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  • Hong-Kong : 15 ans après le retour à la Chine, la démocratie est toujours absente et les inégalités sont plus grandes que jamais.

    Ce premier juillet, alors que Hong-Kong fêtait le 15e anniversaire de son retour à la Chine, une manifestation antigouvernementale massive a eu lieu. L’an dernier, plus de 200.000 personnes avaient participé à cet évènement devenu annuel depuis 2003. Cela suffit à démontrer les vives tensions qui existent dans les relations entre le gouvernement central de Pékin et la région administrative spéciale de Hong Kong, depuis que celle-ci a été rétrocédée par les Britanniques en 1997.

    chinaworker.info

    La manifestation « 7.1 » (pour le premier juillet) organisée cette année était un baptême du feu pour le nouveau chef exécutif (à la tête du gouvernement), Leung Chun-ying, alors qu’il entrait au pouvoir. Leung, que l’on surnomme CY, est un politicien capitaliste avec des tendances clairement autoritaires. Il est aussi soupçonné d’être membre du parti ‘‘communiste’’ au pouvoir (PCC). Comme beaucoup d’autres membres de l’élite, Leung nie ces allégations en bloc. Même si le PCC détient les rênes du pouvoir, officiellement, il n’existe pas à Hong-Kong, et préfère opérer dans l’ombre.

    Le PCC est fortement impopulaire, surtout parmi les jeunes. En tant que parti officiel, s’il n’avait pas le monopole politique qu’il exerce en Chine continentale, le PCC serait inévitablement miné par des dénonciations populaires plus fréquentes, des sondages d’opinions défavorables et des pertes majeures au niveau électoral. Cela remettrait fortement la légitimité du parti en question, et pas seulement à Hong-Kong.

    La commentatrice et auteure libérale, Christine Loh décrit le système hongkongais assez poliment en le qualifiant de ‘‘capitalisme antidémocratique’’. Même si cette zone du territoire jouit d’un certain degré d’autonomie, le peuple ne peut pas élire de gouvernement car celui-ci est désigné d’office par la dictature du PCC, en consultation avec les milliardaires d’Hong-Kong, les Tycoons. Le PCC a conservé le système gouvernemental antidémocratique hérité des Britanniques, et n’y a apporté que très peu de modifications.

    Les vagues de manifestations successives et les revendications pour ‘‘une personne, une voix’’ qui ont été scandées par les masses ont été accueillies par le gouvernement central et ses représentants locaux par des tactiques de retardement, des pseudos ‘‘réformes’’ et d’autres manœuvres de ce type. Les Tycoons capitalistes et le conglomérat qui contrôle l’économie ne cachent pas leur opposition face à une transition démocratique plus rapide. Ils avancent que cela conduirait à un Etat-Providence et que cela minerait fortement leur compétitivité (c’est-à-dire leurs profits). La faible cadence des changements démocratiques est l’une des causes principales de ce sentiment antigouvernemental. D’autres facteurs tels que la crise immobilière, l’extrême disparité des richesses, le copinage entre les hommes d’affaires et les hommes d’Etat, etc. ont poussé le mécontentement au sein de la population à un point de non-retour.

    Malgré le caractère antidémocratique de son système, Hong-Kong est souvent considéré comme ‘‘l’économie la plus libre du monde’’ par les think tanks libéraux. La Fondation Heritage (l’un des plus importants think tank conservateur américain lié au Wall Street Journal) place régulièrement Hong-Kong au sommet de ses listes des ‘‘économies les plus libres’’. Si on veut établir une comparaison, dans les listes récentes, la Grande-Bretagne est arrivée 14ième et l’Allemagne 26ième.

    Extrême disparité des richesses

    Néanmoins, selon les Nations Unies, Hong-Kong détient le record de la disparité des richesses de toutes les économies développées. De nombreuses études observent que cette région détient aussi celui des ‘‘logements les moins abordables au monde’’. Les prix des logements ont augmenté de 82% depuis la fin de l’année 2008. Ces prix ont été fortement propulsés par le dollar américain bon marché et les taux d’intérêts américains extrêmement bas (par lequel Hong-Kong est lié à travers un ancrage de la devise) et un afflux du capital en provenance de la Chine continentale en quête de gains spéculatifs et d’un moyen de contourner les contrôles du capital exercés par Pékin. Les continentaux représentent plus d’un tiers des contrats de propriété immobilière depuis 2008.

    Hong Kong accueille plus de millionnaires que n’importe quelle autre ville de cette taille, mais ne dépense qu’une fraction de ce que les autres économies allouent à leurs services sociaux, leurs systèmes d’éducation et leurs pensions. On estime qu’environ 300.000 personnes (des femmes pour la majorité) ramassent les poubelles dans la rue chaque jour afin de gagner un peu d’argent grâce au recyclage. Et depuis que le pays a récupéré Hong Kong, la disparité en Chine a encore augmenté. La proportion de la population vivant sous le seuil de pauvreté a augmenté de 14,8% en 1995 pour atteindre 18% aujourd’hui. Alors que le PIB a augmenté de 30% ces dernières années, le salaire moyen mensuel a stagné, variant de 10000$HK en 2011 à 11000$HK aujourd’hui, partiellement à cause de la réduction du salaire minimum de l’année dernière.

    L’empire des Tycoons

    A Hong Kong, le terme ‘‘propriété hégémonique’’ est largement répandu. Il décrit la manière dont certaines dynasties de Tycoons contrôlent la majeure partie de l’économie. Ils détiennent des empires d’entreprises composés de propriétés immobilières, de compagnies de construction, d’hôtels, de services de transport, de télécommunications, de magasins et de banques. Quatre familles de Tycoons à elles seules (menée respectivement par Li Ka-shing, les frères Kwok, Lee Shau-Kee et Cheng Yu-tung) contrôlent une bonne moitié de l’économie. De plus, ils ont été capables de se renforcer grâce aux liens étroits qu’ils entretiennent avec le PCC depuis la passation de pouvoir.

    Li Ka-shing est l’homme le plus riche d’Asie. Il détient des compagnies dans plus de 50 pays, comme par exemple, les compagnies des eaux et de l’électricité de Grande Bretagne, d’Australie et du Canada. On dit souvent que sur chaque dollar dépensé à Hong Kong, 5 centimes tombent directement dans la poche de Li Ka-shing. Les avoirs étrangers nets de Hong Kong (les compagnies privées, de sécurité, les actions, etc.) sont les plus élevés au monde avec un taux de 288% du PIB, dépassant la Suisse à qui revient la seconde place, avec 157% du PIB. On voit bien que les Tycoons de Hong Kong ont été capables d’élargir leur champs d’influence bien au-delà des frontières, et ce, surtout grâce à des transactions foncières avec la Chine continentale.

    Alliance avec les Tycoons

    Le PCC a tissé des liens étroits avec les Tycoon hongkongais depuis le début des années ’80, lorsque les négociations ont commencé avec les Britanniques, par rapport à l’avenir du territoire. Le PCC a adopté la doctrine ‘‘utilisons les affaires afin de diriger la politique’’, une tactique qui a été remise au goût du jour à Taiwan récemment, lorsqu’une alliance a été formée avec les grands capitalistes Taïwanais. Sur les 20 plus grandes compagnies d’exportation chinoises, 10 appartiennent à Taiwan.

    Dans le cas d’Hong Kong, les Tycoons et les libéraux sont désormais les acteurs principaux de l’économie continentale. Les prêts consentis au secteur privé de la Chine continentale par les banques kongkongaise valent 200% de son PIB, c’est-à-dire 280 milliards de dollars. Ce phénomène s’observe surtout depuis la passation de pouvoir en 1997, l’économie de Hong Kong s’est construite sur le ‘‘blanchiment d’argent’’ pour faciliter les mouvements des capitaux depuis la Chine continentale et éviter ainsi les contrôles du gouvernement. La plus grosse partie de cet argent est ensuite ré-envoyé vers la Chine en tant ‘‘qu’investissement étranger’’, jouissant alors de l’évasion fiscale, de territoires bon marchés (voire gratuits) et de biens d’autres avantages. Entre 1978 et 2010, Hong Kong représentait la moitié des investissements directs à l’étranger (IDE) totaux en Chine.

    En 1985, afin de préparer la passation de pouvoir, Pékin a mis sur pied un Comité d’élaboration de lois (the Basic Law Drafting Committee -BLDC) afin de rédiger une ‘‘constitution’’ pour Hong Kong. Ce comité était composé de 23 membres hongkongais sur un total de 59 membres. Et sur les 23 membres choisis, 12 étaient des Tycoons. Le Tycoon Pao Yue Kong, fondateur d’une entreprise maritime mondiale, et David KP Li, président de la banque d’Asie de l’est, sont tous deux devenus vice-présidents de la BLDC. Ce qui montre, selon Christine Lo, ‘‘l’ambition de la part de Pékin de former une alliance avec les capitalistes’’. La constitution qui en a découlé, ‘‘la législation de base’’ impose le capitalisme comme ‘‘unique système pouvant être exercé à Hong Kong, et ce jusqu’à 2047’’ (soit 50 ans après la passation de pouvoir). Elle rend même hors-la-loi tout déficit budgétaire afin de lui servir de bouclier contre ‘‘l’assistanat’’.

    Même si le BLDC n’existe plus, les Tycoon sont toujours surreprésentés parmi les représentants hongkongais sélectionnés pour participer aux institutions quasi-gouvernementales chinoises, comme par exemple, le Congrès National Populaire (NPC) ou encore la Conférence Consultative Politique Populaire Chinoise (CPPCC). Ce processus d’intégration des grands capitalistes avec le régime en place du PCC a commencé à Hong Kong mais s’est répandu par la suite ; il atteint même le continent aujourd’hui.

    Pendant toute cette période, Pékin a travaillé de concert avec la classe des capitalistes de Hong Kong afin de mettre un frein au suffrage universel et aux revendications pour le droit à la sécurité sociale. Dans ses mémoires, l’ancien responsable de la branche hongkongaise de l’agence Xinhua (précurseur du bureau de liaison du gouvernement central) Xu Jiatun confesse ‘‘certains capitalistes et certains membres des hautes strates de la société pensaient qu’ils pouvaient compter sur la Chine afin de résister aux tendances démocratiques de Hong Kong.’’ Xu exprimait ainsi ses peurs de voir ‘‘un vote pour une personne’’ se mettre sur pied, ce qui ‘‘ferait perdre le contrôle de Hong Kong à Pékin.’’ (Propos recueillis dans le livre de Christine Loh, Underground Front, HK University Press, 2010.)

    L’Article 23

    En utilisant son alliance avec les Tycoons, le PCC a aussi été capable de museler la ‘‘presse libre’’ hongkongaise. La plupart des médias Tycoons ont des intérêts financiers sur le continent et des positions clés au sein du corps gouvernemental de continent. Les patrons qui contrôlent le câble télévision : le groupe Sing Tao (Charles Ho), le groupe Oriental Press (Ma Ching Kwan) ainsi que Wheelock (Peter Woo) sont tous membres du PCC. C’est aussi le cas de Victor Li, le fils de Li Ka-shing dont l’empire financier détient la société de diffusion du Metro. En 2003, lorsqu’un demi-million de personnes se sont mobilisées afin de combattre la proposition de loi sécuritaire sur la répression, l’Article 23, les Tycoons tels que Li Ka-shing, Stanley Ho et Gordon Wu l’ont publiquement soutenue. L’article 23 limiterait le droit de rassemblement, de libre expression, et d’autres droits démocratiques comme les ‘‘liens avec des organisations étrangères’’ telles que le Comité pour une Internationale Ouvrière.

    La manifestation monstre du “7.1” qui s’est déroulée en 2003, a établi une nouvelle tradition, constituée de manifestations de masse pour la démocratie chaque année le même jour. Cette année, alors que CY prend le pouvoir, l’Article 23 est remis sur la table. Son gouvernement, avec le soutien de Pékin, va sans aucun doute tenter de faire passer une nouvelle proposition de loi, et il s’attirera le soutien de certains ‘‘libéraux démocrates’’ en échange de petites concessions ou même peut-être contre des sièges dans un gouvernement de ‘‘coalition’’. Ces politiciens pro-capitalistes ont montré à de nombreuses reprises que leur soutien à la démocratie se limite à des mots.

    Mais à la base de la société, une opposition massive se forme contre de nouvelles législations répressives et la frustration monte face aux promesses éternellement brisées concernant le suffrage universel.

    La disparité grandissante de richesses entre les détenteurs du pouvoir et le peuple conduiront à des explosions sociales, avec des répercussions sans précédents en Chine continentale et dans la région. Mais l’histoire du long chemin parcouru par Hong Kong depuis la domination coloniale jusqu’à leur fragile ‘‘autonomie’’ illustre que la lutte pour une démocratie véritable est inséparable de la lutte contre le capitalisme et pour l’instauration d’une société socialiste démocratique.

  • Grèce : Révolution et contre-révolution sur fond de crise croissante de la zone euro

    C’est véritablement un séisme politique qui a pris place le 6 mai dernier en Grèce. Ces élections constituent un signe avant-coureur de bouleversements politiques et sociaux plus intenses encore. Partout à travers l’Europe, les travailleurs et leurs organisations doivent être solidaires de la population grecque et s’opposer résolument aux diktats de la troïka (Union Européenne, Fonds Monétaire International, Banque Centrale Européenne). Cette solidarité passe aussi par la lutte contre les attaques des divers gouvernements partout en Europe.

    Résumé d’un dossier de Tony Saunois (CIO) et d’Andros Payiatos, Xekinima (CIO-Grèce)

    Suite à l’impossibilité de former un gouvernement, de nouvelles élections doivent se tenir le 17 juin. Cette paralysie est une expression des chocs violents dont a été victime la société grecque dans le cadre d’un processus de révolution et de contre-révolution. Le prestigieux Financial Times a ainsi mis en garde: ‘‘Il peut y avoir des émeutes et des pillages. Un coup d’État ou une guerre civile sont possibles’’ (édition du 18 mai).

    Alexis Tsipras (Syriza): “Une guerre entre le peuple et le capitalisme”

    Syriza (‘Coalition de la Gauche Radicale’) est sortie grand vainqueur du scrutin en passant de 4,6% à 16,78%, de quoi donner espoir à de nombreux travailleurs et militants de gauche en Grèce et ailleurs. La classe dirigeante est terrifiée face à cette large contestation de la Troïka et de l’austérité.

    Les conservateurs de la Nouvelle Démocratie (ND) et les sociaux-démocrates du PASOK se sont systématiquement agenouillés devant les diktats de la Troïka, assurant ainsi que le pays soit littéralement occupé par les grandes banques, la Banque Centrale Européenne, le Fonds Monétaire International et l’Union Européenne. Le 6 mai, le peuple grec a riposté par une claque monumentale envoyée à ces deux pantins de l’Europe du capital. Alors qu’ils obtenaient généralement 75% à 85% ensemble, ils n’ont maintenant recueilli que 32,02% (18,85 pour la ND et 13,18% pour le PASOK).

    D’ici aux élections du 17 juin, Syriza peut encore renforcer son soutien électoral. La coalition de gauche radicale sera-t-elle à la hauteur des espoirs placés en elle? Selon nous, ce n’est possible qu’avec un programme socialiste révolutionnaire, un programme de rupture avec le capitalisme. Toute recherche de solutions au sein du système actuel est vaine.

    Si la gauche est mise en échec, l’extrême droite pourrait se saisir du vide politique. Nous avons d’ailleurs assisté le 6 mai à l’émergence du parti néo-fasciste ‘‘Aube Dorée’’ qui a obtenu 6,97% et 21 élus. Depuis lors, ces néonazis ont chuté dans les sondages, mais l’avertissement est sérieux.

    Un niveau de vie attaqué à la tronçonneuse

    Le Produit Intérieur Brut grec a chuté de 20% depuis 2008, cet effondrement économique réduisant à néant la vie de millions de personnes. Dans les services publics, les salaires ont chuté de 40%. L’église estime que 250.000 personnes font quotidiennement appel aux soupes populaires. Dans les hôpitaux (où le nombre de lits a diminué de moitié), les patients doivent dorénavant payer à l’avance pour bénéficier d’un traitement. Un hôpital a même gardé un nouveau-né jusqu’à ce que sa mère puisse payer la facture de l’accouchement. Des milliers d’écoles ont aussi été fermées.

    La classe moyenne est détruite. Le nombre de sans abri a explosé et ils font la file aux côté de leurs frères d’infortunes immigrés pour recevoir un peu de nourriture et pouvoir intégrer un abri dans ces sortes de camps de réfugiés qui constituent la version européenne des bidonvilles. Le chômage frappe 21% de la population active et 51% de la jeunesse tandis que les centaines de milliers d’immigrés sont agressés sans relâche par l’extrême droite. La gauche doit riposter avec un programme de mesures d’urgence.

    Les travailleurs contre-attaquent

    Sous la pression de la base, au moins 17 grèves générales ont été organisées en deux ans, dont trois de 48 heures, sans que les attaques antisociales ne cessent. Mais un certain désespoir se développe puisque la lutte n’a pas remporté d’avancées. Le désespoir a poussé des dizaines de milliers de personnes à fuir à l’étranger. Environ 30.000 immigrés clandestins grecs sont en Australie, certains sont même partis au Nigeria ou au Kazakhstan. D’autres ont choisi une fuite plus tragique : le taux de suicide grec est aujourd’hui le plus élevé d’Europe.

