriété privée des moyens de production. Le capitalisme, en bref.
Par Julien (Bruxelles)
Au lieu de mobiliser les ressources existantes pour assurer la vaccination la plus rapide et efficace possible sur toute la planète, les actionnaires préfèrent planquer le savoir derrière des brevets. C’est bien facile d’accuser les non-vaccinés, ça permet de passer sous silence que l’émergence de nouveau variant est avant tout liée à la pénurie de doses pour les pays néocoloniaux, incapables de mettre autant d’argent sur la table que l’Union européenne ou les États-Unis (le variant Delta est d’ailleurs né en Inde et l’Omicron en Afrique). Selon l’OMS, fin novembre 2021, les pays à faibles revenus n’avaient reçu que 0,6 % des doses fabriquées dans le monde !
« Ne jamais gaspiller une bonne crise »Selon une étude du projet AccessIBSA (qui vise à améliorer l’accès aux médicaments en Afrique du Sud, au Brésil et en Inde), plus de 120 entreprises en Afrique, en Amérique latine et en Asie disposent de la capacité de fabriquer des vaccins à ARN-m. Elles pourraient le faire en ayant accès aux recettes technologiques et aux licences de Pfizer et Moderna. Il y a quelques mois, Joe Biden avait ouvert, d’une certaine manière, le débat sur la levée des brevets. Entre-temps, les vaccins contre le coronavirus ont permis aux actionnaires de s’en mettre plein les poches. D’un côté, cela alimente la méfiance envers les multinationales, qui rejaillit sur le principe de la vaccination. De l’autre, cela empêche toute campagne offensive de lutte contre la maladie en limitant les possibilités de production.
Autre manne de billets : les tests de dépistages. Eurofins, le numéro un mondial des analyses biologiques, entré en septembre dernier au sein du CAC40 (le principal indice boursier de la Bourse de Paris). L’entreprise réalise 60.000 tests PCR par jour en France. Sur les 9 premiers mois de 2021, la multinationale a réalisé un chiffre d’affaires de 5 milliards d’euros (dont un milliard uniquement dû au covid). Il ne faut jamais gaspiller une bonne crise disait Winston Churchill. Les actionnaires l’ont bien compris.
Selon AccessIBSA, si les brevets sautent et que les plus de 120 entreprises du monde néocolonial susmentionnées s’engageaient immédiatement dans la production, la population mondiale pourrait être vaccinée en 6 mois. Et encore, ce calcul ne tient pas compte des autres géants du secteur pharmaceutique qui ne produisent pas de vaccins contre le corona. Pour défendre sa cause, AccessIBSA fait remarquer à juste titre que ces vaccins ont largement été financés par les moyens publics : à hauteur de 500 millions de dollars du gouvernement allemand pour BioNTech et de plus d’un milliard du gouvernement états-unien vers Moderna par exemple. Cette estimation de 6 mois est toutefois peut-être légèrement optimiste en considération des diverses pénuries, notamment dans le secteur pharmaceutique, qui ont explosé avec la crise du coronavirus.
Cette étude a l’immense mérite de donner un aperçu de ce qui serait possible dans une société débarrassée du profit. Aujourd’hui, même si les brevets disparaissaient pour les vaccins sous pression d’une lutte intense, les multinationales récupéreraient les sommes perdues sur d’autres médicaments. On n’apprend pas à un tigre à devenir végétarien. Dans cette société capitaliste, bien que l’humanité soit matériellement bien capable de sortir rapidement de la pandémie, les actionnaires sont tels ces personnages du film Dont Look Up qui observent une comète foncer sur la Terre et ne voient pas plus loin que leur bout de leurs comptes en banques. Comme Marx le disait : «Ce sont généralement les capitalistes les plus inutiles et les plus misérables qui tirent le plus grand profit de tous les nouveaux développements du travail universel de l’esprit humain et de leur application sociale par le travail combiné.» Une fois de plus, l’Histoire lui donne raison.
