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Tag: Russie
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Contre le bombardement de la Syrie, construire un mouvement anti-guerre de masse

L’administration de Donald Trump se prépare à une autre série de frappes de missiles contre des cibles du régime syrien. Cela pourrait déclencher une chaîne explosive d’événements et conduire à une conflagration militaire plus grave entre grandes puissances internationales et régionales au Moyen-Orient. Moscou a répondu aux menaces ouvertes de Trump en disant que la Russie ciblerait les unités américaines impliquées dans toute attaque sur le sol syrien.
Par Serge Jordan, Comité pour une Internationale Ouvrière
Trump et la première ministre britannique, Theresa May, traversent une période de turbulences politiques et ont besoin de détourner l’attention des malheurs de leurs administrations. En Grande-Bretagne, il a été très commode pour May que l’attaque chimique présumée, sans preuve concrète, ait eu lieu pendant la période précédant cette crise. Aux côtés de la France, où le président Emmanuel Macron est aux prises avec une nouvelle vague d’action de la classe ouvrière, et de l’Arabie saoudite, qui a offert des facilités pour soutenir les trois autres, tous sont en train de renforcer leur rhétorique et de bander leurs muscles contre le régime d’Assad et ses partisans au Kremlin. A cette fin, ils utilisent cyniquement le prétexte d’une prétendue attaque chimique à Douma, la principale ville de la Ghouta orientale dans la banlieue de Damas.
Cette attaque odieuse, qui aurait tué des dizaines de personnes, est imputée – sans aucune preuve à ce jour – au régime de Bachar el-Assad et à ses bailleurs de fonds étrangers. Certes, le régime d’Assad a défendu son pouvoir corrompu au fil des ans à travers des fleuves de sang versés par des innocents. Le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO, dont le PSL est la section belge, NDT) ne donne pas le moindre soutien à ce régime réactionnaire brutal, ni à ses mécènes russes et iraniens. Mais pourquoi l’armée syrienne lancerait-elle une attaque chimique maintenant, ce qui provoquerait la colère des puissances impérialistes occidentales ? Bien que ce ne soit pas à exclure, la logique tactique qui sous-tend une telle décision n’est pas évidente. La victoire militaire à la Ghouta orientale était en effet à la portée du régime, ancrant l’emprise d’Assad sur la plupart des centres urbains syriens. Certains commentateurs ont émis l’hypothèse que cette attaque récente aurait pu être initiée par les forces djihadistes “rebelles” afin d’entraîner l’impérialisme américain plus profondément dans le conflit.
Indépendamment de la responsabilité de cette attaque, son instrumentalisation comme excuse pour une autre intervention impérialiste au Moyen-Orient doit être rejetée et il faut s’y opposer. Quinze ans après l’invasion et l’occupation de l’Irak, des millions de personnes se souviennent encore des mensonges des politiciens au pouvoir et de leurs amis des médias pro-establishment et pro-capitalistes de l’époque pour justifier cette guerre calamiteuse. De façon compréhensible, nombreux sont donc ceux qui ne sont pas prêts à avaler sans critique la version officielle des événements présentée aujourd’hui par les gouvernements occidentaux et les médias dominants. Les autres interventions occidentales en Afghanistan et en Libye ont également représenté une catastrophe pour les populations de la région. Elles n’ont fait qu’aggraver la crise.
La guerre en Irak a précipité le déclin de l’impérialisme américain au Moyen-Orient ; la guerre en cours en Syrie l’a davantage exposé, offrant à la Russie et à l’Iran un espace ouvert pour étendre leur influence régionale. Ceci, combiné à l’évolution de l’administration de Trump vers un soutien plus direct et plus ouvert des ennemis jurés de l’Iran, Israël et l’Arabie Saoudite, a amené les tensions régionales à un niveau très élevé.
Les tensions dans la région entre les principales puissances, maintenues précairement sous contrôle pendant la lutte contre Daesh, sont maintenant revenues au premier plan avec une intensité renouvelée, car le proto-Etat de Daesh s’est pratiquement effondré. Les développements récents ont vu une escalade dans les escarmouches militaires “interétatiques” sur le territoire syrien, avec un engagement militaire plus profond de la part d’Israël, de la Turquie, de l’Iran et d’autres pays.
Les frappes aériennes de Trump sont susceptibles d’être une démonstration de force de durée limitée, à l’instar de ce qui s’est produit en avril 2017 lorsque la marine américaine a tiré 59 missiles de croisière Tomahawk sur une base aérienne syrienne. D’autres options, comme une guerre totale pour un “changement de régime”, risqueraient non seulement d’entraîner toute la région dans les flammes d’une guerre majeure, mais aussi de hâter des convulsions politiques et sociales majeures dans les capitales occidentales et à travers le monde. Mais la guerre a sa propre logique, et de nouvelles frappes aériennes américaines dans une telle situation combustible pourraient avoir des conséquences involontaires.
Hypocrisie
Alors que les tensions inter-impérialistes augmentent au Moyen-Orient et dans le monde entier, l’hypocrisie et les doubles standards des classes dirigeantes atteignent également des proportions stupéfiantes. Accusant Assad de “mépris pour les vies humaines”, Trump, May et Macron ont récemment déroulé le tapis rouge pour le prince héritier Mohammed Bin Salman, l’architecte en chef du carnage et de la famine délibérée du Yémen, qui tue un enfant toutes les dix minutes en moyenne ! Tous sont allés jusqu’à féliciter le boucher contre-révolutionnaire al-Sissi pour sa récente ” réélection ” farfelue en Égypte ; tous ont donné un laissez-passer de facto à l’opération de nettoyage ethnique du président turc Erdogan à Afrin, ainsi qu’aux tireurs d’élite israéliens qui ont abattu librement des Palestiniens non armés à Gaza – l’impérialisme américain opposant son veto à une condamnation du Conseil de sécurité de l’ONU.
Aucun des commentateurs scandalisés par l’utilisation d’armes chimiques qui justifient une nouvelle agression militaire en Syrie n’a levé de sourcils lorsque, l’année dernière, l’armée américaine a utilisé du phosphore blanc dans des zones fortement peuplées de Mossoul et de Raqqa dans la lutte contre Daesh. Des centaines de civils pouvaient alors apparemment périr et leurs villes être détruites au nom de la “guerre contre le terrorisme”. La même logique a été utilisée par les partisans d’Assad et de Poutine pour tenter de rationaliser les sièges meurtriers et les bombardements brutaux des populations civiles vivant dans les zones de la Syrie détenues par des groupes rebelles armés, dont la plupart sont à tendance islamiste-fondamentaliste, comme les salafistes de “Jaysh al-Islam” qui avaient jusqu’à récemment le contrôle de la Ghouta orientale.
En réalité, le déchaînement meurtrier d’Assad et de ses alliés – à l’instar des meurtres de civils qui accompagne la “libération” impérialiste occidentale des zones contrôlées par Daesh – combiné à la pauvreté de masse et à l’aliénation de millions de personnes sont susceptibles d’agir comme agents de recrutement pour de futurs groupes armés sunnites extrémistes – à moins qu’ils ne soient contestés par une véritable alternative. Parallèlement, les actions d’impitoyables gangs armés de type salafiste et djihadiste ont aidé Assad à maintenir – par la peur – le contrôle sur des portions importantes de la population. Une nouvelle série de frappes aériennes impérialistes aurait le même effet, renforçant le discours d’Assad qui compare son régime à une forteresse assiégée par des ennemis terroristes et impérialistes intérieurs et extérieurs.
Le Comité pour une Internationale Ouvrière s’oppose vigoureusement à toute attaque militaire contre la Syrie, ainsi qu’à toute intervention étrangère et à toute ingérence dans le pays. L’effusion de sang et la destruction qui se sont poursuivies presque sans relâche au cours des sept dernières années doivent être stoppées, et non pas aggravées. C’est une tâche que toutes les puissances capitalistes et impérialistes existantes impliquées dans la région – qui luttent entre elles pour le pouvoir, le prestige et le profit – se sont montrées totalement incapables de réaliser. Il ne peut tout simplement pas y avoir de solution aux horreurs auxquelles le peuple syrien est confronté sur base de ce système pourri.
Alors que le peuple syrien supporte les coups de la contre-révolution et de la guerre, une classe ouvrière importante et puissante existe dans des pays comme l’Iran, la Turquie et l’Egypte. Une telle force – alliée aux pauvres et aux opprimés de la région ainsi qu’à un très nécessaire mouvement anti-guerre en Occident de même qu’armée de politiques socialistes démocratiques – peut montrer la voie à suivre pour sortir du cauchemar auquel sont confrontées la Syrie et le Moyen-Orient plus largement.
- Non aux attaques de Trump sur la Syrie – retrait de toutes les forces étrangères de Syrie – non à l’ingérence de toutes les puissances extérieures dans la région.
- Pour la construction d’un mouvement de masse international contre la guerre.
- Pour la construction de comités de défense unitaires, multiethniques et non sectaires dans toutes les parties de la Syrie afin de défendre les travailleurs et les pauvres contre les attaques sectaires et militaires de toutes les parties.
- Pour la construction de syndicats indépendants et de partis des travailleurs de masse, avec un programme visant à donner les terres aux masses et les entreprises aux travailleurs.
- A bas la dictature, le capitalisme et l’impérialisme – pour l’unité des travailleurs et le socialisme.
- Pour une confédération socialiste démocratique du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, respectant les droits de toutes les minorités.
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Solidarité contre la LGBTQI-phobie : tous ensemble pour une véritable égalité !

Année après année, le nombre de participants à la Pride est plus important. Dans de nombreux pays, le soutien populaire est croissant pour l’égalité des droits. Mais la lutte pour l’égalité réelle est loin d’être terminée. L’homophobie et la transphobie sous toutes leurs formes sont encore monnaie courante.
Par Geert Cool
La violence homophobe n’est pas limitée à la Tchétchénie
Les nouvelles faisant état de prisons secrètes pour personnes LGBTQI (lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres, queers et intersexes) en Tchétchénie ont provoqué un grand émoi. Les autorités ont nié leur existence et ont même laissé entendre que l’homosexualité n’existe pas dans le pays ! ‘‘Si cela existe, ce sera réglé au sein de la famille’’ a déclaré une figure officielle du régime : un appel sans équivoque aux crimes d’honneur. Un ministre tchétchène a déclaré aux médias : ‘‘Nous avons analysé les rumeurs et, pour autant que nous le sachions, il n’y a pas de cas confirmés de familles qui répondraient de façon non officielle à la sodomie.’’ Le problème de la Tchétchénie est beaucoup plus profond que l’homophobie : la dictature tente de masquer la crise sociale derrière un régime très conservateur qui impose des codes vestimentaires spécifiques aux femmes et qui prive la population de ses droits fondamentaux. Les oligarques au pouvoir sont quant à eux de plus en plus riches. Ils bénéficient du soutien de leurs maîtres à Moscou qui considèrent la Tchétchénie comme un laboratoire d’expérimentation pour l’application de leur politique.
Les autorités russes ne font rien contre la violence en Tchétchénie : l’homophobie est une pierre angulaire du régime. Une étude menée par le réseau LGBTQI parmi 3.700 personnes à travers la Russie a indiqué que 117 répondants ont été victimes d’arrestations illégales et qu’une majorité ont été victimes de violences psychologiques. Des activistes ayant voulu déposer à Moscou une pétition protestant contre les prisons tchétchènes ont eux-mêmes été arrêtés. En Russie, ‘‘l’incitation à l’homosexualité’’ est illégale depuis 2013. Les tracts et actions concernant les ‘‘orientations sexuelles non traditionnelles’’ font face à une implacable répression. Malgré un manque de données, des rapports reproduits dans les médias font état d’au moins 393 crimes motivés par la haine homophobe entre 2011 et 2016, dont 149 meurtres. Et ce n’est probablement que la pointe de l’iceberg.
La violence augmente aussi ailleurs à travers le monde. L’année 2016 fut la plus meurtrière pour la communauté LGBTQI aux États-Unis. Un rapport de la Coalition nationale des programmes de lutte contre la violence (NCAVP) a noté qu’en plus des 49 victimes de l’attentat commis contre la boîte de nuit le Pulse, 28 personnes ont été tuées lors de violences anti-LGBTQI, parmi lesquelles beaucoup de transsexuels.
