Tag: Podemos

  • L’establishment pris de panique et bousculé par les nouvelles formations de gauche

    Mélenchon, lors de la marche de La France Insoumise du 23 septembre, à laquelle ont participé 150.000 personnes. Photo : Gauche Révolutionnaire

    Le 23 septembre, ce sont 150.000 personnes qui ont répondu à l’appel de la France Insoumise (LFI) pour défiler à Paris contre le ‘‘coup d’Etat social’’ de Macron ! Tandis que ce dernier voyait sa cote de popularité continuer de chuter, LFI arrivait largement en tête des formations citées comme première force d’opposition au gouvernement. ‘‘Je crois en la démocratie, mais la démocratie, ce n’est pas la rue’’, a réagi Macron, visiblement très agacé. A Paris, face à la gigantesque foule, Mélenchon lui a répondu : ‘‘C’est la rue qui a abattu les rois, les nazis, le plan Juppé et le CPE… (…) La bataille n’est pas finie, elle commence.’’

    Par Nicolas Croes

    La révolte dans les urnes

    En France et ailleurs, le paysage politique traditionnel fait face à un séisme inédit. Depuis le début de la crise, les partis traditionnels ont appliqué une politique fondamentalement identique: l’austérité. Electoralement, le prix à payer fut très lourd, tout particulièrement pour les partis sociaux-démocrates. Leur argument du ‘‘moindre mal’’ était usé jusqu’à la corde. Pour les différentes classes capitalistes nationales, aux profondes difficultés économiques s’ajoutait la crise de leurs instruments politiques privilégiés. Longtemps exception à la règle, même le PS d’Elio Di Rupo est maintenant touché.

    Pour l’establishment capitaliste, le pire était encore à venir : le processus de développement de nouvelles formations et courants de gauche a été accéléré. Le phénomène n’était pas neuf, mais le caractère durable de la crise a offert un soutien particulièrement large à des formations telles que SYRIZA et Podemos. SYRIZA est arrivé au pouvoir début 2015. Dans l’Etat espagnol, Podemos et les listes de confluence de gauche prenaient leur envol. Au Royaume-Uni, la direction du Parti travailliste a échappé à l’aile droite du parti. Leurs multiples manœuvres n’ont pas réussi à contenir l’arrivée massive et enthousiaste des centaines de milliers de jeunes et de travailleurs qui ont porté le vétéran de la gauche du parti Jeremy Corbyn à sa tête. De l’autre côté de l’Atlantique, Bernie Sanders a chamboulé les primaires Démocrates face à la candidate par excellence du monde de Wall Street, Hillary Clinton.

    Comment parvenir au changement

    Les formations et figures de gauche qui ont su exprimer audacieusement l’envie de changements radicaux ont pu compter sur un large écho. Après des décennies où la pensée unique néolibérale a pesé telle une chape de plomb, l’arrivée d’un programme même limité de réformes progressistes a semblé révolutionnaire aux yeux de beaucoup de personnes, même si le programme de ces nouvelles formations ne dépasse généralement pas le cadre de simples ajustements au système capitaliste. L’idée la plus en vogue est encore que le capitalisme pourrait être graduellement démantelé pour donner naissance à une société égalitaire, sans grandes précisions sur ce que pourrait bien être une telle société.

    De nos jours, c’est encore la classe capitaliste qui constitue la classe dominante. Cette classe sociale possède et contrôle les ressources économiques cruciales de la société (finance, grandes entreprises,…) et est liée à l’appareil d’Etat (justice, forces armées, échelons élevés de la fonction publique,…) par un millier de ficelles. L’Histoire a déjà démontré à maintes reprises que si la classe dominante sent que son pouvoir, sa richesse, et ses privilèges sont menacés, alors elle n’hésitera pas à recourir au sabotage économique ou même aux coups d’État militaires, comme cela s’est produit au Chili en septembre 1973.

    De plus, en cette période de crise de longue durée, les limites du réformisme sont bien plus rapidement atteintes que dans la période exceptionnelle d’après-guerre où existait également la pression de l’URSS. L’expérience de SYRIZA démontre que, aujourd’hui, la confrontation ou la capitulation avec le système capitaliste et ses institutions se posera très rapidement. Pour les créanciers et la classe capitaliste, il faut à tout prix éviter le risque de contagion politique qui pourrait naître d’une rupture avec la politique d’austérité. La plus importante était d’humilier SYRIZA et de décourager de nouvelles initiatives de gauche. Là où un certain espace de réformes progressistes a pu exister, comme au Venezuela, la fin des prix élevés du pétrole a rapidement entrainé la fin de diverses conquêtes sociales tandis que le pays s’enfonçait dans la crise politique et sociale. Au Venezuela, l’échec ne provient pas du socialisme, mais justement de l’absence de rupture socialiste avec le pouvoir du capital.

    Construire le mouvement

    Ces nouvelles formations de gauche représentent de véritables pas en avant pour débattre du programme, de la stratégie et des tactiques nécessaires à la prise du pouvoir par les travailleurs et la jeunesse. L’expérience de Syriza souligne l’intérêt fondamental d’adopter une approche révolutionnaire, c’est-à-dire de rompre avec les règles de la zone euro, de l’UE et du capitalisme. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une stratégie de confrontation reposant sur le refus du paiement de la dette publique, sur l’instauration d’un contrôle des capitaux, sur la propriété publique des banques et des autres secteurs-clé de l’économie sous contrôle démocratique des travailleurs, sur l’élaboration démocratique d’une planification de l’économie collectivisée pour répondre aux urgences sociales et écologiques laissées par le capitalisme.

    Afin de contrôler effectivement les leviers de l’économie, la collectivité doit les posséder. On ne contrôle pas ce que l’on ne possède pas. Il en va de même pour le mouvement social lui-même. Le meilleur moyen d’assurer que ce programme soit appliqué, c’est qu’il soit porté par la base. Pour cela, il faut construire un instrument politique: un parti de masse des travailleurs capable de réunir toute l’énergie du mouvement afin d’en faire une véritable force reposant sur le nombre. Il faut bien entendu donner une direction à cette force, et c’est là tout l’intérêt d’un programme. Pour le PSL, arracher de véritables changements signifie de viser à une transformation socialiste de la société. Chaque pas en avant est positif en soi, mais il doit toujours être conforme à cet objectif.

    #JoinTheWave : construire une campagne de gauche large et inclusive en Belgique ?

    En 2014, la gauche radicale est arrivée au parlement pour la première fois depuis les années ’80. Depuis lors, Les élus du PTB ont donné plus d’échos à un débat qui, jusque-là, était essentiellement limité aux lieux de travail et aux milieux militants. Aujourd’hui, les sondages laissent présager une percée bien plus importante.

    Avec son appel #JoinTheWave (rejoins la vague), le PTB vise à construire une large campagne autour du parti en disant que voter ne suffit pas, qu’il faut aussi s’organiser. Au-delà de la répartition de tâches pratiques auprès des bénévoles pour les campagnes électorales, l’appel #JoinTheWave pourrait opter pour une approche large et inclusive reposant sur l’action. Les campagnes de gauche qui ont connu les plus grands succès électoraux sont celles qui ont su susciter l’enthousiasme et la participation massive dans l’action. Dans l’Etat espagnol, Podemos a bénéficié du mouvement des Indignés. Aux Etats-Unis, il y a eu le mouvement Occupy avant Sanders. Ou encore les meetings et manifestations de masse autour de Corbyn en Angleterre et de Mélenchon en France.

    Cela pourrait ainsi ouvrir la voie à l’engagement actif de dizaines de milliers de personnes impliquées dans les mouvements syndicaux, de jeunesse, féministes, écologistes, antiracistes, pacifistes,… autour du PTB. Et comment mieux lancer une telle campagne que par le moyen d’une large mobilisation vers des débats publics dans toutes les villes, ouverts à toute personne désireuse de rejoindre ‘‘the wave’’, à titre individuel ou avec son parti, sa délégation syndicale, son association,… ? La création de ‘‘groupes d’appui’’ pourrait y être proposée, à l’instar de ceux de la France Insoumise. Ces groupes pourraient donner de l’élan aux campagnes électorales, mais aussi aux mobilisations sociales, comme c’est le cas des groupes d’appui de la France Insoumise.

    Si le PTB confirme les résultats des sondages en octobre 2018, la question de majorités progressistes au niveau local peut être rapidement posée. Cela exige que ces majorités locales précisent qu’elles ont l’ambition d’appliquer une politique fondamentalement différente. L’introduction immédiate pour tous les employés communaux d’une semaine de 30 heures de travail sans perte de salaire avec embauches compensatoires, le remplacement des contrats précaires par des statuts de fonctionnaire ou au moins des contrats à durée indéterminée, un programme massif d’investissements publics pour davantage de logements sociaux de qualité et énergétiquement neutres et, entretemps, assurer l’accueil pour tous les sans-abris ou ceux qui vivent dans la pauvreté, etc.

    Le PTB et les majorités progressistes entreront en collision avec la camisole financière dans laquelle les gouvernements régionaux et le fédéral maintiennent les communes. Dans les années 80’, le conseil municipal de Liverpool, en Angleterre, a trouvé la parade pour lancer son vaste programme d’investissements publics. Il a construit un front de résistance d’une vingtaine de municipalités de gauche. Et, via des grèves et des manifestations de masse, il a forcé le gouvernement Thatcher à céder un refinancement de la ville.

    Une initiative inclusive basée sur l’action peut permettre une préparation politique via des discussions ouvertes et démocratiques, mais aussi la défense et la popularisation d’un programme qui rend possible de parvenir à la victoire. Des propositions et mesures concrètes sont indispensables, mais un projet pour ce qu’il conviendra de faire si l’establishment essaie de nous étouffer l’est également ; un projet qui ne peut être que celui du véritable socialisme démocratique car les marges pour changer la politique n’existent pas sous le capitalisme.

  • Vers une recomposition du paysage politique en 2019

    Photo de Liesbeth

    Les résultats du sondage Dedicated Research, réalisé du 23 au 27 juin, ont été accueillis avec enthousiasme par de nombreux travailleurs et jeunes, y compris au camp d’été d’EGA et du PSL début juillet. Selon ce sondage, le PTB deviendrait le plus grand parti de Wallonie, progresserait fortement à Bruxelles et franchirait le seuil électoral en Flandre. Le PTB/PVDA deviendrait le plus grand groupe au Parlement fédéral avec 26 sièges, à pied d’égalité avec la N-VA. Cette recomposition du paysage politique pourra enflammer le parlement, orienter les débats politiques dans une direction différente et faire entendre la voix du mouvement des travailleurs bien au-delà du parlement.

    Par Eric Byl, édito de l’édition de septembre de Lutte Socialiste

    Ce n’était pas l’intention du MR quand il a commandé ce sondage. Il voulait mesurer l’impact électoral des scandales autour de Publifin et Samusocial, en espérant qu’il serait particulièrement mauvais pour le PS. C’est le cas, il plonge à 16%, la moitié de son résultat déjà médiocre de 2014. Mais ce n’est ni le MR (-2,6%) ni le CDH (-4,2%), dans les scandales jusqu’au cou, qui en bénéficient. Ecolo (+ 3,1%) et Défi vont de l’avant, mais c’est surtout le PTB et ses parlementaires au salaire d’un travailleur qui confirme et renforce la percée observée dans les sondages antérieurs.

    La fin de la stabilité

    Nous voyons ici encore que la conscience est habituellement en retard sur la réalité, qui ne progresse pas de manière linéaire mais par chocs, que l’histoire n’est pas le produit de l’évolution mais de la révolution en d’autres termes. L’époque où il était possible de masquer les contradictions de classe sur base de la croissance d’après-guerre est déjà loin. À cette époque, le parti interclassiste CVP pouvait encore se présenter comme l’architecte de la reconstruction, mais c’est devenu intenable au début des crises économiques en 1974-75 et cela explique les divisions politiques en Flandre. A la même période, la social-démocratie revendiquait la paternité de l’État-providence.

    Pendant longtemps, le PS semblait immunisé à la crise internationale de la social-démocratie. Il pouvait compter sur un réservoir de travailleurs combatifs qui étaient envoyés vers le PS par les dirigeants syndicaux et, en même temps, se profiler dans les gouvernements de coalition comme une opposition interne à la majorité flamande de droite. Il n’a pas été puni pour le clientélisme et l’enrichissement personnel, jusqu’à ce que Di Rupo dirige un gouvernement austéritaire et que le PTB, avec ses premiers élus, fournisse une alternative électorale à gauche.

