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  • Notre alternative: le socialisme

    Lors d’un meeting organisé par la régionale Campine/Malines de la FGTB, Mia De Vits (SP.a) a déclaré qu’il n’existait pas d’alternative à l’économie du marché. Ce n’est pas du tout notre avis. Nous pensons qu’il existe une alternative à la pauvreté, à la guerre et à l’exploitation : le socialisme.

    Geert Cool

    Au cours des deux derniers siècles, le potentiel technologique maîtrisé par l’humanité a considérablement progressé. Malgré cela, 1,2 milliards de gens souffrent de la faim et 841 millions souffrent de malnutrition grave. Les forces productives se sont développées de façon considérable, mais uniquement au profit d’une infime minorité.

    Dans une société socialiste

    Le fonctionnement économique reposerait sur la planification. Les grandes entreprises et les multinationales, qui dominent près de 80% de l’activité économique, seraient placées sous le contrôle et sous la gestion démocratiques des travailleurs. Un gouvernement ouvrier ne serait pas une dictature, mais stimulerait la gestion démocratique. Cela irait beaucoup plus loin que ce que nous offre la démocratie bourgeoise d’aujourd’hui : aller voter une fois tous les 4 ans.

    Dans une société socialiste les représentants élus sur base locale, régionale et nationale devraient rendre des comptes et seraient révocables à tout moment. Les élus ne doivent pas gagner plus que le salaire moyen, pour ne pas être coupé de ce qui vit dans la société. Aujourd’hui les parlementaires perçoivent une indemnité mensuelle correspondant à environ quatre mois d’un salaire moyen. Comment voulez-vous que dans ces conditions ils puissent s’impliquer pour défendre la population laborieuse? De plus, beaucoup de décisions sont prises par les grandes entreprises, sans la moindre consultation de la population.

    Dans une société socialiste, des comités seraient élus à chaque niveau, sur les lieux de travail, dans les quartiers, dans les écoles, pour contribuer à l’organisation de la production et de la société.

    Certains pensent que tout cela est utopique. Mais dans presque chaque lutte de masse au cours des dernières décennies, les embryons d’une telle structure ont émergé. Lors de la Commune de Paris, mais aussi lors de grandes vagues de grève, des comités de grève, des comités de solidarité, des structures d’auto organisation des travailleurs naissent. Il faudra accorder aux travailleurs plus de temps et plus de moyens pour participer au contrôle de la société. Des mesures telles que la réduction du temps de travail, des crèches, et un enseignement de qualité sont donc indispensables.

    Développer une telle planification ne sera pas si compliqué. La technologie moderne facilitera la planification démocratique. Nous ne sommes plus dans la Russie de 1917 où les moyens de communication étaient limités et où la majorité de la population était analphabète.

    Aujourd’hui, la classe ouvrière a atteint un niveau d’instruction élevé. Beaucoup de travailleurs, surtout les jeunes, utilisent un ordinateur. Il existe des instruments technologiques comme l’Internet, des études de marché… Aujourd’hui il existe déjà une forme de planification capitaliste dans les grandes entreprises. Pourquoi ne pourrait-on pas les utiliser de manière rationnelle afin de savoir ce dont les travailleurs et leurs familles ont réellement besoin?

    L’"appropriation" de la production par la classe ouvrière sera un grand pas en avant. Elle ira à contre-courant des intérêts des capitalistes qui possèdent aujourd’hui les moyens de production. La socialisation de la production et la planification socialiste démocratique de celle-ci en fonction des besoins de la population est la question politique la plus importante du mouvement ouvrier.

    Quelques préjugés sur le socialisme

    Le socialisme mènera-t-il à la disparition des talents individuels?

    Une société où seuls les profits comptent et où l’inégalité et la misère sont la règle, mène à ce qu’une bonne partie des qualités humaines ne s’épanouissent pas. Dès lors que ce ne sont plus les profits mais les intérêts de la population qui sont au cœur de la société, il y aura plus de barrières à l’épanouissement individuel sur tous les terrains: culturel, scientifique, sportif,… Cela s’est vu en Union soviétique, après 1917 : une explosion d’initiatives et de créativité culturelle. Le socialisme ne signifie pas que nous porterons tous les mêmes vêtements ou que nous conduirons tous la même voiture,… Au contraire, le socialisme signifiera plus de diversité et que les travailleurs auront plus de temps et de moyens pour exprimer leur créativité.

    Le socialisme ne renforcera-t-il pas la paresse?

    Selon quelques-uns, l’homme serait paresseux de nature et n’aurait pas envie de travailler quand il n’existe pas de stimulant individuel, de la concurrence et/ou de la compétition. Comme si on avait tous notre propre lopin de terre à labourer ou notre propre atelier. En fait la toute grande majorité de la population ne possède pas de moyens de production. Beaucoup de travailleurs font leur travail non parce qu’ils sont stimulés par le fruit de leur travail, mais parce qu’ils sont obligés de travailler pour vivre. Dans une société socialiste, les travailleurs travailleront pour la richesse collective en l’investissant dans la production entière.

  • Le néo-libéralisme mis en cause. Union européenne: une claque magistrale!

    La victoire du NON au référendum sur la constitution européenne, le 29 mai dernier en France, est une claque magistrale infligée par les travailleurs et les jeunes aux institutions capitalistes de l’Union européenne. Le taux de participation élevé (70%), les 56% de NON à la constitution sont sans appel. L’Europe capitaliste est K.O. debout ! Chirac et la classe politique et médiatique peuvent aller se rhabiller : ils ont mal mesuré le ressentiment des classes défavorisées envers les institutions européennes. Depuis des années, celles-ci incarnent, pour une masse croissante de travailleurs et de jeunes, les privatisations, la casse des services publics, les coupes dans les budgets sociaux, la compétition forcée avec les pays à bas salaire,…

    Peter Delsing

    Le NON aux Pays-Bas (63%), le 1er juin, a été le clou du cercueil. En quelques semaines, une atmosphère de crise a gagné les bourgeoisies européennes. L’eu(ro)phorie est bien loin !

    Le NON comme expression des contradictions de classes

    En France et aux Pays-Bas, l’extrême droite et les nationalistes ont fait campagne pour le NON : le néo-fasciste Le Pen et le conservateur de droite De Villiers en France, le populiste de droite Geert Wilders aux Pays-Bas. Mais le NON était principalement l’expression d’un rejet de l’Europe capitaliste par les victimes de la crise. En France, les mobilisations de masse contre l’abolition de la semaine de 35 heures, contre la baisse du pouvoir d’achat et contre les privatisations ont pesé lourd dans le camp du NON. L’opposition à la Constitution est devenue une question sociale : la politique antisociale de Chirac et des autres gouvernements fait partie intégrante de la politique néo-libérale imposée par l’Union européenne. Dans les grandes villes ouvrières comme Marseille, Nice ou Lille, le NON l’a emporté haut la main. Dans les villes plus nanties, avec une forte concentration petite-bourgeoise, comme Paris, Lyon, Strasbourg, le OUI l’a emporté. Dans les quartiers populaires d’Amsterdam (Amsterdam-Nord : 73%, Volewijck et Buiksloterham ; tous deux 79%) le NON l’a emporté sans bavures.

    Il est révélateur que même les commentateurs bourgeois ont été contraints de reconnaître qu’on avait voté contre la politique ‘libérale’. Les résultats de ces référendums ont confirmé l’analyse du MAS: depuis des années nous avons répété qu’une révolte de masse allait se lever contre la politique antisociale actuelle. Les mobilisations de la jeunesse annonçaient une radicalisation plus large chez les travailleurs. Quand nous avons organisé en 2001, à Gand, avec Résistance internationale, une grève et une manifestation de 2.500 lycéens et d’étudiants contre le sommet européen, certains commentateurs ont jugé qu’il s’agissait de protestations "marginales". Ils ont eu tort.