    Cette situation n’est pas sans rappeler la dépression américaine des années ‘30. La haine et la colère sont telles à l’encontre de l’élite grecque et de ses politiciens qu’ils ne sont plus en sécurité en rue ou au restaurant. Les riches cachent leur argent en Suisse ou dans d’autres pays européens, tandis que la majorité de la population bascule à gauche du fait des conséquences de la crise.

    Syriza refuse une coalition avec le PASOK et la ND

    Syriza a déclaré que le PASOK et la ND voulaient qu’elle se rende complice d’un crime en participant au gouvernement avec eux. Alexis Tsipras a proposé de constituer un bloc de gauche avec le Parti communiste grec (KKE) et la Gauche démocratique (une scission de SYRIZA) pour mener une politique de gauche.

    Le dirigeant de Syriza, Alexis Tsipras, appelle à l’abolition des mesures d’austérité et des lois qui ont mis fin aux conventions collectives de travail et ont plafonné le salaire minimum à 490 euros par mois. Il a exigé une enquête publique concernant la dette de l’Etat et, dans l’intervalle, un moratoire sur le remboursement des dettes.

    Ce programme est insuffisant face à la profondeur de la crise, mais il représente un bon point de départ afin de renforcer la lutte contre l’austérité et le débat sur un véritable programme de rupture avec le capitalisme.

    De son côté, la direction du KKE a refusé de rencontrer Tsipras. Le parti communiste s’enfonce dans son approche sectaire, à l’opposé du mouvement ouvrier, et il le paye dans les sondages. Xekinima, la section grecque du Comité pour une Internationale Ouvrière, plaide pour la création d’un front de gauche depuis longtemps. Si cet appel reçu un accueil plutôt hostile dans un premier temps, il a ensuite progressivement bénéficié de plus de soutien pour finalement être repris par Alexis Tsipras et Syriza.

    Une liste unitaire serait sortie première des élections du 6 mai, et aurait de ce fait reçu le bonus de 50 sièges supplémentaires accordés au plus grand parti selon la législation électorale grecque. Même si cela n’avait pas été suffisant pour obtenir une majorité parlementaire, cela aurait offert une place encore plus centrale à la gauche pour la deuxième élection de juin et pour la campagne concernant cette perspective très réaliste d’un véritable gouvernement de gauche.

    Mais le KKE a refusé et reste sur le banc de touche. Pourtant, en 1989, ce parti n’a eu aucune réticence à entrer en coalition avec… les conservateurs de la Nouvelle Démocratie ! La secrétaire générale du KKE, Aleka Papriga, se réfère maintenant à cette expérience pour justifier son refus d’un front de gauche, comme si un front unitaire basé sur la lutte contre l’austérité pouvait être mis sur le même pied qu’un gouvernement pro-capitaliste avec les conservateurs ! Malheureusement, d’autres formations de gauche ont également adopté une attitude négative sur cette question, particulièrement Antarsya (une alliance anticapitaliste).

    Tant le KKE qu’Antarsya sont maintenant sous la pression de leurs bases. Une partie de la base d’Antarsya appelle publiquement à la constitution d’un front avec Syriza, mais la majorité de la direction reste obstinément sur sa position, au mépris du prix à payer. En 2010, cette alliance avait encore réalisé 2% aux élections communales, contre 1,2% en mai, et cela pourrait encore diminuer. De son côté, le KKE a à peine progressé aux élections en mai et les sondages parlent d’une chute de 8,5% à 4,4% pour le 17 juin.

    Tsipras a menacé de ne pas rembourser entièrement les dettes du gouvernement, d’économiser sur les dépenses militaires et de lutter contre le gaspillage, la corruption et l’évasion fiscale des riches. Il exige un contrôle public du système bancaire, et appelle même parfois à la nationalisation. Il s’est encore prononcé pour un New Deal, à l’instar de celui que Roosevelt avait mis en avant pour les États-Unis dans les années ‘30. Syriza a donc pour programme un ensemble de réformes qui ne rompent pas avec le capitalisme, mais c’est tout de même un début. Pour nous, un programme d’urgence de travaux publics doit être lancé, lié à la nationalisation des banques et des secteurs clés de l’économie, sur base d’une planification démocratique et socialiste de la société.

    Le programme de Syriza a ses limites, mais il a le mérite d’être clairement opposé à l’austérité. Syriza refuse d’ailleurs de participer à toute coalition gouvernementale destinée à appliquer des mesures antisociales. Cette approche peut pousser la formation au-delà des 20% dans les sondages, jusqu’à 28%. Cette rapide croissance de soutien illustre le potentiel électoral pour les formations de gauche lorsque les conditions objectives sont réunies et qu’elles adoptent un profil clair.

    Le refus de Syriza de collaborer à une coalition bourgeoise change radicalement de la position d’autres forces de gauche par le passé. En Italie, la position du Parti de la Refondation Communiste (PRC) a été très sérieusement affaiblie par sa participation à des coalitions locales. En Espagne, récemment, Izquierda Unida (Gauche Unie) est entré en coalition avec les sociaux-démocrates du PSOE en Andalousie, ce qui peut menacer son soutien parmi la population.

    L’Union Européenne et l’euro

    Les partis capitalistes et la Troïka tentent désespérément de renverser cette situation, et font campagne en disant que ces élections sont en fait un référendum sur l’adhésion à la zone euro. Tous leurs efforts visent à présenter la résistance à l’austérité comme la porte de sortie hors de l’eurozone et de l’Union européenne.

    Sur ce point, la position de Syriza est trop faible, bien qu’il s’agisse de l’expression d’un sentiment largement répandu dans la population. Selon un sondage, cette dernière est à 79% opposée à quitter l’euro. Les craintes de ce qui se passerait ensuite sont compréhensibles; un isolement de l’économie grecque, relativement petite, pourrait ramener les conditions sociales au niveau des années 1950 et 1960 et l’inflation au niveau élevé des années 1970 et 1980. Syriza et la gauche doivent faire face à ces craintes et expliquer quelle est leur alternative.

    Tsipras parie sur le fait que la Grèce ne sera pas éjectée de l’eurozone en raison des conséquences que cela entraînerait pour le reste de l’Europe. Cela n’est toutefois pas certain, même s’il est vrai qu’une partie des classes dirigeantes européennes a peur de ce cas de figure et des perspectives pour l’euro si l’Espagne et d’autres pays sont aussi poussés vers la sortie.

    De l’autre côté, les classes dirigeantes d’Allemagne et d’autres pays craignent que de trop grandes concessions pour préserver la Grèce dans l’eurozone ne soient un précédent dont se pourraient ensuite se servir l’Espagne, l’Italie, le Portugal, l’Irlande,… Le ‘Centre for Economic and Business Research’ a déjà indiqué que la fin de l’euro sous sa forme actuelle est une certitude.

    Syriza se trompe en pensant que le rejet de l’austérité peut être combiné à l’eurozone. La zone euro est une camisole de force économique que les grandes puissances capitalistes et les grandes entreprises utilisent afin d’imposer leur politique. Syriza se doit de formuler une réponse claire face à la probabilité qu’un gouvernement de gauche soit expulsé de la zone. D’ailleurs, on ne peut pas non plus exclure qu’un gouvernement décidé à accepter l’austérité soit tout de même confronté à ce scénario de sortie.

    Si de nombreux Grecs craignent cette perspective, cela ne signifie pas qu’ils sont prêts à accepter n’importe quoi. Si une Grèce dirigée par un gouvernement de gauche est poussée hors de l’eurozone, elle devra immédiatement institué un contrôle public sur le capital et le crédit afin d’éviter toute fuite des capitaux. Les institutions financières et les autres grandes entreprises devront immédiatement être nationalisées et le remboursement de la dette publique aux banques et aux institutions financières suspendu. Le gouvernement devra rendre public les livres de compte des banques et inspecter minutieusement les accords conclus avec les institutions internationales. Le gouvernement devra aussi exproprier les riches et protéger les petits investisseurs et épargnants. De cette manière, un véritable plan de relance serait de l’ordre du possible, un plan démocratiquement élaboré dans le cadre d’une planification socialiste basée sur le contrôle public des principaux secteurs de l’économie.

    Vive l’internationalisme socialiste !

    Un véritable gouvernement de gauche devra simultanément tout faire pour appeler à la solidarité du mouvement syndical du reste de l’Europe, et en particulier en Espagne, en Irlande, au Portugal et en Italie. Ensemble, ces pays ont le potentiel de construire une alternative à l’Europe du capital vers une confédération socialiste basée sur une adhésion volontaire, première étape vers une Europe socialiste.

    Pour y parvenir, nous devons renforcer les liens entre toutes les organisations de gauche et le mouvement syndical de ces divers pays. Sans une telle approche, la résistance contre l’austérité sera partiellement désarmée, et un flanc laissé au développement du nationalisme.

    Une nouvelle phase de la lutte

    Si Syriza se retrouve le plus grand parti du pays, ou s’il prend la tête d’un gouvernement de gauche, la crise ne serait toutefois pas immédiatement battue. Au contraire, cela ne marquerait que l’ouverture d’une nouvelle phase à laquelle les travailleurs et leurs familles doivent être préparés.

    Syriza doit se renforcer en organisant tous ceux, et ils sont nombreux, qui veulent combattre l’austérité. L’appel de Tsipras pour constituer un front de gauche doit se concrétiser avec l’organisation de réunions locales et nationales des partis de gauche, des syndicats, d’habitants de quartiers, d’étudiants,…

    Des comités locaux démocratiquement constitués sont la meilleure base pour se préparer à la prochaine période de lutte et assurer que suffisamment de pression existe pour qu’un gouvernement de gauche applique une politique réellement centrée sur les intérêts des travailleurs et de leurs familles.

    La classe dirigeante se sent menacé par Syriza et par la gauche. Nous devons nous saisir de cette énorme opportunité. Rester spectateur n’est pas une option.


    Leçons passées et présentes d’Amérique latine

    Nous sommes évidemment dans une autre époque, mais des similitudes existent entre la Grèce actuelle et le Chili des années 1970-73 ou encore avec le développement des régimes de gauche au Venezuela, en Bolivie ou en Argentine.

    Au début des années ’70, le Chili a connu une forte polarisation politique mais la droite et la classe dirigeante s’étaient préparées pour sortir de l’impasse. L’organisation fasciste ‘Patria y Libertad’ (une organisation paramilitaire) occupait les rues et attaquait les militants de gauche. Finalement, l’armée a organisé le coup d’Etat du 11 septembre 1973 qui a porté Pinochet au pouvoir.

    En Grèce, le potentiel du développement d’une organisation paramilitaire existe, avec ‘‘Aube Dorée’’. Cette organisation fait l’éloge de la dictature militaire grecque dite ‘‘des colonels’’ (1967-1973) et même d’Hitler. Une partie de la classe dirigeante peut tirer la conclusion qu’il n’existe pas d’alternative face à la menace de la gauche et peut être tentée de ‘rétablir l’ordre’. Cela ne sera pas le premier choix de la classe dirigeante, mais ce danger n’en est pas moins réel. La baisse du soutien d’Aube Dorée dans les sondages n’est pas synonyme de sa disparition.

    Même sans soutien massif un groupe comme Aube Dorée ou Patria y Libertad peut être une menace physique pour les minorités et le mouvement ouvrier. Aube Dorée envoie ses ‘chemises noires’ attaquer les immigrés et menace ouvertement les homosexuels (leur prochaine cible). La création de comités d’auto-défense est urgente.

    Si Syriza peut former un gouvernement avec un front de gauche, ce gouvernement peut rapidement être poussé plus encore à gauche. Ce fut le cas d’Allende au Chili en 1970 ou de Chavez (Venezuela), de Morales (Bolivie) et de Kirchner (Argentine). Un tel gouvernement peut prendre des mesures contre les capitalistes, y compris par des nationalisations. D’autre part, un gouvernement grec de gauche pourrait bientôt servir d’exemple pour l’Espagne et le Portugal, entre autres.

    Syriza et Tsipras ne parlent pas encore de socialisme, mais cela pourrait changer. Dans une interview accordée au quotidien britannique ‘‘The Guardian’’ Tsipras parle d’une guerre entre la population et le capitalisme. Chavez lui non plus ne parlait pas de socialisme à son arrivée au pouvoir. Il a été poussé à gauche par la pression populaire.

    Sous l’impact de la crise et de la lutte des classes, le soutien pour des demandes comme la nationalisation, le contrôle et la gestion ouvrière peut rapidement grandir. Des gouvernements de gauche peuvent être mis sous pression pour prendre de telles mesures, au moins partiellement. Ce fut d’ailleurs également le cas du premier gouvernement du PASOK grec en 1981. Si les partis capitalistes obtiennent une majorité pour former un gouvernement dirigé par la Nouvelle Démocratie, ce sera un gouvernement sans crédibilité, ni autorité, ni stabilité. Un tel gouvernement entrera vite en confrontation avec l’intense colère du mouvement ouvrier grec. Syriza pourra s’y renforcer. Dans une telle situation Xekinima proposera une campagne active pour la chute du gouvernement par des grèves, des occupations et des manifestations de masse.

    La croissance rapide de Syriza est un élément positif. La crise sociale et politique constitue un test, tant pour Syriza que pour toutes les autres forces politiques. Avec un programme approprié, des méthodes correctes et une bonne approche, il est possible d’avancer. Sinon, la gauche peut disparaître aussi rapidement qu’elle a avancé. Xekinima joue un rôle actif dans les discussions au sein et autour de Syriza afin de parvenir aux conclusions politiques nécessaires pour développer les luttes.

  • Sri Lanka’s Killing Fields: Les crimes de guerres impunis

    Cela fait près de trois ans que le régime du Sri Lanka a déclaré sa victoire contre le LTTE, les Tigres de libération de l’Îlam Tamoul. Cette prétendue victoire a coûté la vie d’au moins 40.000 civils tamouls lors de sa dernière phase, des centaines de milliers de personnes ont été parquées dans des camps de concentration et des milliers de personnes manquent toujours à l’appel. Le Nord et l’est du Sri Lanka sont toujours sous contrôle et occupation militaire. Les blessures sont profondes, le sang est encore frais, la souffrance est insupportable.

    Manny Thain, secrétaire de la campagne Tamil Solidarity

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    Socialisme 2012 Le dimanche 29 avril, différentes commissions sont prévues de 10h à 12h30. L’une d’elle sera consacrée à cette question, avec la projection du documentaire “Sri Lanka’s killing fields”, suivie d’un débat.

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    La chaîne britannique Channel 4 est l’une des rares voix à s’être élevée contre le régime du président Mahinda Rajapaksa et ses crimes. Le 14 mars dernier, elle a consacré un second documentaire à cette guerre et à ses conséquences : Sri Lanka’s Killing Fields: War Crimes Unpunished (film qui sera projeté durant le week-end Socialisme 2012 des 28 et 29 avril prochain).

    Les images horribles de ce documentaire montrent notamment l’attaque d’un convoi d’aide alimentaire des Nations Unies, pris au piège au sein d’une zone qui était sensée être protégée avec des centaines de milliers de civils. Malgré l’envoi des coordonnées GPS, les installations de l’ONU ont continué à être bombardées. Après que le personnel des Nations Unies ait frénétiquement appelé la Haute Commission australienne à Colombo (la capitale du Sri Lanka), le bombardement a évité l’ONU, mais s’est poursuivi dans la zone de cessez-lefeu, contre les civils. De toute évidence, les autorités avaient une connaissance directe de la situation et l’armée savait ce qu’elle bombardait.

    À la mi-avril 2009, l’armée sri lankaise a franchi la zone de cessez-le-feu en son milieu, sous le prétexte d’une ‘‘opération de sauvetage d’otages’’. En réalité, c’était une attaque militaire de grande envergure.

    Des dizaines de milliers de personnes ont été parquées dans de gigantesques camps de détention. Le 22 avril, le porte- parole de l’armée a insisté sur le fait qu’aucune artillerie lourde n’avait été utilisée et qu’aucun civil n’avait été tué. Mais selon l’ONU, le nombre de décès a au moins atteint les 15.000 personnes lors de cette attaque.

    Le régime sri lankais a délibérément sous-estimé le nombre de personnes tuées ou prises au piège. Les données de l’ONU affirment qu’à la fin du mois d’avril, plus de 125.000 personnes étaient toujours prises au piège, mais le président Rajapaksa déclarait au même moment à CNN qu’il n’y avait que 5 à 10.000 personnes détenues.

    Le 3 mai, la zone de cessez-le-feu était à peine plus large qu’un kilomètre. Les hôpitaux de campagne, accablés de morts et de mourants, ont été bombardés tandis que le régime refusait d’accepter une intervention de la Croix-Rouge. Les combattants des Tigres Tamouls capturés ou qui s’étaient rendus ont été exécutés et les militantes féminines ont subi des violences sexuelles et des mutilations abominables. Channel 4 a notamment souligné l’exécution de Balachandran Prabhakaran, le fils de 12 ans du dirigeants des Tigres Tamouls, de plusieurs balles dans le corps.

    Considérations géopolitiques

    Sir John Holmes, alors à la tête des opérations humanitaires de l’ONU, a admis que le régime de Rajapaksa s’est joué de l’ONU. Il savait que, pour des raisons géopolitiques et commerciales, aucun gouvernement n’était prêt à condamner les massacres. Selon M. Holmes, le feu vert était implicite et le régime a pu poursuivre sa politique brutale en toute impunité.