    Ce sondage gêne également l’illusion développée par les dirigeants syndicaux selon laquelle le gouvernement Michel I serait presque automatiquement électoralement punis en 2019, après quoi la situation se ‘‘normaliserait’’ avec un gouvernement de centre-gauche. Au lieu de s’appuyer sur la force du mouvement des travailleurs, ils ont placé tous leurs espoirs dans leurs partenaires politiques traditionnels. Mais la N-VA prospère justement sur les frustrations créées par sa casse sociale. La repousser exige une force qui repose sur le mouvement unifié des travailleurs. Avec sa percée électorale, le PTB peut jouer un rôle important dans les deux régions du pays.

    Que Lutgen attendait son moment pour envoyer le cdH vers la droite, ce n’était pas vraiment une surprise. Le PS lui a offert cette opportunité sur un plateau d’argent. Avec la formation d’une majorité alternative de centre-droit en Wallonie, la reconduction du centre-droite au niveau fédéral est également plus palpable. C’est en soi une petite révolution que Michel ne doit pas à ses propres forces, mais à la faiblesse de l’opposition politique et sociale.

    Percée du PTB

    Mais, avec la progression du PTB, cette révolution est immédiatement éclipsée par une plus grande encore. Michel peut s’imaginer être premier ministre, peut prétendre que lui et son gouvernement ont créé des emplois et peut parler d’un printemps économique, tout cela est très fragile. La grande majorité de la population ne remarque rien, ou si peu, et croit que le gouvernement sert les riches et les classes moyennes supérieures. Le gouvernement a reporté l’équilibre budgétaire, mais il nous fera encore subir des économies considérables et une ‘‘réforme fiscale’’ favorable aux entreprises. Si à cela s’ajoute une nouvelle crise financière internationale, le ralentissement de la croissance européenne et, par conséquent, la baisse des exportations, ou encore une augmentation des taux d’intérêt sur la dette publique, cela causera des problèmes et le PTB pourrait encore accroitre son score électoral.

    Que le PTB mette en garde contre des attentes excessives est compréhensible. Mais une chance telle que celle-ci se présente rarement et si le PTB ne fait aucun effort pour la maximiser, l’élan peut passer. Les formules les plus réussies à l’étranger sont celles qui ont reposé sur des actions concrètes : Podemos en Espagne avec les Indignados, Sanders avec Occupy, Corbyn et Mélenchon avec des manifestations et meetings de masse. Ils ont généralement dû lutter contre la résistance des dirigeants syndicaux conservateurs qui ont soutenu Clinton, le PSOE espagnol et les adversaire de droite de Corbyn. Ce ne sera pas différent en Belgique.

    Chacun d’entre eux a opté, non pas sans opposition, pour une approche inclusive. La France Insoumise de Mélenchon a mis en place des groupes de soutien dans tout le pays, Podemos a participé à des listes de convergence de gauche aux élections locales, etc. Une approche tout aussi axée sur l’action et inclusive aidera le PTB à maximiser le potentiel présent. Le PSL a d’ailleurs soumis par écrit une proposition au PTB pour voir comment nous pouvons y aider, y compris en offrant des candidats au PTB pour les élections communales de 2018.

    Vers des majorités progressistes ?

    Il est vrai que le PTB n’est pas encore en mesure de ‘‘former un gouvernement qui entrera en collision avec les principes actuels de concurrence et de déséquilibre’’ et qui ‘‘à cette fin demandera le soutien actif de la population’’, comme l’écrit Peter Mertens. Mais si le PTB confirme les résultats des sondages en octobre 2018, la question de majorités progressistes au niveau local peut être rapidement posée. Elles pourraient servir de levier en faveur de l’idée d’un gouvernement majoritaire de gauche, un gouvernement des travailleurs, d’abord au niveau régional.

    Cela exige que ces majorités locales précisent qu’elles ont l’ambition d’appliquer une politique fondamentalement différente. L’introduction immédiate d’une semaine de 30 heures sans perte de salaire pour tous les employés communaux avec embauches compensatoires, le remplacement des contrats précaires par des statuts de fonctionnaire ou au moins des contrats à durée indéterminée, un programme massif d’investissements publics pour plus de logements sociaux, de qualité et énergétiquement neutres, et entre-temps assurer l’accueil pour tous les sans-abris ou ceux qui vivent dans la pauvreté, etc. Cela et bien d’autres mesures concrètes pourraient poser les bases d’une mobilisation massive de la population.

    Le PTB et les majorités progressistes entreront en collision avec la crise financière dans laquelle les gouvernements régionaux et le fédéral maintiennent les communes. La mobilisation et l’organisation autour d’une lutte pour exiger plus de moyens seront nécessaires, ainsi qu’une préparation politique via des discussions ouvertes et démocratiques, mais aussi la défense et la popularisation d’un programme qui rend possible de parvenir à la victoire. Des propositions et mesures concrètes sont indispensables, mais également un projet pour ce qu’il conviendra de faire si l’establishment essaie de se nous étouffer, un projet qui ne peut être que celui du véritable socialisme démocratique car sinon ‘‘les marges pour changer la politique’’ n’existe pas.

  • Etat espagnol : Pour un Podemos orienté vers la lutte et la transformation sociale

    L’Assemblée Citoyenne de Podemos (son Congrès), appelée Vistalegre II, aura lieu les 10, 11 et 12 février prochains. Il y aura un avant et un après cet événement concernant l’avenir de la formation violette. Des milliers de travailleurs, de jeunes et de militants sociaux sont en attente face au conflit qui a éclaté au sein de Podemos. Les grandes entreprises et leurs partis interviennent ouvertement dans cette bataille, en la faveur de certains dirigeants. En dépit des commentaires dominants, cette crise ne représente pas qu’une lutte de “pouvoir” entre fractions. Il s’agit du reflet de pressions de classes sociales antagonistes.

    Par Izquierda Revolucionaria (en savoir plus sur IR et le Comité pour une Internationale Ouvrière)

    L’explosion sociale qui a donné lieu à l’émergence de Podemos

    Le 15 mai 2011, la rage accumulée des années durant a soudainement émergé à la surface, conduisant à l’une des périodes les plus mouvementées de la lutte des classes dans l’Etat espagnol. Pendant une longue période se sont succédé les grèves générales, les marées citoyennes, les marches pour la dignité, les conflits dans les quartiers et dans l’enseignement, les grandes manifestations pour le droit de à l’autodétermination. Ces luttes furent des exemples de combativité et de participation démocratique qui ont remis en question l’appareil syndical et les sociaux-démocrates garants de la paix sociale. Cette rébellion gigantesque arévélé au grand jour quelle était l’indignation contre la récession économique dévastatrice, mais elle a également généré la plus grande crise de gouvernance de la soi-disant transition démocratique (le régime instauré après la fin dictature en 1978, NDT) et a représenté un saut qualitatif dans la conscience politique de toute une génération.

    C’est ce contexte explosif qui a créé l’espace vital pour l’irruption de Podemos sur la scène politique, un événement qui a bouleversé la carte politique et le rapport des forces dans la gauche. Le discours du dirigeant de Podemos Pablo Iglesias – contre la caste, contre les privilégiés et leur système, en défense de la majorité travailleuse, des droits et des services sociaux – a fait appel à l’imagination et aux sentiments de millions de personnes, de la base la plus active de la gauche sociale et politique aux novices qui s’approchaient pour la première fois du militantisme. A cette époque, Podemos a connu une croissance explosive et des dizaines de milliers de personnes se sont organisées dans les cercles qui ont peuplé tous les territoires de l’Etat.

    Après les résultats spectaculaires des élections européennes de mai 2014 et des élections régionales et locales de 2015, cette dynamique a vite été brisée. Au lieu de renforcer une alternative de rupture avec le système, la direction a entrepris un virage à 180 degrés et a placé tous ses espoirs dans le domaine institutionnel. La force essentielle de Podemos, issu de la capacité de mettre à genoux le régime, a été bloquée. Les conséquences négatives de cette stratégie sont évidentes au regard du bilan des prétendues « mairies du changement ». Les bonnes intentions et les belles déclarations sur la «gestion efficace» des ressources publiques se sont heurtées au mur des intérêts capitalistes et du très dense réseau des grandes entreprises qui ont accumulé des profits fabuleux grâce à la privatisation des services publics essentiels. Ce mur ne peut être rompu qu’avec une politique ferme de reprise en mains publiques afin de placer les besoins de la majorité au dessus de la logique de profit du secteur privé.

    La lutte de classe reflétée au sein de Podemos

    Après les élections générales du 26 juin, où Podemos a perdu un million de voix, les divisions au sein de la direction de Podemos ont éclaté jusqu’à atteindre une virulence difficile à imaginer. Certains ne voient dans cette bataille qu’une lutte pour le pouvoir. Pour une large couche d’arrivistes qui sont arrivé à Podemos pour bénéficier d’une vie tranquille et confortable, les miels de la politique parlementaire et institutionnelle sont une fin en soi qu’ils défendront bec et ongles. Mais ce conflit reflète, surtout, les pressions de la lutte des classes. On trouve d’une part des pressions provenant des capitalistes et de la droite, qui essayent de transformer Podemos en une formation social-démocrate honorable, respectueuse du système et de ses lois. D’autre part, on voit la pression de la base sociale de Podemos, des millions de personnes qui estiment que c’est avec la mobilisation que nous pourrons transformer la société et rompre avec la logique du capitalisme.

    Dans cette lutte interne, Íñigo Errejón et ses partisans défendent clairement l’idéologie et la pratique social-démocrate de Podemos. Le “numéro deux” de la formation a déclaré à plusieurs reprises que l’engagement à travailler dans les “institutions” est au cœur de leur stratégie politique. Il parvient même à mettre en question le rejet de Podemos du défunt pacte entre le PSOE (la social-démocratie) et Ciudadanos (C’s, formation populiste de droite) – antécédent frustré de la grande coalition PP-PSOE-C’s qui gouverne aujourd’hui. Il s’oppose au maintien de la confluence électorale entre Izquierda Unida et Podemos, mais il a par contre montré son inclinaison à conclure un pacte avec le PSOE, dont la direction a pourtant réalisé un coup d’Etat interne destiné à faciliter l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement de droite. Ses déclarations vont toujours dans le même sens, en affirmant que “nos adversaires aiment voir” en Podemos “une force formellement très radicale mais matériellement incapable de transformer les conditions de vie du peuple”. Il identifie ainsi une position de confrontation au système avec une gesticulation stérile.

    Il n’est pas étonnant que cette “musique” sonne si douce aux oreilles des capitalistes et de leurs porte-paroles. Comme toujours, El País (un des principales journaux espagnols) donne le ton: “Errejón défend un Podemos beaucoup plus moderne, démocratique et ouvert, complètement différent de la confusion générée par Iglesias autour d’une stratégie de radicalisation idéologique et de mobilisation dans la rue qui dilue la force et la capacité de négociation du parti au Parlement et dans les institutions”.

    Le modèle défendu par Errejón & Co a déjà été testé par le PSOE pendant les quarante dernières années. Mais, il est important de signaler que si Errejón est allé si loin, c’est principalement dû aux erreurs et hésitations de Pablo Iglesias. La vision du “changement” politique comme un simple exercice électoral dans lequel la lutte de masse avait déjà joué son rôle. Elle a également été préconisée par Iglesias. Ses déclarations publiques justifiant la capitulation de Tsipras en Grèce, sa prise de distance avec la révolution vénézuélienne en faisant écho du message de la réaction, son empressement à faire montre de « responsabilisation » pour se montrer « à la hauteur » en tant que dirigeant,… tout cela a renforcé le discours et l’audace des couches les plus modérées et à droite de Podemos dans l’actuelle crise interne. Cela explique aussi en grande partie de ce qui est survenu aux dernières élections générales.

    Tout juste après avoir perdu un million de voix à ces dernières, Pablo Iglesias a déclaré que le travail parlementaire et institutionnel serait sa priorité. Mais il a vite constaté que cette approche ouvrait la porte à la droite – tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de Podemos – et offrait un tapis rouge à tous ceux qui voulaient l’affaiblir et finalement l’écarter. Au cours de ces derniers mois, Iglesias a émis des réflexions assez précises. Il a publiquement questionné si l’image de modération que Podemos avait adoptée n’était pas la cause des résultat électoraux. Il a parlé de l’erreur d’essayer d’occuper l’espace de la social-démocratie pour pas “effrayer” une couche des électeurs. Plus récemment, il a insisté sur la nécessité de retourner dans la rue et sur la nécessité d’une grève générale contre la politique antisociale du PP. “La tranversalité ne veut pas dire de ressembler à nos ennemis, mais de ressembler à la PAH (Plateforme d’Affectés par les Hypothèques)” dit-il correctement.