    La crise capitaliste met à mal l’Union européenne

    Toute tentative d’organiser un second referendum en France et aux Pays-Bas a fait long feu ; Cela ôterait toute crédibilité aux institutions capitalistes européennes, avec le risque de provoquer des mobilisations de rue. Ce serait une stupidité pour la bourgeoisie. La Grande-Bretagne, la Pologne et la Tchéquie ont décidé de reporter leur référendum. La victoire du NON en France et aux Pays-Bas a radicalisé les travailleurs. Ceux qui expliquent que le NON est l’expression d’un nationalisme étroit, n’ont rien compris: c’est au contraire l’expression d’une prise de conscience sociale internationale.

    L’Europe ne peut être unifiée sur base de différents états-nations. Plus la crise économique s’approfondira, plus la pression au sein de chaque bourgeoisie pour trouver une issue individuelle pèsera. En Italie, pays officiellement en récession, la Ligue du Nord – pourtant au gouvernement – a préconisé l’abandon de l’euro et le retour à la lire! L’idée derrière cela est d’améliorer la position concurrentielle des exportations italiennes en dévaluant la lire. Ceci (évidemment) au détriment des autres états concurrents européens. Une crise économique profonde, et surtout le spectre de la lutte de classes qui pourra faire chuter des gouvernements, ne manquera pas de pousser à terme l’Union européenne hors jeu.

    Les failles dans la construction européenne capitaliste se multiplient : la constitution est mise au frigo pour longtemps ; l’élargissement de l’Union (à la Turquie, à de nouveaux pays de l’Est) est remise aux calendes grecques ; le sommet de Bruxelles (en juin) a capoté sur le budget européen. Il s’agit de la crise la plus grave de la tentative d’unification capitaliste européenne. Il n’existe plus de noyau "convaincu" de pays forts qui rallient derrière eux les pays indécis, comme dans la deuxième partie des années 90, à l’époque d’une conjoncture économique meilleure. Les intérêts capitalistes nationaux regagnent du terrain. C’est la conséquence de l’aggravation de la crise du capitalisme.

    Les dirigeants capitalistes n’ont rien appris: il est temps de les mettre dehors

    En France, le nouveau premier ministre De Villepin veut inverser le cours en annonçant… de nouvelles mesures d’austérité. Il veut, par exemple, faciliter les licenciements dans les PME ("pour qu’elles embauchent plus vite") et organiser la chasse aux chômeurs.

    Les syndicats doivent riposter à ces nouvelles attaques et défendre réellement les travailleurs. On ne pourra construire un rapport de forces qu’à travers la lutte. Le MAS veut participer à cette riposte. La création d’un nouveau parti des travailleurs à caractère de masse est un élément clé de cette riposte. Nous pensons que ces partis devront adopter un programme de transformation socialiste de l’Europe. Car seule une fédération des états socialistes d’Europe pourra mener une véritable politique sociale.

  • FNAC. Une pilule amère pour les travailleurs

    Interview d’une déléguée SETCa, Irène Kaufer

    Présente en Belgique depuis 1981, la FNAC appartient aujourd’hui au groupe PPR (Pinault Printemps Redoute). En 2003, la filiale belge (Bruxelles, Anvers, Gand, Liège, Louvain, Wijnegem) a réalisé un bénéfice de 4 millions d’euros, entièrement distribué aux actionnaires. En 2004, elle était en perte. La direction a alors imposé un "plan de relance" qui va faire mal aux travailleurs. Nous avons rencontré Irène Kaufer, déléguée principale SETCa.

    Propos recueillis par Guy Van Sinoy

    En quoi consiste ce "plan de relance"?

    “Une suppression d’emplois (25 équivalents temps plein), une nouvelle grille salariale basée sur le mérite au lieu de la grille basée sur l’ancienneté, 5% de contrats à durée déterminée, 5% d’intérimaires, 25 jours par an où l’employeur peut imposer l’horaire de travail sans l’accord du travailleur. Ce n’est donc pas un véritable plan de relance de l’activité commerciale, handicapée par des déficiences en matière d’informatique et de logistique, mais un plan de restructuration pour faire supporter par les travailleurs (baisse de la masse salariale et plus de flexibilité) des erreurs de gestion.”

    Comment ont réagi les organisations syndicales et les travailleurs?

    “Le 15 avril, nous nous sommes rendus à Paris, en bus, en front commun syndical pour rencontrer la direction et mener une action de protestation en commun avec les collègues de la FNAC Champs-Elysées qui manifestent tous les samedis pour de meilleurs salaires. Le 21 avril, les travailleurs du dépôt d’Evere, directement visés par la restructuration ont cessé le travail et ont mis en place des piquets de grève. La direction de la FNAC a immédiatement réagi en faisant appel au tribunal, par une procédure en référé. Le juge a décidé d’infliger une astreinte de 5.000 euros par heure à chaque gréviste présent au piquet ! Dans ces conditions, la grève a continué mais sans piquets.”

    La grève s’est-elle étendue à d’autres sièges?

    “Oui, surtout au siège de Bruxelles. Le personnel du siège de Liège, directement visé par la restructuration a aussi participé aux actions. Cependant, la direction a mis comme préalable à toute discussion l’arrêt de toute action de grève. C’est ainsi que trois rencontres ont été annulées par la direction : la première parce que les travailleurs du dépôt continuaient la grève, la deuxième parce que lors d’une assemblée du personnel j’ai évoqué l’idée d’une grève, la troisième parce que j’en avais parlé dans la presse.”

    Comment a évolué le conflit?

    “La direction de la FNAC a demandé l’intervention d’un conciliateur social qui a proposé de soumettre le plan de relance à un référendum postal. Les secrétaires syndicaux ont accepté. Comme certains travailleurs avaient décidé entretemps de quitter volontairement l’entreprise, l’objectif de supprimer 25 équivalents temps plein était atteint sans licenciements. La direction a déclaré à la presse que si le NON l’emportait lors du réfé-rendum on fermerait des sièges en commençant par les moins rentables (en clair, par Liège).

    "Sur l’ensemble des 6 sièges, 75% de votants ont accepté le "plan de relance". La direction et les cadres ont voté, ce qui est anormal car ils ne sont pas concernés par les pertes de salaire. Les travailleurs en place peuvent choisir entre la nouvelle grille de salaires, au mérite, et l’ancienne, mais celle-ci est tellement remaniée qu’elle ne vaut guère mieux que la nouvelle. Pour certaines catégories de travailleurs, cela représentera en fin de carrière un manque à gagner d’environ 500 euros par mois!”

    Et pour l’avenir?

    “Rien n’est garanti. La convention signée prévoit que la direction "discutera de la possibilité d’ouvrir de nouveaux sièges", sans aucun engagement. Elle prévoit aussi de ne pas procéder à des licenciements économiques… si les objectifs de rentabilité des prochaines années sont atteints.”

  • 60 ans après la Seconde Guerre mondiale

    On commémore ces temps-ci le 60ème anniversaire de la fin la Seconde Guerre mondiale. Les médias nous ont abreuvés d’articles et de témoignages historiques sur ce qui fut la plus grande boucherie à ce jour de l’histoire humaine (60 millions de morts). Un dossier de plus? Non, car les commémorations occultent trop souvent les tenants et aboutissants de cette guerre qui a changé pour près d’un demi-siècle les rapports de force au niveau mondial.