La levée des brevets sur les vaccins contre le coronavirus représenterait une certaine avancée, c’est certain. Mais il nous faudra cependant bien plus pour en finir avec l’épidémie, notamment en investissant massivement dans les soins de santé et dans l’enseignement. Le PSL/LSP défend la mise sous propriété publique sous contrôle et gestion démocratiques l’entièreté du secteur pharmaceutique, de même que des secteurs-clés de l’économie, pour organiser la production sur une base démocratiquement planifiée. Cela permettrait de répondre aux besoins sociaux et environnementaux du moment tout en ayant une perspective à plus long terme.
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GSK : Les travailleurs font plier la multinationale

Début juin, la direction de GSK (l’un des dix géants de l’industrie pharmaceutique mondiale) annonçait unilatéralement la suppression et le remplacement du système de prime de production qui avait cours depuis des années. Ce système est largement favorable au sommet de la hiérarchie (celle-là même qui a cumulé les mauvaises décisions pendant toute cette dernière période), mais sa suppression représente une perte de plus de 1.000€ par an pour les travailleurs. Après 11 jours de grève et de blocage, la direction s’est vue contrainte de revenir sur sa décision. Sans la solidarité et l’unité du personnel, cela aurait été impossible.
Par un travailleur du secteur
Ces deux dernières années ont été riches en agressions patronales. Le licenciement de près de 1.000 personnes a été annoncé sur fond de délocalisation de la production, de robotisation, d’externalisation et de précarisation de l’emploi. Ajoutons aussi la conclusion du nouvel Accord interprofessionnel (AIP), largement défavorable aux travailleurs. La colère était donc déjà bien palpable avant cette nouvelle attaque contre des travailleurs considérés comme « essentiels » il y a un an à peine. La grève fut donc décidée à la suite de diverses assemblées du personnel le 8 juin. L’idée était alors de bloquer un bâtiment par jour.
Dans une lettre au personnel, le 10 juin, Patrick Florent, Administrateur-délégué de GSK, rappelait que « notre politique de rémunération reste assurément parmi les plus attractives en Belgique. » Mais ce sont les travailleurs qui créent la richesse. Le secteur pharmaceutique – et celui des vaccins en particulier – est une véritable mine d’or pour les actionnaires. La Fédération des Entreprises de Belgique (FEB) et d’autres parlent souvent des travailleurs du secteur comme des « privilégiés ». La vérité, c’est que des secteurs entiers ont été poussés dans la précarité et que les actionnaires du secteur pharmaceutique gagnent plus que l’ensemble des travailleurs de celui-ci !
La solidarité, ça marche !
La direction ne s’attendait probablement pas à ce que la grève soit si suivie. La solidarité était totale, tant au niveau du front commun syndical qu’entre statuts. Les travailleurs des bâtiments non-bloqués passaient régulièrement devant le bâtiment bloqué pour soutenir leurs collègues. Dans la pratique, il suffisait que les délégués montrent le bout de leur nez pour que le personnel se mette en grève. On comptait sur les doigts d’une main ceux qui essayaient timidement (et sans succès) de passer à travers le piquet.
Le 15 juin, Patrick Florent déclarait à la RTBF « On est quand même dans une situation où il y a pas mal d’activités qui sont perturbées ou arrêtées. Et tout ça a une conséquence très claire, c’est que des vaccins ne sont pas fabriqués, libérés et envoyés dans des pays qui en ont besoin. Donc ces actions ont un impact sur les soins de santé. Et ça, c’est déplorable, surtout quand il y a quelque chose sur la table. Je suis vraiment très chagriné par ça. » Des larmes de crocodile ! Pour les actionnaires, la santé n’est qu’un bussiness. Un hôpital, une usine de vaccins, ce n’est qu’une source de profits à leurs yeux. Les malades et leurs familles ne deviennent soudainement des préoccupations qu’à partir où les travailleurs du secteur osent remettre en cause les diktats de la direction.
Celle-ci adore raconter les contes de fées selon lesquels direction et travailleurs sont « une seule équipe » au bénéfice des patients. Elle se plaint d’avoir été parmi les victimes de la pandémie. Mais GSK a réalisé l’an dernier un bénéfice net de 1,7 milliards € ! Et il a fallu que la production de sa poule aux œufs d’or, le vaccin Shinrix (contre le zona), soit bloquée pour que la direction accepte le dialogue.
