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  • Par ici, les limousines

    Carrefour

    Cette brève est parue sous la signature de Jean-Claude Jaillette dans le magazine Marianne n°602 du 1er novembre. Si elle ne concerne que Carrefour en France, elle ne manque pas de piquant au vu de ce qui ce passe dans le groupe en Belgique…

    Ils n’ont rien compris à la crise, chez Carrefour. D’un côté, le groupe sous-paie ses employés, pratique pour laquelle il vient de se faire condamner : 429 salariés d’Ecully et de Givors touchaient moins que le Smic horaire. Verdict : 1,287 million d’euros d’amende. De l’autre, il renouvelle tous les véhicules attribués aux directeurs des magasins.

    L’information, révélée par la CGT-Carrefour, vaut son pesant de privilèges : 300 limousines à 40.000 euros pièce ont été commandées chez BMW er Mercédès. "Les salariés de Renault et Peugeot mis au chômage technique apprécieront", ironise le syndicat. Le groupe justifie la dépense par un urgent besoin de réduire les émissions de CO2. Ouf ! A défaut de se soucier de l’injustice sociale, Carrefour se préoccupe de la planète.

  • Non-marchand. Il faut de l’action maintenant !

    Accord fédéral 2005-2010 insuffisant :

    Lors du vote de l’accord fédéral actuel en 2005, beaucoup doutaient que celui-ci puisse être suffisant pour remplir les besoins immédiats du secteur. Cela fut illustré, surtout à la FGTB, par le résultat du vote: la plus grande section du SETCa Bruxelles-Hal-Vilvorde avait rejeté l’accord à 90%. Finalement, tant la SETCa que la Centrale Générale ont accepté l’accord à respectivement 68% et 73%. Il y avait également du doute au sein de la LBC et de la CNE, mais pour l’une ou l’autre raison cela ne s’est pas traduit dans le résultat du vote. Finalement, le sentiment d’avoir obtenu le maximum possible a été décisif. Beaucoup a certes été arraché, mais cela ne diminue en rien le fait que seulement 14% des revendications ont étés reprises dans cet accord.

    Hypertension, journal d’action non-marchand

    Aujourd’hui, en 2008, nous avons atteint la phase d’alarme ‘ROUGE’ sur le lieu de travail. Entretemps, nous sommes liés pour encore 2 ans à un accord insuffisant qui ne sera appliqué complètement qu’en 2015.

    Le manque aigu et chronique de personnel est plutôt la règle que l’exception, et ce alors que la charge de travail s’accroît systématiquement (entre autres à cause du vieillissement et de l’augmentation des tâches administratives). Les heures supplémentaires atteignent des chiffres astronomiques (par milliers par hôpital), et la récupération reste lettre morte (sans parler du paiement); et nous pourrions continuer la liste encore longtemps…

    Comme la LBC le dit correctement dans son tract, il faut d’urgence plus de mains dans notre secteur. Déjà plus de 2.000 soignants ont obtenu le diplôme d’infirmier via un projet spécial de formation. Malgré le fait qu’il y ait des centaines de candidats pour l’année scolaire suivante, le projet n’est plus prolongé, ‘il n’y a pas d’argent’.

    PAS D’ARGENT ?

    Pas d’argent, alors que les baisses de charges aux patrons atteignent des milliards d’euros par an. Il suffit de citer l’intérêt notionnel … du profit pur qui disparaît dans les poches des grands actionnaires. Toute une série d’entreprises du Bel 20 ne paient pas un centime d’impôts. Il y a bien de l’argent, mais le gouvernement préfère jouer les Robin des Bois à l’envers : voler les poches des travailleurs pour donner aux riches.

    POUVOIR D’ACHAT: DANS NOTRE SECTEUR AUSSI, TRES PROBLEMATIQUE!

    DU POUVOIR D’ACHAT PAR DES AUGMENTATIONS SALARIALES !

    Pendant que notre secteur se trouve en queue de peloton en terme de conditions salariales (malgré les conditions de travail hyper flexibles) nous sommes liés à un plan quinquennal. D’autres secteurs peuvent corriger la situation tous les deux ans via un Accord Interprofessionnel (AIP). Les ‘cacahuètes’ que nous avons obtenu dans l’accord actuel ne suffissent pas à compenser la montée du coût de la vie, sans même compter le retard salarial par rapport à d’autres secteurs.

    Ces 6 derniers mois, les prix des produits de base ont augmenté en moyenne de 13%, selon une enquête réalisée dans les grandes surfaces de Delhaize, Colruyt et Carrefour par le journal télévisé de la VRT (19 avril 2008)

    Selon une étude récente de la FGTB, 20% des travailleurs actifs font partie de la catégorie des ‘travailleurs pauvres’. Ces gens ne sont plus capables de se payer des concerts ou une soirée au cinéma, ils ne peuvent pas s’acheter une maison ou voyager. 35% de ceux qui ont répondu à l’enquête disent avoir des difficultés pour payer les études de leurs enfants, 37% affirment ne pas pouvoir épargner. Le phénomène de ‘working poor’ se développe principalement dans le secteur public et … dans le non-marchand.

    Les ‘cacahuètes’ dans l’accord actuel se résument à la prime ‘d’attraction’ et à l’augmentation de la prime de nuit et de celle du dimanche et des jours fériés de 50 à 56 %. Pas vraiment spectaculaire. Les primes ne sont pas reprises dans le calcul de la pension, et sont plus faciles à retirer. La seule solution pour le pouvoir d’achat, c’est une augmentation considérable des barèmes. Un 13ème mois complet et une augmentation des primes pour les prestations irrégulières restent à l’ordre du jour.

    DES ACCORDS DE CINQ ANS NE FONCTIONNENT PAS DANS LA VIE REELLE

    Vu l’évolution dans notre secteur, il est nécessaire de suivre le tout avec une vision à plus long terme. Il ne s’agit pas seulement des conditions de travail, mais aussi de l’état général des soins de santé dans le pays. De mauvaises conditions de travail laissent la voie à une commercialisation accrue et le développement de soins de santé à plusieurs vitesses. Les travailleurs en sont doublement victimes : en tant que travailleurs et en tant que patients.

    L’accord interprofessionnel biannuel ne s’applique pas au non-marchand SAUF si c’est pour nous serrer la ceinture, ou pour une détérioration des conditions de travail, comme le crédit-temps lors du pacte de solidarité entre les générations. Le non-marchand ne participe qu’aux désavantages de l’AIP, à quand les avantages? Peut-être que des accords bi-annuels c’est un peu trop, mais une ‘évaluation partielle’ devrait être possible.

    LA COLERE BLANCHE A REINVENTER: POUR UN FRONT COMMUN SYNDICAL HONNETE ET CONSTRUCTIF

    Il est nécessaire que les directions nationales des syndicats, ensemble avec les militants de base, tirent des leçons de la colère blanche précédente, tant sur le plan des revendications, que sur le plan des méthodes d’action (organisation et planification) et des résultats obtenus. Les conclusions devraient alors aboutir, via une discussion aussi large que possible en front commun syndical, et un plan d’action détaillé pour la prochaine colère blanche.

    Dès le début de la Colère Blanche un ultimatum clair et concret pourrait être posé au gouvernement. Et ceci accompagné d’un plan d’action, qui construit petit à petit les actions et mène à un point culminant avec un maximum d’impact (coordonné tant sur le plan national que sur le plan provincial et local). Si on passe à l’action, il faut que les gens aient une perspective claire. La fin relativement chaotique du mouvement précédent avec ‘la grève au finish’ n’avait pas eu un effet favorable (cela ressemblait plus à l’étouffement de la grève)

    LES LEÇONS DE LA COLERE BLANCHE EN FINLANDE EN 2007

    RESULTAT: UNE AUGMENTATION SALARIALE DE 22 A 28 %, ETALEE SUR 4 ANNEES !

    L’année passée, les soignants finlandais, avec leur syndicat TEHY, ont obtenu une victoire spectaculaire par leur positionnement ferme. La raison du mouvement était la baisse du pouvoir d’achat et la fuite massive d’infirmiers vers les autres pays scandinaves, où les salaires et les conditions de travail sont nettement meilleures.

    Tout un plan de campagne avait été élaboré et une piste tout à fait inorthodoxe a été suivie: la menace de démission collective en masse … par les travailleurs. D’ans un premier temps, des grèves traditionnelles, des manifestations et des arrêts de travail se sont tenus afin de préparer l’ultimatum. Les démissions en masse devaient se faire en plusieurs vagues, et les militants syndicaux auraient eu droit à une indemnité de grève tant qu’il n’y aurait pas eu une solution avec réembauche de tout le monde.

    Mais ça n’a pas été jusque-là. Malgré le vote d’une loi d’urgence au parlement lors du weekend précédant la fin de l’ultimatum, le gouvernement et les employeurs n’ont pas osé aller à la confrontation avec le syndicat des infirmiers (TEHY). La loi d’urgence aurait rendu possible la réquisition des travailleurs, même après leur démission. Mais il était clair qu’une partie importante des infirmiers n’auraient pas accepter les réquisitions : soudainement beaucoup d’entre eux avaient complètement disparu …

    Malgré la forme drastique d’action, qui menaçait de mettre à l’arrêt les soins de santé dans leur totalité, les acteurs avait un soutien large dans l’opinion publique. Le gouvernement avait pourtant déjà organisé des ponts aériens vers d’autres hôpitaux en Europe pour gérer les cas les plus graves …

    LEÇONS POUR LA BELGIQUE ?

    L’impact des actions de grèves dans notre secteur est, comme en Finlande, plutôt limité, à cause des réquisitions massives, qui dans beaucoup de cas ont l’effet pervers que durant les grèves, il y a plus de personnel présent que d’habitude vu le contrôle supplémentaire.

    Des manifestations sont utiles pour annoncer nos revendications à un large public et pour mobiliser afin d’impliquer un maximum de collègues dans l’action. Comme moyen de pression sur le gouvernement et les employeurs, c’est beaucoup moins utile: à Bruxelles il y a quotidiennement diverses manifestations…

    Il y a lieu de réfléchir sur ce qu’est un ‘vrai ultimatum’. Le bas taux de syndicalisation dans le non-marchand belge est plutôt un obstacle pour initier des actions collectives dures et rapides … il faudra en tenir compte. Un autre élément perdra toujours plus de sa valeur : l’idée de soi-disant ‘intérêts communs’ entre les travailleurs et les employeurs (lesquels veulent le plus de subsides possibles afin de pouvoir en mettre davantage dans leurs poches). La compétition croissante entre hôpitaux, entre autres par la commercialisation rampante, se fera sentir de plus en plus sur le lieu de travail par une politique de plus en plus répressive envers le personnel. Dans les maisons de retraites commerciales, nous en avons déjà un avant-goût !

    MALAISE DANS LES HOPITAUX PRIVES A BRUXELLES…

    Selon différents directeurs d’hôpitaux, durant les 5 années à venir, entre 1.000 et 2.000 lits se perdront à Bruxelles.

    En-dehors de la question qu’il y ait oui ou non une surcapacité de lits à Bruxelles, ce détricotage se fera sur le dos des travailleurs et des patients. A cause d’une mauvaise gestion, beaucoup d’hôpitaux ont accumulé des dettes énormes, mais cela n’inquiètera pas les directions. Ce ne sont pas elles qui devront chômer ou attendre qu’un lit se libère lorsqu’elles seront malades! Les hôpitaux privés, qui n’ont rien à craindre ces prochaines années et semblent donc en bonne santé financière, se comptent sur les doigts d’une main.

    Les premiers dominos sont déjà tombés avec le licenciement collectif à St. Etienne ainsi qu’à l’hôpital Français qui est, depuis le 7 avril, dans la première phase de la loi Renault. A Erasme, on s’attend à une restructuration considérable à partir de juin. A St-Luc on a accumulé une dette sérieuse. Les ‘tendances pharaon’ (ç.-à-d.: toutes sortes de projets de construction) de la part des directions n’y sont pas étrangères. On veut augmenter encore plus la flexibilité du personnel, mais on l’appelle différemment : ‘rentabiliser’.

    Vu l’impact social de cette évolution en terme d’emplois et de services à la population, nous ne pouvons pas laisser traîner les choses en longueur.

    Au lieu de s’attaquer à la vague de restructurations hôpital par hôpital, il nous faut une initiative syndicale unie au niveau de Bruxelles… afin de réveiller les responsables politiques et de leur mettre devant leurs responsabilités. Il y a beaucoup trop peu de contrôle de la part des autorités sur la manière dont les directions hospitalières utilisent les moyens de la communauté.

    Comme dans le tract de la LBC pour le 30 avril:

    “MAIS QUI LE RESOUDRA ?”

    Evidemment notre secteur ne se trouve pas sur une île; par conséquent, la politique néolibérale laisse des traces dans les soins de santé.

    Il faut constater qu’aucun parti représenté dans le parlement ne défend de façon consistante les intérêts des travailleurs.

    Des braillards populistes tel un Dedecker se rendent sympas par leur discours anti-establishment, mais parallèlement, leur programme économique est un rêve pour tout patron: engraisser les actionnaires sur le dos des travailleurs.

    Lors de la discussion sur le Pacte de solidarité entre les Générations il n’y avait aucun parti traditionnel pour défendre les travailleurs et leurs syndicats; au contraire: la plupart étaient d’avis que les assainissements du pacte n’allaient pas assez loin.

    La lutte syndicale a besoin d’un prolongement politique, mais celle-ci n’existe pas dans le parlement actuel. La seule alternative, c’est la construction d’un nouveau parti large et démocratique des travailleurs, mais il s’agit d’un processus complexe et de longue haleine: cela ne tombera pas soudainement du ciel! Tant que des parties importantes de la FGTB et de la CSC ne cassent pas leurs liens exclusifs respectifs avec le PS et le CDh-CD&V, une percée pour un parti viable et démocratique des travailleurs ne sera pas possible.