    Thierry Pierret

    La Première Guerre mondiale avait été une guerre de repartage du monde entre puissances impérialistes. Pendant des décennies, il y avait une course de vitesse entre les différentes puissances européennes pour s’emparer des différents pays d’Afrique et d’Asie. La Grande-Bretagne et la France étaient sorties gagnantes de cette course de vitesse, l’Allemagne devant se contenter des “miettes” du monde colonial.

    C’est la volonté de l’Allemagne d’imposer un repartage du monde à son avantage qui a plongé le monde dans la “Grande Guerre” en 1914. Les principaux partis sociaux-démocrates s’étaient rangés derrière le drapeau de leur propre impérialisme. C’est la Révolution russe qui a mis fin à la Grande Guerre sur le front de l’est avec l’armistice de Brest-Litovsk. Quelques mois plus tard, la révolution en Allemagne mettait fin aux hostilités sur le front occidental. Malheureusement, la révolution en Allemagne n’a pas abouti à la prise du pouvoir par les travailleurs comme en Russie. Le Parti social-démocrate (SPD) y était autrement plus puissant que les mencheviques en Russie et le jeune Parti communiste allemand (KPD) a commis des erreurs tactiques. La défaite de la révolution en Allemagne, mais aussi en Italie, en Hongrie, en Slovaquie,… ouvre désormais la voie à une période de contre-révolution en Europe qui sera le prélude à une nouvelle conflagration mondiale.

    La montée du fascisme

    La petite-bourgeoisie était prise en tenaille entre le mouvement ouvrier d’une part, la grande industrie et les banques d’autre part. La faillite les guette et, avec elle, la nécessité de vendre leur force de travail pour vivre. Ils aspirent au retour à l’ordre, c’est-à-dire à la situation qui prévalait avant l’industrialisation, à savoir une société de petits producteurs. Les fascistes les séduisent avec leurs diatribes contre “le capital financier” et contre le communisme. La crise économique des années trente verra les secteurs décisifs de la bourgeoisie soutenir le fascisme pour rétablir ses profits en écrasant le mouvement ouvrier et en forçant l’ouverture des marchés extérieurs aux produits allemands.

    Il est donc faux de prétendre que la mégalomanie de Hitler et de Mussolini serait la cause de la Seconde Guerre mondiale. En fait, le programme des partis fascistes correspondait aux nécessités du capitalisme en période de crise aigüe. La seule façon pour la bourgeoisie des pays vaincus (Allemagne) ou mal desservis par la victoire (Italie) de restaurer sa position, c’était d’imposer un nouveau partage du monde par la guerre. Or seuls les partis fascistes étaient déterminés à le faire là où les partis bourgeois classiques étaient soucieux de préserver les équilibres internationaux. Il y a donc un lien entre le fascisme et la guerre dans la mesure où ce sont deux conséquences parallèles de la crise du capitalisme en décomposition.

    Capitulation du mouvement ouvrier

    La victoire du fascisme n’était pas inéluctable. En Allemagne, les partis ouvriers et leurs milices – SPD et KPD – étaient plus puissants que le Parti nazi. Mais le SPD refusait l’affrontement sous prétexte de respecter la légalité là où les nazis n’en avaient cure. Plutôt que d’organiser les travailleurs, il préférait s’en remettre au Président Hindenburg comme “garant de la démocratie”.

    Quant au KPD, il suivait la ligne de Moscou qui professait la théorie absurde selon laquelle la social-démocratie et le nazisme étaient des frères jumeaux (théorie du social-fascisme). Le KPD a même organisé des activités en commun avec les nazis! Cette attitude des dirigeants des deux grands partis ouvriers allemands a complètement désorienté les travailleurs allemands face aux nazis. En 1933, Hitler prenait le pouvoir sans coup férir avec la bénédiction de Hindenburg…

    Le Pacte germano-soviétique

    L’arrivée au pouvoir de Hitler – dont Staline était pourtant largement responsable – a semé la panique à Moscou. Pour assurer sa défense, l’URSS va désormais privilégier une stratégie d’entente avec la France et la Grande-Bretagne. Pour ce faire, il ne fallait rien faire qui puisse effrayer les bourgeoisies française et britannique. Par conséquent, les partis communistes occidentaux devaient adopter un profil bas et privilégier des alliances non seulement avec la social-démocratie, mais aussi avec la “bourgeoisie progressiste”.

    Cette stratégie débouchera sur la formation de gouvernements de front populaire en France et en Espagne en 1936. Pour maintenir coûte que coûte ce front de collaboration de classe, le PC n’hésitera pas à casser la grève générale en France et à liquider la révolution en Espagne. Mais en 1938, Paris et Londres repoussent l’offre de Staline d’agir de concert pour contrer les visées de Hitler sur la Tchécoslovaquie.

    Staline change alors son fusil d’épaule et signe le Pacte germano-soviétique en 1939. Il croit ainsi assurer ses arrières. Bien plus qu’un pacte de non-agression, le Pacte germano-soviétique comportait un protocole secret qui organisait le dépeçage de l’Europe de l’est entre l’Allemagne et l’URSS. Alors que les bolcheviques avaient rendu publics tous les traités secrets en 1917, Staline renouait avec les pires méthodes des puissances impérialistes.

    Une nouvelle guerre de repartage

    La Seconde Guerre mondiale fut, en Europe de l’Ouest, en Afrique et en Asie, une nouvelle guerre de repartage du monde. L’Allemagne, qui avait été privée de toutes ses colonies en 1918, voulait prendre sa revanche. L’Italie, mal desservie par sa victoire en 1918, avait annexé l’Albanie et envahi l’Ethiopie en 1935. Mais l’Ethiopie était le seul pays africain qui restait à coloniser. L’Italie ne pouvait plus étendre son empire colonial qu’en empiétant sur les colonies françaises et britanniques. Il ne faut pas chercher ailleurs les raisons de son entrée en guerre aux côtés de l’Allemagne en 1940. En Asie, le Japon, après avoir annexé la Corée et la Mandchourie, s’était lancé à la conquête de la Chine toute entière. Il lorgnait sur les colonies françaises, britanniques et hollandaises en Asie. Mais les Etats-Unis s’opposaient aux prétentions impériales de Tokyo en Asie et lui ont coupé son approvisionnement en pétrole.

    D’où l’attaque sur Pearl-Harbour en décembre 1941 pour avoir les mains libres dans le Pacifique. Pearl-Harbour a fourni le prétexte rêvé au Président Roosevelt pour engager les Etats-Unis dans la guerre, puisque le Japon était un allié de l’Allemagne et de l’Italie. La guerre est désormais mondiale. Elle oppose les puissances impérialistes établies (Etats-Unis, France, Grande-Bretagne) aux forces de l’Axe (Allemagne, Italie, Japon), c’est-à-dire l’axe des mal servis du partage colonial. Mais entre-temps, il y a eu l’offensive allemande contre l’URSS en juin 1941. Cette nouvelle donne va non seulement changer le cours de la guerre, mais aussi en changer partiellement la nature.

    La victoire soviétique

    Staline avait cru gagner un répit de 10 ans en signant le Pacte germano-soviétique. Il en avait également profité pour ramener la frontière occidentale de l’URSS à celle d’avant 1914 (annexion de l’est de la Pologne, des pays baltes, de la Bessarabie). En revanche, l’invasion de la Finlande se solda par un fiasco. Staline, dans sa lutte acharnée contre l’opposition de gauche, avait liquidé tous les officiers qui avaient été formés par Trotsky. Privée de ses meilleurs officiers, l’Armée rouge s’est révélée incapable de venir à bout de l’armée finlandaise. Hitler en a conclu que l’Armée rouge n’était qu’un tigre de papier et qu’elle s’effondrerait sous les coups de la Werhmacht. Or les nazis, dans leur entreprise de destruction systématique du mouvement ouvrier organisé, ne pouvaient pas tolérer l’existence de l’état ouvrier – tout bureaucratisé qu’il fût – soviétique. Le 22 juin 1941, la Werhmacht envahissait l’URSS à la stupéfaction de Staline qui croyait dur comme fer au Pacte. Les premières semaines de l’offensive ont semblé donner raison à Hitler.

