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Tag: Pologne
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Grève illimitée des enseignants polonais

Ce lundi 8 avril marque le début d’une grève illimitée des professeurs en Pologne, la plus importante depuis 1993. Plus de 85 % des écoles seraient touchées par le mouvement. Les grévistes exigent une hausse de 30 % de leur salaire. L’article ci-dessous est écrit par Damian Winczewski, un enseignant membre de notre organisation-soeur polonaise, Alternatywa Socjalistyczna.
Il est temps de faire grève !
La lutte des enseignants est cruciale pour la lutte des employés du secteur public et de l’ensemble de la classe ouvrière polonaise.
Depuis de nombreuses semaines, le conflit s’aggrave entre les enseignants et le gouvernement de Droit et Justice (en polonais : Prawo i Sprawiedliwo??, PiS). A la base de ces tensions se trouve la négligence des divers gouvernements capitalistes successifs. Le travail des enseignants est de première importance, mais les représentants de cette profession sont aux prises non seulement avec des augmentations de salaires minimes, mais aussi avec des charges bureaucratiques croissantes et avec la pression des autorités ainsi que des parents eux-mêmes.
Leurs problèmes reflètent ceux de l’ensemble du secteur public, qui souffre d’un sous-financement chronique et d’une réglementation bureaucratique dépassée. Le secteur de l’éducation comme l’ensemble du secteur public est confronté à des pressions extérieures résultant de raisons idéologiques. L’idéologie capitaliste et les principes de la reproduction du capital conduisent à penser que, depuis la restauration du capitalisme en Pologne, l’éducation est une industrie au même titre que les autres et qu’il faut donc y appliquer les méthodes capitalistes d’organisation et de gestion. En d’autres termes, les écoles fonctionnent comme des sociétés capitalistes.
Il en résulte que les enseignants sont traités comme de la main-d’œuvre bon marché et comme des employés d’une entreprise fournissant un certain type de services, et non comme des spécialistes clés responsables du développement intellectuel de la société. En raison des bas salaires et des maigres budgets, personne ne devrait être surpris que le niveau de l’enseignement soit critiqué par les gens de divers horizons. Les réglementations en vigueur, les exigences des entreprises et les salaires de misère font planer le doute quant à la survie de cette profession. La crise de l’éducation menace dans tout le pays.
Les enseignants entendent à juste titre s’en prendre à cette question des plus urgentes. Ils réalisent intuitivement que, sans résoudre les problèmes économiques fondamentaux du secteur de l’éducation, il est difficile de développer la science et la culture. L’attitude intransigeante du gouvernement, qui subventionne volontiers les entreprises privées mais étouffe tout aussi volontiers les besoins salariaux des employés du secteur public, doit faire face à une lutte de classe de grande ampleur. Cette lutte coûte très cher aux travailleurs, mais comme les faits le démontrent, la grève est une méthode efficace pour améliorer s? condition. C’est ce qu’à démontré la bataille des employés de LOT[la compagnie aérienne nationale].
La lutte des enseignants suplante les divisions syndicales. Les dirigeants du syndicat Solidarité (Solidarnosc), derrière Piotr Duda, essaient d’obéir au gouvernement en raison de leurs liens politiques avec les dirigeants du PiS. Mais la base syndicale est au courant de cette situation et est prête à faire grève. Les syndicats ZNP et FZZ sont officiellement à la tête de la grève, mais ce sont en fait les enseignants ordinaires qui n’ont eu jusqu’ici aucun contact avec les syndicats qui sont la force motrice du mouvement. Il s’agit donc d’un processus de masse qui peut non seulement apporter des avantages économiques aux enseignants, mais aussi des avantages politiques. Cette pression populaire des masses enseignantes oblige les syndicats à radicaliser leurs actions.
Le succès possible de cette grève pourrait encourager les enseignants à devenir plus actifs au sein des syndicats, ce qui rendrait ces derniers plus viables et permettrait d’accroitre l’affiliation syndicale dans les écoles privées et les écoles publiques où les syndicats sont jusqu’à présent absents.
Cette protestation a aussi un contenu politique important : le comportement des dirigeants et les manœuvres des médias nous font réaliser que le nœud du problème est le transfert des relations de production capitalistes au secteur de l’éducation. Le gouvernement capitaliste et ses administrations scolaires recourent largement aux contacts avec le secteur privé de l’éducation. Ils s’efforcent actuellement de mobiliser les enseignants des écoles privées pour agir comme briseurs de grève. La résistance de la communauté enseignante est toutefois trop grande pour qu’une telle manœuvre réussisse à long terme.
Les enseignants luttent non seulement pour leur existence, mais aussi pour que la logique capitaliste ne détruise pas le secteur de l’éducation. Le but du capital est de faire de l’éducation un outil pour imposer l’obéissance. La lutte des enseignants est un autre symptôme de la lutte de l’ensemble du secteur public pour des salaires plus élevés, face à des années de “gel” des salaires malgré la bonne situation économique.
Les enseignants ont besoin de la solidarité des autres travailleurs. La lutte de classe montre que plus les masses de travailleurs engagés sont grandes et unies, plus les gouvernements capitalistes sont prêts à faire des concessions. Par conséquent, la meilleure défense des droits des travailleurs est l’offensive des travailleurs. Nous avons besoin d’une lutte commune entre les employés du secteur public – enseignants, facteurs, travailleurs de la santé, personnel administratif, etc. – pour la réalisation de leurs revendications.
Une grève générale du secteur public peut briser le gouvernement capitaliste et donner aux travailleurs la possibilité d’obtenir le respect de leurs droits. C’est pourquoi Alternatywa Socjalistyczna (section polonaise du Comité pour une Internationale Ouvrière) appelle à la solidarité avec la lutte des enseignants, à la participation aux actions de grève et à une lutte commune ! L’unification des travailleurs du secteur public dans la lutte permettrait d’augmenter le taux de syndicalisation. Mais nous avons également besoin d’élaborer une plate-forme politique commune visant à représenter les intérêts de la classe des travailleurs contre ceux du capital et de la droite nationaliste pour qui l’éducation est un moyen de renforcer son influence idéologique. C’est l’heure de la grève générale !
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Pologne : Luttons pour des droits reproductifs complets!

Photo : Aparat partyjny Déclarations d’Alternatywa Socjalistyczna, section-sœur du PSL en Pologne
Depuis quelques années des mouvements importants concernant le droit à l’avortement ont pris place en Pologne : notamment lors du fameux « lundi noir » en Octobre 2016 où des dizaines de milliers de femmes défilaient à Varsovie et dans d’autres villes comme à Gdansk, Cracovie ou Poznan. Les femmes, qui s’étaient habillées en noir pour protester le « deuil de leurs droits reproductifs » s’étaient rassemblées pour contrer l’attaque du gouvernement qui tentait d’imposer une nouvelle loi interdisant totalement le droit à l’avortement, déjà fortement restreint dans ce pays où l’église catholique est encore toute puissante. Une grève des femmes avait eue lieu le même jour, inspirée de celle des femmes islandaises en 1975.
Ce mouvement avait alors eu un impact fort dans la société polonaise. Le gouvernement conservateur du parti Droit et Justice (PiS) s’était empressé de faire annuler le projet de loi, malgré la pression des organisations pro-vies polonaises qui avaient initiées ce projet. Tandis que certains au sein du mouvement femmes appelaient à continuer la lutte, celui-ci avait fini par ralentir et peu d’actions avaient suivies, malgré l’appel à une seconde grève des femmes le 24 Octobre 2016.
Alors que le gouvernement avait reculé depuis les mobilisations, la lutte des femmes pour le contrôle sur leur corps a été par la suite marquée par deux événements clés en 2018 : le rejet du projet de « Sauvons les femmes » (de la plateforme pro-choice) par le Sejm (le parlement polonais) et le ralentissement du développement du projet « Arrêtons l’avortement » (de la plateforme pro-vie).
Ces deux projets de loi ont été soumis au parlement polonais en janvier 2018. D’un côté, les réactionnaires demandaient une interdiction de l’avortement même lorsque le fœtus est malformé, tandis que de l’autre, le mouvement « Ratujmy Kobiety » (« Save Women ») revendiquait le droit à l’avortement sur demande jusqu’à 12 semaines de grossesse.