    Le document de Pablo Iglesias pour Vistalegre II souligne: “… La construction d’un mouvement populaire n’est pas un fétiche, mais la seule voie pour avancer (…) Disposer seulement de députés, de porte-paroles et d’un bon discours connecté aux besoins de la majorité, ce n’est pas suffisant (…) Pour gagner, nous avons besoin des gens organisés, actifs et capables de se mobiliser (…) Le rôle des représentants publics ne peut pas se limiter à travailler dans les différents parlements. Sa principale fonction devrait être de représenter des “militants institutionnels” (…) Nos représentants dans les institutions ne peuvent pas devenir des politiciens, ils doivent rester des militants et accomplir leur tâche au service de l’intérêt collectif…”.

    Un Podemos pour la transformation socialiste de la société

    Le plus grand danger pour Podemos est de s’accommoder au système, comme l’affirme Iglesias. Pour cette raison, il est absolument nécessaire d’élaborer une ligne politique claire de même qu’un programme qui propose des mesures telles que la nationalisation des secteurs stratégiques de l’économie, qui est opposé aux coupes budgétaires et à l’austérité, qui défend la santé et l’éducation publique, le droit à un logement décent et des libertés démocratiques, y compris le droit à l’autodétermination. Faire des clins d’œil à la gauche de temps en temps ne suffit pas. Les réflexions sans aucune conséquence pratique ne suffisent pas. La seule façon de se connecter solidement aux masses, la véritable force de Podemos comme gauche transformatrice, c’est de défendre une alternative socialiste contre la crise capitaliste et de s’impliquer directement dans les luttes quotidiennes des travailleurs et des mouvements de la jeunesse.

    Beaucoup des choses ont été exposées dans cette bataille. Bescansa (co-fondatrice de Podemos) a démissionné en essayant d’imposer l’image d’un “choc de trains” entre frères. Cela est dépourvu de sens mais, surtout, à qui cela profite-t-il ? En fait, ses idées et ses pratiques ne sont pas très différentes de celles d’Errejón.

    D’autres courants, tels qu’Anticapitalistas, émettent des critiques qui ont du sens. Mais il y a une contradiction entre les paroles et les actes. Anticapitalistas a le contrôle de la mairie de Cádiz, celui de la direction de Podemos en Andalousie et il dispose de plusieurs députés et conseillers municipaux. Où est leur impulsion vers la mobilisation sociale? Leurs mesures concrètes au profit des classes populaires et en faveur de la désobéissance civile aux lois capitalistes ? Il est vrai qu’Anticapitalistas peut finalement faire incliner la balance vers Pablo Iglesias. Mais il est devenu évident que, pour bon nombre de ses dirigeants, la stratégie prioritaire est de gagner du terrain dans le dispositif et d’obtenir des meilleurs positions dans les listes pour députés ou conseillers, en abandonnant complètement l’idée de convertir Podemos en une gauche capable de transformer la société.

    En tant que marxistes révolutionnaires, nous ne maintenons pas une position neutre dans cette bataille. Izquierda Revolucionaria soutient Pablo Iglesias face à ceux qui ont l’intention de transformer Podemos en une formation social-démocrate classique.

    Nous les faisons de la seule façon cohérente: en l’appelant à défier ses adversaires sur le terrain de l’action. Pablo Iglesias devrait axer sa politique sur la mobilisation des masses contre les politiques de droite et leurs alliés dans le parlement (PSOE et C’s). Il doit promouvoir une campagne active dans toutes les entreprises, les centres d’études et les quartiers pour une grève générale pour la nationalisation de l’électricité (et finir avec la pauvreté énergétique), pour des revenus décents, pour l’augmentation drastique des pensions, pour la création d’un parc de logements publiques avec des loyers sociaux, pour l’abrogation de la LOMCE (loi de l’enseignement) et la défense de la santé publique,…

    Si Pablo Iglesias part à al confrontation avec tous ceux qui défendent la paix sociale et les intérêts des élites, que feront Errejón et ses partisans ? Qu’est-ce que le PP, le PSOE ou C’s diront? Et qu’est ce que des millions de travailleurs, des jeunes, de la majorité opprimée embourbée dans la précarité et le chômage diront? La réponse est évidente.

    Dans les prochains mois, le gouvernement mettra en œuvre une nouvelle série d’attaques antisociales et de coupes budgétaires. Il est difficile de déterminer à l’avance le rythme auquel se développera la riposte sociale à cette nouvelle offensive. Mais il est indéniable qu’elle se produira et qu’elle tiendra compte de l’expérience politique acquise au cours de la période précédente. Ce contexte influencera de façon décisive le futur de Podemos, tout en ouvrant la voie aux idées du marxisme révolutionnaire.

  • Unidos Podemos: des résultats en dessous des espérances mais qui confirment le potentiel à gauche

    espagne26J

    Dimanche 26 juin, les Espagnols se sont à nouveau rendus aux urnes, six mois après les élections de décembre 2015. L’instabilité politique consécutive au discrédit croissant des deux partis traditionnels qui ont appliqué l’austérité a rendu caduques les tentatives de formation d’un gouvernement. Même si on est encore loin du record de la Belgique de 541 jours sans gouvernement, pour l’Espagne c’est une première.

    Par Boris (Bruxelles)

    Pas de restauration du bipartisme

    Les élections de décembre 2015 ont été marquées par la fin du bipartisme du PP (Parti Populaire, droite) et du PSOE (social-démocratie) et par un tournant à gauche avec la percée de Podemos (20,7 %). Il faut y voir l’expression de la radicalisation d’une large couche de la population et de l’essor de divers mouvements de masse. Les résultats de ces nouvelles élections confirment généralement ce processus, malgré un électorat et une campagne très volatiles.

    En juin, le PP a consolidé sa position de premier parti malgré les multiples scandales de corruption qui l’éclaboussent. En décembre, il avait perdu plus de 3,6 millions de voix tandis que le PSOE obtenait le pire résultat de son histoire. La bourgeoise espagnole et l’establishment européen ont prôné un gouvernement de grande coalition PP et PSOE, éventuellement élargi au petit parti populiste de droite émergeant Ciudadanos, pour fidèlement continuer sur le chemin de l’austérité.

    Avec ces nouvelles élections, ils espéraient quelque peu restaurer leur autorité. Le PP a pu récupérer 700.000 voix et remonter de 28,7 à 33 %. Il reste encore très éloigné de sa majorité absolue, mais un gouvernement minoritaire de droite n’est pas à exclure. Le PSOE arrive à se maintenir à 22 %, une réussite selon lui au vu des sondages qui prévoyaient qu’il soit dépassé par Unidos Podemos, l’alliance conclue entre Podemos, Izquierda Unida (IU, Gauche Unie) et les confluences régionales en Catalogne, en Galice et en Communauté valencienne. L’abstention qui a augmenté de 3,7 % a surtout impacté le score d’Unidos Podemos. Malgré le recul d’un million de voix pour Unidos Podemos obtenant 21,1 % et de 400.000 voix pour Ciudadanos avec 13 %, la classe dominante ne peut toutefois pas rétablir son système bipartite et résorber profondément l’instabilité politique.

    Podemos juge les résultats peu satisfaisants, même si la gauche conserve ses 71 députés. Une certaine déception est compréhensible surtout au vu des sondages qui, dès l’annonce d’une alliance entre Podemos et IU, les avaient immédiatement propulsés devant le PSOE, à une position de combat face au PP. En proie à la panique, tout l’establishment a mené une campagne d’intimidation contre Unidos Podemos et le ‘‘spectre du communisme’’. Le résultat reste néanmoins très important et illustre le grand potentiel à gauche. Le soir des élections, Pablo Iglésias – le leader de Podemos – a estimé correcte l’alliance avec IU et Alberto Garzon – le nouveau leader d’IU – et a appelé à continuer cette confluence de gauche.

    Développer Unidos Podemos comme nouvelle social-démocratie ou défendre un programme de rupture anticapitaliste ?

    La construction d’une confluence de gauche dans toute l’Espagne est une avancée rendue possible par la progression du soutien à cette idée parmi la base de Podemos et d’IU, ainsi que par le poids moins prépondérant de Podemos vis-à-vis d’IU dans les sondages.

    Le processus de “modération” de Podemos s’est traduit, durant la période de tentative de formation d’un gouvernement avant l’annonce des nouvelles élections, par des concessions visant à conclure un accord de coalition avec le PSOE en prétendant faire ainsi barrage à la droite. Cela a même provoqué une courte crise du fait qu’une aile de la direction était favorable à accord avec le PSOE et Ciudadanos. Le PSOE, comme l’a confirmé son accord avec Ciudadanos, n’est pas prêt à en finir avec l’austérité. C’est inhérent à la bourgeoisification des partis sociaux-démocrates.

    Pablo Iglésias, lors de la campagne, a présenté Podemos comme “la nouvelle social-démocratie” en proposant au PSOE une “quatrième voie” basée sur des investissements publics financés par de nouvelles tranches d’imposition sur les plus hauts revenus et en étalant un peu la réalisation des objectifs budgétaires de façon négociée avec l’Union européenne. Cette même approche a conduit Syriza à appliquer l’austérité en Grèce. Toute une couche d’activistes craint la perspective d’un Tsipras espagnol.

    Alberto Garzon (IU) a, quant à lui, fait pencher la balance à gauche dans la rhétorique et le programme d’IU et a mieux tiré les leçons de la capitulation de Syriza. Il juge l’UE irréformable et est “prêt à assumer les conséquences d’une politique économique souveraine en faveur de la majorité, telle que l’expulsion de notre pays de l’UE” tout en défendant des mesures socialistes dans son programme comme la nationalisation de secteurs stratégiques de l’économie. IU peut jouer un rôle important à condition de maintenir ses critiques de gauche envers la direction de Podemos.

    Une dynamique de comités de campagne s’est mise en place, comme durant les élections locales. Ce développement peut varier de ville en ville, mais il est important. Notre section-sœur en Espagne, Socialismo Révolucionario, a activement participé à la campagne tout en défendant des mesures socialistes (investissements publics massifs, refus du paiement de la dette publique, droit à l’autodétermination des peuples, nationalisation des banques et des secteurs stratégiques de l’économie, etc.).

    Si Unidos Podemos peut être développé au point de constituer une véritable confluence de gauche à la base, avec des comités ouverts à tous ceux qui veulent résister à l’austérité et réunissant militants de gauche, syndicalistes combatifs et activistes des nouveaux mouvements sociaux, la dynamique pourrait aller bien au-delà des urnes pour construire la lutte dans la rue et dans les entreprises afin d’en finir avec l’austérité et de créer les conditions pour un futur gouvernement des travailleurs.

    [divider]

    [Soirée-Débat] Unidos Podemos : Vers un gouvernement de gauche en Espagne ?

    Mercredi 29 juin à partir de 19h au Pianofabriek, 35 rue du Fort, Saint Gilles (Bruxelles).

    Avec pour oratrices :

    • Beatriz de la Cruz (militante d’Izquierda Unida – Bélgica)
    • Marisa Cabal (militante du PSL-Bruxelles et collaboratrice de Socialismo Revolucionario).

    => Sur Facebook

  • [Soirée-Débat] Unidos Podemos : Vers un gouvernement de gauche en Espagne ?

    bxl_AG

    Mercredi 29 juin à partir de 19h au Pianofabriek, 35 rue du Fort, Saint Gilles (Bruxelles).

    Avec pour oratrices :

    • Beatriz de la Cruz (militante d’Izquierda Unida – Bélgica)
    • Marisa Cabal (militante du PSL-Bruxelles et collaboratrice de Socialismo Revolucionario).

    Pour la première fois en Espagne, les deux partis de l’establishment, PP (droite) et le PSOE (social-démocratie), n’ont pas été capables de former un gouvernement. C’est une claire illustration de la crise des partis de la classe dominante ainsi que du rejet de l’austérité qu’ils ont appliquée.

    De nouvelles élections auront lieu le 26 juin et, cette fois, la formation d’une alliance de gauche («Unidos Podemos») entre Podemos, Izquierda Unida (Gauche Unie) et les confluences de gauche régionales redonne espoir au mouvement de lutte contre l’austérité. Selon les sondages, Unidos Podemos est en position de devenir la deuxième force politique en dépassant le PSOE et même de contester la 1e place au PP. C’est une excellente nouvelle. La classe dominante, qui espérait restaurer un peu son système bipartite, panique.

    Podemos défend un renforcement de l’État-Providence et des services publics via une imposition plus progressive, en introduisant de nouvelles tranches d’imposition sur les plus haut revenus. En plus de cette justice fiscale, Gauche Unie, qui a mis le cap plus à gauche avec son nouveau dirigeant Alberto Garzón, défend également des mesures socialistes comme la nationalisation des secteurs stratégiques de l’économie.

    Pour changer de politique et l’orienter vers l’intérêt de travailleurs, est-ce suffisant de gagner les élections avec un programme anti-austérité ? Peut-on stopper l’austérité en entrant en coalition avec la social-démocratie ? Un gouvernement de gauche minoritaire reposant sur les propres forces du mouvement des travailleurs est-il possible ? Quel programme peut éviter un nouveau Tsipras en Espagne?