Une victoire sur laquelle construire
Une telle grève chez le plus grand employeur privé de Wallonie n’était pas du tout gagnée d’avance. Lors des assemblées du 8 juin, beaucoup de jeunes travailleurs étaient présents. Des centaines de collègues n’ont pas hésité à perdre des jours de salaire pour défendre leurs droits. Mais de nombreux défis attendent encore les travailleurs. Il y a quelques mois, le fond vautour Elliott Management devenait actionnaire de GSK. De nouvelles attaques pointent à l’horizon et la direction sait maintenant à quoi s’en tenir.
Ici, seuls les délégués étaient réellement appelés à participer aux blocages, de 5h à 22h, et l’épuisement s’est rapidement fait sentir. Il faudra à l’avenir veiller à élargir la participation aux piquets et ne pas simplement proposer aux collègues de rentrer chez eux. En voyant 300, 500 ou 1.000 travailleurs réunis chaque jour, la direction n’aurait surement pas attendu aussi longtemps avant de répondre aux revendications. Cela permettrait également de libérer du temps aux délégués, notamment pour organiser des assemblées régulières où chaque collègue pourrait s’exprimer. C’est aussi très important pour réunir auprès des délégués les travailleurs les plus motivés pour renforcer l’impact des délégations syndicales.
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GSK : les travailleurs se mobilisent face aux menaces de délocalisation et de suppression d’emploi

Ce mardi 2 mars 2021, le personnel de GSK s’est mit en grève à Wavre et à Rixensart. A l’origine de cela, une série d’offensives de la part de la direction : gestion des CDD, utilisation illégale de caméra, préparation de la délocalisation d’une partie de la production et enfin l’Accord interprofessionnel (AIP). La FGTB a appelé à des assemblées sur les deux principaux sites et le débrayage a suivi la première assemblée.
Cette grève fait suite à une semaine de grève dans un des bâtiments concernant leurs collègues qui multiplient les CDD sans perspectives d’obtenir une CDI. Les CDD se suivent, obligeant les collègues en CDI à former en permanence des nouveaux. 17 % des ouvriers de GSK sont embauchés sous ce type de contrat précaire. Depuis l’annonce de restructuration il y a un an, la direction avait annoncé qu’elle bloquerait les offres de CDI, en particulier pour le personnel logistique, indépendamment des besoins dans les équipes. La solidarité s’est rapidement étendue dans les autres bâtiments et a permis de préparer le personnel à se mobiliser.
Un autre point qui fâche, c’est l’utilisation abusive de caméra. Plus de 1000 sont déjà utilisées. Il y a quelques semaines, des chefs ont utilisés des lunettes-caméra au mépris des lois et du règlement de travail, sans dire si les images sont enregistrées ni préciser qui les regarde.
Fin février, GSK a aussi annoncé qu’elle envisageait de délocaliser la production du vaccin contre l’hépatite B vers Singapour. Une étude est aussi en court pour délocaliser l’animalerie en Italie, mettant de fait à l’arrêt les études précliniques sur les sites belges. Sur les 3 dernières années, 6 vaccins ont déjà été délocalisés. GSK réplique en évoquant 600 millions d’investissements sur les sites belges mais cela permet juste d’entretenir les bâtiments. GSK entend même développer la robotisation, le matériel à usage unique (du matériel jeté après usage, ne nécessitant plus de nettoyage, de stérilisation, de maintenance…) et envisage d’étendre l’externalisation.
Le risque d’un deuxième plan Renault dans les années à venir plane au dessus du personnel. Cette première action a permis d’illustrer le potentiel. Mais face à une hiérarchie obstinée, cela ne sera pas suffisant. Une bonne stratégie doit permettre d’unifier des couches plus larges de travailleurs. Chaque assemblée devrait évaluer l’évolution des négociations avec la direction et organiser un plan de bataille crescendo : grève de 24h une semaine, 48h la suivante, 72h après,… La solidarité pourrait aussi s’étendre à d’autres entreprises en restructuration comme Sodexo (qui est implanté sur les sites GSK belges) qui a connu une restructuration récemment ou Pfizer-Zaventem qui a licencié il y a quelques jours 15 % de son personnel.
Le PSL appelle à la nationalisation de GSK sous contrôle et gestion démocratiques de la collectivité, sans rachat ni indemnités. Cela est nécessaire non seulement pour sauver l’emploi, mais aussi pour orienter la production selon les besoins de la population et non en fonction de la soif de profits.