Solidarité internationale et actions locales
En Belgique, l’an dernier, le Centre interfédéral pour l’égalité des chances Unia a traité 104 plaintes pour homophobie, ce qui représente une augmentation de 12% par rapport à l’année précédente et de 30% par rapport à 2014. La lutte contre la violence homophobe ne peut donc se limiter à des exemples internationaux à l’instar de la situation tchétchène, bien que cette solidarité internationale soit évidemment nécessaire.
Nous devons cependant nous méfier des politiciens qui se servent de ces situations étrangères pour cacher leur propre manque de réponse à ce sujet dans leur pays. Pire encore, certains nourrissent racisme et discrimination sociale en cherchant à limiter la question de l’homophobie aux migrants et aux personnes les plus pauvres. Il suffit de penser au populiste de droite xénophobe hollandais Geert Wilders qui a parlé de défendre ‘‘notre peuple gay’’ contre l’islam.
La LGBTQI-phobie affecte différents milieux et ne peut pas être réduite à un seul groupe. A Anvers, en 2015, une ‘‘marche pour la famille’’ avait été organisée par l’extrême droite pour exiger l’interdiction de l’avortement mais aussi l’adoption par des couples de même sexe. Celle-ci a même réclamé l’interdiction de la Pride. Parmi les participants, on pouvait voir non seulement Filip Dewinter (Vlaams Belang), mais aussi le militant de la N-VA Wouter Jambon et le fils du ministre fédéral de l’Intérieur Jan Jambon. Le 12 août, le bourgmestre N-VA d’Anvers Bart De Wever et ses échevins seront certainement au-devant de la Pride anversoise. Mais ils pourraient commencer par condamner immédiatement l’homophobie qui sévit dans leurs propres rangs !
Combattre toutes les formes de discrimination
Lutter efficacement contre la discrimination implique de lutter contre toutes ses formes. Le racisme, le sexisme et la LGBTQI-phobie sont des maladies entretenues par ce système et elles doivent toutes être combattues.
Diviser pour régner, cela fait partie de l’ADN du capitalisme. C’est logique : ce système est dominé par une infime élite de super-riches (les huit personnes les plus riches sur terre possèdent plus que la moitié la plus pauvre de l’Humanité !). Assurer leur domination exige de diviser les diverses couches de la population les unes contre les autres.
Si le racisme, le sexisme et la LGBTQI-phobie sont promus par le système, c’est parce que cela distille des éléments de division dans la résistance sociale. Menacer les droits des personnes LGBTQI ou des migrants revient à menacer notre position à tous. Notre unité est leur faiblesse.
Une question de tradition ? Pas du tout !
L’establishment russe soutient que l’acceptation des personnes LGBTQI ne fait pas partie des anciennes traditions du pays. C’est une manière de réécrire l’histoire. Après la Révolution russe de 1917, la Russie fut le premier pays à instaurer et appliquer des lois et coutumes progressistes.
La jeune république soviétique fut le premier pays industrialisé à reconnaitre le mariage entre personnes de même sexe. L’Union soviétique, avec l’Allemagne du temps de la république de Weimar, fut à l’avant-garde en termes d’opération de correction de genre. Le travail d’experts médicaux du pays avec des transgenres a permis de dépasser la vision binaire du genre (mâle ou femelle) au bénéfice de sa représentation davantage spectrale.
La reconnaissance du mariage entre personnes de même sexe est arrivée de manière presque organique lorsque deux personnes du même sexe désirant se marier ont demandé aux tribunaux et responsables locaux s’il existait une raison de rejeter cette demande. L’idée selon laquelle une relation homosexuelle était ‘‘perverse’’ fut repoussée, la médicalisation abandonnée et, finalement, le biologiste N. K. Kol’tsov expliqua qu’il existait ‘‘un nombre infini de genres’’. Dès le début des années ’20, il devint possible de changer de sexe et les hôpitaux furent envahis par de nombreux Russes qui, leur vie durant, s’étaient battus contre leur corps.
Cette avancée fut détruite lorsque Staline consolida sa prise de pouvoir dans la seconde moitié des années ’20. En 1936, l’homosexualité redevint un crime. En effet, lorsque la classe ouvrière prit le pouvoir politique en 1917, un énorme changement se produisit directement dans la société. Toutefois, des obstacles majeurs existaient à la suite des dévastations causées par la Première Guerre mondiale et la guerre civile russe. Ces problèmes furent renforcés par l’isolement de la révolution russe provoqué par l’échec des celles d’Europe occidentale. Tout cela créa un espace dans lequel s’engouffra une bureaucratie conservatrice dont Staline fut l’expression. Si l’économie collectivisée fut maintenue, la bureaucratie, loin des idéaux de révolution mondiale, ne travailla qu’à sa reproduction. Le régime bureaucratique étant à la recherche d’une base sociale, des mesures réactionnaires furent encouragées dans les domaine de la famille, du rôle des femmes et de la sexualité.
Cette dégénération ne permet toutefois pas de faire fi de l’expérience de la révolution. L’exemple russe illustre l’importance d’un mouvement de masse pour arracher des réalisations historiques et les défendre. Aujourd’hui, les travailleurs de tous genres, orientations et identités doivent s’organiser ensemble en tant que classe sociale pour combattre les attaques de la droite. Il s’agit de se battre pour la liberté totale, notamment en matière affective.
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Des militants dénonçant la violence homophobe en Tchétchénie arrêtés à Moscou

Embarqués en fourgon pour avoir voulu remettre une pétition… Depuis quelque temps circule une pétition dénonçant la violence homophobe à l’oeuvre en Tchétchénie (république constitutive de la Fédération de Russie). Nous avons également signé et soutenu cette pétition. Les nouvelles qui dévoilent l’existence de camps de concentration pour homosexuels en Tchétchénie ainsi que la violence homophobe qui s’abat sur le pays sont tout simplement choquantes. Cette pétition dispose déjà de centaines de milliers de signatures, tant en ligne que dans la rue. Il serait question en tout de plus de deux millions de signatures, soit plus que la population vivant en Tchétchénie.
Aujourd’hui, à Moscou, des militants ont voulu livrer 400.000 signatures au procureur général afin d’exiger une enquêter portant sur les arrestations illégales et la torture en Tchétchénie. Pour la police, cela fut considéré comme une action de protestation qui ne respectait pas les règles drastiques en vigueur. Les activistes ont donc été arrêtés.
Il ne faut rien attendre des autorités russes en terme de lutte contre les discriminations et la violence homophobes . La Tchétchénie est dirigée par une marionnette de Poutine. Le régime russe mène lui aussi une politique homophobe, qui se comprend notamment dans le cadre des liens étroits entretenus par le régime avec l’Eglise orthodoxe. Les autorités ne sont pas prêtes à répondre à l’appel international pour que cesse la violence homophobe en Tchétchénie.
Nous reviendrons sou peu sur ces événements mais, en attendant, nous vous appelons à signer cette pétition et à la faire circuler dans votre entourage. Participez avec nous à la Pride à Bruxelles le 20 mai prochain pour protester contre ce qui se déroule actuellement en Tchétchénie et en Russie.
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La Russie veut dépénaliser la violence domestique!
Reprenons la lutte en faveur des droits des femmes et contre le capitalisme!
Alternative Socialiste, la section russe du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO, dont le PSL est la section belge), a participé à un ‘‘piquet individuel’’ en dehors de la Douma d’Etat (le Parlement russe) le 17 janvier dernier afin de protester contre un projet de loi visant à retirer du code pénal l’article faisant un crime de la violence domestique, à l’occasion de la première lecture du texte. Dès que cette modification législative a été annoncée, une onde de choc a balayé les réseaux sociaux. Le ‘‘piquet individuel’’ est désormais la seule forme de protestation qui n’a pas besoin d’autorisation officielle de l’État.
Par Alternative Socialiste (section russe du Comité pour une Internationale Ouvrière, socialist.news)
Une plus grande manifestation réunissant tous les groupes féministes devrait avoir lieu le 28 janvier. Il a tout d’abord été prévu de mobiliser pour une date en février, mais la préparation de cette manifestation a dû être revue à mesure des modifications de l’agenda d’adoption de cette loi. Alors qu’une deuxième lecture d’un projet de loi prend habituellement plus d’un mois à la Douma, il n’a ici été question que de trois jours ! Au moment de rédiger cet article, les autorités refusaient encore d’autoriser la manifestation, en expliquant qu’elles craignaient qu’il n’y ait «trop de monde» le jour de l’action.
En Russie, même selon les statistiques officielles, une femme meurt de violences conjugales ou domestiques toutes les heures. Chaque jour, six enfants meurent en moyenne de violence domestique. Il n’est pas difficile de supposer que chacun de ces décès est précédé de coups, mais aucune statistique n’est recueillie à ce sujet. Dans cette situation, quand une femme est psychologiquement et économiquement dépendante de ces tyrans, faire appel à la police pour obtenir de l’aide ne résout rien. Habituellement, la police est même réticente à prendre des déclarations. Ils prétendent souvent que les victimes doivent «elles-mêmes régler leurs problèmes domestiques». La dépénalisation de la violence domestique privera finalement ces victimes de toute possibilité de traduire leurs agresseurs en justice.
Malheureusement, même de bonnes lois sont insuffisantes. Ce qui est nécessaire pour sauver ces personnes des agressions régulières, c’est la mise en place d’un réseau de centres de crise dans les diverses localités. C’est pourquoi les militants du CIO portaient des pancartes déclarant: ‘‘La loi n’est pas une défense contre la violence domestique – il doit y avoir des centres de crise dans chaque région’’ lors du “piquet individuel” tenu en dehors de la Douma.
Quiconque souffre de violence domestique devrait savoir qu’il existe des gens à proximité qui sont capables d’immédiatement lui accorder assistance. Ces centres de crise devraient offrir non seulement protection et aide psychologique professionnelle, mais aussi offrir un logement temporaire, aider à entreprendre des actions en justice, aider à trouver un emploi et offrir une formation de requalification. Trop souvent, les victimes doivent tolérer le cauchemar de la violence parce qu’elles sont économiquement dépendantes de leur partenaire et ne peuvent trouver refuge nulle part ailleurs ou bénéficier d’un emploi pour assurer leur indépendance.
Un programme visant à créer de tels centres de crise devrait être immédiatement financé par le budget de l’Etat. Mais de tels centres de crise, aussi nécessaires soient-ils, ne seraient qu’une mesure d’urgence visant à traiter les symptômes du problème et non sa cause. Il est nécessaire de faire face au problème et de lutter contre le sexisme et le capitalisme ainsi qu’en faveur d’une société socialiste. L’inégalité salariale entre femmes et hommes effectuant le même travail est de 30% en Russie. Cette inégalité augmente rapidement jusque dans le secteur des nouvelles technologies. Les professions dites masculines, comme l’extraction minière ou la conduite automobile, sont traditionnellement mieux rémunérées que les professions dites féminines, comme les soins infirmiers et l’enseignement. Il nous faut nous unir autour de la revendication “à travail égal, salaire égal!”
Les politiciens de droite affirment que le travail domestique, l’éducation des enfants et l’aide à la famille doivent reposer sur les épaules des femmes. Cette approche est bien pratique pour justifier le manque de moyens publics dont souffre le secteur social. Nous avons besoin de jardins d’enfants gratuits et accessibles, de cafétérias sociales et d’un enseignement et de soins de santé gratuits et de qualité!
Les politiciens de droite approfondissent le fossé entre femmes et hommes. Ils se réfèrent à l’ancienne notion réactionnaire selon laquelle les femmes, par leur nature, sont «passives» et les hommes «agressifs». Aujourd’hui, le sexisme dans l’éducation est devenu une politique consciente de la part de la bureaucratie réactionnaire.