    Le PSL, qui soutient la campagne d’Unidos Podemos, organise une soirée-débat en collaboration avec la campagne Blokbuster afin d’analyser les résultats de ces nouvelles élections et de discuter des perspectives du mouvement des travailleurs. Rendez-vous ce mercredi 29 juin à partir de 19h au Pianofabriek, 35 rue du Fort à Saint Gilles.

    => Sur Facebook

  • [DOSSIER] Nouveaux mouvements, vieux dilemmes: réforme ou révolution ?

    SYRIZA-photoL’élection du gouvernement Syriza en février 2015 a été saluée par un soutien enthousiaste de la part de la classe des travailleurs en Grèce et dans toute l’Europe, qui s’est transformé en une amère déception après sa capitulation devant la Troïka en juillet dernier. Mais les inégalités et la politique d’austérité continuent à radicaliser des millions de personnes, ce qui fait germer de nouveaux mouvements de gauche. Paul Murphy (Socialist Party, section-sœur du PSL en Irlande et député de l’Anti Austerity Alliance) aborde dans ce dossier les importantes leçons à tirer de l’expérience grecque pour en finir avec le règne des 1%.


     

    « Selon moi, l’atmosphère est un peu similaire à celle d’après 1968 en Europe. Je sens, peut-être pas une ambiance révolutionnaire, mais quelque chose comme une impatience généralisée. Quand l’impatience n’est plus un sentiment individuel mais un aspect social, c’est l’introduction de la révolution. » [1]

    Ces paroles de Donald Tusk, le président du Conseil Européen, sont révélatrices. Elles démontrent la peur croissante des classes capitalistes en Europe. La domination en apparence incontestée du néo-libéralisme depuis la chute du stalinisme est maintenant vigoureusement contestée dans un certain nombre de pays capitalistes avancés. La profonde crise actuelle du capitalisme, qui a commencé fin 2007, se solde politiquement par des virages à gauche dans les points de vue et la conscience ainsi que dans le développement de nouvelles formations de gauche.

    La révolte dans les urnes

    La crise a créé des problèmes politiques significatifs pour la classe capitaliste, en particulier dans la périphérie de l’Europe, là où elle est la plus brutale. La crise est si profonde et si longue que, dans la plupart des pays, les deux faces de la pièce politique ont été au pouvoir. Elles ont appliqué des politiques essentiellement identiques basées sur une profonde austérité, ce qui a fait s’effondrer, en particulier, le soutien des partis anciennement sociaux-démocrates, qui maintenaient encore une base électorale plus ouvrière.

    La chute des partis traditionnels en-dessous de 50% des voix dans 3 pays en est une illustration frappante – en Grèce, où la Nouvelle Démocratie et le PASOK ont obtenu 34% à eux deux aux dernières élections ; en Espagne, où le PP et le PSOE ont obtenu un score combiné de 49% aux élections européennes de l’an dernier et en Irlande où, aux dernières européennes, le Fianna Fail, le Fine Gael et le parti Travailliste ont aussi récolté moins de la moitié des suffrages. Récemment, aux élections législatives du Portugal, alors que le Parti Social-Démocrate et le Parti Socialiste ont encore réalisé le score de 70,9%, cela représente tout de même une baisse de 7,6% et les voix combinées de la gauche radicale sont passées de 5,4% à 18,5%. Les classes capitalistes en Europe font de plus en plus l’expérience de leur propre crise de représentation politique et elles éprouvent des difficultés à trouver des instruments politiques stables pour assurer leur règne.

    La crise et les mouvements contre l’austérité qui se sont développés en particulier dans la périphérie de l’Europe ont aussi accéléré le procédé de création de nouvelles formations de gauche avec des bases de soutien significatives. Ce phénomène n’est bien entendu pas nouveau. Il a émergé depuis le virage à droite dramatique des prétendus sociaux-démocrates, aux environs de l’effondrement de l’URSS et du stalinisme. C’est un processus qui progresse en vagues et qui a vu la montée (et souvent la chute) entre autres de Rifondazione Communista en Italie, du Scottish Socialist Party en Écosse, de Die Linke en Allemagne, du Bloco de Esquerda au Portugal, de l’alliance Rouge Verte au Danemark et de Syriza en Grèce.

    La nature prolongée de la crise a donné un élan à ces mouvements. Cela a été le plus visiblement démontré par la propulsion de Syriza au pouvoir en Grèce, début 2015. En parallèle, il y a eu la montée en flèche de Podemos en 2014. La victoire de Jeremy Corbyn aux élections pour la direction du Parti Travailliste en Grande Bretagne et la performance de Bernie Sanders aux primaires Démocrates aux Etats-Unis sont aussi des expressions de ce processus.

    Un aspect frappant de cette vague de nouveaux mouvements politiques est la manière extrêmement diverse dont le même phénomène s’exprime dans différents pays. A ce stade, comme de l’eau ruisselant entre des berges préexistantes, les mouvements orientés vers une représentation politique de la classe des travailleurs s’écoulent dans des canaux déjà en partie créés par différents paysages politiques nationaux et traditions de la classe des travailleurs.

    C’est ainsi qu’en Grèce, l’élan s’est développé derrière Syriza, une alliance autour d’un noyau de tendance euro-communiste. De 4,7% aux élections européennes de 2009, la formation est grimpée à 36,3% en janvier 2015 et est entrée au gouvernement. En Espagne, où Izquierda Unida (Gauche Unie, rassemblée autour du Parti Communiste) était, surtout dans certaines régions, identifiée aux à l’establishment politique, elle n’a pas bénéficié du même processus. Au lieu de cela, avec l’explosion du mouvement social des Indignados, il s’est exprimé dans une nouvelle force, Podemos, fortement construite autour de la personnalité de Pablo Iglesias.

    Corbyn et Sanders piochent dans la montée de la radicalisation

    L’effet Corbyn en Angleterre et au Pays de Galles est le plus intéressant de tous. Le Parti Travailliste y avait profondément viré à droite sous la direction de Tony Blair et avait été vidé de toute implication réelle des masses de travailleurs et de pauvres. Ce parti avait franchi le Rubicon pour devenir un parti tout à fait capitaliste, même s’il conservait de son passé certaines caractéristiques, comme un lien formel avec les syndicats et un petit nombre de parlementaires se réclamant du socialisme, comme Jeremy Corbyn.

    En raison d’un système électoral particulier, aucun parti de gauche ou travailliste important n’a émergé en Angleterre et au Pays de Galles pour devenir le lieu de rassemblement de ceux qui cherchent une alternative à l’austérité. C’est pourquoi, quand Jeremy Corbyn a présenté sa candidature, initialement considérée comme sans espoir, et qu’il a commencé à défendre une politique fondée sur des principes de gauche anti-austerité, sa campagne a reçu une énorme réponse de la part des jeunes et de la classe des travailleurs. Elle est devenue un flambeau et a su développer un incroyable élan, avec plus de 100.000 nouvelles personnes inscrites comme sympathisants officiels du Parti Travailliste et 60.000 nouvelles adhésions officielles au parti depuis le début de la campagne.

    Pendant ce temps, aux USA, un élan sans précédent s’est développé autour de Bernie Sanders, dans le cadre de primaires destinées à décider du prochain candidat aux élections présidentielles au sein d’une organisation qui n’a jamais été un parti ouvrier. Le Parti Démocrate a toujours consciemment agi pour rassembler autour de lui les mouvements sociaux ainsi que les syndicalistes en les détournant ainsi du besoin urgent de lutter de la base et de construire un parti qui représente la classe des travailleurs. Cependant, Sanders, en se présentant comme socialiste démocrate auto-proclamé (en citant les pays scandinaves comme modèle) a, à l’instar de Jeremy Corbyn, su trouver un écho auprès de millions de travailleurs et de jeunes en-dehors de l’appareil du Parti Démocrate. Ses rassemblements ont attiré les plus grandes foules de ces élections présidentielles (souvent plus de 10.000 personnes et près de 30.000 à Los Angeles). Dans les sondages, il a considérablement réduit l’écart avec Hilary Clinton et les sondages en ligne ont montré qu’il a remporté les débats télévisés des primaires démocrates.

    Il sera extrêmement difficile à Sanders de remporter la nomination et, malheureusement, il a indiqué qu’il soutiendrait Hillary Clinton en cas de défaite, jouant donc précisément une fois encore un rôle de rassemblement des progressistes derrière le Parti Démocrate. Cependant, sa présence dans le débat, la discussion autour de ses idées et le nombre de personnes qui se sont joints à sa campagne peuvent marquer une étape importante dans les développement de la conscience de classe aux USA et dans la construction d’un parti de gauche de masse.

    Le réformisme aujourd’hui

    Ces développements sont énormément positifs. Ils représentent un pas qualitatif en avant vers la création de partis de masse de la classe des travailleurs qui peuvent constituer des instruments très importants pour la résistance des travailleurs contre les attaques austéritaires, en donnant un élan à la lutte de masse par la base. Ils peuvent aussi être le terreau pour le développement de forces socialistes révolutionnaires de masse, à la suite de l’expérience des luttes qui sera acquise par les masses et des discussions politiques.

    Les idées exprimées par les dirigeants de ces mouvements sont toutefois également dignes de critiques. Fondamentalement, toutes ces figures représentent et reflètent différentes variantes du réformisme. Le réformisme est la notion selon laquelle le capitalisme peut être graduellement démantelé pour, au final, qu’un société socialiste soit créée sans moment de rupture décisive – ou révolution – avec l’organisation capitaliste actuelle de la société.

    Le réformisme échoue à reconnaître que la classe capitaliste constitue la classe dominante au sein de la société. C’est le cas en premier lieu par sa propriété et son contrôle des ressources économiques cruciales de la société, mais aussi en étant liée par un millier de ficelles à l’appareil d’État, c’est à dire le judiciaire, les « corps d’hommes armés » dans l’armée et la police et le gouvernement permanent qui existe sous la forme des échelons les plus élevés de la fonction publique.

    L’Histoire du mouvement ouvrier a démontré que si la classe dominante sent que son pouvoir, sa richesse, et ses privilèges sont menacés, alors elle n’hésitera pas à recourir au sabotage économique ou même aux coups d’État militaires, comme cela s’est produit au Chili en septembre 1973 quand le gouvernement élu de Salvador Allende a été renversé. Aujourd’hui, en Europe, les gouvernements de gauche potentiels ne vont pas seulement devoir faire face à cette menace de la part de leur classe capitaliste autochtone mais également de la part des institutions pro-capitalistes de l’Union Européenne.

    Alors que, dans toute l’Europe, les partis réformistes de masse stables étaient une caractéristique du paysage politique de l’ère de croissance économique qui a suivi la deuxième guerre mondiale, c’est une autre histoire aujourd’hui. Étant donné la nature de la crise, et, en fait, la nature de l’UE et de l’euro-zone, les limites du réformisme sont bien plus rapidement atteintes. Le capitalisme ne dispose plus des réserves de “graisse sociale” qu’il avait dans la période d’après guerre et qui permettaient aux gouvernements social-démocrates de beaucoup de pays européens d’instaurer des réformes considérables dans l’intérêt de la classe ouvrière tout en restant au sein du système capitaliste. Il n’y a pas non plus de croissance importante des prix matières premières, comme ceux qui ont permis à Hugo Chavez et à son gouvernement d’augmenter le niveau de vie des masses au Venezuela sans pour autant mettre fin au contrôle de l’économie par les oligarques.

    Au lieu de cela, si n’importe lequel des nouveaux mouvements de gauche prend le pouvoir aujourd’hui, alors la question de la confrontation ou de la capitulation se posera très rapidement. Ce n’est pas une question simplement théorique comme nous l’a illustré les récents événements survenus en Grèce sous le gouvernement dirigé par Syriza. Il faut étudier l’expérience de Syriza au pouvoir car c’était un laboratoire de l’application d’une stratégie réformiste particulière en Europe au stade actuel. Cette expérience continuera d’être un point de référence pour les travailleurs et les militants de gauche dans toute l’Europe dans leur tentative de développer une stratégie capable de réussir à en finir avec l’austérité et le règne des 1%.

    Syriza au pouvoir

    Le 25 janvier 2015, pour la première fois depuis la chute du stalinisme, un gouvernement dirigé par la gauche a été élu en Europe. Des ondes de choc de panique se sont propagées dans tout l’establishment politique Européen et la classe capitaliste. 239 jours plus tard, le même gouvernement a été ré-élu, avec une abstention record, mais cette fois, il a été bien accueilli par les journaux et les dirigeants politiques européens. Entre ces deux élections ont pris place de véritables montagnes russes d’événements politiques qui ont comporté les héroïques 61% du Oxi (Non) des masses grecques face au chantage de l’austérité ou de la sortie de l’euro lors du référendum de juillet 2015 mais aussi la capitulation de la direction de Syriza à la terreur de la Troïka.