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La crise sanitaire fait voler en éclat la doctrine libérale… Même Gwendolyn Rutten l’admet !

Fin janvier, Gwendolyn Rutten, ancienne présidente de l’Open VLD, a déclaré que “Les vaccins contre le Covid-19 devraient être un bien public. Pas de brevets, pas de monopoles. Au lieu de diviser les sociétés: partager le savoir, l’ouvrir, le rendre meilleur. L’ouverture comme réponse aux frustrations, aux confinements et au coût en vies humaines.” Visiblement, l’orthodoxie néo-libérale commence à être difficile à justifier publiquement…
Par un travailleur du secteur pharmaceutique
De son côté, Maxime Prévot, capitaine du navire en perdition cdH, déclarait début février que “Même au plus fort d’une crise sanitaire mondiale, les intérêts économiques continuent à prendre le dessus, c’est inacceptable. Il y a une vraie capacité de mobilisation d’outils de production. […] On a été capables de mobiliser des milliards pour les banques en 2008 – et c’est légitime –, on doit mobiliser le réseau pharmaceutique aujourd’hui.”
Cela constitue une reconnaissance des limites du capitalisme et de l’anarchie du marché privé. Mais ne prenons pas ces vessies pour des lanternes. Leur objectif fondamental reste d’assurer la survie du système capitaliste et de la soif de profits des grandes entreprises. Mais face à la crainte que la crise ne mette leur système à nu et que les contradictions de celui-ci s’aiguisent jusqu’à un point politiquement et socialement intenable, de nombreux capitalistes se tournent vers leur État.
Les grandes entreprises traversent la crise comme un cocaïnomane invité à une soirée chez Pablo Escobar. Pfizer estime par exemple que son vaccin covid atteindra les 15 milliards de dollars de ventes en 2021. Beaucoup de travailleurs sont indignés par cela et c’est bien normal. Soyons cependant clairs : tant que les actionnaires restent au pouvoir, rien ne sera fondamentalement solutionné.
Le vaccin devrait certes être un bien public. Malheureusement, si un profit ne peut en être tiré, cela intéressera beaucoup moins les actionnaires de Big pharma et nous ne serons pas plus avancés. Faisons du vaccin un bien public et donnons-nous les moyens de le produire: nationalisons le secteur pharmaceutique, de la recherche à la production. Organisons une campagne de vaccination ambitieuse et utilisons les gigantesques profits du secteur pour financer les soins de santé et les services publics.
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GSK. Nationaliser pour sauver l’emploi

Ce 5 février, le couperet est tombé: GSK a annoncé son “plan de transformation”. La restructuration touchera près des 1000 travailleurs: 595 cadres, 125 employés et 215 CDD (ouvriers et employés).La direction de GSK et les politiciens orientent le débat vers la bonne santé du secteur et la promesse de GSK de consacrer 500 millions d’euros à ses infrastructures en Belgique. Mais en orientent ces investissements dans la robotisation, l’automatisation et le matériel à usage unique, de nouveaux emplois deviendront obsolètes à l’avenir, essentiellement en production. Au niveau de l’entreprise, 500 millions sur 3 ans constituent moins de 1% des actifs et ce n’est en rien une promesse de maintien de l’emploi.
Le site de Wavre est le plus grand site de production de vaccins au monde. Deux millions de doses sortent chaque jour du site.
Le PSL appelle à la nationalisation de GSK sous contrôle et gestion démocratiques de la collectivité, sans rachat ni indemnités. Nationaliser pour sauver l’emploi. Nationaliser pour orienter la production selon les besoins: non aux pénuries de médicaments et de vaccins! Nationaliser pour orienter les investissements selon les besoins: pour financer le secteur des soins de santé qui en a grandement besoin. Nous apprenions il y a quelques jours la pénurie en vaccin contre le papillomavirus (HPV), le Gardasil9 de MSD. Or, le site de Wavre produit un vaccin contre le HPV, le Cervarix. Nationaliser permettrait de produire de manière à prévenir les pénuries mais aussi en vue d’exporter vers les pays où l’infection est mortelle faute d’infrastructures pour prendre en charge les malades, certainement dans de nombreux pays d’Afrique.