    Lors de la réunion du Commonwealth de 2011, en Australie, le président Rajapaksa a serré la main de la reine Elizabeth II, et le Sri Lanka a été désigné comme lieu de rencontre de la prochaine réunion de 2013. Il n’est pas étonnant que son régime se sente libre d’assassiner…

  • Kazakhstan : Libération de Natalia Sokolova, l'avocate des grévistes du pétrole !

    Le régime est sous la pression de la campagne internationale

    Le 8 mars, la Cour Suprême du Kazakhstan a pris la décision de ‘requalifier’ les charges criminelles pesant sur Natalia Sokolova, l’avocate des grévistes de l’entreprise pétrolière “KarazhanbasMunai”. En conséquence, la sentence de 6 ans de prison rendue en août 2011 a été annulée. A la place, Natalia Sokolova a été condamnée à 3 ans de conditionnelles, elle sera sous la surveillance de la police pour 2 années supplémentaires et est interdite de participer à des “activités sociales” (c’est-à-dire des activités politiques ou syndicales). Elle a donc été relâchée et a pu retourner chez elle, auprès de son mari.

    Déclaration du Mouvement Socialiste du Kazakhstan

    Le Mouvement Socialiste du Kazakhstan félicite Natalia Sokolova, les travailleurs du Kazakhstan et, plus particulièrement, les travailleurs du secteur pétrolier de Mangystau pour la libération de Natalia Sokolova. Il s’agit là d’une victoire pour la classe ouvrière du Kazakhstan toute entière. Les autorités considéraient la condamnation de Natalia Sokolova comme un avertissement lancé à la population du Kazakhstan, afin de défier quiconque de lutter. Mais au lieu de cela, le régime a dû faire face à une campagne croissante de solidarité internationale, jusqu’au point d’être forcé de la relâcher.

    La campagne internationale de solidarité a impliqué plusieurs syndicats, syndicalistes, organisations de défense des droits de l’Homme, partis de gauche, etc. Un rôle particulièrement important a été joué par le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) et ses différentes sections à travers le monde, qui ont organisé une série de piquet, de protestations et de conférences de presse exigeant, notamment, la libération de Natalia Sokolova. Depuis le Nouvel An, ce travail a été organisé par la Campaign Kazakhstan.

    Ce n’est pas une coïncidence si le Parlement Européen a discuté de la situation au Kazakhstan la semaine suivante. Grâce au travail de la Gauche Unitaire Européenne et, en particulier, de Paul Murphy (député européen du Socialist Party en Irlande et section irlandaise du CIO) ainsi que son équipe, même les factions de droite au Parlement ont soutenu la revendication de la libération de Natalia Sokolova dans leurs résolutions. Ces derniers ignorent généralement la condition des travailleurs et des syndicalistes, qui souffrent sous la poigne de régimes autoritaires, et préfèrent concentrer leur attention sur le cas des politiciens pro-capitalistes et des militants des droits de l’Homme. Mais grâce à la pression continue du bureau de Paul Murphy, cela ne s’est pas produit cette fois-ci. Il était quasiment certain que l’appel à la libération de Natalia Sokolova allait être repris par le Parlement Européen la semaine suivante.

    La visite d’Andrej Hunko au Kazakhstan (un membre du Bundestag allemand et du parti de gauche Die Linke) a également constitué un évènement important. Il soutient la Campaign Kazakhstan. Andrej Hunko a visité le Kazakhstan en tant qu’observateur durant les élections frauduleuses organisées par le régime dans le pays en janvier dernier. Il a utilisé cette opportunité pour visiter Natalia Sokolova en prison, pour lui exprimer sa solidarité et lui assurer qu’il participerait aux efforts visant à mettre le maximum de pression sur le régime.

    Piquets do solidarité

    Dans le monde russophone, la section russe du CIO a été impliquée dans l’organisation de piquets de solidarité dès le début du conflit social dans le pétrole. Plusieurs conférences de presse ont été tenues afin de briser le silence médiatique à propos de la grève et pour assurer que la libération de Natalia Sokolova soit soulevée à chaque fois que cela était possible. Par la suite, ce travail a été renforcé par des piquets tenus à Moscou, Saint Pétersbourg et Kiev avec l’aide d’autres groupes de gauche et d’organisations syndicales.

    En janvier, Natalia a été nominée par le syndicat Zhanartu (affilié au Mouvement Socialiste du Kazakhstan) pour recevoir le prix de l’International Trade Union Congress en tant que “syndicaliste de l’année”. Cette nomination est soutenue par Comité Norvégien Helsinki et par le Bureau International des Droit de l’Homme du Kazakhstan. Cette nomination à elle seule a causé un grand embarras au régime kazakh. Des pressions ont régulièrement été exercées par la sureté d’Etat (KNB) sur Natalia afin qu’elle rejette cette nomination.

    Le rôle joué par le Mouvement Socialiste du Kazakhstan dans le pays n’est pas non plus à négliger. Plusieurs actions et piquets ont été tenus au Kazakhstan, avec souvent à la clé l’arrestation des militants. Zhanna Baitelova, Dmitry Tikhonov et Arman Ozheubaev ont ainsi été détenus en prison durant deux périodes de 15 jours. Des dizaines d’autres activistes ont reçu des amendes pour avoir participé aux actions de protestation. Nos camarades du syndicat Odak ont assuré que l’information concernant ces arrestations et intimidations se répandent dans tout le pays.

    Maintenons la pression sur le régime

    Il est impossible de faire ici une liste complète de toutes les actions qui ont été organisées dans de nombreux pays, en Autriche, en Australie, en Belgique, à Hong Kong, en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Irlande, aux USA, en Suède, en France, au Venezuela, au Pakistan et en Pologne. Des supporters en Irlande et en Belgique ont également déployé des banderoles lors de matchs où jouait l’équipe du Kazakhstan. Des piquets ont été tenus devant des grandes entreprises ayant des contrats au Kazakhstan à Londres et à Berlin. Des dizaines de délégations syndicales à travers le monde se sont aussi saisi du sujet.

    Même si Natalia est toujours considérée comme coupable, sa libération est une grande victoire pour le mouvement ouvrier et la campagne internationale de solidarité. Cela démontre que des victoires peuvent être obtenues malgré l’opposition du régime, des patrons et de leurs partisans sur la scène internationale, malgré aussi le silence des médias officiels et la résistance des bureaucrates syndicaux. La pression exercée sur l’Ak-ordy (la résidence présidentielle) a fonctionné. Nous devons maintenant poursuivre cette campagne et maintenir la pression pour la libération des 43 travailleurs du pétrole actuellement détenus pour “incitation au conflit social” et participation à des “réunions syndicales illégales”, pour la libération de Vadim Karamshin, pour le retrait des charges pesant contre les dirigeants de l’opposition Ainur Kurmanov et Esenbek Ukteshbayev, et pour la libération de tous les prisonniers politiques du pays.

  • Les révoltes mondiales contre ce système sans perspective suscitent la recherche d’une alternative (1)

    1. L’été dernier, l’illusion selon laquelle le capitalisme mondial allait parvenir à s’extraire du pétrin dans lequel il se trouve depuis 2008 a de nouveau volé en éclats. On était parvenu à changer la Grande Dépression en une Grande Récession. C’est pourquoi on avait ouvert les robinets à argent, les dettes privées avaient été transférées aux gouvernements et les stimulants de masse avaient sauté. Depuis lors, une question cruciale tient en suspens les économistes et les politiciens : à partir de quand les déficits budgétaires peuvent-ils être purgés, sans pour autant de nouveau rejeter l’économie dans la récession ?

    2. Bonne question ! Au lieu de redémarrer au turbo sur les starting-blocks, l’économie mondiale continue à cahoter. Cela suscite des tensions, qui deviennent difficiles à cacher même avec diplomatie. Ces derniers 18 mois, les États-Unis et la FED ont continué à arroser l’économie avec leur pompe à pognon. C’est entre autres comme cela que le déficit budgétaire des États-Unis va atteindre cette année un nouveau record de 1.645 milliards $. Dans le meilleur des cas, cela pourra redescendre en-dessous de 1.000 milliards $ à partir de 2013. En même temps, le bilan de la FED, l’autorité monétaire destinée à lubrifier l’économie, a grimpé de 1.000 milliards $ avant la crise du crédit, à 3.000 milliards $ en juillet de cette année.

    3. Le gouvernement chinois a encore une fois surpassé l’américain. En pourcentage du PIB, les stimuli chinois dépassent de moitié les américains. Grâce à ses banques sous contrôle d’État, 3000 milliards $, soit 60% du PIB, sont passés au crédit. Cela n’a pu se faire que par la nature hybride de l’État chinois. Même si cela fait bien longtemps déjà que la demi-caste, demiclasse dirigeante a décidé de passer à une économie de marché, elle dispose encore toujours de leviers qui lui permettent de mobiliser les forces productives d’une manière dont les autres économies purement de marché ne peuvent que rêver. Le régime a ainsi pu neutraliser l’effet de la grande récession sur son économie et dans la foulée soutenir l’économie américaine afin d’éviter d’être entrainé en chute libre avec elle.

    4. La Chine a accumulé 3.200 milliards $ en réserve au cours de ces dernières décennies, 66% en dollars, 26% en euro. Elle aimerait bien diversifier ce trésor. Un peu partout dans le monde, les détenteurs de capitaux sont très conscients de cela. C’est pourquoi la Chine se trouve sous pression. Le moindre signe qu’elle commence à vendre ses réserves en dollars causera une fuite subite, chacun cherchant à se débarrasser de ses dollars, conduisant à une implosion de cette devise, et à une baisse subite de la valeur de ses réserves. Mais sur un plus long terme, le fait de garder ces réserves en dollars pourrait s’avérer encore plus grave.

    5. L’économie chinoise est bien la deuxième au monde par sa taille, mais avec 1.250 millions d’habitants, la consommation des particuliers est sous celle de l’Allemagne, avec ses 82 millions d’habitants. La Chine a exporté près de 1.600 milliards $ en 2010. La dépendance envers le marché américain est énorme. Le surplus commercial (c.à.d, les exportations moins les importations) avec les États-Unis en 2010 était de 273 milliards $, plus que le surplus commercial total, qui est lui de 183 milliards $. Face au surplus commercial avec les États-Unis, il y a il est vrai un déficit commercial avec les pays fournisseurs de matières premières et de mains d’oeuvre encore meilleur marché dans la plupart des pays d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique. La Chine a donc tout intérêt à ce que l’économie américaine continue à tenir le coup.

    La Chine – nouvelle superpuissance mondiale ?

    6. Les mesures prises par le gouvernement chinois ont assuré une poursuite de la croissance dans toute une série de pays, dont par exemple le Brésil et l’Australie, mais cela n’est pas sans risque. Le Brésil présente à nouveau des signes d’économie coloniale qui produit essentiellement des matières premières et des produits semi-finis et en échange ouvre son marché aux produits manufacturés chinois. On y voit même un processus de désindustrialisation. Avec l’immense hausse de la productivité en Chine, en moyenne de 9,6% entre 2005-2009, cela a fait croître l’illusion que la Chine est sur le point de détrôner les États-Unis en tant que principale puissance mondiale. Tout comme les États-Unis après la Deuxième Guerre mondiale avaient chassé de cette position le Royaume-Uni.

    7. Cela est cependant peu probable. Aussi bien le Royaume-Uni que les États-Unis disposaient durant toute leur phase ascendante des techniques de production les plus modernes. C’était leur efficience de production qui déterminait les limites scientifiques et technologiques du reste du monde. Tous deux ont connu leur période de gloire dans une période d’expansion économique. Les Etats-Unis – après que ses plus importants concurrents aient été aplatis sous les bombardements, l’Amérique latine leur étant tombée dans les mains comme un fruit bien mûr – ont pu imposer leurs termes commerciaux et leur monnaie au reste du monde capitaliste, et ont développé une économie de guerre, sans pour autant avoir à subir les désavantages de la guerre. Voilà quelles ont été les conditions par lesquelles les techniques de production qui étaient déjà connues avant la Deuxième Guerre mondiale, mais qui se heurtaient auparavant aux limites du marché, ont pu être appliquées pour la première fois à une échelle de masse.

    8. Déjà en 1950, les États-Unis étaient beaucoup plus productifs que leurs concurrents. La productivité de l’Allemagne et de la France n’atteignait même pas la moitié de la productivité américaine. L’Union Soviétique n’en atteignait à peine que le tiers, et le Japon un cinquième. Les seuls qui atteignaient des résultats comparables étaient l’Australie, le Canada et… le Venezuela. Le Royaume-Uni était alors déjà un bon quart moins productif, juste un peu mieux que l’Argentine, mais derrière Hong Kong. Dans les années ’60 et ’70, la productivité aux États-Unis ne s’est cependant accrue que de moins de +3%, alors qu’elle s’accroissait de +5% dans les quinze pays de l’Union Européenne et de +8% au Japon. Comment cela se fait-il ? Selon la FED, à New York (Current Issues v13, n8), parce que lorsque la quantité de capital placée par travailleur est basse, le capital est relativement productif. Il a alors un haut produit marginal (la quantité par laquelle la production s’accroit pour chaque nouveau travailleur engagé) et contribue visiblement à la croissance de la productivité.

    9. Ce phénomène a déjà été expliqué par Marx. Il a fait remarquer le changement dans la composition organique du capital. Avec la composition organique, on détermine le rapport entre capital “vivant et variable” et capital “mort et constant”. Le capital vivant est consacré aux heures de travail de la main d’oeuvre et fournit une plus-value. Le capital mort est consacré aux bâtiments, aux matières premières, aux machines, et transmet sa valeur à celle du produit final, mais sans y ajouter de plus-value. La concurrence force les capitalistes à au moins suivre les techniques les plus modernes, et donc à investir de plus en plus dans du capital mort, aux dépens du capital vivant. L’effet clairement contradictoire de cela est le fait que le taux de profit – le profit réalisé par unité de capital investie – a une tendance à baisser. Les marxistes appellent cela “la loi de la baisse tendancielle du taux de profit”.

    10. Comme seconde raison pour expliquer la faible croissance de la productivité aux USA dans els années ’60 et ’70, la FED explique que des pays connaissant une degré moindre de technologie et de techniques de production, qui attirent des investissements étrangers et autres joint-ventures, pouvaient facilement copier les USA. On appelle cela la “loi de l’avancée en tant que frein” ou, pour employer une terminologie plus multilatérale et plus marxiste, la “loi du développement inégal et combiné”. Cela explique la croissance plus rapide de la productivité au Japon après la Deuxième Guerre mondiale, mais aussi pourquoi un pays qui se coupe du monde extérieur est au final condamné à stagner et à rester en arrière. La Corée du Nord ou l’Albanie d’Enver Hoxha, de véritables caricatures d’autarcie, en sont des témoins flagrants.

    11. La rapide hausse de la productivité au Japon et dans l’Union européenne a cependant cessé au début des années ’90. Selon la FED, cela s’est produit en Europe à cause de la “rigidité du produit et du travail”. Selon nous, cela s’est produit parce que le mouvement ouvrier en Europe est mieux parvenu qu’aux États- Unis à résister contre les tentatives du patronat de rehausser le taux d’exploitation. Pour le Japon, la FED explique qu’au fur et à mesure que la productivité d’un pays atteint son summum, le produit marginal baisse, et il devient plus difficile de copier, et de ce fait la hausse de la productivité devient plus difficile à réaliser. Nous ajouterions ceci : à moins qu’il ne survienne une situation exceptionnelle. La destruction massive de l’infrastructure et des moyens de production pendant la Deuxième Guerre mondiale constituait une telle situation exceptionnelle.

    12. Les États-Unis ont connu leur période de gloire durant l’âge d’or des années ’50 et ’60. À ce moment, la croissance économique était tirée par l’État social, avec la hausse des salaires, la baisse du temps de travail, l’apparition de véritables allocations sociales, de services publics et d’un système d’impôt progressif. L’économie chinoise est au second rang si on compare sa taille pour tout le pays mais, en termes de richesse par habitant, elle se trouve à la 95e place. Le pays connait une énorme croissance de la productivité de par les raisons définies ci-dessus, auxquelles il faut ajouter son infrastructure, son niveau d’enseignement et sa centralisation, tout cela hérité de son économie planifiée. Pourtant, la productivité par travailleur en 2005 n’y était que de 15% supérieure à ce qu’elle est aux États-Unis. La Chine devrait surmonter cela, alors que nous sommes en plein milieu d’une période de contraction économique.

    Les déséquilibres de l’économie chinoise

    13. Tout comme pour le Japon en son temps, la croissance économique chinoise est essentiellement poussée par les investissements. Au début, cela permet une croissance fébrile mais, après un certain temps, cela devient un frein. Entre 2000 et 2010, les investissements se sont accrus chaque année en moyenne de 13,3%, mais la consommation des particuliers n’a cru que de 7,8%. Cela signifie un transfert de la consommation vers les investissements. La baisse des salaires, l’expansion du crédit et un cours de change sous-évalué ont tous contribué à cela. La part de la consommation dans le PIB au cours de cette période est passée de 46% à 34%, tandis que celle des investissements passait de 34% à 46%. Pour 1% de croissance du PIB, il fallait encore dans les années ’90 une croissance du capital de 3,7%, en 2000, ce 1% de croissance exigeait par contre une hausse des investissements de 4,25%. On voit donc que la rentabilité de l’investissement diminue.