Comme en 2016, le Parlement a voté pour discuter du projet de loi limitant l’avortement et a rejeté la proposition pro-choix en première lecture. L’opposition libérale traditionnelle (la « Plate-forme civique » et « Nowoczesna ») a joué un grand rôle dans le rejet du projet de loi, car de nombreux députés se sont abstenus, n’ont pas voté ou ont même voté contre. Ils n’étaient pas prêts à adopter une position claire.
Entre-temps, une majorité de leurs partisans était en faveur d’une loi plus libérale sur l’avortement. Beaucoup de leurs électeurs, qui n’ont jamais été intéressés par cette question, ont été convaincus par les arguments pro-choix au cours des deux dernières années qui ont suivies les mobilisations et ont été surpris de découvrir que leurs députés ne l’étaient pas.
Le comité « Ratujmy Kobiety » et ses partisans avaient passé des mois à recueillir suffisamment de signatures pour que le projet de loi proposant l’avortement sur demande soit discuté au Parlement, pour que leurs efforts soient aussitôt supprimés par la soi-disant opposition. Cela fut perçu comme une trahison par la couche du mouvement qui avait encore des illusions dans ces partis.
Dans toute la Pologne cette année, il y a eu des actions organisées par le parti de gauche « Razem » (Ensemble) et des manifestations appelées par « Strajk Kobiet ». Dans leurs discours à Cracovie, « Strajk Kobiet » (les organisateurs de la grève des femmes) a qualifié de “traîtres” les députés libéraux qui ont voté contre le droit à l’avortement, et a remercié ceux qui ont voté pour le projet de loi, appelant à voter pour les candidats pro-choix de n’importe quel parti lors des prochaines élections. Cela les a toutefois mis en décalage avec le mouvement, qui a appris à travers l’expérience la nécessité d’une indépendance par rapport aux partis capitalistes établis.
Nouvelles mobilisations
En contrepartie, la proposition d’interdire l’avortement en cas de malformation fœtale (la seule exception possible en Pologne) a été examinée par le comité parlementaire de la « politique sociale et de la famille ». Après l’échec de la précédente tentative de criminaliser l’avortement, la nouvelle initiative des fondamentalistes catholiques a été traitée avec prudence par le parti au pouvoir.
Malgré tout, en Janvier 2018 la menace de ce projet de loi a été soudainement mise en œuvre par le PiS. Le projet a été adopté dans l’attente de nouvelles procédures parlementaires. Cependant, la date exacte à laquelle le projet de loi pourrait être discuté de nouveau n’a pas été donnée. La commission parlementaire de la justice et des droits de l’homme n’a pas inscrit le projet de loi sur l’interdiction de l’avortement à son ordre du jour de janvier à juin.
Mais tout cela a changé après que l’épiscopat (la Conférence des évêques) ait demandé au gouvernement d’accélérer le projet d’interdiction de l’avortement. Les députés se sont mobilisés sous le fouet de l’Église catholique et, le 19 mars, ils ont adopté le projet de loi en commission, après une parodie de débat. Les étapes suivantes, à savoir l’approbation du projet de loi par la commission des affaires sociales, puis un deuxième vote au Parlement prévu pour le 23 mars, se sont déroulées en moins d’une semaine, ce qui a laissé très peu de temps au mouvement femmes pour se mobiliser.
Malgré cela, une manifestation nationale a été organisée à Varsovie pour le jour du vote (qui, au moment de la manifestation, a été reporté au mois d’avril). Des milliers de personnes de Varsovie et d’autres de toute la Pologne ont répondu à l’appel et ont envahies les rues. Selon l’estimation la plus courante, 55 000 personnes ont défilé à Varsovie ce jour-là – un chiffre supérieur à celui de la première grève des femmes en 2016. Ce taux de participation montre la colère existante et la perspective de résistance, surtout si l’on considère que la manifestation a eu lieu un jour de travail, avec un préavis très court. Alors que la manifestation nationale était la priorité, des milliers de personnes qui n’ont pas pu se joindre à la capitale ont protesté dans d’autres villes. Notamment 8 à 10 milles personnes ont manifesté à Cracovie, quelques milliers ont marché à Katowice, Wroc?aw, Pozna?, ?ód?, et Gda?sk. De petits piquets de grève ont eu lieu dans des douzaines de villes à travers la Pologne.
Alors que la manifestation à Varsovie marchait du Sejm jusqu’au siège du parti au pouvoir, des slogans ont été chantés contre l’interdiction, contre l’ingérence de l’Église catholique, pour le choix et pour des soins de santé décents pour les femmes. Des slogans antigouvernementaux plus radicaux ont également pu être entendus.
Le Rôle de la droite
Le gouvernement actuel est ouvertement anti-femmes et réactionnaire. Cependant, les idées qui criminalisent ou interdisent totalement l’avortement ne prédominent pas dans la société polonaise ; même la base électorale du parti au pouvoir ne soutient pas l’interdiction. Après le mouvement de 2016, le PiS a commencé à se pencher plus attentivement sur la question, essayant même de donner l’impression qu’ils étaient ouverts à la discussion sur la libéralisation. Cependant, le vrai visage du gouvernement a été montré une fois que le groupe de pression le plus puissant de la réaction – l’Église catholique – s’est exprimé sur la question. Le PiS s’est rapidement remis dans les rangs. Cela a soulevé une grande colère : comment un corps non élu d’hommes âgés (l’épiscopat) pourrait-il avoir plus de poids pour décider des droits reproductifs des femmes que les femmes elles-mêmes ? C’est pourquoi, dans de nombreux endroits, les manifestations ciblaient les curies locales (administrations) de l’Église catholique.
Face à ces manifestations, le parti au pouvoir a d’abord tenté de discréditer les manifestations en prétendant qu’elles n’étaient “qu’un simple piquet de grève”. La télévision d’Etat est allée jusqu’à présenter les protestations comme des “féministes réclamant le droit de tuer des enfants”. Au fur et à mesure que les protestations se sont déroulées, certains politiciens du PiS ont commencé à assouplir leur position. Un eurodéputé PiS a donné l’impression dans une interview que le PiS ne s’opposerait pas de front au “compromis sur l’avortement” mais laisserait plutôt la Cour constitutionnelle décider. Étant donné que cet organisme est également contrôlé par le PiS, sa décision pourrait aller dans un sens ou dans l’autre.
Quelle est la prochaine étape ?
Le taux de participation et la réaction rapide et massive à l’attaque montrent la colère et l’énergie sous-jacente de la résistance contre la réaction. Depuis, le travail sur le projet de loi a été stoppé et, étant donné le bilan de ce gouvernement, il est probable qu’il y ait encore une tentative d’accepter le projet de loi du jour au lendemain pour surprendre le mouvement ou bien de le faire sortir plus tard pour fatiguer le mouvement.
Les dirigeantes de la ” Grève des femmes ” ont annoncé que si le projet de loi était adopté dans la chambre basse du parlement, elles protesteraient devant le Sénat et organiseraient un mouvement massif, cette fois au niveau local. « Alternatywa Socjalistyczna », la section-sœur polonaise du PSL déclare qu’il est important de construire le mouvement pour donner aux masses l’espoir d’une lutte victorieuse.
Répéter la même méthode de démonstration à chaque nouvelle attaque sans aucune préparation ou construction entre les deux peut décourager et épuiser les participants. Le mouvement de masse devrait essayer de développer une structure démocratique – comme les comités d’action basés dans les écoles, les lieux de travail et les communautés – qui pourrait discuter et prendre des décisions sur les prochaines étapes, permettant plus d’espace pour une action plus directe, la désobéissance civile, etc. Nous pensons également que la lutte des femmes pour le choix est une question de classe qui devrait être abordée avec les syndicats, ce qui pourrait aider à transformer la « grève des femmes », largement symbolique, en une véritable action de grève.
L’arrêt de l’attaque actuelle ne résoudra pas les problèmes auxquels sont confrontées les femmes polonaises en matière de droits reproductifs, en particulier ceux des femmes et des étudiantes de la classe ouvrière. Quel que soit le résultat de cette bataille, le groupe de pression fondamentaliste reviendra avec d’autres attaques – comme l’interdiction totale de l’avortement, la restriction de la contraception, etc. Des problèmes sous-jacents comme les lois restrictives sur l’avortement (un soi-disant compromis), un système de santé peu fiable, le manque d’éducation sexuelle et l’insuffisance des infrastructures de garde d’enfants doivent encore être combattus dans le cadre d’un programme socialiste de droits reproductifs complets et de services publics appropriés.