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Médicaments & vaccins : quand le marché nous rend malades
Ces dernières semaines, plusieurs problématiques ont illustré quelques contradictions du secteur pharmaceutique. L’affaire de la petite Pia a illustré le coût exorbitant des traitements.(1) Le secteur des pharmacies d’officines a aussi crié son désarroi face aux pénuries de médicaments en faisant référence aux ‘‘pénuries de temps de guerre’’ (2). Dans un contexte général de dé-financement des soins de santé et de lutte du secteur, le coût des machines et des traitements a aussi été mis en cause. Les remboursements de médicaments en 2018 ont coûté 4,5 milliards d’euros à la collectivité.(3) Si on ajoute à cela certains scandales comme celui des opiacés qui a dévasté la vie de centaines de milliers d’Américains en 20 ans(4), un constat s’impose : sauvegarder le secteur pharma d’une production basée sur les profits.Par un délégué FGTB du secteur pharmaceutique
Les pénuries de médicaments en Belgique
La problématique des pénuries de médicaments est un phénomène mondial. L’OMS (Organisation mondiale de la santé) a d’ailleurs fait une feuille de route pour tenter d’enrayer le problème lors d’une de ses sessions de janvier 2018, sans jusqu’ici parvenir à réellement trouver une solution. (5) Pour ce qui est de la situation en Belgique, en considérant seulement le mois de novembre, on compte 602 notifications d’indisponibilités de conditionnement de médicaments. La liste n’étant pas figée, l’AFMPS (Agence fédérale des médicaments et des produits de santé) estime que sur tous les médicaments conditionnés en Belgique, 5% connaissent en moyenne la pénurie.(6) Les conséquences peuvent être dramatiques pour les patients qui attendent leur traitement. L’exemple récent de pénurie de l’antibiotique Clamoxil a entraîné une sortie dans la presse des professionnels de la santé pour dénoncer le phénomène. (7)
Selon l’AFMPS, il y a trois causes principales à ces indisponibilités :
- L’indisponibilité réelle, due à un incident de production, à un problème lors du transport,…
- Un arrêt de commercialisation, la firme ne distribuant plus le produit en Belgique ou ayant stoppé la commercialisation du produit.
- Un problème de distribution où le produit est disponible en Belgique mais pas dans toutes les pharmacies ou en raison du fait que les firmes ne respectent pas le contingent prévu par le pays.
Pour nous en prendre à ces causes mises en avant par les autorités, nous devons remettre en question l’organisation capitaliste de la production.
Une production de plus en plus sociale, mais dont l’appropriation est privée
Quand une entreprise privée produit des médicaments elle ne le fait pas pour l’usage que la collectivité va en faire c’est à dire soigner des malades. Elle le fait pour engendrer des bénéfices. Les produits de santé sont donc devenus une marchandise comme les autres sous le règne capitaliste. Cette marchandisation de la société a pour conséquence que l’ensemble du secteur des soins de santé est de plus en plus considéré comme une source de profits.
Cela implique d’organiser la production pour maximiser les profits en question, pour produire au moindre coût et vendre au prix fort. Cela entraîne des délocalisations de la production ou plus exactement le découpage de la chaine de production pour optimiser à chaque étape la valorisation de la marchandise : effectuer la recherche et le développement dans un pays où existe une déduction fiscale pour le brevet (comme c’est le cas en Belgique), effectuer les tests cliniques là où la législation sera la plus adéquate, extraire les matières premières dans des pays spécialisés dans ce secteur, organiser la production sur différent pays pour mettre les travailleurs en concurrence les uns avec les autres. Tout cela pour vendre au plus offrant.
Dans tout ce processus de production, on applique l’organisation scientifique du travail la plus moderne qui soit pour éviter le stockage et les coûts que cela représente. Si les Etats veulent disposer de stocks stratégiques, c’est à la collectivité d’en payer le prix. Derrière les causes de l’indisponibilité, on trouve donc la soif de profits.
Quant à l’arrêt de commercialisation, le terme exprime très bien que ces dirigeants de firmes n’ont que faire des besoins qui existent dans la santé. Ils veulent enrichir leurs actionnaires. Comme manière de réguler la pénurie, des industriels préconisent d’ailleurs l’augmentation des prix. En effet, si l’offre est inférieure à la demande, les prix du marché devraient augmenter. Mais en suivant cette loi, on diminue la demande qui est en capacité d’accéder au soin de santé.
