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Frontière Bélarus / Pologne : Les réfugiés traités comme des animaux sur fond d’accroissement des tensions impérialistes

Foto: Flickr/premierrp Déclaration commune de membres d’Alternative Socialiste Internationale (ASI) de Pologne, du Bélarus, de Syrie et de Russie concernant la crise à la frontière entre le Bélarus et la Pologne, alors que des milliers de réfugiés sont pris dans un no man’s land entre les deux pays, aux portes de l’Union européenne.
Depuis des semaines, une crise se développe à la frontière entre le Belarus et la Pologne, où des milliers de réfugiés fuyant la guerre et les conflits en Syrie, en Irak, en Afghanistan, au Yémen et ailleurs sont pris dans un no man’s land entre les deux pays, à la frontière de l’Union européenne. Le 16 novembre, des affrontements ont éclaté lorsque la police polonaise a utilisé des gaz lacrymogènes, des canons à eau et peut-être même des grenades assourdissantes contre les réfugiés.
Des milliers de gardes-frontières du Bélarus poussent les réfugiés à avancer. Deux avions à capacité nucléaire et des parachutistes russes ont été déplacés dans le pays. Du côté polonais, l’état d’urgence a été décrété dans les régions frontalières, où 15.000 soldats assurent le maintien de l’ordre avec le soutien technique de l’armée britannique. La présence britannique est perçue comme un camouflet pour l’UE, le gouvernement polonais ayant refusé l’aide de la force frontalière “Frontex” de cette dernière. La Lettonie et la Lituanie ont également envoyé respectivement 3.000 et 5.000 soldats à leurs frontières avec le Belarus et ont commencé à construire des centaines de kilomètres de clôtures en fil de fer barbelé de trois mètres de haut le long de celles-ci.
Des conditions infernales
Les conditions sont infernales. De nombreux réfugiés vivent dans la forêt par des températures inférieures à zéro. Ils disent ne pas avoir de nourriture et devoir boire l’eau des rivières. Les gardes-frontières bélarusses tentent de forcer des milliers de personnes à entrer dans une zone d’exclusion de 3 kilomètres de large, derrière une clôture en fil de fer barbelé établie par la police polonaise, les laissant dans les limbes du XXIe siècle. Un réfugié kurde a décrit comment les gardes biélorusses « nous frappaient avec des bâtons de bois, ils nous donnaient des coups de pied et des coups de poing, pas seulement moi mais aussi des femmes et des enfants » pour les empêcher de rentrer au Bélarus.
Dans cette zone d’exclusion, la loi martiale est en vigueur. Les travailleurs humanitaires et le personnel de soin sont empêchés d’apporter de la nourriture, de l’eau, des vêtements, des couvertures, etc. aux réfugiés. Les journalistes ne peuvent pas non plus pénétrer dans la zone pour rendre compte de la situation, ce que le gouvernement justifie par la garantie de leur sécurité. Jaroslaw Kaczyński, chef du parti polonais “Droit et Justice”, affirme que cela est dû au fait qu’une grande partie des médias ne font que répéter la propagande de Loukachenko, alors qu’en réalité ils ne font que dénoncer la brutalité et l’illégalité des actions de l’État polonais. Bien que la zone constitue une grave violation des libertés civiles, avec des restrictions de mouvement imposées aux citoyens polonais, les autorités autorisent la chasse à l’arme à feu près de la frontière ! Cette mesure est interprétée du côté bélarusse comme un feu vert accordé à la chasse aux réfugiés.
Un réfugié syrien qui buvait de l’eau sale et mangeait des restes d’arbres a tenté à trois reprises de repasser au Bélarus, mais il a été battu par les gardes-frontières. Il a fini par être tellement malade que la police polonaise a dû l’envoyer à l’hôpital, où il craint maintenant de revenir, car ils le renverraient dans la zone d’exclusion. D’autres rapports indiquent que les gardes-frontières polonais ont utilisé des électrochocs contre les réfugiés. Lorsque les premiers réfugiés sont morts dans les bois polonais, leurs corps ont été traînés par les gardes polonais de l’autre côté de la frontière, au Bélarus.
Le nombre de réfugiés décédés a déjà atteint deux chiffres, et comme le temps se refroidit rapidement, il risque encore d’augmenter. Parmi eux, un nombre inconnu d’enfants. Ces enfants et leurs mères sont confrontés à des conditions particulièrement difficiles. Selon un secouriste : « La première fois que nous avons vu des enfants dans les bois, nous avons été choqués. Nous avons vu une femme accroupie en train d’allaiter un petit bébé au milieu de la nuit, et un autre enfant de trois ans debout à côté d’elle. Nous n’arrivions pas à nous sortir cette image de la tête : une femme perdue, abandonnée, allaitant son bébé avec deux enfants dans une forêt froide au milieu de nulle part. » Selon certains rapports, les femmes et les enfants sont poussés au front afin de servir de bouclier humain.
Une crise causée par l’impérialisme
Comme pour la crise de 2015, cette vague de réfugiés résulte de la dévastation et de la violence causées par les interventions impérialistes en Syrie, en Irak et au Yémen. Le récent retrait humiliant de l’impérialisme américain après ses vingt ans d’occupation de l’Afghanistan a laissé encore plus de personnes tentant d’échapper à l’aggravation des conditions de répression et à la menace de famine.
La situation réelle en Syrie, par exemple, est mise en évidence par la conférence de deux jours soutenue par la Russie qui s’est tenue à Damas la semaine dernière dans le but de « faciliter le retour de millions de réfugiés syriens » dans le pays. De nombreux pays ont refusé d’y participer tandis que l’Union européenne a déclaré que « la situation en Syrie n’était pas encore sûre pour les retours ». L’intervention russe à Idlib a créé une crise des réfugiés dans cette ville, tandis que la Turquie a créé des problèmes dans d’autres régions du nord de la Syrie. L’impérialisme occidental et le gouvernement Assad ont réussi à créer des réfugiés dans tout le pays.
Là où il y a la guerre, il y aura toujours des réfugiés, en particulier ceux qui tentent d’éviter les combats. Certaines oppositions syriennes qui se rangent aujourd’hui du côté de la contre-révolution affirment que les réfugiés actuellement bloqués à la frontière ne devraient pas être aidés car ils n’ont pas participé à la lutte contre Assad. Nous rejetons l’argument selon lequel les réfugiés ne méritent pas d’être aidés parce qu’ils n’ont pas rejoint l’opposition à Assad. Beaucoup de ceux qui ne l’ont pas fait étaient motivés par leur méfiance à l’égard des islamistes de droite et des autres forces réactionnaires de l’opposition. Il s’agit d’une crise humanitaire qui exige une solution reposant sur l’unité des travailleurs et des pauvres.
L’impérialisme et l’UE en particulier n’ont pas cherché à résoudre la catastrophe humanitaire, mais à empêcher les réfugiés d’atteindre l’Union européenne. En essayant de s’échapper, les réfugiés ont été victimes de l’exploitation pure et simple du système capitaliste lui-même. Des profiteurs sans scrupule ont vu le jour et proposent des visas et des voyages à des prix exorbitants.
Un groupe de Syriens a remis 5.000 dollars chacun à un “intermédiaire” de Damas pour un voyage organisé censé inclure un séjour de dix jours dans un hôtel de Minsk. Une fois au Bélarus, leur contact a coupé toute communication avec eux. “Ce salaud nous a menti”, a commenté l’un d’eux. “Il avait promis un hôtel pour dix jours, mais dix d’entre nous se sont retrouvés entassés dans une minuscule chambre à côté d’un bordel pour seulement trois nuits. Et maintenant, il ne répond plus au téléphone.” Les hôtels font payer des milliers de dollars pour rester – comme l’a commenté un administrateur d’hôtel : “C’était très calme pendant la pandémie. Les touristes ne venaient plus, mais maintenant c’est occupé tous les jours. C’est bon pour les affaires”. Les taxis facturent des centaines de dollars pour les trajets vers la frontière.
Mais d’autres ne voient pas cette crise humanitaire comme une source de profit. Du côté polonais de la frontière, des familles sont prêtes à nourrir et à réchauffer des réfugiés désespérés. Ces derniers mois, des villes et des régions allemandes, comme Munich, ont déclaré qu’elles étaient prêtes à accueillir des réfugiés d’Afghanistan. Loukachenko en profite pour dire qu’il peut organiser un vol direct pour les réfugiés vers Munich. Ceux qui sont arrivés en Allemagne après la crise précédente n’ont cependant pas trouvé la vie facile. Seule la moitié d’entre eux ont obtenu un emploi, une situation aggravée par la pandémie, tandis que beaucoup ont été victimes d’attaques xénophobes.
L’Europe forteresse
Néanmoins, ces tentatives d’aide contrastent fortement avec l’approche des responsables européens, qui se concentrent sur le renforcement de la “forteresse Europe”. Lorsqu’en 2015, le Hongrois Viktor Orban a construit un mur pour empêcher les réfugiés d’entrer en Hongrie, la sympathie massive du public pour les réfugiés a obligé l’UE à le critiquer. Aujourd’hui, les gouvernements européens soutiennent ouvertement le financement commun des murs et clôtures extérieurs. La longueur des murs frontaliers prévus en Europe de l’Est a déjà atteint 1200 kilomètres, soit huit fois la longueur du célèbre mur de Berlin !
