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Tag: Renault
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Récit d’une fermeture
Le producteur de bêton Trilco aplatit ses employés
Il y a trois ans, les directeurs du groupe Echo déclaraient dans un article du Trends/Tendance : “La crise, c’est agréable.” À l’époque, un travailleur avait lancé un avertissement quant aux conséquences de cette phrase sur notre site www.socialisme.be. Il a malheureusement eu raison. Trilco, entreprise du groupe Echo spécialisée dans le secteur du bêton et implantée à Hemiksem (Anvers), a été déclarée en faillite le 2 mai dernier. Le personnel restant – 45 ouvriers et 8 employés – est sacrifié.
Par Wilfried Mons, ancien délégué syndical chez Trilco
Depuis 2001 le taux d’écoulement (le mètre carré de produit écoulé par mètre carré livré) était en chute libre. La firme faisait alors partie depuis quelques années du groupe Echo (bêton également). Le taux d’écoulement record de 1.143.000 m² atteint en 2000 chuta à 380.000 m² en 2008, essentiellement en raison d’un manque total d’investissement et d’innovation. La politique de l’entreprise fut marquée par la prétention et l’arrogance. “Le client est roi, mais Echo est empereur” semblait être devenu la devise officielle. Mais l’empire Echo commençait à tomber en ruine, y compris chez Trilco. La chute du taux d’écoulement eut également comme conséquence une réduction de l’embauche. Des plus de 100 ouvriers et employés chez Trilco en 2000, il n’en restait que 45 ouvriers et 8 employés en 2013.
L’arrogance du groupe Echo s’était pleinement exprimée dans l’article “La crise, c’est agréable” (Trends/Tendance, 11 mars 2010) où Marc et Bob Cuyvers (à la tête du groupe) s’en sont pris au personnel (“les salariés pensent qu’ils doivent recevoir le plus possible pour le minimum de travail possible”), aux jeunes (“ton diplôme tu le reçois tout de même, peu importe ce que tu fais”) ou encore au gouvernement (“pour le gouvernement peu importe un milliard de plus ou de moins. Apparemment cela ne les intéresse pas”).
Le journaliste ne leur aura sans doute pas laissé relire l’interview, ce qui eu comme résultat que ces déclarations sans détour firent leur apparition dans la revue. Quelques années après, dans le contexte de ce qui arrive maintenant, ces lignes paraissent particulièrement cyniques. Mais on ne trouvera pas la suite de cette histoire dans les pages du magazine patronal, nous livrons le dénouement ici.
Mauvaise gestion avant la ruine
Lors de la publication de l’article du Trends, une usine flambant neuve était supposée entrer en production dans la région de Genk. Elle aurait dû devenir l’usine de piliers en béton préfabriqués la plus moderne en Europe, où toute livraison aurait été prête à partir dans les 48 heures après commande définitive. Elle aurait dû car, après une année et demi d’essais infructueux, le logiciel onéreux a dû être abandonné. On n’avait jamais pensé écouter les remarques du personnel qui s’y connaissait pourtant bien et maîtrisaient la pratique. Beaucoup de salariés avaient le pressentiment que cela allait mal finir, surtout quand le responsable du projet est parti de l’usine sur la pointe des pieds. Le comité d’entreprise s’est retrouvé impuissant.
De la part du comité d’entreprise – ou du soi-disant “infoteam” à Trilco (lequel remplaça le comité d’entreprise à partir de janvier 2009) – pas la moindre critique ne fut tolérée. Dans le rapport de 2010 cela est présenté comme suit : “De Trilco nous attendons une coopération active.”
Les problèmes à Genk furent alors délégués à un nouveau “Operations Director Floor Solutions” (les titres ronflants n’ont jamais manqué…). De plus, à ce moment-là, la majeure partie des actifs d’Echo group était hypothéqués. Toutes les entreprises du groupe se portaient garantes l’une pour l’autre. Toutes réponses aux questions syndicales sur l’enchevêtrement d’engagements et d’emprunts mutuels entre les sociétés sœurs furent sans cesse évitées.
A côté de toutes ces péripéties, il y a aussi eu la crise de 2008. La débâcle s’est accélérée. Le directeur financier a rendu son tablier le 11 avril 2012. Le 23 avril la “loi relative à la continuité des entreprises” (LCE) fut amorcée pour Trilco, entre autres. Nerva, une branche du groupe installée à Harelbeke a échappé à cette procédure étant donné qu’il y avait un actionnaire minoritaire.
Du personnel engagé pour en finir
Avant l’aboutissement de la procédure LCE Christel Gijsbrechts est devenue CEO. Le 10 septembre 2012, l’intention de fermer Trilco a été annoncée afin d’amorcer la procédure Renault. Le 23 octobre 2012, la procédure LCE a été prolongée de six mois. Finalement, le 23 avril 2013, Trilco a officiellement été en faillite.
Normalement, dans une procédure LCE, un plan de relance est convenu avec les créanciers. Ce ne fut jamais le cas pour Trilco. Malgré cela, le tribunal ne vit aucun problème à prolonger la procédure LCE de six mois en octobre 2012. L’espoir que la Société de Reconversion Limbourgeoise (Limburgse Reconversie Maatschappij – LRM) pourrait subvenir aux besoins financiers de l’entreprise comme investisseur complémentaire fut vite déçu. Le montant dont Echo avait besoin était en effet trop important. En conséquence, l’idée vint de laisser Trilco faire faillite.
Mais il s’ensuivit un second échec: la vente du terrain n’aboutissait pas. Après l’espoir déçu dans LRM, on avait compté sur le fait qu’une partie de l’argent de la vente du terrain pourrait être utilisée pour un plan social. Le terrain devait être vendu à Umicore, une entreprise qui avait, après tout, des droits de préemption. Mais la dépollution revenait trop chère. Au milieu du terrain, la firme Revos avait été active durant des années pour récupérer l’huile usagée. Le propriétaire de cette entreprise avait pris la poudre d’escampette, mais l’huile était bien restée dans le sol. Cette pollution devint la responsabilité d’Ovam (la société publique responsable de l’assainissement des sols en Flandre), mais celle-ci ne sembla jamais pressée de trouver une solution. Ainsi, la vente a abouti à l’impasse.
Le temps pressait. Les acheteurs potentiels de l’entreprise Nerva commencèrent à s’agiter et l’argent de cette vente pouvait être utilisé pour alléger l’hypothèque de Trilco. Les entreprises du groupe se portaient, après tout, garantes l’une l’autre et, pour chaque vente d’une partie du groupe Echo, un accord avec les banques était nécessaire.
Quand Ovam arriva enfin avec des bonnes nouvelles le 20 mars 2013, la vente de Nerva s’ensuivit presque aussitôt. Que s’était-il réellement passé ? Il y a eu un accord sur la vente du terrain de Trilco pour 6,4 millions d’euros, exactement le montant de l’hypothèque qui reposait sur Trilco. Les banques étaient donc satisfaites, l’hypothèque de Trilco pouvait être remboursée. D’autre part, la vente de Nerva pouvait être effectuée et l’argent utilisé. La famille Cuyvers paru surtout se concentrer, avec la coopération de Christel Gijsbrechts, sur deux parties du groupe Echo (Vaheja-nv à Neerpelt et Frederickx bvba à Messelbroek).
L’argent de la vente de Nerva ne fut pas utilisé pour l’hypothèque de Trilco, les caisses vides restèrent vides et il n’y avait pas le moindre cent pour le plan social. Si Nerva avait été vendue en premier, l’argent aurait été utilisé pour l’hypothèque de Trilco et l’argent de la vente du terrain se serait retrouvé dans le dossier de faillite.