Nos revendications :
- Construisons un mouvement démocratique ! Pour la création de comités démocratiques au niveau local, municipal et national
- Pas de compromis ! Pour la libéralisation du droit – pour des avortements légaux, sûrs et gratuits sur demande
- Des soins de santé gratuits et de bonne qualité – à bas les médecins qui se cachent derrière leur “conscience” !
- Accès complet à la contraception gratuite
- Remplacer la religion à l’école par l’éducation sexuelle obligatoire
- Traitement de FIV (Fertilisation In Vitro) gratuit pour toutes celles qui en ont besoin
- Une place garantie pour chaque enfant dans les crèches et les écoles maternelles gratuites de l’État
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Pologne. La bataille reprend autour du droit à l’avortement

Photo : Aparat partyjny Début janvier, deux « projets de loi citoyens » concernant le droit à l’avortement ont été soumis au parlement polonais. D’un côté, les réactionnaires proposent d’interdire l’IVG dans les cas de malformation et de maladie du fœtus, de l’autre, le mouvement Ratujmy Kobiety (« sauvons les femmes ») revendique le droit à l’interruption de grossesse sur demande jusque 12 semaines de grossesse.
Par Tiphaine Soyez, Alternatywa Socjalistyczna (section polonaise du Comité pour une Internationale Ouvrière)
Actuellement, la législation sur l’avortement en Pologne est la plus restrictive en Europe après l’Irlande et Malte, l’avortement n’étant légal que dans les cas de viol, de malformation du fœtus ou de danger pour la santé de la femme.
Comme en 2016, le parlement a voté de discuter en commission le projet de restriction du droit à l’avortement et rejeté la proposition pro-choix en première lecture. L’opposition libérale officielle (PO et Nowoczesna) a fortement contribué à l’abandon du texte, avec beaucoup de parlementaires qui se sont abstenus, n’ont pas participé au vote ou même ont voté pour le retrait du projet, ce qui illustre qu’ils ne sont pas prêts à adopter une position claire.
Ceci alors que 51% de leurs partisans sont pour la libéralisation du droit à l’IVG. Beaucoup de leurs électeurs qui n’avaient jamais été intéressés par la question ont été convaincus par les arguments pro-choix au cours des deux dernières années, et sont surpris de se rendre compte que ce n’est pas le cas de leurs élus.
Le comité Ratujmy kobiety et ses soutiens avaient passé des mois à récolter assez de signatures pour que la légalisation de l’avortement sur demande soit discuté au parlement – tout cela pour que leurs efforts soient anéantis en une nuit par la soi-disant opposition. Ceci est vécu comme une véritable trahison par la couche du mouvement qui entretenait encore des illusions dans ces partis.
Ironiquement, une partie des conservateurs majoritaires (PiS) ont voté pour discuter du projet. Les politiciens du PiS multiplient les déclarations de soutien à l’idée d’interdire l’IVG dans les cas de malformations du fœtus. Mais le dirigeant de facto Kaczynski espérait que la discussion des deux projets en parallèle allait leur éviter d’aller vers une confrontation trop frontale avec le mouvement des femmes. Le gouvernement conservateur ayant été remanié récemment, ils espéraient jouir d’une période de stabilité à moyen terme. De plus, selon le dernier sondage, seuls 28% des électeurs du PiS sont pour restreindre encore la législation sur l’avortement en Pologne tandis que 26% sont pour l’assouplir. Maintenant, ils subissent la pression de l’Eglise, puissante socialement et économiquement en Pologne, pour faire avancer au plus vite le projet anti-avortement.
Comme souvent, les politiciens des différents courants de l’establishment ont simplement utilisé les droits reproductifs dans leurs jeux politiques, au mépris de leurs propres opinions quelles qu’elles soient, et surtout des conséquences sur les vies de millions de femmes.
Alternatywa Socjalistyczna, section-sœur du PSL en Pologne, a soutenu la collecte de signatures de Ratujmy Kobiety, tout en arguant qu’on ne pouvait pas espérer gagner la légalisation de l’IVG sur demande simplement par la voix parlementaire. La collecte de signatures permet surtout d’engager des discussions dans la rue et de montrer l’ampleur du soutien.
En 2016, Czarny Protest (manifestation noire) et la grève des femmes ont fait reculer les conservateurs, mais la mobilisation n’a pas été jusqu’à demander la légalisation de l’avortement sur demande. Ce n’est que par un mouvement massif de défense contre les attaques réactionnaires mais également offensif que nous pouvons gagner le droit à disposer de notre corps.
Le mouvement a repris dans toute la Pologne, avec des rassemblements organisés par le parti de gauche Razem le samedi 13 janvier et des manifestations lancées par Strajk Kobiet (qui avait appelé à la grève des femmes en 2016) le mercredi 17.
Dans ses discours à Cracovie, Strajk Kobiet a accusé de trahison les parlementaires du PO qui n’ont pas voté pour le projet, tout en remerciant ceux qui avaient voté pour et en appelant à voter pour des parlementaires pro-choix. Cela les mets en fait en arrière de la base du mouvement, chez qui la nécessité d’indépendance vis-à-vis des partis de l’establishment fait son chemin.
Alternatywa Socjalistyczna revendique les pleins droits reproductifs (doit à l’avortement, à la contraception et à l’in vitro sur demande et gratuits, éducation sexuelle digne de ce nom dans les écoles), liés à des revendications économiques qui permettraient vraiment aux femmes de choisir d’avoir ou non un enfant, comme des places en nombre suffisant dans les garderies et les écoles maternelles publiques, et une embauche massive dans les services publics (qui en ont grand besoin) pour garantir à tous un emploi.
Ces revendications peuvent être la base d’une lutte commune du mouvement femmes et des syndicats. Nous sommes en discussion avec Razem sur les perspectives du mouvement. Nous avons notamment proposé une rencontre avec le syndicat OPZZ (qui avait déclaré son soutien au mouvement en 2016) pour proposer l’organisation de comités de mobilisation sur les lieux de travail.
Pouvoir disposer de son corps, choisir d’avoir ou non des enfants, et leur assurer un avenir décent, ne sera jamais possible dans une société où les grossesses et les naissances sont considérées comme un problème individuel qu’il faut assumer. En plus de 25 ans, le capitalisme sous-développé en Pologne n’a pas réussi (ni cherché) à subvenir aux besoins de la population en termes de crèches, de jardins d’enfant, d’hôpitaux et de maternités, de logements… Tout en enlevant aux femmes le droit à l’IVG et en limitant l’accès à la contraception. La lutte pour les droits reproductifs doit aller de pair avec celles pour les revendications économiques des travailleurs et pour une société socialiste.
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Interview d’un antifasciste polonais

Antifascistes marxistes polonais présents à la contre-manifestation du 11 novembre. Après l’arrivée au pouvoir d’Orban en Hongrie et d’une droite dure conservatrice en Pologne, les populistes de droite regroupés autour du milliardaire Andrej Babis ont remporté les élections législatives d’octobre en république tchèque. A la mi-novembre, une manifestation d’extrême droite a réuni 60.000 participants en Pologne, ce qui a très largement choqué. Quel danger représente l’extrême droite en Europe centrale et comment organiser la résistance ? Nous en avons discuté avec Kacper, membre d’Alternatywa Socjalistyczna (Alternative socialiste), notre organisation-sœur polonaise.
Les medias ont récemment rapporté que 60.000 personnes ont manifesté à l’appel de l’extrême droite le 11 novembre. Peux-tu nous en dire un peu plus ?
‘‘Ce chiffre est à peu près correct. Les organisations d’extrême-droite, dont les fascistes du Camp National-Radical (Obóz Narodowo-Radykalny, ONR), convoquent chaque année des manifestations à l’occasion du jour de l’indépendance de la Pologne, le 11 novembre. Ces manifestations existent depuis 2010 et ont commencé à être plus massivement suivies à mesure que le racisme s’est banalisé. Cependant, contrairement à ce que les medias internationaux rapportent, il est faux d’affirmer que la manifestation de cette année était un succès particulier pour les fascistes. Il ne s’agit pas de la manifestation la plus massive qu’ils aient organisée à l’occasion du jour de l’indépendance.’’