    Après les actions contre le Pacte de Solidarité entre les Générations, de nouveaux mouvements politiques, dont le CAP, se sont créés. Le ‘Comité pour une Autre Politique’, né à l’initiative de vétérans du mouvement ouvrier (dont Jef Sleeckx et Georges Debunne) était le plus clair en terme de mise à l’ordre du jour de la nécessité d’une voix politique indépendante pour le mouvement ouvrier et les travailleurs en général. Ce n’est malheureusement resté qu’une tentative honorable… Beaucoup de gens dans le mouvement des travailleurs organisés ont suivi à distance ce développement, mais n’y ont pas participé activement.

    Ce n’est que par la lutte sociale massive que cette question sera soulevée de nouveau. Entretemps nous devons construire des réseaux (inter)sectoriels de syndicalistes combatifs et critiques. C’est le défi qu’Hypertension s’est posé dans le non-marchand.

  • Roumanie : Grève et victoire à l’usine Dacia !

    Des milliers de travailleurs de l’usine Dacia Renault sont partis en grève pour une augmentation de 60% de leur salaire. Après 3 semaines de lutte, ils ont réussi à obtenir environ 40% d’augmentation. Dans le quotidien « Adevarul », un journaliste a annoncé la fin du mythe des travailleurs roumains bon marché.

    Le syndicat local a déclaré que plus de 80% des 13.000 travailleurs de l‘usine Dacia de Pitest (ville du sud de la Roumanie) avaient participé à la grève. La principale revendication des travailleurs, qui gagnaient environ 285 euro par mois, était une augmentation salariale de 60%. « Nous travaillons le même nombre d’heures qu’en France mais nous sommes payés des cacahuètes », rapporte un travailleur. Le syndicat a déclaré qu’il était temps « de se battre pour les salaires comme en France ».

    Renault, le fabricant automobile français, a créé l’usine Dacia en 1999 et y produit depuis lors la Logan, la voirure la moins chère de sa gamme. Évidemment, même si l’augmentation de 60% avait été obtenue, les travailleurs auraient toujours gagné moins que leurs homologues français (qui gagnent en moyenne 2.200 euros brut par mois). Néanmoins, la revendication « de se battre pour les salaires comme en France » est très importante car c’est une tentative de surmonter les divisions entre travailleurs de différents pays. L’un des principaux slogans aux piquets tenu par les grévistes était «Unitate» (unité).

    La direction de Renault a réagi de manière très agressive en essayant d’obtenir l’interdiction de la grève par voie légale. Dans une lettre ouverte au journal « Evenimentul Zilei », le directeur général de Dacia, François Fourmont, a même menacé les travailleurs en grève de fermer l’entreprise. Fourmont a déclaré à propos des revendications salariales que « ces revendications peuvent mettre en péril le futur de l’usine, il faut prendre en compte le fait que d’ici à 2010 des usines Renault au Maroc, en Inde et en Russie seront opérationnelles et capables de produire la Dacia ».

    La menace de délocaliser la production dans un pays avec des conditions salariales plus faibles est une menace que les travailleurs d’Europe de l’Ouest connaissent bien. Durant ces derniers mois, des grandes entreprises (Ford, Nokia,…) ont délocalisé une partie de leur production en Roumanie ou ont menacé de le faire. Aux travailleurs à travers l’Europe de reprendre l’exemple de Dacia…

  • Opel-Anvers suit le scénario VW : 1.400 travailleurs victimes du nouveau carnage social

    La direction de General Motors a enfin clarifié les choses ! Oui, mais au détriment des salariés d’Opel à Anvers… Ce sont 1.400 emplois qui disparaîtront d’ici la fin de l’année. En outre, la nouvelle Astra ne sera pas construite à Anvers. Un modèle de Chevrolet, au succès incertain, sera construit là-bas. Les salariés ont arrêté le travail mais le mot ‘grève’ n’est pas prononcé.

    Geert Cool

    A Opel comme à VW

    General Motors a finalement décidé que la construction de la nouvelle Astra sera effectuée par quatre des cinq sites – Ellesmere Port en Grande-Bretagne, à Bochum en Allemagne, à Gliwice en Pologne et à Trollhättan en Suède – tandis que le site d’Anvers sera consacré à une partie de la production de la Chevrolet.

    Opel suit donc l’exemple de VW. Comme nous l’avons déjà écrit, les parallèles sont trop frappants. Dans les deux cas, la direction a essayé de dresser les différents sites les uns contre les autres afin de décrocher un maximum de concessions sur le plan de la flexibilité. Opel a longtemps laissé planer le scénario le plus sombre en espérant ainsi moins de réactions à l’annonce du plan d’assainissement.

    Solidarité européenne?

    Il règne dans les sites d’Opel une solidarité européenne entre les syndicats des différentes sites. Il a notamment été convenu de répartir les assainissements sur tous les sites. Un succès partiel. Si cette stratégie est importante pour stopper la politique de la direction de « diviser-pour-mieux-régner », cela n’a pas pu arrêter des coups durs.

    Lorsqu’en 2005, General Motors avait laissé courir le bruit que 12 usines et 30.000 salariés devaient disparaître aux USA, il était évident que l’Europe allait suivre. Une épuipe a déjà disparu à Ellesmere Port en Grande-Bretagne (900 salariés), 1000 salariés ont été licenciés en 2006 à Azambuja au Portugal et des milliers d’emplois ont aussi été perdus en Allemagne.

    Ces attaques ont mené à des actions de protestation au niveau européen. Dans onze sites européens de GM (60.000 salariés), le travail a été arrêté pour une courte durée. Au vu de la dureté des attaques, cette politique était trop défensive. La solidarité européenne tiendra-t-elle encore longtemps si Opel-Anvers est transformé en Chevrolet-Anvers avec une usine à capacité réduite ? Et si GM ne réusit pas à lancer les modèles Chevrolet « à prix démocratique » sur le marché européen ? L’arrivée de Chevrolet est en soi loin d’être certaine.

    Chevrolet

    Jusqu’ici, Chevrolet est surtout connue comme une marque de voitures de luxe américaines. Après avoir racheté Daewoo, GM désire avant tout produire d’anciens modèles de la marque coréenne sous le nom de Chevrolet pour le marché européen, Daewoo ayant une réputation trop négative. Ainsi, depuis 2005 déjà, GM commercialise des Daewoo sous l’appelation Chevrolet.

    Par rapport au succès quasi-assuré de l’Opel Astra, le nouveau modèle de Chevrolet court un risque élevé et la direction s’attend déjà à un succès mitigé. Mais le nombre de Chevrolet vendues a connu une croissance, surtout en Europe de l’Est où déjà 350.000 voitures ont trouvé acquéreur. Mais que fera-t-on si la direction de GM décide de construire ce modèle en Europe de l’Est ?

    Réactions syndicales

    Les travailleurs d’Opel ont stoppé le travail quand la suppression des 1.400 emplois a été annoncée. On a en revanche pris soin d’insister sur le fait qu’un arrêt de travail n’équivaut pas à une grève. Les travailleurs ont reçu la permission de rentrer à la maison. Le délégué FGTB Rudi Kennis – sixième candidat sur la liste SP.a pour la Chambre à Anvers… – a déclaré que plutôt que de licencier une des trois équipes, il préfèrait répartir les pertes sur l’ensemble du site. Les syndicats ont donc, semble-t-il, accepté les licenciements d’avance. Les syndicats pourraient tenter de se servir des négociations étalées dans le temps dans le cadre de la loi Renault pour créer un rapport de forces, comme ce fut le cas avec succès à Agfa-Gevaert. Mais il y a de sérieux doutes sur leur volonté de procéder de la sorte.

    Qu’une lutte semblable à celle de VW se développe est également loin d’être garanti. Pour le délégué CSC Luc Van Grinsven: « Opel-Anvers n’a pas une tradition de conflits. Faire la grève maintenant ne jouerait qu’à l’avantage de la direction. » En conséquence, il n’a été permis aux travailleurs que de rentrer à la maison avec la garantie que les salaires continueraient à être payés. C’est tout à l’avantage de la direction face à la colère qui vit parmi les travailleurs et qui, si elle s’exprimait à l’usine, ferait perdre la mainmise de la direction de l’entreprise (et d’une partie de la direction syndicale) sur les salariés.

    Les réactions d’une série de travailleurs étaient sans équivoque: « Nous ne voulons pas voir nos conditions de travail et de salaires descendre à un niveau plus bas encore, nous n’acceptons pas les pertes d’emploi dans l’usine, nous ne voulons pas de scénario « VW ». Les réactions des salariés d’Opel et de VW sont identiques et il est bien commode de tenter d’étouffer l’expression organisée de ce sentiment.

    Réactions politiques

    Les politiciens traditionnels se sont empressés de limiter les dégâts avant les élections. Peu importe à leurs yeux le sort des 1.400 salariés foutus à la porte tant que leur image peut être préservée. Le premier ministre Verhofstadt souhaite, en concertation avec le gouvernement flamand, aboutir à « un scénario de transition plus avantageux pour le modèle Chevrolet à Anvers ». On négociera donc sur plus de flexibilité et plus de baisses de charges patronales. Un air déjà entendu notamment… à VW.

    Jusqu’où peut-on encore pousser davantage la flexibilité et la productivité ? Avec le réglement « plus/minus », il est maintenant possible d’étaler le temps de travail sur… six ans avec la possibilité d’une semaine de travail de 48 heures et une journée de travail de 10 heures. Les charges patronales ont également été abaissées,… Combien de cadeaux supplémentaires le gouvernement accordera-t-il au patronat alors qu’ils sont loin d’avoir pu empêcher le démantèlement d’Opel-Anvers…

    Face à la logique néolibérale de démantèlement social et de pertes d’emploi pour maximaliser les profits, il faut une autre politique. Ces nouvelles pertes d’emplois si près des échéances électorales sont un problème pour des politiciens qui n’ont d’autres réponses à offrir que des recettes périmées comme la réduction des charges patronales et l’augmentation de la flexibilité pour les travailleurs. A cela, nous opposons la lutte internationale pour le maintien de tous les emplois dans le secteur de l’automobile.


    Nombre de travailleurs chez Opel-Anvers:

    • 1990: 10.000
    • 1992: 8.797
    • 1996: 6.814
    • 2001: 5.400
    • 2004: 5.100
    • 2008: 3.700?

    Nombre de travailleurs dans le secteur automobile : – 10.800 entre 2000 et 2010

    • Ford Genk: 11.400 (2000) -> 6.000 (2010)
    • VW-Forest: 7.100 (2000) -> 2.300 (2010)
    • Opel-Anvers: 5.600 (2000) -> 3.700 (2010)
    • Volvo-Gand: 3.700 (2000) -> 5.000 (2010)
  • Referendum chez VW

    Aujourd’hui, les travailleurs s’expriment par referendum sur la question de la poursuite ou non de la grève. Ils le font sous une lourde pression, aussi bien des médias, que de la direction et une partie des délégations syndicales. Ils sont dans l’incertitude sur beaucoup de points.

    Eric Byl

    Cela est apparu clairement dans les commentaires des délégations syndicales ce matin, lors de la réunion du personnel organisée à la hâte avant le référendum. Les grandes lignes sont connues : le nombre d’ouvriers qui restent, le nombre de départs volontaires, et le nombre de prépensions. Le volume de production est également connu, mais pour le savoir, il n’est pas nécessaire de venir au piquet.

    Les délégations du personnel de VW ont manqué plusieurs fois d’élan ces dernières semaines. Ainsi, cette assemblée du personnel était seulement la 2ème sur six semaines de grève. Normalement, on en organise au minimum une par semaine, de telle manière que chacun reste concerné et reste informé de l’évolution de la situation.

    Il fallut une lutte farouche dans le comité FGTB de l’usine pour forcer cette assemblée du personnel et pour déterminer qui prendrait la parole. A défaut de quoi, on fonçait vers un référendum par courrier auquel les 1900 travailleurs qui ont déjà opté pour la prime de départ auraient participé. Normalement, on devrait attendre qu’une solution soit trouvée pour tout le monde, avant de proposer un plan au vote, auquel tout le monde devrait participer.

    En ouvrant la porte il y a quelques semaines à une prime de départ, on a brisé la solidarité. Il est évident que ceux qui ont signé veulent recevoir leur prime le plus vite possible et veulent en conséquence que la grève s’arrête. La grève concerne en fait surtout les conditions de départ à la préretraite et les conditions de travail de ceux qui vont rester. Il ne serait pas honnête de laisser ceux qui vont quitter le navire déterminer les conditions de travail ou de départ des autres.

    La réunion du personnel a été annoncée seulement deux jours avant la date, par e-mail et par sms ! Comme s’il nombre de participants à cette réunion n’était pas important. Nous ne connaissons pas meilleure manière d’inviter les travailleurs à rester chez eux… C’est un beau cadeau aux charognards de la presse et de la direction, de laisser l’impression que seule une petite minorité est encore intéressée.

    Heureusement, 2000 à 2500 travailleurs participèrent à cette assemblée. Les travailleurs n’ont reçu aucune information préalable à la maison, ce qui leur aurait permis de réfléchir à leur aise aux propositions, d’en discuter éventuellement avec leurs familles… Ils n’ont même pas reçu un tract avec les propositions, pendant ou même après l’assemblée générale. En plus, l’assemblée du personnel était à sens unique : il s’agissait d’une communication des syndicats vers le personnel, sans possibilité de poser des questions. Après la réunion, on a voulu procéder au vote. Mais étant donné que la liste de ceux qui avaient signé pour la prime de départ n’était pas encore disponible, cela a traîné, et beaucoup de travailleurs sont repartis sans avoir voté. Qui profitera de cet enlisement ?La direction, naturellement.