    L’Armée rouge, mal préparée, privée d’officiers compétents, s’effondrait sous les coups de butoir de la Wehrmacht, perdant des centaines de milliers de prisonniers et de tués en quelques jours. Mais Hitler avait sousestimé la capacité de résistance et d’auto-organisation de la population russe.

    Surtout, Hitler avait sousestimé le potentiel d’une économie planifiée même bureaucratiquement. Jamais un pays relativement arriéré comme l’URSS n’aurait pu fournir un tel effort de guerre dans les conditions d’une économie de marché. L’Armée rouge a pu stopper l’offensive hitlérienne avant de partir à la contre-offensive.

    L’URSS payera sa victoire de quelque 27 millions de morts. Les pertes sont d’autant plus lourdes que le régime nazi se déchaîne contre les “sous-hommes” (Juifs, Slaves, Tsiganes). Si l’antisémitisme du régime avait d’abord eu pour but de désigner un bouc-émissaire pratique aux souffrances de la population, il acquiert dès lors une dynamique propre qui conduira à la Solution finale.

    Mais cette pulsion mortifère exprime surtout l’impuissance des nazis à retourner la situation en leur faveur. A partir de ce moment, la guerre change de nature. On assiste à une course de vitesse entre l’Armée rouge et les anglo-américains. Ceux-ci ne se décident à ouvrir un nouveau front (débarquement de juin 1944) que pour endiguer l’avance soviétique. Après la capitulation allemande, cette course se poursuivra en extrême-orient où les Etats-Unis n’hésiteront pas à utiliser l’arme atomique pour contraindre le Japon à capituler sans délai et éviter une partition du Japon comme en Allemagne et en Corée.

    La révolution met fin à la guerre

    Les dirigeants américains et britanniques envisagent même de faire une paix séparée avec l’Allemagne pour repousser l’Armée rouge. Mais les nazis s’obstinent à vouloir mener la guerre sur les deux fronts et le putsch contre Hitler échoue. Surtout, les travailleurs n’auraient pas toléré la prolongation de la guerre et sa transformation en guerre est-ouest. En Italie, en France, en Yougoslavie, en Grèce, les partisans communistes libèrent la majorité du territoire. Ils sont une force avec laquelle les alliés doivent compter. La prise du pouvoir par les communistes était possible dans plusieurs pays, y compris à l’ouest. Mais Staline le leur a interdit et a ordonné aux partisans de rendre leurs armes en échange d’assurances de la part des Alliés. On peut dire que le stalinisme a joué le même rôle contre-révolutionnaire en 1945 que la social-démocratie en 1918. Dans les pays occupés par l’Armée rouge, nombre de communistes actifs dans la résistance sont liquidés car jugés peu fiables. Alors que c’est la révolution (ou la menace de révolution) qui a empêché les Alliés de continuer la guerre contre l’URSS, Staline a cru pouvoir opter pour la coexistence pacifique avec l’impérialisme (accords de Yalta). Mais Staline ne recueillera pas davantage les fruits de sa “modération” que dans les années trente. En 1949, les puissances impérialistes créent l’OTAN pour endiguer l’URSS et le monde bascule dans la guerre froide. Pendant près d’un demi-siècle, la violence de l’impérialisme sera contenue par l’existence du bloc de l’est. Mais les tares du stalinisme ont fini par avoir raison des états ouvriers bureaucratisés. La chute de l’URSS ouvre la porte à une nouvelle ère de tensions interimpérialistes.

  • ATTAQUES CONTRE LES pensions en europe

    Attaques contre les pensions en Europe

    La lutte contre les pensions est menée avec hargne par les patrons et les gouvernements à l’échelle internationale. Les raisons sont les mêmes dans tous les pays. Les gouvernements de l’Union européenne qui n’ont pas de déficit budgétaire peuvent être comptés sur les doigts de la main. Avec une population qui vieillit et une croissance économique extrêmement faible, les dirigeants craignent que la croissance des dépenses pour les pensions ne gonflent les dettes déjà immenses. De leur côté, les patrons espèrent augmenter leurs profits par des allocations de pensions plus basses. Par un système plus privatisé, ils veulent libérer de l’argent pour placer en bourse. L’argent ne doit pas stagner dans les coffres des gouvernements mais doit servir à faire du profit par la spéculation.

    Peter Delsing

    L’attaque généralisée contre les pensions est surtout due au changement du rapport de force entre les travailleurs et les patrons après la chute du stalinisme. L’offensive néo-libérale s’est accélérée ces 15 dernières années. Les patrons s’imaginent qu’ils peuvent abolir tous nos droits pour se remplir les poches. Beaucoup d’exemples montrent cependant que le thème des pensions est très sensible. Ce sujet peut provoquer des mouvements de masse dans la classe ouvrière. En Autriche, les attaques sur les pensions ont déclenché, en mai 2003, la plus grande grève générale depuis un demi siècle et ce après des décennies de luttes isolées et sporadiques.

    Italie

    En 1994, le premier gouvernement Berlusconi a échoué dans sa tentative de démanteler les pensions. Une grève et des manifestations de masse avaient suffit pour que la Ligue du Nord, partenaire dans la coalition, fasse tomber le gouvernement. Sa base ne pouvait pas avaler la réforme. Le mouvement contre Berlusconi avait ainsi porté au pouvoir la coalition de l’Olivier, qui se revendique de la gauche. Mais le gouvernement Dini a aussi introduit une réforme des pensions : pour les jeunes travailleurs, les pensions ne seraient plus comptées sur base du salaire – plus élevé – des dernières années de carrière, mais sur base des contributions pendant toute la carrière. Les travailleurs qui cotisaient depuis plus longtemps restaient, eux, dans l’ancien système. Le pire, c’est que cette stratégie de division a été soutenue par les trois grandes fédérations syndicales.

    De leur côté, les patrons ne voulaient pas du plan de Dini. Ils trouvaient que celui-ci n’allait pas assez loin. La politique antisociale de la coalition de l’Olivier a donné l’opportunité à Berlusconi de revenir au pouvoir. Confronté à des dépenses pour les pensions de près de 15% du PIB et à des dettes toujours plus importantes, Berlusconi a présenté un nouveau plan d’austérité en septembre 2003. Celui-ci prévoyait de faire cotiser les travailleurs italiens pendant 40 ans pour une pension complète, au lieu de 35 ans précédemment, et ce dès 2008. L’âge moyen de la pension, 57 ans, devait systématiquement augmenter à 65 pour les hommes et 60 pour les femmes. A terme, Berlusconi comptait économiser 12,5 milliards d’euros par an, soit 1% du PIB (dès 2012). C’est donc une pure mesure d’austérité. Le président du syndicat CGIL, Epifani, menaçait déjà à l’époque d’organiser une grève générale. Le jour suivant l’annonce du projet, de nombreuses grèves spontanées éclataient de toute part dans la péninsule.