Comment se fait-il qu’un tel nombre de personnes prennent part à cette manifestation ? Quel est l’impact du contexte social et politique ?
‘‘La croissance du nationalisme en Pologne est un élément présent depuis de nombreuses années. La popularité de ce genre d’idées provient de différentes sources. L’une d’entre elles est la nature du capitalisme Polonais : le passage d’une économie bureaucratiquement planifiée à une économie de marché s’est produit sans qu’il existe de classe capitaliste nationale forte. Beaucoup de secteurs, comme l’industrie automobile, les télécommunications ou le secteur bancaire, sont dominés par le capital étranger. Cette situation, combinée à la lassitude et à la colère que provoque le néolibéralisme chez la classe ouvrière, a conduit aux victoires électorales des populistes nationalistes du parti Droit et Justice (Prawo i Sprawiedliwo??, PiS), actuellement au pouvoir.
‘‘Cependant, il n’y a pas que Droit et Justice qui propage le nationalisme. La révision de droite de l’histoire, la glorification des guérillas antisémites et anticommunistes des années 1940, l’alarmisme vis-à-vis de la Russie et les politiques militaristes avaient aussi cours sous le gouvernement “libéral” précèdent.
‘‘Un autre élément est qu’au sein de ces manifestations, les fascistes ne constituent qu’une minorité. Il y a beaucoup de gens ordinaires qui rejoignent cette vague patriotique sur base d’un sentiment anti-réfugiés, ainsi que des jeunes pauvres liés au hooliganisme footballistique.’’
Quelques medias ont fait état de manifestations antiracistes, sans plus de précisions. Peux-tu nous en dire plus sur ces mobilisations ?
‘‘Le 11 novembre, il y a aussi eu une manifestation antifasciste et anticapitaliste organisée par la gauche, avec quelques milliers de participants. C’est un nombre bien en-dessous des manifestations d’extrême droite mais, étant donné la faiblesse de la gauche en Pologne, ce n’est pas tout à fait désespérant. En dehors des mobilisations majeures comme celles-là, il y a des efforts locaux afin de ne pas laisser la rue aux fascistes dans de plus petites villes. Leur caractère et leur ampleur diffèrent selon les endroits.’’
Quelle était l’implication des organisations du mouvement ouvrier, partis et syndicats ?
‘‘La gauche radicale, dont la nouvelle formation de gauche réformiste Razem, étaient présente. Il n’y a pas eu de soutient conséquent de la part des syndicats (à l’exception de petits groups d’anarcho-syndicalistes ou de “syndicats rouges”). Auparavant, cependant, l’OPZZ, la principale fédération syndicale, a publié des déclarations contre le fascisme et la xénophobie, particulièrement leur forte section au sein du syndicat des professeurs. Paradoxalement, le porte-parole du syndicat de la police s’est aussi exprimé contre les fascistes.’’
Selon Alternative Socialiste, quelle serait la stratégie à adopter contre l’extrême-droite ?
‘‘Nous avons besoin de mobilisations locales contre les fascistes, et celles-ci doivent être liées à un programme en faveur de la classe ouvrière et des pauvres. Un nouveau sujet à prendre à bras le corps est l’immigration massive de travailleurs ukrainiens en Pologne. Les patrons utilisent cela pour menacer les travailleurs de dumping social. Nous devons surpasser cette division et syndiquer tous les travailleurs, indépendamment de leur nationalité. Un autre rôle du mouvement ouvrier pourrait s’exprimer par la résistance de ceux qui affrontent directement la propagande nationaliste soutenue par le gouvernement : les syndicats d’enseignants et de journalistes. Nous devons également nous organiser pour contrer la violence raciste et homophobe dans la rue.’’
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Tiphaine Soyez: Participez au lancement de la campagne ROSA !
Tiphaine Soyez est militante socialiste et féministe en Pologne. Elle sera l’une des oratrices de la journée de lancement de la campagne ROSA (Résistance contre l’Oppression, le Sexisme et l’Austérité) le 12 mars prochain à Bruxelles, où elle reviendra sur les récentes luttes en défense du droit à l’avortement qui ont eu lieu en Pologne.
Plus d’infos : www.campagnerosa.be -
[INTERVIEW] Les Polonaises crient ‘‘Mon corps, mon choix’’
Le 3 octobre, 150.000 Polonaises ont fait grève en faveur du droit à l’avortement. Dans le cadre de cet imposant mouvement de lutte, nous avons discuté avec Tiphaine, membre d’Alternatywa Socjalistyczna, notre organisation-sœur polonaise particulièrement active dans ce combat.
D’où provient cette volonté de totalement interdire l’avortement et quelle est la situation générale des droits des femmes en Pologne ?
Cela fait des années que l’Eglise et les groupes autoproclamés pro-vie parlent d’interdire complètement l’avortement. Il y a aussi une forte pression de la part de l’Eglise, pour qui c’est un moyen d’affirmer son interférence dans la politique polonaise. Maintenant, un groupe d’avocats a voulu profiter du gouvernement conservateur pour proposer ce projet de loi au parlement. Mais le parti conservateur a été élu sur base de promesses sociales et pas majoritairement sur base de son programme réactionnaire. Les groupes pro-vie l’ont forcé à soulever cette question beaucoup plus tôt qu’il ne le souhaitait en collectant assez de signatures pour soumettre leur projet. Pour l’instant, l’establishment n’a pas d’intérêt concret à interdire l’avortement – tout cela se fait sur base idéologique.
La politique anti-avortement a un effet dramatique sur la vie des femmes. La loi actuelle sur l’avortement (qui ne le permet qu’en cas de viol ou d’inceste, de danger pour la vie de la femme ou de malformation du fœtus) ne signifie pas que les femmes n’avortent pas, mais qu’elles le font dans de mauvaises conditions. On estime qu’entre 80.000 et 200.000 Polonaises avortent illégalement chaque année, soit à l’étranger, soit clandestinement. Il faut ajouter à cela que la loi polonaise permet aux médecins de refuser de pratiquer un avortement légal ou de prescrire la contraception sur base de ses propres croyances.
Plus généralement, la pression des éléments réactionnaires freine toutes les avancées possibles dans les droits des femmes. L’éducation sexuelle n’existe presque pas dans les écoles, mais il y a eu des cas de cours sur la contraception assurés par des prêtres qui disaient aux écolières que prendre la pilule faisait pousser la moustache ! Et il y a quelques années, le gouvernement polonais ne voulait pas ratifier la Convention Européenne de lutte contre les violences faites aux femmes parce qu’elle n’était pas dans l’esprit de la famille traditionnelle polonaise…
Comment la résistance s’est-elle organisée et développée ?
Principalement sur les réseaux sociaux et d’une manière très spontanée. Personne ne sait exactement qui a fixé la date de la grève des femmes et quand, ni d’où est partie l’idée de s’habiller en noir. C’est simplement la popularité d’une idée sur internet qui a assuré son adoption par tout le mouvement. Beaucoup d’initiatives sont parties de groupes de féministes déjà organisées, mais même le comité qui s’était créé après les manifestations d’avril (suite aux déclarations anti-avortement du Premier ministre) n’a pas joué de rôle dirigeant dans cette lutte.
Dans plusieurs écoles, les écolières se sont mobilisées pour prendre des photos de groupe toutes habillées en noir et partir en groupe vers la manifestation. C’est très positif car il n’y a pas de tradition politique dans les écoles polonaises et les seuls à y afficher leurs idées politiques sont malheureusement les groupes d’extrême droite.
La spontanéité de cette mobilisation montre l’énorme potentiel pour une lutte pour le droit à l’avortement sans restrictions. Mais le manque de structure et d’expérience du mouvement limite son contenu et ses possibilités : les initiateurs des mobilisations imposent souvent l’interdiction des signes politiques pour ne pas être ‘‘récupérés’’, mais ils laissent la tribune à des politiciens libéraux qui ont pris le train en marche et veulent que le mouvement s’en tienne à la défense du ‘‘compromis’’, c’est-à-dire à la loi actuelle.