    L’expérience de Syriza livre d’importantes leçons pour tous les mouvements qui luttent pour un changement socialiste. Ces leçons ont coûté très cher, à la classe ouvrière et aux pauvres de Grèce en particulier. Pourtant, on a assiste dans toute la gauche européenne et mondiale à des tentatives d’amoindrir ces leçons tout en enjolivant les erreurs de la direction de Syriza. Cette approche se retrouvent parmi ceux qui partagent largement une orientation stratégique similaire à celle de la direction de Syriza.

    Léo Panitch, co-éditeur du journal de gauche Socialist Register, a été à la pointe de cette défense. Il a écrit, peu de temps après l’acceptation du Mémorandum d’austérité de 13 milliards d’euros par Syriza : «Nous espérons que Syriza pourra rester unie en tant que nouvelle formation politique socialiste la plus efficace dans la gauche européenne qui a émergé ces dernières décennies. Le rôle d’une gauche responsable est de soutenir cela, tout en continuant à montrer les faiblesses du parti en termes de manque de capacité à construire sur les réseaux de solidarité. (…) Étant donné notre propre faiblesse en cette matière, une patience et une modestie considérables sont requises de la part de gauche internationale alors que nous regardons se dérouler ce drame.” [2]

    L’essence de cette idée est que l’on ne peut critiquer les autres forces de la gauche à travers le monde avant d’avoir atteint leur niveau d’influence dans la société. C’est une approche profondément anti-internationaliste et qui se situe dans la droite ligne de celle des partis communistes stalinisés dans les années 1920 et ensuite.

    Si cette approche était acceptée, la gauche internationale entière serait simplement condamnée à répéter, l’une après l’autre, les erreurs des autres. Il est tout à fait approprié de tenter d’analyser et de critiquer l’approche stratégique des autres à gauche dans différents pays, tout en maintenant bien sûr l’humilité et le sens des proportions nécessaires.

    Un échec de « l’européanisme de gauche »

    Ce qui s’est produit en Grèce – un gouvernement de gauche qui trahit son mandat et son programme – représente une défaite pour les travailleurs de toute l’Europe. Les politiciens et les médias de droite du continent ont immédiatement sauté sur l’occasion de renforcer le mur “TINA” (pour “There is no alternative”, il n’y a pas d’alternative, slogan cher à Margaret Thatcher) qui avait vacillé avec l’élection de Syriza.

    Mais s’il s’agit d’une défaite pour la gauche dans son entièreté, il est important de reconnaître que ce n’est pas la conséquence de la faillite des idées de la gauche dans leur ensemble. Il faut plutôt y voir l’échec dramatique du réformisme, et en particulier de sa version dominante en Europe, connue comme «l’Européanisme de gauche».

    La stratégie de l’européanisme de gauche applique l’approche graduelle du réformisme à l’Union Européenne. Il adopte le point de vue que l’UE pourrait, par les victoires de la gauche dans les différents pays, être transformée en un projet plus social. C’est une conception qui sous-estime complètement la haine de classe et la cruauté de la Troïka et de Merkel.

    Plus important encore, il comprend mal le caractère réel de l’UE, qui a été si brutalement démasqué par la crise et la réaction de ses institutions dirigeantes. La construction européenne est structurellement néo-libérale, le néo-libéralisme est dans son ADN, il est inscrit dans le traité de Maastricht, dans le  pacte de stabilité et de croissance , dans le Six Pack et le Two Pack (deux «paquets législatifs» européens de 2012 et 2013 respectivement). Le néo-libéralisme constitue l’essence-même du fonctionnement de l’euro et de la Banque Centrale Européenne.

    L’Union Européenne est aussi fondamentalement non-démocratique. Le pouvoir repose dans les mains d’institutions non-élues et qui ne répondent de rien, comme la Commission Européenne et la Banque Centrale Européenne. Les règles ont été écrites de telle façon que tout gouvernement de gauche qui transgresserait les règles de l’austérité se trouverait condamné et perdrait son droit de vote sur des questions importantes. Ce n’est que la position légale formelle – la position réelle est encore plus anti-démocratique. La BCE a auparavant mené deux coups d’État silencieux, en Grèce et en Espagne. Elle en a dans les faits mené un nouveau contre le peuple grec, mais cette fois avec la complicité de Tsipras, en utilisant sa capacité à créer la panique bancaire pour pousser à la capitulation.

    Des relations de plus en plus impérialistes se développent au sein de l’UE entre les classes capitalistes dominantes du centre, en particulier la classe capitaliste allemande, et les États périphériques. Cela se voit notamment dans la servitude dans laquelle la Grèce se trouve maintenant de facto vis-à-vis de sa dette publique.

    En raison de cette conception stratégique de l’européanisme de gauche adoptée par les dirigeants de Syriza et leurs conseillers politiques, ils sous-estiment considérablement leur ennemi. Concrètement, ils pensent que, par peur de la contagion économique, les créanciers pourraient accorder d’importantes concessions. Ils ont lié Syriza à une stratégie visant à rester dans l’euro à tout prix. Ainsi, quand ils se sont retrouvés le révolver sur la tempe avec la menace d’être vraiment exclus de la zone euro, ils ont senti qu’ils n’avaient d’autre option que de battre en retraite.

    Xekinima, la section grecque du Comité pour une Internationale Ouvrière, a averti que le principal danger pour la classe capitaliste européenne n’était pas la contagion économique, mais la contagion politique. Cela s’est confirmé. Les élites capitalistes européennes sont partantes pour prendre le risque d’une contagion économique de façon soit à renverser Syriza, soit à l’humilier pour dissuader les autres et que cela leur serve de leçon.

    L’expérience de Syriza est une justification par la négative des éléments-clé d’une approche révolutionnaire. Elle souligne le besoin, pour un gouvernement de gauche, de rompre avec les règles de la zone euro, de l’UE et du capitalisme ; la nécessité d’une stratégie de confrontation, plutôt que de compromis, avec l’UE ; la nécessité de préparer la rupture avec la zone euro, au lieu de faire tout son possible pour rester dedans ; tout cela au sein d’un programme socialiste basé sur la mobilisation par en-bas pour s’attaquer au pouvoir de la classe dominante locale, pour lutter en faveur de l’annulation de la dette, pour instaurer un contrôle des capitaux et pour établir la propriété publique des banques et des autres secteurs-clé de l’économie sous contrôle démocratique des travailleurs. Cela illustre une approche internationaliste de lutte capable de faire une brèche dans l’Europe vers le développement d’une confédération d’États socialistes démocratiques comme étape vers une Europe socialiste.

    Réaction face à la défaite de Syriza

    La capitulation et la défaite de Syriza ont provoqué un important débat parmi la gauche européenne. La réponse de Podemos en Espagne a malheureusement été un tournant de son programme plus à droite, Pablo Iglesias continuant à défendre la capitulation de Syriza comme étant «réaliste».

    Ce virage peut assez bien cadrer dans le discours délibérément ambigu qui façonne le projet de Podemos depuis ses débuts. Il est basé sur les travaux du post-marxiste Ernesto Laclau et de la notion qu’au lieu de construire un mouvement de classe, on peut construire une majorité sociale en utilisant des «signifiants vides» – comme la notion de « ceux d’en bas » – contre la caste politique. Dans les mains de certains membres de Podemos, cela est utilisé pour défendre que ce qui est construit n’est ni de gauche ni de droite, ce qui abouti à un manque de clarté politique. La réaction de la direction de Podémos à la capitulation de Syriza a été une des raisons de la chute de Podemos dans les sondages de 30% à environ 15%.

    D’un autre côté, il y a aussi un déplacement à gauche, vers des positions plus critiques envers l’UE et l’euro-zone, sans rompre fondamentalement avec la logique du réformisme. Le tournant à gauche et la position plus euro-critique de la direction du Bloc de Gauche au Portugal est un exemple de cette tendance et a contribué à doubler leur score aux élections générales. Un autre exemple est la scission de Syriza, Unité Populaire, menée par Panagiotis Lafazanis, qui, avec 2,9% des voix seulement, a manqué de peu d’avoir des représentants élus au parlement grec.

    Ces développements au niveau national se reflètent aussi dans les débats au sein de la gauche européenne. Une lettre ouverte intitulée « Plan B pour l’Europe » a été lancée par Jean-Luc Mélenchon, dirigeant du Front de Gauche en France. Elle a été co-signée par Oskar Lafontaine, personnalité dirigeante de Die Linke, l’ancien ministre des finances grec Yanis Varoufakis, et Zoé Konstantopoulou, l’ancienne présidente du parlement grec, et a depuis été signée par trois parlementaires de l’Anti-Austerity Alliance en Irlande. Elle exprime la conclusion tirée par une partie de la gauche européenne que rester dans le carcan de l’euro à tout prix signifie renoncer à la possibilité de remettre en question la domination du néo-libéralisme.

    «Face à ce chantage, nous avons besoin de notre propre plan B pour dissuader le plan B des forces les plus réactionnaires et anti-démocratiques de l’Europe. Pour renforcer notre position face à leur engagement brutal pour des politiques qui sacrifient la majorité au profit des intérêts d’une infime minorité. Mais aussi pour réaffirmer le principe simple que l’Europe n’est rien d’autre que les Européens et que les monnaies sont des outils pour soutenir une prospérité partagée, et non des instruments de torture ou des armes pour assassiner la démocratie. Si l’euro ne peut pas être démocratisé, s’ils persistent à l’utiliser pour étrangler les peuples, nous nous lèverons, nous les regarderons dans les yeux et nous leur dirons : « Essayez un peu, pour voir ! Vos menaces ne nous effraient pas. Nous trouverons un moyen d’assurer aux Européens un système monétaire qui fonctionne avec eux, et non à leurs dépens». [3]

    Ce sont des développements importants. Ils représentent un défi à la domination de l’européanisme de gauche au sein de la gauche européenne, avec plus d’espace pour critiquer cette approche et indiquer un tournant à gauche. Cependant, ils ont toujours des limites considérables. Cela ne représente pas fondamentalement une rupture avec le réformisme.

    Les erreurs de la gauche de Syriza

    De nouveau, il est utile de revenir à l’expérience de Syriza et en particulier de la gauche de Syriza pour voir ce réformisme euro-critique plus à gauche en action. A un niveau formel, la Plate-forme de Gauche, qui est devenue Unité Populaire, avait un programme qui reproduisait beaucoup d’aspects du programme de Xekinima en Grèce. Il appelait ainsi à la préparation de la sortie de l’euro, à l’annulation de la dette de la Grèce, à la propriété publique des banques et à un programme de reconstruction de l’économie en accentuant l’investissement public. Mais l’appel pour un changement socialiste de société était le grand absent.

    La perspective d’une personnalité dirigeante de ce groupe, Costas, Lapavitsas, telle qu’exprimée dans le livre qu’il a co-écrit avec Heiner Flassbeck et publié juste avant la venue de Syriza au pouvoir, s’est totalement confirmée : « Il y a, ainsi, une sorte de « triade impossible » à laquelle ferait face un gouvernement de gauche dans la périphérie. Il est impossible d’avoir à la fois les trois choses suivantes : premièrement, obtenir une vraie restructuration de la dette ; deuxièmement, abandonner l’austérité ; et troisièmement, continuer à opérer dans le cadre institutionnel et politique de l’UE et en particulier de l’Union Économique et Monétaire (…) Ce serait une folie pour un gouvernement de gauche d’imaginer que l’UE blufferait sur les questions de la dette et de l’austérité (…) Si un gouvernement de gauche tente de jouer le bluff, il échouerait très rapidement. »[4]

    Malgré cette perspective, ils n’étaient pas du tout prêts à la rapidité et à l’échelle de la trahison de la direction de Syriza. L’approche de la Plate-forme de gauche envers la direction de Syriza est un miroir de l’approche de celle-ci envers l’UE. Tandis que Tsipras a échoué à préparer Syriza à la nature du conflit avec les institutions de l’UE et du besoin de rompre avec l’euro, Lafazanis n’a pas réussi à préparer la Plate-forme de Gauche à la probable capitulation de Tsipras, à un conflit avec lui et à une rupture avec Syriza.

    Une des conséquences est qu’au premier vote sur les mesures d’austérité, la plupart des parlementaires de la Plate-forme de Gauche ont voté pour ou se sont abstenus – ce qui a semé la confusion. Ils ont persisté dans leur rhétorique d’unité de parti avec Syriza après qu’il soit devenu clair que Tsipras était déterminé à chasser la gauche du parti et à reconstruire Syriza comme un parti d’austérité.