    14. C’est pourquoi Wen Jiabao, le premier ministre chinois, a déclaré l’économie ‘‘instable, déséquilibrée, non-coordonnée et au final, non-durable’’. On craint que ‘‘ne soient piégés les revenus moyens.’’ C’est le phénomène où un pays ne parvient plus à croître à partir du moment où il a atteint un niveau bien défini. L’incapacité à livrer l’accès aux couches moyennes pour la majorité de la population est un de ces symptômes. Les bas salaires et la répartition inégale sont il est vrai la source de la croissance des investissements. En fait, la croissance devrait être plus basée sur la consommation des particuliers. La croissance des investissements devrait être inférieure à celle du PIB. Dans les années ’80, le Japon a tenté de soutenir la croissance avec le crédit d’investissement, sans effet : cela a conduit à une explosion du crédit. Dans les années ’90, la correction est arrivée, avec les conséquences catastrophiques que l’on connait.

    15. Plus encore qu’à l’époque au Japon, les investissements en Chine sont basés sur du crédit. Sans un soutien artificiel, une grande partie ne serait pas rentable. Le moindre affaiblissement de la croissance à 7% ferait s’écrouler les investissements à 15% du PIB. Toute tentative de réorienter les moyens vers les ménages causerait une encore plus grande baisse des investissements. De ce fait, on voit que les investissements deviennent une source de stagnation, au lieu d’être un moteur pour la croissance. La Chine a maintenant un PIB par habitant comparable à celui du Japon en 1950 (juste après la guerre et juste avant le début de sa phase de croissance rapide longue de 25 ans). On dit que le PIB par habitant de la Chine pourrait atteindre 70% de celui des États-Unis en 2035, comme l’a fait le Japon en 1975 – à ce moment, l’économie chinoise serait plus grande que celle des États-Unis et de l’Europe ensemble. Bien que la taille de la population chinoise offre une échelle et des possibilités supplémentaires pour la répartition du travail, il y a aussi d’importants inconvénients qui y sont liés, le gigantesque besoin en matières premières n’est pas des moindres.

    16. La création d’argent avec laquelle le gouvernement chinois a tenté de repoussé la crise en 2009 et 2010 n’a pas réduit sa dépendance face aux exportations et aux investissements. Sur le marché de l’immobilier, il y a énormément de spéculation, dont l’argent est financé par des prêts. Cela a causé une énorme hausse des prix. La bulle immobilière a entrainé avec elle du capital spéculatif. Les investisseurs courent, il est vrai, le risque d’une réévaluation du yuan par rapport au dollar. Les hausses salariales sont compensées par la hausse des prix à la consommation. Le taux d’inflation “alarmant” provient apparemment de la croissance rapide du crédit et de la monnaie et de la hausse du prix du pétrole, des matières premières et des denrées alimentaires ; cela est renforcé par les spéculateurs qui attendent que la demande augmente. L’exportation massive de produits chinois fait en sorte qu’il y a un afflux massif de devises étrangères. Les entreprises tout comme les particuliers peuvent facilement prêter de l’argent, comme le robinet à crédit a été coupé sur injonction des autorités. Mais tandis que le gouvernement national coupe le robinet à crédit, celuici reste grand ouvert auprès des autorités locales.

    Guerre des devises et commerciale

    17. L’Occident trouve que le dernier plan quinquennal s’attaque insuffisamment aux problèmes structurels. On doit faire quelque chose pour résoudre la dépendance aux exportations et le fossé entre riches et pauvres. L’Occident a peur d’un affaiblissement de la croissance. Nouriel Roubini avertit d’un danger de crash. Mais leurs remarques ne sont certainement pas désintéressées. Ils espèrent gagner en compétitivité en forçant la Chine à réévaluer sa monnaie. Ils veulent aussi gagner l’accès à quelques miettes du marché intérieur chinois, mais celui-ci doit d’abord être mis sur pied. Pour la Chine, ils défendent par conséquent ce que partout ils combattent à tout prix : de meilleurs salaires et une sécurité sociale. Mais l’idée que la Chine puisse subitement gonfler sa consommation sans toucher aux intérêts des détenteurs de capitaux privés est une illusion. L’économie chinoise est une économie de marché libre dans la mesure où une hausse significative des salaires ou une réévaluation comparable du yuan provoquerait une chute du niveau d’investissements, et avec elle, de la croissance économique.

    18. Les gouvernements américains et européens demandent à la Chine ce qu’eux-mêmes ne peuvent pas se permettre. À première vue, c’est plutôt agréable. Dans la pratique, il s’agit d’une manoeuvre audacieuse. Ainsi, l’assouplissement quantitatif dont a fait usage la FED avait comme prévu affaibli le dollar au milieu de l’an passé. Cela a incité les spéculateurs à s’adonner au “carry trade”, c.à.d. à emprunter des dollars à un taux quasi nul pour les placer dans des pays avec un taux plus élevé. L’investisseur encaisse la différence de taux, sans même y engager son propre argent. L’affluence d’investissements a poussé la valeur des devises des pays receveurs, au détriment de leur compétitivité. Le premier à utiliser le terme de “guerre monétaire” a été le ministre des finances brésilien Guido Mantega, mais il exprimait ainsi ce à quoi beaucoup d’autres gens pensaient déjà. Le Brésil demande à l’OMC de prendre des sanctions contre les pays qui laissent filer trop bas leur taux de change. Il y a aussi le dumping. La Chine menace d’une guerre commerciale si les États-Unis décident de placer des taxes à l’importation sur les produits chinois.

    États-Unis : la politique anticyclique échoue

    19. Les États-Unis sont désespérément à la recherche de quelqu’un qui puisse reprendre une partie de leurs problèmes. De là viennent la pression sur la Chine pour qu’elle réévalue sa monnaie, la guerre monétaire à peine voilée, et le plaidoyer en faveur d’une politique monétaire plus conviviale en Europe. Depuis la catastrophe qu’a été le passage du “war-president” George W Bush avec ses cadeaux fiscaux aux riches, l’idée dominante est à présent de lutter contre la crise par une politique anticyclique. Ce courant est représenté par le président Obama, son ministre des Finances Timothy Geithner, et le président de la FED Bernanke. Tout comme leurs opposants, ils trouvent que l’État doit remettre de l’ordre dans ses dépenses, mais pas d’une manière qui risque d’hypothéquer la croissance. Ils craignent que des économies drastiques ne rejettent à nouveau l’économie dans la récession, voire la dépression. En plus de cela, ils souhaitent une participation de la part des riches, pour éviter des réticences de la part de la population face au plan d’austérité. Le gourou de la Bourse Warren Buffet affirme publiquement vouloir payer plus d’impôts.

    20. Cette politique s’est composée des stimuli de 800 milliards $ au début 2009, et de deux opérations d’assouplissement quantitatif par la FED, pour un total de 1850 milliards $. Entretemps, on a lancé le QE 1.5, avec lequel des remboursements libérés sont consacrés à des prêts d’États supplémentaires. La FED a également décidé de bétonner le taux nul jusqu’à 2013. Au final, elle a vendu pour 400 milliards $ de bons d’État à court terme (jusque 3 ans) et a acheté pour un montant semblable en bons d’État à long terme (de 6 à 30 ans). Rien ne semble cependant fonctionner. La consommation des particuliers n’a pas repris parce que les ménages tentent maintenant de rembourser leurs dettes, parce que le chômage sape le pouvoir d’achat, et parce que les autorités locales économisent sur les services et sur le personnel. Malgré des taux très bas, les entreprises américaines continuent à simplement stocker leur argent, pour un montant de 1,84 milliards de dollars, et préfèrent racheter leurs propres actions plutôt que d’investir.

    21. L’absence de résultat sape la crédibilité du gouvernement. Cela renforce la confiance des opposants, qui avaient pourtant pris un fameux coup avec la disparition de Bush. Cela a fait changer de camp ceux qui hésitaient. Au sein de la FED, Bernanke doit de plus en plus compter avec l’opposition, mais il ne doit pas se présenter à des élections. Obama et ses Démocrates n’ont pas ce luxe. Au niveau des Etats et au niveau plus local, des économies copieuses sont déjà bien avancées, même là où des Démocrates sont au pouvoir. Le mouvement Tea Party a sauté sur le mécontentement pour se présenter en tant que défenseur de l’Américain travailleur. Pour les Républicains, ces radicaux de droite étaient des partenaires bienvenus qui les ont aidés à obtenir la majorité à la Chambre basse en 2010.

    Le fouet de la contre-révolution

    22. Mais ce soutien pourrait bien s’avérer être un cadeau empoisonné. Le rôle des partisans du Tea Party dans l’attaque brutale contre les conditions de travail et les droits des travailleurs, entre autres au Wisconsin, a provoqué une réaction de masse. Pour les jeunes et les travailleurs, cela a été un moment décisif. Cela, en plus de son empressement à laisser les États-Unis faire défaut sur leurs paiements (pendant le débat sur le plafond légal de la dette), a endommagé le soutien populaire du Tea Party. Cela pourrait être décisif pour les élections présidentielles de 2012. Trouver un équilibre entre l’establishment des Républicains et les activistes qui exigent un plus grand rôle avec le Tea Party, devient de plus en plus difficile. Un Républicain modéré a officiellement une plus grande chance de récupérer des votes démocrates. Mais c’est surtout les dangers liés au fouet de la contre-révolution, qui font que l’establishment se réunit catégoriquement derrière la candidature de Mitt Romney. Il n’est pas exclu que ce “Grand Old Party” se dirige vers une scission après les élections présidentielles, et que le système des deux partis ne se rompe en premier lieu sur son flanc droit.

    23. Cela ne signifie pas pour autant qu’Obama a déjà gagné. Pour relever le plafond de la dette, on prévoit des économies pour 2.500 milliards $ au cours des dix prochaines années. Pas un mot sur plus d’impôts pour les riches. Le nombre de pauvres a augmenté l’an passé jusqu’à 46,2 millions, le nombre le plus élevé en 52 ans. 15% des Américains sont pauvres, le plus haut chiffre depuis ’93 : 10% des Blancs, 12% des Asiatiques, 26% des Hispaniques et 27% des Noirs. 50 millions d’Américains sont non-assurés, 48 millions des personnes entre 18 et 64 ans sont sans travail. Le revenu médian des ménages est retombé à son niveau de 1996. Le revenu médian personnel d’un travailleur adulte masculin, rapporté en dollars de 2010, était l’an passé inférieur à celui de 1973. Entre 1980 et 2009, le revenu des 20% les plus riches s’est accru de 55%, celui des 20% les plus pauvres a baissé de 4%. En 2007, 23,7% du revenu national allait aux 1% les plus riches, soit la même proportion que ce qui avait été atteint en 1929, juste avant la Grande Dépression.

    24. À chaque fois que l’on espère que l’économie a été sauvée et que l’on pense alors à débrancher la mise sous perfusion par la FED, apparait l’une ou l’autre statistique qui envoie tout valser. En août, pas un seul job n’a été créé. Les chiffres parus en juillet ont dû être fortement revus à la baisse. Immédiatement est réapparue l’angoisse que l’économie allait droit vers une nouvelle récession. Obama a lancé un nouveau plan d’emploi pour 447 milliards $, dont 240 milliards pour la réduction de moitié des impôts sur salaire, une mesure essentiellement destinée à soutenir les PME. De l’argent a été libéré pour des investissements dans des autoroutes, des chemins de fer et des écoles, et des moyens ont également été prévus pour tempérer le nombre de licenciements d’enseignants dans les écoles d’État. Pour réduire le chômage officiel de 9,1% à 5% en 5 ans, il faudrait cependant créer tous les mois 300.000 nouveaux emplois. Depuis le début de 2010, cela n’a été que 100.000 en moyenne, mais cela aussi s’est fortement réduit ces derniers temps.

    25. Ce plan ne suffira pas à remettre sur pied l’économie américaine pour une croissance durable. Il n’est qu’une répétition du plan précédent, en mode mineur. Avec de la chance, cela pourrait de nouveau tirer la croissance de l’emploi, jusqu’à la fin de ce plan. Le problème fondamental n’est toutefois pas un manque de moyens pour investir. Les entreprises ont tous les moyens qu’il leur faut. Elles ne croient cependant pas que l’investissement dans la production pourra rapporter suffisamment. Bon nombre d’entreprises reçoivent aujourd’hui bien plus de profits de par leurs transactions financières que de leur production. De plus, il n’est plus garanti qu’il existe encore un marché pour pouvoir absorber la production. Avec le développement actuel de la science et de la technique, les innovations nécessitent des années de recherche pour un rendement qui doit être réalisé dans un délai de plus en plus court. À peine un produit est-il développé qu’avec les possibilités actuelles il suffit tout au plus de quelques années pour saturer le marché mondial.

    26. Entretemps, l’État américain accumule les dettes. Tôt ou tard, il faudra bien les payer. Jusqu’à récemment, on considérait que cela était une donnée sûre. L’impasse dans le débat autour du plafond de la dette a cependant semé le doute. Qui aurait pensé que les politiciens aller amener les États-Unis au bord d’un défaut de paiement afin d’obtenir gain de cause dans la discussion budgétaire ? L’agence de notation Standard & Poors a décidé pour la première fois dans l’Histoire de baisser la garantie sur crédit de l’État américain. Elle a pris cette décision au lendemain d’un rapport avec une faute de calcul de pas moins de 2.000 milliards $. En plus, les marchés s’en foutaient de cette notation. La demande en bons du Trésor américain n’a pas descendu, de sorte que les États-Unis peuvent prêter au même taux que l’Allemagne. Cela ne va encourager la FED à faire de la lutte contre l’inflation une priorité. Au contraire, un peu d’inflation serait plus que bienvenu afin d’éponger la montagne de dettes. Le seul problème à cela est la difficulté de doser l’inflation.

    Zone euro : priorité à l’austérité

    27. La visite du ministre des finances américain Timothy Geithner au sommet européen de Wrocław n’a pas été extrêmement bien reçue. Geithner était là pour avertir l’Europe. Il aura remis en mémoire le glissement incontrôlable de Lehman Brothers jusqu’à la faillite, pour convaincre l’UE d’abandonner les spéculations sur la banqueroute de l’État grec. Il y a aussi plaidé en faveur d’un large élargissement du fonds de stabilité européen, qu’il fallait selon lui quadrupler. Les dirigeants des États-Unis craignent une nouvelle crise de l’économie mondiale, cette fois avec d’encore plus grandes conséquences que pendant la Grande Récession, déjà aussi parce que les Banques centrales et les États au cours de la précédente récession ont déjà épuisé toutes leurs munitions. Il y a apparemment plaidé en faveur d’une injection ferme et résolue de moyens afin de tuer dans l’oeuf la crise de la dette.

    28. Pour l’Europe, cela est cependant encore plus difficile que l’assainissement du budget aux États-Unis ou que la rehausse de la consommation des particuliers en Chine. Les politiciens européens sont également partagés quant à la manière de combattre la crise au mieux. Aux États-Unis domine pour le moment la tendance qui veut mettre la priorité sur la croissance plutôt que sur l’austérité. Mais il ne faut pas s’étonner que les rapports de force en Europe soient tout à fait opposés. La tendance qui veut donner la priorité à l’austérité “afin de soutenir la croissance de manière structurelle” y est dominante. Ce n’est guère surprenant. La zone euro est une union monétaire, mais pas une union fiscale ni politique. Elle consiste en 17 pays qui ont tous leur propre bourgeoisie, leur propre gouvernement et leurs propres intérêts. À qui rapporte le fait que la priorité soit mise sur la croissance ? Aux récipiendaires directs. Et à qui est-ce que ça rapporte qu’on ait des économies d’abord, avant les dépenses ? Les payeurs nets. Ces derniers sont les pays les plus forts, qui sont dominants dans la détermination de la politique de la zone euro et de la BCE.

    29. Le PSL et le CIO ont toujours été d’avis que l’unification européenne n’est pas possible sur une base capitaliste. Nous sommes également depuis longtemps convaincus du fait qu’une récession économique mettrait une croix sur le projet d’une monnaie unique européenne, même avant que l’euro n’arrive en existence. Les unions monétaires ne sont pas quelque chose de nouveau. Les pays insulaires autour de l’Australie utilisent le dollar australien et il existe encore quelques anciennes unions monétaires coloniales, telles que le franc CFA. D’autres unions monétaires ont existé par le passé sur une base volontaire entre des États plus ou moins comparables. L’Union monétaire scandinave par exemple, qui a duré de 1873 à 1914. Ou l’Union latine, à partir de 1865 entre la Belgique, la France, la Suisse et l’Italie, qui a ensuite été rejointe par l’Espagne et la Grèce, et enfin par la Roumanie, la Bulgarie, la Serbie, Saint-Marin et le Venezuela (entre autres). Cette union a tenu jusqu’en 1914, bien qu’elle n’ait été officiellement dissoute qu’en 1927. Nous pensions cependant que la conjoncture économique, cette fois, exclurait complètement l’idée d’une nouvelle union monétaire. Nous nous sommes trompés. Nous restons néanmoins convaincus que la crise va à un moment donné faire éclater la zone euro, mais pas au point d’avant l’introduction de l’euro.

    30. Les bourgeoisies nationales d’Europe n’ont jamais eu l’intention, ni avec l’Union européenne, ni avec la zone euro, d’unifier les peuples d’Europe par la paix. Cela n’a jamais été que de la rhétorique, derrière laquelle était caché la signification réelle, c’est-à-dire la création de leviers pour la maximalisation du profit et de la casse sociale. C’est évident, la réalité de la division du travail croissante et le besoin de devenir plus fort dans la concurrence avec d’autres blocs commerciaux aura joué, mais jamais jusqu’au point où cela irait au prix des intérêts nationaux particuliers. Le traité de Nice et plus encore celui de Lisbonne ont en tant que but de faire de l’Europe la région la plus compétitive au monde. C’était sans doute l’intention de laisser converger petit à petit les économies nationales, même si les normes de Maastricht et le pacte de stabilité qui ont été institués à cette fin ont été abusivement utilisés par les politiciens nationaux pour rejeter sur eux la responsabilité de la politique nationale. La plupart des pays n’ont jamais atteint les conditions requises par les normes de Maastricht, encore moins du pacte de stabilité, et la Belgique non plus.