Mais rien de cela: le compromis de vente du terrain a servi à rembourser l’hypothèque et les banques sont parties avec l’argent. Que reste-t-il ? une partie du stock invendu mais en grande partie invendable, encore quelques livraisons prêtes à partir, un hall de production pour piliers en béton préfabriqués rugueux et une installation de découpage. Tout se qui pourra rapporter un peu d’argent ira aux fournisseurs et aux créanciers. Le personnel est envoyé au ‘Fonds de fermeture d’entreprises’ (où les employés qui peuvent normalement compter sur une meilleure indemnité de licenciement sont les plus grand perdants).
Dire que Madame Gijsbrechts ait inventé ce système serait lui faire trop d’honneurs. D’autres l’ont précédée en laissant une ou plusieurs firmes d’un même groupe faire faillite en faisant faux bond au personnel. Mais ici, deux procédures furent abusées: la procédure LCE donna l’IMPRESSION qu’un rétablissement était possible (le Tribunal de Commerce joua le jeu même APRÈS la fermeture annoncée!), et puis la loi Renault qui dans la seconde phase avait comme OBJECTIF un accord sur le plan social qui n’est jamais arrivé. Les secrétaires syndicaux ne pouvaient-ils pas se rendre compte (plus tôt) de se qui se tramait ? Les responsables des dégâts s’en tirent bien, les innocents payent le prix fort.
Durant toute la procédure LCE, les syndicats ont entièrement été mis hors jeu. Aurait-on pu lancer un appel à la grève et/ou au blocage du site à l’annonce de la fermeture le 10 septembre 2010? Le résultat n’aurait probablement pas été différent. Mais la direction n’aurait assurément pas manqué de nous désigner comme responsables de la faillite en ressortant l’habituel discours : “Ce sont encore les syndicats qui avec leur actions détruisent les entreprises…” La réalité est, on le voit, clairement différente !
Comme nous le prévoyions dans un mail le 3 avril : “Nous (Trilco) sommes depuis longtemps ‘’l’arrière-garde’’ qui est sacrifiée comme à la guerre.” L’expertise de Christel Gijsbrechts a gagné en valeur dans les milieux patronaux et des banques. La famille Cuyvers peut pousser un soupir de soulagement dans son appartement à Monaco… et nous (encore 45 ouvriers et 8 employés) ? Nous, on nous a SACRIFIÉS !
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Un budget sur mesure pour les marchés
Le drame de Ford n’ébranle pas la politique de cadeaux aux patrons
Alors que la fermeture de Ford est une catastrophe sociale pour des milliers de travailleurs de Ford et des soustraitants, les patrons orientent le débat vers l’augmentation des cadeaux au patronat, particulièrement sous la forme de baisses des coûts salariaux. La discussion sur le budget fédéral n’est pas différemment organisée : pour qui donc cherchent-ils des solutions ?
Article d’Anja Deschoemacker, tiré de l’édition de novembre de Lutte Socialiste
Le contrôle budgétaire pour 2012 s’est conclu par la recherche de 811 millions d’euros essentiellement par le biais de coupes, de gel et d’ajournement des dépenses. En bref, une succession d’assainissements prétendument ‘‘non perceptibles’’. Cette logique d’assainissement assure depuis les années 1980 le sousfinancement chronique de toute la politique sociale, de l’infrastructure et des services publics. Qui peut oser prétendre sans rougir de honte que les listes d’attente pour chaque nécessité sociale sont ‘‘non perceptibles’’ ?
Concernant le budget 2013, les ministres fédéraux ont été unanimes : les mesures ne doivent pas heurter la compétitivité des entreprises. En d’autres termes, ils vont chercher 3,7 milliards d’euros sans toucher à tous les privilèges qui garantissent que les grandes entreprises ne soient qu’à peine imposées malgré leurs profits exorbitants. Cette politique généreuse n’est pas payée de retour, comme l’a à nouveau clarifié le cas de Ford, dans l’éventualité où l’on aurait déjà oublié Renault, Opel, ArcelorMittal,…
Cette annonce de la future fermeture de Ford a remis au goût du jour une vieille discussion : le gouvernement flamand pourra-t-il récupérer (une partie des) 43,5 millions d’euros investis dans Ford ces dix dernières années ? Et il semble encore que le gouvernement fédéral contribue chaque année ‘‘pour pas moins de 30 millions d’euros aux coûts salariaux de Ford, comme pour le travail de nuit, le travail en équipe et le chômage technique’’ (selon la Ministre SP.a de l’Emploi Monica De Coninck, dans les pages du De Standaard, le 25 octobre).
Pourtant, le budget ne sera pas confectionné avec une autre recette. Il est bien concevable qu’une petite mesurette soit là pour faire ‘‘contribuer’’ les grandes fortunes, dans l’unique objectif de faire avaler les mesures antisociales. N’oublions pas non plus que les précédentes mesures destinées à faire contribuer les grandes fortunes n’ont jamais été réellement appliquées, ou appliquées de telle manière que les riches avaient trouvé la parade avant même que la moindre chose ne soit votée. C’est une fois de plus la grande partie de la population, les travailleurs et leurs familles, qui subira l’écrasante majorité du choc.
Il y a quelques semaines encore, en pleine campagne électorale, les politiciens traditionnels nous promettaient de s’en prendre au manque de moyens dans l’enseignement, dans l’accueil d’enfants,… au niveau communal. Maintenant, il est question de nous demander de nous serrer la ceinture tous ensemble (un léger effort sera demandé aux riches). Concernant le budget 2014, le comité de monitoring, un organe de fonctionnaires d’où sont issus les chiffres de la politique fédérale, parle d’un ‘‘effort commun’’ (autorités fédérales, régionales et locales) d’au moins 8 milliards d’euros supplémentaires. Il nous faudra non seulement nous serrer la ceinture, mais encore y percer de nouveaux trous !
Dans tous les pays où la politique d’austérité tourne déjà à plein régime, la pauvreté a explosé et une grande partie de la jeunesse semble être condamnée à n’être qu’une ‘‘génération perdue’’. ‘‘L’alternative’’ à la Hollande ou Di Rupo semble entretemps n’être qu’une politique d’austérité identique (un peu mieux présentée) où, dans l’objectif d’éviter une résistance de masse, on ne s’attaque pas aux travailleurs à coups de marteau, l’idée étant de parvenir au même résultat avec une austérité plus lente mais tout aussi destructrice.
Le problème auquel nous sommes confrontés n’a rien à voir avec “les coûts salariaux’’. Le problème, c’est le marché. ‘‘Le marché’’ considère n’avoir aucune responsabilité sociale, la production capitaliste étant basée sur la recherche de profits et sur la satisfaction des besoins de ceux qui permettent la réalisation de profits pour les patrons uniquement. Toute la discussion sur les coûts salariaux – partie intégrante de celles portant sur le budget et sur les négociations pour le prochain Accord Interprofessionnel (AIP) – n’a pas pour vocation de combattre la crise mais bel et bien d’utiliser cette crise pour lancer une nouvelle attaque contre les salaires et les conditions de travail de la grande majorité de la population.
La période d’été et de campagne électorale sont derrière nous. Maintenant, dans les syndicats, tout le monde doit être sur le pied de guerre pour organiser la résistance contre la politique de bain de sang social de la direction de Ford et de ses alliés politiques aux autorités fédérales, régionales et locales ! Seule cette lutte collective peut conduire à des solutions favorables à la majorité de la population.
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Présidentielles françaises : Le volcan de la lutte des classes est prêt à entrer en éruption
Le dimanche 18 mars, anniversaire de la Commune de Paris, environ 100.000 personnes (selon la plupart des rapports des médias), chantant l’internationale, ont défilé dans les rues de Paris en réponse à l’appel du candidat du Front de Gauche Jean-Luc Mélenchon, pour ‘‘reprendre la Bastille’’ et commencer ‘‘une insurrection civique’’. Son discours à la manifestation était plein de références au passé révolutionnaire de la France. Mélenchon a déclaré que sa campagne électorale veut ‘‘ouvrir une brèche vers le volcan français que toute l’Europe attend’’.