Les réfugiés se retrouvent au milieu du conflit entre les puissances impérialistes. À un certain niveau, il s’agit d’une guerre des mots. Le président bélarusse Loukachenko accuse l’Occident de mener une “guerre hybride” contre son pays, une affirmation reprise par le gouvernement polonais à son encontre, tandis que les dirigeants européens l’accusent de “militariser” la crise. Voilà qui agace les réfugiés : ils nient être des “armes”, ils sont, disent-ils, des êtres humains “ici pour vivre, pas pour se battre.” Les régimes des deux côtés de la barrière traitent les réfugiés comme s’ils n’avaient aucun droit, comme un problème à résoudre. Mais les réfugiés eux-mêmes doivent avoir leur mot à dire sur leur propre avenir.
Cette crise reflète les contradictions qui se développent au sein même de l’Union européenne. Le gouvernement polonais de droite populiste et anti-immigrés a récemment fait adopter par sa Cour constitutionnelle une décision déclarant que les lois polonaises l’emportent sur celles de l’Union européenne.
Mais en ce qui concerne le différend frontalier, l’UE soutient pleinement la position anti-immigration du gouvernement polonais et les tentatives de la police polonaise de repousser les migrants vers le Belarus. Cette attitude est en contradiction directe avec le droit international et avec la politique d’asile récemment modifiée de l’UE, qui promet une décision rapide sur le statut de réfugié et un processus d’examen préalable à l’entrée. Cela ne devrait pas être une surprise car l’UE a déjà soutenu le refoulement des réfugiés qui tentent de traverser la Méditerranée ainsi que dans ses négociations avec le président turc Erdogan. L’UE n’est pas gouvernée, comme elle le prétend, par des “valeurs humanitaires”, mais utilise les réfugiés comme des pions dans sa lutte de pouvoir avec Lukashenko et Poutine. Elle est également tout à fait consciente de la nature antidémocratique et de plus en plus autoritaire du gouvernement polonais, mais est tout à fait heureuse de fermer les yeux sur ce fait, car le régime fait son “sale boulot”.
Le chantage de Loukachenko
Il ne fait cependant guère de doute que le président autoritaire du Belarus, Alexandre Loukachenko, a alimenté la crise. Les “agences touristiques” qui ont encouragé les réfugiés à se rendre au Bélarus bénéficient d’un soutien officiel et utilisent même une procédure de demande de visa simplifiée. Nombre d’entre eux se sont rendus à Minsk sur des vols de la compagnie aérienne publique Belavia, bien que celle-ci ait annoncé qu’elle ne transporterait pas de passagers en provenance d’Irak, de Syrie et du Yémen. Une fois à Minsk, les réfugiés ont été aidés à se rendre à la frontière et les troupes bélarusses auraient utilisé des lasers et des stroboscopes pour distraire les gardes polonais lorsque les réfugiés tentaient de passer.
La crise sert en partie de diversion aux problèmes réels de la société bélarusse après le soulèvement de l’année dernière contre Loukachenko. Après l’échec du mouvement visant à le destituer, une répression massive s’est abattue sur le Belarus. Des milliers de militants de l’opposition ont été arrêtés, d’autres ont été licenciés et beaucoup ont fui à l’étranger, dans des pays comme la Pologne et la Lituanie. Le caractère de Loukachenko est tel qu’il voit clairement dans cette situation une occasion de se venger de la Pologne et de l’UE pour leur soutien à l’opposition bourgeoise libérale qui était à la tête des manifestations de l’année dernière. Mais il s’en sert également pour faire pression sur l’UE afin qu’elle lève les sanctions qu’elle a imposées, avec l’argument que si l’UE prend de nouvelles mesures, il déclenchera une vague de réfugiés. Ses actions actuelles ont l’avantage supplémentaire de rendre les frontières du Belarus plus difficiles à franchir pour les opposants qui tentent d’échapper à sa colère.
Le soutien de la Russie
Si derrière la Pologne se tient l’UE, derrière le Belarus se trouve la Russie. Les tensions entre les puissances impérialistes ont augmenté de façon spectaculaire ces derniers mois. En juillet, un avion russe a même largué quatre bombes pour faire dévier un navire britannique de sa route en mer Noire. Les disputes se poursuivent au sujet de l’approvisionnement de l’Europe en gaz russe, et l’Allemagne a de nouveau refusé de certifier le gazoduc NordStream 2. L’OTAN, le chef de la CIA et de hauts responsables britanniques, ainsi que le secrétaire d’État américain Antony Blinken, se livrent à des manœuvres au sujet de la menace que représente la Russie pour l’Ukraine, des déclarations que le Kremlin utilise pour attiser le sentiment anti-occidental dans le pays.
Le Kremlin a démontré à plusieurs reprises qu’il était prêt à lancer des attaques militaires pour détourner l’attention des problèmes intérieurs. Ceux-ci sont actuellement nombreux. Le pays a connu une quatrième vague dévastatrice de la pandémie avec l’un des taux de mortalité les plus élevés au monde, tandis que l’économie et le niveau de vie stagnent. Toutefois, à l’heure actuelle, les coûts militaires, économiques et sociaux d’une attaque contre l’Ukraine seraient trop importants pour que le Kremlin prenne un risque inutile. Il préférerait plutôt utiliser son renforcement militaire actuel à la frontière ukrainienne et son soutien à Loukachenko pour faire pression sur l’Occident dans l’espoir de l’empêcher de prendre de nouvelles mesures.
Dans le même temps, le processus visant à résoudre le conflit gelé dans l’est de l’Ukraine n’a pas progressé. Le président ukrainien populiste Volodymyr Zelinskiy a vu sa cote de popularité tomber à des niveaux records et son soutien au sein de l’élite dirigeante s’effriter. Il a promis de résoudre le conflit avec les deux républiques séparatistes de Donetsk et de Lougansk d’ici la prochaine élection présidentielle, en 2024, et les faucons ukrainiens le poussent à provoquer la Russie dans une confrontation militaire. L’instabilité de la région est démontrée une fois de plus par une nouvelle série de combats autour du Haut-Karabakh cette semaine.
De la même manière, la Russie ne veut pas que Loukachenko aille trop loin dans son conflit avec l’Occident, surtout si cela affecte l’économie russe. Lorsque Loukachenko a menacé de couper l’approvisionnement en gaz de l’Europe, le Kremlin a rapidement dénoncé cette menace. La crainte du Kremlin est que Loukachenko se soit créé un problème, qu’il ne puisse faire marche arrière dans cette confrontation sans perdre la face. Comme l’a dit Lukashenko lors d’une réunion du gouvernement : “Ils nous font peur avec les sanctions. Bien, voyons voir. Ils pensent que je plaisante, que j’agite ma langue. Il n’en est rien. Nous allons nous défendre. C’est tout, nous n’avons nulle part où nous retirer”.
Si Loukachenko perdait la confrontation et que l’opposition libérale se renforçait, la Russie pourrait même être contrainte d’intervenir au Belarus même.
Nos revendications
Comme la plupart des crises qui frappent actuellement le monde, celle-ci est complexe, intensément internationale et, à la base, causée par le capitalisme et les conflits impérialistes. Pour mettre fin à la crise actuelle, nous avons besoin de solidarité et d’organisation pour exiger
- La fourniture immédiate de nourriture, de vêtements, d’abris et de services médicaux pour toutes les personnes actuellement piégées à la frontière ;
- La liberté pour les journalistes de faire des reportages dans la région, y compris dans la zone frontalière et avec la réintégration de tous les journalistes licenciés par le régime bélarusse ;
- Le retrait des gardes-frontières, des troupes et de la police des deux côtés de la frontière et la levée de la zone d’exclusion, afin de permettre aux organisations humanitaires d’aider les réfugiés et de gérer leur passage en toute sécurité vers un abri et un endroit chaud ;
- Un soutien international organisé et contrôlé par les syndicats, les organisations de réfugiés et de défense des droits de l’homme, ainsi que par les réfugiés eux-mêmes et la population locale pour organiser et contrôler le processus de démilitarisation de la région frontalière et gérer l’aide aux réfugiés ;
- L’acceptation immédiate de ces réfugiés dans l’Union européenne, avec l’examen rapide de toutes les demandes d’asile et l’octroi du statut de réfugié ou d’autres statuts légaux, permettant de voyager sans entrave vers le pays de leur choix ;
- La fourniture de logements et d’emplois stables, l’accès à l’éducation et aux soins de santé pour tous.
Il s’agit toutefois de revendications qui répondent aux problèmes immédiats de ceux qui souffrent à la frontière bélarusse/polonaise.
Nous rejetons toute tentative de dresser les réfugiés contre la population locale. L’argent utilisé pour l’appareil militaire et policier afin de “sécuriser” les frontières devrait plutôt être utilisé pour assurer la sécurité des réfugiés. Les profits réalisés par les compagnies pétrolières et les fabricants d’armes grâce aux conflits au Moyen-Orient devraient être récupérés et utilisés pour reconstruire les économies de cette région.
La richesse des riches en Europe et dans le monde, générée par l’exploitation des pays plus pauvres et de la classe ouvrière dans le monde, devrait être utilisée au profit de tous. Nous comprenons que ce n’est pas une solution “facile” – mais c’est la seule vraie solution car, sans une transformation économique et sociale radicale de ces pays, aucune frontière, aucune police, aucun fil barbelé ne suffira à empêcher les réfugiés désespérés de tenter de s’enfuir.