Les solutions dans le cadre du marché et leurs contradictions
Faces à ces différents problèmes, certains tentent d’ébaucher des solutions dans le cadre du système et de répondre aux besoins des patients mais ces dernières se heurtent à la propriété privée des moyens de production.
En général, comme une bonne partie des médicaments est remboursée par la collectivité via la sécurité sociale, le prix des médicaments est négocié entre la firme productrice et l’Etat. Une discussion qui s’effectue derrière des portes closes. Le pouvoir de négociation des différents Etats dépend donc de l’importance de leur marché potentiel. Certains évoquent l’idée d’une négociation européenne pour un prix unique. Mais les différences socio-économique, et donc de pouvoir de négociation, sont fort différentes. De plus, il faudrait une unification européenne au niveau des remboursements et donc un financement de la sécurité sociale harmonisé ou à tout le moins coordonné au niveau européen, ce qui n’est pas à l’ordre du jour.
Une autre idée défend de protéger l’industrie pharmaceutique européenne afin de disposer d’une indépendance dans l’approvisionnement en produits de santé. Cette idée de ‘‘protectionnisme social’’ est tentante mais, comme on le voit actuellement, les tendances à la démondialisation entraînent un ralentissement de l’économie mondiale. Dans le secteur pharma comme pour d’autres secteurs, le marché américain et asiatique (Chine et Japon) sont primordiaux pour toutes les entreprises. Risquer de se fermer ces marchés par une guerre commerciale risque d’amener encore plus de problèmes non seulement dans ce secteur mais dans l’ensemble de l’économie européenne et mondiale.
Voyant les solutions bloquées au niveau européen, différents modèles sont évoqués pour faire baisser la facture finale pour le patient et la collectivité, comme le ‘‘modèle Kiwi’’. Il s’agit d’un modèle ou l’Etat fait un appel d’offre pour disposer du médicament le moins cher. Le bureau du plan a calculé que cela pourrait représenter une économie de 500 millions d’euros pour l’assurance maladie invalidité.(8) Ce serait évidemment de l’argent bienvenu à réinjecter dans les soins de santé. Mais cela risque d’aggraver le risque de pénurie. En effet, pour peu que la firme ait un accident de production, il n’y aurait pas de produit de remplacement. De plus, le secteur pharma s’est organisé depuis longtemps pour vendre le maximum de sa production là où c’est le plus intéressant. Les grossistes-répartiteurs vendent leurs stocks là où ils ont les meilleurs prix, entraînant des difficultés d’approvisionnement et des pénuries dans les autres pays. Cette solution ne répond également pas à l’absence de traitement qui est présente pour certains produits du fait de la faiblesse de la demande. C’est le cas des maladies qu’on appelle ‘‘orpheline’’, car elle ne touche pas une masse critique de gens suffisamment grande que pour investir dans la production de traitement.
Les capitalistes contre la santé publique
Le scandale des antidouleurs aux USA a révélé que, chez les capitalistes, la soif de profit était plus forte que la volonté de répondre aux nécessités humaines. Alors que les USA ont mené une guerre à la drogue et aux cartels avec comme motifs la santé publique, ces derniers mois, on s’est rendu compte qu’une crise sanitaire terrible avait frappé le pays. Plus de 300.000 personnes sont décédés en 20 ans suite à l’addiction aux opioïdes acquise avec la prise de traitements antidouleurs. L’oxycontin est particulièrement mis en avant. Ce médicament produit par la firme Purdue depuis 1996, qui continue d’être vendu, avait été lancé à grand renfort de marketing et en donnant des avantages à certains médecins pour qu’ils le prescrivent. Cela illustre que pour les capitalistes le profit reste la priorité.(9)
Une autre voie d’inquiétude pour la santé publique, c’est la qualité générale des produits mis sur le marché. Afin d’augmenter la rentabilité de la recherche et du développement, les sociétés veulent diminuer le temps nécessaire à l’étape de mise sur le marché. Il existe une procédure de mise sur le marché rapide qui est appelé fast-track ou voie rapide qui est mise en route pour des maladies orphelines ou lorsqu’un traitement n’est pas disponible. Mais, de plus en plus, les sociétés veulent étendre cette méthode aux traitements qui ne correspondent pas aux critères actuels afin d’en diminuer le coût de recherche et de développement. Cette volonté de diminuer le temps met sous pression les équipes de recherches et cela peut à terme diminuer la qualité des produits mis sur le marché.