Leila Messaoudi, Gauche Révolutionnaire (CIO-France)
Si, en surface, la France apparait relativement calme en comparaison à la tempête de manifestations massives et de grèves générales qui se déroulent en Europe du Sud, la lave du ‘‘volcan’’ français est en fait bouillonnante. Les élections présidentielles de cette année prennent place dans un contexte de colère sociale imminente et contagieuse. En ce moment, ceci s’exprime dans un paysage électoral très polarisé, dont le rassemblement du Front de Gauche dans la capitale ce dimanche est la plus récente manifestation, et certainement la plus claire.
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Au moment ou nous publions cet article sur la France, les tueries récentes à Toulouse ont laissé le pays en état de choc. Le CIO condamne sans ambigüité ces actes terribles. Ces évènements peuvent potentiellement affecter le développement de la campagne électorale des présidentielles dans les prochains jours et semaines. L’article ci-dessous, qui aborde la question des élections, a été écrit avant ces meurtres dramatiques.
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Il est significatif que tous les candidats à l’élection présidentielle aient été vus à la télé devant ou à l’intérieur des grandes entreprises industrielles qui risquent la fermeture, entourés par les médias. Jamais auparavant les candidats à la présidence n’avaient visité si volontiers les usines de tout le pays, dans l’espoir de se montrer comme des politiciens ‘‘amis de la classe ouvrière.’’
Polarisation
Les gens qui veulent voter n’espèrent pas nécessairement de grands changements, mais beaucoup veulent utiliser ces élections pour se débarrasser du détesté Sarkozy et lui donner une bonne claque. C’est pourquoi le camp de Sarkozy essaie désespérément de remonter ses faibles scores dans les sondages, dont en essayant de jouer la carte du « peuple » contre ‘‘l’élite’’ – comme si Sarkozy ne faisait pas partie intégrante de l’élite – en multipliant les provocations racistes pour regagner des électeurs au Front National, ou en prenant un virage populiste ‘‘anti-Europe’’ et protectionniste, après avoir profilé le président en sauveur du continent et de la monnaie commune.
En 2 ans, Sarkozy a perdu de plus en plus de soutien de la population. Depuis son élection en 2007, sa base électorale s’est drastiquement rétrécie. Attirer une partie entière de l’électorat de la classe ouvrière vers sa campagne, comme il a su le faire il y a 5 ans, parait à présent infaisable. Dans un sondage début février, seuls 12% des travailleurs manuels et 17% des employés ont déclaré qu’ils voteraient pour Sarkozy au premier tour.
Le soi-disant “Président du Pouvoir d’Achat” est maintenant largement identifié comme “le président bling-bling”, ami seulement des super-riches. Les déclarations de sa femme multimillionnaire Carla Bruni selon lesquelles le couple présidentielle vit très modestement, ou de son Ministre de l’Intérieur Claude Guéant prétendant que Sarkozy vit une vie ‘‘extrêmement austère’’ ont seulement eu pour effet d’empirer l’insulte que le mode de vie de Sarkozy représente pour les millions de personnes qui ont souffert d’une série sans fin d’attaques aux conditions de vie sous son règne.
Huit millions de personnes en France sont maintenant officiellement pauvres. Depuis que Sarkozy est au pouvoir, le chômage a monté de 20 %, mais 3 millions de chômeurs ont disparu des chiffres officiels, rayés des listes et laissés sans revenus. Une grande partie de la population est inquiète pour des raisons sociales. Une enquête publiée le 23 février par La Croix, un journal chrétien, a annoncé que 79% des gens interrogés sentaient que leur pays était en crise complète dont 66% qui déclarent qu’ils devront réduire leurs dépenses en 2012.
La campagne de Francois Hollande
Dans ce contexte, le candidat du Parti Socialiste François Hollande a compris que quelque chose devait être fait pour rattraper le large mécontentement qui existe dans la société. C’est pourquoi on peut entendre parfois des choses un peu plus à gauche dans sa campagne. Hollande se décrit comme le candidat “du changement” et de l’”unité”, et essaie de mettre l’accent sur la croissance plus que sur l’austérité dans sa campagne. Il plaide pour la création de 60.000 emplois d’enseignants s’il est élu, et se dit pour l’annulation des 29 milliards de réductions d’impôts introduites par Sarkozy. Il a aussi surpris beaucoup de monde (dont sa propre équipe de conseillers) en défendant tout à coup un impôt de 75% sur ceux qui gagnent plus d’un million d’euros par an. Il a promis de séparer les banques de détail des banques d’investissement, dénoncé les revenus des banquiers, ‘‘indécents’’, et pointé le monde de la finance comme son ‘‘pire ennemi’’.
Cependant, c’est la seule face de la médaille. Quand il a visité Londres début mars, le candidat du PS, dans une interview de presse, expliqué que ‘‘la gauche a été au gouvernement pendant 15 ans durant lesquelles nous avons libéralisé l’économie, ouvert les marchés à la finance et aux privatisations. Il n’y a rien d’inquiétant.’’ Hollande défend clairement le projet de l’Union Européenne et la diminution des déficits budgétaires. Il veut assurer qu’il soit bien clair qu’il est un administrateur responsable et tranquille, sérieusement engagé à équilibrer les comptes du pays. Par exemple, sa promesse de 60.000 enseignants supplémentaires n’est pas basée sur des dépenses publiques, mais seulement sur la limitation des embauches dans d’autres secteurs, déjà en sous-effectif.
Hollande essaie, d’un côté, de se montrer plus à gauche et plus populaire, mais de l’autre, de ne pas perdre sa crédibilité devant les marchés qu’il ne veut pas s’aliéner sur cette question. C’est pourquoi les propositions les plus ‘‘gauchistes’’ de son programme électoral sont régulièrement ‘‘corrigées’’, parfois de manière complètement contradictoire, par des manœuvres plus à droite, visant à rassurer la classe capitaliste – de même que l’aile droite de son propre parti – sur ses intentions.
Les propositions d’Hollande d’augmenter les impôts des millionnaires peuvent recueillir un certain soutien, compte tenu de l’énorme colère de classe qui existe parmi les votants français contre l’élite ultra-riche. Les profits obscènes des 40 plus grosses entreprises françaises cotées en bourse (qui atteignent 73,5 milliards d’euros en 2011), ou les 24 % d’augmentation, l’année dernière, des salaires des grands patrons (déjà les plus hauts en Europe) ne peuvent que donner des arguments à de telles propositions.
En tant que socialistes authentiques, nous sommes évidemment en faveur de toute mesure qui va dans la direction d’une répartition plus juste des richesses. Mais il est important de comprendre que même si ces impôts sont mis en place (ce qui est loin d’être certain), aussi longtemps que les principaux leviers de l’activité économique restent dans des mains privées, les possesseurs de capital n’hésiteront pas à utiliser leur pouvoir économique pour amoindrir les mesures comme celle-ci, notamment en menaçant de faire fuir leurs capitaux.
C’est pourquoi les propositions de Hollande de ‘‘taxer les riches’’ serait de courte durée ou pourrait ne même pas voir la lumière du jour. Le tête-à-queue humiliant vers l’austérité entrepris par le gouvernement PS-PCF de François Mitterrand en 1983, deux ans après son entrée en fonction, est un bon exemple qui montre qu’une politique de réformes sociales qui ne touche pas à la domination de l’économie par le capital est absolument insoutenable.
Alors que 58 % de la population française considère que François Hollande ‘‘représente un changement’’, il lui est plus facile de miser sur la haine envers le président que de tenir ses promesses une fois au pouvoir, surtout dans un contexte de crise économique où la classe dominante a partout engagé une guerre de classe acharnée contre les travailleurs et les pauvres. Pas moins significativement, selon un sondage, 61% des gens qui vont voter pour Hollande expliquent leur vote par l’idée de battre Sarkozy, et seulement 39 % par le soutien au projet de Hollande !