    Le délégué principal CSC a commenté la situation : il y aura du travail durant les deux prochaines années pour 2200 travailleurs (et donc pas 3000), en deux équipes (la nuit et le week-end disparaissent), pour un volume de production de 84.000 voitures : 48.000 polos, 14.000 golfs et 22.000… encore à déterminer, sans doute l’Audi A3, mais nous le saurons quand nous serons au travail… Ce genre de « clin d’oeil », n’a pas été apprécié par l’assemblée : ni par les néerlandophones ni par les francophones qui ne devaient pas comprendre beaucoup de mots flamands pour comprendre qu’on leur faisait avaler des couleuvres. En outre, on travaillera 4 jours par semaine, pas le vendredi, ce qui signifie qu’il y aura du chômage économique pour une équipe, pour les autres un jour libre. Aucun mot sur les montants nets exacts qui se cachent derrière les chiffres bruts des primes (les impôts peuvent prélever quelque 70% sur deux ans…). Pas un mot non plus sur le fait que la contribution pour les prépensionnés tienne compte du pécule de vacances seulement pour les employés.

    Pas un mot non plus sur la question de savoir si les prépensionnés qui seront reçus dans les cellules de remises au travail se retrouveront seuls face aux fonctionnaires ou bien seront accompagnés et représentés collectivement par leurs syndicats.

    Cette intervention fut ensuite traduite, et puis ce fut au tour du délégué principal FGTB de répéter la même chose. Il ajouta que les travailleurs de nuit et de week-end pourraient compter sur leurs salaires complets durant la période réglementaire prévue par la loi Renault. Quant aux prépensions qui posent problème à l’esprit du pacte des générations, la mise en place de cellules de reclassement obligatoires fait en sorte que le pacte des générations est respecté à la lettre. Mais cela ne semble pas poser de problème aux dirigeants de la FGTB « vu qu’aucun patron ne va se précipiter pour embaucher un ancien ouvrier de VW, alors qu’il y a déjà quelque 500.000 chômeurs disponibles. Les amis du PS au gouvernement manieront-ils encore le spectre de la suspension ?

    Une autre représentante de la FGTB a ensuite pris la parole, et ce qu’on essayait de nous faire croire devenait clair. Elle insista sur le fait que les propositions qui avaient été présentées, étaient ce que la direction voulait donner, pas ce qu’elle pouvait donner. Elle a également précisé que la période à laquelle faisait référence son collègue à propos des primes de nuit et de week-end n’était que de 3 mois. Passé ce terme, adieu les primes… Elle a annoncé que si la grève était reconduite, une grosse assemblée serait tenue mardi prochain au piquet pour, enfin, mettre en place un plan d’action. Cette intervention a exprimé ce que les travailleurs avaient sur le cœur, comme en ont témoigné les différentes réactions.

    Le délégué principal des libéraux essaya encore une fois d’opposer les Flamands aux francophones.

    La plupart des Flamands étaient toutefois d’accord avec la plupart des francophones présents : laisser traduire le speech combatif de la déléguée principale FGTB par un le délégué principal libéral relevait de l’hypocrisie : plutôt pas de traduction qu’une « trahison » complète.

    La lutte chez VW est arrivée dans une phase cruciale. Selon les règles que les syndicats se sont imposées (de manière discutable), 66% des voix sont nécessaires pour que la grève puisse continuer. Après toutes les occasions manquées, après si peu de participation et en l’absence d’un plan d’action, il était presque exclu que 66% des travailleurs se prononcent pour la poursuite de la grève. En plus, la direction avait préalablement menacé : le résultat du referendum est crucial ! Car la décision sur l’Audi A1 en 2009, ou même la promesse du 3ème modèle pourraient être remises en question. Les médias ont préparé l’opinion du mieux possible avec leurs histoires sur les travailleurs de VW qui ont gagné au Lotto, de même avec les grosses primes de départ, dont il ne restera plus rien après quelques années. Nous pouvons et devons déplorer le déroulement de la lutte à VW. Mais nous devons surtout en tirer des leçons pour savoir comment nous devons mener la lutte syndicale et de quels instruments politiques nous avons besoin pour y parvenir.

  • Des primes de départ jusqu’à 144.000 euro. VW: la direction achète la lutte, mais la pilule reste amère

    Plus de 1.200 travailleurs de VW ont décidé de quitter “volontairement” l’entreprise en échange d’une prime de départ exceptionnelle. Ainsi, le chant du cygne de VW à Forest, une des rares icônes restante du syndicalisme de combat, semble avoir commencé. Apparemment, les 1.500 primes de départ que VW veut bien accepter seront facilement dépassés les jours prochains. La hauteur des primes est due aux traditions de lutte au sein de l’entreprise.

    Eric Byl

    Mais il est regrettable d’avoir misé si tôt sur des primes de départ avant qu’il n’y ait de clarté sur l’avenir de l’entreprise et sans que le sort des nombreux emplois perdus chez les sous-traitants ne soit réglé. Voici une analyse critique et quelques suggestions pour l’avenir.

    Une réaction compréhensible

    La réaction de beaucoup de travailleurs n’est pas une surprise. Ces dernières années, les conditions de travail à VW sont devenues intenables et, de plus, l’avenir de l’entreprise reste incertain. Les larmes de crocodiles des dirigeants nationaux des syndicats n’ont pas été de nature à convaincre les travailleurs qu’ils allaient se battre de façon conséquente pour chaque emplois. Ne parlons même pas d’une mobilisation de l’ensemble de la classe ouvrière Belge…

    Le fait que l’assemblée du personnel du 22 novembre s’est terminée en renvoyant tout le monde chez eux avec le message qu’ils seraient informés par les médias était déjà un mauvais signe. L’absence totale de mots d’ordre à la fin de la manifestation de solidarité internationale du 2 décembre a confirmé le soupçon que la lutte pour chaque emplois était exclue avec de tels dirigeants. Qui peut reprocher dans ces conditions aux travailleurs de choisir la moindre douleur? Quelques dizaines de travailleurs nous ont expliqué pourquoi ils ont finalement signé.

    Bruno: “Cela fait 18 ans que je travaille à VW, la prime s’elève dans mon cas à environ 100.000 € brut. Même si après les taxes il n’en restera que 50.000 €, je devrais encore épargner pendant 20 ans 250 € chaque mois pour y arriver. Je considère comme exclu que VW puisse tenir encore 20 ans ici.” Son collègue, qui à 26 années de travail à VW déclare: “Je suis au maximum, je plains ceux qui vont rester, car ils vont souffrir.” Au café Le Cox, en face de l’usine, ceux qui n’ont pas (encore) signé font figure d’exception. Les travailleurs ont fait la part des choses, et ils savent compter, “ici vous voyez beaucoup d’argent”, nous raconte l’un d’entre-eux en souriant pendant qu’il regarde autour de lui “6 millions de franc belges, 4 millions, 3 millions, encore une fois 3 millions, 2 millions, et moi 4 millions”. L’ironie ne nous a pas échappé.

    Fermeture où scénario bien élaboré ?

    Ceci confirme ce que Jacques Guilmot nous avait raconté dans le bus de solidarité du Comité pour une Autre Politique (CAP) garé au picket. Jacques est un de ces délégués exemplaires qui jadis ont essayé de construire le caractère combatif de VW à Forest. Il avait abandonné son mandat syndical et retravaillait de nouveau à la chaîne ces dernières années, “afin de renforcer le contact avec la base”. Il le faisait parce qu’il “savait que des choses allaient se passer et que les délégués puisent leurs forces des travailleurs mêmes”. A VW, il y a environs 60 permanents syndicaux, le résultat d’accords dans l’industrie automobile, avec comme effet néfaste qu’un fossé s’est creusé entre beaucoup de délégués et la base.

    Jacques nous a raconté que selon lui VW n’avait pas du tout l’intention de fermer le site, mais de transformer l’usine à Forest “en modèle en termes d’assainissements sur les salaires et les conditions de travail”. C’est justement ce qui est sur table: allongement du temps de travail et au moins 20% d’économies sur les coûts salariaux. En attendant la possibilité d’attribuer la production de l’Audi A1 qui n’est encore qu’au stade de la table à desssin, trois scénarios sont mis en avant: plus de Polos, une partie des Golfs ou encore des Audi A3. La décision qui concernera les 3.000 travailleurs restants ne serait que pour plus tard dans la semaine. Selon nous, il aurait été mieux de faire dépendre l’accord sur les primes de départs de garanties sur les salaires et les conditions de travail des 3.000 qui restent, entre autres.

    Des temps difficiles

    Ce ne seront d’ailleurs pas que les 3.000 travailleurs qui resteront qui auront à souffrir. On estime que d’une prime de départ de 144.000 €, il n’en reste après taxation que 57.600 € (*). Agoria et les organisations patronales belges sont furieux. Ils n’osent pas imaginer que d’autres délégations syndicales et travailleurs puisse prendre ces montants comme référence. A Renault Vilvorde, en 1997, la prime pour un travailleur ayant 20 années d’ancienneté n’était que de 25.000 € brut (**), autant que VW est prêt à payer pour des intérimaires qui partent volontairement! A Imbev, plus tôt cette année, la prime, de nouveau pour un travailleur avec 20 années d’ancienneté, était de 42.100 € brut. Certains travailleurs de VW espèrent que le gouvernement va partiellement décharger les primes. Ce n’est pas totalement exclus, mais maintenant que la délégation a ouvert les portes et que beaucoup de travailleurs en ont profité pour partir, les relations de forces nécessaires pour arracher cela sont minées.

    Le gouvernement aurait déjà fait des concessions sur le Pacte des Générations pour les plus de cinquante ans : ils pourraient partir en prépension à condition d’avoir tout fait durant 6 mois pour retrouver un boulot. Nous sommes curieux de savoir comment on pourra juger cela d’ici 6 mois. De toute façon, beaucoup de ceux qui partent doivent s’attendre à des temps difficiles. Qui retrouve un boulot devra accepter une réduction de salaire, probablement beaucoup plus que 250 € par mois. A VW, on est habitué à une force syndicale importante, ce qui sera généralement inexistant chez le nouvel employeur. Au cas où ils ne trouvent pas d’autre emploi, la prime sera vite dilapidée et quand ils seront interrogés par le service de chômage et devront subir les humiliations qui y sont fréquentes, beaucoup d’entre eux regretteront qu’aucune lutte pour la préservation de chaque emploi n’ait été menée.

    Les travailleurs des sous-traitants au placard

    Chez les travailleurs des sous-traitants, la frustration n’a fait que monter après le départ de beaucoup de travailleurs de VW. Certains d’entre eux travaillent depuis 20 ans au site de Forest. Leurs patrons ne seront jamais prêts à payer de telles primes de départ. Il parait que VW aurait prévu une enveloppe pour eux, mais il faut encore en négocier le contenu et les relations de forces pour cela sont minées. Durant tout le conflit, nous avons été frappés par l’habitude de la délégation de se réunir généralement à huis clos au lieu d’impliquer au maximum les travailleurs, comme lors de la lutte à Clabecq ou dans d’autres conflits. Encore pire, les délégations des travailleurs des sous-traitants n’ont pas pu participer à ces réunions et démeuraient donc en général dans l’incertitude sur les derniers développements. Maintenant que les travailleurs de VW sont partis, ils perdent leur plus puissant allié. En ce sens, il aurait été préférable que les délégations de VW attendent qu’une solution pour toutes les catégories de travailleurs, y compris ceux des sous-traitants, soit trouvée avant de lâcher les primes de départ.

    Aucun choix

    Beaucoup de travailleurs nous disent qu’ils ne pouvaient tirer qu’une conclusion après l’assemblée du personnel: “game over”. Le MAS est pourtant convaincu que ce n’était pas le seul scénartio possible. Avant l’été déjà, nous avions distribué un tract à VW sur la possibilité d’une restructuration et la nécessité de se préparer puisque “la faiblesse mène à l’agression patronale”. La délégation de VW, par contre, confirmait sa confiance dans la parole donnée par la direction. Nous pensons qu’une campagne de sensibilisation aurait été préférable. Lorsque la direction de l’entreprise chimique anversoise Lanxess, une scission de Bayer comprenant un bon millier de travailleurs, a annoncé le 17 octobre la scisson de l’entreprise en 3 unités, les délégations syndicales ont commencé une campagne d’information. Des calicots ont été placés dans l’entreprise, les délégations ont distribués à 5 reprises des tracts, ils ont pris la parole et organisés des grèves éclairs. Resultat: un bon mois plus tard, le 4 décembre, la direction à annulé son projet. Cela ne signifie pas qu’une telle stratégie aurait aussi à VW et mené à des résultats spectaculaires, mais du moins les travailleurs auraient été mieux préparés.

    Il est évidemment difficile de faire revenir en arrière une multinationale comme VW sur son plan industriel. Il est même exclu de réaliser cela sur base de la force seule des travailleurs de VW. Mais les travailleurs de VW ont une tradition de solidarité avec d’autres entreprises. Ce sont eux qui, en ’96, ont contribué au mouvement autour de l’affaire Dutroux en marchant vers le palais de justice. Cela n’est pas encore oublié et le sentiment de solidarité avec les travailleurs de VW était fort étendu. Une grève de solidarité de 24 heures dans tous les secteurs ou au moins des interruptions de travail aurait été acceuillie avec enthousiasme dans toute grande entreprise en Belgique. Il y avait un potentiel pour moboiliser toute la classe ouvrière et toute l’opinion publique et faire de VW-Forest un pôle d’attraction international qui aurait pu changer le rapport de force plus largement qu’à l’entreprise seule. VW-Forest avait le potentiel de signifier pour le mouvement ouvrier ce que la grève des mineurs en Grande-Bretagne en ’85 signifiait pour le patronat européen: le début d’une offensive contre l’agression du patronat européen.