    31. Jusqu’à avant la crise de la dette, les économistes étaient convaincus que la convergence était un fait. Ils voyaient les caractères communs superficiels, mais pas les contradictions croissantes sous la surface. Ils voyaient surtout ce qu’ils voulaient voir. En 2006, Marc De Vos, de l’agence Itinera, écrivait dans une carte blanche dans De Tijd : « L’Irlande nous apprend qu’une relative inégalité de revenu est le prix à payer pour une expansion économique rapide, dont néanmoins tout le monde, y compris les pauvres en termes absolus, s’enrichit ». De Vos ne raconterai plus aujourd’hui de telles sornettes de la même manière, mais en ce temps-là, il était complètement aveuglé par l’expansion économique. Dans notre réponse dans les textes de notre Congrès de 2006, nous indiquions déjà une contradiction que lui-même n’allait découvrir que quelques années plus tard : « … le symptôme spécifique par lequel l’Irlande depuis des années a connu un taux d’intérêt réel négatif. Le taux d’intérêt est il est vrai défini par la Banque centrale européenne et se trouve depuis des années sous les chiffres de l’inflation irlandaise. Le crédit extrêmement bon marché est indirectement financé par un grand afflux de capital étranger ». À cela, nous ajoutions : « Une profonde récession sur le plan mondial fera cependant éclater l’économie artificiellement gonflée de l’Irlande (du Sud) ».

    32. Aujourd’hui, tout le monde reconnait que les contradictions n’ont pas diminué, mais plutôt augmenté. Avec la politique du bas taux d’intérêt qu’ont exigé de la BCE les pays à la plus forte économie, d’énormes bulles immobilières et paradis fiscaux ont été créés dans la périphérie, ce qui ailleurs a été utilisé pour casser les acquis sociaux et mettre sur pied des secteurs à bas salaires. Le fait que cette bulle se viderait à un moment donné, cela fait des années que les socialistes le prédisent. Les spreads, la différence de coûts que doivent payer les Etats nationaux pour pouvoir emprunter, n’ont jamais été aussi grands. Dans Le Soir, le professeur d’économie Paul De Grauwe (KUL) expliquait qu’il s’était trompé. Au sujet d’un pays qui adhérait à une union monétaire, il dit : « Nous avions toujours pensé que ce pays devenait plus fort, mais non ! » L’Espagne a un plus petit déficit budgétaire et une plus petite dette que le Royaume-Uni, mais ce dernier peut financer sa dette à 2,52% sur dix ans, tandis que l’Espagne doit le faire pour deux fois ce prix. Cela vient, selon De Grauwe, du faite que la Banque centrale britannique peut si besoin est imprimer de l’argent elle-même afin de satisfaire à ses obligations, mais l’Espagne dépend pour cela de la BCE.

    Tragédie grecque

    33. Les pays en-dehors de la zone euro peuvent stimuler l’exportation par la dévaluation de leur propre monnaie. Qui se trouve dans la zone euro est condamné à la “dévaluation interne”, un terme à la mode pour dire “casse sociale”. Il n’y a entre temps plus un seul pays de la zone euro qui n’est pas en train d’assainir. Les uns parce qu’ils ont dû faire appel à l’aide de la “troïka” de la Commission européenne, de la BCE et du FMI, les autres pour pouvoir éviter d’avoir à faire un tel appel. Les plans d’austérité dure doivent diminuer les déficits budgétaires et améliorer la compétitivité, mais ça ne marche pas. Ils sapent au contraire le pouvoir d’achat par la baisse des salaires, les attaques sur toutes les allocations sociales, la hausse du chômage et dans la plupart des pays une hausse des impôts directs sur les biens de consommation. Cela touche à son tour la petite bourgeoisie, les entreprises de distribution et les entreprises qui sont orientées vers le marché interne de chaque pays. Les véritables investisseurs sont découragés d’investir, les spéculateurs qui espèrent des rachats d’entreprises (d’État) sont encouragés. Avec la vente urgente des entreprises d’État, on perd des revenus annuels fixes en échange d’une cacahouète. Les revenus des impôts se ratatinent, et les dépenses sociales augmentent, car de plus en plus de gens y font appel.

    34. Les pays qui sont mis sous curatelle de la troïka partent directement dans une spirale de croissance négative. Dans le deuxième trimestre de 2011, l’économe grecque s’est contractée de 6,9% par rapport à l’année précédente. Le déficit budgétaire va apparaitre de 8,5% au-dessus de l’objectif de la troïka. À quoi d’autre peut-on s’attendre ? Le revenu moyen des ménages a été diminué de moitié l’an passé. Le pays menace à tout moment de faillite. Lorsque la Grèce a reçu le premier paquet de sauvetage de 110 milliards d’euro qui lui avait été promis, c’était afin d’éviter le défaut de payement sur le prêt d’État de 8 milliards d’euro devant être payé le 19 mai 2010. C’était le plus grand paquet jamais vu. Entretemps, le taux d’intérêt auquel cet emprunt a été mis à disposition de la Grèce a été diminué, et le délai de payement a été doublé. Néanmoins la Grèce a dû être soutenue une bonne année plus tard avec la promesse d’un nouveau paquet.

    35. Cette fois, il s’agit de 109 milliards d’euros. À compléter avec une contribution théorique du secteur financier via un échange d’obligations volontaire par lequel les détenteurs d’obligations grecques devraient accepter une “tonte” de 21%, d’une valeur totale de 37 milliards d’euro. Pour les banques, c’est une bonne affaire, mais pour l’État grec, cela ne va pas énormément arranges son problème de dette. Ses obligations sont il est vrai déjà maintenant échangées sur le marché secondaire à moins de 50% de leur valeur nominale. Et même avant que ce nouveau plan soit accepté par les parlements nationaux des pays de la zone euro, la Grèce est cependant de nouveau au bord du défaut de paiement. Les analystes supposent que la question n’est plus de savoir si la Grèce va vers la faillite, mais de savoir à partir de quand elle le sera.

    36. Lorsque cela se produira, les conséquences en seront catastrophiques. L’État ne pourra plus prêter ses prêts et allocations, ou alors de manière extrêmement réduite. Les factures ne seront plus payées, ou alors pas avant de longs délais. Par le non-paiement (complet ou partiel) des dettes, le pays se verra dépourvu de liquidités. Le secteur financier entrera en faillite, tout comme de nombreuses entreprises. Les pensions, aussi bien celles des pensionnés actuels que celles des futurs pensionnés, seront fortement minées. Les investisseurs tenteront de quitter le pays. Les épargnants tenteront de récupérer leur argent. Il y aura un raid sur les banques. Des troubles sociaux, mais certainement aussi des pillages seront à l’ordre du jour. Lorsque l’Argentine a fait faillite en 2001, des dizaines de gens sont morts dans des émeutes, l’état d’urgence a été instauré et la situation n’a finalement pu se stabiliser qu’après que la monnaie soit tombée à 25% sous sa valeur.

    37. Pour quelques économistes, c’est là le seul scénario possible, et il vaut peut-être mieux le commencer tout de suite parce que le cout social et économique n’en sera autrement que plus grand. Nouriel Roubini plaide en faveur d’une faillite et d’un départ de la zone euro, dans l’espoir qu’une forte dévaluation rétablisse la compétitivité à terme. Remonter le temps n’est cependant pas sans un certain cout. Quitter la zone euro est différent que de ne jamais y avoir adhéré. Qui va financer les dettes si la Grèce introduit sa propre monnaie ? Maintenant elles s’élèvent déjà à 142% du PIB. Ces dettes sont surtout en euro. Si la drachme est réintroduite, et qu’on a comme on s’y attend une dévaluation de 60% par rapport à l’euro, la dette sera soudainement équivalente à 230% du PIB. Il faudra alors des mesures encore plus drastiques afin d’éviter un raid sur les banques et imposer des contrôles de capital. Les entreprises avec des prêts dans le pays entreront en faillite. Les produits importés deviendront plus chers et le niveau de vie des familles sera encore plus réduit. Sur une base capitaliste, il n’y aura à ça non plus aucune réponse.

    38. Certains plaident en faveur d’une reconversion des obligations nationales en obligations européennes, dans l’espoir de décourager les spéculateurs. L’idée est de répartir le risque en empaquetant ensemble les bonnes et les mauvaises obligations d’État, un peu comme ce qui avait été fait avec les hypothèques foireuses. On craint cependant le célèbre dégât moral, par lequel la pression en faveur d’une discipline budgétaire diminue et le nombre de mauvaises obligations d’État après un certain temps entraine avec elles les bonnes vers le bas. Au lieu de répartir en tant que tel le risque jusqu’à ce qu’il n’en reste plus, cela détériorerait au contraire les bons emprunts, comme on l’a vu en 2008 avec les subprimes. D’autres espèrent pouvoir limiter cela en transformant seulement 60% de ces dettes d’État en obligations européennes. Mais cela aussi ne résoudrait rien du tout, car les spéculateurs continueraient à spéculer en pourcentage au-dessus de 60%. Les pays les plus forts de la zone euro s’opposent à l’introduction d’obligations européennes. Pour reprendre les mots de Karel Lannoo dans Knack : les obligations européennes sont le point de conclusion d’une union fiscale et politique, pas le point de départ.

    Payer ou se séparer

    39. Paul de Grauwe, selon ses propres mots, dit ne rien comprendre. « Nous disposons des moyens », dit-il, « la BCE peut imprimer de l’argent autant qu’elle veut ». Cela ne causera pas d’inflation, ajoute-t-il. Mais les pays forts de la zone euro ne sont pas prêts à cela. À part le fait qu’ils abandonneraient également ainsi le contrôle sur la politique monétaire, joue à nouveau le fait que cela enlèverait la pression pour remettre de l’ordre dans les budgets. Le problème le plus important est cependant réellement le danger de l’inflation. Il est vrai que le simple fait d’imprimer de l’argent ne mènera pas immédiatement à une forte inflation. Après tout, l’inflation se produit du fait que la quantité d’argent en circulation grandit plus vite que la quantité de biens et de services disponibles. Cette quantité n’est pas seulement définie par la quantité d’argent dans la société, mais aussi par la rapidité avec laquelle cette quantité d’argent change de propriétaire. Quand l’argent est retenu par les épargnants, les investisseurs en actions comme au début de ce siècle lorsque a eu lieu le phénomène de l’inflation du prix des actifs, ou quand les entreprises qui l’entassent sans le dépenser, alors cet argent ne va pas vers l’économie réelle et n’a aucun ou quasi aucun effet sur l’inflation.

    40. Une comparaison avec le mouvement actuel du prix du pétrole, et de manière plus large de toutes les denrées énergétiques, clarifie cependant ce que l’effet pourrait être d’une création large d’argent par la BCE. À chaque fois que la croissance économique stagne, le prix du pétrole diminue, par lequel il existe un espace pour respirer. Mais dès que l’économie repart à la hausse, le prix du pétrole remonte à nouveau, par lequel la croissance est entravée. Le même peut se produire avec une trop grande hausse de la quantité d’argent. À chaque fois que l’économie stagne, le danger de l’inflation laisse la place à un danger de déflation, mais aussitôt que l’économie repart et que l’argent recommence à rouler, une trop grande quantité d’argent peut mener à une explosion d’inflation. La Chine a maintenant déjà à se battre contre une inflation galopante. Les politiciens allemands gardent encore toujours un traumatisme dû au souvenir de l’hyperinflation pendant la république de Weimar. En outre, le souvenir plus réaliste de la stagflation des années ’70 est encore plus frais dans la conscience.

    41. Le lecteur critique peut interjeter que la création d’argent aux États-Unis n’a tout de même pas mené à une inflation hors de contrôle. Nous avons déjà attiré l’attention sur le fait que les États-Unis, en opposition à la zone euro, sont un État-nation avec une bourgeoisie nationale qui non seulement dispose de sa propre monnaie, mais aussi d’une unité politique et fiscale. En outre, les réserves en dollars existent déjà et elles sont réparties à travers le monde entier. Une création d’argent comparable dans la zone euro est facilement une de trop, aussi pour la Chine ou d’autres pays avec d’importantes réserves de valeurs. En 2012, la zone euro doit refinancer 1700 milliards d’euro, dont un quart par la France, 23% par l’Italie, 19% par l’Allemagne et 20% par l’Espagne, la Grèce, l’Irlande et le Portugal tous ensemble. Selon la Deutsche Bank, la Chine pourrait investir pour un montant de 175 milliards d’euro dans des titres de dette européens, soit “une goutte d’eau sur une assiette chaude”.

    42. Le 21 juin, il a été décidé d’élargir la disponibilité du fond de stabilité européen. La hausse espérée des moyens pour le fonds d’urgence est cependant demeurée lettre morte. Juste fin septembre, le parlement allemand a voté l’élargissement déjà décidé auparavant de sa contribution pour les garanties du fonds de stabilité européenne. Ainsi, le fonds dispose maintenant finalement des 440 milliards d’euro annoncés depuis janvier. Pour faire face à une faillite grecque, voire à une infection à d’autres pays européens, cela est largement insuffisant. La Chine et les États-Unis appellent à un élargissement du fonds à 2000 milliards d’euro. Cela illustre le fait qu’ils prennent au sérieux une faillite de la Grèce et ne croient pas en l’illusion que l’on peut placer la Grèce en quarantaine. Malgré la position “unique” de la Grèce, qui a déjà reçu pour 250 milliards d’euro, la crise de la dette des États s’est étendue à l’Irlande, qui a reçu un prêt d’urgence de 86 milliards d’euro, et au Portugal, avec un prêt de 78 milliards d’euro. L’Espagne qui a elle seule autant de dettes (637 mld €) que l’Irlande (148 mld €), la Grèce (328 mld €) et le Portugal (161 mld €) réunis, tente désespérément de rester à flot avec l’aide de la BCE. Si l’Italie, avec une dette (1842 mld €) trois fois plus grande que celle de l’Espagne, venait à glisser, alors même quadrupler le fonds d’urgence ne suffira plus. Comment vont-ils faire accepter cela aux 17 parlements de la zone euro ?

    43. Il y a la menace d’une nouvelle crise bancaire. Les banques françaises sont pour plus de 600 milliards d’euro exposées aux PIIGS, les banques allemandes, britanniques et américaines pour chacun de ces pays, pour environ 500 milliards d’euro. La base du capital des banques européennes a été renforcée après la crise de 2008, mais pas de la manière dont cela a été fait aux États-Unis. La plupart n’avaient pas calculé qu’elles allaient devoir renoncer à leurs obligations d’État grecques. Si demain cependant aussi les obligations espagnoles et italiennes doivent être annulées, le fait que le fonds d’urgence puisse désormais être utilisé pour recapitaliser les banques aussi sera un maigre réconfort. Les bourgeoisies européennes se sont mises dans une situation à la “catch 22”. Abandonner l’euro serait une énorme saignée pour les entreprises qui sans nul doute présenteront la facture aux travailleurs et à leurs familles. Cela serait un énorme coup porté au prestige des bourgeoisies européennes et cela mettrait fin à la collaboration qui a eu lieu après la Deuxième Guerre mondiale. Cela saperait en outre la position à l’export des pays les plus forts de la zone euro. Mais le cout du maintien de la zone euro continue à augmenter, et la question est à partir de quand ce prix sera-t-il trop grand ?

    44. En fait, il existe déjà depuis quelques mois un très grand consensus sur le fait que la politique de la dévaluation interne ne fonctionne pas, mais qu’il n’y a pas d’alternative. En conséquence, on continue contre tout meilleur jugement dans la même politique. La plus jeune réalisation a été le vote au Parlement européen du fameux “sixpack”. Officiellement, cela est la réponse à la crise économique, mais on abuse de cette occasion pour institutionnaliser la politique de l’orthodoxie néolibérale. Les États-membres doivent dorénavant présenter leur budget aux institutions européennes avant de pouvoir les faire valider par leurs parlements nationaux. On peut imposer des entraves budgétaires et des plafonds de dette sont infranchissables. Qui les enfreint peut être sanctionné. En même temps, on discute cependant d’un détour pour pouvoir élargir le fonds d’urgence. Comme si on n’avait pas déjà fait assez de dégâts avec toutes ces manipulations financières, on veut y placer un effet de levier. La BCE prêterait des sommes d’argent illimitées à quiconque veut acheter les obligations d’État des pays faibles de la zone euro, avec les 440 milliards d’euro du fonds d’urgence en tant que garantie. De cette manière, on peut garantir pour quatre ou cinq fois plus d’euro en obligations d’État, et on espère contrer la spéculation contre les obligations d’Italie ou d’Espagne.

    45. On peut bien se demander à quoi ils sont occupés. En fait, ils continuent simplement à faire la même merde jusqu’à ce que la séparation inévitable et douloureuse ne se présente. C’est logique : sur base du capitalisme, il n’y a pas d’issue. Le problème fondamental est il est vrai que le marché capitaliste sous-utilise et contrecarre les capacités scientifiques et techniques. Nous devons libérer l’économie de la chasse au profit et la mettre au service de la société et de son cadre de vie et de travail, par la mise en propriété collective libre des secteurs-clés de l’économie et de la science, et par la planification démocratique. Le gouvernement qui fait cela, se ferait vraisemblablement jeter de la zone euro à coups de pieds au cul. Ce ne serait pas une autarcie délibérément choisie. Les jeunes et les travailleurs partout en Europe comprendraient bien vite que la bourgeoisie tente par là de les isoler de la seule alternative possible. Cela aurait l’effet exactement opposé.