Le bilan néolibéral du PS au gouvernement pendant les années de la “gauche plurielle” de 1997 à 2002 était celui des privatisations qui allaient encore plus loin que ce que la droite avait fait auparavant quand elle était au pouvoir. De même, l’héritage de son parti dans les administrations régionales avertit que le pendule du PS pourrait revirer à droite très rapidement.
Néanmoins, sous pression de la classe ouvrière et ses attentes qu’Hollande amènerait “quelque chose de différent”, il pourrait essayer de gagner du temps en lâchant quelques concessions et des mesures sociales limitées dans les premiers temps de sa présidence. Son but affiché de renégocier le traité fiscal européen a soulevé des inquiétudes chez les dirigeants européens sur ses possibles tournants dans cette direction, ce qui pourrait le mener à des conflits avec l’austérité ‘‘orthodoxe’’, défendue surtout par la classe dominante allemande.
En ce qui concerne les travailleurs et les jeunes, certaines couches vont voter Hollande uniquement pour frapper un coup à Sarkozy, quoi qu’ils pensent de Hollande lui-même. Pour le moment, ces couches essaient surtout de limites les conséquences de la crise pour eux-mêmes et leurs familles, et leur principale préoccupation est, qui sera le meilleur candidat contre Sarkozy ? Dans la plupart des sondages, Hollande l’emportait au premier tour aussi bien qu’au second récemment. Cependant, les sondages des principales organisations d’enquêtes d’opinion suggèrent que le fossé entre lui et Sarkozy va maintenant diminuer, certains mettant même Sarkozy devant le candidat du PS au premier tour. Un sondage récent donnait 30% à Sarkozy et 28 % à Hollande.
S’il y a une remobilisation autour de Sarkozy, elle vient bien plus de l’appareil de son propre parti (l’UMP) que d’une vraie vague d’enthousiasme dans la société. En pratique, il a gagné peu de nouveaux électeurs depuis l’annonce officielle de sa candidature. Mais ces développements, couplés avec le scepticisme parmi certaines couches envers le passé du PS et ce qui est vu assez largement comme les ‘‘vagues promesses’’ de Hollande, ont augmenté les questionnements de certains sur la force suffisante du candidat du PS pour gagner même contre Sarkozy. Bien que ce ne soit pas la plus probable, on ne peut pas écarter l’hypothèse d’une victoire de Sarkozy. Un tel scénario ouvrirait sans doute une crise énorme dans les rangs du PS ainsi qu’une nouvelle phase de confrontation de classes explosive dans le pays.
Mélenchon et le Front de Gauche
De plus, de nouveaux troubles sont apparus dans le camp de Hollande, car un autre candidat fait de plus en plus de vagues dans la campagne présidentielle et complique l’idée d’une victoire facile pour le PS au premier tour; c’est-à-dire Mélenchon.
Pour la plupart des couches radicalisées de la classe ouvrière qui ont essayé de riposte à la politique de Sarkozy pendant 5 ans, la question des élections est double. Ce n’est pas seulement celle de virer Sarkozy mais aussi de mettre en avant en même temps une vraie alternative aux politiques des capitalistes, représentés plus ou moins par les principaux candidats de l’ordre établi.
Dans ce contexte, Mélenchon, le candidat du Front de Gauche, est vu par beaucoup de travailleurs comme le seul candidat de gauche. Environ 300.000 exemplaires du programme du Front de Gauche (l’Humain d’Abord !) se sont vendus en quelques mois.
Le Front de Gauche a été formé par une alliance entre le Parti Communiste Français et le parti de Mélenchon, le Parti de Gauche, plus petit avec pour modèle ‘‘Die Linke’’ en Allemagne. la carrière de Mélenchon a d’importantes similitudes avec celle d’Oskar Lafontaine, un dirigeant de cette organisation. Mélenchon est un ancien membre du PS et un ancien Ministre délégué à l’éducation professionnelle sous le Premier Ministre Lionel Jospin entre 2000 et 2002.
Beaucoup de travailleurs – surtout ceux qui viennent de la classe ouvrière traditionnelle et d’une culture PCF – ainsi qu’une part notable de la jeunesse assistent à ses énormes rassemblements. Notamment, à ce rassemblement de dimanche, un certain nombre de délégations de travailleurs venant d’entreprises qui sont en moment en lutte étaient présents.
Le dynamisme et l’attraction de sa campagne se reflètent dans le fait que, alors que pour la première fois depuis 1974 le PCF n’a pas de candidat à lui, le candidat que ce parti soutien trouve un écho bien au-delà de l’électorat traditionnel du PCF. Alors que Mélenchon était encore à 5-6% en septembre dernier, et 3,5% il y a un an, il a reçu un soutien de 11% dans le dernier sondage d’opinion. (Un nouveau sondage, publié le 22 mars par le journal Les Echos, lui donne 13%, seulement un demi point en dessous de la candidate Marine Le Pen du Front National, NDLR). En comparaison, aux dernières élections présidentielles il y a 5 ans, la candidate du PCF Marie-Georges Buffet n’avait obtenu que 1,93% des voix.
Mélenchon combine une rhétorique républicaine influencée par la Révolution Française et un mélange d’adresses à la classe ouvrière. Il appelle le peuple à ‘‘prendre le pouvoir’’, plaide pour une ‘‘révolution citoyenne’’, une ‘‘insurrection civique’’, et d’autres slogans paraissant radicaux qui, bien que vagues, trouvent un écho positif parmi ces couches de travailleurs, de militants et de jeunes qui cherchent quelque chose à gauche, plus radical et différent de la campagne démagogique de Hollande.
Défiant l’idée que la classe ouvrière doit payer la crise du système et accepter les politiques d’austérité, s’attaquant aux marches financiers et aux medias de masse, parlant de “planification écologique”, des droits des femmes et de l’avortement, Mélenchon ouvre un certain nombre de portes au débat que la classe dominante n’a pas forcément envie de mettre en avant.
Il plaide pour un salaire minimum de 1700 € et la retraite à 60 ans, pour la nationalisation de l’entreprise de pétrole Total rentable et des autres producteurs d’énergie. Le caractère de classe des arguments de Mélenchon contre le FN, démasquant la politique pro-capitaliste de ce parti, contraste aussi avec ce qui est entendu ces dernières années de la part de la plupart des politiciens.
Dans la crise actuelle de représentation politique de la classe ouvrière, renforcée par l’échec du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) à apporter une réponse à ce problème, les socialistes authentiques ne peuvent ignorer ces développements mais doivent, au contraire, engager un dialogue fraternel avec les couches des travailleurs et des jeunes qui regardent vers la campagne de Mélenchon avec sympathie.
En même temps, il est également nécessaire de montrer les faiblesses politiques et les limites de ce programme. Alors que Mélenchon mentionne le capitalisme, et appelle à ‘‘la fin des privilèges du capital’’, ses propositions ne vont pas jusqu’à donner un vrai moyen d’en finir avec le système, et ne montrent par une représentation compréhensible de ce que l’alternative au système pourrait être. En réalité, son programme reflète une certaine tentative de s’en prendre au capital spéculatif et financier, plutôt que de défier le fonctionnement capitaliste de l’économie en tant que tel.
Se réclamant de l’héritage de la révolution française, Mélenchon tempère sa référence au drapeau rouge, à l’Internationale et à la commune de Paris avec le drapeau tricolore de la révolution bourgeoise, la République Française et la Marseillaise. D’un côté, Mélenchon parle de solidarité avec les luttes des travailleurs Grecs ou autres, mettant en avant quelques éléments de la perspective internationaliste nécessaire ; d’un autre côté, le côté ‘‘républicain français’’ de sa rhétorique, particulièrement mis en avant dans son discours à Paris dimanche dernier, pourrait être un obstacle à s’adresser en particulier aux couches immigrées de la population. Beaucoup de personnes présentes à la manifestation dimanche n’ont pas manqué de noter le contenu faible et abstrait du discours de Mélenchon.