    Il faut rompre les liens avec la social-démocratie et les sociaux-chrétiens

    Nous n’y sommes pas arrivé et ne pouvons le reprocher aux délégations syndicales de Forest. Nous ne savons pas ce qui a été discuté entre les délégations de Forest et les instances nationales. Ces dernières sont pieds et poings liés à la social-démocratie et aux sociaux-chrétiens qui sont, avec les libéraux, les principaux exécuteurs du néo-libéralisme. Pour forcer une multinationale comme VW à faire des concessions, il faut lui mettre l’épée dans les reins, non pas en exigeant la réstitution des subsides donnés, car la direction le compenserait au dépends des travailleurs VW à l’étranger et les monterait en même temps contre les travailleurs belges – ce qui reduirait la force de tous les travailleurs- mais si nécessaire par la nationalisation de l’usine et la reconversion de la production vers une production écologiquement justifiée.

    Nous ne voyons pas comment un Vande Lanotte, un Vandenbroucke ou un Di Rupo et une Onckelinkx pourraient y être poussés. Cela nécessite un nouveau parti, véritablement du côté des travailleurs. Le MAS y travaille, en collaboration avec Jef Sleeckx entre autres, au sein du Comité pour une Autre Politique.

    Préparer le match retour

    La direction de VW a réussi son coup. 2.800 des 5.800 emplois sont supprimés et les travailleurs restants perdront beaucoup de leurs salaires et de leurs conditions de travail. Les travailleurs ont marqués un but avec des primes de départ sans précédent, probablement calculées à l’avance par la direction. Le match est à 2 contre 1. Mais il faudra encore jouer beaucoup de parties et nous ne pouvons pas nous démoraliser. Il faut tirer les leçons de la lutte précédente et préparer celles à venir. Les travailleurs de VW ont une tradition de lutte, gardons-la pour ceux qui travailleront encore demain à VW et introduisons surtout avec quelques milliers des anciens travailleurs de VW cette tradition chez les futurs employeurs. Construisons ensemble dans le Comité pour une Autre Politique une force politique tout à fait indépendante du patronat et renforçons le MAS pour que, pas à pas, entreprise après entreprise, nous puissions construire une force qui dévoile la stratégie des patrons et qui soit capable d’y répondre.


    (*) selon le cotidien “Het Volk” du 10/12/2006 “Voir d’abord ce qui en reste”

    (**) un ancien de Renault qui travaille aujourd’hui à la STIB nous raconte qu’après taxes, il lui restait 300.000 frb de cette prime.

  • Agfa Gevaert. 900 licenciements… et des heures sup’

    La direction d’Agfa Gevaert à Mortsel (près d’Anvers) a annoncé la suppression d’un millier d’emplois en Belgique: Agfa ne croit plus en la photographie analogique. Pourtant, les travailleurs se voient obligés d’effectuer des heures supplémentaires à cause du volume du travail.

    Geert Cool

    La direction avait déjà annoncé avant l’été son intention de faire un plan de restructuration avec la possibilité qu’un millier de travailleurs perdent leur emploi. La valeur des actions avait de suite augmenté. Fin août, ce plan de restructuration a été annoncé: 893 emplois liquidés à Mortsel. La valeur des actions a de nouveau augmenté de 9%.

    Agfa a tout de même obtenu de bons résultats. Au deuxième trimestre de 2006, son profit a augmenté de 42,6%. Le profit net dans cette période était de 28 millions d’euros, 11 millions de plus que prévu. Cela n’empêche pas la direction de vouloir économiser 225 millions d’euros par an.

    Début des années ’90, 8.500 travailleurs étaient employés à Agfa Gevaert. Après le nouveau plan de restructuration il n’en restera que 3.000. Agfa a été divisé en 3 sections: Graphics, Healthcare et Materials, dont l’une sera probablement liquidée en sous-traitance.

    La direction n’a pas encore expliqué comment organiser la production avec un quart du personnel en moins. Elle a simplement suggéré d’utiliser des intérimaires ou des étudiants dans la production…

    La direction affirme qu’il n’y aura pas de licenciements directs mais il n’est pas possible pour les 893 travailleurs de partir en prépension. Ce sera un test pour l’application du Pacte des Générations.

    Contre ce Pacte des Générations, les travailleurs de Agfa Gevaert avaient fait grève les 7 et 28 octobre. Pour l’instant, il n’y a pas encore de grève. Dans le cadre de la loi-Renault, une période de consultation et d’information avec les syndicats est prévue qui, au vu des 57 plans de restructuration, peut durer quelques mois.

    Les syndicats peuvent utiliser cette période pour préparer la lutte et construire un rapport de force dans l’entreprise et le secteur chimique. Comme l’explique Bruno Verlaeckt, secrétaire régional de la Centrale Générale d’Anvers: "Nous restons convaincus que supprimer un emploi sur quatre dans la chaîne de production n’est pas tenable. Le nombre de travailleurs doit y être maintenu. Il est inacceptable d’organiser la flexibilité en supprimant des emplois et en engageant des intérimaires."

    La demande des syndicats d’organiser une conférence sur l’emploi dans tout le secteur chimique à Anvers a été refusée par les patrons, mais elle peut être utilisée pour créer un front des travailleurs du secteur.

  • La capitale paralysée

    Cela fait 12 ans qu’on n’a pas connu une grève d’une telle ampleur. Aucun secteur n’a été épargné. Aucun train n’a roulé ; peu de trams et de bus. Le trafic aérien a été perturbé. Un piquet a bloqué les accès du centre de tri postal de Bruxelles X. Volkswagen-Forest était fermé. De nombreuses autres entreprises du privé étaient aussi fermées ou fortement perturbées. La plupart des grands magasins n’ont pas ouvert leurs portes. La grève a été également fortement suivie dans le secteur des banques et assurances ainsi que dans les administrations et l’enseignement. Des assemblées d’information ont eu lieu dans la plupart des hôpitaux.

    La FGTB a organisé le blocage de plusieurs accès au ring, ce qui a fortement perturbé la circulation. Seule la FGTB appelait officiellement à la grève, mais nombre d’affiliés CSC s’y sont ralliés malgré la reculade du sommet de la CSC. Cela variait fortement d’une entreprise à l’autre, d’un secteur à l’autre.

    Une trentaine de membres et de sympathisants du MAS sont intervenus activement dans la grève à Bruxelles. Les uns l’ont fait dans leur entreprise ou université, d’autres sur les nombreux piquets et blocages. Notre intervention a été accueillie avec beaucoup d’enthousiasme. Nous sommes intervenus avec un tract et un autocollant spécifiques et nous avons vendu 35 exemplaires de notre journal.

    Aperçu de nos interventions

    Blocages et rapport de force

    En plus des piquets dans les entreprises, la FGTB avait aussi appelé ses militants à se rendre à différents points stratégiques afin de paralyser la circulation bruxelloise.

    Appel auquel ont répondu plusieurs délégations derrière les « barricades » dressée à Delta (Ixelles), Viangros (Anderlecht) ainsi que sur le boulevard Charles-Quint dès 6h du matin et la sortie du ring à Grand Bigard plus tard dans la matinée.

    A Anderlecht plus ou moins 300 militants de différents secteurs, principalement du SETCA s’étaient mobilisés pour bloquer le ring. Beaucoup de camarades des banques-assurances était présent mais aussi des militants du non-marchand, de la poste,… La Police a du fermer la sortie du Ring.

    A Delta, c’était plus de 200 militants combatifs qui stoppaient l’autre sortie du Ring malgré les menaces des « chefs » policiers de casser par la force la mobilisation. Ces menaces n’ont pas entamées la détermination et la présence massive des manifestants. Des délégations de différentes entreprises étaient présentes ( Citybank, Siemens,…) dès le matin. Ensuite des délégations de Renault, de la VUB et de l’ULB se sont déplacées plus tard pour renforcer le barrage.

    Certaines parties du ring ont été complètement à l’arrêt pendant plusieurs heures, à d’autres endroits les ralentissements étaient importants. La chambre de commerce a déclaré que la FGTB avait outrepassé son droit de grève. Les blocages sont une tradition du mouvement ouvrier.

    Ceux-ci ont finalement été levés après la confirmation de libération des deux militants arrêtés par la police à Anderlecht plus tôt dans la matinée. Avec notre intervention, nous avons ainsi pu récolter plusieurs contacts de militants intéressés à construire avec nous une aile combative et démocratique au sein du syndicat.

    Volkswagen:

    La FGTB et la CGSLB ont organisé un piquet de grève qui a rassemblé vers 6h une bonne centaine de travailleurs de l’usine. La présence en nombre sur le piquet montre la combativité à la base. Les menaces récurrentes de fermeture ou de restructuration y rendent la question des pré-pensions particulièrement sensible.

    Solvay:

    Les grévistes s’étaient partagés entre les deux sites (Ixelles et Neder-over-Hembeek). La grève était essentiellement portée par les employés et les ouvriers. Les cadres, la majorité du personnel, sont toutefois venus travailler en grand nombre. Surtout, la grève n’était portée que par le SETCA. La CNE s’est ouvertement opposée au mouvement. Cela n’a pas entamé le moral des militants.

    Grands Magasins:

    Un piquet de grève bloquait les accès à quasi chaque Carrefour-SuperGB, Delhaize et Brico. Les piquets des grandes surfaces ont coloré la ville en rouge et vert. La grève était appelée par le SETCA, mais les militants et les délégués de la CNE étaient souvent présents aux piquets. Dans certains cas, le piquet était même dominé par la CNE. Il n’était pas rare que des piquets communs formés de militants d’enseignes différentes, comme à Auderghem et à Drogenbos, bloquent l’entièreté du site. Ils étaient même parfois rejoints par des petits commerçants qui fermaient leur boutique en signe de solidarité.

    STIB:

    De nombreux dépôts étaient bloqués par des piquets (Haren, Molenbeek, Ixelles, Delta, …). Seule la CGSP a appelé à la grève mais quelques militants CSC ont également débrayé. Les grèves dans les transports publics combinés aux blocages ont donné un coup dans les coffres-forts des patrons !

    VUB:

    A la VUB il y avait dès 7h30 un piquet commun de la CGSP-VUB et des travailleurs de la firme de nettoyage de sous-traitance ISS, en total 20 militants. Les militants essayaient de convaincre les travailleurs de ne pas aller travailler. Aussi vu le très bon succès de la grève à la SNCB, beaucoup de membres du personnel administratif et technique n’ont pu venir travailler. Les Etudiants de Gauche Actifs de la VUB ont participé à l’action par solidarité avec le personnel en grève. Vers 10h30 les participants du piquet sont allés renforcer le blocage routier à Delta.

    ULB:

    A partir de 6h30, des étudiants d’EGA et de l’Interfac étudiante bloquent les deux entrées principales de l’université, avec les délégués de la CGSP. Les étudiants et le personnel peuvent passer, mais les voitures et les camions sont bloqués. Toute la matinée, il y aura eu une cinquantaine de personnes (étudiants, professeurs, personnel) qui seront passées aux « piquets » afin de faire connaître leur soutien à la grève. La CNE, elle aussi était présente et faisait grève. A 10h00, une trentaine d’étudiants se sont dirigés vers le blocage des routes à Delta, en occupant eux aussi la chaussée, sous le mot d’ordre d’ « étudiants, ouvriers, solidarité ». Là nous avons rejoint les travailleurs de différents secteurs, dont le cortège des étudiants et travailleurs de la VUB. Ces derniers nous ont ensuite « raccompagnés » vers midi au blocage de l’ULB, afin de revendiquer et de démontrer la solidarité et l’unité dans la lutte des deux universités. Malheureusement, il ne restait alors que plus qu’un « piquet barbecue », et une activité quasi normale régnait sur le campus.

    EGA est intervenu avec un tract et des affiches appelant à la solidarité des étudiants avec la grève et sur la nécessité d’avoir une assemblée générale démocratique afin de faire prendre positions aux étudiants et au personnel du campus sur la grève.

  • Volkswagen. Pourquoi faire des sacrifices? Pour que les patrons puissent frauder !

    Depuis quelques semaines, on annonce régulièrement que Volkswagen Forest est menacé de fermeture. Devons-nous prendre au sérieux ces menaces? Ou la direction veut-elle seulement faire pression sur les syndicats pour les négociations sur les conventions collectives ? Le dirigeant Bernard prétend qu’il n’est pas question de fermeture. Les syndicats expriment leur confiance en la direction. Il est possible que la direction veule simplement faire pression.

    Tract du MAS

    La surproduction dans le secteur automobile est cependant un fait. Si la direction lance une idée, alors il s’agit en même temps d’un test. Si elle a l’impression que les syndicats restent dociles et qu’une fermeture ne demandera pas trop d’efforts, elle pourrait changer rapidement d’idée… Renault Vilvoorde faisait partie des succursales les plus productives. Il y a quelques années, les syndicats avaient déjà accepté des journées de travail de 9 heures. Cette entreprise n’a pourtant pas été sauvée, au contraire, au moment où il était nécessaire de fermer une usine quelque part, Vilvoorde est arrivé immédiatement sur la table. La direction savait que là, la résistance resterait limitée. Les syndicats devraient tirer les leçons de cette défaite: quand tu montres les dents, on y regarde à deux fois avant de t’attaquer, mais si tu t’écrases avant même que la lutte ait commencé, tu te fais très vite marcher dessus.