Virage à droite
Le président Poutine a adopté ce qu’il appelle le «traditionalisme conservateur». Cela a permis aux forces ultra-droites et cléricales de se déchaîner. Ce sont elles qui dominent de plus en plus les politiques gouvernementales. La nouvelle ministre de l’Éducation, nommée l’été dernier, fait campagne contre la révolution bolchevique d’octobre 1917, mais c’est une grande admiratrice de Staline et de l’Église orthodoxe russe. D’autre part, la récente victoire de Donald Trump aux USA a permis à Poutine de s’orienter encore plus vers la droite de l’échiquier politique. En décembre dernier, Mizulina, une députée réputée pour avoir défendu les nouvelles lois anti-LGBT, a demandé à Poutine de déclarer publiquement son soutien à la dépénalisation de la violence domestique. Poutine a répondu qu’il se positionne contre l’ingérence des autorités dans les affaires domestiques. Seul Poutine pourrait en fait être derrière ce changement législatif réactionnaire et anti-femmes.
La lutte contre la dépénalisation de la violence domestique pourrait constituer le début d’un mouvement plus large en faveur des droits des femmes. Ensemble et armés d’un programme de changement radical de société en faveur des intérêts de la majorité des femmes et des hommes de la classe des travailleurs, nous pouvons gagner.
A bas le sexisme, à bas le capitalisme! Pour l’égalité des sexes et une société égalitaire ! Pour une société socialiste démocratique!
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[ARCHIVES] Les années ’90 en Russie et en Europe de l’Est : Le capitalisme tue
«”La thérapie de choc” responsable d’un million de décès », voilà le titre pour le moins stupéfiant du Financial Times du 15 Janvier 2009. Des recherches effectuées sur la mort de trois millions d’hommes en âge de travailler dans les anciens pays ‘communistes’ d’Europe de l’Est au début des années ‘90 ont été publiées dans la revue médicale renommée The Lancet. Elles démontrent qu’ «au moins un tiers de ces décès sont dus à la privatisation massive qui a conduit à un chômage généralisé et à une profonde désorganisation sociale».Par Clare Doyle, CIO (texte initialement publié en 2009)
L’article poursuit : «A cette étude s’ajoute une masse croissante de recherches (…) démontrant dans quelle mesure la transition économique a entraîné beaucoup de souffrances, allant de maladies physiques et mentales à la mort.» L’un des scientifiques responsables de cette recherche, Martin McKee de la London School of Hygiene and Tropical Medicine, condamne la politique de la thérapie de choc préconisée par Jeffrey Sachs (et le Financial Times aussi d’alleurs, si mes souvenirs sont bons…)
J’ai vécu en Russie à cette époque, en travaillant pour le Comité pour une Internationale Ouvrière (internationale à laquelle le est affilié le Parti Socialiste de Lutte), et j’ai essayé de mettre en garde avec force les travailleurs et les jeunes contre le piège de la privatisation. Avec une immense campagne de propagande, le gouvernement voulait faire croire aux travailleurs qu’ils auraient un réel intérêt dans leurs entreprises, ce qui a eu un certain effet après des décennies de propriété étatique sans contrôle ni gestion par les travailleurs mais avec l’abrutissante dictature du parti unique stalinien.
La privatisation semblait aux yeux de nombreux travailleurs être un meilleur pari. Deux ans après, comme cette étude le mentionne, au moins un quart des usines d’Etat avaient été privatisées (un tiers en 1993), mais l’inflation avait atteint des proportions proches de celles de l’Amérique latine et le chômage, inconnu dans l’économie planifiée, a frappé des millions de travailleurs qui n’avaient toujours jusqu’alors perçu aucun bénéfice des entreprises. Le président, Boris Eltsine, s’est révélé être un dictateur et l’économie s’est effondrée de 50%. Evidemment, cela a tué des gens!
L’alcoolisme et la mauvaise alimentation étaient des problèmes historiques mais, comme le rapport le confirme, la soudaine destruction des acquis des travailleurs a été un cauchemar qui eu un effet sur la classe ouvrière de la plus effroyable des façons. Même la vodka vendue dans la rue était frelatée et mortelle.
Les Oligarques
Les gagnants dans ce processus qui a conduit la classe ouvrière russe dans une profonde misère ont été les quelques hauts responsables du parti et les amis du président. Ces derniers se sont emparés des usines, des mines et des aciéries, des ressources pétrolières et gazières avec comme seule préoccupation d’accumuler de vastes fortunes, avec des méthodes qui se sont souvent révélées n’être que du pur gangstérisme. De nombreux meurtres ont eu lieu en plein jour – des assassinats de rivaux, de politiciens ou de journalistes – et ils se déroulent encore aujourd’hui.
Quant aux oligarques qui se sont retrouvés du mauvais côté du Kremlin, comme Khordokovsky et Berezovsky, ils ont fini en prison ou en exil. D’autres, comme certains amis de politiciens britanniques, Derepaska, Potanin ou Prokhorov, se sont retrouvés dans la cour de Poutine.
Dernièrement, certains de ces barons-voleurs ont souffert de l’effondrement du prix du pétrole et la crise financière mondiale. Des milliards ont été essuyés et on a vu l’Etat prendre un rôle plus direct dans leurs entreprises. Mais aucun d’entre eux ne va se retrouver à la rue, mendiant pour un morceau de pain, comme tant de personnes en Russie l’ont fait et seront encore amenés à le faire aussi longtemps que survivra le capitalisme.
Le Premier ministre Poutine déclare maintenant que l’effondrement de l’Union soviétique a été “la plus grande catastrophe géopolitique du 20e siècle” mais, à l’époque, il ne figurait pas parmi ceux qui se sont opposés à la restauration du capitalisme.
Le capitalisme aujourd’hui
Le régime chinois actuel est peut-être plus conscient du contenu du rapport de The Lancet et de sa mise en garde : la réforme «casse-cou» du marché signifie une catastrophe sociale. Ce régime essaye donc d’opérer une transition lente et contrôlée mais est maintenant aux prises avec un problème supplémentaire ; le fait que le capitalisme est frappé par une désastreuse récession mondiale. Le capitalisme est un système en crise, générant chômage de masse et pauvreté, et ce pays après pays.
L’étude dévoile l’augmentation du taux de mortalité en Lettonie, en Lituanie, en Estonie, en Russie et au Kazakhstan, les pays les plus affectés, qui a été de 42% chez les hommes entre 1991 et 1994. Aujourd’hui, ces pays sont parmi les premiers touchés par le nouveau tsunami de destructions capitaliste. La Russie a connu des protestations de masse dans plus de 50 villes contre les tentatives du gouvernement de faire payer la crise du système aux travailleurs et à la classe moyenne. Début janvier, la Lettonie et la Lituanie (ainsi que de la Bulgarie) ont connu des batailles de rue entre la police et les manifestants en colère. L’Estonie est passée, comme eux, d’un taux de croissance élevé à une contraction de 3,5% et la popularité de son gouvernement est en chute libre.
Le Sunday’s Observer a titré : «l’Europe de l’Est face à un “printemps de mécontentement”». Alors que ces nouveaux pays capitalistes approchent du 20e anniversaire de l’effondrement du stalinisme, un spécialiste de l’Europe de l’Est, le Dr Jonathan Eyal, avertit que les pays de la région sont mal préparés pour une telle crise et risquent une explosion sociale.
Alors que les travailleurs et les étudiants d’Europe de l’Est commencent à s’identifier et à suivre l’exemple de ceux d’Athènes, de Paris et de Rome, une nouvelle ère s’ouvre. Des millions de personnes ont été tuées et mutilées sous l’ère de Staline, mais encore plus de millions d’autres ont eu leur vie anéantie par le capitalisme. Actuellement, une lutte massive pour une véritable alternative socialiste démocratique revient fermement à l’ordre du jour.
Note :
Dans le Financial Times, Jeffrey Sachs a nié toute responsabilité dans la dramatique détérioration de la santé et de l’espérance de vie en Russie. Il déclaré, “J’ai démissionné comme conseiller en 1994 pour protester contre la montée de la corruption en Russie et l’échec de l’ouest à être utile aux réformateurs …”. Les dégâts étaient déjà faits à ce moment là!
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Le conflit en Ukraine se poursuit
En janvier dernier, le Fonds monétaire international (FMI) a promis 40 milliards de dollars à l’Ukraine. Mais il faudrait au moins deux ou trois fois cette somme pour remettre le pays à flot. D’autre part, cette prétendue aide est liée à des conditions terrifiantes. Ainsi, le prix du gaz va devoir augmenter de 280 %. Après l’accord avec le FMI, la ministre des Finances, Mme Yaresko, a déclaré que ‘‘Tout ce qui peut être privatisé sera privatisé’’.Résumé d’un article de Rob Jones, Komitiét za rabotchiy internatsional (section russe du Comité pour une Internationale Ouvrière et organisation-sœur du PSL)
Pendant ce temps, la surenchère militaire se poursuit. L’Otan a renforcé sa présence dans la Baltique avec 3.000 soldats américains, des centaines de tanks, etc. Conformément à l’accord signé à Minsk à la mi-février, les deux camps ont affirmé avoir retiré l’artillerie lourde de la ligne de front. Mais les combats continuent en plusieurs endroits.
Les différences d’opinion entre les États-Unis et l’Union européenne se sont encore fortement exprimées avant les négociations. Les Américains voulaient voir un renforcement de l’armement dans l’ouest de l’Ukraine, mais Angela Merkel a refusé tout renfort en expliquant que cela ne ferait qu’encourager la Russie à envoyer encore plus de troupes. Toute une série d’entreprises européennes souffrent grandement des sanctions prises contre la Russie et des contre-sanctions avec lesquelles riposte Vladimir Poutine.
La disparition momentanée de Poutine – introuvable une dizaine de jours durant, même pour une rencontre programmée avec le Kazakhstan – a renforcé les rumeurs d’une lutte pour le pouvoir au Kremlin. Il est certain que des intérêts divergents sont en présence. Les entreprises russes qui perdent de l’argent à cause des sanctions et de la crise économique sont très mécontentes ; mais d’autres entreprises bénéficient de la dévaluation de la monnaie nationale (le rouble), ce qui leur permet d’exporter plus de marchandises à l’étranger. Certains pensent que la Russie a trahi les rebelles ukrainiens avec la signature du premier accord de cessez-le-feu en septembre 2014 tandis qu’une grande majorité de la population russe est opposée à toute intervention russe directe en Ukraine.
D’autres éléments pourraient indiquer une lutte au sein de l’élite. Ainsi, les services secrets russes (le FSB) ont annoncé qu’un groupe de Tchétchènes a été arrêté pour le meurtre de l’opposant libéral Boris Nemtsov. Cette annonce était en soi inhabituelle et il semble de plus que le principal suspect est un commandant des troupes spéciales du président tchétchène Kadyrov, fidèle partisan de Poutine. Plusieurs membres de ces troupes ont été impliqués dans les combats en Ukraine du côté des forces pro-russes. L’arrestation des Tchétchènes pourrait suggérer l’existence d’un conflit entre les services de sécurité et Kadyrov et, par extension, Poutine.
La situation en Ukraine n’est guère meilleure. Le président Porochenko a exclu toute décentralisation et a menacé de déclarer l’état d’urgence dans tout le pays au cas où l’accord de cessez-le-feu ne serait pas respecté. Ainsi, l’armée pourrait prendre tout le pouvoir dans le pays. Les personnalités les plus extrémistes au sein du gouvernement ukrainien, comme le Premier ministre Yatseniouk, sont pour une ‘‘mobilisation de l’armée’’ afin de ‘‘défendre la frontière’’.
Les politiciens libéraux et d’extrême-droite pro-occidentaux veulent poursuivre la guerre contre la rébellion à l’est du pays, mais la population est de plus en plus désespérée et de moins en moins enthousiaste pour ce conflit. À Ternopil, moins de la moitié des 14.000 personnes appelées pour entrer dans l’armée se sont présentées. La faiblesse de l’armée officielle fait que les ‘‘bataillons de volontaires’’, souvent contrôlés par l’extrême-droite, jouent un très grand rôle. La question reste posée de savoir dans quelle mesure le gouvernement de Kiev peut tenir ces bataillons sous son contrôle.