Les capitalistes sabotent les solutions
En octobre, un scandale est sorti dans la presse qui révèle que les sociétés Roche et Novartis se sont entendues pour maintenir le prix d’un médicament contre la dégénérescence maculaire à un niveau élevé, volant ainsi plusieurs millions d’euros à la collectivité. La ministre de Block a minimisé le phénomène mais le PTB a très justement dénoncé les choses.(10) Dans cet article, Sophie Merckx fait cette déclaration : ‘‘Nous devons d’urgence mener un débat de fond sur le pouvoir qu’exerce aujourd’hui l’industrie pharmaceutique sur notre société. La bourse ou la vie, cela ressemble à une phrase tirée d’un vieux western, et pourtant c’est de plus en plus une réalité. Cela doit cesser. Pour nous, c’est clair : la recherche et le développement des médicaments doivent être entre les mains du public, de façon à ce que les besoins des patients soient la priorité, et non l’avidité des actionnaires des entreprises pharmaceutiques.’’
Produire en fonction des besoins sociaux ? Nationaliser l’industrie pharmaceutique !
L’industrie pharmaceutique est un secteur qui génère énormément de profits. Les ‘‘pharma papers’’ ont révélé l’ampleur de ces montagnes de fric. Entre 1999 et 2017, 11 des plus gros laboratoires pharmaceutiques ont réalisé 1019 milliards d’euros de bénéfices ! De toute cette richesse créée par le travail social, pas moins de 925 milliards ont été versés aux actionnaires, c’est à dire 90,8%.(11) Tout cet argent n’a pas été réinvesti dans la recherche et le développement de traitements innovants efficaces et accessibles à toutes et tous. Dans le cadre d’une industrie nationalisée et sous le contrôle et la gestion des travailleurs et des patients, on pourrait faire baisser le coût des médicaments et investir dans la recherche et le développement, de même que dans une infrastructure industrielle intégrée avec de bonnes conditions de travail pour répondre aux besoins sociaux.
Nous sommes d’accord avec Sophie : nous devons mener un débat de fond sur le pouvoir de l’industrie pharmaceutique sur notre société. Au lieu de seulement prendre en compte l’avis et les intérêts des dirigeants et des actionnaires de ce secteur, nous pensons que nous devons mener ce débat avec les militantes et militants qui travaillent dans ce secteur ainsi que les militantes et militants du secteur des soins de santé, des mutuelles, de l’assurance maladie invalidité, les malades bref tout ceux qui sont concernés. C’est en nous organisant ensemble et par la lutte que l’on pourra établir le rapport de force pour sortir ce secteur des griffes des 1% et que l’on pourra discuter de la meilleure manière de répondre aux besoins sociaux.
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L’industrie Pharma en Belgique
Le secteur pharmaceutique est un secteur économique de poids. Au niveau mondial la production mondiale équivalait à 997 milliards de dollars en 2014 et une valeur ajouté de 442,6 milliards de dollars. Au niveau de la Belgique, le secteur compte 980 entreprises et plus de 50.000 équivalents temps-pleins par année. Le secteur a généré une valeur ajouté de 14,7 milliards d’euros en 2016 soit plus de 290 000 euros par ETP en moyenne. La Belgique représente 9,5 % de la valeur de production au niveau européen pour 2016. (12)
Grâce à son poids dans l’économie belge. Le secteur sait organiser son influence auprès des différents politiciens des partis traditionnels qui votent des lois sur-mesure pour ce secteur. Le mécanisme fiscal de déduction pour brevet en est un exemple, mais la manière dont a été négocié le contrat de stock contre la grippe H1N1 par la ministre de la santé Laurette Onckelinkx à l’époque en est un autre (13). De manière plus générale, le secteur profite de la loi de 1996 et de ces différentes modifications qui, sous couvert de protection de la compétitivité, bloque l’augmentation des salaires en Belgique. Cela assure que les travailleuses et travailleurs de ce secteur ainsi que la collectivité ne savent pas prendre leur juste part de la richesse généré collectivement ces dernières années.