    La direction tente évidemment de faire pression sur les syndicats pour leur faire accepter plus de concessions lors des négociations. Il est question d’une réduction du temps de travail et d’un déplacement de l’équipe du week-end en semaine. La tentative de la direction de neutraliser les 4,3% d’augmentation de salaire qui étaient prévus dans la convention collective nationale s’est heurtée à un ‘Non’ franc et massif des syndicats. Ils refusent de créer un précédent en réduisant à néant cette convention collective nationale. Ce qui ressort des négociations, c’est qu’à Forest, on a clairement le couteau sous la gorge; on est obligé d’être au moins aussi productifs que nos collègues allemands si on veut garder notre emploi!

    En Allemagne, les syndicats ont donné leur accord pour un gel des salaires jusqu’en 2007 et pour l’introduction de l’annualisation du temps de travail, par laquelle les travailleurs peuvent travailler jusqu’à 400 heures de plus que sous le rythme normal. Nous devons accepter des réductions parce que la direction veut économiser 10 milliards d’euros. En 2008, ils veulent atteindre 4 milliards d’euros de profits, profits qui disparaissent dans les poches des actionnaires et dans celles de la direction du groupe VW, puisque celle-ci fraude depuis des années. Des entreprises fictives ont été créées pour placer les profits. Hartz, le directeur du personnel de VW et ami personnel de Schröder, a déjà démissionné. Schröder a donné son soutien complet à son ami Hartz qui est le créateur du fameux plan social portant son nom, un plan qui pousse des centaines de milliers de chômeurs dans la pauvreté et qui force les chômeuses à accepter des « emplois »…de prostituées. Payé par le syndicat IG Metall, Volkert, le secrétaire du Conseil d’entreprise, est aussi un voleur. Peters, le président d’IG Metall, aurait été au courant de ces scandales. Des sources chez VW disent que le Conseil d’entreprise (et donc aussi les délégués syndicaux) étaient achetés déjà depuis 10 ans par des voyages au bout du monde et des prostituées de luxe pour « avaler les mesures difficiles et garantir la paix sociale ».

    Que les politiciens (y compris les sociaux-démocrates, les chrétiens-démocrates et les verts) remplissent leurs poches sur notre compte, cela ne nous étonne plus. La direction syndicale, à la botte des politiciens, participe évidemment à ces pratiques. Cette direction est payée par nos cotisations et pour défendre nos intérêts. Nous ne devons pas pour autant délaisser les syndicats après de tels scandales: les syndicats sont à nous ! Tout ceci met de nouveau en avant la nécessité de syndicats démocratiques. Des assemblées générales des membres doivent être organisées sur les lieux de travail, pendant les heures de travail, pour que les travailleurs puissent exercer un contrôle sur les élus et les révoquer si c’est nécessaire. Les permanents syndicaux ne peuvent gagner plus que les travailleurs qui les ont élus: c’est le seul moyen d’empêcher qu’ils perdent le contact avec les vraies conditions de vie des travailleurs et de leur famille.

    Il n’y a pas seulement des restructurations et des licenciements chez VW ou dans le secteur automobile en général, mais aussi dans d’autres secteurs car, partout, le but est de maximaliser le taux de profit. Seuls des syndicats démocratiques peuvent permettre aux membres, aux militants et aux délégués d’avoir des outils de lutte efficace pour lutter contre les attaques néolibérales sur nos acquis. Cette lutte doit être menée main dans la main avec les travailleurs des autres succursales et des autres secteurs. A la place de la ‘cogestion’ avec le patronat, il est nécessaire de résister sur le plan international pour des syndicats combatifs et démocratiques.

    Nos revendications

    – Aucun licenciement, luttons pour chaque emploi !

    – Contre le chômage massif; réduction du temps de travail sans perte de salaire et avec embauches compensatoires !

    – Publication des livres de comptes ! Les travailleurs doivent avoir accès aux chiffres de la comptabilité pour savoir où sont partis les profits de ces dernières années

    – Nationalisation sous contrôle ouvrier et autogestion de chaque entreprise qui menace de licenciement ou de fermeture ! Ce sont les travailleurs qui créent les richesses; des régions entières sont dépendantes de quelques entreprises. Les décisions sur l’utilisation de ces richesses ne peuvent être dépendantes de la dictature du profit mais doivent être décidées démocratiquement dans l’intérêt des travailleurs et de la communauté.

  • Les leçons de la grève AGC-Splintex

    Lettre ouverte à tous les travailleurs

    Produit en commun par Gustave Dache, ex-délégué FGTB-métal & le MAS, Mouvement pour une Alternative Socialiste

    AVANT-PROPOS

    Camarades,

    Cette brochure est le résultat de la rencontre, au travers d’une lutte commune, de militants du MAS et de Gustave Dache. Militants qui luttent pour une certaine conception de la société, à savoir une société socialiste et d’une certaine conception du syndicalisme, à savoir un syndicalisme de combat. L’idée nous est venue de faire cette brochure non pas comme « un petit bout d’histoire du mouvement ouvrier », mais plutôt afin de tirer les leçons de cette lutte, pour ouvrir la discussion afin qu’elle serve aux futures générations d’ouvriers en lutte, que ce soient des travailleurs combatifs, des militants ou des délégués syndicaux sincères qui veulent défendre leur classe du mieux qu’ils peuvent.

    Nous sortons d’une période (les années 90’) qui a eu beaucoup de conséquences fâcheuses pour le mouvement ouvrier. Les représentants et défenseurs du Capital ont profité de la chute du Mur pour faire pencher la balance en leur faveur aux dépends du Travail. Le syndicalisme de lutte a apparemment perdu de sa vigueur sous les assauts de la pensée néo-libérale. De nombreuses traditions issues du marxisme, une longue expérience, a tendance à disparaître. Il en résulte une conception du syndicalisme qui trahit les intérêts des ouvriers, à savoir un syndicalisme de concertation, et une vision réformiste de la transformation de la société. Si nous voulons à l’avenir gagner les batailles, il va nous falloir tirer les leçons des victoires mais également des défaites. C’est dans cette optique que nous avons écrit cette brochure.

    Nous avions déjà posé les premiers jalons d’analyse du conflit au travers d’un entretien avec Gustave Dache qui est paru dans le n° 100 de l’Alternative Socialiste (avril 2005). Mais il nous fallait, vu les implications de cette lutte pour la classe ouvrière, y revenir de manière plus approfondie. Voilà qui est fait.

    Le Mouvement pour une Alternative Socialiste, organisation trotskyste, faisant partie du CIO, Comité pour une Internationale Ouvrière, s’est impliqué dans ce conflit, avec des moyens limités, mais en défendant une méthode de lutte qui lui semblait la meilleure pour arracher une victoire. Il se fait que nous partagions la même vision que Gustave Dache sur le déroulement du conflit et que nous avons dès lors unis nos forces. Gustave n’est pas un inconnu dans la région puisque par le passé il a participé activement à la grève générale de 60-61, à l’époque où il était responsable sur les plans local (Gilly), régional et national des Jeunes Gardes Socialistes (JGS) et militant syndical dans la verrerie (Glaverbel). Il a ensuite été délégué syndical dans le Métal (Caterpillar). Il a été également président du comité de grève aux Glaces de Courcelles pendant les six semaines de grève en 1973. Il a également participé à d’autres conflits comme la lutte de Clabecq à laquelle nous avions également pris part – à l’époque nous nous appelions Militant. Si cette brochure peut ouvrir certaines portes et discussions sur les méthodes syndicales et sur la nature des organisations dont la classe ouvrière a besoin, elle aura alors atteint son objectif.

    Juillet 2005.

    Pourquoi devons-nous tirer honnêtement mais fermement les leçons de la grève ?

    Il est certain que beaucoup de travailleurs de Splintex et, plus largement, de la région de Charleroi et du pays, s’interrogent sur l’origine de la défaite de cette grève qui a duré 105 jours.

    En effet il n’y avait pas de justification économique aux pertes d’emplois, bien au contraire, l’usine de Fleurus ‘’était performante’’ avec un personnel hautement qualifié dans le verre, un outil des plus modernes et un carnet de commandes rempli jusqu’en 2008. De plus, la multinationale japonaise ASAHI fait des bénéfices; en 2003 elle en a fait pour 1,3 milliard de dollars U.S. Evidemment, pour justifier son plan de restructuration, la direction d’AGC parle de pertes. Mais les syndicalistes savent qu’une multinationale peut toujours manipuler les comptes et bilans d’une filiale comme elle le veut et sans que l’on puisse la contrôler. La seule parade contre cela consiste à imposer aux patrons l’ancienne revendication qui est toujours d’actualité de l’ouverture des livres de comptes. Il ne faut pas oublier que l’entreprise est née grâce aux luttes ouvrières ; suite aux grèves de 1975 à Glaverbel, où un accord a été obtenu que les patrons s’étaient engagés à construire une unité de production verrière dans la région de Charleroi avec des investissements publics à la clé.

    Il faut tenir en compte que l’objectif de départ était un Non au plan de restructuration, non aux licenciements, non aux pertes d’emplois (284). Finalement, malgré certaines améliorations financières et les pré-pensions, tout le plan patronal est passé malgré l’énorme potentiel de combativité des travailleurs.

    Il y a comme un fossé, pour ne pas dire un gouffre, entre les déclarations triomphantes des responsables syndicaux qui, à l’issue de cette lutte, la considèrent comme une victoire, et le résultat final. Et ce, tant pour les travailleurs de Splintex que pour ceux des autres usines. Il faut tenir compte de toutes les conséquences pour les travailleurs de Splintex et leurs familles qui se retrouvent à la porte ainsi que de toutes les conséquences négatives pour ceux qui n’ont pas été licenciés. Il faut tenir compte du fait que les travailleurs sont rentrés battus dans l’usine, affaiblis et divisés du fait de l’élimination d’une grande partie de la base la plus combative et d’une partie importante des membres de la délégation syndicale. Il reste encore une base combative dans l’usine, mais la défaite lui rendra la tâche plus difficile.

    La durée et l’enjeu du conflit lui ont donné un impact national. Dès le début, les travailleurs de Splintex avaient pressenti avec leur instinct de classe que la lutte allait être longue et dure parce que la multinationale japonaise, représentée par la direction patronale de Fleurus, s’y était préparée en faisant des stocks. Elle était déterminée à engager l’épreuve de force pour briser une fois pour toutes la résistance ouvrière à l’intérieur de l’usine, afin d’y introduire des contrats intérimaires ainsi qu’une flexibilité et une productivité encore plus accrues.

    En ce sens le message du président Shinya Ishizu en novembre 2003 est très clair quand il déclare : « Notre objectif stratégique est d’obtenir un rendement hors pair, la stratégie d’AGC est d’augmenter sans relâche le profit des actionnaires ». Pour obtenir ces résultats les patrons devaient par tous les moyens, y compris la menace de délocalisation, détruire l’avant-garde ouvrière qui résistait dans l’usine, et ce au travers des listes noires et grises. Comme le souligne le délégué principal FGTB G. Bordenga dans Le Soir du 15 avril 2005 : « Les faits confirment qu’il s’agit d’une restructuration bidon masquant une opération de nettoyage ». Ce conflit, par ses objectifs et ses résultats, concernait l’ensemble de la classe ouvrière. Devant les pertes d’emplois à répétition, plus personne ne peut rester indifférent et fataliste. On ne peut plus subir les licenciements, les pertes d’emplois comme un fait accompli ; cette fatalité, les travailleurs de Splintex, par leur combativité et leur détermination, l’ont refusée. Car accepter le fatalisme de la crise capitaliste, cela se traduit toujours par des pertes d’emplois partout. En refusant ce fatalisme les travailleurs de Splintex ont montré la voie à suivre à toute la classe ouvrière. Il est évident que ce n’était pas le choix le plus facile à faire. Mais ils savaient par expérience que la situation d’aujourd’hui était similaire à celle de 2000. A l’époque, la direction s’était déjà débarrassée de 300 travailleurs avant de réembaucher peu après avec des contrats précaires pour en revenir au même volume d’emploi qu’avant la restructuration. Cette fois-ci ils ne voulaient plus être trompés, ils ne croyaient plus aux arguments de la direction qui disait que ce plan était nécessaire pour la pérennité de l’entreprise.

    Les espoirs que les travailleurs avaient mis dans la victoire de la lutte se sont finalement transformés en abattement et en colère avec beaucoup de questions restées sans réponse. L’expérience nous montre qu’une victoire des ouvriers en lutte à un impact positif sur toute la classe ouvrière. Cela entraîne une plus grande confiance de celle-ci face au patronat. Mais une défaite produit l’effet inverse avec un recul du moral et de la combativité. Une chute des conditions matérielles consécutive aux licenciements a souvent pour effet un engourdissement des luttes et la montée des sentiments et des forces réactionnaires avec comme conséquence la croissance de l’extrême droite. Les travailleurs qui se sont battus avec courage et abnégation ont le sentiment que ce sont les jaunes qui ont finalement eut raison sur eux.

    S’il est plus agréable de tirer les leçons d’une victoire, il est cependant tout aussi nécessaire de tirer les leçons d’une défaite, sans complaisance vis-à-vis des appareils syndicaux, afin d’armer la classe ouvrière pour les prochaines luttes qui ne manqueront pas de se produire dans un laps de temps relativement court.

    Une « lutte exemplaire » est-elle suffisante en soi pour gagner la grève ?

    La presse ouvrière, toutes tendances confondues, ne tarissait pas d’éloges au plus fort du conflit sur le caractère exemplaire de cette lutte, la conclusion logique voulant que la victoire était à portée de main. Cela n’a pas été le cas. Que les grévistes aient fait preuve d’un courage à toute épreuve est indéniable ; plus de trois mois de grève sous la pression du patronat, des cadres, des médias, de la police, du politique, des difficultés familiales et financières, tout cela montre l’énorme potentiel de combativité qui vit actuellement au sein de la classe ouvrière. Ceux de Clabecq et de Renault avaient fait preuve de la même détermination et de la même combativité, mais n’avaient pas davantage réussi à imposer leur volonté d’empêcher les licenciements du fait qu’ils sont également resté seul dans la lutte.