La guerre est loin d’être terminée. Les conséquences économiques vont se faire longtemps ressentir. En janvier, la production industrielle était de 21 % inférieure à celle de l’an dernier. À Donetsk, on enregistre une baisse de l’industrie de 49 % et à Lougansk, de 87 %. La faillite de l’économie ukrainienne est renforcée par le pillage de la Russie, même si cela ne contribue pas beaucoup à l’économie russe. On estime que le chômage va augmenter de 40 % cette année, tandis que des centaines de milliers d’immigrés d’Asie centrale retournent chez eux. L’activité du secteur du bâtiment à Moscou devrait diminuer de 30% cette année.
Tant que la situation sera dominée par les intérêts des oligarques et de leurs amis militaires, aucune solution durable ne sera possible pour l’Ukraine. Même si les négociations pour la paix peuvent être réactivées et conduire à un troisième accord de cessez-le-feu à Minsk, la pauvreté, la corruption et le désespoir seront toujours là. En outre, la Russie et l’Otan continuent à s’opposer dans toute la région. Seul un mouvement de masse sous la direction d’un parti des travailleurs indépendant pourra faire dégager les régimes autoritaires de la région et amener au pouvoir un gouvernement des travailleurs poursuivant une politique socialiste afin de partir des besoins réels de la majorité de la population.
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Ukraine : Les élections accentuent la division
Les travailleurs ont besoin d’une alternative socialiste à la guerre que se livrent les oligarques et les puissances étrangères
Cela fait aujourd’hui un peu plus d’un an depuis que les premiers manifestants se sont rassemblés à Kiev sur le “maïdan Nezalejnosti” (place de l’Indépendance) en guise de protestation contre le refus du gouvernement de Mykola Azarov de signer un “Accord d’association” entre l’Ukraine et l’Union européenne. Depuis lors, le pays n’a cessé de se diriger vers la catastrophe économique, politique, sociale et ethnique. Le mois passé, des élections ont été organisées dans la plupart du pays par le gouvernement de Kiev. Ces élections ont eu pour résultat la consolidation d’un parlement encore plus pro-Europe et pro-guerre. Les élections ukrainiennes ont été suivies le 2 novembre par des élections organisées dans les républiques rebelles. Malgré le cessez-le-feu déclaré en septembre de part et d’autre, l’état de guerre continue à l’est du pays. Plus de 300 personnes ont été tuées rien qu’à la fin octobre, avec une bataille prolongée autour de l’aéroport de Donetsk, et dernièrement autour du village de Debaltsevo.Par Rob Jones, Komitiet za rabotchiï internatsional (CIO-Russie)
Plusieurs pays européens font état d’une hausse des incursions de chasseurs et bombardiers russes dans l’espace aérien européen. Selon le haut commandant de l’Otan, on observe des « formations plus grandes, plus complexes d’avions qui suivent des routes plus “provocatrices” que par le passé » ; on signale également ici et là une présence accrue des troupes russes dans la sous-région. Tout cela est une conséquence de la politique constante d’élargissement de l’Otan vers l’Est et de soutien militaire au régime de Kiev.
Les élections parlementaires ukrainiennes
Les résultats des élections à la Rada suprême (parlement) du 26 octobre ont certainement brisé les espoirs de tous ceux qui ont participé à l’Euromaïdan dans le but de contester le pouvoir des oligarques. Avec un taux de participation d’à peine 50 %, six partis ont dépassé le seuil des 5 % requis pour pouvoir être représentés. Tous ces partis sont liés aux oligarques, y compris le parti du président Petro Porochenko (qui s’appelle tout simplement « Bloc Porochenko »), lui-même magnat de l’industrie l’agro-alimentaire. Son parti a reçu 22 % des voix, de même que le parti de son premier ministre, Arseniï Yatseniouk, baptisé Narodnyï front (« Front populaire). Trois autres partis pro-européens ont ensemble obtenu 23 % des voix (y compris le parti de Youlia Tymochenko, qui ne fait plus que 6 %). L’Opozytsiïnyï blok (« Bloc de l’opposition » au mouvement du Maïdan), considéré comme le successeur politique de l’ex-Parti des régions de l’ancien président Yanoukovitch, a fait 10 %. Quant à lui, le Parti “communiste” (Komounistitchna partiya Ukrayiny), qui avait défendu le président déchu Yanoukovitch, a été sévèrement puni : son vote est passé de 14 % à moins de 4 % – c’est la première fois depuis la chute de l’URSS qu’aucun député “communiste” n’est présent au parlement – et la première fois qu’aucun “communiste” ne participe à un gouvernement ukrainien depuis 1918.
Il est important de prendre en compte le fait que le pour Bloc Porochenko est relativement faible : il y a moins de six mois, le même Porochenko avait pourtant fait plus de 50 % lors des élections présidentielles. Même si les médias ukrainiens sont à présent presque entièrement monopolisés par le nouveau président (suivant l’exemple de la Russie…), les électeurs, qui espéraient en mai de l’an dernier que la victoire de Porochenko amènerait à une résolution rapide du conflit dans l’Est et permettrait de remettre le pays sur les rails de la croissance économique, ont clairement déchanté depuis.
L’extrême-droite entre par la petite porte
Les deux principaux partis d’extrême-droite, Svoboda (« Liberté ») et Pravyï sektor (« Secteur droite ») ont tous deux obtenu un très mauvais score. Le vote en faveur de Svoboda est passé de 10 % en 2012 à moins de 5 % aujourd’hui ; Pravyï Sektor quant à lui n’obtient même pas 2 %. Une partie des voix pour Svoboda sont cependant passées au Radika?na partiya, un parti de droite populiste radical, dirigé par Oleh Liachko (un individu dénoncé par Amnesty International en tant que criminel de guerre).
Mais cela ne nous donne pas tout le tableau. Car seulement la moitié des sièges sont attribués en fonction des résultats des votes pour les partis en tant que liste. L’autre moitié va aux candidats sur base des votes de préférence individuels. C’est ainsi que les blocs de Porochenko et de Yatseniouk ont obtenu 90 sièges supplémentaires, et que 100 soi-disant « candidats indépendants » ont été élus également. Svoboda a pu obtenir six sièges, et Dmytro Yaroch, le dirigeant de Pravyï sektor, a été élu dans une circonscription à proximité de la région rebelle de Donetsk. Toute une série de chefs paramilitaires de divers « bataillons volontaires » ont également élus de cette manière, y compris le commandant et le vice-commandant du « bataillon de l’Azov », une milice pro-nazie.
Pas d’élections dans 15 circonscriptions
Comme si la situation n’était pas assez compliqué comme ça, aucun scrutin n’a été organisé dans de nombreuses régions du pays. Sans même parler de la Crimée (maintenant rattachée à la Russie), le scrutin n’a pas pu être organisé dans 15 circonscriptions des régions de Donetsk et Lougansk – vu que ces régions, où vivent 5 millions de gens, sont au contrôle des forces armées rebelles.
Malgré cela, le vote a clairement suivi des lignes régionales. Le Sud et le Centre (y compris les régions d’Odessa et de Kiev) ont voté pour le Bloc Porochenko ; le Nord-Est a voté pour l’Opozitsiïnyï blok pro-Yanoukovitch, et l’Ouest a voté pour le Narodnyï front de Yatseniouk.Le contrôle des oligarques et la corruption continuent
La nouvelle Rada suprême est maintenant le théâtre de toutes sortes d’arrangements et de transactions entre politiciens. Certains n’ont même pas attendu le jour des élections avant de changer de parti. Comme on pouvait le lire sur le site ukrainien korrespondent.net : « La nouvelle Rada suprême n’a même pas encore commencé à fonctionner, qu’on y dénonce déjà toute une série de scandales “carriéristes”… » Mis à part la position déjà dominante de Porochenko, une lutte d’influence a éclaté entre deux oligarques, Kolomoïskyï (le gouverneur de la province de Dnipropetrovsk, troisième homme le plus riche d’Ukraine, réputé financer l’extrême-droite et pour avoir constitué sa propre armée) et Firtach (président de la Fédération des employeurs ukrainiens, etc., oligarque plutôt pro-Est, actif dans le secteur de l’énergie, recherché aux États-Unis pour tentatives de corruption). « Tant que ce processus d’achat et de vente de sièges parlementaires n’est pas terminé, aucune coalition gouvernementale stable ne peut être formée », disait korrespondent.net.
Cependant, il est probable qu’une coalition semblable à celle du gouvernement actuel soit à nouveau formée sur base de l’alliance des partis de Porochenko et de Yatseniouk. Le Radika?na partiya de droite populiste participerait lui aussi aux négociations. Cela signifie que le gouvernement pourra présenter un visage d’unité apparente à présenter aux gouvernements occidentaux dans le cadre d’une politique de « réformes économiques et d’austérité » afin de pouvoir recevoir l’aide financière des institutions internationales telles que l’UE et le FMI.
L’économie continue à s’enfoncer
Leur État a certainement besoin d’aide, parce que son économie continue à s’enfoncer dans le trou noir. Selon certaines prédictions, le PIB devrait encore chuter de 10 % cette année, en partie à cause de l’effondrement de l’industrie lourde (-30 %) dans l’Est du pays. Seules 24 des 93 mines de charbon de l’Est sont encore opérationnelles. De nombreux mineurs vont travailler sous les bombardements. Ils n’ont pas été payés depuis des mois, et ont commencé à organiser des manifestations à Kiev pour réclamer leurs salaires. Le charbon qu’ils produisent est pris par l’organisation étatique d’achat de charbon, mais quand ils demandent leur paiement, on leur dit que l’argent a été utilisé pour les dépenses de guerre. L’Ukraine a même commencé à importer du charbon sud-africain.
La monnaie nationale, la hryvna, a chuté de 40 % depuis le début de cette année. Mais les puissances occidentales tardent toujours à apporter l’assistance économique dont l’Ukraine a tant besoin. Au cours d’une récente visite aux États-Unis, Porochenko a tout fait pour persuader le Congrès américain de soutenir l’Ukraine dans sa lutte contre « l’impérialisme russe ». Mais tout ce qu’il a pu obtenir est un petit chèque de 53 millions de dollars – à peine suffisant pour financer neuf jours de combats.
Les partis pro-guerre dominent
Bien que les partis de Porochenko et de Yatseniouk soient plus ou moins d’accord en ce qui concerne l’économie, ils ont cependant des positions différentes par rapport à la situation dans l’Est. Porochenko se présente comme un partisan de la paix et de la négociation – même si son discours devant le Congrès américain était extrêmement belliqueux. Tous les autres partis pro-européens élus à la Rada sont pour lancer une offensive militaire pour reprendre le contrôle de l’Est. Ces forces politiques sont soutenues par des commandants militaires et par des chefs locaux. Elles ne contribueront certainement pas à trouver une solution négociée au conflit. Au moment où nous écrivons, la Rada est en train de débattre de la suppression du « status spécial » pour la région de Donetsk qui lui a été accordé en septembre lors des négociations à Minsk entre le gouvernement de Kiev et les chefs rebelles. À présent, Porochenko a de nouveau ordonné à ses chefs militaires d’envoyer les troupes dans les zones stratégiques de l’Est.
La position des groupes d’extrême-droite et de certains militants du mouvement de l’Euromaïdan est que le gouvernement Porochenko-Yatseniouk ne répond pas à leurs attentes. Ces groupes parlent à présent de mobiliser pour un nouveau « Maïdan ». Même si cela ne se passe pas, la menace d’un tel mouvement suffit à maintenir la pression sur Porochenko et pourrait le forcer à adopter une attitude plus guerrière que lui-même ne le souhaiterait.
Les élections dans les républiques rebelles
Cette décision de Porochenko de contre-attaquer survient à la suite des élections qui ont été organisées dans les deux républiques rebelles de Donetsk et de Lougansk, mais aussi de rumeurs selon lesquelles les forces russes seraient de nouveau en train de s’amonceler dans la sous-région. Ces élections ont été organisées en violation de l’accord conclu en septembre à Minsk.