Y a-t-il eu des antécédents ?
En 1993, quand la loi limitant l’avortement aux 3 cas évoqués plus haut est passée, il y a eu une mobilisation des femmes pour conserver leurs droits. Auparavant, depuis 1956, les femmes pouvaient avorter sur base de ‘‘raisons sociales’’, ce qui dans la pratique revenait à un avortement sur demande. Mais en 1993, l’énorme recul des idées de gauche suite à la chute du stalinisme ne permettait pas un mouvement aussi vaste que celui que nous connaissons aujourd’hui.
D’où provient cette idée d’une grève des femmes ?
Cela vient de la grève des Islandaises de 1975. Contre la double journée (le travail ménager en plus du travail rémunéré) et les inégalités salariales, elles avaient fait grève non seulement sur leur lieu de travail mais aussi à la maison en refusant de se soumettre aux tâches domestiques. 90% des femmes de tout le pays avaient participé !
Cela a inspiré la journée du 3 octobre en Pologne, mais ce n’était quand même pas comparable. Les femmes étaient appelées à prendre un jour de congé pour participer à la grève. Les syndicats n’ont pas appelé à faire grève ni participé à la mobilisation, même si le syndicat OPZZ a officiellement soutenu le mouvement. La plupart des travailleuses n’ont pu se rendre aux manifestations qu’après leur journée de travail.
Quel est le climat général des luttes sociales depuis la chute du stalinisme ?
En l’absence d’organisations indépendantes de la classe ouvrière pendant plusieurs dizaines d’années, et suite à la trahison de Solidarnosc au début des années 90, le mouvement social était complètement à reconstruire à la chute du régime. Le mouvement syndical a toujours été présent, surtout dans les bastions de la classe ouvrière comme les mines. Ces dernières années ont connu de grandes manifestations syndicales, des grèves dures et des mobilisations fortes sur des sujets comme l’ACTA (Accord commercial anti-contrefaçon, qui visait à restreindre les libertés sur internet).
Mais pendant longtemps, il était très difficile de parler d’alternative au système et il y avait un fort sentiment non seulement anti-parti mais aussi anti-politique en général. Cet état d’esprit a tendance à changer à mesure que les différents partis de la démocratie capitaliste ont été testés les uns après les autres. La nouvelle génération, qui n’a pas connu l’offensive de propagande capitaliste des années ‘90, a aussi tendance à être plus ouverte aux idées de gauche.
Le gouvernement a semblé faire marche arrière. Est-ce vraiment le cas ?
En voyant l’ampleur de la mobilisation, le parti conservateur (PiS) a été divisé sur la façon de s’en sortir. Kaczynski (ancien Premier ministre et actuel dirigeant du parti) était pour le rejet du projet de loi et la majorité des dirigeants du PiS l’a suivi. Mais dans la même période, le PiS a évoqué un futur projet de loi qui interdit l’avortement dans le cas de malformation du fœtus. Maintenant, des politiciens du PiS déclarent à la presse que ce qu’il s’est passé est immoral et que le projet de loi aurait dû être adopté. Il est sûr que le gouvernement va revenir un jour avec un projet de loi similaire quand son heure sera venue.
Quelles sont les perspectives pour la suite de la lutte ?
Une nouvelle journée de mobilisation est prévue, mais cette fois sans appel à la ‘‘grève’’. Si le gouvernement fait semblant d’avoir enterré son projet dans la prochaine période, et si la mobilisation reste limitée à l’opposition à l’interdiction totale, il est possible que le mouvement s’essouffle. Pour que le formidable élan de la grève ne soit pas gaspillé, il faut revendiquer la légalisation totale de l’avortement et lier cette question aux conditions des femmes sous ce système.
Pour que les femmes puissent vraiment choisir, il faut également un accès suffisant à la contraception gratuite, un accès décent à la santé, un moyen de faire garder ses enfants, et aussi l’assurance que son enfant a un avenir dans cette société. On est loin de cela en Pologne. Etendre la lutte pour l’avortement libre et gratuit en soulevant cette question permettrait d’attirer encore d’autres couches dans le mouvement.
Quelle a été l’activité de notre section du CIO ?
Le 3 octobre, nous sommes intervenus avec des tracts et un supplément de notre journal appelant à ne pas se limiter à défendre le ‘‘compromis’’ mais à lutter pour l’avortement libre et gratuit. Mais nous avons été présents dans la lutte pour l’avortement depuis que nous existons, et depuis plusieurs mois, nous avons collaboré aux initiatives qui ont servi de relais entre les manifestations d’avril 2016 et le mouvement actuel.
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Pologne. Plus de 140 000 femmes manifestent contre l'interdiction totale de l'avortement
Les femmes veulent avoir vraiment le choixLe projet d’interdire complètement l’avortement a provoquée une explosion de colère massive et incontrôlée en Pologne. Ce lundi 3 octobre, les Polonaises étaient appelées à se mettre en grève, suivant l’exemple des femmes islandaises qui ont mené une grève nationale en 1975. A Varsovie, plus de 50 000 personnes ont manifesté sous la pluie battante, 30 000 à Wroclaw et 25 000 à Cracovie. Des dizaines de milliers d’autres ont manifesté dans tout le pays. A Poznan, il y a eu des affrontements avec la police, tandis qu’à Kielce les manifestants ont détruit une exposition homophobe controversée. Même les estimations réticentes de la police parlent de 98000 manifestants répartis dans plus de 143 manifestations dans tout le pays. Le parti Razem estime par contre que plus de 140 000 personnes sont descendues en rue. Ce sont de loin les plus grosses manifestations en défense de l’avortement qui ont jamais eu lieu en Pologne, loin devant les manifestations de 1993, quand l’interdiction actuelle a été mise en application.
Paul Newberry, Alternatywa Socjalistyczna (Comité pour une Internationale Ouvrière – Pologne)
La première vague du mouvement a commencé au printemps avec l’annonce qu’un groupe de pression de droite avait collecté les 100 000 signatures (ils en ont finalement collecté 400 000) requises pour soumettre un projet de loi au parlement polonais visant à interdire totalement l’avortement et à condamner les femmes à des peines allant jusqu’à 3 ans de prison. Pour illustrer la barbarie des propositions, les fausses-couches seraient traités comme des suspicions d’avortement et seraient sujettes à une enquête criminelle.
Cependant, la Pologne a déjà l’une des législations anti-avortement les plus contraignantes en Europe, ne permettant les avortements que dans les cas de viol, de risques pour la santé ou la vie de la femme, ou de déformation du fœtus. En pratique, même quand ces conditions sont remplies, l’avortement est souvent empêché par les médecins qui exploitent la soi-disant « clause de conscience » et imposent leurs propres croyances religieuses aux patients en leur refusant un traitement vital.
Cette législation est passée de force au début des années 1990, quand la Pologne était en phase de restauration capitaliste : une contre-révolution économique et sociale accompagnée de quelques réformes démocratiques. Mais l’imposture des réformes démocratiques se révèlent par le fait que malgré l’opposition de la majorité écrasante de la société (plus de 70% de la population était contre l’interdiction de l’avortement et soutenait l’avortement « pour raisons sociales », ce qui signifiait fondamentalement l’avortement sur demande), la loi anti-avortement a été adoptée. A la même période, la religion a été introduite dans les écoles et le concordat a été signé, donnant à l’Eglise d’énormes privilèges matériels et politiques. Les politiciens de tous les partis ont appelé cela un compromis. Cependant, ce n’est pas un compromis mais une honte nationale et cela a créé un enfer pour les femmes.
Enorme mouvement spontané au printemps
En réponse à la proposition d’interdiction au printemps, un mouvement spontané massif s’est créé sur les réseaux sociaux. Un groupe facebook, Dziewuchy Dziewuchom, a rassemblé plus de 100 000 membres en moins d’une semaine. Les groupes informels et les initiatives se sont multipliés dans tout le pays. Cela a mené à un série de manifestations impliquant chacune plusieurs milliers de manifestants.