Il est important de réfléchir avec les militantes et les militants de ce secteur afin d’orienter la production et la richesse crée dans la réponse aux besoins sociaux et à l’amélioration des conditions d’emplois.
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Un système malade de lui-même
Lors de la chute du mur de Berlin et de l’effondrement de l’URSS, certains commentateurs superficiels ont attribué l’échec du modèle soviétique à l’attrait des jeunes de l’Est pour le rock et les jeans. Mais ce sont des causes beaucoup plus profondes qui ont entraîné une si vaste contestation du système bureaucratique. Celle-ci a hélas abouti à une contre-révolution capitaliste au lieu d’une révolution politique qui aurait pu ouvrir la voie au socialisme démocratique. Une de ces contradictions de l’URSS résidait dans le fait que la poigne de fer bureaucratique sur l’économie planifiée empêchait cette dernière d’atteindre son plein potentiel pour répondre ainsi adéquatement aux besoins sociaux.
Ceci nous rappelle que lorsqu’un système de production n’est pas capable de répondre aux besoins sociaux et de faire progresser la société, cela pose les germes de sa remise en cause. Le système de production capitaliste n’a jamais prétendu répondre aux besoins sociaux. La société capitaliste croule sous les marchandises mais seuls ceux qui sont en capacité d’acheter sont intéressants pour les capitalistes. Pour les autres, ceux qui sont trop pauvres pour avoir accès aux soins de santé ou à des traitements par exemple, le système produit tout un arsenal idéologique pour justifier de les laisser mourir alors que l’humanité possède les solutions pour éviter cela.
La pénurie qui sévit dans le secteur pharmaceutique est une des illustrations de la crise du système. Même ceux qui ont la capacité d’acheter des marchandises, ne sont pas en mesure de le faire, du fait des contradictions liées à la manière dont les propriétaires de capitaux organisent la recherche, la production et la distribution.
NOTES
1) https://plus.lesoir.be/248632/article/2019-09-20/mobilisation-pour-sauver-la-petite-pia-un-medicament-19-million-cest-du-hold et https://fr.socialisme.be/53688/vaincre-la-cupidite-de-big-pharma-par-la-nationalisation-du-secteur de l’édition précédente.
2) https://www.rtbf.be/info/societe/detail_penurie-de-medicaments-j-ai-l-impression-d-etre-en-temps-de-guerre-dit-un-pharmacien?id=10330859
3) https://www.rtbf.be/info/societe/detail_la-mutualite-chretienne-liste-les-dix-medicaments-qui-coutent-le-plus-cher-a-la-securite-sociale?id=10349741
4) https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/02/21/antidouleurs-l-amerique-devastee-un-scandale-sanitaire-hors-du-commun_5426103_3246.html
5) https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/273813/B142%283%29-fr.pdf?sequence=1&isAllowed=y
6) https://www.afmps.be/fr/items-HOME/indisponibilites_de_medicaments
7) https://plus.lesoir.be/236531/article/2019-07-15/la-penurie-de-medicaments-atteint-des-sommets
8) https://www.lecho.be/entreprises/pharma-biotechnologie/le-modele-kiwi-au-secours-du-budget-des-soins-de-sante/10120160.html
9) https://www.lemonde.fr/sciences/article/2018/10/15/l-inquietant-succes-de-l-oxycontin-puissant-antalgique-opiace_5369758_1650684.html
10) https://www.ptb.be/nouveau_scandale_pharmaceutique_le_ptb_exige_une_audition_de_la_ministre_de_block_et_qu_on_r_clame_les_millions_vol_s
11) https://www.bastamag.net/webdocs/pharmapapers/le-megabusiness-des-labos/1000-milliards-d-euros-de-profits-en-vingt-ans-comment-les-labos-sont-devenus-des-monstres-financiers/
12) chiffres : courrier hebdomadaire du crisp numéro 2366-2367
13) https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_grippe-h1n1-l-etat-belge-lie-a-gsk-le-contrat-revele?id=4989613