Dans chaque région, le scrutin a été remporté par le chef militaire à la tête de la rébellion locale. À Donetsk par exemple, Aleksandr Zakhartchenko aurait obtenu 80 % des voix. Il a obtenu sa position en septembre, après que les dirigeants les plus imprévisibles et incontrôlables, tels que Strelkov, aient été écartés – apparemment sous pression du régime de Poutine. Zakhartchenko pourrait donner une image plus modérée que celle de son prédécesseur, mais il reste directement lié aux forces de l’extrême-droite russe et à l’Armée orthodoxe grand-russe (« Rousskaïa pravoslavnaïa armiya »), une force réactionnaire qui a joué un rôle majeur dans le conflit armé.
Selon Russia Today, une agence de presse pro-Poutine, Roman Liaguine, président de la Commission électorale de Donetsk, a déclaré que Zakhartchenko a reçu plus de 765 340 voix, mais a refusé de donner un pourcentage, se justifiant en disant « parce que je pense que les chiffres absolus sont plus ouverts et plus précis ».
Afin de tenter d’obtenir une certaine crédibilité, on a invité des observateurs internationaux de l’“Association pour la sécurité et la coopération en Europe”, une organisation “clone” dont le but est d’imiter l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe). Le plus ironique, considérant que les « républiques populaires » de Donetsk et Lougansk ont censément été constituées pour résister à la « montée du fascisme » en Ukraine occidentale, est que parmi les observateurs de l’“ASCE”, on retrouvait un membre du FPÖ autrichien, ainsi qu’Alexandra Mussolini, la petite-fille de l’ancien dictateur fasciste italien.
L’ambiance dans les républiques rebelles
De tous ceux qui ont voté pour les élections dans la république de Donetsk, plus de 80 % auraient voté pour Zakhartchenko. Selon le registre électoral officiel, il y aurait 3,2 millions d’électeurs dans la zone contrôlée par la république rebelle, mais seulement un million est parti voter – un taux de participation inférieur à 33 % donc. Et cela, malgré toutes les mesures spéciales qui ont été mise en place pour favoriser la participation, comme le fait de donner le vote aux habitants qui ne sont pas originaires de la région, d’abaisser la majorité électorale à 16 ans (« comme en Écosse »), et de permettre aux électeurs de voter dans n’importe quel bureau de vote. Dans le reste de la région de Donetsk, 400 000 personnes ont été voter en octobre pour les élections au parlement de Kiev.
Les résultats électoraux ne sont jamais rien de plus qu’un reflet de l’humeur de la population à un moment déterminé. Ces élections se sont déroulées dans une région ravagée par la guerre, de laquelle une grande partie de la population s’est enfuie. Moins d’un tiers de la population de la ville de Donetsk s’y trouvait toujours à la fin de l’été. Nazariï Sergueïev, journaliste à Donetsk, décrivait ainsi l’ambiance dans la ville : « La réalité politique dans la “république indépendante” de Donetsk repose sur un sentiment d’impossibilité de s’enfuir. Il y a de véritables enthousiastes qui croient vraiment dans l’avenir de la république. Mais il y a aussi tous ceux qui ont tout perdu au cours de ce cataclysme politique : leur position, leur emploi, leur entreprise, leur famille… et qui haïssent en silence les nouvelles autorités. Au final, il n’existe aucun mouvement particulièment en faveur de l’indépendance ou des nouveaux « dirigeants », que beaucoup disent manquer de charisme. Mais les habitants disent aussi ne plus vouloir vivre « comme avant », « soumis aux oligarques et aux fascistes ». Ils craignent particulièrement Pravyï sektor. Trop de sang a été versé récemment. Il est difficile de dire quel est exactement le sentiment des masses. Ce sentiment change constamment. Au printemps, il y avait beaucoup plus de partisans d’un État unitaire avec le reste de l’Ukraine. Mais ceux qui étaient pour une Ukraine unie ont fui depuis, ou bien restent chez eux sans rien dire, parce qu’aujourd’hui, exprimer son opinion est devenu dangereux – très dangereux. En même temps, les habitants ont du mal à comprendre comment la situation va se développer : qui va payer les pensions et les salaires, qui va réparer les dégâts, qui va faire fonctionner les usines… D’un autre côté, la mort de tant de gens après tous les combats et bombardements ne fait qu’accroitre l’antagonisme. »
C’est surtout les personnes âgées qui sont venues voter, qui ne peuvent pas fuir et qui sont les plus susceptibles de céder à la « nostalgie de l’URSS ». D’autres commentateurs font état d’une minorité qui veut un Donbass indépendant, mais qui a perdu la foi dans cette idée parce que la Russie n’a pas utilisé la position favorable qu’elle avait en été. De plus, de plus en plus de gens se rendent bien compte que la Rusise, dans son état économique actuel, ne pourra tout simplement pas renflouer une région de 5 millions d’habitants. Il y a toujours toute une couche de la population qui rêve d’une Ukraine fédérale qui leur permettrait de vivre sans intervention de l’armée de Kiev. Si Kiev lance un assaut, ces gens pourraient se réfugier du côté du Kremlin, mais si la Russie est perçue comme étant celle qui provoque un nouveau conflit, l’opinion pourrait se retourner contre Poutine. La presse russe rapporte qu’à part la crainte de nouvelles sanctions occidentales, la principale raison pour laquelle la Russie s’est retenu d’intervenir en Ukraine en été est que la population de Donetsk ne soutenait pas l’idée d’une intervention.
Ce qui semble se produire dans les régions russophones qui n’ont pas encore été annexées par les républiques rebelles (y compris une grande partie de la région de Donetsk), est une consolidation du sentiment contre l’intervention de la Russie. Ce sentiment est alimenté par la crainte de l’arrivée chez eux d’un conflit militaire semblable à celui qui a détruit la ville de Donetsk. C’est ce sentiment qui anime à présent surtout les villes “pro-russes” comme Marioupol, Kharkov, Zaporijia et Dnipropetrovsk.
Crimée – l’hiver approche
Il est toujours probablement vrai que la position du Kremlin est de maintenir les républiques de Donetsk et Lougansk en tant que “conflits gelés”, qui pourront servir de moyen de pression sur les autorités de Kiev. Mais quand bien même ce serait le souhait du Kremlin, la situation réelle sur le terrain fait que cette approche devient de jour en jour de plus en plus intenable. En Crimée, alors que l’hiver approche, qui promet d’être particulièrement rude cette année, les perspectives sont fort moroses. Après que les autorités ukrainiennes ont coupé les accès de l’eau potable, le maire de Sebastopol a annoncé que l’eau ne sera disponible que pour quelques heures par jour. On dirait qu’on est revenu à la situation qui a suivi l’effondrement de l’URSS. Le réseau électrique ukrainien a aussi déclaré que vu qu’il ne reçoit plus le charbon de Donetsk pour alimenter ses centrales, il cessera d’alimenter la Crimée.
Le secteur touristique en Crimée s’est effondré cet été. À présent, les usines d’armement de la péninsule se plaignent du fait qu’elles ne reçoivent pas les commandes qui leur avaient été promises par l’État russe. De ce fait, elles se voient à présent contraintes de vendre un quart de leurs actions à des conglomérats russes. Les vignobles de Crimée sont eux aussi au bord de la faillite, puisqu’ils ont énormément de mal à se réajuster au système légal russe. Sur les 20 banques russes qui sont venues s’installer dans la péninsule après l’annexation par la Russie, plusieurs ont déjà commencé à se retirer, se plaignant du montant des loyers et de l’étroitesse du marché, vu la faiblesse des salaires.
Malgré les promesses selon lesquelles on allait rapidement construire un pont entre la Crimée et le reste de la Russie, le Kremlin n’a que des problèmes à ce niveau. Les entreprises chinoises et canadiennes candidates disent que la construction de ce pont sera très difficile, car il sera soumis à de rudes tensions en hiver, lorsque le golfe de Kertch est pris par les glaces et est régulièrement battu par les tempêtes. En ce moment d’ailleurs, la Crimée est coupée du reste du monde par ces mêmes tempêtes. À présent, le ministère du Transport est en train d’envisager l’idée de mobiliser de force les étudiants pour accomplir le travail nécessaire – une politique qui rappelle la manière dont les prisonniers du goulag étaient exploités comme des esclaves sous le régime stalinien. Cette mesure ne sera certainement pas populaire parmi les étudiants. Les bacheliers de première année sont déjà menacés de perdre leurs bourses (qui ne valent déjà pas grand-chose) du premier semestre, l’argent devant être utilisé pour « soutenir » les universités criméennes !
L’euphorie se calme
Deux des trois principales agences de sondage russes qui, tout comme les médias, tendent à refléter la position du Kremlin, notent cependant une baisse importante du soutien à Poutine dans l’opinion publique, après le pic record qui avait été atteint au début de l’été. Le centre Levada enregistre un taux d’approbation de 49 % en septembre (contre 57 % en aout) ; le VTsIOM quant à lui note un soutien en baisse de 66 % à 62 %. Un autre sondage réalisé par la même organisation début novembre indique que, bien qu’une vaste majorité de la population de Russie soutient l’annexation de la Crimée, 68 % sont contre le fait d’envoyer l’armée russe participer au conflit militaire aux côtés des rebelles de l’Ukraine orientale.
Même si le soutien à Poutine pourrait bien remonter en fonction de l’évolution de la crise ukrainienne et au son de son tambour nationaliste, les organisations de sondage avertissent du fait que le déclin de soutien actuel pourrait bien se poursuivre. Il pourrait même selon elles retomber jusqu’au niveau de janvier passé (25-35 %), du fait de la hausse des tensions au sein de la société russe.
Une des principales raisons de tout ceci est la situation économique désespérée qui est en train de se développer en Russie. Même avant l’arrivée des sanctions, l’économie russe était en train de se diriger rapidement vers la récession. Selon les chiffres officiels, la croissance aura été de 0 % de cette année, tandis qu’une récession est prévue pour l’an prochain. Les perspectives ne sont pas bonnes. L’année 2014 a été une année record en ce qui concerne la fuite des capitaux hors de Russie. Le rouble a perdu 20 % de sa valeur cette année, malgré un soutien énorme de la part de la banque centrale. À présent, c’est le prix du pétrole qui est en train de s’effondrer, avec une perte de 25 % depuis juin. Et tout cela était avant que les sanctions ne soient arrivées. Ces sanctions rendent à présent quasi impossible l’obtention d’un crédit bon marché pour la plupart des entreprises (le taux directeur de la banque centrale russe est de 9,5 % !). Tous ces facteurs critiques, en plus du cout de l’intégration de la Crimée et du financement des républiques rebelles en Ukraine, ont ouvert un gouffre béant dans les finances de l’État. Le fonds national pour les pensions a déjà été pillé pour compenser les pertes subies par les grandes banques à la cause des sanctions occidentales.
Plus encore, les budgets fédéraux et régionaux sont en train d’être réduits à la hache. Alors que la part du budget de l’armée et de la police est passé de 29 % du PIB à 35 %, la part des soins de santé va être sabré pour passer de 4,4 % à 2,7 % du PIB. En avril 2015, 26 des 46 hôpitaux seront fermés ou fusionnés – 7000 travailleurs de la santé perdront leur emploi. Il y a déjà eu deux grands meetings de protestation à Moscou contre ces coupes budgétaires ; un autre meeting est prévu fin novembre.
Une élite unie ?
En surface, l’élite dirigeante autour de Poutine a l’air soudée. Mais il est clair qu’il y a des intérêts conflictuels au sein du cercle dirigeant, que Poutine cherche à contenir. Les sections de l’élite qui sont liées aux banques et aux grandes institutions financières sont celles qui souffrent le plus des sanctions et qui ont le moins à gagner de nouvelles incursions en Ukraine. Afin de les apaiser, une loi spéciale a été adoptée afin de compenser leurs pertes dues aux sanctions.
D’un autre côté, on a ceux qui dirigent les forces armées et le complexe industrialo-militaire en pleine croissance. Ces personnes propagent l’idée selon laquelle les puissances occidentales sont dirigées par les États-Unis, qui comploteraient constamment contre la Russie.