Les sanctions actuellement utilisées par l’impérialisme américain et européen contre les régimes autoritaires du Bélarus, de Russie, de Syrie et d’Irak sont inefficaces, nuisent au niveau de vie des travailleurs et des jeunes, tout en affectant à peine l’élite dirigeante. Elles permettent aux régimes de dépeindre le pays comme étant politiquement “assiégé” par les gouvernements occidentaux, tout en rejetant les difficultés économiques sur les sanctions elles-mêmes. Des sanctions efficaces commenceraient par l’ouverture des comptes des riches et de l’élite dirigeante de ces pays pour révéler qui sont leurs amis et collaborateurs dans d’autres pays, avec l’expropriation de leurs richesses. Cela ne sera possible que par l’action indépendante du mouvement ouvrier mondial.
En effet, une lutte plus large de la classe ouvrière basée sur la solidarité internationale est nécessaire contre les causes profondes de cette crise – contre le régime autoritaire d’Aleksander Lukashenko au Bélarus et le gouvernement réactionnaire “Droit et Justice” en Pologne, ainsi que contre les politiques impérialistes des États-Unis, de l’UE, de la Russie et d’autres pays qui ont provoqué la catastrophe dans des pays comme la Syrie, l’Irak, l’Afghanistan et le Yémen – en d’autres termes, une lutte contre le capitalisme mondial et pour une société socialiste internationale et démocratique.
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Soulèvement de masse en Pologne en défense du droit à l’avortement – Témoignage au coeur du mouvement

Le gouvernement conservateur polonais voulait utiliser la crise sanitaire pour faire passer un projet de loi restreignant le droit – déjà très limité – à l’avortement. Mais il a déclenché un splendide mouvement de masse, le plus grand depuis la chute de la dictature stalinienne ! Nous en avons discuté avec Tiphaine, membre de ROSA-Pologne et d’Alternatywa Socjalistyczna.
Dans les médias internationaux, on a annoncé le retrait de cette attaque contre le droit à l’avortement. C’est bien vrai ?
Les médias internationaux se sont emballés un peu vite… Le 22 octobre, le tribunal constitutionnel de Pologne s’est prononcé en faveur d’une limitation de l’accès à l’avortement. Le parlement doit maintenant changer la loi existante. Mais la question n’a pas été mise à l’ordre du jour de la séance parlementaire du mercredi suivant, ce qui a été interprété comme un retrait du projet dans les médias internationaux.
Les conservateurs sont intimidés par le mouvement de masse, c’est certain. Ils attendent son essoufflement pour mettre cette discussion à l’agenda du parlement. La colère contre le gouvernement et la détermination de lutter pour le droit à l’avortement sur demande n’ont pas faibli, mais en l’absence d’une direction qui propose les bons mots d’ordre, ce potentiel pourrait être gaspillé.
OSK (Ogólnopolski Strajk Kobiet, Grève des femmes de toute la Pologne), la direction de facto du mouvement, va soumettre un projet de loi citoyen pour le droit à l’avortement, tout comme en 2018, quand les députés ont rejeté le projet sans même le discuter. Malgré le succès de la journée de « grève des femmes » et de la gigantesque manifestation qui a eu lieu à Varsovie le 30 octobre, OSK n’appelle plus à de grandes mobilisations mais à bloquer les routes en traversant les passages pour piéton ou à des manifestations en voiture, pour rester dans la légalité en cette période de confinement. Mais le début du mouvement a démontré que la répression sous prétexte du COVID était impuissante face à la détermination des masses.
Comment expliquer l’ampleur de ce soulèvement ?
La restriction du droit à l’avortement a des conséquences dramatiques pour de nombreuses femmes. Il y a des cas scandaleux de femmes forcées de mettre au monde des enfants mourants ou qui se sont retrouvées en situation de handicap parce qu’on leur avait refusé l’interruption de grossesse.
Cette interdiction est une gigantesque insulte : on dit aux femmes qu’elles sont incapables de prendre des décisions pour elles-mêmes et qu’elles sont moins importantes qu’un embryon. Les médecins ont le droit de refuser de pratiquer l’avortement même s’il était légal, ils peuvent même vous refuser la contraception ! Dans le camp anti-choix, on a même entendu dire que « contrairement à l’avortement, la pédophilie n’a jamais tué personne » ! Tout cela attise la colère et pousse les indécis dans le camp pro-choix.
En 2016, le PiS (le parti conservateur au pouvoir) a déjà tenté une interdiction totale de l’avortement et a dû reculer devant le mouvement. Toute une couche de jeunes femmes était passée à l’action pour la première fois, et une partie est restée mobilisée pour les droits des femmes et des LGBTQI+ depuis. Cette expérience joue un rôle dans la mobilisation actuelle et également dans la confiance qu’il est possible de faire reculer le gouvernement.
Mais le mouvement a été freiné par sa direction libérale et n’est pas allé jusqu’au bout de ce qu’il était possible d’obtenir : le droit à l’avortement sur demande. Ici, les manifestants rejettent le « compromis » (c’est à dire, le droit d’avorter dans les trois cas prévus par la loi polonaise) et exigent le droit à disposer de son corps.
Depuis 2016, les conservateurs attendaient le moment opportun pour ressortir cette mesure. Ils ont fait passer d’autres attaques, comme de rendre la pilule du lendemain inaccessible sans prescription, histoire de tester le terrain. Cette année, ils ont cru pouvoir faire passer cette restriction du droit à l’avortement grâce au confinement, en sous-estimant la colère accumulée non seulement sur la question des droits reproductifs mais aussi concernant la mauvaise gestion de la pandémie.
A quel point le gouvernement et l’Eglise sont-ils discrédités aujourd’hui dans la société ?
L’Église a perdu énormément de terrain. Un nouveau scandale vient d’éclater : le cardinal Dziwisz, une éminence de l’Église catholique en Pologne et ancien bras droit du pape Jean-Paul II (qui reste une icône en Pologne) est soupçonné avoir participé à la couverture d’un réseau d’abus sexuels d’enfants au Mexique. D’après un sondage récent, seuls 35% des Polonais ont une opinion positive de l’Église. Les gens s’opposent à cette institution privilégiée et corrompue, et ne veulent plus de l’ingérence religieuse dans la politique et dans l’éducation.
De son côté, le gouvernement ne peut plus se reposer sur les quelques avancées sociales accordées en début de mandat. Son soutien parmi la classe ouvrière n’est plus aussi solide, notamment parce qu’il n’a pas empêché la fermetures de mines ou de grosses usines comme l’aciérie de Cracovie. Sa réponse à la crise économique provoquée par le COVID a été une réforme du code du travail en faveur des employeurs alors que de nombreux Polonais perdaient leur travail. La situation sanitaire est dramatique, avec 20.000 nouveaux cas par jour.
Au début du mouvement, le PiS a joué la carte des menaces de répression. Kaczynski, l’homme fort du PiS, a fait une allocution télévisée qui rappelait la déclaration de la loi martiale par le général Jaruzelski en 1981. Malgré cela, les gens sont descendus en masse dans les rues. Le PiS s’est donc montré affaibli et ridiculisé.Ils doivent maintenant se reposer sur une couche plus mince d’éléments les plus conservateurs, voire fascistes, de la société. Cela veut dire qu’ils vont être obligés d’aller jusqu’au bout pour soutenir cette loi et satisfaire cette couche. Ils sont dans une impasse.
Comment le mouvement peut -il faire face à cette détermination désespérée des autorités ?
Pour porter un coup décisif au gouvernement, il faut une grève générale : la possibilité de bloquer l’économie est une arme redoutable. L’entrée en lutte de la classe ouvrière montrerait qui fait réellement fonctionner l’économie et la société.
Beaucoup de travailleurs n’attendent qu’un mot de leur direction syndicale pour entrer en grève sur la question de l’avortement. Mais les directions syndicales refusent. La pression de la base pourrait les y pousser. Les membres d’Alternatywa Socjalistyczna tentent d’agir en ce sens sur les lieux de travail et dans les syndicats. Au sein du mouvement, nous proposons une orientation envers la classe ouvrière, notamment en liant la question des droits reproductifs aux questions de la défense des services publics et des emplois.
Le mouvement a besoin de représentants qui en émanent et qui montrent la voie vers la victoire. OSK comble le vide de direction, mais sans proposer de mots d’ordres adéquats, en se détournant de l’action en rue. Elle a perdu du crédit en formant un comité consultatif avec des politiciens carriéristes qui n’ont rien à voir avec le mouvement. OSK se dit à l’écoute du mouvement en demandant que les participants envoient des suggestions et des revendications, mais ce n’est pas d’un pouvoir de suggestions dont les manifestants ont besoin : c’est d’être actifs dans la prise de décision et dans les choix de ses représentants. Alternatywa Socjalistyczna et ROSA Polska appellent à la création de comités de grève démocratiques au niveau local pour organiser la lutte, décider des revendications, et élire une direction locale et nationale. Ces dirigeants seraient élus sur base de leur expérience, en ayant fait leurs preuves dans le mouvement, et seraient révocables s’ils ne répondent plus aux attentes de celles et ceux qui les ont élus.