    Le 24 octobre 2003, les trois grands syndicats – CGIL, CISL et UIL – organisaient une grève générale de 4 heures, à laquelle 10 millions de travailleurs ont participé. Plus de 100 manifestations ont été organisées. Bizarrement, le dirigeant de la CGIL Epifani déclarait qu’il ne s’agissait pas d’une « grève politique ». Il disait également que la chute du gouvernement Berlusconi en 1994 était la conséquence de la position de la Ligue du Nord et non pas des manifestations contre la réforme des pensions. Cette position souligne le manque d’alternative politique de la part des dirigeants syndicaux. A Rome, le dirigeant du parti d’opposition le plus important, la Gauche Démocratique (ex-communiste), a pris la parole lors de cette manifestation.

    Malheureusement, Bertinotti, dirigeant du grand parti de gauche Refondation Communiste, a essayé de s’appuyer sur les partis discrédités de la coalition de l’Olivier. Alors qu’il fallait garder une attitude totalement indépendante de l’ex-«aile gauche» de la politique bourgeoise. Refondation Communiste ne pouvait et ne peut pas regagner la confiance des travailleurs de cette façon.

    Le samedi 6 décembre 2003, à Rome, les syndicats organisaient une manifestation de 1,5 million de participants contre les plans de réforme des pensions de Berlusconi sous le slogan «Défendez votre avenir!». «Les contre-réformes ne passeront pas!», disait Angeletti, dirigeant de l’UIL. Le 26 mars 2004, une deuxième grève générale autour des pensions était organisée. De nouveau, plus d’un million de travailleurs étaient dans la rue. Mais aucun plan d’action réel n’était mis en avant pour chasser définitivement Berlusconi. Cela a permis au gouvernement de faire voter par le parlement les propositions de réforme pendant l’été 2004. Réaction de la direction syndicale: protestation verbale.

    France

    En France, les attaques contre les pensions ont également suscité des manifestations de masse. Le 13 mai 2003, une grève de la fonction publique, soutenue par quelques secteurs privés, a rassemblé près de 2 millions de manifestants dans 115 villes. Le mouvement contre la réforme des pensions de Raffarin montrait son potentiel à unifier les différentes luttes. Raffarin voulait allonger la durée de cotisation des travailleurs de la fonction publique de 37,5 ans à 40 ans pour une pension complète vers 2008 et à 42 ans vers 2020. Le 19 mai 2003, 700.000 travailleurs sont de nouveau descendus dans la rue.

    Les syndicats CFDT et CGC ont néanmoins signé un accord avec le gouvernement de droite, lui permettant ainsi de poursuivre dans la même voie. Cela a provoqué des remous à la base et dans certaines directions régionales à la CFDT. La question de la démocratie interne a été posée et certains ont demandé la démission du président du syndicat. Deux autres syndicats – CGT et FO – ont organisé une nouvelle manifestation, le 25 mai à Paris, contre la réforme des retraites. A nouveau 1,5 million de personnes étaient dans la rue. Dans un sondage publié dans Le Parisien, 65% des sondés déclaraient soutenir ces manifestations.

    L’appel pour une grève générale était toujours plus fort. Thibault, dirigeant de la CGT, craignait toutefois de perdre le contrôle de la base. Il s’est prononcé contre une grève générale parce que «ça affaiblirait la CGT pour des années». Le dirigeant du syndicat Force Ouvrière de l’époque, Marc Blondel, se prononçait dans un premier temps contre une grève générale – parce que ce serait «insurrectionnel» et cela poserait la question d’une «alternative politique». Ensuite il a été gagné à cette idée, mais « n’a pas voulu casser le front syndical»… C’est pourtant une grève générale de la fonction publique, en 1995, qui a torpillé le projet de réforme des retraites du gouvernement Juppé et qui a même mené plus tard à la chute du gouvernement. Les dirigeants syndicaux ne voulaient pas faire ce pas. Le 24 juillet 2003, la loi sur les pensions était voté par l’assemblée nationale.

    Leçons des mobilisations

    Les mobilisations contre la réforme des pensions peuvent mener à une lutte de masse de différents secteurs. Ces mobilisations ont la sympathie de la masse des travailleurs et peuvent – comme en France et en Italie – faire tomber des gouvernements. Les dirigeants réformistes sont un frein au mouvement. À la base,des comités de grève devraient être élus pour pouvoir décider de façon démocratique des objectifs de la grève. Ils devraient se rassembler régionalement et nationalement dans différents secteurs avec une force la plus efficace possible. Et cela pour démocratiser les syndicats et empêcher la trahison par la direction. Sur le plan politique il faut rompre avec les partis « progressistes » qui mènent une politique néo-libérale. La question d’un nouveau parti des travailleurs comme instrument politique de la lutte et la nécessité d’un gouvernement des travailleurs, appuyé sur les masses, deviennent alors des questions clés pour résoudre la situation.

    La rôle d’une gauche syndicale combative est fondamentale. En Grande-Bretagne nos camarades ont joué un rôle important dans différents syndicats pour mettre en avant l’idée d’une grève générale contre les plans de pensions de Blair. C’était par exemple le cas dans le PCS, le syndicat des fonctionnaires où plusieurs membres du SP ont été élus au bureau exécutif. Confronté à la menace d’une grève des services publics juste avant les élections parlementaires en mai, Blair a fait marche arrière, du moins temporairement. «Une défaite importante», selon les porte-paroles du capital. Nous devons nous organiser nous aussi en Belgique pour pouvoir répondre aux attaques des patrons et du gouvernement.

  • 120e anniversaire de la fondation du POB. Leur socialisme et le nôtre

    120e anniversaire de la fondation du POB

    Pour le centenaire de sa création, le slogan mis en avant par le PS était "100 ans de socialisme". 20 ans plus tard, les dirigeants du PS ne jugent plus utile de faire référence au socialisme, et parlent de "120 ans de progrès social"… Cela pourrait être vu comme la parfaite confirmation de la thèse selon laquelle il fut un temps où les intérêts de la classe ouvrière étaient réellement défendus par la social-démocratie. Rien n’est pourtant moins certain.

    Nicolas Croes

    La création d’un parti ouvrier était un pas en avant, mais la direction sociale-démocrate fut d’emblée gênée par la référence au socialisme. On préféra dès lors parler de Parti Ouvrier Belge, "ouvrier" étant moins contraignant que le terme de "socialiste", qui, beaucoup plus qu’aujourd’hui, faisait directement référence à un changement radical de la société: d’un système de production géré pour et par une infime minorité d’exploiteurs vers une gestion collective des moyens de production dans l’intérêt de tous.

    Fossé entre le programme minimum et l’objectif du socialisme

    Le choix du nom reflète d’ailleurs bien l’orientation suivie par la social-démocratie. Le congrès de fondation du POB fut un rassemblement de groupes hétéroclites, et il n’y eut aucune confrontation programmatique, les différentes revendications avancées furent donc extrêmement basiques. Le futur Parti Socialiste se développa uniquement autour de projets compatibles avec la "démocratie" bour-geoise, tels que le suffrage universel et la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Et de fait, il n’y eut jamais vraiment de réflexions sur la future société socialiste, même si tout un tas de problème se voyaient relégués à cet avenir dont les dirigeants ne voulaient pas parler. Les travailleuses, par exemple, n’eurent pendant longtemps comme unique réponse à leurs problèmes que l’assurance que l’émancipation des femmes se ferait naturellement sous le socialisme. Quant à savoir comment et que faire en attendant…

    De plus, le mouvement ouvrier ne fut jamais vu par la direction du POB comme autre chose qu’un outil qu’il fallait contrôler. Jamais il ne fut question de donner un appui à la légitime révolte des travailleurs, et lorsqu’un an à peine après sa fondation éclatèrent les grèves spontanées de 1886, le POB déclara qu’elles étaient "prématurées" et qu’il ne fallait pas les supporter.