Un des groupes a décidé de collecter plus de 100 000 signatures pour soumettre un projet de loi d’ « initiative citoyenne » qui libéraliserai la législation, autorisant l’avortement quelque soient les raisons jusque 12 semaines. Bien que beaucoup dans le mouvement n’appelaient qu’à défendre la législation actuelle extrêmement limitée, l’idée d’une initiative citoyenne a finalement été adoptée par l’ensemble du mouvement, qui a réussi à réunir plus de 250 000 signatures et à présenter son projet de loi au parlement.Après deux mois de pause pendant l’été, les manifestations ont repris fin septembre quand les projets de loi ont été présentés au parlement le même jour. Cette deuxième vague a commencé quand les « czarny protest » (manifestation noire) qui ont été organisées dans tout le pays. Hommes et femmes s’habillaient en noir en signe de deuil des droits des femmes. Des manifestations se sont déroulées dans beaucoup de villes et les gens postaient des photos d’eux-mêmes habillés en noir sur les réseaux sociaux avec les hastags #CzarnyProtest et #BlackProtest.
Comme on pouvait s’y attendre, le parlement a rejeté le projet de loi libéralisant le droit à l’avortement, tout en autorisant le projet d’interdiction totale à être examiné en commission. En même temps, ils ont annoncé que la fécondation in vitro pourrait être également interdite de même que la contraception d’urgence. Cela a provoqué énormément de colère contre l’arrogance et le mépris des politiciens et de l’église envers les femmes et a impliqué des couches plus larges qu’auparavant dans les manifestations.
Les femmes en grève
A ce moment, suivant l’exemple de la grève des femmes de 1976 en Islande, l’idée d’organiser une grève des femmes a été soulevée. Aucun syndicat n’y appelait, l’idée est venue de l’intérieur du mouvement par des femmes qui n’avaient pas d’expérience syndicale ou d’organisation de grève préalable. Cependant, en raison des lois anti-syndicales et de la difficulté à organiser une grève légale même pour un syndicat, les femmes n’étaient pas encouragées à se mettre en grève réellement, mais plutôt à prendre congé le jour du Czarny poniedzialek (lundi noir). Malheureusement, beaucoup de femmes n’ont pas pu participer à la grève parce qu’elles travaillent sous des contrats précaires et n’ont pas droit à des congés sur demande.
Finalement, le jour de la grève, OPZZ, l’une des trois principales fédérations syndicales, a exprimé son soutien et a demandé de défendre ses membres des représailles s’ils décidaient de prendre part à l’action. Grace à cela, beaucoup d’employés de l’administration publique, surtout dans les gouvernements locaux, ont pu faire grève. Un certain nombre de cinémas et de petites entreprises ont annoncé qu’ils fermeraient ce jour pour permette à leurs travailleurs de participer. Un nombre beaucoup plus grand de femmes qui n’avaient pas d’autre choix que de travailler se sont habillées en noir pour montrer leur soutien à la grève.
Le soutien d’OPZZ a probablement aussi enhardi les professeurs, qui ont organisé des photos de groupe avec les écoliers – tous habillés en noir. Dans beaucoup d’écoles secondaires, les écoliers ont organisé leurs propres gréves, quittant l’école au cours de la première leçon, souvent avec le soutien de leurs professeurs. On rapporte que des jeunes femmes ont été menacées par des groupes d’hommes qui leur ont craché dessus à cause de leur participation à la grève.
A Varsovie, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées tôt le matin devant les bureaux du parti dirigeant, Loi et Justice (PiS). Plus tard dans l’après midi, ils ont marché sous la pluie à travers le centre ville vers la Place du Château, où environ 50 000 personnes se sont rassemblées. C’étaient en particulier des jeunes femmes, des étudiants et des écoliers. Plus tôt, il y avait eu une initiative de peindre des larmes noires sur les visages des manifestants, mais cela n’a pas vraiment eu de succès. A la place, des milliers de ces jeunes femmes portaient deux rayures noires sur chaque joues comme des marques de guerrier. Il y avait une ambiance très colérique et vivante.
Les manifestants avaient des pancartes faites-maison qui disaient « le gouvernement n’est pas une grossesse – on peut le supprimer », « La révolution est une femme », « Reprenons la Pologne des mains des fanatiques ! », « L’avortement en défense de la vie », « Mon corps, ma forteresse », « Mes ovaires, ce sont mes affaires », « Je ne suis pas un incubateur », « Je ne suis pas votre propriété », « Nous ne mettrons pas au monde si nous en mourrons », « L’enfer des femmes », « Il n’y a rien de mal à pouvoir choisir ».
Malheureusement, les discours étaient dominés par des célébrités et les partis politiques, comme Nowoczesna, et le mouvement démocratique pro-libéral, KOD. Ce sont des organisations politiques qui ont pris le train en marche et essaient d’utiliser le mouvement en l’instrumentalisant pour leurs propres intérêts. Ils se sont opposés à appeler à l’avortement sur demande, disant que le mouvement devrait se limiter à défendre la législation anti-avortement actuelle. Scandaleusement, les représentant des organisations féministes et des groupes pro-avortement n’ont pas eu de plate-forme, malgré le rôle important qu’ils ont joué depuis des années dans la lutte pour le droit à l’avortement.
Heureusement, les organisateurs n’avaient prévu qu’une manifestation d’environ 5000 personnes, donc la plupart des gens n’ont pas entendu les discours, de toute façon. Après un moment, les manifestants ont comencé à crier qu’ils devraient marcher vers le parlement, et bientôt la mer de parapluies s’est déplacée, laissant les organisateurs derrière elle. La marche était maintenant illégale, mais la police a sagement décidé de la laisser continuer, en ne faisant que régler la circulation à mesure que la manifestation traversait le centre ville, choisissant sont propre itinéraire et arrêtant tout le trafic pendant l’heure de pointe.
Environ 10 000 personnes se sont rassemblées devant le parlement sous la pluie. Il n’y avait pas d’orateurs, mais l’ambiance était sonore et colérique. Il y avait des rumeurs que plusieurs milliers de manifestants marchaient vers Teatr Polski, le théâtre où Jaroslaw Kaczynski, le dirigeant du PiS, tenait un meeting.
L’église a réagi à la Grève des Femmes Polonaises et à la Manifestation Noire en condamnant, la traitant de carnaval du diable, montrant à quelle point elle est en dehors de la réalité. Les évêques étaient dans tous les médias le lendemain, partageant leur connaissance experte du viol et de l’infetilité. Un évêque a déclaré qu’il était extrêmement difficile pour une femme de tomber enceinte suite à un viol parce en raison du stress ressenti par la femme.
Cependant, le PiS a été complètement pris de court par le mouvement. Il n’avait pas prévu de changer la loi sur l’avortement, du moins pas cette année, mais a été forcé de prendre position par des éléments plus à droite et par l’église, qui ont organisé leur propre « initiative citoyenne ».
Quelle suite pour le mouvement ?
A cause de l’échelle du mouvement, le PiS a réagi en annonçant qu’il allait préparer son propre projet de loi en compromis, qui allait probablement autoriser l’avortement en cas de viol et de danger pour la vie de la femme, mais pas dans le cas de malformation du fœtus. Ce n’est bien sur pas du tout un compromis, mais représente une nouvelle restriction de l’interdiction en vigueur et est totalement inacceptable. Cependant, cela montre que le gouvernement commence à ressentir la pression.
C’est un signe clair que la pression doit ptre maintenue et que la lutte pour le droit à l’avortement doit continuer. Cependant, Nowoczesna et Plateforme Civique (PO, néo-libéral), aidés par KOD, tentent de prendre le contrôle politique et de détourner ce qui a est un mouvement spontané. Les résultats du vote du parlement et les déclarations des représentants de Nowoczesna et de Plate-forme Civique, l’ancien parti au pouvoir, montrent qu’ils n’ont pas leur place dans le mouvement et doivent être stoppés. La stratégie de ne défendre que la législation actuelle doit être vigoureusement combattue.
D’un autre côté, c’est une erreur d’appliquer une politique « no-logo » qui interdit à toutes les organisations politiques d’intervenir avec leurs drapeaux et leur matériel imprimé dans les manifestations, comme ce fut le cas dans beaucoup de villes. Cela permettra aux politiciens compromis d’entrer par la petite porte, tout en empêchant les organisations plus petites et plus radicales de partager leurs idées et leurs propositions pour le mouvement.