    Pourquoi ces erreurs ont-elles été commises ? Comme avec Tsipras, ce n’est pas une question de faiblesses ou d’échecs individuels. C’est une question politique. Cela est notamment lié aux méthodes d’organisation de la Plate-forme de Gauche. Celle-ci ne fonctionnait pas comme devrait le faire une organisation révolutionnaire, avec un cadre formé qui discute démocratiquement des perspectives, du programme et de la stratégie. Au contraire, elle reproduisait la culture du cercle dirigeant qui existait chez Syriza. Elle était aussi trop prise au piège dans Syriza et dans le parlement, ne faisant pas assez attention à ce qui prenait place au dehors.

    Mais cette structure organisationnelle est aussi connectée à sa politique parce que beaucoup de ses stratèges-clé étaient aussi issus d’une tradition essentiellement euro-communiste de gauche. L’euro-communisme est une tendance qui est devenue dominante dans les partis communistes européens dans les années ’70 et ’80, en partie en réaction aux horreurs du stalinisme mais aussi pour s’adapter aux pressions capitalistes dans leurs propres pays. Cela a fait que des partis comme les PC en France et en Italie sont devenus concrètement des partis ouvertement réformistes.

    Il nous faut des politiques socialistes

    Dans la Plate-forme de Gauche et dans la gauche en Europe en général, l’idée que le moment est aux «gouvernements anti-austérité» en opposition au changement socialiste est très répandue. Cependant, même un «gouvernement anti-austerité» préparé à sortir de l’euro devrait toujours faire face au même dilemme entre confrontation et capitulation. Comme Rosa Luxemburg l’expliquait en 1898 dans «Réforme ou Révolution», ces deux choix ne sont pas deux voies différentes vers un même point, ils aboutissent à deux endroits différents.

    Les forces de l’UE n’arrêteraient pas leurs attaques tout simplement parce qu’un pays est sorti de l’euro. La classe dominante locale intensifierait probablement ses attaques, ce qui s’est vu par exemple en Grèce avec les rumeurs d’une possibilité de coup d’État si le pays sortait de la zone euro. Un gouvernement qui serait conséquent dans son anti-austérité devrait inévitablement appliquer des mesures de type socialiste pour défendre l’économie et les s99% contre les attaques des 1% nationaux et mondiaux.

    L’absence de reconnaissance que la lutte pour rompre avec l’austérité requiert un mouvement pour un changement socialiste n’est pas seulement une omission théorique. Cela a permis de mettre l’Unité Populaire au pied du mur, d’en faire un simplement un parti anti-euro dans la campagne électorale. Dans son analyse post-électorale, l’Union Populaire a reconnu que défendre la rupture avec l’UE était «difficile à expliquer de manière convaincante au milieu d’une campagne électorale (…) en ayant toutes les forces systémiques contre nous», ce qui a été un facteur considérable dans leur échec à franchir le seuil électoral des 3% pour entrer au parlement.

    Alors que les Grecs étaient prêts à voter Non, malgré les avertissements terribles sur la possibilité de quitter l’euro, la perspective de revenir à la drachme n’a pas mis la majorité en confiance. Lier la rupture avec l’euro à un changement socialiste fondamental serait nécessaire pour montrer comment un tel changement pourrait être géré – y compris en plaçant cela dans le contexte de la lutte pour un changement révolutionnaire dans toute l’Europe.

    Alors que les institutions européennes espéraient que la défaite de Syriza ferait reculer la gauche pour longtemps, la profondeur de la crise capitaliste est telle qu’ils n’ont pas obtenu l’effet escompté. Au lieu de cela, les développements politiques en direction des nouvelles forces de gauche continuent et s’accélèrent. Après une période de défaites et de revers, le test des idées dominantes au sein de ces forces sur l’expérience des événements est une partie inévitable de la clarification et du développement de forces révolutionnaires de masse.

    [1] Financial Times, July 16, 2015
    [2] http://www.socialistproject.ca/bullet/1140.php
    [3] http://www.counterpunch.org/2015/09/14/breaking-with-austerity-europe/
    [4] Heiner Flassbeck and Costas Lapavistas, Against the Troika: Crisis and Austerity in the Eurozone, Verso (London, 2015)

  • Espagne : un virage à gauche à l'occasion des élections générales

    La mobilisation dans la rue sera déterminante dans le lutte pour nos droits

    espagneLes élections du 20 décembre 2015 ont constitué un changement fondamental au Parlement. Elles sont le reflet des changements survenus dans la rue et dans la conscience du peuple à travers la mobilisation de ces dernières années et aussi de l’essor des différents mouvements, surtout au niveau régional et local, avec Podemos et le succès de candidatures de confluence de gauche, les mairies de Barcelone et de Madrid en étant le meilleur exemple.

    Déclaration de Socialismo Revolucionario (section du Comité pour une Internationale Ouvrière dans l’État espagnol)

    En premier lieu, il faut souligner la rupture du système du bipartisme (droite et social-démocratie) qui perd dans son ensemble plus de 5 millions de voix. C’est surtout le PP (Parti Populaire, droite) qui a subi une perte de plus de 3,6 millions de voix, mais aussi le PSOE (social-démocratie) qui a obtenu les pires résultats de son histoire. Par contre, deux nouvelles forces font une percée dans le parlement, Ciudadanos (droite populiste) et, surtout, Podemos qui est la troisième force du pays avec 69 sièges et qui, en dépit de son récent virage vers la “modération”, a représenté une force opposée à l’austérité.

    Au même temps, on ne peut pas ignorer que le PP, avec 123 sièges, est toujours la première force politique avec une différence de plus de 1,7 million de voix par rapport à la deuxième, le PSOE. Ceci alors que le PP a souffert d’une usure considérable pendant son mandat due aux coupes budgétaires dans la santé et l’éducation ainsi qu’à la montée du chômage de longue durée, de la précarité, de la pauvreté et de l’inégalité. Le discours hypocrite concernant la relance économique – une maigre reprise que la majorité n’a pas remarqué – associé à une certaine stabilisation des données macroéconomiques, et surtout au reflux des manifestations contre l’austérité, ont empêché que la chute du PP ne soit encore plus spectaculaire. Ce parti perd toutefois sa majorité absolue et est en fait très loin d’en approcher.

    De son coté, le PSOE a obtenu ses pires résultats depuis la fin du régime franquiste. le parti considère cependant ce résultat comme un succès relatif étant donné que les sondages prévoyaient que le PSOE finirait la course électorale comme troisième ou même quatrième force politique.

    Ciudadanos parvient à engranger bien plus que ce qui était initialement prévu, même par ses propres dirigeants. Bien que le fait d’avoir un bloc important au Congrès soit un succès pour un parti presque sans structure, il semble que la situation ne lui sera pas très favorable car son caractère pro-austérité devient de plus en plus évident avec son soutien à la formation d’un gouvernement PP. La campagne électorale avait obligé le parti à faire tomber son masque vis-à-vis des thématiques sociales, la suite des évènements accentuera ce processus. De toute façon, Ciudadanos reste une option à utiliser pour l’establishment si le besoin s’en fait sentir.

    Percée de Podemos et occasion manquée pour la gauche

    Sans aucun doute, le changement le plus significatif dans le paysage électoral est la puissante percée de Podemos qui passe de rien à plus de 5 millions de voix. Le retour que Pablo Iglesias annonçait a été partiellement confirmé. Ces derniers mois, les sondages avaient montré une chute de soutien pour Podemos qui arrivait parfois à 10%. Ce retour est en partie dû à la performance d’Iglesias dans les débats télévisés comme à l’intervention de personnages clés associés aux mouvements sociaux qui restent immensément populaires dans la société espagnole (Ada Colau, porte-parole de la plateforme des personnes expulsées de leur logement (PAH) et aujourd’hui maire de Barcelone, etc.). Finalement, Podemos est très proche du PSOE en termes de nombre de voix, avec moins de 250.000 suffrages de différence. La différence de sièges s’explique du fait de la loi électorale et de la concentration de votes dans les grandes villes.

    En Catalogne, la victoire de la liste soutenue par Podemos (mais aussi soutenue par IU (Gauche Unie) et d’autres) – “En Comú Podem” – comme premier parti est un fait historique. Cela survient tout juste 3 mois après la tenue des élections régionales où la liste soutenue par Podemos avait obtenu un très mauvais résultat. Podemos a été également la force la plus soutenue en Euskadi (Communauté autonome basque) et la deuxième force partout où ils se sont présentés en coalition, comme en Galice et à Valence qui, curieusement, étaient auparavant des fiefs du PP.

    Cela nous amène à conclure que les résultats ont été franchement meilleurs là où Podemos a formé des larges candidatures qui réunissent d’autres forces de la gauche. Ils illustrent le potentiel qu’aurait eu une liste unitaire dans tout l’Etat espagnol. Non seulement elle aurait dépassé le PSOE, mais elle aurait été en mesure de contester la première position au PP. Tant l’expérience des élections locales que celle des élections générales nous livrent le message suivant: pour gagner il faut l’unité, construite à la base et au-delà des sigles partisans.

    Concernant la liste de IU “Unité Populaire”, il est très significatif qu’elle ait obtenu près d’un million des voix malgré la difficulté de présenter une candidature concurrente de Podemos et sans se présenter en Galice et en Catalogne parce que la formation était intégrée dans les listes de confluence. Malgré ses maigres résultats, la campagne d’Alberto Garzón a été vraiment bonne avec un profil très apprécié au-delà même de ses électeurs. Il a été le seul à mettre en avant des mesures de rupture réelles, comme la nationalisation des banques renflouées avec l’argent public, la renationalisation du secteur de l’énergie pour promouvoir les énergies renouvelables et mettre fin à la pauvreté énergétique, ou encore un plan ambitieux d’investissements publics visant à créer des emplois.

    Il faut garder à l’esprit que tous ces votes (ceux de Podemos plus ceux d’Unité Populaire plus ceux des listes de confluence de gauche en Catalogne, Galice et Valence) cumulent ensemble plus de six millions de voix favorables à un changement progressiste. Six millions de voix contre les coupes budgétaires et l’establishment.

    On peut conclure que la nouvelle carte électorale tend clairement vers la gauche, chose qui reflète les précédents combats sociaux. La construction de l’unité du mouvement sur base des intérêts de la majorité contre les plans d’austérité de tout nouveau gouvernement est l’une des principales tâches du moment.

    Que se passera-t-il avec le futur gouvernement?

    La situation est très ouverte et est très volatile. La formation d’un nouveau gouvernement et qui le dirigera est vraiment incertain, et la possibilité de nouvelles élections n’est pas exclue. En tout cas, tout nouveau gouvernement sera beaucoup plus faible et instable que le dernier et moins capable de parvenir à la fin de son mandat.

    Cette situation doit être utilisée par la gauche et le mouvements social et des travailleurs pour accroitre la mobilisation contre ce gouvernement car ce sera beaucoup plus facile d’arracher des victoires que dans la période précédente. Cette mobilisation ne doit pas seulement nous défendre contre de nouvelles mesures d’austérité, elle doit aussi lancer des luttes offensives pour récupérer nos droits et conditions de vie perdus.

    Comme nous le disions, il est difficile de prédire la composition du nouveau gouvernement, mais il y a un climat très généralisé contre la répétition d’un nouveau gouvernement du PP, anti-ouvrier, corrompu et brutal.

    Pour cette raison, avec la crainte d’une pasokisation (en référence à la perte fulgurante de soutien pour le PASOK, la social-démocratie grecque), nous croyons que le PSOE cherchera à constituer un gouvernement minoritaire (avec le soutien extérieur de Podemos et / ou autres), plutôt que de permettre l’arrivée d’un nouveau gouvernement du PP (avec un soutien de l’extérieur en en formant une grande coalition). Bien sûr, aucune option n’est à exclure.

    Cependant, nous ne devons pas oublier que ce nouveau gouvernement sera aussi clairement pro-austérité, quand bien même avec un caractère moins brutal que le précédent. Il est important que Podemos et les autres forces de gauche capables d’apporter leur soutien à l’investiture d’un gouvernement du PSOE pour éviter un nouveau gouvernement PP soient très claires quant aux conditions nécessaires pour permettre cette investiture. Ces conditions doivent se baser sur des mesures concrètes en faveur de nos intérêts et ceux de la classe des travailleurs et pas sur des mesures encore abstraites de changements constitutionnels qui s’écraseront probablement contre le PP et sa majorité absolue au Sénat. Il est essentiel que l’hypothétique soutien à une investiture d’un gouvernement PSOE n’aille plus loin que ça: un soutien ponctuel pour empêcher un nouveau gouvernement du PP. Les forces politiques de la classe des travailleurs doivent maintenir leur indépendance et éviter toute implication politique avec l’austérité de n’importe quel gouvernement.