Si le PiS tombe, la place pourrait être prise par des politiciens de l’establishment qui utiliseraient la situation à leur avantage. Ils accorderaient bien sûr une partie des revendications au mouvement pour justifier leur prise de pouvoir. Mais sans s’attaquer au capitalisme que ces politiciens représentent, l’ insuffisance de moyens dans les hôpitaux, la pénurie de crèches publiques, le bas niveau de vie, l’absence de budget pour l’éducation sexuelle,… subsisteront et constitueront autant de freins à la jouissance des droits reproductifs.
De plus, ces politiciens seront réticents à s’opposer trop à l’Église qui continue tout de même de représenter une partie de l’électorat, mais aussi une certaine puissance économique. Ce que nous défendons donc est que le PiS soit remplacé par un gouvernement issu du mouvement et représentant la classe ouvrière avec pour programme les pleins droits reproductifs gratuits, le développement des hôpitaux publics pour répondre aux besoin de la population, une place par enfant en crèche et en jardin d’enfants publics, la satisfaction des revendications des enseignants, et la nationalisation sous contrôle et gestion démocratiques des principaux secteurs de l’économie afin de financer ce programme et d’empêcher les suppressions d’emplois et la dégradation des conditions de travail au prétexte du COVID.
En bref, il nous faut un programme socialiste pour en finir avec le système capitaliste qui empêche les femmes de jouir pleinement de leurs droits démocratiques et des possibilités de la science.
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Pologne : quelle stratégie pour le droit à l’avortement et renverser le gouvernement ?

“Il est temps de faire la révolution” Malgré les menaces de répression, plus de 100.000 personnes ont pris part à une gigantesque manifestation pour le droit à l’avortement à Varsovie ce vendredi 30 octobre. Dans une incroyable atmosphère de carnaval, les slogans pour les droits reproductifs se mêlaient à ceux pour le renversement du gouvernement. Longtemps après la fin de la manifestation, les slogans se faisaient encore entendre dans les transports. La ville entière était à nous!
Par des membres d’Alternatywa Socjalistyczna, section polonaise d’Alternative Socialiste Internationale
- Ce jeudi 5 novembre : rencontre en ligne avec une féministe de Pologne.
Face à ce mouvement massif, le parti dirigeant PiS est désemparé. Des divisions commencent à apparaître en son sein sur la façon de répondre a cette opposition massive. Ainsi, le 27 octobre, dans une allocution télévisée qui n’est pas sans rappeler la déclaration de la loi martiale par Jaruzelski en 1981, Kaczynski (vice-premier ministre) a appelé à défendre les églises contre les manifestants – c’est à dire à rejoindre les bandes fascistes qui s’étaient donné cette mission. Il a été rappelé que, sous le prétexte de la situation sanitaire, toute personne qui appelle à un rassemblement de plus de 5 personnes risque 8 ans de prison. Mais le 30 octobre, le président Duda annonçait déjà que l’avortement resterait possible dans le cas d’un foetus non-viable.
Les menaces de répression n’ont pas réussi à intimider les manifestants, et les bandes fascistes qui ont tenté d’attaquer la manifestation varsovienne ont été insignifiantes face à cette déferlante. Et la proposition de Duda est risible comparée aux attentes du mouvement : l’avortement libre et gratuit, d’en finir avec ce gouvernement réactionnaire et qui a perdu de son autorité de par sa mauvaise gestion de la crise COVID, et la fin du pouvoir politique de l’Eglise.
La tentative par Kaczynski de jouer les gros bras l’a fait paraître encore plus faible et plus ridicule qu’avant. L’aura qu’il avait, celle d’un homme dur, maître tacticien et fin stratège, a volé en éclat. Loin d’intimider le mouvement, il l’a rendu plus fort et plus confiant – les manifestants l’ont défié et il s’est révélé impuissant.
En plus d’être dans l’impasse, le PiS perd de sa base sociale. Des manifestations ont eu lieu dans des bastions électoraux du PiS, petites villes de provinces et quartiers ouvriers où il n’y avait pas eu de manifestations depuis 30 ans. Des électeurs du PiS, qui ont voté pour lui pour ses promesses sociales, rejoignent le mouvement. Même une partie des hooligans, vivier d’extrême droite, se prononce en faveur des droits des femmes (avec une position ambiguë qui consiste à se déclarer en défense des femmes mais contre les “gauchistes”, mais cela montre tout de même un tournant).
Quelle suite pour le mouvement?
A l’heure où nous écrivons, il n’y a pas encore d’appel à une nouvelle grève des femmes comme le 28 octobre où à d’autres manifestations nationales comme le 30. OSK, la direction de facto du mouvement, appelle à organiser des blocages au niveau local. OSK a également fondé un “comité consultatif” avec différentes personnalités politiques. Cette initiative est très critiquée au sein du mouvement car la composition de ce comité n’a pas été élue mais nommée par en-haut.
Comme nous le disions dans notre article du 27 octobre, Alternatywa Socjalistyczna et ROSA Polska appellent à la constitution de comités de grève démocratique au niveau local, qui pourraient ensuite se coordonner au niveau national et élire une direction du mouvement issu de celui-ci.
Un risque qui existe avec une direction auto-proclamée est que celle-ci – n’ayant pas à répondre à la base – soit très sensible aux pressions externes. Elle pourrait accepter des compromis bien en dessous des aspirations des masses et de ce qu’il est possible de gagner. Le PiS pourra se servir de cela et entamer des négociations avec cette direction, ce qui lui permettrait de limiter les dégâts pour lui-même.
Pour empêcher cela, il faut non seulement une direction qui représente réellement le mouvement, mais aussi une stratégie pour ne pas laisser le potentiel se perdre. Une grève générale, en augmentant encore le nombre qui peut se joindre aux manifestations et surtout en utilisant le levier du blocage de l’économie, serait certainement un tournant décisif pour gagner.
Malheureusement, les directions des principaux syndicats ont signé un appel au calme le jour même de la grande manifestation varsovienne, ensemble avec les patrons, au prétexte de la crise COVID. Cela ne représente pas du tout l’état d’esprit de la base de ces syndicats. Les discussions sur nos lieux de travail et avec d’autres syndicalistes montrent un large soutien de la classe ouvrière au mouvement. Il y a d’ailleurs eu des actions sur les lieux de travail, comme dans les hôpitaux ou les transports, et des déclarations de soutien de la part de syndicats de postiers, chauffeurs de taxis, mineurs… Le syndicat Août 80 a quant à lui annoncé qu’ils apporteraient un soutien à toute personne poursuivie en justice pour sa participation au mouvement, une très bonne initiative. Nous continuons à construire la pression par la base pour l’appel à une grève générale et appelons tous ceux qui nous entourent à le faire.
La popularité des slogans pour renverser le gouvernement pose une question cruciale : par quoi remplacer celui-ci? La place vacante pourrait être rapidement saisie par des politiciens de l’establishment opportunistes. Pour se maintenir au pouvoir, ils répondraient à une partie des attentes du mouvement concernant les droits reproductifs, tout en ménageant les capitalistes et la force politique que représente l’église – c’est à dire probablement avec un nouveau compromis, et sans rendre l’avortement et la contraception gratuites donc accessible à toutes.
Alternatywa Socjalistyczna et ROSA Polska défendent que le renversement du PiS ne pourra pas garantir une victoire complète et sur le long terme sans le renversement du système que le PiS protège. Nous défendons dans ce mouvement que le capitalisme est à renverser pour le remplacer par un système socialiste qui réponde aux besoins de tous et pose les bases matérielles et sociales pour assurer les pleins droits reproductifs et démocratiques.
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Jeudi 5 novembre : Rencontre online avec une féministe de Pologne

Jeudi 5 novembre, à partir de 19h
Participe à une discussion avec une militante polonaise de ROSA Polska et plonge toi aussi dans l’extraordinaire mouvement de masse pro-choix qui a explosé en Pologne ! Le gouvernement pensait profiter des mesures sanitaires pour attaquer les droits des femmes, mais la colère est aujourd’hui dans la rue !
Ni la pandémie, ni la répression brutale ne sont parvenus à bloquer les manifestantes et manifestants et la lutte a largement dépassé le cadre du droit à l’avortement : c’est toute la politique du parti au pouvoir, Droit et Justice (PiS), et la place de l’Eglise dans la société qui est en jeu ! Un slogan résume parfaitement les choses : “J’aimerais pouvoir avorter de mon gouvernement”.
- Évènement en ligne sur Zoom
- Évènement facebook
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Mouvement de masse pour le droit à l’avortement en Pologne : le Covid ne peut pas stopper la colère !

Suite à l’arrêt rendu jeudi dernier par la Cour constitutionnelle de Pologne selon lequel l’avortement en cas de malformation du fœtus est anticonstitutionnel, les protestations et les manifestations de masse ont balayé le pays en gagnant en nombre jour après jour. Après l’annonce de la décision jeudi dernier, une manifestation spontanée s’est dirigée vers le siège du parti au pouvoir, Droit et Justice (PiS), à Varsovie, puis vers le domicile privé de Jarosaw Kaczyński, leader du PiS. Les manifestations et les protestations se sont poursuivies chaque jour depuis la décision, prenant de l’ampleur et s’étendant à tout le pays. Le dimanche, des milliers de manifestants ont pris d’assaut les églises et ont dû faire face à un affrontement avec la police dans de nombreuses villes. Le lundi, des barrages dans plus de 50 villes ont paralysé la circulation dans le pays.