Plutôt que de soutenir la prise des banques et des grandes entreprises par la classe ouvrière, le projet de Mélenchon soutient dans les faits une économie hybride, avec des nationalisations limitées et un secteur public plus fort. Ainsi, si nous sommes fondamentalement d’accord avec l’idée générale que la classe ouvrière devrait ‘‘prendre le pouvoir’’ et si nous sommes en faveur d’une lutte commune, s’adressant à la classe ouvrière large, à faire campagne dans ce but, malheureusement nous pensons qu’un tel slogan de la part de Mélenchon vise tout simplement à gagner du soutien pour lui-même dans les élections, plutôt que de constituer un engagement à construire une lutte sérieuse par la majorité pour défier le capitalisme et construire une société socialiste.
Cela dit, nous croyons encore qu’un bon score pour Mélenchon serait un signe positif pour la classe ouvrière et déplacerait le débat sur la manière de construire la riposte et les politiques nécessaires contre les attaques capitalistes. Si, en ce moment, l’essentiel des militants qui maintiennent la campagne de Mélenchon sont des membres du PCF et que l’autre composante du FdG, le Parti de Gauche, reste surtout une étiquette électorale, cela ne signifie pas dire que les choses vont rester ainsi. Nous devons suivre attentivement ce que va devenir ce soutien dans la période à venir. Un appel public large de Mélenchon, suivant un fort score électoral, pour rejoindre dans les faits la riposte et transformer le succès électoral du Front de Gauche en un nouveau parti de la classe ouvrière massif, trouverait surement un écho chez beaucoup de travailleurs, de jeunes, de chômeurs et de retraités, et encouragerait la continuation de ce qui reste un débat urgent dans la situation actuelle (un débat qui a d’une certaine façon été ‘‘inaudible’’ à cause du cours désastreux suivi par le NPA) : comment construire un parti politique de masse qui pourrait défendre les millions de travailleurs et non les millionnaires.
Cependant, toute nouvelle initiative dans cette direction devra tirer les leçons de l’expérience du NPA. Ce dont la classe ouvrière a besoin n’est pas une machine électorale, mais un instrument combattif et démocratique pour l’aider à construire ses propres luttes. Un instrument qui se positionnerai sans compromis du côté des travailleurs et des opprimés, défierai l’inertie des bureaucraties syndicales, et développerai un programme qui lie les luttes de la classe ouvrière avec une réelle stratégie politique pour en finir avec la dictature des 1%.
Le NPA et la campagne Poutou
Aujourd’hui, il n’y a pas un important soutien pour les organisations de gauche comme Lutte Ouvrière ou le NPA, auparavant la Ligue Communiste Révolutionnaire. Ils font ensemble 1% dans les sondages, contre presque 10% en 2002 et plus de 5% en 2007. Cela illustre l’incapacité de ces partis à construire à partir de leurs succès électoraux passés et à s’adresser à de nouvelles couches de travailleurs et de jeunes. Le NPA n’a eu aucun profil notable dans la dernière période, et refuse de proposer une stratégie réellement anticapitaliste, basée sur la lutte contre les licenciements, appelant à la nationalisation sous le contrôle ouvrier des secteurs-clés de l’économie, et défendant une société socialiste. Le retrait d’Olivier Besancenot de la candidature NPA à la présidentielle indiquait que la direction du NPA refusait de tirer les bénéfices d’une situation politique favorable.
Le candidat du NPA, Philippe Poutou, a un bon profil comme représentant des luttes de la classe ouvrière et de ses aspirations. C’est un ouvrier industriel, un syndicaliste à l’usine Ford à Bordeaux où ils ont été victorieux contre un plan de licenciements. Sa candidature pourrait être une expression des aspirations des ouvriers à en finir avec ce système, bien qu’elle ne soit pas assez offensive contre le capitalisme. Cependant, le manque d’un réel parti derrière lui, le fait que sa candidature n’est pas connue à une échelle de masse et l’absence d’une perspective sérieuse de développer le NPA comme un outil politique indépendant pour la classe ouvrière et les jeunes va obligatoirement limiter l’attrait de Poutou. (Pour une analyse plus approfondie du NPA, lisez notre article.)
Le danger du FN
Dégoûtés par les résultats désastreux des politiques pro-capitalistes des partis traditionnels, une autre partie de la classe ouvrière et de la classe moyenne va voter pour la candidate d’extrême-droite Marine Le Pen, qui a tenté de mettre de côté les liens néo-fascistes de son père, excluant quelques néo-fascistes du parti. Marine Le Pen a eu quelques succès électoraux, surtout dans le Nord désindustrialisé, en se présentant comme la ‘‘candidate des travailleurs’’, dénonçant l’élite politique (‘‘l’UMPS’’ comme elle dit) et le ‘‘système mafieux’’, et par-dessus tout, blâmant les immigrés pour la crise par une énorme campagne raciste, visant en particulier les musulmans.
Quelques sections de la classe ouvrière, des jeunes et des pauvres, surtout ceux qui ne se sentent pas représentés (les gens des quartiers pauvres, les 2èmes et 3èmes générations des familles immigrées, etc.) n’iront pas voter du tout. Le niveau d’abstention, qui augmente à chaque élection, va probablement être encore plus élevé au premier tour, alors que la situation et l’ambiance ainsi qu’une certaine pression à aller ‘‘voter utile’’ pour virer Sarkozy ou Le Pen du 2ème tour, peuvent tempérer cela dans certaines couches (notamment parmi ceux qui sont toujours influencés par le spectre de ce qui s’est passé en 2002, quand Jean-Marie Le Pen a éliminé Jospin, candidat du PS, et est allé au 2nd tour). Cependant, à cette étape, le FN n’est pas encore vu comme aussi fortement qu’en 2002 comme un moyen de rejeter la politique du gouvernement et il n’est pas probable qu’il va répéter ce résultat.
Des luttes importantes mais isolées
Alors que maintenant la champagne électorale fait les gros titres et domine la situation politique, les lutes des travailleurs ne se sont pas arrêtées.
En effet, une autre facette de la crise, c’est les luttes qui prennent place dans les usines contre les fermetures et les licenciements et dans le service public contre les coupes budgétaires. Des luttes dans beaucoup d’entreprises (comme Peugeot et Lejaby) ont fait les gros titres des journaux pendant 2 mois et les luttes locales se développent.
Le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux qui quittent leur emploi a un effet énorme sur le service public, surtout dans les secteurs de la santé et de l’éducation. Depuis l’annonce de février des prochains budgets de l’éducation primaire, les parents et les profs luttent contre les coupes dans les écoles primaires et maternelles. Dans certaines villes, des actions continuent à être organisées pour sauver les classes et une éducation publique décente pour les enfants. Parfois, un village entier ou une ville est impliqué. Il en est de même pour les coupes dans les hôpitaux ou les fermetures de cliniques. Les grèves, dont des grèves d’une heure, se sont développées à Renault Cléon pendant deux semaines et dans d’autres usines comme à l’aciérie LME près de Valenciennes, dans le Nord de la France. Les travailleurs de la poste sont engagés dans de véritables vagues de luttes dans plusieurs endroits, certaines très longues, de plus de 50 jours, dans la région parisienne.
Malgré tout cela, il y a un manque cruel d’un quelconque lien entre les luttes pour une riposte sérieuse à l’échelle du pays. Dans la raffinerie emblématique de Pétroplus à Petit-Couronne (près de Rouen), les travailleurs ont organisé leur propre lutte depuis fin décembre avec l’implication de l’Union Locale de la CGT et un soutien important de la population locale. Tous les principaux candidats à la présidence ont rendu visite aux travailleurs. Mais le principal dirigeant de la CGT, Bernard Thibault, est venu seulement le 10 février – presque à la fin de la bataille – pour soutenir surtout de ‘‘faire pression sur les politiques’’. Alors que la situation des travailleurs de Pétroplus est similaire à celle de beaucoup d’autres dans tout le pays, la direction de la CGT n’a jamais appelé à un vrai jour de grèves national contre les licenciements, les coupes budgétaires et l’austérité.