    Mais le parti se renforça, étant à l’époque la seule organisation politique ouvrière en Belgique, et son discours prôna de plus en plus clairement l’entrée au gouverne-ment, l’entente avec les libéraux, et en définitive l’hostilité envers la lutte des classes.

    Soutien du POB à la guerre impérialiste

    Arriva alors la première guerre mondiale. Tout naturellement, à l’instar de la quasi-totalité de ses organisations sœurs à l’étranger, la social-démocratie belge se rangea derrière sa bourgeoisie nationale. Au nom du patriotisme, le POB entra dans un gouvernement bourgeois (avec catholiques et libéraux) et appela les ouvriers belges à tirer sur leurs frères allemands. Pourtant, quelques mois plus tôt, promesse avait été faite d’éviter à tout prix une guerre qui ne servait que les intérêts des capitalistes. Mais que valent l’internationalisme et la solidarité face à cette entrée au gouvernement tant désirée et au nom de laquelle toute la politique sociale-démocrate avait été subordonnée…

    A tel point d’ailleurs qu’Emile Vandervelde, futur président du POB, se rendit en Russie en 1917 afin d’exhorter les soldats russes à bout de souffle à continuer le combat plutôt que de penser à la révolution socialiste. Il dut pourtant les remercier d’avoir accordé à ses paroles leur juste valeur, car c’est avant tout grâce à la révolution russe et à la vague révolutionnaire qui déferla ensuite en Europe que le suffrage universel fut appliqué en Belgique. Suffrage universel qui profita au POB, mais fut utilisé par la bourgeoisie pour évacuer la pression née de l’émancipation des travailleurs russes. Les capitalistes avaient grand peur d’une classe ouvrière en mouvement. Même si le Parti Ouvrier Belge pouvait être dépassé par sa base, ses dirigeants étaient fort utiles pour canaliser et annihiler la colère ouvrière. Il faut dire que les ouvriers commençaient à sympathiser avec les soldats allemands, et défilaient ensemble, le drapeau rouge remplaçant ceux du capitalisme allemand ou belge.

    Participation à des gouvernements bourgeois

    Les succès électoraux qui suivirent le suffrage universel amenèrent la social-démocratie à participer frénétiquement aux différents cabinets ministériels, même si presque aucun espace n’existait pour des réformes. Réfractaire à toute offensive de la classe ouvrière, le POB fut totalement désarmé quand survint la crise des années trente, quand la bourgeoisie jugea qu’elle ne pouvait plus se permettre de "faire joujoux". Revenu dans l’opposition, le parti se redynamisa quelque peu, et Henri de Man présenta en 1933 son célèbre Plan du Travail. Celui-ci visait à renforcer le rôle de l’Etat bourgeois dans l’économie la nationalisation de banques et d’industries, et prévoyait également une réduction du temps de travail et une augmentation des salaires. Ce plan n’était qu’un aménagement du capitalisme, mais il souleva un véritable enthousiasme et des mobilisations massives. Elles permirent au POB de revenir aux affaires en 1935, à l’intérieur d’un cabinet de coalition avec les catholiques. Prisonnier de ses habitudes et de ses dirigeants, le POB "oublia" le Plan, et mena au gouvernement une politique au strict service de la bourgeoisie. Elle ne l’oublia pas, et récompensa le parti en l’acceptant dans tous ses gouvernements jusqu’en 1940.

    Le POB, dissout au début de la Deuxième Guerre mondiale, res-surgit en 1945 sous la forme du Parti Socialiste Belge, qui devait, en 1978, se scinder sur base linguistique. Commença alors une période d’avancées sociales: devant le prestige et l’influence de l’Union Soviétique, face à une reprise économique visible par tous, il était plus sage de lâcher quelques concessions aux ouvriers.

    Le PSB ne lutta pour des réformes que dans le seul but de ne pas être dépassé par sa base, et n’hésita jamais à appliquer lui-même des mesures qu’il avait dit vouloir combattre. A titre d’exemple, la loi unique qui mena aux grèves de 60-61 fut morcelée et appliquée sous la législature suivante par le PSB que ces grèves avaient porté au pouvoir. Et quand la crise revint, le rôle du PSB, puis du PS et du SP, fut de plus en plus clairement de faire avaler aux travailleurs les plans d’austérité de la bourgeoisie.

    Mais l’activité du PS ne s’est pas limitée à cela. Hésitant à défendre les intérêts des travailleurs, la social-démocratie fut fort prompte à renforcer l’appareil répressif de l’Etat bourgeois, et ne souffrit d’aucun état d’âme en envoyant gendarmerie et matraques contre les ouvriers et les étudiants. Il est vrai que ce ne fut jamais le PS, mais bien ses ministres de l’Intérieur, bourgmestres, … En définitive, ces élus pour lesquels la social-démocratie s’est exclusivement battue, de tous temps, arguant que l’on ne pouvait changer la situation que par ce biais, ne furent et ne sont que des freins aux luttes des travailleurs.

    Construire un nouveau parti des travailleurs

    Nos acquis ne furent aucunement l’œuvre des mandataires du PS ou de ses ancêtres, mais bien des luttes des travailleurs, des mobilisations. Contrairement aux sociaux-démocrates, nous pensons que la politique se mène prioritairement dans la rue, dans les usines, bureaux, écoles… Nous sommes pour une démocratie ouvrière où l’ensemble de la population est associée aux décisions économiques et politiques et où les délégués sont élus et révocables à tout moment. Si pour Di Rupo la lutte s’effectue en siégeant au conseil d’administration de Dexia, pour nous, elle s’effectue à l’exemple de la Commune de Paris, de la Révolution russe, espagnole, de celle dite "des œillets" au Portugal, de Mai 68, …

    Un parti ayant la volonté de défendre les travailleurs doit être sous leur contrôle, et ne peut qu’être le relais politique de leurs luttes. Jusqu’à la fin des années 80′, la base ouvrière du PS pouvait encore remplir ce rôle, mais le PS possède dorénavant plus de liens avec l’Etat bourgeois ou les entreprises qu’avec la classe ouvrière, ce qui laisse l’opportunité à la direction de suivre de plus en plus facilement les caprices de la bourgeoisie. Le PS ne peut pas être un relais politique des luttes des travailleurs, il ne peut que les étouffer par peur de perdre son pouvoir. C’est pourquoi nous appelons depuis mi-90′ à la création d’un nouveau parti des travailleurs.

    L’ouverture officielle du 120e anniversaire de la social-démocratie belge se tiendra les 18 et 19 mars prochain. Mais à cette date, ceux qui veulent réellement parler du socialisme seront dans la rue, à l’occasion de la Marche des Jeunes pour l’Emploi.

  • La lutte contre les attaques du gouvernement Raffarin et du patronat continue

    Fin janvier, la France a vécu au fil des grêves et manifestations qui ont prit place contre les plans de libéralisation du secteur public, les attaques sur les salaires et le temps de travail ainsi que sur les privatisations du gouvernement Raffarin. Le pic de ces journées de mobilisation fut le 20 janvier quand plus de 328.000 travailleurs du secteur public sont descendus dans les rues de France. Les grêves et manifestations, organisées sur une période de cinq jours, étaient les premières mobilisations de cette envergure depuis le mouvement contre la réforme des pensions du printemps 2003. Plus de 50% de tous les profs ont débrayé et dans le secteur public la participation moyenne atteignait les 25%.

    Karim Brikci

    Mais la base des syndicats ne voulant pas s’arrêter à ces journées d’action, la bureaucratie syndicale, sous pression, avait appellé à une journée de mobilisations contre les attaques sur la semaine des 35h ce 5 février dernier.