Par Paweł Nowak, Alternatywa Socjalistyczna (section polonaise d’Alternative Socialiste Internationale)
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Discussion ce soir (en anglais) avec des activistes polonaises à l’initiative de ROSA – Irlande ! Evénement Facebook
L’avortement est déjà presque impossible
Actuellement, l’avortement est toujours légal en Pologne en cas de viol, d’inceste, ou lorsque la vie ou la santé de la femme est en danger. Cependant, dans la pratique, le droit à l’avortement dans ces cas est généralement bloqué par un “cas de conscience” du médecin. Il existe des régions dans le pays où aucun hôpital ne pratiquera d’avortement. L’autre cas où l’avortement est légal, c’est lorsque le fœtus est endommagé. Ce droit a été attaqué pour la première fois il y a quatre ans, lorsqu’un projet de loi introduisant une interdiction a été discuté au Parlement. À l’époque, un mouvement de masse de plusieurs mois avait culminé en une grève “des femmes” qui a également impliqué des étudiants des écoles et des universités. Craignant que le mouvement ne devienne incontrôlable, le PiS avait décidé de placer le projet de loi interdisant l’avortement au “frigo” parlementaire.
Le PiS a toutefois décidé de revenir à la charge contre le droit à l’avortement en exploitant cyniquement les restrictions en matière de pandémie qui empêchent les rassemblements publics de plus de cinq personnes. La colère est d’autant plus forte que cet arrêté, rendu par la Cour constitutionnelle inféodée à Kaczyński, intervient à un moment où la pandémie échappe à tout contrôle avec plus de 16.000 nouvelles contaminations en Pologne chaque jour. Mais si le PiS pensait pouvoir introduire cette interdiction avec un minimum d’agitation, il a sérieusement sous-estimé la sensibilité à ce sujet dans le pays. L’éruption de colère est similaire au lâcher d’une bombe dans un volcan en sommeil. Le mouvement est beaucoup plus large aujourd’hui, avec des protestations beaucoup plus importantes et plus furieuses qu’il y a quatre ans, en particulier dans les petites villes.
La jeunesse et dans la rueTout comme il y a quatre ans, la jeunesse est fortement impliquée dans la mobilisation, des étudiants d’université mais aussi des écoliers. Mais cette fois, la colère dirigée contre le PiS, l’Église catholique et le parti d’extrême droite Konfederacja a atteint un point d’ébullition. De plus, il s’agit d’un mouvement beaucoup plus important et spontané qu’il y a quatre ans. Bien que les groupes Facebook qui organisaient les manifestations il y a quatre ans soient les mêmes, sur le terrain, il n’y a ni organisateurs, ni orateurs, et personne ne sait où va chaque manifestation ni combien de temps elle va durer.
Il y a quatre ans, les libéraux de la Plateforme civique et du KOD (Comité pour la défense de la démocratie) ont réussi à se placer à la tête du mouvement et à faire taire les voix les plus radicales, allant jusqu’à expulser les manifestants qui avaient des slogans “vulgaires” sur leurs pancartes ou qui exigeait le droit à l’avortement à la demande. Les organisations politiques de gauche avaient même été interdites de distribuer des tracts lors de nombreuses manifestations.
Ici, le niveau de colère est tel que le slogan central est désormais “Wypierdalać !”. (F**k off !). Un autre slogan populaire, mais plus subtil, est “J’aimerais pouvoir avorter de mon gouvernement”. Il est clair que les manifestants ne veulent pas simplement abroger la décision de la Cour constitutionnelle : ils veulent se débarrasser du gouvernement Droit et Justice et de la hiérarchie de l’Église corrompue qui domine l’État.
Une grève “des femmes” a été appelée pour le mercredi 28 octobre. Alternatywa Socjalistyczna (la section polonaise d’Alternative Socialiste Internationale) et sa campagne féministe socialiste ROSA Polska appellent les syndicats à se prononcer clairement contre l’interdiction de l’avortement, à soutenir activement la grève de mercredi et à se préparer à une grève générale d’une journée sur cette question. Nous demandons également à tous les élèves et étudiants d’abandonner leurs cours à distance mercredi, de manifester leur opposition et de s’organiser. Nous invitons les étudiants et les élèves à créer des comités de lutte démocratiques autour de leurs classes, de leurs écoles et de leurs universités.
Nous ne luttons pas seulement contre l’attaque actuelle contre le droit à l’avortement. Nous exigeons le droit des femmes à pouvoir choisir et décider dans toutes les situations par l’avortement et la contraception sur demande, sans questions, gratuit, libre et facile d’accès. L’influence des fondamentalistes religieux doit être retirée de l’État, des services de santé et des écoles.
Nous revendiquons une augmentation massive du budget de la santé pour lutter contre la pandémie de COVID-19 et pour améliorer les droits reproductifs des femmes. Nous exigeons que la garde des enfants soit gratuite. Nous exigeons une augmentation massive de l’allocation pour les parents d’enfants et d’adultes handicapés. Nous exigeons la séparation de l’Église et de l’État. Nous refusons l’enseignement religieux dans les écoles et exigeons qu’il soit remplacé par une éducation sexuelle dispensée par des éducateurs spécialisés correctement formés. Enfin, ce gouvernement de droite fondamentaliste religieux doit être renversé : il faut avorter du gouvernement PiS et du système qu’il représente. Mais nous ne devons pas nous arrêter là, pour que les femmes aient vraiment le choix, nous devons considérablement améliorer les conditions sociales et nos conditions de vie, ce qui nécessite une transformation socialiste de la société.
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Pologne : Le report de la loi anti-avortement nous donne le temps de nous préparer

Nous ne savons pas quand ces projets de loi seront effectivement discutés, mais s’ils le sont à la fin ou après la fin de le confinement, cela signifie que nous devons nous préparer à un été très chaud dans les rues – en luttant pour nos droits.
Le Sejm vient d’envoyer le projet de loi sur l’interdiction de l’avortement et d’autres projets de loi de droite aux commissions parlementaires pour qu’elles poursuivent leurs travaux, malgré le fait que le PiS dispose de la majorité et de circonstances favorables pour faire passer des lois anti-femmes sans résistance de la rue.
Nous ne savons pas quand ces projets de loi seront effectivement discutés, mais s’ils le sont à la fin ou après la fin de le confinement, cela signifie que nous devons nous préparer à un été très chaud dans les rues – en luttant pour nos droits.
Il est temps de discuter des droits reproductifs que nous voulons et de l’éducation sexuelle que nous voulons dispenser à l’école. ROSA Polska défend le droit à l’avortement légal sur demande, à des soins gynécologiques complets entièrement pris en charge par le fonds national de santé, ainsi qu’à une éducation sexuelle couvrant, entre autres, la différence entre le sexe et le genre et la notion de consentement.
Nous pensons que ces droits ne peuvent être effectifs sans les ressources nécessaires pour les rendre accessibles à tout le monde – c’est-à-dire que nous avons besoin de plus de ressources pour les services publics tels que les soins de santé, l’éducation et les services sociaux afin de garantir à la fois des ressources matérielles décentes dans ces secteurs et une rémunération décente pour les travailleurs publics. ROSA Pologne soutient pleinement les récentes luttes du personnel enseignant et des travailleuses et travailleurs sociaux et les demandes continues du personnel hospitalier.
Nous tenons à remercier tous les militantes / militants et alliées / alliés internationaux de ROSA et d’ISA qui ont répondu à notre appel à la solidarité, en provenance de 15 pays sur les 5 continents.
Nous avons besoin d’un féminisme qui se bat non seulement pour l’adoption de lois au parlement mais aussi pour des changements fondamentaux dans la société, pour des moyens d’appliquer nos droits et pour une vie meilleure pour des millions de femmes. À cette fin, nous devons lutter contre le capitalisme – un système qui divise les gens en classes et perpétue les inégalités. C’est le sens du féminisme socialiste. Contactez-nous si vous êtes d’accord !
#nieZamkniecieNamUst #ROSAPolska #piek?okobiet #NoAbortionBanPoland #LegalnaAborcja #SocjalistycznyFeminizm

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Pologne : Le droit à l’avortement attaqué en plein confinement

La restriction de l’accès à l’avortement est à l’ordre du jour du parlement pour le 15 avril
Depuis 1993, l’avortement est légal en Pologne uniquement en cas de viol (dans les 12 semaines), de danger pour la santé ou de la vie de la personne enceinte ou encore de malformation ou de maladie incurable du fœtus.
Par Adriana Kaczmarek, Alternatywa Socjalistyczna (section d’Alternative Socialiste Internationale en Pologne)
Le projet de loi qui sera discuté le 15 avril vise à restreindre davantage le droit existant en supprimant la possibilité d’avortement dans ce dernier cas, que les anti-choix appellent “avortement eugénique”. En fait, il y avait certainement un élément d’eugénisme dans les intentions de ceux qui ont rédigé la loi de 1993 : si l’interdiction de l’avortement leur a permis d’obtenir le soutien de l’Église catholique, dont le poids dans la société était essentiel pour faire accepter le retour du capitalisme, la société qu’ils construisaient n’est pas conçue pour assurer une vie décente à tous en fournissant les moyens nécessaires à la santé et à l’éducation des personnes handicapés. Mais une personne enceinte devrait être la seule à décider de mener sa grossesse à terme ou non, sans que la société ne lui demande ses raisons et ne détermine si elles sont valables ou non.