Plus généralement, il n’y a eu aucun appel des dirigeants syndicaux à lutter ensemble, n’y d’appel à une journée nationale de manifestations. Néanmoins, un énorme potentiel existe. Le 29 février, la ‘‘journée européenne contre les plans d’austérité’’, ils étaient des dizaines de milliers dans les rues bien qu’il n’y ait pas d’appel à la grève. Il y a un vrai potentiel pour une réponse massive de la classe ouvrière française et des jeunes. Mais pour le moment, elle ne trouve pas d’expression collective.
Nous ne savons pas quels vont être les résultats de l’élection, mais ce que nous tenons pour certain, c’est que la classe ouvrière et les jeunes de France n’ont pas baissé la tête.
Les luttes continuent et à cette étape, la crise est un accélérateur pour la lutte de classe et une opportunité de s’opposer aux attaques contre les conditions de vie. Mais pour que des changements conséquents arrivent et pour stopper les attaques contre nos conditions de vie, nos emplois et nos services publics, une vraie lutte dans la rue et sur les lieux de travail devra être menée. Comme de plus en plus vont tirer cette conclusion dans la période à venir, l’audience pour notre programme socialiste va augmenter, de même que la chance de tester notre programme dans le développement concret des luttes à venir.
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Rapport et photos de quelques piquets à Ixelles
Que ce soit à Buyl (au dépôt de trams de la STIB), à l’ULB ou à la VUB, à Delta ou encore chez le concessionnaire Renault d’Ixelles, beaucoup ont répondu présent pour cette grève générale qui à lieu dans un contexte économique des plus préoccupant pour les travailleurs et les étudiants.
Rapport par Clément, photos par Bruno
Bien qu’il y ait eu encore trop peu de militants, la combativité était présente. Les travailleurs et étudiants de tous bords et organisations étaient dès 5h30 présent sur les piquets. Malgré les accusations de paresse de la presse traditionnelle, ce qu’on pouvait remarquer, c’était une vraie volonté d’en découdre.
Les travailleurs n’en peuvent plus et le montre de plus en plus. Cela laisse à présager de bonnes choses surtout quand on voit la situation évoluer comme elle le fait actuellement. Partout où nous sommes allés nous avons vus des hommes et des femmes harassés par leurs conditions de travail et souhaitant améliorer leur sort. Ce que l’on entendait ? ‘‘Les patrons, les pourris du service public ont le licenciement et les pressions ? Alors nous nous auront la grève.’’ Et ils bloquent jusqu’au bout.
Impossible de faire entrer sa voiture sur les campus universitaires, feu de joie et profusion de drapeau à Renault et à Buyl : la grève est la et gare à celui qui veut la briser. Mais en parlant avec eux, nous nous sommes rendus compte de leur lassitude. Ils en ont marre de voter année après année pour de fausses paroles et promesses, marre aussi de se faire insulter par les journaux alors qu’ils exercent leur plein droit, droit qui permet d’interdire le travail des enfants comme certains nous le rappelèrent.
L’ombre au tableau ? L’absence globale de ceux affiliés à un syndicat encore trop proche du gouvernement et donc peu enclin à le critiquer. Ceci dit les mesures d’austérité vont arriver, elles toucheront tout les travailleurs et n’épargneront personne, ni jaune, ni vert, ni rouge. Il est temps de couper les liens avec les partis traditionnels ! Il est temps de se battre car rien n’a jamais été acquis en nous divisant ou en acceptant passivement les décisions de ceux qui prétendent nous représenter. Il faut maintenant un parti des travailleurs qui défendent les intérêts de ceux ci.
Stib
ULB
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Du jamais vu : un plan Renault chez Solvay !
Aux informations du 29 juillet 2010 on pouvait lire « Les résultats de Solvay dépassent les attentes. […] Au deuxième trimestre 2010 le chiffre d’affaire hors activités pharmaceutiques a bondi de 32% par rapport au deuxième trimestre 2009 ». Aujourd’hui on lit : « Solvay : 800 pertes d’emploi dans le monde, 150 à 160 emplois supprimés en Belgique » ! La procédure Renault commence !
Une procédure Renault ? Dans une entreprise dont la bonne santé financière ne fait aucun doute ?
La société Solvay a une image de marque à laquelle elle tient, celle d’une société « sociale » où patron, chefs et employés vivent en parfaite harmonie, les uns travaillant joyeusement, l’autre, reconnaissant, distribuant force de récompenses sous forme d’appointements bien au-dessus de la moyenne nationale et autres avantages sociaux. La société qui tenait au cœur du fondateur Ernest Solvay.
Oui ! Sauf que cela se réfère à l’ancienne société Solvay, celle qui s’appelait Solvay & Cie.
L’entreprise d’aujourd’hui ne correspond plus à cette image paternaliste. Depuis la transformation de la société en société anonyme son « cœur business » a été remplacé par le « core business » ! L’intérêt pour le bien-être des travailleurs a cédé la place à l’importance donnée au portefeuille des actionnaires (en majorité les familles Solvay, Janssen et autres). Graduellement les appointements ont rejoint la « médiane » des rémunérations nationales, les avantages sociaux ont été rognés petit à petit.
Depuis le début des années 1980 l’entreprise n’a de cesse de trouver comment augmenter les dividendes de ses actionnaires. Elle a mis au point un système de « dégraissement » du personnel barémisé sous la forme d’une convention collective de retraite anticipée, système il faut bien le dire, plus avantageux que la pré-pension.
Ces 20 dernières années plusieurs études ont été menées pour « rendre l’entreprise plus performante », pour « diminuer les frais fixes » ! Plusieurs centaines de postes de travail sont ainsi passés à la trappe.
Petit à petit la société Solvay a été fractionnée en Business Units indépendantes, ce qui a aussi permis de morceler la comptabilité. La recherche et l’administration centrale restaient néanmoins centralisées en Belgique. Cette organisation en Units a facilité la vente de diverses activités, personnel compris, qui ne semblaient plus essentielles à l’entreprise.
Depuis peu, même les employés « cadres », qui se voient refuser une représentation syndicale au sein de l’entreprise Solvay, ont été approchés individuellement pour se voir proposer, voire imposer, une retraite anticipée. Les barémisés, qui quant à eux avaient, jusqu’à présent, le choix de partir ou rester, ont aussi vu les propositions de départ devenir plus « impératives ».
Aujourd’hui un sommet vient d’être atteint. Une procédure Renault est enclenchée. La Direction se veut rassurante en insistant sur le fait que toutes les mesures seront prises pour effectuer les licenciements annoncés d’une manière aussi douce que possible. On est en droit de se demander comment puisque tous les travailleurs dans les « conditions » de la retraite anticipée ont été contactés et ont déjà entamé les formalités de départ.
Il s’agit donc de 150 à 160 départs supplémentaires, qui n’entrent pas dans le cadre de la convention collective.
Tout ceci nous donne une idée plus exacte de l’ampleur de la restructuration. Restructuration élaborée à la suite d’une décision de régionaliser les Business Units vers l’Asie et l’Amérique du Sud. Encore un effet pervers de la mondialisation.
Bien que dans l’entreprise Solvay le personnel ne soit pas particulièrement adepte d’actions syndicales, le taux de syndicalisation a toujours été élevé.
L’annonce de ces licenciements est non seulement un coup de massue pour le personnel, mais aussi pour les délégués syndicaux SETCa qui ont une double déconvenue par la perte de l’assistance de leur permanent, celui qui les épaulait depuis un grand nombre d’années. Ce permanent, responsable du secteur industrie, vient d’être lui-même licencié par l’organisation syndicale, pour des raisons fantaisistes. Dans un moment aussi crucial que l’enclenchement d’une procédure Renault, les délégués vont devoir travailler avec des permanents qu’ils ne connaissent pas, des permanents qui ne connaissent pas le terrain, des permanents, enfin, qui sont bien gentils mais qui ne sont pas des foudres de lutte syndicale.