À la suite de la répression étatique qui s’est abattue sur les dirigeants du mouvement de protestation contre la fraude électorale à Moscou d’il y a deux ans, l’aile “libérale” de l’élite a été complètement écartée.
Si Poutine décide d”intensifier son intervention en Ukraine orientale, baptisée du doux nom de « Novorossiya » (« Nouvelle-Russie »), ce qui pourrait se produire parce que la situation dans l’Est aura échappé à tout contrôle, ou parce qu’il aurait un plan d’ouvrir un couloir terrestre vers la Crimée, les divergences au sein du cercle dirigeant vont s’accroitre. Vu la situation de l’économie, cela veut dire que quelle que soit l’approche choisie à présent par Poutine vis-à-vis de l’Ukraine, il court de très grands risques.Il faut une lutte unie de la classe des travailleurs
À Kiev, à Donetsk ou à Moscou, ce sont les travailleurs qui payent le prix de cette crise, tandis que les diverses élites dirigeantes, leurs armées et leurs chefs de guerre continuent à s’entre-déchirer pour le contrôle des richesses et des ressources de l’Ukraine et de la Russie.
La classe des travailleurs dans la sous-région est peu organisée. Les organisations qu’elle possède, sous la forme de syndicats indépendants, ne représentent qu’une minorité et se limitent à des enjeux purement économiques. Il faut pourtant que les travailleurs puissent apposer leur marque sur la situation, en organisant une lutte unie contre les tentatives de restreindre les droits des minorités nationales, de liguer les travailleurs de différentes ethnies les uns contre les autres, contre la guerre et contre les coupes budgétaires. Il faut une alternative des travailleurs contre la crise économique, pour construire de puissants partis politiques, armées d’un programme socialiste afin de trouver une issue à ce cauchemar. Cela ne peut se faire que par la fin du règne du capitalisme oligarchique et son remplacement par une fédération volontaire et démocratique d’État socialistes.
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Quelle tactique est nécessaire au mouvement LGBT en Russie ?

Action de protestation contre les législations homophobes menée en janvier 2013 devant l’ambassade de Russie à Bruxelles. LGBT – Lutter ou émigrer
Chaque fois que le régime limite un peu plus nos droits démocratiques, de nombreux militants se remettent à parler d’émigration, comme cela a été le cas avec l’“interdiction de la propagande de l’homosexualité auprès des mineurs” ou le procès des manifestants de la place du Marais. Aujourd’hui la situation a empiré : les autorités utilisent le conflit ukrainien pour attiser une propagande patriotique, et livrent à l’extrême-droite tous ceux qui tentent d’y résister (dont les militants LGBT).
Markine D., Moscou, Comité pour une Internationale Ouvrière
Parmi ceux qui ont fait le choix de l’émigration, se trouve Natalya Tsymbalova, membre de l’Alliance des hétérosexuels pour les droits des LGBT : « J’ai quitté la Russie, parce qu’il n’y a plus aucun espoir. […] J’ai vu sortir des tunnels sombres et puants où il s’était tapi tout ce que la société a produit de plus exécrable, de plus ignoble et de plus abject, qui avait été l’espace d’un moment recouvert par un fin vernis “civilisé”. […] Avez-vous vu les yeux de ces créatures qui, ayant perdu toute apparence humaine, se sont jetées sur nous avec une haine féroce lors de l’action pour le jour de l’Indépendance de l’Ukraine, le 24 aout dans la rue du Petit Jardin à Pétersbourg ? » Beaucoup de ses lecteurs ont soutenu Natalya. Ce sentiment est très répandu parmi les militants, mais est-il commun à tous les LGBT ?
Selon un sondage effectué parmi des mineurs LGBT par Lena Klimova, auteur du projet “Enfants 404”, 70 % d’entre eux voudraient dégager de Russie. Des mineurs écrivent : “Si tout ça va continuer… je voudrais vraiment me casser dans un pays où on peut se marier et mener une vie tranquille avec son amour » (Anna, 17 ans, Astrakhan) ; « Je veux partir aux États-Unis avec ma copine, ou en tout cas n’importe où où personne ne va t’arroser d’essence à cause de ton homosexualité » (anonyme, 16 ans, Sourgout) ; « Je ne peux pas concevoir ma vie ici. Il est extrêmement difficile d’affronter l’incompréhension et le mépris de la société. Je voudrais me rendre dans un pays où les gens sont plus tolérants vis-à-vis des minorités » (Lada, 16 ans, Nijniy Novgorod).
Mais la principale crainte des mineurs est la persécution de la part de leurs camarades de classe et l’incompréhension de leurs parents et de leurs proches. La majorité d’entre eux parvient malgré tout à se socialiser. Mais pour ceux qui décident de militer activement pour la cause, cela signifie sacrifier sa carrière et sa vie personnelle au nom de la lutte pour l’égalité des droits ; et c’est parmi ces personnes que l’on voit se recruter les candidats à l’émigration, essentiellement du fait de leurs déconvenues sur le plan pratique. Lorsqu’il est déjà difficile d’affronter ses parents ou collègues, il est encore plus difficile de faire changer l’opinion publique. Car dans ce dernier cas, on ne peut pas s’en tirer si facilement en reprenant les mêmes arguments qui avaient suffi à convaincre ses proches.
Afin de changer l’opinion publique, il faut une stratégie bien réfléchie. Il faut unir l’ensemble des partisans de la cause, s’orienter de manière politique et trouver des slogans capables d’impliquer dans notre lutte autant de gens que possible. C’est pourquoi nous avons soutenu l’Alliance des hétérosexuels pour les droits des LGBT lorsqu’elle a été critiquée par Vera Akoulova, selon qui les hétérosexuels n’étaient pas en mesure de parler au nom des LGBT. Mais il ne s’agit pas d’une question d’orientation sexuelle. Car toute personne qui se dresse contre la discrimination reçoit en retour sa propre part d’homophobie.
Mais cela seul ne suffit pas. Pour nous, l’homophobie est un outil entre les mains de la classe dirigeante, utilisé par les patrons et les politiciens pour détourner l’attention des véritables problèmes : les coupes d’austérité, le chômage, les allocations sociales… On ne peut résoudre ce problème qu’en remplaçant le capitalisme par une économie planifiée de manière démocratique. Le rôle décisif dans cette lutte revient à la classe des travailleurs, et à elle seule : car c’est cette classe qui organise l’ensemble de notre monde, c’est elle seule qui peut arracher le contrôle de l’économie d’entre les mains de cette petite poignée de tyrans afin de la mettre au service de l’ensemble de la société.
Afin d’entrainer la classe des travailleurs dans notre lutte, il faut exposer le lien entre la rhétorique réactionnaire du régime et les problèmes que connait la population au jour le jour, et cela par des slogans appropriés. Il faut lier le mouvement LGBT au mouvement ouvrier et aux divers mouvements sociaux. La crise ukrainienne a bien montré comment le gouvernement “protège” les enfants en réalité : par exemple, dans la province d’Ivanovo, on a transféré dans un camp les enfants d’une maison de correction, parce qu’il n’y avait plus nulle part où loger les réfugiés en provenance du Sud-Ouest ukrainien. Tandis que les logements viennent à manquer, d’autres nous empoisonnent par leur propagande. Ce serait tellement mieux de lutter tous ensemble : pour le bien-être social des orphelins, ce qui inclut la construction de logements et de centres d’accueil pour LGBT.
Malheureusement, l’Alliance des hétérosexuels pour les droits des LGBT ne considère pas de tels objectifs : c’est ce qui a fini par mener à la démoralisation pour nombre d’entre eux. Il ne faut pas aller chercher très loin pour trouver un exemple. Il suffit d’ouvrir les albums photo de l’Alliance pour voir des slogans du style : « Être fier, c’est être fort. Tu peux tout », « L’homophobie est une bêtise et un crime ! Respecte la loi et apprends ! », « Rendez-nous nos droits démocratiques », lorsqu’on ne se contente pas simplement de sortir le drapeau arc-en-ciel. Comment convaincre de cette manière qui que ce soit d’adhérer au mouvement qui ne soit déjà convaincu ou LGBT ?
Ces erreurs dans la tactique ne justifient bien évidemment pas les agressions homophobes, mais cela ne nous empêche pas de tirer des conclusions afin de lutter contre les préjugés de manière plus efficace.
Lena Klimova a elle aussi réagi à la déclaration de Tsymbalova : « La crise actuelle n’est pas une crise du militantisme en général. Il s’agit d’une crise du militantisme de rue, dont nous devons analyser les causes et à laquelle nous devons trouver une solution. N’oublions pas non plus que, derrière les “manifestants”, il y a des centaines de personnes invisibles. Des gens qui répondent à la ligne d’assistance téléphonique, qui organisent des rencontres, des festivals, qui proposent des consultations juridiques ou psychologiques, qui sauvent – vraiment, qui sauvent – tous les jours la vie des gens. Je ne les connais pas tous de nom, vous ne les connaissez pas tous de nom, mais ils existent. Les risques encourus par ces personnes ne sont pas moins terribles que ceux auxquels sont exposés les “manifestants”, mais on ne les voit pas, tout comme ces personnes sont invisibles. J’entrevois un autre avenir. Rien n’est éternel. Tout finira par disparaitre. Et plus vite qu’on ne l’imagine à présent. » L’œuvre civilisatrice menée à grande échelle par le projet Enfants 404 avec les mineurs LGBT, les consultations des psychologues, les publications d’articles et l’impression de livres, des milliers de lettres de remerciement et des dizaines de jeunes sauvés du suicide : voilà le résultat d’une stratégie bien choisie. Les militants mènent ainsi leur lutte remplis d’enthousiasme, au lieu d’être démoralisés.
Léna Klimova a raison, mais pas complètement. Il s’agit d’une crise non pas du militantisme de rue, mais de sa tactique erronée.
Il nous faut non pas des actes d’héroïsme isolés, mais un mouvement d’ensemble. Par exemple, au lieu de petits meetings ici et là, pourquoi ne pas organiser une campagne massive de collage d’autocollants ? Cela permettrait en même temps de diffuser des slogans qui exposeraient la manière dont le régime tente de cacher les problèmes de la majorité de la population laborieuse au moyen de sa rhétorique patriotique et réactionnaire, afin d’appeler à une lutte commune. On a vu aussi un bon exemple de lutte lors de la campagne contre le licenciement des enseignants LGBT, qui avait lié ce problème à celui du licenciement de centaines d’enseignants dans le pays au nom de l’“optimisation” des écoles.
Un dernier mot à propos de l’émigration : cette “liberté” de choix est parfaitement illusoire. Tout le monde ne peut pas quitter son pays. Des milliers de facteurs peuvent retenir les LGBT en Russie : tout le monde ne parle pas anglais/français/allemand, tout le monde n’a pas les moyens de survivre en Europe, tout le monde n’est pas capable d’y trouver un emploi. Être fièrement assis dans un centre pour réfugiés ou nettoyer les toilettes du MacDonalds pour 5€ de l’heure, c’est ça la liberté ?
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Tensions grandissantes entre les puissances occidentales et Moscou
Au moins 6.000 soldats russes ont pris position dans la péninsule de Crimée, officiellement république autonome de l’Ukraine. Le régime russe affirme que cette mesure a été prise à la demande du gouvernement de Crimée, désireux que la Russie intervienne pour défendre les droits des citoyens russes. Le Kremlin a explicitement indiqué qu’il envisageait d’envoyer des troupes dans d’autres régions d’Ukraine si les droits de l’ethnie russe étaient «lésés», même si Vladimir Poutine a déclaré que pareille mesure ne serait prise qu’en ‘‘dernier recours’’.
Le régime de Poutine s’est vu servir sur un plateau le prétexte pour son intervention : la décision hautement provocatrice du nouveau gouvernement de Kiev de diminuer les droits linguistiques de la population russe et d’autres minorités. Le parti d’extrême-droite antisémite Svoboda dispose de quatre postes ministériels au sein du nouveau gouvernement de Kiev, dont celui de vice-premier ministre. Un co-fondateur de Svoboda dirige également le Conseil national de sécurité et un de ses adjoints est à la tête du mouvement paramilitaire et fasciste Secteur Droit. Le ministère de l’Intérieur a affirmé que la milice instaurée par Secteur Droit allait être intégrée dans les forces de police. La Douma russe s’est précipitée pour décréter une nouvelle loi permettant de délivrer des passeports russes à tout membre de l’ethnie russe en Ukraine. Une loi a également été adoptée pour autoriser qu’une région d’un autre pays soit annexée à la Russie pour autant que le gouvernement de ce pays soit considéré comme ‘‘instable’’.