    De nouveau cette journée a montré la volonté énorme des travailleurs français de lutter pour leurs acquis et pour leurs conditions de travail. Il y a eu des manifestations dans plus de 118 villes à travers la France et ce sont plus de 500.000 personnes qui y ont prit part, les plus grosses manifestations ayant eu lieu à Paris (90.000 participants) et à Marseille (50.000 participants). Tous les syndicats avaient mobilisé fortement et la CGT y était très bien représentée, ses militants portant des autocollants contre la constitution européenne. Il y avait aussi d importantes délégations de grosses entreprises du secteur privé, mais aussi de plus petites entreprises qui sont victimes de licenciements ou fermetures.

    Ces manifestations unitaires sont un grand pas en avant pour le mouvement, mais cela ne peut pas en finir là. Nos camarades de la Gauche révolutionaire sont intervenus dans ces manifestations en avancant l’idée d’une grève générale dans le secteur public et le secteur privé. Les camarades français étaient aussi renforcés par des équipes de camarades venus expressement de Belgique.

    Si nous voulons développer une grêve unifiée des travailleurs des secteurs public et privé, il est nécessaire d’organiser des assemblées génerales et des comités de grêve, controlés démocratiquement par les travailleurs dans chaque secteur. Ces assemblées et comités pourraient organiser et discuter des actions à mener pour unifier les travailleurs du secteur public et du privé. Une telle lutte unifiée pourrait arriver à stopper les attaques du gouvernement. Mais nous ne pouvons avoir de garantie que de telles mesures ne reviennent pas sur l’agenda du gouvernement dans le futur. C’est dans la logique du système capitaliste lui-même que d’un côté les patrons empochent les profits et que de l’autre côté les masses laborieuses et sans emplois se retrouvent face à plus d’exploitation, pauvreté et chômage.

    C’est pour cela que nous avons besoin d’un nouveau parti qui organisera les travailleurs, jeunes, chômeurs,…autour de revendications concrètes qui les uniront dans la lutte contre les attaques néolibérales des gouvernements de l’ Union Européenne et du patronat. Mais nous devons aussi construire une aile révolutionnaire dans un tel parti pour éviter que sa direction n’accepte de gérer le système capitaliste mais mener la bataille idéologique pour renforcer les idées révolutionnaires et avancer la nécessité de rompre avec ce système qui n’engendre que guerres, racisme et pauvreté. C’est dans ce sens qu’ oeuve le Comité pour une Internationale Ouvrière à travers le monde, et c’est ainsi que continueront à intervenir nos camarades de la Gauche révolutionnaire dans le mouvement qui se développe en France.

  • France. Semaine de mobilisation contre les licenciements et pour des augmentations de salaire.

    Les travailleurs du secteur public sont entrés massivement en action la semaine passée contre la libéralisation en cours poussée par le gouvernement Raffarin et pour protester contre l’ accord maigre offert au sujet des salaires. Postiers, cheminots, employés des entreprises du gaz et de l’ électricité, profs, infirmières, chirurgiens,…et beaucoup d’ autres travailleurs du secteur public sont descendus dans les rues de France massivement. Les grêves et manifestations, organisées sur une période de cinq jours, sont les premières mobilisations de cette envergure depuis le mouvement contre la réforme des pensions du printemps 2003. Le jeudi 20 janvier, 328.000 personnes participèrent aux manifestations à travers toute la France. Plus de 50% de tous les profs étaient en grêve. Dans le secteur public, la participation moyenne atteignait les 25%.

    Karl Debbaut

    Les 5,2 millions de travailleurs du secteur public se sont vus offert une hausse de salaire de 0,5% pour le 1er février 2005 et une autre hausse de 0,5% au 1er novembre 2005. L’ attitude des syndicats traduit l’ énorme anxiété qui existe chez les travailleurs du secteur public et du secteur privé au sujet de l’ érosion de leurs revenus. Des chiffres officiels montrent pourtant que l’ inflation totale a atteint 2,1% en 2004. Plus important sont pourtant les grosses augmentations des prix de l’ énergie ( +10,2% de décembre 2003 à décembre 2004 ) et en particulier le prix des produits pétroliers ( +14,6% ). La seconde plus grosse aventure dans les prix est le prix du tabac ( +9,5% ). Les augmentations dans les coûts de logement ( les loyers au augmenté de 3,4% ) et les coûts de transport ( +4,5%) rognent aussi le revenu perçu par chaque famille.

    Les inquiétudes au sujet des revenus sont aussi combinées avec la résistance contre les plans du gouvernement qui poursuivent la voie de la complète libéralisation du secteur public, la perte de 7188 jobs dans ce secteur en 2005 et contre les plans pour supprimer la loi de la semaine des 35h. Le gouvernement veut laisser à chaque employeur la possibilité de négocier avec ses travailleurs sur la longueur de la samaine de travail. Cela va bien sur entraîner une avalanche d’ initiatives, et spécialement dans le secteur privé, pour rallonger la semaine de travail sans aucune réelle compensation dans les salaires.

    Le caractère des manifestations était très combattif. La participation, plus large que celle attendue par les syndicats, montre la reprise de confiance chez les travailleurs du secteur public dans leur longue lutte contre le gouvernement Raffarin. Cette confiance dans la lutte doit être traduite par les directions syndicales dans un combat effectif. Il est hautement improbables qu’ils le fassent si ils ne sont pas mis sous pression par leur base. Les travailleurs des chemins de fer ont été une force signifiante et influante dans les mouvements précédents. Ils sont conscients de cela, mais le gouvernement et les sommets syndicaux aussi. Quand les cheminots parisiens ont débrayé à Paris le 19 février passé, ils se trouvés dans une situation ou aucune manifestation n’ avait été organisée dans la capitale. C’ était certainement une intention des appareils syndicaux de calmer les esprits et d’ éviter une prolongation spontanée de la grêve d’un jour.

    Pour la majorité des travailleurs du secteur public, il est clair que pour obtenir une victoire, ils ont besoin de se lier avec les travailleurs du privé. Les syndicats appellent à une journée de manifestations contre les attaques sur la semaine des 35h par le gouvernement français le samedi 5 février. Cela va être vu comme la prochaine étape dans la construction d’ un mouvement plus généralisé dans le secteur public et le secteur privé, afin de défendre les revenus, afin d’ arrêter la longue liste de licenciements et pour appeler à l’ arrêt des politiques néolibérales.

    Les camarades de la Gauche Révolutionnaire, la section française du CIO, ont participé aux manifestations à Rouen, Marseille, Paris, Le Havre, Caen et Evreux. Nous appellions à une grêve générale d’un jour dans le secteur public et le secteur privé. Nous avons eu de très bonnes réactions pendant la distribution de nos tracts et la vente de notre journal, l’ Egalité. Pendant la manifestation à Marseille, environ 100 écoliers ont décidé de montrer leur soutien à nos revendications en utilisant notre tract comme un badge qu’ils attachaient sur eux.

    Pour développer une grêve unifiée des travailleurs des secteurs public et privé, nous avons besoin de la préparer en organisant des assemblées génerales et des comités de grêve, controlés démocratiquement par les travailleurs dans chaque secteur. Ces assemblées et comités pourraient organiser la lutte en discutant des revendications et des actions pour unifier les travailleurs du secteur public et du privé et pour commencer la mobilisation.

    L’appel aux manifestations du 5 février est un point de départ. Il n’ est pas nécessaire d’ attendre que les dirigeants syndicaux préparent et appellent à des actions unifiées. Leur refus d’ organiser une manifestation des cheminots à Paris montre qu’ils peuvent agir comme un frein sur le développement d’un mouvement généralisé contre Raffarin, Chirac et les attaques des patrons.