    Ce potentiel de combativité est présent et se développe partout, la manifestation nationale pour l’Accord Interprofessionnel en est un autre exemple. Alors que les prévisions les plus optimistes des syndicats oscillaient entre 25.000 et 30.000 personnes, c’est le double qui a déferlé sur Bruxelles malgré un laps de temps très court et sans grande préparation. Mais si la combativité est une chose importante, les méthodes de lutte et les moyens employés ont aussi leur importance.

    Cinq semaines avant la fin de la grève Gustave Dache avait proposé publiquement, en assemblée interprofessionnelle des délégués FGTB, une grève régionale interprofessionnelle de 24 heures pour appuyer et créer ainsi un rapport de force en faveur des grévistes de Splintex. Cette proposition a été très bien accueillie par les délégués présents et par les ouvriers de Splintex, mais le bureau de l’interprofessionnelle FGTB a fait la sourde oreille comme si rien n’avait été proposé.

    Ce genre de proposition d’étendre le mouvement aux autres usines de la région ne convient pas aux appareils syndicaux. Ils ont préféré l’ignorer bureaucratiquement, celle-ci n’a même pas été mise au vote des délégués présents, de peur qu’elle ne soit acceptée.

    Lors de diverses assemblées générales du personnel de Splintex qui ont suivi, plusieurs ouvriers ont repris cette proposition de 24 heures de grève qui a également été ignorée par la délégation syndicale. Une autre démarche a été faite aussi par une dizaine d’ouvriers de Splintex qui se sont rendus au siège de la FGTB pour demander à être reçus afin de faire également cette proposition de grève régionale mais ils n’ont même pas été reçus par la direction de la FGTB.

    Il ne faut pas perdre de vue que la direction d’AGC avait le soutien de la FEB, de la justice, de la police, des médias et du politique. Les travailleurs de Splintex n’avaient quant à eux pas un soutien équivalent. Dans ce conflit, aucun responsable syndical tant FGTB que CSC n’a exigé de la direction d’AGC Automotive le maintien intégral du volume de l’emploi ou le remboursement des aides financières qu’ils ont reçues de la collectivité pour l’installation de l’entreprise à Fleurus.

    Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné?

    A l’annonce du plan de restructuration, les travailleurs – ouvriers et employés – sont partis spontanément en grève. Ils voulaient dès le début descendre à la Région wallonne pour interpeller les politiques, se rendre à la verrerie de Moustier en autocar afin de demander la solidarité, ils ont demandé de ne pas rester cantonnés à Fleurus, de bouger afin d’animer la lutte par des actions ponctuelles.

    Mais les appareils syndicaux tant FGTB que CSC, sous toutes sortes de prétextes, ont répondu NIET. Ils ont fait en sorte de verrouiller le conflit pour qu’il ne prenne pas une ampleur trop importante. Ils ont refusé d’organiser des actions au moment opportun et de profiter du temps disponible, lorsque les patrons refusaient de négocier. Ils ont constitué un comité de grève en désignant eux-mêmes paritairement un nombre restreint d’ouvriers sans pouvoir de décision et qui dans les faits était sous contrôle de la délégation syndicale. Un comité de soutien a aussi été créé, mais il s’est très vite révélé inefficace, tout juste bon à se placer dans l’ombre des appareils syndicaux sous prétexte de « Non-ingérence dans la grève ». Il n’a donné aucune autre perspective que de servir de soutien logistique, comme si c’était une fin en soi, et sans aucune efficacité pour la grève (mis à part une soirée de solidarité). Bien que les membres du comité de soutien considéraient comme juste la proposition de 24 heures de grève à Charleroi, ils n’ont même pas eu la franchise de l’appuyer et de la défendre ouvertement devant les appareils syndicaux. Pendant toute la grève, l’avant-garde ouvrière de Splintex a cherché le moyen d’étendre la lutte. Mais des pressions ont été faites par les appareils afin que les grévistes de Splintex qui le souhaitaient ne puissent pas faire partie du comité de soutien qui aurait alors pu avoir un autre impact sur le déroulement de la grève. Les déclarations de Christian Viroux, lors d’une conférence de presse, ne font que confirmer la justesse et la nécessité qu’il y avait à donner le mot d’ordre de grève interprofessionnelle de 24 heures à Charleroi. Notamment quand il déclare : « Depuis trois mois, sous sommes harcelés, critiqués par les responsables politiques, tant Van Cau que Marcourt et les autres. En disant que nous détériorons l’étiquette de la Wallonie, que nous faisons fuir les investisseurs financiers,…En plus nous sommes isolés dans la mesure où la CSC agit de concert et a accepté de négocier le plan dès le mois de janvier ». Il n’est pas bien difficile de répondre à C.Viroux que si la FGTB de Charleroi et la centrale générale étaient isolées, c’est parce qu’elles le voulaient bien. En effet en refusant de décréter une grève régionale interprofessionnelle de 24 heures à Charleroi, on se condamnait à l’isolement. Il y a même des responsables syndicaux ou autres qui vont jusqu’à motiver ce refus en disant : « Et si une grève interprofessionnelle était un fiasco, est-ce que cela suffirait à dissuader les patrons d’appliquer le plan ? » A tous ceux-là, nous répondons avec fermeté qu’à chaque fois que la FGTB régionale ou nationale à donné un mot d’ordre d’action ou de grève, il a été couronné de succès. Il n’y a aucun exemple qui démontre le contraire. Et ceux qui, par peur ou incompétence, prétendent le contraire démontrent sans équivoque qu’ils n’ont pas confiance dans la capacité de lutte de la classe ouvrière.

    S’il ne voulait pas rester isolé, tout l’appareil syndical interprofessionnel devait impérativement étendre le conflit. Mais il a refusé – se condamnant ainsi à rester isolé – et ce refus a gravement hypothéqué la réussite de la grève. Certains travailleurs et militants se posent aussi la question suivante : « 24 heures de grève aurait-elle été suffisante pour empêcher les patrons de licencier ? ». A ce genre de question personne ne peut répondre avec certitude. Mais ce qu’on peut affirmer avec certitude, c’est que les patrons des autres usines n’auraient pas apprécié que des grèves de solidarité aient lieu dans leurs propres entreprises. Ce faisant, on aurait pu briser la solidarité des patrons entre-eux. Mais pour ouvrir cette brèche dans le front patronal qui soutenait AGC, il fallait vraiment le vouloir.

    Les patrons eux aussi n’ont pas manqué de constater qu’il n’y avait pas cette volonté d’aller plus loin dans la lutte de la part des directions syndicales tant FGTB que CSC. C’est pour cela qu’ils sont restés fermes sur leurs positions.

    Encore une fois, il faut le dire, nous n’avons pas à inventer de nouvelles méthodes de luttes. Elles existent depuis toujours, elles sont restées les mêmes. C’est le rapport de force, la solidarité, la grève, l’occupation d’usine, la lutte de classe. Ce sont ces méthodes de luttes que les travailleurs eux-mêmes emploient tous les jours. C’est le seul langage que les patrons comprennent. Nous devons continuer à nous appuyer sur ces méthodes éprouvées de lutte qui ont jadis permis au mouvement ouvrier d’aller partout de l’avant.

    Pourquoi l’appareil a-t-il freiné l’élargissement de la grève ?

    Sous la pression de la base et vu l’arrogance patronale, c’est seulement après trois mois que la régionale FGTB annonce finalement dans un communiqué de presse qu’elle «se prépare à mettre en œuvre une réaction syndicale interprofessionnelle ». Mais ce n’étaient que des intentions, qu’une façade, car lors de la dernière assemblée interprofessionnelle FGTB du lundi 14 mars, Di Santo, président métal FGTB, a fustigé la nécessité de l’appel à une grève régionale de 24 heures. Cet appel venait d’être remis en avant pour la deuxième fois par Gustave Dache, avec sa critique par rapport au frein que constitue la position de l’appareil interprofessionnel dans le refus de l’élargissement de la grève. En réaction, A. Di Santo a notamment dit : « Je ne permettrai plus qu’on vienne critiquer le syndicat, ça, je le répète, je ne le permettrai plus et celui qui n’est pas d’accord avec ça il doit partir, il n’a plus rien à faire ici. Oui, Gustave Dache, c’est à toi que je m’adresse. Nous devons tous sortir d’ici la tête haute en chantant l’Internationale, parce que Splintex c’est une victoire ». L’attaque de Di Santo mettant à mal la liberté de critique et la démocratie au sein des instances syndicales a été désavouée. La salle ne l’a pas suivi, au contraire beaucoup de délégués ont été choqués par l’attitude autoritaire, anti-démocratique et bureaucratique de Di Santo. D’ailleurs quelques délégués et militants sont intervenus à la tribune pour défendre le droit à pouvoir continuer à exprimer un avis critique ou une position qui serait minoritaire. Certains pouvaient penser que cette attitude était un accident de parcours mais en réalité c’est le naturel bureaucratique qui revient à la surface dès que l’appareil est mis en cause. Ils sont très vite agacés quand ils sont critiqués et il n’a d’ailleurs pas été désavoué publiquement par les autres responsables du bureau syndical; ils se soutiennent mutuellement comme par réflexe. On aurait pu s’attendre à ce que certains permanents et délégués, qui se profilent à gauche, interviennent dans le débat pour défendre la liberté d’expression et de critique, mais ils ont préféré s’abstenir en considérant peut-être que ça ne les concernait pas.

    Si certains bureaucrates pensent qu’ils vont étouffer la liberté d’expression, ils se trompent. Nous allons continuer à nous exprimer avec encore bien plus de force la prochaine fois et cela dans le respect des principes démocratiques. La liberté de pensée, d’expression et de critique sont les bases fondamentales de la démocratie et ne peut en aucun cas être limitée ou étouffée. Toute tentative dans ce sens est contradictoire avec les principes et les statuts de la FGTB. Ceux qui dans la pratique, lors d’assemblées ou autres, ne respectent pas ces droits et principes démocratiques et tentent de les supprimer n’ont pas leur place au sein de la FGTB. Certains de ceux qui s’y sont essayés dans le passé, face à des délégués combatifs ayant une juste perspective politique et syndicale, s’y sont cassés les dents.

    Depuis de nombreuses années, la classe ouvrière est dominée par la politique social-démocrate réformiste des directions ouvrières comme celle du PS et de la FGTB. Tant qu’il s’agit de se placer sur le terrain du réformisme pour obtenir de petites améliorations, de petites mesures de rattrapage vis-à-vis de la hausse du coût de la vie, alors et alors seulement les appareils syndicaux poussés par la base répondent parfois positivement et sont disposés à des mobilisations limitées dans le temps. Mobilisations qui ne dépassent pas un certain cadre autorisé et toléré par la démocratie bourgeoise et qui n’est pas trop préjudiciable aux patrons. Mais comme on le constate, un demi-siècle de collaboration de classe prônée par la social-démocratie et les réformistes n’a pas adouci d’un iota le cœur des capitalistes. Les appareils réformistes tant syndicaux que politiques répugnent à poser le moindre acte qui aille dans le sens des méthodes traditionnelles de la lutte de classe employées depuis toujours par les travailleurs en grève. Les appareils syndicaux réagissent violemment et avec la plus grande détermination contre tous ceux qui veulent défendre et s’appuyer sur les méthodes traditionnelles de la lutte de classe sans compromissions pour arracher les revendications ouvrières et faire triompher les luttes. Il faut rappeler que les plus grandes conquêtes sociales ont été arrachées par la lutte de classe. La nature bureaucratique des appareils syndicaux revient régulièrement à la surface dès lors qu’ils sont un temps soit peu mis en cause. En effet à l’occasion de la soirée de solidarité avec AGC-Splintex qui a eu lieu à Lodelinsart, le camarade Silvio Marra, ex-délégué FGTB des Forges de Clabecq, a pris la parole pour apporter sa solidarité à la grève d’AGC et expliquer ce que les travailleurs de Clabecq avaient fait pour mobiliser 70.000 personnes pour la défense de l’emploi ; il a également exprimé son amertume de ne pas avoir reçu le soutien des instances nationales de la FGTB dans le conflit de Clabecq. Pour Christian Viroux, permanent verrier, c’en était trop ; il s’en est pris au camarade Marra en lui disant : « Il ne faut pas venir foutre la merde ici ». Les bonzes syndicaux en sont arrivés à ne plus permettre la moindre petite critique, où est donc le respect de la démocratie à la FGTB ? Bien que la centrale générale FGTB a soutenu les ouvriers en grève, étant plus proche d’eux et de leur volonté de lutte, le secteur du verre à d’ailleurs fait grève à plusieurs reprises également mais il n’a plus le poids qu’il avait dans le passé. Il n’empêche que sur le fond, sur l’essentiel, elle à aussi refusé d’étendre la grève à tous les secteurs de l’interprofessionnelle, seul moyen efficace de faire face à l’agressivité d’une multinationale. Face aux multinationales, il y a belle lurette que le temps du corporatisme est révolu. Il n’est pas possible non plus, à la longue, pour les grévistes de rivaliser financièrement avec les multinationales.

    L’absence de prolongement politique aux luttes syndicale et le rôle du PS.