Ce n’est pas la première fois que des propositions visant à limiter davantage les droits génésiques sont discutées au Parlement polonais. En 2016, il était même prévu de limiter le droit à l’avortement au cas de danger pour la vie de la personne enceinte, et d’introduire des peines de prison allant jusqu’à 5 ans pour les femmes qui ont recours à l’avortement clandestin. Un mouvement considérable a fait reculer les conservateurs, culminant avec une journée de “grève des femmes”. Depuis lors, des attaques de moindre envergure contre les droits des femmes ont régulièrement eu lieu, par exemple pour restreindre l’accès à la pilule du lendemain.
Le gouvernement PiS a été élu en défendant une politique réactionnaire qui fait appel à la couche catholique plus conservatrice, mais aussi et surtout grâce à des promesses sociales telles que l’introduction d’allocations familiales (500 zl ou 110 euros par mois et par enfant), une amélioration significative pour de nombreuses familles. Mais malgré leur rhétorique pro-famille et soi-disant protectrice des enfants, les demandes des enseignants et des travailleurs sociaux ne sont pas satisfaites, les crèches et jardins d’enfants publics sont en pénurie, et maintenant la crise du coronavirus est le prétexte pour faire passer une loi “anti-crise” qui allonge le temps de travail, réduit le temps que les travailleurs peuvent passer avec leur famille et aggrave les problèmes de garde d’enfants.
Le 15 avril, un autre projet de loi est en discussion, “pour la protection des enfants et des jeunes contre la dépravation et la démoralisation sexuelles” (la prochaine discussion à l’ordre du jour est de permettre aux parents d’emmener leurs enfants à la chasse). Il s’agit d’un “projet de loi citoyen” pour l’interdiction de l’éducation sexuelle. Derrière la pétition soumise au Parlement, il y a une campagne homophobe horrifiante qui met sur le même plan l’éducation sexuelle, les abus sexuels d’enfants et les personnes LGBT. Ceci dans un contexte d’homophobie croissante où un quart du territoire polonais a été déclaré “zone libre d’idéologie LGBT” par ses représentants élus, et où un archevêque a récemment déclaré que “le coronavirus n’est qu’une des menaces actuelles, pas la pire, il y a aussi les guerres et l’idéologie de genre”.
Ces derniers temps, les femmes polonaises se sont mobilisées avec plus ou moins de succès contre toute atteinte aux droits reproductifs, réclamant la légalisation de l’avortement et un meilleur accès à la contraception. Mais cette fois-ci, le confinement semble donner libre cours aux conservateurs. De même, le Pride and Queerowy Maj (May Queer, une série d’événements pour les droits des LGBT en Pologne) a dû être annulé.
Dans ce contexte, Alternatywa Socjalistyczna, section polonaise d’Alternative Socialiste Internationale, a décidé de lancer la campagne ROSA en Pologne. Les luttes de ces dernières années ont montré que nous ne pouvons pas compter sur les politiciens bourgeois pour nous obtenir des droits reproductifs, mais aussi que le système économique capitaliste ne peut pas garantir aux femmes le droit de choisir elles-mêmes.
En Pologne, ROSA fait campagne pour le droit à l’avortement gratuit à la demande, pour la contraception gratuite et le libre accès à celle-ci, y compris pour les mineurs, pour l’éducation sexuelle dans toutes les écoles couvrant toutes les orientations, pour des crèches et des jardins d’enfants en nombre suffisant, tout en liant ces revendications à la lutte pour la défense des services publics et pour un logement et des salaires décents.
Notre tâche historique est de remplacer le système capitaliste anti-travailleurs et anti-femmes établi en 1989 avec le soutien de l’Église catholique par une société socialiste qui offre une vie décente et des droits démocratiques complets à tous.

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[INTERVIEW] Les postiers polonais s’organisent au milieu de la crise du Covid-19
Interview de l’initiateur du nouveau Comité de Grève des Postiers Par En-Bas, qui est également membre d’Alternatywa Socjalistyczna (section polonaise d’Alternative Socialiste Internationale) Alors que l’épidémie de coronavirus fait rage en Pologne et que les services de santé sont en train de s’effondrer, le gouvernement polonais du PiS (Droit et Justice) veut maintenir à tout prix l’élection présidentielle du 10 mai. Face au refus des gouvernements locaux de coopérer à l’organisation des élections, le gouvernement PiS prévoit maintenant d’utiliser l’armée territoriale et les travailleurs postaux pour les tenir quand même.
Face à cette situation, les postiers polonais ont mis en place un comité de grève de la base afin d’obtenir le soutien nécessaire à une grève des postiers. Ils réclament :
- 1000 z? (220 euros) d’augmentation de salaire pour tout le personnel d’exploitation.
- L’annulation des élections présidentielles
- La fermeture de tous les bureaux de poste et des centres de distribution et d’expédition pendant la durée de l’épidémie, avec une rémunération de 100 %.
Nous avons parlé à l’initiateur du Comité de Grève Par En-Bas, un travailleur postal qui est membre d’Alternatywa Socjalistyczna.
Quelle est la situation actuelle des postiers ? Quels sont les problèmes et les dangers auxquels vous êtes confrontés ?
Le conseil d’administration de la poste polonaise annonce en grande pompe dans les médias qu’il se soucie de la sécurité des employés, les heures d’ouverture et de fermeture des bureaux de poste ont été raccourcies à juste titre et leur accès a été restreint en limitant le nombre de personnes pouvant se trouver dans le bureau de poste en même temps, mais avec cette solution, des milliers de bureaux de poste ont mis leurs employés en congé forcé, violant ainsi les droits des employés. De même pour les mesures de protection telles que les masques, les liquides désinfectants, les gels pour les mains et les gants de protection – leur nombre est encore insuffisant, car des centaines de bureaux de poste signalent qu’ils n’en sont pas du tout équipés ou qu’ils en ont si peu qu’ils suffisent pour plusieurs jours tout au plus.
À ce jour, plusieurs postiers ont été infectés par le coronavirus et plus d’une centaine d’entre eux sont en quarantaine. Les travailleurs postaux craignent pour leur propre santé, ainsi que pour celle de leurs familles et de leurs clients, et leur peur s’est encore accrue après que le gouvernement a annoncé son intention de tenir l’élection présidentielle par vote postal.
Dans quelle mesure est-il possible de mener l’élection présidentielle par vote postal, comme le PiS insiste pour le faire ?
Il n’était pas possible de tenir des élections par correspondance en respectant à la lettre le code électoral, car cela aurait nécessité des forces que la Poste polonaise n’a tout simplement pas; c’est pourquoi le parti PiS a modifié le code électoral de manière à faciliter cette tâche. En cours de route, le parti PiS a forcé le précédent président de la Poste polonaise à démissionner, car il a remis en question la logique de l’organisation d’élections par vote postal. Cependant, malgré le changement des règles, l’élection par vote postal restera une tâche difficile à accomplir et tout se passera à la limite des capacités humaines et organisationnelles de l’entreprise. Il faudra travailler jusque tard dans la nuit. Étant donné que des milliers de bureaux de poste falsifient leurs registres de temps de travail en n’enregistrant pas les heures supplémentaires, de nombreux postiers effectueront ce travail gratuitement. Ils sont également menacés par la loi dite “anti-crise” grace à laquelle la poste polonaise pourra allonger la journée de travail à 12 heures pour chaque employé et réduire le temps de repos quotidien de 11 à 8 heures. En outre, le nouveau mode de vote par correspondance crée des conditions propices à la fraude électorale puisque les documents électoraux seront jetés dans les boîtes aux lettres de leurs destinataires. De nombreux ménages n’ont pas de boîte aux lettres du tout, et les boîtes aux lettres de nombreux immeubles sont en mauvais état ou tellement endommagées que tout le monde y a accès.
Que font les syndicats dans cette situation ? Défendent-ils la santé et la sécurité des travailleurs postaux ?
Tous les syndicats sont à la traîne de l’état d’esprit des postiers. Lorsque les travailleurs ont demandé la fermeture de tous les bureaux de poste, les bureaucrates syndicaux ont seulement exigé que certains services soient restreints. Sans attendre que la bureaucratie syndicale se bouge, une pétition a été envoyée au ministère compétent à mon initiative, dans laquelle les travailleurs postaux, en raison de la propagation de l’épidémie de coronavirus, demandaient la fermeture de tous les bureaux de poste et centres de tri pour une période de deux semaines, avec le droit de conserver 100 % de leurs salaires. Plus de 2 000 employés ont signé la pétition dans les trois jours. La réponse a été négative, car selon le ministère, la poste polonaise est trop importante pour la continuité opérationnelle de l’État et ne peut être fermée, et il a été ajouté que la direction de la poste polonaise est exemplaire dans son souci de la sécurité des employés. Mais bien que la Poste polonaise soit considérée comme nécessaire au fonctionnement de l’Etat, le gouvernement ne veut pas renoncer a la commercialisation de cette société.