    Un vrai gouvernement de gauche devrait d’abord abroger les deux réformes du travail du PP et du PSOE et la loi de “sécurité citoyenne” – aussi appelée loi bâillon -, revenir sur les coupes budgétaires dans la santé et l’éducation, renationaliser les services publics privatisés, mettre fin aux mesures d’austérité et appeler à la tenue d’un référendum contraignant en Catalogne. Nous savons que cela n’est pas compatible avec un gouvernement du PSOE sous la dictature actuelle des marchés.

    Mais le plus important pour obtenir des concessions d’un gouvernement minoritaire, soit du PP ou PSOE, c’est le début d’un nouveau cycle de protestations. Il ne faut pas uniquement compter sur le cadre institutionnel pour lutter pour nos conditions de vie. En fait, tout le travail institutionnel doit viser à renforcer cette mobilisation. Comme nous le disions, les possibles gouvernements du PP ou PSOE, faibles et instables, seront plus faciles à influencer, voire à renverser au travers des outils traditionnels de la lutte ouvrière (manifestations, grèves générales, occupations,…) que les gouvernements précédents que nous avons subis dans l’État espagnol. La chute d’un gouvernement d’austérité à la suite de ces méthodes ouvrirait la possibilité de se battre pour un véritable gouvernement des travailleurs.

    En outre, tant l’expérience de Grèce que celle des listes de confluence de gauche dans certains gouvernements locaux nous montrent les limites de l’action des gouvernements réformistes ou de ceux qui ne sont pas disposés à prendre des mesures de rupture véritables avec le régime et le système capitalistes.

    Par conséquent, il est nécessaire, à partir de maintenant, de nous préparer à prendre le pouvoir à travers des organisations avec un véritable programme socialiste de nationalisation des secteurs clés de l’économie afin de la planifier en fonction des besoins de la société plutôt que des grandes entreprises ou des grandes fortunes, et aussi pour la défense de tous les droits démocratiques, y compris l’autodétermination.

    Dans ces organisations doivent être inclues des forces politiques comme Podemos et IU, qui ont démontré leur potentiel pour attirer à elles de larges couches des classes populaires, et aussi les mouvements sociaux comme la PAH, les groupes environnementaux et autres. Ces organisations doivent également avoir un fonctionnement démocratique à partir de la base pour garantir la révocabilité des responsables et l’élaboration collective du programme et des listes de candidats.

  • Élections générales en Espagne: Voter, ce n’est pas assez!

    podemos_decNous devons nous battre depuis la base pour un mouvement de masse capable de renverser le système!

    Les élections générales du 20 décembre s’annoncent comme le point culminant du cycle électoral qui a marqué l’Espagne cette année. Les marxistes comprennent que la politique se base sur la défense des intérêts de différentes classes sociales. Les résultats électoraux seront une expression plus ou moins proche de l’état d’esprit du mouvement des travailleurs, de la jeunesse, des sans-emplois et de tous les opprimés. Par conséquent, nous devons activement lutter pour renforcer celle-ci au maximum.
    Nous devons cependant nous rendre compte qu’un résultat électoral n’est qu’une mesure statique de la conscience des larges couches de la population, une sorte d’instantané d’un phénomène vivant et changeant. Ce sont les luttes massives de ces cinq dernières années et le soutien massif pour celles-ci qui donnent la meilleure image de la force de la classe de travailleurs.

    Article basé sur l’éditorial de décembre de La Brecha, journal de la section-soeur du PSL dans l’Etat espagnol.

    Pendant toute cette période électorale, la section soeur du PSL dans l’Etat espagnol, Socialismo Revolucionario, a défendu la présentation d’une candidature unique pour l’ensemble des forces de la résistance sociale. Une telle candidature, construite à partir de la base, aurait permis d’unir toutes les forces politiques anti-austérité et de reprendre le fil du succès qu’avaient rencontrés les listes de confluence de gauche aux élections locales de mai dernier.

    Une telle candidature n’a malheureusement pas été possible, non pour cause de différences politiques insurmontables, mais en raison de sectarisme organisationnel et de fonctionnement bureaucratique. Voilà ce qui a empêché une véritable confluence de la base. Politiquement, rien ne justifie objectivement la division de ces candidatures étant donné que, dans les conditions actuelles, l’objectif primordial consiste à écraser le système bipartite capitaliste (le Parti Populaire, de droite dure, et le PSOE, la social-démocratie) ainsi que le nouveau parti, tout aussi réactionnaire, Ciudadanos.

    Unité Populaire, le nom sous lequel s’est présenté la Gauche Unie (Izquierda Unida), représente la candidature la plus proche d’une politique anti-austérité et de rupture. Son programme comporte nombre d’éléments que la direction de Podemos a progressivement abandonnés au nom de la ‘‘centralité’’ et de la modération. Mais le poids historique des erreurs commises par Gauche Unie dans le passé (pactes avec des partis bourgeois et application de l’austérité) entrave plus son potentiel que celui de Podemos, qui bénéficie en ce moment d’une plus fraîche image de parti.

    Toutefois, aucune de ces deux formations ne vise à toutefois dépasser le capitalisme dans leurs approches concrètes. L’expérience grecque nous a montré que, dans le contexte de crise actuel, même la plus petite réforme pour la défense des conditions de vie des masses conduit à une confrontation profonde avec le système capitaliste et ses institutions. Cet exemple illustre à quel point une défense durable des revendications ouvrières et populaires n’est pas possible dans le cadre de la dictature de la Troïka et des marchés. C’est la leçon principale que nous devons tirer du processus grec. La rupture avec avec ce système – ainsi qu’avec l’UE et l’Euro capitaliste – est un prérequis indispensable pour récupérer des conditions matérielles dignes pour tous les peuples travailleurs, en Espagne et dans le reste de l’Europe.

    Conscients de la manière dont leur ordre établi est mis en cause, les voix les plus pragmatiques du capitalisme espagnol appellent déjà ouvertement à une réforme constitutionnelle. Face à la perte de légitimité des institutions et des partis, et au défi du peuple catalan qui exige pouvoir décider démocratiquement de son avenir, ils cherchent à modifier le régime de la Transition (le régime instauré en 1978, après la chute de la dictature) pour essayer de mettre fin au danger que suppose la remise en question du système.

    La gauche ainsi que les mouvements ouvriers et sociaux doivent avoir à l’esprit que les problèmes actuels ne seront pas résolus avec une retouche constitutionnelle, qu’elle soit grande ou petite. La source des problèmes ne se trouve pas dans la superstructure, mais dans la base fondamentale de la société capitaliste : la richesse de tous qui est la propriété de quelques-uns à peine. La solution consiste à briser cette base, par la propriété publique et démocratique de la richesse et la récupération des piliers de l’économie par la majorité sociale. C’est la base d’une solution socialiste qui doit être conçue au niveau de l’État, ainsi qu’à l’échelle européenne et mondiale.
    Pour cela, Socialismo Revolucionario soutient que voter pour la gauche alternative est important, mais pas suffisant ! Il faut aller plus loin. Il faut lutter politiquement pour un programme clair de rupture, pour la gauche et les mouvements sociaux. Parallèlement à cela, nous avons besoin que la mobilisation dans la rue soit réactivée par les méthodes traditionnelles de la classe de travailleurs (manifestations, occupations et grèves) dans un plan de lutte soutenu.

  • Nouvelles formations de gauche, réformisme ou rupture ?

    podemos_syrizaContrairement à la tendance d’il y a quelques mois, la trajectoire ascendante de la nouvelle formation Podemos est aujourd’hui freinée. A l’occasion des dernières élections régionales espagnoles, en mai dernier, Podemos avait obtenu une digne mais insuffisante troisième position. Depuis lors, la formation violette laisse entrouverte la possibilité de conclure des pactes avec des partis traditionnels. L’ambiguïté de Podemos par rapport à la notion de classe devient maintenant décisive à l’heure de choisir entre rupture ou acceptation d’une austérité ‘‘light’’. L’une des questions clés, en vue des élections générales de la fin de l’année en Espagne, est la formation de coalitions post-électorales et en particulier d’une possible entente entre le PSOE (la social-démocratie) et Podemos.

    Par Marisa (Bruxelles), article tiré de l’édition d’octobre de Lutte Socialiste

    Le PSOE s’est engagé sur la voie du néolibéralisme et a appliqué l’austérité au travers de coupes budgétaires et de réductions salariales. La social-démocratie européenne a tout à fait suivi le discours de la droite durant tout le processus de ‘‘négociations’’ en Grèce. En général, les partis sociaux-démocrates ont été incapables de fournir des réformes progressistes et se sont ouvertement positionnés dans le camp des capitalistes et des contre-réformes. Malheureusement, Syriza a fini par trahir les intérêts des travailleurs de la même façon que le parti social-démocrate grec Pasok.

    Cela a un impact pour la lutte contre l’austérité dans d’autres pays, comme le Portugal, l’Irlande, l’Italie ou l’Espagne. Les dirigeants de Podemos, après avoir tourné à droite, ont déclaré qu’ils auraient soutenu l’accord en Grèce ! Ils ajoutent que l’Espagne serait dans une meilleure position pour ‘‘négocier’’ avec les institutions européennes. Comme si la troïka n’était pas disposée à utiliser n’importe quelle méthode pendant les ‘‘négociations’’ pour écraser et discréditer tout gouvernement qui remet en question leur diktat !

    Si une chose est devenue claire après la crise grecque, c’est que les nouvelles formations de travailleurs ont besoin d’un programme qui vise à aller jusqu’au bout dans la lutte contre l’austérité. La victoire de Corbyn lors de l’élection pour la présidence du Parti travailliste en Grande-Bretagne est aussi importante que l’émergence de Podemos en Espagne. Mais le plus intéressant, c’est que Corbyn s’est présenté avec un programme encore plus radical que celui de Podemos et avec une orientation claire envers la classe des travailleurs, ce qui montre que la recherche d’une alternative à l’austérité se poursuit.

    Il est impossible de mettre en œuvre un programme de réformes sans remettre en cause la base économique du système capitaliste actuel. Une restructuration de la dette n’est pas suffisante et, en plus, elle est souvent utilisée pour rendre la dette plus soutenable et éviter de défaut de paiement nocif pour les créanciers. Le point de départ pour un gouvernement de gauche est un programme qui exprime le vote anti-austérité avec des mesures socialistes telles que le refus du paiement de la dette, la nationalisation sous contrôle démocratique des travailleurs des secteurs-clés de l’économie et des investissements publics massifs pour répondre aux nécessités sociales.

    C’est seulement sur base d’une nationalisation du système bancaire sous contrôle populaire qu’il serait possible de se débarrasser des spéculateurs qui retiennent la classe ouvrière en otage. Dans un secteur bancaire nationalisé, le fardeau des prêts hypothécaires pourrait être remplacé par des loyers abordables, les petites entreprises pourraient obtenir des prêts bon marché, et des travaux publics tels qu’un programme de construction de logements massif pourraient être financés à moindre coût. Il est clair qu’aucun parti pro-austérité n’accepterait de telles mesures de rupture et, par conséquent, un pacte anti-austérité dans une coalition avec ces partis n’est ni ‘‘réaliste’’ ni ‘‘stable’’, c’est impossible.

    Pour clarifier cette question, il est important de se rappeler de ce qui est arrivé lors des élections en Andalousie, où Izquierda Unida (Gauche Unie) a obtenu le pire résultat de son histoire. Personne n’ignore que IU a été punie pour sa participation à un gouvernement de coalition avec le PSOE, un gouvernement qui a également appliqué l’austérité mais à un rythme plus lent. Cela a été perçu par le public comme une erreur et la création d’une nouvelle coalition de Podemos ou d’autres formations alternatives avec des partis pro-austérité serait à nouveau perçue comme une erreur. La nécessité d’une large confluence de gauche avec un programme anti-austérité pour les élections générales du 20 décembre en Espagne – avec Podemos, IU et les mouvements sociaux – est plus qu’évidente.


     

    Grèce : Abstention record aux élections du 20 septembre

    Tsipras et la direction de Syriza ont transformé le ‘‘non’’ au mémorandum en un ‘‘oui’’. Au lieu de s’appuyer sur le mandat populaire qui lui était donné par les 61 % des voix contre l’austérité, Syriza est devenu rien de moins que le parti qui appliquera le nouveau mémorandum austéritaire.

    Nous ne pouvons pas analyser les résultats du 20 septembre sans commencer d’abord par faire remarquer le taux d’abstention record de 43,4 %. Si nous y ajoutons les 2,42 % des votes nuls ou blancs, cela signifie que près d’un électeur sur deux n’a pas participé aux élections. La frustration qui existe dans la population et dans de grandes parties de la gauche est énorme. Le résultat est un parlement avec 6 partis pro-mémorandum, un parti nazi et le KKE (Parti communiste grec) comme seule expression de la gauche.