  • Critique : ‘‘Trotski’’, une biographie de Robert Service

    Ce livre a l’air fort épais – plus de 600 pages – mais est en fait très léger au niveau du contenu. C’est par ces mots que notre camarade Peter Taaffe (secrétaire général du Socialist Party, section du CIO en Angleterre et pays de Galles) entamait sa revue de cet ouvrage. Maintenant également disponible en français, celui-ci a notamment été commenté dans La Libre début janvier, sous le titre « Trotski, un orgueilleux sans humanité ». Une réponse s’imposait, et nous avons donc traduit l’article de Peter consacré à ce tissu de mensonges et d’approximations.

    Par Peter Taaffe (Secrétaire général du Socialist Party, section du CIO en Angleterre et Pays de Galles)

    Ce livre a l’air fort épais – plus de 600 pages – mais s’avère en fait très léger lorsqu’on le soumet à un examen et à une analyse politique honnêtes des idées de Léon Trotsky, le sujet de la “brique” de Robert Service. Sa justification ? Ce livre est, selon lui, la toute première « biographie intégrale de Trotski écrite par quelqu’un d’extérieur à la Russie et qui n’est pas un Trotskiste ». Il veut bien cependant bien accorder le fait qu’Isaac Deutscher (qui a écrit une trilogie sur Trotski) et Pierre Broué (qui a produit une étude de 1.000 pages en 1989) ont écrit avec “brio” ; quant à l’autobiographie de Trotsky, Ma vie, elle est qualifiée « d’égoïste exemple d’autoglorification » !

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    • Trotsky : « Pourquoi Staline l’a-t-il emporté ? »
    • En quoi les idées de Léon Trotski sont toujours utiles aujourd’hui ?
    • Quelle réponse face à la crise? Léon Trotsky à propos du plan De Man
    • La révolution permanente aujourd’hui
    • Programme de transition et nationalisations
    • Oeuvres en ligne de Léon Trotsky

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    Voilà un exemple des doux surnoms par lesquels Robert Service caractérise Trotski, lequel présentait des « inexactitudes plus que sérieuses dans son écriture », était « un despote intellectuel » et n’était en définitive que « vanité et égocentrisme ». Cela n’empêche en rien l’auteur de dire, deux lignes à peine après cette charge, que Trotski « détestait la vantardise » ! Les accusations sont souvent du plus bas niveau, comme cette allégation selon laquelle « il a abandonné sa première épouse » et ses deux filles ; Service a toutefois l’honnêteté d’indiquer qu’il s’enfuyait en fait de Sibérie pour rejoindre Lénine et les chefs du POSDR (Parti ouvrier social-démocrate de Russie, qui donna naissance aux partis menchévique et bolchévique) qui produisaient l’Iskra (l’Étincelle), le journal révolutionnaire de l’époque. En fait, à pratiquement chaque page de l’ouvrage se trouve une déformation, pour ne pas dire plus, des idées de Trotski, de sa vie personnelle, etc.

    Il n’y a dans ce livre aucun fait nouveau qui s’ajoute à ce que nous savions déjà de Trotsky sauf, peut-être, d’apprendre que les enfants de Trotsky avaient acquis « un accent viennois »… surprise, surprise, quand ils vivaient dans cette ville. Il y a, dans cette biographie par Robert Service, une abondance de mensonges issus en droite ligne du camp capitaliste, de même que nombre de calomnies diffusées par le régime stalinien contre les idées de Trotski et ses actions du moment où il devint actif dans le parti révolutionnaire russe clandestin jusqu’au jour de son assassinat en 1940.

    Des affirmations incorrectes

    Aussi fou que cela puisse paraitre, nous apprenons, par exemple, qu’avant 1914, Trotsky n’était pas « un théoricien marxiste » ! Malheureusement pour Service, il a écrit un petit détail qui déforce ses propres affirmations, quand il explique que Trotski a été président du soviet de Pétrograd lors de la révolution de 1905 – alors le plus grand événement pour les ouvriers et les exploités du monde entier depuis la commune de Paris (en 1871). Durant cette révolution, Trotsky avait également édité et écrit pour un quotidien et un magazine théorique marxistes.

    C’est d’ailleurs bien avant 1914 que Trotsky avait formulé sa théorie de la Révolution permanente, qui explique que la révolution bourgeoise démocratique (réforme agraire, formation d’un État unifié, fin du féodalisme et de la dictature tsariste) dans un pays sous-développé comme la Russie de l’époque ne pouvait pas être accomplie par les capitalistes eux-mêmes. Avec cette idée, il était un des seuls à voir clair dans la situation avec Lénine et les Bolchéviks. Mais Trotsky est allé plus loin et a prouvé que seule la classe ouvrière – avec ses caractéristiques dynamiques spéciales en Russie – était capable de jouer le premier rôle dans une alliance avec la paysannerie en accomplissant la révolution capitaliste-démocratique. C’était une perspective clairvoyante par rapport à ce qui s’est produit réellement en 1917 : un gouvernement ouvrier et paysan avec un mode de production socialiste – et les fameux “10 jours qui ébranlèrent le monde”.

    Robert Service poursuit en affirmant que Trotsky n’était « pas original »; cette théorie étant, selon lui, la propriété intellectuelle d’Alexandre Helfand (mieux connu sous le pseudonyme de Parvus), qui avait collaboré avec Trotsky. Malheureusement pour Service, nous savons déjà par les mots de Trotsky lui-même que Parvus avait contribué à la « part du lion » de cette théorie ; mais Parvus s’était arrêté avant de tirer la conclusion révolutionnaire avancée par Trotsky.

    Parvus défendait le fait que le résultat d’une telle alliance de la classe ouvrière et de la paysannerie se limiterait au cadre du capitalisme, installant probablement un gouvernement de type travailliste comme en Australie. Trotski, au contraire, disait qu’une fois la réalisation de la révolution capitaliste-démocratique, un gouvernement ouvrier et paysan viendrait au pouvoir, qui se verrait alors contraint d’aller plus loin, jusqu’à l’accomplissement des tâches de la révolution socialiste, conduisant à un mouvement révolutionnaire international.

    Mais les tentatives de l’auteur de voler la contribution théorique originale de Trotski dans la partie précédente du livre sont alors totalement anéanties quand, en renâclant, il est forcé de concéder plus tard le fait que Lénine avait admis, dans des entretiens privés avec Joffe – un des amis de Trotsky –, que Trotsky avait eu raison au sujet des perspectives de la révolution russe. La théorie de Trotsky est aujourd’hui encore des plus valides dans le monde néo-colonial, dans des pays qui n’ont pas encore entièrement accompli leur révolution bourgeoise.

    Tous les commentaires acerbes de Service au sujet de Trotsky sont tout simplement des idées réchauffées déjà servies par de précédents critiques, qu’il s’agisse de staliniens, de capitalistes ou de sociaux-démocrates aigris et réformistes. Nous retrouvons donc dans ces pages des accusations bien connues contre Trotsky, liées au terrorisme, à la révolte de Kronstadt, à l’autoritarisme… sans l’ombre d’une nouvelle preuve pour soutenir toutes ces fables.

    Trotsky, par exemple, est accusé d’avoir omis dans son autobiographie Ma Vie de mentionner la révolte de Kronstadt de 1921. Trotsky a déjà expliqué cela dans les années ’30, dans un article consacré à Kronstadt : il aurait omis d’en parler pour la simple et bonne raison que cet événement n’était pas du tout considéré comme important à l’époque, avant que les anarchistes ne le ressuscite dans les années ’30 et, malheureusement, avec également l’aide de Victor Serge. Trotsky a été accusé d’avoir « réprimé » les marins de Kronstadt, « les mêmes » qui avaient participé à la révolution d’octobre 1917.

    Dans sa réponse, Trotsky a démontré que cela n’était aucunement le cas. Lui-même n’avait joué aucun rôle direct dans la répression de la révolte de Kronstadt, même s’il avait complètement accepté la “responsabilité morale” des mesures qui avaient été prises. Les rebelles de Kronstadt demandaient des “soviets sans Bolchéviks”, un slogan alors applaudi par les contre-révolutionnaires russes et du monde entier. Robert Service ne fait que répéter des inepties déjà bien connue des militants – avancées sans aucune preuve – pour nous convaincre que les marins insurgés de 1921 étaient les mêmes personnes que les révolutionnaires héroïques d’octobre 1917 (alors que ces derniers étaient partis aux quatre coins du pays pour protéger la révolution dans le cadre de la guerre civile). La grande majorité des ouvriers de Pétrograd a soutenu l’action entreprise contre eux.

    À l’aide de sources indépendantes, Trotsky a par contre prouvé que les dirigeants de la révolte avaient – en pleine guerre civile – exigé des privilèges spéciaux et même menacé la flotte rouge, car Kronstadt, avec le dégel de la glace entre la Russie et la Finlande, aurait ouvert les portes de la Russie révolutionnaire à une attaque impérialiste au cœur même de la toute jeune république soviétique. À contrecœur, donc, le gouvernement ouvrier russe, après que les mutins aient refusé de négocier, s’est vu contraint de mater la révolte pour protéger la révolution.

    Démocratie

    Autre approche douteuse, Service ne décrit pas les événements dans leur enchainement, notamment vis-à-vis de la révolution russe elle-même. C’était selon lui « un coup d’État » et les accusations de « terrorisme » sont ressuscitées contre Trotski et les Bolchéviks. En fait, la révolution russe s’est déroulée sur base d’un vote démocratique au Congrès des soviets (“conseils” en russe) – le système le plus démocratique de l’Histoire – exprimant ainsi la volonté des ouvriers, des soldats et des paysans de Russie à ce moment. La prise du palais d’Hiver fit très peu de victimes – et certainement au regard des cinq millions de Russes tués et terriblement blessés lors de la Première Guerre mondiale. Service “oublie” de mentionner le fait que la révolution a mis fin à ce massacre monumental qu’était la guerre de 14-18. À l’échelle de l’histoire, quel était l’événement qui contenait le plus de progrès : la révolution russe, qui a fait peu de pertes humaines, ou la guerre mondiale ?

    L’auteur accuse Trotsky et Lénine de totalitarisme et de dictature, pour avoir proscrit les partis autres que le parti bolchévique. Dans la première période, après la révolution, on a permis à tout les partis – y compris les Menchéviks et les Socialistes-révolutionnaires – de poursuivre leurs activités. Seuls les Cents-Noirs, ouvertement réactionnaires, ont été interdits. Cela a évolué lorsque ces partis ont pris le camp des armées blanches issues des propriétaires terriens et des capitalistes contre le camp de la révolution. En fait, les Bolchéviks avaient même fait acte d’indulgence en libérant sur parole de nombreux réactionnaires, comme le général Krasnov qui, après avoir organisé un soulèvement contre-révolutionnaire, a été libéré par les Bolchéviks, et qui a illico assemblé une nouvelle armée blanche qui a tué des milliers d’ouvriers et de paysans.

    Accusations de terrorisme

    Robert Service se plaint du « manque de démocratie » après la révolution. Les Nordistes et Abraham Lincoln ont-ils permis aux propriétaires esclaves sudistes d’agir en toute impunité dans le Nord pendant la guerre civile américaine ? Est-ce qu’Oliver Cromwell a laissé les royalistes anglais agir librement dans les secteurs contrôlés par les parlementaires durant la guerre civile anglaise ? La terrible guerre civile qui a frappé la Russie et a vu pas moins de 21 armées impérialistes arriver dans le pays en soutien des armées blanches a eu comme conséquence de grandes destructions, en plus d’une terrible famine. L’entière responsabilité de cette situation repose sur les épaules de l’impérialisme qui a essayé d’écraser la révolution par tous les moyens.

    Les légendes au sujet de l’impopularité des Bolchéviks (ou de Lénine et de Trotski) au moment où ils étaient au pouvoir sont même réfutées par Robert Service lui-même. Il précise, par exemple, que la révolution s’est à un moment retrouvée cantonnée à la vieille province de Moscou et aux deux principales villes, Pétrograd et Moscou. Pourquoi donc la révolution a-t-elle réussi à triompher ? Comment la république soviétique a-t-elle pu vaincre les Blancs ? Comment a-t-elle réussi à repousser les diverses armées impérialistes hors de Russie ? Elle n’a triomphé que parce que les masses ont vu les avantages d’un gouvernement ouvrier et paysan redistribuant les terres, balayant l’oppression tsariste et fournissant du pain. Les ouvriers du monde entier soutenaient également la classe ouvrière de Russie.

    Mais c’est sur la lutte de Trotsky contre Staline et la bureaucratie que la superficialité de la méthode de Service est la plus patente. Dans son introduction figurent les motivations réelles de son travail. Tout d’abord, on peut y lire une défense émouvante de Staline qui n’était « pas médiocrité mais disposait en réalité d’une gamme impressionnante de talents et de compétences avec, de plus, un véritable sens du leadership ». Selon Service, Staline, Trotsky et Lénine « ont bien plus de choses en commun que de points de divergences ». La conclusion implicite – définie dans son analyse – est la suivante : le régime de Staline était, en fait, une “conséquence” du bolchévisme de Lénine et du bolchévisme “acquis” de Trotsky.

    En réalité, entre le régime de Lénine et Trotsky – celui de la révolution, le régime caractérisé par la participation des masses et par la démocratie ouvrière – et celui de Staline, il y a “un fleuve de sang”. Les purges des années ’30 – que Robert Service mentionne à peine – ont représenté une véritable guerre civile contre les restes du bolchévisme. Mais l’auteur y compare ces purges monstrueuses aux « jugements pour l’exemple » des Socialistes-révolutionnaires de 1921. En réalité, les SR avaient commis de véritables attentats, et avaient ainsi tenté d’assassiner Lénine et notamment tué deux Bolchéviks, Ouritski et Volodarski.

    Trotsky n’a par contre jamais commis le moindre acte de terrorisme contre Staline ou son régime. D’ailleurs, les Bolchéviks avaient permis à deux éminents Sociaux-démocrates de la Seconde Internationale de défendre les accusés de 1921. Ceux-ci n’ont d’ailleurs pas non plus été exécutés, même s’ils ont été reconnus coupables. Staline n’a pas adopté une approche similaire lors des sanglants procès de Moscou, loin de là.

    Le stalinisme n’était pas « un développement normal » du léninisme, mais bien sa négation. Cela, l’auteur est incapable de le voir. Il se situe farouchement dans le camp des commentateurs capitalistes et d’autres adversaires du marxisme – dont le trotskisme n’est que la manifestation moderne – qui souhaitent éliminer des mémoires les leçons de la révolution russe et de la lutte de Trotsky.

    Le véritable Trotski

    Les militants les plus déterminés et les plus consciencieux de la cause des travailleurs, des femmes, des Noirs et des Asiatiques, à la recherche d’une méthode de lutte adaptée à leurs besoins, redécouvriront Léon Trotsky. Trotsky a lutté pour un monde nouveau, dans lequel la démocratie des travailleurs et la collaboration socialiste libéreront l’homme de l’exploitation. Ses biographes actuels ne font en fait que participer aux efforts visant à prolonger la vie d’un système malade. C’est là le véritable objectif de ce livre qui s’évertue à déformer les idées de Trotsky.

    Robert Service a tort lorsqu’il décrit Trotsky comme un Menchévik et quand il l’accuse de ne pas avoir une approche scientifique des choses. Service fait preuve de l’absence la plus complète de compréhension de l’attitude de Trotsky envers la révolution allemande de 1923. Il affirme ainsi que Trotsky n’a pris aucune position concernant cet événement qui a véritablement ébranlé la terre à ce moment. Pourtant, Brandler, le dirigeant du parti communiste allemand, voulait que Trotsky vienne en Allemagne pour aider la classe ouvrière à prendre le pouvoir.

    En fait, il faudrait un livre encore plus grand que le sien pour réfuter toutes les erreurs et les calomnies commises par Robert Service dans sa biographie de Trotski.

    L’auteur ne comprend pas non plus pourquoi Trotsky – avec le consentement tacite des défenseurs du capitalisme de l’époque – a accepté de voir ses filles, ses deux fils, lui-même et pratiquement toute sa famille se faire assassiner par Staline. Staline pensait qu’il pouvait de la sorte éliminer une idée et une méthode. Mais il n’a pas réussi. Trotsky et ses idées vivent encore. Si la puissante machine stalinienne, ses mensonges, ses déformations, ses assassinats… n’a pas réussi à éliminer les idées de Trotsky, comment Service peut-il espérer réussir ? L’aspect le plus nauséabond de ce livre est probablement l’ensemble des attaques personnelles portées contre Trotski. « Attaquez les idées d’un homme ou d’une femme, mais laissez l’homme tranquille »… cette maxime ne fait apparemment pas partie des habitudes de l’auteur.

    Il ne s’agit pas d’idéaliser Trotsky ni de se soumettre à un culte de la personnalité. Mais il est de la plus haute importance d’apprendre de Trotsky sa méthode d’analyse marxiste, qui nous permet de développer les outils politiques capables de préparer et édifier un monde socialiste.