Ces mouvements militaires russes surviennent après l’éviction du président ukrainien Ianoukovitch et l’arrivée au pouvoir d’un régime pro-occidental. L’ingérence irresponsable des puissances occidentales en Ukraine et la riposte de la Russie ont créé la plus grave crise militaire en Europe depuis la guerre russo-géorgienne en 2008. Ces dernières semaines, un mouvement de masse s’est développé contre le régime corrompu et autoritaire de Ianoukovitch et des oligarques. Ce mouvement avait les traits d’une révolution, et la force des masses a conduit à la désintégration du régime de Ianoukovitch et de l’appareil d’Etat. Mais en l’absence d’organisations représentant les intérêts de la classe des travailleurs, le vide politique a été occupé par des politiciens réactionnaires de l’opposition, des nationalistes ukrainiens radicaux et par le parti d’extrême-droite Svoboda ainsi que par le groupe Secteur Droit, ce qui a suscité de profondes craintes au sein de l’ethnie russe.
L’hypocrisie US
Avec une hypocrisie à peine masquée, le Secrétaire d’État américain John Kerry a condamné ‘‘la violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine’’. Mais lorsque leurs intérêts impérialistes sont en jeu, les États-Unis n’hésitent pas à intervenir militairement et à violer des territoires ‘‘souverains’’. La superpuissance US a ainsi envahi et occupé l’Irak et l’Afghanistan, interventions au coût humain désastreux. Les puissances occidentales hurlent de rage au sujet de la prise de contrôle de la Crimée par les forces russes, mais les forces de l’OTAN ont occupé le Kosovo après avoir armé et soutenu militairement l’Armée de libération du Kosovo dans son conflit avec le régime serbe en 1999.
Face à des mouvements de troupes russes en Crimée, l’impérialisme occidental s’est trouvé militairement paralysé et divisé quant aux mesures à adopter. Les gouvernements européens résistent à la prise de sanctions graves. De nombreux pays européens comptent beaucoup sur le commerce avec la Russie (l’Allemagne reçoit par exemple 40% de son gaz et de son pétrole à partir de la Russie) et ils sont réticents à prendre des mesures qui aggraveraient les problèmes économique de l’Union Européenne. Une photographie d’un document secret détaillant les délibérations des autorités britanniques a révélé une proposition visant à ‘‘ne pas soutenir, pour l’instant, des sanctions commerciales (…) ou à fermer le centre financier de Londres aux Russes.’’
Le nouveau gouvernement de Kiev a déjà de graves problèmes à gérer qui auront une grande incidence, et pas uniquement concernant les droits des russophones, mais concernant ceux de l’entièreté des travailleurs en Ukraine. L’économie est au bord du gouffre et le gouvernement a annoncé d’importantes réductions des dépenses de l’État. Toute aide financière de l’ouest s’accompagne invariablement de sévères exigences en termes d’application de l’austérité.
Afin de mobiliser un soutien à son intervention militaire, des manifestations ont été organisées dans plusieurs villes russes, dont l’une forte de 20.000 à 30.000 personnes à Moscou. Le régime de Poutine instrumentalise les inquiétudes des Russes et promeut un patriotisme très cru alimenté par les sentiments anti-occidentaux qui vivent parmi la population. De nombreux Russes sont, bien entendu, véritablement préoccupés par le sort de l’ethnie russe en Ukraine étant donné le caractère totalement réactionnaire du nouveau régime ukrainien. Mais l’intervention militaire russe n’est pas motivée par le souci du bien-être des travailleurs russophones, de même que les manœuvres cyniques des puissances occidentales ne visent en rien à aider la classe des travailleurs de langue ukrainienne. Le Kremlin est gravement préoccupé par l’arrivée d’un régime pro-Otan et pro-occidental à Kiev, aux frontières occidentales de la Russie. Cela menace les intérêts géostratégiques et économiques vitaux de l’impérialisme russe.
L’intervention de Poutine en Crimée est à considérer dans le cadre des tentatives visant à restaurer le pouvoir et l’influence de l’élite russe qui, après l’effondrement de l’ancienne Union soviétique, s’est transformé en élite capitaliste. En réponse, l’Union européenne et les États-Unis menacent de prendre des sanctions économiques. Le régime ukrainien soutenu par l’Occident a quant à lui ordonné la mobilisation générale pour contrer l’intervention. Les travailleurs d’Ukraine auront cher à payer pour toute escalade du conflit.
Conflits ethniques et nationaux
Le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) appelle à mettre fin à toute ingérence impérialiste et à toute intervention militaire en Ukraine. Ces forces réactionnaires menacent de pousser la crise jusqu’à la guerre, avec la terrible perspective de conflits ethniques et nationaux similaires ceux qui ont démembré la Yougoslavie dans le sang au cours des années 1990. Le CIO appelle à la constitution de comités anti-guerre en Russie et en Ukraine, y compris en Crimée. Des comités au fonctionnement démocratique peuvent organiser la défense inter-ethnique de n’importe quel groupe de la population menacé par l’extrême-droite ou le chauvinisme russe.
Ce dimanche 3 mars, des protestations anti-guerre ont eu lieu en Russie, mais de nombreux manifestants ont été arrêtés, dont des camarades de la section russe du Comité pour une Internationale Ouvrière (photo)Il y a une semaine, un sondage d’opinion indiquait que 73% de la population russe était opposée à une intervention russe. Ce dimanche 3 mars, des manifestations anti-guerre ont eu lieu, mais des centaines de personnes ont été arrêtés par la police, y compris des membres du CIO. Tout comme cela avait été le cas en Ossétie du Sud avant la guerre avec la Géorgie, le régime russe a intensifié sa campagne pour la ‘‘défense’’ de l’ethnie russe en Ukraine. Cette rhétorique va très probablement pouvoir profiter d’un soutien temporaire en Russie tandis que la répression s’abattra sur les voix d’opposition.
Des dizaines de milliers de manifestants pro-russes ont défilé le week-end dernier dans la ville portuaire de Sébastopol, base de la flotte russe en mer Noire, ainsi qu’ailleurs en Crimée et ailleurs et à l’Est de l’Ukraine, notamment à Donetsk. Des groupes ‘‘d’autodéfense’’ apparemment soutenus par Moscou ont été instaurés et ils ont saisi les offices gouvernementaux. Les dirigeants locaux et régionaux ont été rapidement remplacés par d’autres, pro-russes. Un référendum sur la sécession de la Crimée est en préparation. La mobilisation de jusqu’à 130.000 troupes russes à la frontière avec l’Ukraine a rapidement suivi.
En l’absence d’un mouvement indépendant des travailleurs, le danger est réel que de nouvelles manifestations de masse à travers l’Ukraine adoptent de plus en plus un caractère ethnique.
Même si nombreux sont les travailleurs à l’Est du pays à craindre la politique du nouveau régime de Kiev et notamment la participation de l’extrême-droite, l’inquiétude est également grande face à l’intervention russe en Crimée et face au risque de guerre en Ukraine et dans la région. Beaucoup de villes de l’Est ont connu des mobilisations restreintes mais néanmoins importantes contre l’escalade du conflit. Les autorités russes affirment que les russophones fuient la région vers la Russie et que plus de 140.000 personnes ont déjà demandé asile en Russie.
La Crimée doit pouvoir si elle le désire faire usage de son droit à l’auto-détermination. Cette région a longtemps été un pion dans le jeu d’intrigues des élites dirigeantes des grandes puissances. En 1944, Staline a expulsé par la force la population tatare de la péninsule. En 1954, le dirigeant soviétique Khrouchtchev a remis la Crimée et ses habitants à l’Ukraine, sans qu’aucune consultation ne soit organisée. Les peuples de l’ex-Union soviétique n’ont pas non plus été consultés quand leurs dirigeants régionaux ont décidé de prendre le pouvoir au début des années 1990 au sein de nouvelles républiques.
Le CIO soutient le droit du peuple de Crimée de décider librement de son avenir, sans aucune coercition, que ce soit vers une autonomie accrue ou carrément jusqu’à l’indépendance. Une assemblée constituante démocratiquement organisée, représentant toutes les couches de la classe ouvrière, permettrait d’assurer qu’un référendum sur l’avenir de la Crimée soit supervisé par des comités démocratiquement élus de travailleurs. Les droits de 300.000 Tatars de la région et de toutes les autres minorités doivent également être pleinement garantis, y compris concernant leur langue et leur religion. Tout cela est impossible en restant au sein du système capitaliste avec sa pauvreté, son chômage et son exploitation, de même qu’en raison de la logique des élites concurrentes de ‘‘diviser pour régner’’. Seul un gouvernement des travailleurs pourra remplacer ce système capitaliste pourri par une société garante des intérêts des masses, y compris en termes de droits des nationalités et de protection des minorités, dans le cadre d’une fédération socialiste des Etats de la région.
Ce qui se déroule actuellement sous nos yeux ne conduira à aucune réelle autodétermination. La Crimée deviendra simplement un protectorat russe, à l’instar de l’Ossétie du Sud, ou, pire encore, une région occupée sous la poigne d’autorités dictatoriales, comme c’est le cas en Tchétchénie avec le gouvernement Kadyrov. L’expérience du Kosovo et de l’Ossétie du Sud illustrent que l’impérialisme, qu’il soit russe ou occidental, est incapable d’assurer la sécurité économique ou l’unité entre les différents groupes ethniques.
Il existe sans aucun doute une profonde atmosphère d’opposition au nouveau régime de Kiev parmi les Russes ethniques de Crimée. Mais le référendum proposé par le gouvernement pro-russe de Crimée, soutenu par les forces armées russes, ne prendra pas place dans une atmosphère de débat réellement libre, sans considération pour les autres groupes ethniques de Crimée, comme les 300.000 Tatars.
Les travailleurs ont bien plus en commun que de choses qui les séparent
La pauvreté, le chômage, l’exploitation et la dévaluation de la monnaie affectent tous les travailleurs. Les élites dirigeantes des deux pays sont prêtes à instrumentaliser les différences ethniques pour empêcher les travailleurs de s’unir au sein d’une lutte commune. Il semble maintenant qu’elles sont préparées à aller jusqu’à la guerre pour défendre leurs intérêts. Les travailleurs et les jeunes doivent s’unir à travers l’Ukraine pour riposter contre les attaques économiques et sociales qui vont arriver de la part du nouveau gouvernement. Cette lutte ne sera couronnée de succès que si la classe ouvrière est unie contre les oligarques et leurs amis d’extrême-droite actuellement dans le gouvernement de Kiev.
La question clé aujourd’hui est celle de la construction d’un parti de masse des travailleurs armé d’un programme socialiste et internationaliste et visant à la mise sous propriété publique des secteurs-clés de l’économie et des richesse des oligarques et hauts fonctionnaires, afin de garantir à chacun un bon niveau de vie, de bonnes pensions, des soins de santé, un enseignement de qualité et un logement, dans le cadre d’une économie socialiste démocratiquement planifiée.
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Ukraine : Ianukovich destitué
Par Niall Mulholland, Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO)
Les derniers développements en Ukraine ont vu la chute spectaculaire du président Viktor Ianoukovitch ainsi que son départ de Kiev. En novembre dernier, le mécontentement massif contre la misère ainsi que la brutalité et la corruption du régime ont été à la base d’une révolte à Kiev et dans de nombreuses autres régions d’Ukraine. Mais en l’absence de toute alternative de la part de la classe des travailleurs, des forces réactionnaires bénéficiant du soutien de l’impérialisme occidental ont réussi à dominer le mouvement de protestation. Un nouveau régime pro-occidental est en cours de consolidation, sur fond de dangereux approfondissement des tensions ethniques parmi une population forte de 46 millions de personnes.