    Les deux partis ayant reçu le plus de votes, Syriza et Nouvelle Démocratie (droite), ont obtenu ensemble 3,45 millions de voix. En comparaison avec le résultat des élections de janvier, Syriza a perdu 320.074 voix et ND 192.489. En 2004, l’ancien système des deux partis, le PASOK (social-démocratie) et la ND, obtenait 6,36 millions de voix ensemble. Le ‘‘nouveau’’ bipartisme a moins d’impact et est plus instable que l’ancien. Cela affectera la coalition de Syriza / ANEL (droite nationaliste) qui sera rapidement testée lorsque le poids du mémorandum provoquera les premières réactions politiques et sociales.

    Aube Dorée reste, pour la troisième fois consécutive, la troisième force électorale du pays, mais la formation d’extrême droite a perdu 10.000 voix en chiffres absolus, malgré que le procès lié à l’assassinat du militant antifasciste Pablos Fyssas a déjà commencé. Le KKE a perdu 38.000 voix et Unité Populaire (scission de l’aile gauche de Syriza) n’est parvenue à décrocher aucun siège. Unité Populaire n’a pas été en mesure de présenter une alternative cohérente, ni un processus démocratique ouvert et connecté aux forces présentes dans la société. Le mauvais résultat électoral de la gauche anti-austérité ne peut être que la base pour un nouveau commencement, en tenant compte des erreurs de la gauche réformiste.

    Catalogne : La justice sociale et le droit d’autodétermination sont inséparables

    La victoire des listes de confluence de gauche dans des grandes villes comme Madrid et Barcelone a représenté un grand pas en avant. Les nouveaux élus ont déjà mis en place des mesures pour arrêter des expulsions, un audit de la dette municipale et la création d’un réseau des villes refuge face à la crise migratoire. Cependant, les contraintes auxquelles ces coalitions sont confrontées commencent également à devenir palpables.

    Une nouvelle occasion se présente pour utiliser la force accumulée par les luttes et les mobilisations de ces dernières années. À l’heure d’écrire cet article, les élections catalanes du 27 septembre sont imminentes et la question nationale jouera un rôle très important dans celles-ci. Mais polariser la question autour du ‘‘oui’’ ou ‘‘non’’ à l’indépendance favorise uniquement les secteurs plus réactionnaires. Quel que soit le résultat final par rapport à l’indépendance, le nouveau gouvernement devra choisir entre appliquer plus d’austérité ou s’y opposer.

    En outre, les questions sociale et nationale sont intrinsèquement liées. Il ne peut pas y avoir une véritable justice sociale si ce n’est pas possible d’exercer le droit d’autodétermination, et il ne peut pas y avoir une vraie indépendance si celle-ci n’est pas accompagnée de justice sociale. Toute collaboration avec des organisations bourgeoises sur un de ces sujets est une lourde charge pour les intérêts démocratiques et sociaux de la population.

    Idéalement, il ne faudrait qu’une seule liste de gauche et de rupture, mais en pratique deux listes essayeront de jouer ce rôle : la CUP (gauche indépendantiste et anticapitaliste) et Catalunya Sí que es Pot (confluence de gauche anti-austérité). Mais voter n’est pas suffisant. Il est nécessaire que des nouvelles couches de travailleurs et de jeunes participent à leurs campagnes et rentrent en masse dans l’activité politique. La lutte contre l’austérité et pour la défense des droits démocratiques des travailleurs ne sera pas possible sans une étroite collaboration entre la gauche catalane, espagnole, européenne et internationale.

  • Espagne : après la percée de la gauche aux élections locales, vers un nouveau front de résistance contre l’austérité ?

    adacolau-300x160C’est une réalité: Barcelone, Madrid et d’autres importantes villes d’Espagne disposent de nouvelles mairies constituées autour de listes de confluence de gauche. Le cycle des mobilisations sociales et des travailleurs de ces dernières années – initié par le mouvement des Indignés en 2011et par les 3 grèves générales de 24h de 2012 et 2013 – s’est reflété pour la première fois dans les résultats électoraux le 24 mai dernier. La crise politique du capitalisme espagnol s’approfondit, l’establishment aura beaucoup de difficultés à garder la situation sous contrôle pour poursuivre sa politique d’austérité et de reculs sociaux. De nouvelles possibilités s’ouvrent pour les travailleurs et la jeunesse, une nouvelle période s’ouvre pour la lutte des classes.

    Par Marisa (Bruxelles)

    Depuis la fin de la dictature, le système politique espagnol était dominé par les deux grands partis, le PP (droite) et le PSOE (social-démocratie). Aucun des deux n’a hésité à appliquer des coupes budgétaires (notamment dans l’éducation et la santé) ainsi que des contre-réformes de la législation du travail et du système des pensions, ce qui a fortement diminué le niveau de vie de la majorité de la population. Après les élections de mai dernier, la représentation de ces deux partis est tombée à 52% des voix, alors que leurs résultats combinés atteignaient auparavant les 80%. Le coup a été spécialement rude pour le PP qui a perdu le pouvoir dans nombre de ses fiefs. Il a également perdu sa majorité absolue dans toutes les régions. Le PSOE continue lui aussi à reculer.

    Aux régionales, Podemos a engrangé de bons résultats en se hissant généralement à la troisième place. Izquierda Unida (Gauche Unie) a par contre perdu sa représentation dans 4 des 8 parlements régionaux. Le soutien à des options alternatives de gauche a nettement augmenté aux élections municipales qui se déroulaient en même temps. Barcelone, Madrid, La Corogne, Cadrix, Saragosse et d’autres villes importantes disposent maintenant d’autorités municipales constituées à partir des candidatures dites “d’unité populaire”.

    Les listes d’ “unité populaire”

    Ces listes étaient des alliances de partis de gauche et d’activistes des mouvements sociaux. Il s’agissait de fronts unis sur base d’organisations de gauche (Podemos, Izquierda Unida ou son aile gauche, écologistes de gauche et, parfois, des formations de gauche indépendantiste comme la CUP en Catalogne et Anova en Galice), de syndicalistes, d’activistes contre les expulsions de maisons, de militants antiracistes, etc. Même si ces listes sont parfois associées à Podemos, elles avaient un profil indépendant. Ces listes étaient clairement considérées comme les émanations de la résistance de gauche contre l’austérité.

    Elles sont parvenues à occuper un vide politique qui n’était pas rempli par les organisations traditionnelles des travailleurs tout en attirant de nouvelles couches d’activistes issues des mouvements sociaux. En général, leurs programmes reposaient sur une opposition aux coupes budgétaires, sur la défense d’un audit démocratique de la dette publique municipale et de l’accès à l’eau ainsi qu’à l’énergie pour les plus démunis, sur le rejet des expulsions des maisons et sur d’autres exigences actuelles des mouvements sociaux et des travailleurs.

    Ce qui est clair, c’est que les listes de confluence de gauche ont obtenu de meilleurs résultats au niveau local que ceux obtenus par Podemos, qui s’est présenté seul aux régionales. Le cas le plus visible de cette tendance est à Madrid. La liste de confluence de gauche “Ahora Madrid” (31,85%) a remporté 230.000 voix de plus aux élections locales que la liste de Podemos (17,73%) aux élections régionales pour la même circonscription.

    Coalitions ou gouvernements de gauche minoritaires ?

    Malgré ces magnifiques victoires, aucune de ces listes de confluence de gauche n’a gagné de majorité absolue, élément qui ajoute une dose d’instabilité sur une carte politique très fragmentée. La question qui se pose maintenant pour ces nouveaux gouvernements de gauche locaux est la manière d’instaurer une politique favorable aux intérêts de la majorité en tenant compte de sa position minoritaire. Dans plusieurs endroits se pose donc la question de constituer des coalitions avec d’autres partis, y compris le PSOE social-démocrate. Pour Socialismo Revolucionario (SR, section du Comité pour une Internationale Ouvrière dans l’Etat espagnol et organisation-sœur du PSL) cette discussion doit démarrer du programme et de la nécessité d’appliquer une politique de rupture avec l’austérité.

    L’expérience la plus récente d’une coalition unissant Izquierda Unida et le PSOE, en Andalousie, a abouti à un gouvernement régional qui a lui aussi appliqué l’austérité, à un rythme plus lent il est vrai. Izquierda Unida a reçu une sévère correction lors des dernières élections andalouses pour s’être compromis dans cette politique antisociale. La loyauté du PSOE dans l’application de la politique austéritaire exigée par la classe dominante rend impossible de conclure un accord de gouvernement avec lui pour instaurer des mesures sociales. Socialismo Revolucionario appelle à la formation de gouvernements locaux minoritaires (ne disposant pas de majorité au conseil municipal) avec les forces réellement engagées dans la défense d’un programme anti-austérité et qui se basent sur la mobilisation sociale pour le défendre.

    Que faire avec une mairie de gauche ?

    La liste de confluence de gauche “Barcelona en Comú” a soutenu la grève illimitée des techniciens de Movistar pour l’amélioration de leurs conditions de travail. Cet exemple est très significatif et illustre le potentiel d’un gouvernement de gauche pour renforcer la visibilité des luttes des travailleurs et de la jeunesse. Tant à Madrid qu’à Barcelone, les listes d’unité populaire ont pour priorité des mesures destinées à paralyser les expulsions des maisons, en admettant que celles-ci ne pourront pas toutes respecter le cadre légal.

    Il est vrai qu’il y a des limites pour stopper les expulsions à partir des autorités municipales. C’est pourquoi un gouvernement de gauche, même en position minoritaire, devrait mobiliser et chercher à s’attirer un soutien actif dans la société pour créer un rapport des forces favorable. Il pourrait par exemple déclarer sa ville “zone libre d’expulsions”, boycotter les banques responsables et mobiliser un soutien massif de la population (par une combinaison de manifestations, d’actions, d’assemblées,…). Cela pourrait forcer les autorités et la police locale à rejeter indéfiniment l’application des expulsions. La pression publique et la désobéissance civile de masse ainsi générées permettraient à un gouvernement de gauche de faire face à toute contestation juridique.

    Le problème ne se limite toutefois pas à la paralysie des expulsions, il faut aussi créer des logements abordables. Un plan d’investissement massif de construction de logements sociaux publics pourrait résoudre le manque de logements tout en instaurant une pression à la baisse sur les loyers. Cela rentrerait évidemment en confrontation avec les coupes budgétaires imposées par le gouvernement du PP et par la “loi de stabilité budgétaire” qui empêche tout déficit au niveau local. Pour pouvoir investir dans la création d’emplois et améliorer le niveau de vie de la majorité, des mesures comme la désobéissance budgétaire et le refus du paiement de la dette municipale sont nécessaires. L’organisation et la mobilisation sociale pourraient forcer les partis pro-austérité à reculer.

    La répétition du même exemple dans plusieurs villes et villages pourrait poser les bases pour un front de résistance qui désobéirait aux obligations légales et aux coupes budgétaires imposées par les gouvernements central et régionaux, de la même façon que 19 mairies en Grèce avaient refusé d’appliquer une loi qui imposait le licenciement de milliers de travailleurs municipaux. Un réseau national de villes rebelles pourrait servir de préparation à la création d’un front uni à la base, incluant entre autres Podemos et Izquierda Unida, pour lutter en faveur d’un gouvernement central de gauche anti-austéritaire pour les prochaines élections générales qui auront lieu à la fin de cette année.


    Une politique basée sur les travailleurs : l’exemple de Liverpool 1983-1987

    liverpoolRompre avec la logique austéritaire dans une municipalité, c’est possible! A Liverpool, dans les années ‘80, la majorité du parti travailliste était sous l’influence du groupe “Militant”, qui deviendra ensuite le Socialist Party. Les travaillistes avaient remporté les élections en promettant d’en finir avec la politique de Thatcher, qui voulait imposer une austérité sauvage dans les localités, et de répondre aux aspirations de la majorité sociale. Ce fut respecté, notamment via de grandes mobilisations organisées par le conseil et le mouvement des travailleurs. En mars 1984, une grève de 24 heures a été menée par les 30.000 employés municipaux avec une manifestation qui a réuni 50.000 participants… pour soutenir le vote du budget des autorités municipales ! Le conseil de Liverpool a lancé la construction de milliers de logements sociaux, ce qui a conduit à la création de 6.500 emplois dans le secteur du bâtiment, a réengagé du personnel communal,… En raison de son isolement et de l’absence de tout soutien de la part de la direction du parti travailliste, le conseil municipal socialiste de Liverpool est tombé et le gouvernement de droite de Thatcher a pu lancer sa contre-offensive de manière totalement antidémocratique.

0
    0
    Your Cart
    Your cart is emptyReturn to Shop