    Mais tout cela ne figure pas dans le livre de Service. Si vous voulez l’apprendre, allez plutôt voir du côté de l’autobiographie de Trotsky, Ma Vie, ainsi que du côté de la trilogie d’Isaac Deutscher (ces deux ouvrages pouvant être commandés à la rédaction à info@socialisme.be). L’ouvrage de Deutscher, bien qu’imparfait et certainement pas trotskiste, essaye toutefois de présenter une image réelle de la vie de Trotsky et de ce qu’il a représenté. Lisez également le matériel produit par le Comité pour une internationale ouvrière et ses sections (dont le Parti socialiste de lutte est la section belge) concernant la vie de Trotsky et sa pertinence pour aujourd’hui.

    Ce livre est clairement prévu en tant que plateforme à des fins d’offensive politique future contre le danger que représente les idées de Trotsky pour ce système capitaliste. C’est qu’une nouvelle génération s’éveille à la politique.

    Nous avons proposé en Angleterre que Robert Service vienne débattre avec des représentants de nos camarades du Socialist Party au sujet des idées exposées dans son livre. Robert Service a systématiquement refusé de confronter ses idées.


    VIDEO : Réponse de Peter Taaffe à Robert Service

  • A propos du parti – Nouvelles du PSL

    Cette nouvelle rubrique de socialisme.be vous proposera régulièrement des nouvelles de notre parti, de ses activités et initiatives,… Cette rubrique comprendra donc divers courts rapports d’actions, des brèves de campagne, des appels pour des conférences, des rapports de réunion, ou encore de petits textes de nouveaux membres qui expliquent pourquoi ils ont rejoint notre parti.


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    A noter dans votre agenda

    • 16-18 septembre : Camp de formation marxiste de Etudiants de Gauche Actifs destiné à préparer cette nouvelle année académique
    • Di. 25 septembre : Bruxelles. Slutwalk – protestation contre le sexisme, RDV 14h30 Gare du Nord
    • Sa. 29 octobre : Seconde Journée du Socialisme en Flandre, à l’initiative de la Table Ronde des Socialistes
    • sa.-di. 26-27 novembre : Congrès régionaux du PSL
    • 3 décembre : Manif climat
    • 8 mars 2012: manifestation anti-NSV à Louvain
    • 25 mars 2012 : protestations contre le rassemblement des réactionnaires antiavortement à Bruxelles

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    Pourquoi je suis devenu membre

    Thomas, Liège

    D’abord, j’aimerais dire que je suis une personne qui prend conscience du monde dans lequel elle vit et qui est convaincue qu’il faut agir au lieu de simplement constater.

    J’ai toujours senti en moi le besoin de m’indigner face à des situations que je ne jugeais pas justes et, à partir de ce moment, il m’est venu la nécessité de militer au sein du PSL.

    En effet, ce qui m’a plu au PSL, c’est la mentalité non-électoraliste de ses membres et leur acharnement face à un monde qui ne croit qu’en la réussite personnelle, tel un “american dream” étendu sur la planète entière.

    Je suis le genre de personne qui pense que le bien être personnel est amené par le bien être collectif au sein de n’importe quelle société et je suis convaincu que nous pouvons tendre vers ce type de société si chacun peut apporter sa pierre à l’édifice, conscient de la nécessité de changer la prison dorée dans laquelle nous vivons depuis le XVIIIème siècle.

    En conclusion, j’ai rejoint le PSL par besoin personnel, par nécessité et surtout pour l’humanité qui habite chacun de ses membres.

    Pour une société meilleure, amis camarades, vive la révolution !


    Ecole d’été réussie avec 360 marxistes de 33 pays

    Par Hanne (Anvers)

    Le PSL fait partie d’une organisation internationale, le CIO (Comité pour une Internationale Ouvrière), qui est active dans une cinquantaine de pays sur tous les continents. Fin juillet, l’école d’été européenne du CIO s’est déroulée à Louvain et a rassemblée 360 participants issus d’Europe mais aussi des Etats-Unis, du Venezuela, du Brésil, du Nigéria, de Tunisie, d’Israël, de Palestine, du Liban, d’Inde, de Malaisie, du Kazakhstan ou encore d’Australie.

    Cette école d’été fut particulièrement intéressante au vu de la situation politique internationale. Nous avons connu les renversements de régimes dictatoriaux en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, la lutte de masse dans des pays Européens comme la Grèce, des mouvements aux Etats-Unis (au Wisconsin). Même Israël connaissait alors les débuts d’un mouvement de masse. En même temps, le capitalisme connaît une crise profonde et les capitalistes ne savent plus comment guérir leur système malade.

    Il faut remonter aux années ’60 pour retrouver autant de mouvements de révolte au même moment, avec des slogans et des tactiques qui se reprennent et se diffusent à large échelle. Cela illustre le sentiment de solidarité internationale. Dans un contexte de changements rapides et de mouvements, des discussions internationales telles que celles menées à cette école d’été sont indispensables.

    Les participants ont été particulièrement intéressés par les discussions sur les récents mouvements de masse, et les sessions consacrées à la Grèce, au Moyen-Orient et à l’Afrique du Nord ont par conséquent très certainement constitué le point d’orgue de cette semaine. Tant là où nos forces sont un peu plus développées (en Grèce par exemple) que là où nous posons nos premiers pas (en Espagne, en Tunisie ou en Egypte), la question du programme à défendre et des perspectives sur lesquelles le baser est un élément des plus cruciaux.

    Tout au long de cette école, le fil conducteur a sans doute été le fait que nous nous trouvons actuellement à un tournant de la situation objective mondiale. Mais le CIO s’y était déjà préparé depuis un bon moment, et nous faisons actuellement de très bonnes interventions. En Grèce, nous attirons une couche de militants ouvriers et de jeunes ; en Espagne, nous avons posé les premières bases destinées à construire une section solide. Le retour de la lutte des classes en Grande-Bretagne a immédiatement conduit à une croissance du Socialist Party qui, pour la première fois depuis des années, a à nouveau franchi la barre significative des 2000 membres. En Irlande, nous avons maintenant deux élus au Parlement – Joe Higgins et Clare Daly – qui, tout comme notre député européen Paul Murphy, étaient présents à l’école d’été.

    Chaque jour a connu son lot de discussions diverses et variées sur la lutte syndicale, la position des femmes, la lutte contre l’homophobie et la défense des LGBT, la situation particulière du Kazakhstan aujourd’hui, l’Asie, le Nigéria, l’antifascisme,… Un enthousiasme gigantesque était présent, de même que la volonté de profondément s’engager dans les luttes.

    L’enthousiasme s’est d’ailleurs notamment illustré lors de l’appel financier, dont la récolte s’élève à pas moins de 25.000 euros pour aider à la construction de nos forces au niveau international. Sur base de sérieuses discussions politiques et de notre programme socialiste cohérent, nous pouvons faire des pas en avant même si, dans la période actuelle, les éléments compliquant ne manquent pas.


    Fonds de lutte : 73% de notre objectif trimestriel obtenu après deux mois

    Voici ci-dessous un état des lieux de notre récolte de fonds de lutte pour la période Juillet-septembre 2011. Chaque trimestre, nous voulons récolter 11.000 euros de soutien financier parmi nos membres et nos sympathisants. Après deux mois, nous avons obtenu 8.044,45 euros de soutien, soit 73% de notre objectif. Il est donc parfaitement possible de réaliser le reste de notre objectif au cours du mois de septembre.

    Vous voulez participer à cet effort ? C’est bien entendu possible, en prenant un ordre permanent de soutien par exemple. A partir de 2 euros ou plus par mois, vous recevrez d’ailleurs chaque mois un exemplaire de notre mensuel, Lutte Socialiste. Versez votre contribution sur le compte n°001-2260393-78 du PSL avec pour communication “soutien”.

    • Hainaut-Namur : 75%
    • Brab. FL – Limbourg : 74%
    • Bruxelles Brab.Wall. : 62%
    • Flandre Or. et Occ. : 60%
    • Anvers : 59%
    • Liège-Lux.: 16%
    • National : 271%
    • TOTAL: 8.044,45 €, soit 73%
  • Grande-Bretagne: Nationalisation du groupe Murdoch !

    Le ‘Murdochgate’, c’est le Watergate de Grande Bretagne. En politique existe également ‘‘l’effet papillon’’, tout comme dans la nature. Un tout petit événement – un battement d’ailes de papillon selon la célèbre métaphore – peut entraîner toute une chaîne d’évènements jusqu’à des conséquences jamais vues. Dans le cas de l’affaire du Watergate, cela a conduit jusqu’à la chute et au discrédit total de Richard Nixon, le président du pays le plus puissant sur terre, les Etats-Unis. Cameron et son gouvernement pourri et corrompu font face au même processus aujourd’hui.

    Editorial du Socialist, hebdomadaire du Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)

    Le Watergate a exposé la pourriture présente au Cœur même de l’administration américaine et a menacé le système social sur lequel il est basé : le capitalisme. La classe dirigeante américaine a été prise d’effroi et en particulier le régime quasiment hors de contrôle et semi-dictatorial de Nixon et de ses acolytes, qui avaient notamment poursuivi et amplifié l’aventure US au Vietnam, guerre qui n’était pas encore terminée lors de son éviction de la Maison Blanche. Le Watergate a exposé la toile complexe de mensonges et de conspirations qui entremêle les politiciens capitalistes, les criminels et l’Etat. Ce n’est que grâce au travail de quelques journalistes et que Nixon avait lié ses crimes les uns aux autres que la vérité a finalement pu éclater au grand jour. Il est maintenant question de révélations similaires. Cameron, l’empire Murdoch et la police sont impliqués dans une tentative de renverser les droits démocratiques du people britannique.

    Au départ, il y a eu l’émoi suscité par la divulgation du numéro de portable de Milly Dowler, une écolière assassinée, par un employé du journal News International, qui fait partie de l’empire Murdoch. L’outrage de masse qui s’est développé a bouleversé les projets de Murdoch et d’autres comme Cameron et son gouvernement, qui n’ont pas réussi à stopper le scandale. Quelques jours plus tôt, il était clair que le Secrétaire à la Culture, Jeremy Hunt, était prêt à accepter de céder à Murdoch la majorité de la propriété du satellite BSkyB, ce qui lui aurait livré le contrôle de 40% des moyens de communication britanniques. Il est maintenant fort peu probable, voire clairement exclu, que Cameron puisse ratifier cet accord face à la colère de masse qui se développe contre l’empire Murdoch et ses acolytes. Une campagne de masse destinée à s’opposer au contrat, largement organisée par les nouveaux medias tels que les réseaux sociaux, a très vite mobilisé 170.000 objections à la prise de contrôle de BSkyB par Murdoch!

    D’autres révélations d’accès illégal à des systèmes de messagerie vocale personnels, en particulier ceux de victimes et de leurs proches, n’ont par la suite fait qu’amplifier l’atmosphère de colère. Politiciens, journalistes et chroniqueurs capitalists ainsi que la police, qui a remis les preuves aux employés de Murdoch, ont ainsi été pris dans la tourmente, y compris la dirigeante de News International, Rebekah Wade, et le fils de Murdoch, James. Tous se sont chargés les uns les autres de façon extrêmement hypocrite et nauséabonde pour se distancer de leur ancien patron.

    Tous ceux qui ont lutté contre le capitalisme ont été impitoyablement vilipendés par Murdoch et par les médias de droite en général. Ainsi, Tony Benn (une des principales figures de l’aile gauche du parti travailliste dans les années 1970 et 1980) a été comparé à Hitler lorsqu’il s’est présenté comme candidat pour la présidence du parti, tout comme avant lui Arthur Scargill (ancien dirigeant du syndicat des mineurs) durant la longue grève des mineurs de 1984-85. La tendance Militant de Liverpool ainsi que ceux qui ont remporté une victoire contre Thatcher dans la lutte épique contre la Poll-tax (la tendance Militant étant le nom du Socialist Party lorsqu’il était encore l’aile marxiste du parti travailliste) n’ont pas reçu un autre traitement. Tommy Sheridan (militant de gauche radicale écossais, ancien parlementaire et fondateur du SSP, puis de Solidarity) est aujourd’hui en prison à cause de la vendetta personnelle de Murdoch pour ‘virer ce petit communiste’. Dernièrement, il a été démontré que ce sont Murdoch et ses témoins qui ont menti et qui ont même fait disparaître des preuves qui auraient aidé Tommy Sheridan lors de son procès.

    Maintenant, le Premier Ministre David Cameron et le reste du gang qui domine la Coalition au pouvoir ne peut pas tout simplement se distancer de Murdoch. Cameron et sa femme ont des relations étroites avec Rebekah Wade et James Murdoch faites de soupers, d’équitation,… ‘Dis moi qui tu fréquentes et je te dirai qui tu es’

    Mais le plus important est bien entendu que cette affaire démontre la poigne d’acier virtuelle de Murdoch qui a pesé sur la politique des différents gouvernements britanniques et sur les principaux aspects de la vie de la population au cours de ces dernières décades. Un des responsables de Murdoch avait été jusqu’à dire à John Major – ancien Premier Ministre Tory (le parti conservateur) – qu’il recevrait un ‘gros seau de merde sur la tête’ s’il ne se pliait pas aux ordres de Murdoch. Tony Blair avait vole jusqu’en Australie pour quémander le soutien de Murdoch avant les élections de 1997. Une fois que Blair a été élu, on parlait parfois de Murdoch comme du ‘24e membre du cabinet du Premier Ministre’ ! Murdoch a personnellement visité Blair à trois reprises dans le but de faire pression sur lui au nom de George Bush afin de soutenir l’invasion de l’Irak. Ce n’est pas que Blair avait tellement besoin d’être persuadé, mais c’est un fait que la masse de la population britannique avait démontré sa claire opposition à cette guerre. Mais les diktats de l’impérialisme américain par l’intermédiaire du magnat de la presse Murdoch passaient largement devant cela. Il a aussi été publiquement révélé que lorsque Blair se préparait à quitter le 10 Downing Street en 2007 (le logement de fonction du Premier Ministre Britannique), Murdoch était déjà dans sa Bentley, attendant l’arrivée du nouveau Premier Ministre Gordon Brown pour déjà faire pression sur lui !

    Quelle honte pour les dirigeants ‘travaillistes’ que ce soit à des personnalités des medias comme Hugh Grant ou Steve Coogan de dire les meilleures choses à propos de News of the World et de l’empire Murdoch. Coogan a ainsi déclaré le 8 juillet dernier: “Les gens dissent que c’est une mauvaise journée pour la presse. Mais c’est une journée merveilleuse pour la presse: une petite victoire pour la décence et l’humanité…’’

    Encore maintenant, le dos au mur, Murdoch a prévenu le nouveau dirigeant travailliste Ed Miliband que News Corporation ‘va s’engager contre lui et son équipe’ pour avoir eu la témérité de demander la démission de Rebekah Wade tout en s’opposant au contrat BSkyB. Mais Miliband n’a adopté cette position qu’après que le scandale ait éclaté.

    Précédemment, il avait siroté du champagne aux soirées de Murdoch, jusqu’à quelques semaines avant le scandale. Il affirme maintenant qu’une simple ‘‘occasion sociale’’, mais rien ne saurait être plus éloigné de la vérité. Tout démontre que les invites de Murdoch le sont pour que ce dernier puisse s’assurer que les dirigeants politiques des principaux partis restent en accord avec sa ligne. Si ce n’est pas le cas, les contrevenants doivent s’attendre à une campagne de dénigrement. Murdoch a même tenté d’utiliser Tony Blair sur Gordon Brown quand il était Premier Ministre afin de faire taire le depute travailliste Tom Watson, qui avait courageusement été en première ligne avec le journaliste Nick Davies pour exposer le scandale au grand jour.

    Tout cela en dit long sur le caractère de la ‘démocratie’ britannique. Comme l’a déclaré le quotidien The Observer : “Durant 40 ans, Murdoch a convaincu l’establishment qu’il était capable de faire et défaire les réputations politique et de garantir les succès électoraux, ou de leur barrer l’accès. De cette façon, il s’en est pris aux droits des citoyens et a miné la démocratie.” Tout le monde peut voter ce qu’il veut tant que les grands capitalistes et les menteurs de la presse peuvent décider de ce qui doit arriver. Murdoch n’est pas le seul à exercer un contrôle dictatorial sur l’opinion publique en Grande Bretagne. Paul Dacre, du groupe Mail, est exactement le même genre de personnage dégoûtant, dont la plume est remplie de rage contre le mouvement des travailleurs.

    La concentration des medias a entraîné une situation où 10 entreprises contrôlent 75% des médias du Royaume-Uni. Les pertes d’emplois nt été nombreuses dans ce processus. 200 journalistes et autres travailleurs ont perdu leur emploi avec la fermeture de News of the World. Nous pouvons très honnêtement dire que nous ne regrettons pas la fin de ce journal. Mais personne ne peut soutenir que, particulièrement dans une période de chômage de masse, des gens puissent ainsi être jetés à la porte de façon aussi arbitraire. Combien de capitalistes ont pensé aux 1.400 travailleurs qui ont perdu leur emploi quand Murdoch avait déplacé ses stocks à Wapping en 1986?

    Cependant, l’actuelle situation antidémocratique de la presse et des medias en Grande Bretagne ne peut pas être résolue avec quelques mesures domestiques comme le ‘renforcement du comité de plaintes de la presse’. Nous ne pouvons pas non plus demander, comme certains à gauche l’ont fait, à la division de l’empire Murdoch. Nous ne voulons pas de mini-Murdochs pour remplacer l’ancien monstre. Tous les responsables de violations de droits individuels doivent être jugés et, s’ils sont jugés coupables, doivent recevoir un châtiment approprié. Mais même dans ce cas, cela ne serait pas suffisant pour contrôler les forces antidémocratiques présentes dans les médias.