    Une lutte unifiée des secteurs public et privé peut stopper les attaques du gouvernement et de l’ élite dirigeante. Mais il n’y a aucune garantie que de telles mesures ne reviennent pas sur l’ agenda du gouvernement dans le futur. C’ est un résultat de l’ augmentation de la compétition conduite par les multinationales. C’ est dans la logique du système capitaliste lui-même que d’un côté les patrons augmentent leurs richesses et que de l’ autre côté les masses laborieuses et sans emplois se retrouvent face à plus d’ exploitation, pauvreté et chômage.

    Nous avons besoin d’un nouveau parti qui organisera les travailleurs, jeunes, chômeurs,… et tous ceux qui en ont assez de ces continuelles politiques qui mettent de plus en plus de pression sur les pauvres. Un nouveau parti de ceux qui n’ acceptent pas le capitalisme et la pauvreté qu’il engendre. Un tel parti organisera, autour de revendications qui uniront les travailleurs, la lutte pour une société qui satisfera réellement les besoins de la majorité de la population. Une société socialiste démocratique basée sur la nationalisation, sous contrôle ouvrier, des secteurs clefs de l ‘économie. Un tel parti serait un énorme outil pour les travailleurs. Il pourrait, par exemple, jouer un rôle décisif dans l’ organisation d’ une grêve générale d’ un jour des travailleurs des secteurs public et privé.

  • FSE. Le capitalisme à nouveau contesté… mais pour aller où?

    FORUM SOCIAL EUROPÉEN

    Du 15 au 17 octobre se tenait la 3e édition du forum social européen. Autour de la vieille rengaine «un autre monde est possible», plus de 20.000 personnes ont convergé dans la ville de Londres.

    Cédric Gérôme

    C’est cependant 2 fois moins que lors des éditions précédentes à Florence et à Paris. Cela peut en partie s’expliquer par l’état actuel du mouvement anti-guerre, mais cela reflète également les courtes vues de la structure du FSE et sa faillite à avancer une alternative cohérente au capitalisme et la guerre. En effet, la logique de simple opposition dans laquelle se cantonnent les dirigeants officiels du forum semble de plus en plus mener le mouvement dans l’impasse…

    Le fait d’organiser le FSE dans une des villes les plus chères du monde avec 30 livres (entre 40 et 50 euros) de prix d’inscription en a déjà découragé plus d’un. Il est d’autant plus déplorable que l’événement, qui inscrit dans sa charte que les partis politiques n’ont pas leur place dans le forum, accepte en tant qu’individus des membres de partis pro-capitalistes, pour certains à la tête de la politique de régression sociale. Aussi, comme orateur (et sponsor principal), on retrouvait ainsi Ken Livingstone, maire de Londres, membre du Labour Party, et défenseur de la politique économique de Blair malgré son profil anti-guerre.

    Ceux qui, dans le FSE, mettent l’accent sur la résistance au néo-libéralisme, comme s’il s’agissait d’un phénomène distinct du système capitaliste, créent l’impression qu’un capitalisme « à visage humain» est possible. Cette idée est renforcée par des organisations comme le SWP, la LCR ou Rifondazione Comunista qui se refusent à mettre en avant le besoin d’une alternative socialiste ou même de parler des luttes de la classe ouvrière pour contrer l’offensive de la bourgeoisie. Beaucoup d’organisations limitent leur stratégie à organiser des manifestations et des débats interminables, sans élaborer un plan afin d’élargir la lutte en la rattachant à celle du monde du travail. En général d’ailleurs, personne dans la ville n’avait vent de l’événement en-dehors des participants.

    Le CIO, organisation internationale du MAS/LSP, était présent au FSE. Nous avions des camarades d’Irlande, de Belgique, d’Allemagne, de Russie, de Grèce,… Durant le meeting de deux heures que nous avions organisé, on a entendu plus parler des luttes du mouvement ouvrier que pendant les 30 heures de conférences organisées pendant le reste du forum. Si le FSE permet de fournir un lieu de débat au mouvement antimondialisation, il se heurtera toujours à certaines limites tant qu’il ne tirera pas la conclusion que ce sont les travailleurs seuls qui ont le pouvoir de changer la société.

  • Réforme ou Révolution?

    En 1848, paraissait le Manifeste communiste de Karl Marx. Il y décrivait l’Etat comme un appareil de répression aux mains de la bourgeoisie. Par conséquent, les travailleurs ne pouvaient pas conquérir cet appareil pour leur propre compte; ils devaient le détruire pour pouvoir imposer leur propre régime de domination de classe: la dictature du prolétariat.

    Thierry Pierret

    C’est ce que firent les ouvriers parisiens insurgés en 1871. Ils remplacèrent le vieil appareil d’Etat par un régime où tous les responsables étaient élus et révocables à tout moment. Ces élus percevaient un salaire équivalent au salaire moyen d’un ouvrier qualifié. La dictature du prolétariat allait donc de pair sur le plan politique avec la démocratie ouvrière la plus complète. Plus tard Marx et Engels, sur base du Manifeste communiste et de l’expérience de la Commune de Paris, critiquèrent le programme de Gotha du Parti social-démocrate allemand.

    Le dernier quart du 19ème siècle connaissait un développement économique soutenu qui allait de pair avec des avancées sociales considérables. Certains socialistes ont alors cultivé l’illusion qu’on pouvait arriver au socialisme par des réformes graduelles. Le réformisme était né. C’est au sein de la social-démocratie allemande que le débat a été le plus vif entre les révolutionnaires et les réformistes. Vu que ceux-ci se référaient à Marx, Rosa Luxembourg dut s’attacher à rétablir la véracité du marxisme dans son livre Réforme ou Révolution. L’Histoire lui donnera raison: le rêve réformiste d’un long fleuve tranquille menant au socialisme s’est fracassé en 1914. Pire encore, les réformistes ont soutenu leur bourgeoisie nationale dans cette guerre entre puissances impérialistes pour se partager le monde. C’est justement la révolution en Russie et en Allemagne qui mettra fin à cette boucherie.

    La défaite de la révolution en Allemagne et l’isolement de la Révolution russe remettront pourtant le réformisme en selle sous le mot d’ordre stalinien du «socialisme dans un seul pays». Les partis communistes devaient se borner à relayer la diplomatie soviétique, quitte à pactiser avec leur bourgeoisie nationale contre la classe ouvrière. La longue période de croissance économique qui a suivi la fin de la seconde guerre mondiale a donné une nouvelle base économique au réformisme. L’existence du contre-modèle soviétique contraignait en outre la bourgeoisie des pays capitalistes à faire des concessions aux travailleurs.

    La crise du capitalisme amorcée dans les années septante a porté un coup d’arrêt à cette embellie du réformisme classique. Les partis sociaux-démocrates seraient même plutôt devenus «contre-réformistes» en participant à la politique néo-libérale qui fait justement table rase des acquis sociaux du passé. La chute du stalinisme sera l’occasion pour eux de rompre ouvertement avec le socialisme et le mouvement ouvrier. La crise du capitalisme n’offre plus aucune marge de manoeuvre au réformisme.

    Le réformisme est-il mort pour autant? Si plus personne ne défend l’idée d’arriver au socialisme par des réformes graduelles, un néo-réformisme a vu le jour. Il se manifeste sous la forme de propositions pour «humaniser le capitalisme» (par exemple ATTAC). Mais, alors que le réformisme classique avait une base économique, ce néo-réformisme ne doit son existence qu’à l’absence d’alternative socialiste révolutionnaire de masse. C’est à la construction d’une telle alternative que nous devons nous atteler aujourd’hui plus que jamais.

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