La grève des femmes polonaises le Lundi Noir a été le climax, jusqu’ici, mais elle a libéré de nouvelles forces qui n’avaient pas encore été présentes dans le mouvement : des milliers de jeunes femmes en colère qui viennent seulement d’entrer en lutte et qui trouvent maintenant leur propre voix et gagnent en confiance. Une tâche immédiate du mouvement est de les aider à s’organiser.
En ce moment, nous avons beaucoup d’initiatives et de groupes sur les réseaux sociaux très bons mais souvent concurrents. Cependant, souvent, les gens qui ont mis sur pied ces groupes à l’origine en sont les « propriétaires » et contrôlent les événements facebook, décidant s’il y a une politique anti-logo ou non. Souvent, ils censurent aussi les discussions sur les groupes facebook.
Ce qu’il manque, ce sont des structures démocratiques sur le terrain au niveau local, impliquant les militants de toutes les initiatives différentes qui sont apparues. De tels comités démocratiques devraient se lier au niveau national pour coordonner les activités et planifier la prochaine grande action. Il devrait y avoir une pleine responsabilité démocratique des représentants nationaux de ces comités.
Un programme de lutte est nécessaire
Par-dessus tout, seul un programme clair peut être victorieux. Les dernières semaines ont montré que nous pouvons convaincre l’opinion publique, mais pas si nous devons commencer comme Nowoczesna par dire que nous sommes contre l’avortement. Cela équivaut à dire que les partisans de l’interdiction totale de l’avortement ont de bons arguments et signifie l’abandon de la lutte sans lutter.
Si nous demandons avec assurance l’accès total à l’avortement sur demande et controns les arguments de la droite, nous sommes confiants que nous pouvons gagner les gens à notre côté. Nous devons expliquer le besoin du droit à l’avortement gratuit et sécurisé sur demande, qui sauverait les vies de nombreuses femmes. Cela devrait être lié à la lutte pour un système de santé gratuit décent et de bonne qualité, procuré par des professionnels de qualité et non par des religieux fanatiques qui bloquent les traitements.
Beaucoup de grossesses non-voulues pourraient être évitées si la contraception est rendue plus accessible. De nos jours, la contraception est trop chère pour beaucoup de jeunes femmes. En même temps, les moins de 18 ans ne peuvent visiter un gynécologue qu’avec le consentement de leurs parents, ce qui les empêchent d’obtenir une prescription d’un moyen contraceptif. C’est pourquoi Alternatywa Socjalistyczna (section-soeur du PSL en Pologne) revendique l’accès universel à la contraception gratuite. Nous demandons aussi l’éducation sexuelle au lieu de la religion enseignée à l’école par des prêtres et des nonnes catholiques.
Par-dessus tout, les femmes veulent avoir vraiment le choix – pas seulement d’avoir ou non un enfant, mais aussi d’avoir un enfant quand elles veulent en avoir un. C’est pourquoi nous soutenons le droit à la fécondation in vitro gratuite, mais aussi à une place garantie dans de crêches et des écoles maternelles gratuites et publiques pour chaque enfant. Mais des questions sociales et économiques plus larges affectent les choix des femmes. Il est nécessaire de lutter pour des logements sociaux d’Etat de bonne qualité et un salaire minimum décent, ainsi que pour la sécurité de l’emploi. Tous les contrats précaires devraient être abolis et remplacés par des contrats de travail permanents, pour que tomber enceinte ne signifie pas perdre ton emploi.
Lutter pour ce changement demande de se lier à la classe ouvrière organisée dans les syndicats. Un bon point de départ serait de construire des liens plus étroits entre les syndicalistes de base, en premier lieu du syndicat de professeurs ZNP et de la fédérations OPZZ. Le mouvement devrait aussi atteindre les travailleurs de l’administration publique et de la santé qui ont soutenu la grève du Lundi Noir. Mais une telle lutte signifierait aussi une confrontation avec le système économique, le capitalisme, qui est incapable de garantir des logements et des emplois décents pour les travailleurs en général.
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Irlande/Pologne: MON CORPS, MON CHOIX, MA LIBERTÉ !
Les mouvements pro-choix (qui défendent le droit des femmes de disposer librement de leurs corps) prennent de l’ampleur en Irlande et en Pologne, mais aussi ailleurs avec des actions de solidarités qui prennent place un peu partout et qui sont cruciales pour la réussite de tels mouvements. Ce samedi 24 septembre et ce lundi 3 octobre, nous avons participé à des actions de solidarité organisées contre les attaques réactionnaires sur le droit à l'avortement en Pologne ainsi que contre l'interdiction de ce droit en Irlande.
Par Emily (Namur)
En Europe, l’avortement est toujours illégal en Irlande et à Malte et extrêmement restreint en Pologne et à Chypre. En Espagne, un projet de loi supprimant quasiment le droit à l’avortement avait été approuvé en 2013, mais le gouvernement a dû reculer face aux importants mouvements pro-choix dans l’Etat espagnol et aux actions de solidarité ailleurs dans le monde.
Irlande # Repeal the 8th
En Irlande, nous avons une opportunité incroyable de participer à abrogation du 8ème amendement de la Constitution interdisant l’avortement et le sanctionnant lourdement. En effet, notre parlementaire Ruth Coppinger – élue pour la faction parlementaire Anti-Austerity-Alliance/People Before Profit et figure de proue du Socialist Party en Irlande, notre parti frère là-bas – a fait une proposition de loi en ce sens.Comme dans une multitude d’autres pays, une action a pris place à Bruxelles. Nous avons pu proposer aux manifestants le matériel de la campagne irlandaise ROSA (pour des droits Reproductifs, contre l’Oppression, le Sexisme et l’Austérité) du Socialist Party. Nous avons défendu la nécessité de lier la lutte pour les droits reproductifs et sexuels à la lutte contre la politique d’austérité et pour des investissements publics qui permettent un réel choix à chacun d’avoir ou non des enfants sans que le critère financier ne rentre dans la balance.
Pologne # PolishWomenOnStrike
La Pologne fait, elle, face à une attaque contre le droit à l’avortement. L’Eglise a profité de l’arrivé au pouvoir du parti conservateur PiS pour diffuser une lettre des évêques polonais plaidant pour l’interdiction totale de l’avortement. Le PiS a profité de cette occasion pour concocter un projet de loi dans ce sens. Spontanément, des rassemblements de plusieurs milliers de personnes s’étaient formés à Varsovie et Cracovie.Aujourd’hui, avec le projet de loi qui se précise, le mouvement s’est élargi. C’est pas moins de 50.000 personnes qui ont manifesté dans les rues de Varsovie et Cracovie hier et des dizaines de milliers d’autres qui se sont mis en grève pour le droit à l’avortement, pour le droit de décider librement de leurs corps. Comme dans des dizaines d’autres villes, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées en solidarité à Bruxelles, dans le quartier européen. Il s’agissait principalement de Polonais, mais on pouvait également trouver des Allemands, des Anglais et bien entendu des Belges, principalement travaillant dans ce quartier. Nous avons pu distribuer une centaine de tract écrit par notre section sœur en Pologne – Alternatywa Socjalistyczna – pour le droit à l’avortement libre et gratuit, tout en montrant en quoi le capitalisme n’offre aucune porte de sortie pour les femmes, mais utilise également leur oppression pour maintenir sa domination.
24 septembre: pour la légalisation du droit à l’avortement en Irlande (Photos de Brune):
3 octobre: contre l’interdiction du droit à l’avortement en Pologne (Photos d’Emily)
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Pologne: début de mouvement contre la fermeture des mines
Plusieurs centaines de personnes ont manifesté le 3 septembre dernier à Zabrze en Silésie en défense de la mine de Makoszowy, menacée de fermeture. Les orateurs ont parlé de prochaines manifestations à Varsovie pour défendre les emplois.
Par Tiphaine, Alternatywa Socjalistyczna (section polonaise du Comité pour une Internationale Ouvrière)
En 2015 lors de la campagne électorale, le PiS (Droit et Justice, conservateurs) avait promis de sauver toutes les mines encore en activité. Mais en juillet 2016, le gouvernement PiS a annoncé à la Commission européenne la fermeture de 4 mines pour cause de non-rentabilité.