Mondialisation augmentée de bureaucratie ! Sale temps pour les travailleurs et les militants syndicaux de SOLVAY S.A. !
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La solidarité contre les inégalités. Rapport du meeting de la FGTB
La semaine dernière, la FGTB a tenu son Congrès statutaire à Bruxelles, sous le titre de ‘‘La solidarité contre les inégalités’’. Le PSL-LSP était bien entendu présent pour mener campagne auprès des militants présents : nous avons besoin d’une alternative de gauche contre les partis traditionnels ! Voici un rapport du meeting de clôture ainsi qu’une vidéo de cette journée.
Rapport par Jarmo
La parole a été donnée à 9 délégations syndicales qui ont été victimes de restructurations ces dernières années. La première délégation était celle d’Opel-Anvers, avec Rudi Kennes qui a déclaré que la lutte à Opel a été menée de façon ‘‘non-traditionnelle’’. Ce qu’il voulait dire, c’est que malgré le projet de fermer une usine rentable, il n’y a pas eu d’actions de grève. D’autre part, il a expliqué que la loi-Renault est amplement insuffisante pour permettre aux délégations syndicales de lutter contre les plans du patronat pour organiser un carnage social, et que le Comité d’entreprise a en fait très peu à dire. Il a aussi expliqué qu’il avait choisi un syndicalisme de concertation plutôt que de passer à des actions de grève. Sa prise de parole s’est terminée par l’assurance qu’Opel-Anvers serait toujours ouvert en 2011, mais il n’a pas expliqué comment il pensait pouvoir atteindre cet objectif.
La délégation combative d’AB InBev est ensuite venue expliquer comment ils avaient refusé de rester dans le cadre de la loi-Renault et d’organiser immédiatement des actions de blocage. Ils ont déclaré que ce n’avait pas été difficile d’avoir une telle détermination, étant donné qu’AB InBev avait empoché 4 milliards d’euros de bénéfice l’an dernier et que le grand patron Carlos Brito avait obtenu un bonus de 6 millions. Avec l’aide de mesures comme la déduction des intérêts notionnels, chaque licenciement était véritablement un scandale. A juste titre, la délégation a répondu : des emplois, des emplois, des emplois ! ”
Les ouvriers de TechSpace Aéro, à Liège, ont apporté un récit similaire. Leur usine a réalisé 11 millions d’euros de bénéfices ces dernières années, et presque 9 le million d’euros ont pu être obtenus par l’application de la déduction des intérêts notionnels. Au cours de cette même période, les salaires des travailleurs ont baissé de 14% et on disait aux ouvriers qu’il était temps de serrer leur ceinture. Après 14 jours de grève, les ouvriers de Techspace Aéro ont réussi à arracher une trentaine de départ en prépension à 58 ans, avec le recrutement d’autant de jeunes à durée indéterminée. La délégation syndicale a souligné qu’une grande solidarité a existé entre les plus vieux et les plus jeunes, mais aussi avec d’autres délégations syndicales de la Belgique entière. De cette lutte, ils ont conclu que le défaitisme ne mène nulle part, et que seule la lutte paie. Ils l’ont amplement démontré, tout comme les travailleurs d’AB InBev.
Un représentant de la centrale textile d’Anvers a attiré l’attention sur les milliers de plus petites sociétés qui ne font pas la une des journaux, mais où les travailleurs doivent aussi subir des attaques sévères. Il a déclaré que le nombre de personnes qui se retrouvent à la porte ressemble à un carnage social organisé dans une grande entreprise.
Les militants du secteur non-marchand ont lancé un appel pour leur manifestation du 8 juin. Leur exigence centrale sera que les problèmes sociaux ne connaissent pas de frontière linguistique et que ces questions sont bien plus importantes que les débats communautaires. Depuis le début de la crise, la pauvreté a augmenté et nous avons besoin de plus de services sociaux. Le 8 juin, les travailleurs du non-marchand veulent clairement signifier qu’ils constituent un mouvement sans frontière linguistique qui joue un rôle crucial dans la société. Il a encore été question, avec d’autres orateurs, de la fraude fiscale, par un militant CGSP-Finances, et de la lutte des travailleurs de Cartomills.
Un militant syndical grec a abordé les plans d’austérité énormes dont son pays est victime et la lutte contre ces attaques. Il a parlé de la question de la compétitivité et que, pour les patrons, c’est le tiers monde qui sert d’exemple, et nos conditions de travail devraient évoluer dans ce sens. En Grèce, on se retrouve aujourd’hui 50 ans en arrière, et d’autres pays sont sur la même voie, comme l’Espagne ou encore le Portugal. Ce sont les banques et les spéculateurs qui sont responsables de la crise, mais c’est à la population que les gouvernements la font payer.
Le meeting a été clôturé par Anne Demelenne et Rudy De Leeuw, le sommet réélu de la FTGB. Ils ont promis de lutter contre la déduction des intérêts notionnels, mais ont tout de même appuyé le SP.a. Même si ce n’était pas aussi clair du côté francophone, la logique était la même. Il ne suffit pas de dire de ‘‘voter à gauche’’, nous avons aujourd’hui besoin d’un nouveau parti des travailleurs qui pourrait réellement prolonger les luttes syndicales sur le terrain politique. Mais plus fondamentalement, nous pensons que les restructurations et les crises économiques sont inhérentes à la société capitaliste, et que si nous voulons obtenir de véritables acquis permanents, c’est du renversement du capitalisme qu’il faut parler. Mais, dans l’intervalle, un parti des travailleurs est une donnée cruciale pour impliquer les couches larges de la population dans la lutte active et pour appuyer les luttes des travailleurs.
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Action de solidarité avec les travailleurs d’IAC-FIAT
Une petite centaine de militants des environs de Bruxelles, surtout de la FGTB mais également de la CSC, ont répondu à l’appel d’urgence à la solidarité avec les travailleurs de IAC-Fiat. La directionde IAC-Fiat essaye de créer un précédent. Si elle réussi, plus rien ne fait obstacle à l’arbitrage patronal.
Nous avons déjà décrit dans un précédent article (voir ici), les tentatives brutales faites par la direction pour contourner la loi Renault et la protection des délégués. Pour cela, elle utilise un montage juridique "de fragmentation artificiel" de l’entreprise: elle prend les travailleurs en otage afin de mettre pression sur les délégués pour qu’ils démissionnent volontairement. Elle instrumentalise la justice en référé, recours aux astreintes et à la criminalisation des délégués. Pour complètement laisser pourrir le climat social, elle vient encore de décider le licenciment pour faute grave de 5 travailleurs. Leur faute grave était d’avoir participé à une action syndicale pacifique…
La directionde d’IAC-Fiat essaye de créer un précédent. Si elle réussi, plus rien ne fait obstacle à l’arbitrage patronal. Ce n’est pas pour rien que le comité exécutif du syndicat des employés, le Setca de Bruxelles-Hal-Vilvorde, a appelé à une mobilisation physique. Les patrons de tous les secteurs se lèchent les babines: si la direction d’IAC-Fiat l’emporte, ces méthodes seront vite appliquées ailleurs.
Les patrons qui voudraient encore suivre la voie de la concertation sociale seraient ridiculisés par leurs collègues plus radicaux et perdraient d’ailleurs en compétitivité. Ce n’est donc pas étonnant que les travailleurs d’IAC ont reçu le soustien de nombreux sécretaires syndicaux, mais surtout de délégations syndicales (entre autres Cytec, Spy, Sitel et Mobistar). De nombreux militants se sont spontanément mobilisés pour exprimer leur solidarité.