Après que les syndicats se soient enfin remis du choc du coronavirus en Pologne, ils ont commencé à exiger une sécurité accrue pour les travailleurs de la poste, mais ils n’ont pris aucune mesure décisive à cette fin, rien n’a été fait, si ce n’est l’envoi de lettres au conseil d’administration. En revanche, la revendication d’une prime supplémentaire pour les employés travaillant dans le contexte de l’épidémie, qui avait été formulée par les employés dès le début, n’a été présentée qu’au bout d’environ deux semaines. En ce qui concerne les élections présidentielles par correspondance, seul le syndicat pro-gouvernemental Solidarno?? est favorable à leur tenue. Selon la bureaucratie de ce syndicat, malgré le l’absence initiale des mesures de sécurité nécessaires, la direction de la poste polonaise a réussi à maîtriser complètement le problème, et puisque le danger est passé, les élections par vote postal peuvent se tenir. Le deuxième syndicat, de la confédération OPZZ, est modérément critique à l’égard des élections postales et appelle au dialogue et au report des élections. Mon syndicat n’a pas encore exprimé officiellement son opinion à ce sujet, mais le sentiment général est l’opposition aux élections par correspondance.
Quel est l’état d’esprit des travailleurs postaux ? Quel est le degré de soutien à une grève ?
Les travailleurs sont en colère, ils ne veulent pas risquer leur santé ou leur vie. La revendication la plus populaire parmi le personnel est donc de fermer tous les bureaux de poste, mais aucun syndicat n’osera présenter une telle demande. La tourmente des élections postales a encore exacerbé l’ambiance à tel point que les gens osent de plus en plus parler de grève. À mon initiative, le Comité de Grève des Travailleurs Par En-Bas a été créé, qui a rassemblé jusqu’à présent environ 200 employés de 25 bureaux de poste et d’autres départements de l’entreprise. La perspective dominante du groupe est la volonté de créer un nouveau syndicat. La deuxième perspective, moins populaire mais possible, est d’adhérer au syndicat WZZPP (Syndicat libre des travailleurs des postes).
Comment voyez-vous la voie à suivre ?
En ce qui concerne le Comité de Grève Par En-Bas, mon objectif est de travailler au renforcement du WZZPP et d’utiliser la pression du Comité de grève pour faire évoluer le WZZPP vers une position encore plus à gauche et plus combative. Actuellement, le Comité de Grève Par En-Bas et le WZZPP parlent d’unification. Le renforcement du WZZPP et son évolution vers la gauche bénéficieront à tous les travailleurs postaux et constitueront un pas vers l’organisation d’une grève. Cette orientation se justifie également par le fait que le WZZPP est actuellement le seul syndicat qui pourrait s’opposer aux syndicats représentatifs bureaucratiques et conciliateurs. Cependant, si les postiers membres du Comité de Grève Par En-Bas insistent pour former un nouveau syndicat, il sera de mon devoir et de ma tâche de les aider à atteindre cet objectif.
Le gouvernement insiste sur la tenue d’élections par voie postale; le nouveau président de la poste polonaise devra donc briser la résistance des syndicats et des travailleurs eux-mêmes. L’épidémie de coronavirus se renforce et devient de plus en plus dangereuse, l’humeur des travailleurs de la poste se radicalise, et donc la résistance des travailleurs va également augmenter. Les deux ou trois prochaines semaines seront décisives.
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Pologne. Suspension de la décision d’arrêter le haut fourneau d’ArcelorMittal à Cracovie

Par Kacper Pluta, membre d’Alternatywa Socjalistyczna (CIO – Pologne), ouvrier d’ArcelorMittal Poland (AMP) et membre du syndicat NSZZ Pracowników AMP (capacité personnelle)
Depuis quelques mois, les métallurgistes de la partie matières premières de l’usine cracovienne vivaient dans l’incertitude de l’avenir de leur lieu de travail (voir notre précédent article relatif à ce sujet). Depuis qu’en mai, la direction avait annoncé la fermeture du haut fourneau et de l’aciérie, il y avait un mur de silence – la direction ne donnait aucune information concrète sur l’avenir de l’activité. Alors que la date de fermeture se rapprochait inexorablement, les travailleurs ne savaient pas où ils seraient envoyés travailler (s’ils n’étaient pas mis au chômage), s’il existait des conditions susceptibles d’annuler cette décision et, si oui, lesquelles. Etc. Enfin, à peine un mois avant la fermeture prévue, le lendemain de la manifestation d’ouvriers organisée devant le siège de la direction d’ArcelorMittal Poland (AMP), les médias ont été informés que la société retardait indéfiniment la décision de fermeture.
Manifestation le 24 juillet
Pendant plusieurs semaines, les employés d’AMP attendaient que les organisations syndicales agissent contre la fermeture des matières premières. Les lents rouages de la machine syndicale se sont finalement mis en mouvement sous la forme d’une manifestation organisée devant le siège de l’AMP à D?browa Górnicza. Les ouvriers de l’aciérie cracovienne ont pris au sérieux l’appel à se mobiliser, remplissant 17 autobus au départ de l’usine de Cracovie. Environ 1000 personnes ont pris part au piquet, soit près du tiers des travailleurs de Cracovie, alors que c’était un jour de travail et une manifestation hors de la ville. Les usines de métallurgie de Sosnowiec, Ostrowiec wi?tokrzyski ou Cz?stochowa ont apporté leur soutien. Pendant les discours des dirigeants syndicaux (représentant les trois syndicats principaux: NSZZ Pracowników (OPZZ), Solidarno?? et Solidarno?? 80, plus des syndicats locaux plus petits), le refus de la fermeture du haut fourneau et de l’aciérie a été souligné. Dans la manifestation, l’ambiance était à la colère et à la frustration ; les dirigeants syndicaux ont eu du mal à contrôler certains manifestants.
Nous sommes les otages de l’entreprise
Le lendemain, la direction d’AMP a annoncé une suspension temporaire de la décision de fermeture du haut fourneau.
Parmi les ouvriers cependant, l’ambiance n’est pas à la célébration. Malgré le ton de propagande victorieux des déclarations des organisations syndicales, les employés se rendent compte que ce n’est ni leur mobilisation ni la “lutte” des syndicats qui ont été décisifs dans le revirement de l’AMP. Le sentiment dominant est un léger soulagement parce que nous savons où et dans quelles conditions nous travaillerons au cours des prochains mois, mais aussi la frustration que la société utilise le secteur des matières premières de Cracovie en otage dans sa compétition avec le gouvernement polonais.
Les « conditions du marché », dont la direction parlait en mai, ont-elles soudainement changé ? La politique de l’État a-t-elle changé en termes de prix de l’électricité et d’industries à forte intensité énergétique? La CE a-t-elle donné des garanties à Mittal en ce qui concerne les modifications des taxes d’émission de CO2? Les coûts de fonctionnement du secteur matières premières de Cracovie ont-ils changé (prétendument les plus élevés d’Europe, selon les comptes douteux de l’entreprise)? Ce sont des questions rhétoriques, auxquelles ni les ouvriers ni le public ne reçoivent de réponses. Les métallurgistes de Cracovie sont constamment bombardés de signaux contradictoires et de décisions apparemment illogiques des capitalistes : d’une part, maximisation de la production et investissements importants (rénovation du haut fourneau, investissements écologiques, nouveau laminoir…), de l’autre, gel de l’émbauche, fin de la collaboration avec les sous-traitants, annonce d’une énorme coupe de la production…
L’avenir du secteur matières premières, mais aussi de la métallurgie en général, reste incertain. Les difficultés économiques invoquées par Mittal pour justifier la fermeture du four n’ont pas disparu: la guerre commerciale et la crise énergétique et climatique se poursuivent. Le propriétaire peut jouer cette carte à tout moment, que ce soit pour liquider l’usine de Cracovie (et pour, par exemple, délocaliser les machines de nouvelles installations) ou – ce qui semble particulièrement probable – pour geler les augmentations de salaire et autres revendications des travailleurs. Les syndicats doivent se concentrer sur ces problèmes. Attiser l’auto-satisfaction ne nous aidera pas à défendre l’usine ni à nous battre pour des salaires plus élevés et de meilleures conditions de travail. Nous avons besoin d’un syndicat militant et démocratique pour ces tâches!
Finissons-en avec le chantage capitaliste
ArcelorMittal est le plus grand producteur d’acier au monde. Cela lui confère un pouvoir énorme et la capacité de mettre en échec les gouvernements d’un Etat, voire du continent entier. En Europe, des dizaines de milliers d’emploi dépendent du bon vouloir de cette entreprise. Dans la situation économique mondiale actuelle, la société utilisera bien sûr sa position pour contraindre les gouvernements à mener une politique qui leur est favorable : l’octroi d’un soutien de plusieurs milliards de dollars provenant de fonds publics ou la poursuite d’une politique économique plus protectionniste par les gouvernements européens. Ces mesures serviraient principalement à remplir davantage les caisses des milliardaires. Malheureusement, les représentants des syndicats sont aussi partiellement capables de reprendre ces arguments et de les répéter sans discernement. Au cours du rassemblement, un militant de Solidarno?? a même vanté la politique de la guerre des douanes menée par Trump… Financer des milliardaires avec de nouveaux fiscaux et protéger leurs marchés à l’aide de l’appareil douanier et fiscal de l’Etat ne font que renforcer notre dépendance à l’égard du monde des grandes entreprises. Cela ne signifie pas que nous sommes contre le protectionnisme quelle que soit la situation, mais il faut se demander à quoi il va servir ? Réduire les importations d’acier et accroître le rôle de la production nationale dans la consommation intérieure seraient souhaitables à bien des égards si c’était dans l’intérêt de la société et non des capitalistes : la production sur site réduit les coûts environnementaux liés au transport et permet potentiellement un meilleur contrôle des conditions de production, de son impact environnemental, etc…
Dans le même temps, nous devrions essayer de lier notre lutte aux ouvriers métallurgistes d’autres pays, en particulier aux travailleurs d’ArcelorMittal en Europe – seule la solidarité internationale peut nous donner la possibilité de résister au dumping salarial et à la mise en concurrence des ouvriers.