La réglementation de l’UE sur la concurrence empêche l’Etat polonais de subventionner ces mines pour que leur activité continue. Mais il n’y a aucun plan pour remplacer l’énergie houillère par l’énergie renouvelable, ce qui veut dire que la Pologne va devoir importer davantage de charbon, notamment en provenance de Russie.
Les mineurs font valoir que si le charbon polonais n’est pas compétitif, c’est en partie à cause de la taxe carbone européenne, qui n’est pas imposée sur le charbon russe. Loin de limiter l’impact sur l’environnement, cette taxe ne fait que déplacer le problème.
Le PiS a été élu avec une rhétorique anti-européenne et ignore les avertissements de l’UE concernant les changements constitutionnels. Mais l’euroscepticisme du gouvernement polonais atteint ses limites dès qu’il s’agit de prendre une décision qui pourrait avoir des conséquences financières, et la Pologne ne veut pas perdre les subventions européennes en refusant de se plier à leurs exigences de « compétitivité ».
Pendant le rassemblement, des manifestants portaient des bannières avec les citations du Premier Ministre Beata Szydlo avant les élections, telles que «Seuls les mineurs ont des propositions, seulement il faut les écouter…» Un an plus tard, le gouvernement annonce des fermetures de mines sans même informer les syndicats et n’a pas entamé de négociations avec eux.
La désillusion est rude pour la couche de mineurs qui avaient soutenu le PiS aux élections de 2015.
Sans appeler directement à voter pour eux, les syndicats du secteur minier avaient appelé à ne pas voter pour les partis de l’ancienne coalition gouvernementale (de droite libérale). Une partie des mineurs avait activement fait campagne pour le PiS dans leur communauté.Pour les partis traditionnels polonais, la seule alternative aux fermetures des mines non-rentables est de s’attaquer aux conditions des mineurs pour minimiser les coûts, en supprimant les avantages en nature en primes, en recourant à des sous-traitants dont les employés n’ont pas le statut de mineur et en économisant sur la sécurité.
Le chantage à la fermeture pourrait pousser les directions syndicales à accepter cette voie dramatique. En fait, la mine de Makoszowy avait déjà subi un plan de coupe d’emplois et ses résultats actuels montrent qu’elle pourrait devenir rentable en 2017. Cela n’a pas permis de sauver leur mine.
Le secteur minier n’est pas une solution durable pour la production d’énergie et pour l’environnement. Mais le charbon représente 86% de l’énergie utilisée en Pologne et ne peut pas être remplacé en un claquement de doigts.
La liquidation des mines ne peut être acceptée que si elle est compensée par un plan de transition vers les énergies renouvelable avec reconversion des emplois. Cela ne pourra jamais se réaliser sous le règne des classes capitalistes polonaise et européenne qui ne voient que le profit à court terme, et qui ne sont pas prêtes à investir pour le développement durable. Seule la nationalisation du secteur de l’énergie sous contrôle ouvrier peut répondre aux besoins de la population tout en assurant la transition énergétique.
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Pologne : levée de bouclier pour le droit à l'avortement
Le 31 mars, la premier ministre polonaise Beata Szyd?o a déclaré qu’un projet de loi interdisant totalement l’avortement était en discussion. De nos jours, l’avortement n’est légal en Pologne qu’en cas de viol, de danger pour la vie de la femme enceinte ou de malformations du fœtus. Les médecins qui pratiquent l’IVG clandestinement risquent des peines de prison.Par Tiphaine, Alternatywa Socjalistyczna (section polonaise du Comité pour une Internationale Ouvrière)
Les évêques polonais ont appelé dans une lettre ouverte à revenir sur ce « compromis », pour que l’avortement devienne illégal dans tous les cas sauf danger pour la femme, et que toutes les personnes impliquées puissent être poursuivies. Après Beata Szyd?o, plusieurs dirigeants du parti conservateur au pouvoir (le PiS) ont apporté leur soutien à cette proposition.
Suite à la victoire électorale du PiS, on pouvait s’attendre à des attaques contre les droits des femmes. Mais il ne semble pas que le gouvernement comptait jouer cette carte si tôt, alors qu’il profite encore de l’effet de ses promesses.
Malgré le caractère imprévu de cette annonce, la réaction spontanée a été énorme. Des rassemblements ont eu lieu dès le lendemain. Les groupes féministes et le parti de gauche Razem ont mobilisé sur les réseaux sociaux pour des manifestations le dimanche 3 avril. Un des groupes facebook a réuni 66 000 utilisateurs en 2 jours !
Ce dimanche 3 avril, 4000 à 5000 personnes se sont rassemblées à Varsovie, 2000 à Cracovie et plusieurs centaines dans différentes villes de Pologne, ainsi qu’à Londres et Oslo. Pour la Pologne, ces chiffres représentent une grande mobilisation. A Varsovie et Cracovie, les manifestants étaient plus nombreux que pour la journée internationale des femmes, alors que celle-ci est préparée plusieurs mois à l’avance.
Un autre mot d’ordre était de se retirer de l’église le dimanche matin lors de la lecture de la lettre des évêques. Bien entendu, beaucoup admettent qu’ils se sont rendus à la messe exprès pour cette occasion, mais le nombre à sortir a été impressionnant et les vidéos des églises se vidant ont fait le tour d’internet. Dans certaines églises de Cracovie, les prêtres ont préféré renoncer à lire le texte.
Les cintres, symbolisant les avortements clandestins, sont devenus le symbole du mouvement. A Varsovie, les manifestants en ont couvert les arbres en face du conseil municipal. Ils rappellent que l’illégalité de l’avortement n’en limite pas le nombre mais en rend les conditions plus dangereuses. Chaque année, 80.000 à 200.000 femmes en Pologne avortent dans l’illégalité, avec le manque de suivi médical et le coût financier que cela représente. Outre la santé, d’autres slogans revendiquent le droit de disposer de son corps et la fin de l’ingérence de l’Eglise dans la politique polonaise.
Dès le lundi 4 avril, la Premier Ministre a battu en retraite et déclaré qu’elle n’avait fait « qu’exprimer une opinion personnelle ». Plutôt que de faire rentrer les manifestants chez eux, cela va probablement leur donner confiance en leur force à faire plier le gouvernement. Un nouveau comité, « Entente pour Reconquérir le Choix », appelle à manifester samedi devant les bureaux du Premier Ministre.
Au sein de ce comité, certains s’opposent projet de loi sans vouloir revendiquer l’avortement libre et gratuit. Ce serait une erreur, premièrement parce que le soi-disant « compromis de 1993 » ne garantit même pas de pouvoir avorter dans les cas prévus par la loi : les médecins ont le droit de refuser de pratiquer une IVG (et même de prescrire la contraception!) au nom de leurs convictions personnelles. Les femmes sont alors contraintes de se rendre d’hôpital en hôpital pour trouver un médecin qui accepte de s’occuper d’elles. Certains font aussi en sorte de prolonger la procédure jusqu’à ce que le délai légal soit dépassé.
Mais ce serait aussi manquer une occasion unique d’obtenir un droit réel à l’avortement. La spontanéité et l’ampleur, relativement à la Pologne, de la réaction, montrent que nous pourrions être à l’aube d’un mouvement de masse qui pourrait faire fléchir le gouvernement malgré le lobby de l’église. Si c’était le cas, cela serait aussi un formidable précédent pour les futures luttes sous le mandat du PiS. Si au contraire nous laissons passer cette occasion, il faut s’attendre à d’autres attaques contre les droits des femmes, des LGBT et des migrants.
Une partie d’Entente pour Reconquérir le Choix est pour une approche apolitique, c’est à dire pour se limiter à la question de l’avortement et ne pas afficher son appartenance politique au sein du mouvement. Cela ne pourrait qu’affaiblir la lutte, alors que la lier aux questions sociales, notamment les bas salaires, la faible converture sociale et les coupes dans les hôpitaux, permettrait de l’élargir à de nouvelles couches de la population.Alternatywa Socjalistyczna s’est jointe avec enthousiasme à cette lutte pour obtenir le droit à l’avortement libre et gratuit, tout en montrant en quoi le capitalisme n’offre aucune porte de sortie pour les femmes, mais utilise également leur oppression pour maintenir sa domination.