    Beaucoup de permanents syndicaux FGTB ont leur carte au PS. C’est presque une obligation ; s’ils veulent faire carrière au syndicat, ils doivent être des fonctionnaires disciplinés et obéissants. Les liens entre le PS et la FGTB sont encore très forts. Avec un parti qui défendrait vraiment les travailleurs sur la base de la lutte de classe en les mobilisant, le problème ne serait pas pareil. Mais nous avons un PS qui se trouve en coalition permanente avec d’autres partis dans les gouvernements et qui est pourtant en position dominante; mais le PS, au lieu de défendre les revendications ouvrières, joue le rôle du médecin au chevet du capitalisme malade d’un cancer généralisé. Il gère la crise capitaliste en bon gestionnaire. Le PS qui prétend être le parti des travailleurs fait l’inverse de ce qu’il doit faire. Il gère une économie capitaliste au lieu de la combattre, cette économie qui est dans un état de développement où les contradictions ne cessent de s’accroître et où le chômage et la misère gagnent de plus en plus de terrain, où une partie importante de la population est en situation de pauvreté (15%) et est laissée au bord de la route. Dans ces conditions le PS ne veut certainement pas de conflits qui pourraient mettre à mal sa position au sein des institutions de l’Etat, il fait tout ce qu’il peut avec la collaboration de l’appareil syndical afin de limiter les conflits comme celui de Splintex. De même le PS veut circonscrire les conflits de peur d’éloigner les éventuels investisseurs à venir en Wallonie. Il joue ainsi le rôle du pompier au service du patronat. La tradition réformiste du PS qui touche de larges secteurs de l’appareil syndical FGTB, tradition qui ne conçoit l’amélioration de la société que par la voie parlementaire, s’accorde très mal avec des mots d’ordre de grève régionale ou nationale, car il existe toujours le risque qu’une grève régionale de 24 heures s’élargisse et prenne un caractère nettement politique surtout avec un conflit comme celui de Splintex qui reçoit un grand appui parmi l’ensemble des travailleurs.

    L’idéologie réformiste, qui prédomine au sein des instances syndicales FGTB qui considèrent toujours le PS comme leur relais politique, pèse également sur les délégations syndicales qui n’ont pas une longue expérience de la lutte de classe et qui sont facilement enclines également à accepter le réformisme parce qu’elles ne voient pas ou ne croient pas dans l’efficacité d’un syndicalisme combatif qui remet en cause le capitalisme. On peut encore citer l’exemple d’un ex-délégué verrier FGTB qui n’est pas membre du PS mais qui est depuis longtemps un électeur assidu du PS. Il n’est pas aveugle pour autant. Quand il intervient à la tribune, il critique le PS pour sa politique réformiste et son manque de soutien aux travailleurs en général et à la grève de Splintex en particulier et « estime que le MR n’a plus le monopole du libéralisme, le PS s’en chargeant lui-même » . Il lui est répondu par Marcel Bierlaire président de la FGTB de Charleroi « Si vous avez des critiques à faire au PS, vous devez aller les faire au PS mais pas ici ».

    Pourquoi avons-nous autant insisté pour que l’interprofessionnelle donne le mot d’ordre de 24 heures de grève avec piquets devant les usines à Charleroi ?

    1) Parce que d’une part, la direction d’AGC, filiale de la multinationale japonaise avait le soutien inconditionnel de la FEB et aussi de la police, de la justice, de la presse et du politique. Les plus hauts dirigeants du PS en particulier ne sont pas restés au balcon. Le 2 décembre le Ministre de l’Emploi Marcourt (PS) a réuni d’urgence le comité d’alerte pour faire libérer la direction afin qu’elle puisse négocier, mais quand la direction a bloqué les négociations, ne voulant pas dépasser les Conventions Collectives du Travail conclues dans les autres usines verrières, Marcourt n’est plus intervenu sauf pour déclarer qu’il « fallait sauver l’essentiel des 560 emplois restants et laisser éliminer les 249 emplois que la direction avait prévus. » Le Ministre-Président Van Cauwenberghe (PS) a dit à plusieurs reprises que « ce n’est pas à Fleurus qu’on gagne la bataille contre la globalisation ». Il a considéré la grève de Splintex « comme une tache noire pour la Wallonie ». Freya Van den Bossche (SP.a), Ministre fédérale de l’Emploi, a autorisé et permis l’intervention des robocops sans raison aucune – si ce n’est que pour impressionner les grévistes – vu que la police locale assumait le maintien de l’ordre normalement.

    Laurette Onkelinks (PS), Ministre de la Justice, n’a fait aucun commentaire quand le tribunal a infligé 7.500 euros d’astreintes aux grévistes, mettant à mal les libertés syndicales. Ces attaques patronales mettant à mal les libertés syndicales se répètent de plus en plus. Le conciliateur social A. Blaimont n’a pas eu non plus une attitude impartiale dans le conflit. Il a déclaré dans la presse qu’il était « estomaqué » par le résultat du vote négatif. « C’était un texte acceptable; évidemment il y avait 249 emplois perdus, mais on en sauvait 566 autres, on se retrouve maintenant dans une situation où je me demande si l’usine ne va pas être fermée ». Il ne voit pas ce qu’il va pouvoir encore apporter dans ce conflit pour aider l’entreprise à sortir de la crise.

    2) Et d’autre part, devant cette concentration de forces pour soutenir les patrons d’AGC, il était impératif et nécessaire – si les appareils syndicaux voulaient vraiment que la lutte soit gagnée – d’organiser un soutien équivalent afin de créer un rapport de force en faveur des grévistes et de mettre dans la balance, pour faire le contre-poids, toute la force, tout le poids de la classe ouvrière. Il n’y a pas d’autres moyens plus efficaces que d’étendre la grève aux autres usines et de commencer par une grève générale interprofessionnelle de 24 heures à Charleroi. Nous pensons que les patrons et une multinationale agressive ne plient que face aux grèves régionales et, s’il le faut, nationales. Ces 24 heures de grève proposées ne devaient pas être une fin en soi, mais le début d’actions plus dures. Je ne pense pas comme le sous-entendent certains camarades que ces 24 heures de grève soient « la panacée », mais l’histoire des luttes sociales du mouvement ouvrier nous enseigne que les patrons ne comprennent qu’un seul langage, le langage de l’action généralisée.

    Vote secret ou vote à main levée ?

    Dans le conflit, alors que les travailleurs réunis en assemblée générale pratiquaient le vote à main levée afin de prendre des décisions démocratiquement – il était question de la poursuite ou non de la grève – la direction d’AGC a tenté d’imposer et finalement obtenu l’application du vote secret.

    Il faut tenir compte du fait que les moyens d’information dont dispose le patronat sont beaucoup plus importants que ceux dont disposent les organisations ouvrières. Dans ces conditions, il est plus facile au patronat d’influencer les travailleurs à son avantage via les médias (qui manquent toujours d’objectivité dans les conflits). Les travailleurs, eux, ont comme moyen d’information principal les assemblées générales et la force combative qu’elles dégagent pour orienter la lutte dans le sens ouvrier. Les décisions prises collectivement en assemblée générale sont pour les travailleurs l’expression de la démocratie ouvrière de base la plus totale.

    Les méthodes de vote individuel à bulletin secret comme aux élections législatives n’ont rien à voir avec la pratique démocratique des méthodes traditionnelles employées depuis toujours par les travailleurs en lutte. Dans tous les mouvements sociaux, il y a toujours une partie des travailleurs qui sont plus conscients, plus décidés, plus combatifs et qui veulent agir collectivement pour le bien de l’ensemble où la solidarité collective est primordiale. C’est ce qu’on appelle l’avant-garde, qui tire le mouvement vers l’avant. Et l’autre partie, qui est moins consciente, moins décidée, plus hésitante, où l’individualisme est le plus important. Il prend souvent le dessus sur le collectif. C’est ce qu’on appelle l’arrière-garde, qui tire le mouvement vers l’arrière.

    Le vote à main levée va dans le sens de l’intérêt de la solidarité collective. Tandis que le vote à bulletin secret privilégie les intérêts individuels au détriment du collectif.

    C’est pour toutes ces raisons que les patrons – et souvent les appareils syndicaux – préférent les votes à bullletin secret car l’individualisme est synonyme de fatalisme qui se résume en fin de compte à accepter la crise capitaliste.

    Pourquoi les appareils syndicaux sont-ils un tel frein ?

    La peur des arguments patronaux n’a pas été absente dans cette lutte, la menace de fermeture a servi comme argument massue pour impressionner les permanents en charge qui y ont trouvé un faux prétexte pour accepter la reprise du travail et le plan patronal. L’argument sous-jacent pour accepter était « Nous ne voulons pas prendre le risque d’être responsables de la fermeture ». C’est pour cela qu’ils ont signé le protocole d’accord le soir du 13 mars 2005 à Namur. Protocole qui comprenait d’ailleurs au point 2.2 «Quelles que soient les modalités d’organisation de cette assemblée et l’issue de celle-ci, les organisations syndicales s’engagent à signer le préaccord joint au présent protocole »

    Le vote par les travailleurs de Splintex qui devait avoir lieu le 15 mars, pour se prononcer sur l’arrêt ou la poursuite de la grève, n’était pas encore connu que les appareils syndicaux en front commun FGTB-CSC avaient déjà signé deux jours plus tôt. C’est comme cela que les appareils syndicaux conçoivent en pratique la démocratie. Ils ont cédé à la pression et à l’ultimatum de la multinationale japonaise.

    Dès le début, la stratégie syndicale n’était pas à la hauteur de l’enjeu. Les appareils syndicaux ont emmuré et laissé pourrir le conflit au lieu d’organiser la solidarité à l’ensemble des autres usines de la régionale de Charleroi et de profiter du temps qui leur était disponible par le fait que la direction d’AGC, qui n’était pas pressée, faisait traîner les négociations. L’occupation de l’usine couplée à un élargissement de la lutte, proposition faite le 16 janvier, n’a pas été reprise non plus par la délégation syndicale, ni par l’appareil FGTB-CSC sous prétexte que les ouvriers auraient pu endommager l’outil. Alors que les ouvriers sont les premiers à défendre leurs outils de travail et que la police aurait eu beaucoup plus de mal à déloger les travailleurs qui occupent l’usine qu’à casser un piquet. Les patrons auraient eu également plus de mal à faire redémarrer partiellement l’usine avec les jaunes qui, suite à des pressions patronales et financières, ont cédé et repris le travail. Dans une situation qui s’enlisait, il était évidemment plus facile aux patrons d’organiser de l’intérieur de l’usine les non-grévistes afin de réclamer la reprise du travail et d’exercer des pressions sur les grévistes. Dès le début, la stratégie patronale était de briser la grève, d’organiser sous la conduite des cadres un comité anti-grève qui était comme un loup dans la bergerie; il n’est pas impossible que le patronat utilise ce genre de comité à l’avenir pour briser les futures grèves, voire constituer un embryon de syndicat corporatif jaune encore plus à droite que la C.S.C. Dans un conflit avec des objectifs importants comme c’était le cas à Splintex, il doit être constitué dès le début par les grévistes eux-même réunis en assemblée générale un comité de grève révocable par celle-ci ; Cette assemblée doit élire les ouvriers les plus combatifs et les plus déterminés indépendamment de l’affiliation syndicale. Ce comité de grève doit tenir une assemblée générale tous les jours afin que l’ensemble des travailleurs soient tenus au courant de tout et participent activement au développement de la lutte. Un plus grand nombre de travailleurs se sent alors plus concernés, plus impliqués, ils se sentent partie prenante et ce n’est pas toujours les mêmes qui se retrouvent au piquet. De plus, ils ne sont pas tenus par les éventuels accords précédents (par exemple des accords de paix sociale), ils n’ont qu’un seul objectif, la victoire de la grève.

    Pendant le conflit d’AGC à Fleurus, il y a eu trois manifestations à l’appel des syndicats :

    -La première le 13 décembre où 6.000 travailleurs manifestent dans les rues de Charleroi dans le contexte des négociations interprofessionnelles.

    -La deuxième le 25 janvier où 3.000 travailleurs manifestent contre l’intervention des tribunaux dans les conflits sociaux. Entre autres dans le conflit de Splintex où des astreintes sont d’abord fixées à 5.000 puis à 7.500 euros.

    -La troisième le 11 mars (à l’appel de la seule FGTB) où 1.500 travailleurs manifestent dans les rues de Fleurus. Il faut noter que c’est la première et unique manifestation qui était organisée directement et exclusivement pour la défense de l’emploi d’AGC et seulement après 100 jours de grève, quand le conflit était presque terminé. Comme d’habitude, les drapeaux rouge sont présents, mais cette fois on sentait bien que le cœur n’y était plus. On avait l’impression, après les remerciements des responsables syndicaux, que l’on assistait à un enterrement de première classe. Pourtant les grévistes n’avaient pas encore dit leur dernier mot. Ils croyaient toujours comme au premier jour de grève que la lutte qu’ils menaient pour la défense de l’emploi était et restait juste et n’était pas encore terminée. Ils étaient toujours disposés à continuer la lutte.

    Le témoignage d’Elise (nom d’emprunt), épouse d’un travailleur d’AGC avec 18 ans d’ancienneté, qui était souvent avec son mari au piquet, est sans équivoque. Il mérite d’être rappelé, car ce témoignage paru dans La Nouvelle Gazette du 11 mars 2005, cerne très bien le problème qui était posé par les travailleurs pour le maintien de l’emploi pour eux et leurs enfants. Elle y dit :

    « Pour l’emploi de nos enfants aussi. Cela fait trois mois que nous vivons des moments difficiles, sans plus de rentrées de salaires, nous avons trois enfants : 18, 17 et 13 ans. Ils sont malheureux de ce qui se passe mais ils savent que leur papa se bat pour l’emploi. Et s’il n’y a pas d’emploi pour nous, il n’y en aura pas pour nos enfants ».