A la suite d’affrontements sanglants entre manifestants et policiers dans le centre de Kiev entre le 18 et le 21 février – durant lesquels plus de 80 personnes ont trouvé la mort, des centaines d’autres étant blessées – les dirigeants d’Allemagne, de France et de Pologne ont négocié un accord avec le régime en ruine de Ianoukovitch. Cet accord de médiation de l’Union Européenne envisageait la constitution d’un gouvernement «d’unité nationale», la tenue d’élections présidentielles et législatives et le rétablissement de la constitution de 2004, qui aurait privé la présidence de certains pouvoirs essentiels.
Mais l’accord s’est rapidement effondré quand l’opposition de droite, qui comprend des ultra-nationalistes et des éléments fascistes, est passée à l’offensive. Le parlement a destitué Ianoukovitch et a nommé les dirigeants du parti de la Patrie Arsen Avakov et Oleksandr Turchynov respectivement ministre de l’Intérieur et président de la Rada (le parlement). Turchynov, proche allié de l’ancienne première ministre Ioulia Tymochenko libéré de prison le 22 février, est également président par intérim. Turchynov tente de constituer un nouveau gouvernement de coalition tandis que de nouvelles élections présidentielles auraient lieu le 25 mai. Des mandats d’arrêt ont été délivrés pour Ianoukovitch et d’autres anciens ministres.
Même les députés du Parti des régions de Viktor Ianoukovitch ont voté pour ces mesures, une tentative désespérée pour tenter de se distancer de l’ancien régime. Le leader parlementaire du Parti des régions a condamné le président déchu pour avoir lancé “des ordres criminels”. De puissants oligarques jusqu’ici proches de Ianoukovitch et favorables à l’alliance avec la Russie ont de manière très opportuniste opéré un virage à 180°.
Réaction furieuse du Kremlin
Le Kremlin a réagi avec fureur à ces évènements et a dénoncé un “coup d’État” soutenu par l’Occident réalisé par des «extrémistes armés et par des pogromes». La destitution de Ianoukovitch représente un sérieux revers pour le régime de Poutine, pour qui l’Ukraine est un pays à l’importance stratégique vitale.
Le Kremlin a fait de grands efforts pour politiquement et économiquement assurer de mettre son proche voisin dans sa poche. En novembre dernier encore, Moscou a conclu un accord commercial de 15 milliards de dollars après que Ianoukovitch ait rejeté un accord de partenariat avec l’Union Européenne. La lutte entre grandes puissances impérialistes pour disposer de la plus grande influence en Ukraine n’a fait que s’accroître, ce territoire étant également géostratégiquement important pour les États-Unis et pour l’OTAN.
Le rejet de cet accord avec l’Union Européenne a suscité protestations et opposition, ainsi que des manifestations place Maidan, au centre de Kiev. Ces mobilisations étaient au départ essentiellement composées de personnes issues de la classe moyenne et d’étudiants. Nombreux sont ceux qui entretiennent l’illusion qu’une collaboration plus étroite avec l’Union Européenne conduirait à une plus grande prospérité ainsi qu’à l’obtention de droits démocratiques. Mais l’accord de partenariat de l’Union européenne de novembre dernier prévoyait un sévère plan d’austérité sous les diktats du FMI, et Ianoukovitch avait craint que cela ne conduise à une explosion de colère.
La brutalité de la police à l’encontre des manifestants a assuré qu’un plus grand nombre de personnes descende dans les rues de Kiev et de Lviv ainsi que dans toute la partie occidentale et de langue ukrainienne du pays. Le ressentiment suite au refus de l’accord avec l’Union Européenne s’est très vite transformé en une colère de masse contre la pauvreté, la stagnation économique ainsi que la corruption et l’incompétence du régime autoritaire de Ianoukovitch. Alors que les travailleurs et leurs familles sont de plus en plus pauvres, Ianoukovitch et sa clique se sont spectaculairement enrichis. Les manifestations anti-régime ont d’ailleurs touché jusqu’aux bases politiques de Ianoukovich dans la partie industrialisée et principalement russophone d’Ukraine.
Très rapidement, il est apparu que ce régime corrompu bénéficiait de très peu de soutien populaire, ce qui fut notamment illustré lorsque les manifestants ont ouvert les portes de la résidence principale de Ianoukovitch, exposant ainsi son style de vie opulent au grand jour. Remarquons à ce titre que les médias occidentaux ont délibérément choisi de ne pas réserver un traitement similaire pour la richesse tout aussi obscène des oligarques et politiciens pro-occidentaux.
Mais en l’absence de fortes organisations de la classe des travailleurs, il n’a pas été possible que cette opposition de masse devienne un mouvement unifiant toute la classe des travailleurs ukrainienne contre tous les clivages ethniques, religieux et linguistiques. Si nombreux travailleurs se sont rendus dans les rues à titre individuel, la révolte contre le régime et le règne des oligarques n’a pas été dirigée par une classe ouvrière agissant en tant que classe pour soi. La majorité de la classe ouvrière est opposée tant à l’ancien régime qu’aux oligarques, mais les travailleurs sont largement restés passifs. La classe ouvrière n’a pas laissé son empreinte sur les évènements de façon indépendante et organisée.
Les forces réactionnaires
Cela a laissé aux forces réactionnaires l’opportunité d’occuper le vide dès le début, avec le soutien des puissances occidentales, afin de cyniquement exploiter l’exaspération des masses. L’opposition de droite et pro-capitaliste, comme l’ancien champion de boxe poids lourd Vitali Klitschko et Arseniy Yatseniuk, lié au Parti de la Patrie, ont pris les devants en se liant étroitement aux ultra-nationalistes, à l’extrême-droite et aux groupes néo-fascistes. Au cours de ces trois derniers mois, le parti antisémite Svoboda et l’organisation d’extrême-droite Secteur Droite ont joué un rôle clé dans l’organisation des combats de rue et l’occupation des bâtiments du gouvernement.
Le caractère totalement réactionnaire du nouveau régime et les craintes qu’il engendre peuvent être illustrés par l’appel lancé par le rabbin Moshe Reuven Azman pour que les Juifs fuient Kiev. Le nouveau ministre de l’Intérieur a déclaré que les «forces d’autodéfense» de la place Maidan seront incorporées aux nouvelles structures du régime. Les chefs du parti Svoboda s’attendent à occuper un poste dans ce nouveau régime.
La décision provocatrice de diminuer le statut de la langue russe a conduit à divers appels à la sécession dans le sud et l’est de l’Ukraine, russophones. Des milliers de personnes ont protesté à Sébastopol, en Crimée, une base navale cruciale pour la flotte russe de la Mer Noire, en agitant des drapeaux russes. Ils ont voté pour mettre en place une “administration parallèle” et pour organiser des “escadrons de défense civile”.
Au cours de ce week-end, Susan Rice, conseillère à la sécurité nationale des États-Unis, a averti Vladimir Poutine que ce serait une “grave erreur” pour la Russie d’intervenir militairement. Le chef du commandement militaire de l’OTAN en Europe a eu des entretiens avec l’état-major russe le 24 février afin de tenter d’apaiser les tensions avec la Russie. Moscou a encouragé les dirigeants régionaux d’Ukraine orientale pour qu’ils s’opposent à Kiev et qu’ils s’orientent vers une plus grande «autonomie». Reste encore à voir dans quelle mesure ce processus pourra aller loin, mais si d’importantes régions décidaient d’aller jusqu’à la sécession, le régime de Poutine, blessé, pourrait alors faire monter les enchères et intervenir militairement. Les oligarques concurrents et l’ingérence agressive de l’impérialisme occidental et russe ont dangereusement poussé l’Ukraine dans la voie d’un processus désordonné de désintégration, si pas carrément vers la partition sanglante du pays.
L’Ukraine fait face à la banqueroute
Poutine conserve une puissante influence économique sur Kiev. Plus de la moitié des exportations ukrainiennes sont à destination de la Russie et la Russie assure l’approvisionnement de l’Ukraine en gaz. Moscou pourrait causer de réelles difficultés aux Ukrainiens en révoquant la réduction de 30% des prix du gaz.
Ni l’Union Européenne, avec le soutien des États-Unis, ni Moscou et ses oligarques n’agissent pour les intérêts des travailleurs en Ukraine. Que ce soit Ianoukovitch ou le nouveau régime pro-occidental au pouvoir à Kiev, ces gens n’agissent que pour la défense des intérêts des super-riches, y compris avec l’application d’une politique d’austérité contre les masses ukrainiennes.
La Russie a annoncé qu’elle gelait son aide économique de 15 milliards de dollars tandis que les dirigeants occidentaux parlent de mettre sur pied un “plan de sauvetage” destiné à sauver le pays de la faillite. Le nouveau régime de Kiev dit avoir besoin de 35 milliards de dollars en deux ans pour empêcher l’économie d’aller droit dans l’abîme. La croissance économique a été nulle en 2013 et la monnaie, la hryvnia, a perdu plus de 8% de sa valeur en trois mois à peine. Le Financial Times a rapporté que les USA et l’Union Européenne avait explicitement exigé que cette aide s’accompagne de réformes économiques. Jack Lew, le secrétaire d’État américain au Trésor, a de son côté souligné la nécessité de réformes suivant les lignes des plans de lu FMI, c’est-à-dire synonymes d’austérité et de privatisation.Une caractéristique frappante de ces dernières semaines fut que malgré la fracture ethnique, les travailleurs ont exprimé leur forte opposition à l’ensemble de l’élite politique ainsi qu’à leurs bailleurs de fonds oligarques. Ils veulent mettre un terme au régime de la mafia des oligarques et aspirent à une société différente, avec des droits démocratiques et de bonnes conditions de vie.
La dirigeante de l’opposition Julia Timochenko a été “reçu poliment mais en aucun cas avec ravissement”, selon un journaliste du quotidien britannique The Guardian, lorsqu’elle s’est adressée à la foule place Maidan après à sa sortie de l’hôpital de la prison de Kharkiv. Beaucoup d’Ukrainiens se souviennent que Timochenko, héroïne de la «Révolution orange» de 2004, est ensuite devenue Première ministre au sein d’un gouvernement corrompu qui a lancé des attaques contre les conditions de vie déjà pauvres de la population.Le nouveau régime entrera en collision avec la classe des travailleurs
Les nouveaux dirigeants capitalistes pro-occidentaux espèrent disposer d’une lune de miel avec les masses mais, tôt ou tard, ils entreront en collision avec les intérêts de la classe ouvrière ukrainienne.
La crise de ces derniers mois révèle l’urgente nécessité pour les travailleurs de construire leurs propres organisations de classe, y compris par l’intermédiaire de syndicats réellement indépendants. A ce jour, cela s’avère être un processus très long et difficile. Ce n’est pas surprenant étant donné les conséquences de décennies de règne du stalinisme, qui ne permettait aucune véritable auto-organisation de la classe ouvrière, de l’effondrement de l’ex-URSS et de la «thérapie de choc» de restauration du capitalisme. La conscience politique des masses est confuse et marquée par la désorientation.
Pourtant, les travailleurs tirent d’importantes leçons des évènements. Ils sont passés par la très décevante «Révolution orange» et par le règne de Ianoukovitch. Maintenant, ils goûteront les fruits amers de Turchynov, Klitschko, Yatseniuk et les autres politiciens capitalistes pro-occidentaux.
De plus en plus de sections de la classe des travailleurs se rendront compte que la seule façon d’avancer est de construire un parti de masse des travailleurs multiethnique et indépendant du capital, qui rejette le nationalisme réactionnaire, l’oligarchie et toute ingérence impérialiste. Un parti authentiquement socialiste disposant du soutien des masses et unifiant tous les travailleurs à travers l’Ukraine ferait campagne pour un gouvernement des travailleurs afin de prendre en mains l’énorme richesse des oligarques et de nationaliser les grandes banques et grandes entreprises, dans le cadre d’un d’une économie démocratiquement planifiée, afin de satisfaire les besoins de la grande majorité de la population. Une telle lutte saurait trouver un écho parmi les travailleurs de toute l’Europe et de Russie.