Sauvons la métallurgie
Comme l’a dit à juste titre un syndicaliste lors de la manifestation: “Ce n’est pas nous qui avons causé cette crise, mais seulement ceux qui dirigent le monde. Ils gagnent de la crise, et nous l’avons dans le… » Transformons cette constatation en un programme concret de sauvetage de la métallurgie dans l’intérêt de ceux qui y travaillent et de la majorité de la société. Alternatywa Socjalistyczna propose de discuter autour des revendications suivantes :
• Abolition du secret commercial; contrôle des finances par les représentants des travailleurs
• Renationalisation de la métallurgie sous le contrôle des ouvriers
• Au lieu de la bourse du carbone, investissements publics massifs dans les énergies propres et la recherche sur la réduction des émissions de CO2
• Planification économique démocratique au lieu des crises et du chaos du capitalisme -
Pologne. ArcelorMittal annonce l’abandon de la production à Nowa Huta. Préparons-nous à défendre les emplois!

La direction du géant mondial de l’acier ArcelorMittal a annoncé par voie de presse ainsi que lors d’une assemblée générale des employés de l’aciérie COS de Cracovie la fermeture temporaire de la partie matières premières de l’aciérie, à compter de septembre, sans annoncer de date de fin. Cela signifie l’extinction du haut fourneau et par conséquent l’arrêt de la production de l’aciérie de conversion et des aciéries COS (coulée continue). Cela concerne 1200 ouvriers sur un total de 4000 a l’acierie de Cracovie.
Par Kacper Pluta, métallurgiste, Alternatywa Socjalistyczna (section polonaise du Comité pour une Internationale Ouvrière)
La direction du groupe justifie cela par la crise de surproduction sur le marché de l’acier, par la guerre commerciale dans laquelle les producteurs européens sont perdants et par des coûts de production élevés en Pologne (causés par les prix élevés de l’énergie et les coûts d’émission de CO2).
L’arrêt de la production entraînera une chute radicale de la demande de main-d’œuvre dans le departement concerne. À l’heure actuelle, aucun plan de licenciement n’a été annoncé. Selon les déclarations préliminaires du responsable, les employés seraient transférés dans d’autres unités (notamment dans l’aciérie de Katowice) ou seront mis au chomage technique (sans qu’un travail ne soit assuré et avec une réduction significative de la paie). Toutefois, des licenciements ont déjà été annoncés chez des sous-traitants, de même qu’une modification du calendrier des investissements prévus. On ne sait pas encore s’il y aura des mises à pied pour les travailleurs intérimaires.
Beaucoup de travailleurs s’inquiètent de savoir si la production reviendra un jour dans l’usine. Ces craintes sont justifiées au regard de la manière dont ArcelorMittal a déjà fonctionné avec des sites similaires en Europe occidentale, à Liège par exemple. La décision de suspendre la production à Nowa Huta est également critiquée par de nombreux travailleurs en raison des investissements de plusieurs millions d’euros réalisés au cours de ces dernières années – rénovation du haut fourneau, investissements dans la protection de l’environnement, construction d’un nouveau laminoir à chaud (prétendument le plus moderne d’Europe). On soupçonne également que l’entreprise souhaite obtenir des « cadeaux » du gouvernement sous la forme de remises d’impôts spéciales ou d’un tarif particulier pour l’énergie.
Nowa Huta et son industrie ont déjà subi une thérapie de choc par le passé. Lors de la privatisation, l’emploi dans cette usine a chuté de 90% – des réductions de budgets drastiques ont également été requises par l’Union européenne. Au fil des ans, l’emploi a diminué et l’âge moyen des travailleurs en activité a augmenté. Les métallos n’ont été recrutés que très lentement et la plupart en tant qu’intérimaires. Les métallurgistes se voient à nouveau confrontés au spectre de la mort industrielle et de l’effondrement du savoir technique.
Et ensuite?
A un stade aussi précoce, il est difficile de planifier exactement la tactique de défense des emplois, alors que la société affirme qu’il n’y aura pas de licenciement et qu’elle a l’intention de continuer de produire de l’acier. Il ne faut pas la croire comme ça. L’évolution future des événements dépendra de plusieurs facteurs, notamment de la situation économique en Europe et dans le monde. Si la crise de surproduction s’avère devenir un gouffre lors de la prochaine vague de crise économique du capitalisme européen, alors nous pourrons oublier les déclarations d’ArcelorMittal. Les syndicats doivent dores et déjà se préparer à se battre pour les emplois. À notre avis, cette lutte sera plus efficace si un front commun engage le plus grand nombre possible de travailleurs – y compris les non syndiqués – sur la base des points suivants:
1) Les travailleurs doivent avoir accès aux finances du groupe. Nous n’avons aucune raison de croire les déclarations de la direction: l’usine de Cracovie a-t-elle vraiment la production la plus chère du continent? La poursuite de l’exploitation des aciéries de Cracovie a-t-elle vraiment une justification économique et environnementale basée sur le transport des dalles d’acier depuis Katowice, à 80 km, plutôt que depuis COS située à une centaine de mètres? Il est crucial que les travailleurs procèdent à un audit des finances.
2) La renationalisation des aciéries sous le contrôle des salariés. Si ArcelorMittal n’est pas intéressée par la poursuite de la production et veut gaspiller des centaines de millions d’investissements et d’inestimables ressources humaines sous la forme de travailleurs expérimentés, nous devrions exiger du gouvernement qu’il prenne le contrôle de l’entreprise. Bien sûr, de nombreux travailleurs se méfieraient des bureaucrates du gouvernement / du parti dans la fabrication de l’acier, si celle-ci est guidée par la logique capitaliste, encline au népotisme, à la corruption, etc. Le modèle de gestion auquel nous devrions nous attacher est donc le contrôle des travailleurs sur la production et les divers aspects de l’exploitation. Les travailleurs sont ceux qui connaissent le mieux ses problèmes.
3) Solidarité interentreprises, interprofessionnelle et internationale! Nous devons unir les équipes de travailleurs des grandes usines d’acier, mais aussi celles qui ne sont pas touchées par les mesures d’ArcelorMittal. Ce sera une tâche difficile. Certains travailleurs de Katowice (D?browa est la ville a cote de Katowice ou se trouve l usine) ou de Zdzieszowice ou même la cokerie de Cracovie respirent avec soulagement au vu du fait que cette turbulence ne les frappe pas pour l’instant. Mais nous devons les convaincre qu’il faut être unis pour faire face aux problèmes d’aujourd’hui à Nowa Huta, ces derniers pourraient devenir leurs problèmes à eux à l’avenir. Il nous faut également renforcer la solidarité avec les autres industries, à l’image de ces nombreuses industries qui ont soutenu la récente grève des enseignants. Il est également nécessaire de renforcer le soutien de la communauté locale de Nowa Huta, etc. Enfin, les problèmes d’ArcelorMittal s’étendent – à l’instar du groupe lui-même – à de nombreux pays. Selon les informations préliminaires, des mesures similaires auraient également lieu dans l’usine espagnole. La direction essayera de monter les travailleurs des différents pays les uns contre les autres. C’est pourquoi nous devons nouer des contacts avec nos collègues à l’échelle internationale.
La dernière question à traiter est le contexte général de la crise économique et de la crise climatique. Aucun pays n’est une île isolée et la nouvelle vague de crise mondiale aura un impact considérable sur l’économie polonaise – le ralentissement de l’économie allemande entraîne déjà une crise de l’industrie polonaise.
Le capitalisme se caractérise par des crises récurrentes et les métallurgistes le savent parfaitement, ils ont l’habitude d’entendre parler du « manque de climat propice aux affaires », de « la mauvaise situation du secteur », etc. Le capitalisme n’a pas de solution durable aux crises économiques, tout comme à la crise environnementale. Le système de taxation des émissions de carbone n’améliore pas l’environnement mondial ni ne réduit les émissions de gaz à effet de serre; il ne fait que déplacer le problème d’un pays à l’autre, ce qui génère également des problèmes pour les économies périphériques telles que la Pologne (liées à la hausse des prix de l’énergie).
Nous devons tenir compte de ces questions lors de l’élaboration de notre stratégie de lutte pour l’emploi. Par conséquent, à côté de la nationalisation sous le contrôle des travailleurs, nous proposons ce qui suit:
- au lieu du système d’échange de quotas d’émissions (European Emissions Trading System ou EU ETS), il faut des investissements massifs dans des travaux publics utiles, destinés au public et à la demande interne croissante (y compris d’acier); en particulier des investissements dans le développement d’énergies propres,
- des investissements dans la recherche sur les technologies permettant une production d’acier plus propre et une réduction des émissions de CO2.
Les crises, les guerres commerciales et les actions de grandes entreprises comme ArcelorMittal sont inhérentes au capitalisme; l’alternative est une société socialiste, non pas à l’image de la dictature bureaucratique stalinienne, mais une société où l’économie serait planifiée de manière rationnelle et démocratique dans l’intérêt de toute l’humanité.