    Quelques jours après la manifestation de Fleurus, le mardi 15 mars, les grévistes étaient venus en nombre devant l’usine pour connaître le résultat du vote; ils étaient impatients. Ils discutaient entre eux. Ils disaient, une fois de plus, qu’ils avaient manqué de soutien, y compris des instances supérieures de la FGTB. Un ouvrier gréviste disait : « A part la manifestation du début à Charleroi (pour les négociations interprofessionnelles) il n’y a pas eu pour nous une grande action, pourtant quand ils veulent mobiliser, ils le peuvent. C’est ce qu’ils sont en train de faire pour la manifestation de samedi prochain à Bruxelles. » (il s’agit des manifestations du 19 mars à Bruxelles à l’appel du FSE, de la CES et de la Marche des Jeunes) ». Ce témoignage exprime (même si comme on l’a vu par après, la FGTB n’a que très peu mobilisé pour cette journée du 19 mars et, par peur du potentiel que pouvait représenter la Marche des Jeunes, a freiné sa mise en place et la mobilisation) que les travailleurs sont conscients du fait que l’appareil a une capacité de mobilisation immense, mais qu’il ne s’en sert que pour ses propres intérêts.

    Quel rôle a joué la CSC ?

    L’appareil national et régional de la CSC pratique depuis toujours et partout une politique de collaboration de classe avec les patrons qui déteint sur les délégations syndicales CSC. Dans la pratique de tous les jours elle est le relais du patron dans l’usine, même si dans certains cas, poussée par la base, elle doit aller plus loin qu’elle ne le veut. Dans le conflit d’AGC elle est restée fidèle à elle-même. L’appareil de la CSC est toujours le premier à rompre l’unité à la base qui existe, même en pleine lutte. Dans la grève de Splintex cette attitude habituelle s’est confirmée. Le permanent régional CSC R. Wanty déclarait dans une conférence de presse que « la direction d’AGC s’installe dans le conflit; une délocalisation est à craindre » et il se disait « prêt à négocier, même seul s’il le fallait ». Alors que l’assemblée du personnel s’était prononcée le matin même et avait donné mandat aux délégués pour ne pas négocier si le patron ne revoyait pas sa copie, la CSC voulait négocier à tout prix et était fin prête à accepter le plan patronal sans grande discussion, ouvrant ainsi une brèche dans le front uni des travailleurs FGTB-CSC. Tout au long du conflit, une grande partie des affiliés CSC s’en sont pris à l’attitude de la délégation CSC. Mais au cours des dernières semaines, les travailleurs ont condamné la position de la CSC qui a fait ouvertement le jeu des patrons, renforçant ainsi la tendance des moins combatifs à reprendre le travail. Ils ont même demandé la démission du délégué principal CSC. Il ne faut jamais oublier qu’à l’origine de la naissance du syndicalisme, la CSC a été créée par les patrons pour combattre la FGTB. Il est incontestable que dans cette grève la CSC a joué un rôle néfaste et qu’elle porte une lourde responsabilité dans la défaite de ce conflit. Parfois, certains délégués CSC de base vont plus loin que leur direction, mais ça reste exceptionnel car dans la plupart des cas comme à Splintex, ils se sont alignés sur la direction régionale et nationale de la CSC.

    Le rôle du PTB

    Le PTB, parti stalinien, a été félicité publiquement par C. Viroux à la manifestation de Fleurus pour sa position de non-ingérence dans le conflit d’AGC. Le PTB a relayé dans ses tracts et dans sa presse les revendications des travailleurs de Splintex. Il est resté à la remorque de l’appareil syndical sans donner de perspectives autres que celles que celui-ci autorisait. Et surtout il n’a pas soutenu la proposition d’une grève de 24 heures à Charleroi qui avait été faite en assemblée interprofessionnelle des délégués. Cette attitude est curieuse vu que le PTB écrit dans son journal du 8 décembre 2004 : « Pour beaucoup, la victoire dans cette lutte sociale dépendra de la solidarité venant des autres entreprises ». Et plus tard, le 2 février 2005 dans Solidaire, il écrit : « Le PTB propose une grève de 24 heures dans toute la région » Mais si on est vraiment convaincu que c’était nécessaire, il ne suffit pas de l’écrire une fois pour toute dans son journal comme une proposition platonique. Il faut tout faire pour que cette proposition soit diffusée largement par des tracts afin qu’elle soit acceptée et imposée aux appareils syndicaux à travers la pression exercée par les travailleurs. Mais cela n’a pas été le cas ; au contraire, dans la pratique le PTB a préféré ne pas affronter les appareils syndicaux avec cette proposition de 24 heures de grève qui ne convenait pas aux bonzes syndicaux. Il y a là une contradiction évidente qui doit être considérée en fin de compte comme une attitude de suivisme, le PTB ne voulant pas entrer en opposition avec la position de l’appareil syndical. En plus lors d’une réunion dans le local du PTB, un ex-délégué qui critiquait le refus de l’interprofessionnelle FGTB d’étendre la grève a été prié de se taire ; comme respect de l’expression démocratique et de ceux qui ne pensent pas comme eux, ils sont très loin du compte. Ce parti opportuniste et sectaire n’exerce que très peu d’influence sur les ouvriers. En fin de compte, le PTB a eu comme position de suivre l’appareil syndical comme une fin en soi et on connaît le résultat pour les travailleurs qui se retrouvent sur le pavé.

    Le rôle du POS

    Le POS a distribué un tract où on pouvait lire: « l’interprofessionnelle doit passer à l’action en appelant à une grève générale régionale de 24 heures ». Mais ses militants et ex-délégué FGTB ne se sont pas battus dans les assemblées interprofessionnelles pour arracher ce mot d’ordre. Ils n’ont pas non plus appuyé la proposition quand elle a été faite dans l’assemblée, ils ont préféré suivre l’appareil syndical qui n’en voulait pas en disant comme A. Henry à la tribune syndicale : « C’est quand les robocops sont intervenus à Splintex qu’il aurait fallu faire une grève de 24 heures; ça n’a pas été fait mais ce n’est pas grave ». Si c’est grave parce qu’un mot d’ordre de 24 heures de grève générale régionale, bien qu’il soit correct de le proposer dans un tract comme l’a fait le POS, n’est pas suffisant en soi. Il faut que ses militants se battent contre l’appareil syndical pour l’obtenir si on ne veut pas que ce soit seulement de la propagande de parti. Dans certains conflits comme celui de Splintex il faut oser prendre ses responsabilités et affronter démocratiquement l’appareil syndical qui refusait de généraliser la grève de Splintex. Toujours revenir sur les grèves du passé, comme celle qui s’est déroulée en 1975 à Glaverbel-Gilly, même si elle a été importante, n’est pas une attitude correcte qui correspond à la réalité d’aujourd’hui, car le contexte de 1975 n’est pas du tout le même qu’en 2005. C’est pendant l’assemblée interprofessionnelle au moment où la discussion était très vive entre les bonzes syndicaux et certains délégués et militants de base qu’à choisi A. Henry pour dire à la tribune : « je pense personnellement que l’interprofessionnelle a fait son travail, elle s’est démenée pour trouver le matériel de projection pour projeter le film sur la grève de Glaverbel en 1975 ». Au lieu d’emboîter le pas et de couvrir les appareils syndicaux, les militants ou ex-délégués qui se revendiquent du marxisme doivent s’efforcer à chaque occasion de dénoncer les freins que constituent les appareils syndicaux réformistes. Comme cela a été le cas dans la grève de Splintex. Tous ceux qui n’agissent pas en conséquence n’ont pas du tout compris ce qu’il y a d’essentiel dans le marxisme, à savoir la lutte anti-capitaliste sans complaisance pour les directions du mouvement ouvrier qui freinent les luttes.

    S’il est exact de dire comme le fait A. Henry dans son article paru dans La Gauche d’avril 2005, n°12, où il écrit entre autres: « Car cette solidarité doit être plus que jamais une participation active au combat quotidien des grévistes, elle ne peut pas se limiter seulement à une aide financière épisodique. Elle doit au contraire être partie prenant et intégrale de la lutte et ce à l’échelle nationale, européenne, internationale ». Nous pouvons être d’accord avec cette prise de position, mais il est regretable qu’elle vienne quand le conflit est terminé. Alors que pendant la grève, dans la pratique, il a pris une position tout à fait contraire en empêchant toute initiative du comité de soutien sous prétexte de « non-ingérence dans le conflit ». Plusieurs militants du comité de soutien voulaient aller dans le sens qu’il indique dans son article. C’est-à-dire être partie prenante et intégrale dans la lutte, ces militants avaient comme objectif principal l’extension de la grève à la région. Mais cela n’a pas été possible car A. Henry a fait barrage. Il a refusé de rompre le lien qui le lie à l’appareil syndical réformiste. C’est suite à ces divergences fondamentales que le comité de soutien s’est coupé en deux tendances.

    Dans le contexte politique d’aujourd’hui, il ne suffit plus d’apparaître à gauche en lançant un appel à la création d’un forum syndical et en écrivant à juste titre d’ailleurs que : « les organisations syndicales sont sclérosées par une bureaucratie étouffante que les syndicalistes ont le devoir de combattre en luttant pour une véritable démocratie ». Et dans la pratique faire juste le contraire. Dans la grève d’AGC-Fleurus les initiateurs de cet appel se sont mis eux-mêmes dans une situation de refus de combattre l’appareil bureaucratique. Ils ont limité leur intervention dans le cadre autorisé par la bureaucratie sans jamais vouloir la critiquer sous prétexte qu’ils n’avaient pas à « s’ingérer dans le conflit ».

    Si c’est de cette façon qu’ils conçoivent le devoir de combattre pour une véritable démocratie, c’est qu’ils n’ont toujours pas compris ce qu’il y a de fondamental dans la pratique de la lutte de classe. Quand on écrit ce genre d’appel, il faut être conséquent avec sois-même si on veut éviter que ce soit des paroles en l’air. Toujours craindre de critiquer démocratiquement l’appareil syndical sous prétexte que sans lui nous ne somme rien, ça revient à dire qu’il faudra bientôt lui demander l’autorisation de respirer.

    Que manque-t-il pour gagner les luttes futures ?

    Tous les délégués et militants syndicaux combatifs doivent développer dans les usines une stratégie de lutte de classe sur base de la compréhension qu’un changement de la société est nécessaire, que sous le régime capitaliste tout acquis n’est que provisoire. Il reprend aux ouvriers de la main droite ce qu’il leur a donné de la main gauche. Mais il faut aussi avoir la compréhension du rôle de l’Etat dans cette société et de la nature du PS et des appareils syndicaux. Si nous ne voulons plus continuer d’aller de défaites en défaites, nous devons nous organiser à la base dans une tendance de gauche syndicale à l’intérieur de notre syndicat, il n’est nullement question de créer un nouveau syndicat, c’est une question de principe. Mais d’avoir pour objectif d’organiser les travailleurs en rupture avec les méthodes réformistes de collaboration de classe qui ne conduisent inévitablement qu’à des défaites successives. S’organiser afin de gagner les luttes qui se développent et contre les attaques répétées des patrons. Mais cela n’est pas suffisant, il faut aussi s’organiser afin d’avoir un prolongement politique qui s’appuie sur les méthodes traditionnelles de la lutte de classe. Pour cela il faut construire un grand parti ouvrier s’appuyant sur un programme anti-capitaliste, organe de combat de la classe ouvrière pour permettre la transformation socialiste de la société. Pour empêcher les délocalisations continuelles, il faut un programme qui empêche les multinationales de délocaliser en exigeant pour les entreprises qui menacent de fermer le remboursement des aides publiques qu’ils ont reçues ainsi que la nationalisation sans rachat ni indemnité sous contrôle ouvrier. Un grand parti ouvrier qui lutte contre le capitalisme et qui ne fait aucune concession politique, ni au PS ni aux appareils syndicaux, n’existe pas encore à ce jour. Le MAS est partie prenante dans cette construction; il est encore petit à l’heure d’aujourd’hui, mais ses militants agissent sur le plan syndical et politique avec des revendications et un programme qui va dans un sens anti-capitaliste et anti-réformiste.

    C’est aux travailleurs et à son avant-garde qu’incombe la tâche d’atteindre ce but. Le MAS veut contribuer à la construction d’un grand parti ouvrier. « L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ». Nous, les syndicalistes, savons par expérience que le syndicat est le dernier rempart des travailleurs contre toutes les attaques patronales. Mais il ne faut pas pour autant se mettre un bandeau sur les yeux. Il faut toujours et en toutes circonstances savoir faire le bilan d’un conflit quel qu’en soit le résultat. C’est au travers de la lutte, de la discussion, de la critique que le mouvement ouvrier a progressé et certainement pas en voulant nous faire prendre des vessies pour des lanternes comme tentent de le faire depuis plusieurs années les bonzes syndicaux.

    Cette brochure ne va pas faire que des heureux mais si ceux qui osent critiquer l’appareil syndical sont considérés par les bonzes syndicaux comme des anti-syndicalistes, alors il faut se poser la question : le syndicat en 2005 est-il encore une organisation démocratique? Si ce n’est plus le cas, alors il faut le dire ouvertement afin que les travailleurs sachent à quoi s’en tenir. Dans la pratique de la lutte de classe, la vérité à ses droits. La ligne politique qui en découle doit être placé au dessus des éventuelles amitiés où camaraderies qui peuvent exister.

    LE SOCIALISME EST MAITRE DE L’HEURE,

    MAIS IL FAUT POUR CELA QUE TOUS CEUX QUI SE DISENT SOCIALISTES, SOIENT DIGNES DE CE NOM.

    OUI A LA LUTTE DE CLASSE

    NON A LA COLLABORATION DE CLASSE

    VIVE LA GREVE DES TRAVAILLEURS DE SPLINTEX


    P.S. : Il y a encore beaucoup de choses à dire sur la grève d’AGC. Mais nous allons nous arrêter ici pour le moment. Nous ne manquerons pas de revenir sur ce conflit qui restera dans les mémoires des travailleurs. En tout cas, tous ceux qui s’y sont investis resteront marqués pour toujours.

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