Après quelques brefs speech, nous nous sommes dirigés vers le siège principal pour obtenir des pourparlers avec Mr Randa, le PDG. Comme d’habitude ces temps-ci, les portes sont restées fermées. Nous nous sommes donc dirigés en caravane de voitures vers la villa impressionante du PDG à Tervuren, où nous étions attendus non seulement par la police, mais aussi par quelques body-guards italiens engagé pour l’occasion. La direction prenait probablement ses rêves pour la réalité en immaginant que nous allions essayer de molester le PDG. Nous avons simplement diffusé des toutes-boites dans le quartier et avons demandé que dialogue social puisse avoir lieu. D’autres actions vont suivre.
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SOLIDARITE AVEC LES TRAVAILLEURS DE FIAT !
Depuis jeudi matin, les travailleurs de FIAT occupent les locaux d’IAC (filiale de FIAT) à Meiser pour protester contre la tournure que prend le plan de restructuration en cours depuis décembre 2008. En effet la direction de FIAT veut se séparer d’une partie des activités du site de Meiser et ne garder qu’un show-room. A l’aide du cabinet d’avocats Claeys&Engels, spécialisé dans les cas de restructuration, la direction passe outre la législation belge en essayant de séparer arbitrairement la partie show-room de la partie garage du site de Meiser. Cette division d’entreprise fictive leur permet de déclarer le service après vente déficitaire et d’entreprendre le licenciement des 24 travailleurs concernés. Le patronat à travers le cas de FIAT est en train de tester de nouvelles tactiques. Si la direction de FIAT réussie à remporter la partie, celle-ci sera un précédent qui sera généralisé ensuite à d’autres plans de restructuration.
Par Nico M (Bruxelles)
Attaque antisyndicale : la direction s’attaque directement à la délégation
Mais voilà, depuis quelques temps, la direction d’IAC (filiale FIAT à Bruxelles) déplace les travailleurs entre les différents sites de Bruxelles. La situation qui en ressort est que, justement dans le site concerné par la restructuration, parmi les 24 travailleurs, 12 sont protégés par leur activité syndicale. Il n’y a pas de hasard, la direction a planifié depuis un certain temps cette attaque à peine cachée contre la délégation syndicale. C’est la représentation syndicale au sein des entreprises qui est ici en jeu.
Malgré les concessions du passé le patronat veut toujours plus.
Ce qui a mis le feu aux poudres et qui a poussé les travailleurs à occuper le site, c’est la volonté de la direction de se passer de la procédure « Renault » dans ce conflit. Celle-ci prévoit qu’en cas de restructuration collective, les partenaires sociaux se réunissent pour limiter au plus les licenciements. Il ne s’agit pas de raisonner le patron pour qu’il recule et ne licencie pas. Il s’agit de transformer les licenciements en prépension ou en départ volontaire pour ceux qui le désirent. Une autre possibilité est de réduire le temps de travail. Cette procédure légalisée n’est-elle pas déjà une concession de la part des travailleurs face au patronat et ses actionnaires ? Cette procédure ne remet pas en cause les licenciements. Une fois que le patronat a décidé de restructurer, rien légalement ne peut remettre en cause cette « fatalité ».
A FIAT aujourd’hui, en tout cas, la direction veut se passer de cette procédure (ce qui confirme le scénario d’attaque ciblée contre la délégation syndicale). En clair : les patrons surfent sur la crise pour pouvoir licencier et en plus ils veulent le faire de manière plus fluide en évitant les procédures légales qui désavantagent déjà les travailleurs.
Nous devons aujourd’hui réclamer l’ouverture des comptes des directions qui licencient ! Alors que FIAT est occupée d’absorber 20% de Chrylser, de récupérer des activités de GM en Europe et en Amérique Latine, ils veulent faire croire aux travailleurs de Bruxelles que la situation nécessite la suppression des 24 travailleurs de Meiser. On sait très bien que les milliards de profits engrangés dans la dernière période ont été accaparés par les actionnaires sur le dos des travailleurs !
La solidarité se met en place, il faut l’élargir et mettre en place un plan d’action.
Vendredi, quand nous sommes allés rendre visite à l’occupation en solidarité avec les travailleurs, ceux-ci ont reçu la visite d’autres délégations venues soutenir leur lutte.
Parmi eux : le délégué principal d’OPEL Anvers Rudy Kennes. En effet, comme je le disais plus haut, des négociations sont en cours entre FIAT et GM pour l’intégration d’OPEL par FIAT. Dans ce cadre l’usine d’OPEL Anvers est, entre autres, concernée. En temps que délégué principal d’OPEL Anvers, Rudy est venu donner son «soutien total à la lutte qui se joue ici». En temps que vice président du conseil d’entreprise européen de GM, il a aussi déclaré qu’«il faut trouver une solution au conflit ici.». «Si on veut négocier l’intégration entre FIAT et GM, il faut résoudre de manière convenable le conflit à IAC». Rudy Kennes veut ici prévenir M. Marchionne (patron de FIAT) qui sera en visite du 15 au 19 mai prochain pour rencontrer notamment M. Peeters dans le cadre de la reprise de l’usine OPEL Anvers. Les pouvoirs publics flamands, dans le cadre de cette reprise, ont promis une enveloppe de 300 millions pour OPEL Anvers. Est-ce que cette nouvelle aide publique puisée dans l’argent des contribuables garantira le maintient de l’entièreté des emplois ? On se rappelle le cas de VW Forest qui, après avoir bénéficié de nombreuses aides publiques, ne s’est pas gêné pour jeter des milliers de travailleurs et leur famille.
Au cours d’une conférence de presse dans l’occupation, M. Nicola Nicolosi du puissant syndicat italien CGIL est aussi venu en solidarité avec les travailleurs d’IAC : «Nous vivons une crise capitaliste, une crise de la globalisation financière […] On assiste à une réorganisation de la propriété au sein des entreprises. Cette situation crée une incertitude auprès des travailleurs et engendre des problèmes sociaux très importants». «On doit réagir à ces attaques avec la solidarité entre travailleurs : une solidarité internationale des travailleurs». «Si ça ne bouge pas nous bougerons en Italie pour soutenir cette lutte justifiée, nous devons sortir de l’égoïsme national».
Nicolas Cue, secrétaire général des Métallurgistes de Wallonie-Bruxelles, poursuit : «Si ce n’est pas possible de revenir autour d’une table nous continuerons à soutenir voire à amplifier cette lutte […] Pour les Métallos de Wallonie et de Bruxelles, la semaine prochaine commencera par une grève générale dans tous les secteurs du métal, sera suivie par 48H de grève en sidérurgie et une manifestation à Namur le11 mai et évidemment la grande manifestation internationale du 15 […] Dans les manifestations de la semaine prochaine nous mettrons en tête systématiquement ce conflit […] Cette entreprise ne sera pas abandonnée, on ne peut pas laisser tomber des travailleurs qui réclament le minimum social. Si nous n’obtenons pas raison je suis pour que la semaine de M. Marchionne en Belgique soit un vrai calvaire ».
Le Parti Socialiste de Lutte (PSL) se réjouit de la mobilisation que Nicolas Cue met en avant dans ses interventions. Nous ne devons pas les laisser nous emmener à l’abattoir entreprise par entreprise. Face aux différentes restructurations, face au plan d’austérité que nous prépare le gouvernement pour après les élections, nous devons mettre en avant l’unité de tous les travailleurs. Faisons de la manifestation internationale du 15 mai à Bruxelles une journée de mobilisation nationale, une première journée de grève générale pour revendiquer le maintient de tous nos emplois. Le cas de FIAT est représentatif de ce que vivent et de ce que vivront de larges couches de travailleurs. Déjà à Carrefour l’année passée, la direction a tenté d’enfoncer les acquis des travailleurs par des démarches violentes en justice contre les travailleurs grévistes qui résistaient contre la nouvelle dégradation des conditions de travail que voulait imposer leur direction. Comme l’a mis en avant la délégation CGSP de l’hôpital Brugmann au cours des grèves du secteur public bruxellois en 2008 :
«Ils organisent notre misère, organisons notre lutte!»