    De nouveaux medias alternatifs et socialistes doivent être construits par les syndicats et les travailleurs. Mais cela doit être accompagné de la revendication de la nationalisation de la presse, de la télévision et de la radio sous le contrôle et la gestion démocratiques de la population – en commençant par l’expropriation par l’Etat des avoirs de News Corporation, qui a largement démontré qu’elle constituait un danger pour la démocratie. Mais nous n’avons pas besoin de reprendre les feuilles de choux que sont le Sun ou le Daily Mail.

    Nous nous opposons toutefois au monopole d’Etat sur l’information qui prévalait dans les Etats staliniens. La réelle alternative est le contrôle démocratique et populaire de la classe des travailleurs sur la presse et les médias en général. Cela ne signifierait pas un monopole d’Etat ou d’un parti, mais donnerait un accès aux médias en proportion du soutien politique. Le capitalisme et le stalinisme défendent un contrôle antidémocratique des médias par une minorité alors que nous voulons retirer la ‘production d’informations’ des mains d’une minorité pour les placer dans les mains de la majorité, avec liberté totale de discussion et de prise de décision.

  • 1er mai : fête des travailleurs ou lutte pour le socialisme ?

    Le premier mai, c’est la fête des travailleurs. Mais que peuvent donc bien aujourd’hui fêter les travailleurs ? La norme salariale de 0,3%? La cherté de la vie ? L’augmentation de la pauvreté et du nombre de travailleurs pauvres ? La destruction des services publics? Aujourd’hui plus que jamais, surtout à la lumière des brutales attaques antisociales qui tombent sur l’Europe et ailleurs, il faut renouer avec les traditions de lutte, et pas seulement de commémoration, de la fête du 1er mai.

    Par Nicolas Croes

    Aux sources du Premier mai Si l’origine du Premier Mai remonte aux Etats-Unis, la première journée d’arrêt total du travail pour revendiquer l’instauration des 8 heures de travail par jour est issue d’Australie. En 1856, une première journée y avait été organisée le 21 avril, et le succès de la mobilisation ouvrière fut tel que décision fut prise de l’organiser tous les ans. La révolutionnaire allemande Rosa Luxembourg commenta ainsi ces faits: ‘‘De fait, qu’est-ce qui pourrait donner aux travailleurs plus de courage et plus de confiance dans leurs propres forces qu’un blocage du travail massif qu’ils ont décidé eux-mêmes ? Qu’est-ce qui pourrait donner plus de courage aux esclaves éternels des usines et des ateliers que le rassemblement de leurs propres troupes ?’’ L’idée d’une fête des travailleurs, à la fois moment de lutte et rassemblement servant à illustrer la force potentielle du mouvement ouvrier, commença alors à faire son chemin. La date du Premier Mai fut choisie par les syndicats rassemblés dans l’American Federation of Labour (AFL) en 1886, là encore pour revendiquer la journée des huit heures, exigence qui allait devenir le socle sur lequel s’est construite la tradition du Premier Mai. D’ailleurs, avant le muguet, l’usage était de porter sur soi un triangle rouge symbolisant les trois ‘‘huit’’ – huit heures de travail, huit heures de loisir, huit heures de sommeil. Ce jour de mai 1886, quelque 340.000 ouvriers américains ont paralysé des milliers d’usines par leur action de grève. A certains endroits, la répression fut des plus féroces, et six grévistes laissèrent leur vie sous les coups de la police à Chicago, à la fabrique de faucheuses Mc Cormick.

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    Préserver et défendre le Premier Mai

    L’évolution qu’a connu le 1er Mai à travers les années permet de retracer l’évolution du mouvement ouvrier luimême, y compris des coups qui lui ont été portés. Certains 1er Mai sont ainsi marqués d’une pierre noire. En Italie et en Allemagne, les fascistes, arrivés au pouvoir avec la bénédiction et le soutien de la grande bourgeoisie mais soucieux de garder la classe ouvrière sous leur contrôle, joueront habilement d’un anticapitalisme démagogique en organisant des manifestations grandioses et des parades obligatoires pour ce qu’ils rebaptisent ‘‘la journée nationale du travail’’.

    Aujourd’hui encore, le Front National français tente d’instrumentaliser la date du Premier Mai, et l’extrême-droite en Belgique tente aussi de le faire. Nous avons ainsi participé à une mobilisation en 2008 destinée à bloquer les néo-fascistes du groupuscule Nation qui voulaient faire un défilé de Premier mai à Charleroi.
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    A l’exemple des travailleurs américains, les 400 délégués du congrès de fondation de la Deuxième Internationale (l’Internationale Socialiste, qui était encore fort loin de la caricature pro-capitaliste qu’elle est aujourd’hui devenue) décida en 1889 de mener campagne partout pour l’instauration des huit heures le 1er Mai, pas seulement en mots, mais avec grèves et manifestations. Cet appel a suscité un enthousiasme gigantesque qui a littéralement frappé d’effroi les différentes bourgeoisies nationales. A Vienne, à Paris et ailleurs, la bourgeoisie prépara ses régiments à intervenir, craignant un soulèvement imminent des travailleurs. En Belgique, des exercices de tirs spéciaux pour la garde civile ont été organisés ‘‘afin d’être prêts pour le 1er Mai’’ ! Face au succès incroyable de cette journée, la date est restée et, même lorsque la journée des huit heures a été obtenue de haute lutte dans toute une série de pays, la tradition est restée de manifester le Premier Mai en souvenir des luttes passées et le regard dirigé sur les luttes du moment ou à venir.

    Et aujourd’hui ?

    Le Premier Mai a toujours été très intimement lié à la classe ouvrière, et a reflété ses forces et ses faiblesses, ses périodes d’avancées comme celles de recul. Au fur-et-à-mesure, et particulièrement à la fin du vingtième siècle, les manifestations syndicales et les grèves du Premier Mai sont devenues des rassemblements souvent peu combatifs.

    Le Premier Mai est souvent l’occasion pour les sociaux-démocrates du PS, du SP.a et de leurs amis d’autres pays de se référer au socialisme, une fois par an, pour ensuite activement trahir cet idéal le reste de l’année. Pour nombre de bureaucrates syndicaux, c’est la journée où l’on glorifie de petites victoires, où mettre en évidence une attaque bloquée tout en évitant soigneusement d’expliquer pourquoi les autres sont passées. Mais, à travers le globe, la combativité et la volonté de lutte reviennent aujourd’hui, à des degrés divers il est vrai. Mais partout la colère cherche à s’organiser, partout de plus en plus de questions sont soulevées par les dégâts sociaux et environnementaux du capitalisme, partout se développe la recherche d’une alternative. Toutes les digues qui ont été érigées pour canaliser la colère des travailleurs, et notamment les directions syndicales, ne retiendront pas éternellement les flots du mécontentement ouvrier.

    Défendre le socialisme, 365 jours par an

    L’an dernier, dans les discours du premier mai, l’absence de toute réponse claire face à la crise était frappante. Comment défendre l’emploi, quelles revendications sont nécessaires et comment construire un rapport de force, toutes ces interrogations sont restées sans réponse. Les attaques contre les libéraux n’ont pas manqué, mais c’était surtout une manière pour les appareils syndicaux d’apporter un soutien au PS et au SP.a avant les élections anticipées. Pourtant, ces partis collaborent à la politique des différents gouvernements depuis des décennies ! En Irlande, au Portugal, en Espagne ou en Grèce, ce sont les partis sociaux-démocrates qui appliquent loyalement les diktats du Fonds Monétaire International (actuellement dirigé par un membre du PS français…) et frappent les populations de leurs plans d’austérité.

    Le meilleur programme anticrise à défendre aujourd’hui est un programme clairement socialiste, avec pour base les besoins et les nécessités de la majorité de la population. Créer de l’emploi, c’est possible, en répartissant le travail disponible par une réduction de la semaine de travail et la protection des prépensions. La nationalisation des secteurs- clé de l’économie – notamment du secteur financier ou celui de l’énergie – peut assurer que ce soient les spéculateurs qui se retrouvent au chômage et que ces secteurs-clé soient mis au service de la majorité de la population. Voilà des revendications capables de répondre aux crises du capitalisme et de construire une société enfin au service de la majorité de l’humanité. Emprunter cette voie, c’est emprunter le chemin de la lutte.

    Les patrons sont organisés au niveau international tandis que les travailleurs limitent pour l’instant leurs luttes aux frontières nationales, et sont mis en concurrence les uns avec les autres par les différentes bourgeoisies. Imaginons un instant l’impact qu’aurait une initiative européenne visant à réunir les résistances ! Un bon prochain pas à poser dans cette direction serait de propager l’idée d’une grève générale de 24h à l’échelle européenne, une bonne manière de renouer avec les principes de solidarité internationale du premier mai et de montrer de manière éclatante qui est le véritable créateur de richesses dans la société.


    Lors du 1er Mai 2010, les militants du PSL étaient présents dans 17 villes, dans tout le pays, d’Anvers à Charleroi et de Liège à Ostende. Plus de 700 exemplaires de notre mensuel avaient été vendus aux différents rassemblements, manifestations syndicales, etc. Cette année encore, vous pourrez trouver des rapports et photos des différentes activités organisées le Premier Mai et auxquelles participe le PSL sur notre site internet www.socialisme.be.

  • WikiLeaks : l’empire américain dévoilé

    Ce mardi 7 décembre, Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, actuellement l’organisation fauteuse de troubles n°1, a été arrêté après s’être rendu à la police londonienne. C’était là la dernière attaque contre cette organisation, parmi toute une série d’autres. Le site internet de WikiLeaks a subi des attaques sur sa liberté d’accès, des entreprises comme Amazon ou PayPal ont interrompus tous leurs services rendus à WikiLeaks tandis que des institutions financières comme MasterCard et Visa ont gelé ses comptes. Bradley Manning, un des fauteurs de troubles de WikiLeaks, a été arrêté en mai et est maintenant confronté à la cour martiale et jusqu’à 52 de prison.

    George Martin Fell Brown et Brandon Madsen, Socialist Alternative (CIO-États-Unis)

    WikiLeaks a été lancé en 2007 et fournit des méthodes sécurisées et anonymes à tout individu qui désire révéler des informations sensibles aux journalistes, généralement sous forme de documents originaux. Ce mois de juillet, nous avons vu la publication massive et sans précédent de plus de 90.000 rapports d’incidents et d’espionnage au sujet de la guerre d’Afghanistan de 2004 à 2009. Et, le 23 octobre, a suivi la publication de près de 400.000 documents américains classifiés se référant à la guerre en Irak.

    Au total, c’est près de 500.000 documents, auxquels il faut rajouter les plus de 250.000 câbles diplomatiques américains, qui sont en train d’être publiés en ce moment. Cette “mégafuite” dépeint une image bien sombre de l’armée américaine qui, en plus de sa malhonnêteté violente, est aussi embourbée dans une crise sanglante et insoluble. Mais plutôt que de faire face à ces problèmes de manière franche, le gouvernement américain a tourné son attention vers des attaques contre WikiLeaks afin d’éviter d’autres situations embarrassantes.

    Certains politiciens va-t-en-guerre tels que Peter King et Mitch McConnell ont accusé WikiLeaks de manière fort hypocrite en disant que l’organisation met en danger les troupes américaines en révélant des secrets gouvernementaux ! Mais c’est bel et bien, et avant tout, leur soutien aux guerres impérialistes en Irak et en Afghanistan qui est la cause de toutes ces années de carnage dans ces deux pays. C’est l’administration Bush qui a lancé toutes ces fausses accusations sur la prétendue présence d’armes de destruction massives en Irak, entrainant par là des centaines de milliers de morts. Si WikiLeaks avait existé à l’époque, alors tous ces mensonges auraient été révélés au grand jour et d’innombrables vies auraient été sauvées.

    Délits sexuels et “espionnage”

    Le tout dernier rebondissement dans cette affaire a été l’arrestation de Julian Assange pour la soi-disant charge de délits sexuels qu’il aurait commis en aout 2010 en Suède. Assange affirme que ce conflit provient du fait que ces rapports sexuels ont été consentis, mais non protégés. Toutefois, la justice l’accuse d’avoir eu un rapport non protégé avec une femme qui était endormie. Il a été libéré sous caution, mais reste maintenu sous surveillance à Londres et est menacé d’extradition vers la Suède.

    Ce sont là de graves accusations, qui ne doivent pas être prises à la légère. S’il y a la moindre véracité derrière elles, il faut mener une enquête. Cependant, la manière dont l’enquête a été menée jusqu’ici ôte beaucoup de crédibilité à l’affaire… Peu de temps après que l’enquête ait commencé, le procureur général, Eva Finné, a fait annuler les accusations et retirer le mandat d’arrêt, avec pour commentaire : «Je ne pense pas qu’il y ait de raison de le soupçonner d’avoir commis un crime» (Dagens Nyheter, 03/11/10). Toutefois, l’enquête a été rouverte après l’intervention de Claes Borgström, un politicien suédois haut placé.

    De même, il n’a pas encore été condamné pour un quelconque crime, et la Suède ne l’a jusqu’à présent convoqué que pour l’interroger au sujet de cette affaire. Néanmoins, l’Organisation internationale de la police criminelle (Interpol) a émis une ‘‘notice rouge’’ contre lui, sous laquelle il a été arrêté. Interpol n’a jamais, au grand jamais, montré le moindre intérêt dans une quelconque affaire de violence envers les femmes. En considérant le nombre d’actes de violence sexuelles qui se passent chaque seconde dans le monde (dont très peu sont effectivement suivis par la police), il y a beaucoup de raisons de soupçonner Interpol d’être en train d’utiliser cette affaire en tant que prétexte pour lancer une chasse à l’homme. Tout ceci suggère que les gouvernements britannique et suédois, sous pression des États-Unis, sont plus intéressés dans le lancement d’un procès pour hérésie contre Assange et WikiLeaks que dans l’avènement d’une nouvelle politique de lutte contre la violence faite aux femmes.

    C’est très certainement le cas pour le gouvernement américain, qui tente d’obtenir l’extradition d’Assange vers les États-Unis pour y répondre des chefs d’espionnage liés aux révélations faites par WikiLeaks. La sénatrice Diane Feinstein (Démocrate, Californie) a émis le souhait qu’Assange soit condamné selon les termes de l’Espionage Act de 1917. Il s’agit d’une loi très floue qui a été instituée sous le président Woodrow Wilson dans le but de réprimer l’opposition à la Première Guerre mondiale. Cette loi a connu son “heure de gloire” avec l’arrestation en 1918 du militant socialiste Eugene Debs, pour avoir fait un discours anti-guerre qui aurait pu “gêner le recrutement”.

    Feinstein exige également une peine de dix ans de prison pour chaque fuite, ce qui reviendrait à une peine totale de 2.500.000 ans de prison. Erie Holder, le procureur général d’Obama, a dit que les cadres américains étaient en train de mener une «enquête très sérieuse et active, qui est de nature criminelle» autour des fuites de WikiLeaks (New York Times du 08/12/10). Les sénateurs Joe Liberman (Démocrate indépendant, Connecticut), Scott Brown (Républicain, Massachusetts) et John Ensign (Républicain, Nevada), ont introduit une loi qui rendrait criminel tout média qui publierait des documents de WikiLeaks.

    Ces mesures représentent une grave attaque à la liberté d’expression et d’information. Il faut résolument s’y opposer. Quelles que soient les motivations derrière les accusations de délits sexuels en Suède, il est honteux que le gouvernement américain soit prêt à utiliser de telles charges en tant que levier pour attaquer la liberté d’information.

    Morts de civils et torture

    L’hystérie des gouvernements américains et du monde entier dans leurs attaques sur Julian Assange et sur WikiLeaks révèle une grave hypocrisie si on considère les révélations contenues dans les fuites elles-mêmes. Malheureusement, le gouvernement et les médias américains ont été capables d’utiliser les accusations suédoises afin de détourner l’attention des crimes bien réels et bien documentés qui ont été commis en Irak et en Afghanistan.

    Une chose qui saute aux yeux presqu’instantanément est le fait que le gouvernement américain a menti du début à la fin en affirmant que les morts de civils en Irak étaient maintenues au strict minimum, et qu’ils ne savent en réalité même pas combien de civils ont été tués. Les documents estiment qu’entre 2004 et 2009, des centaines de morts violentes de civils ont été enregistrées en Afghanistan, et plus de 66.000 en Irak, mais celles-ci n’ont jamais été publiquement révélées. Il ne fait aucun doute que ces statistiques ne représentent qu’une fraction du nombre de civils qui ont réellement été tués, mais même si on se réfère au système de comptage de l’armée américaine, ce nombre équivaut à trois fois le nombre de morts “ennemies” au cours de la même période (soit 23.984).

    Ceci ne devrait guère surprendre qui que ce soit, après avoir visionné la vidéo “Meurtre collatéral” également publiée par WikiLeaks un peu plus tôt dans l’année, qui montrait un groupe d’Irakiens et ce qui s’est avéré être deux journalistes de l’agence Reuters se faire bombarder sans aucun scrupule par des hélicoptères Apache américains dans les rues de Bagdad le 12 juillet 2007. Ils sont tous décédés. Cette vidéo a été suivie par une autre, montrant le meurtre d’un groupe d’hommes désarmés, tandis que leurs enfants trainaient d’autres blessés hors de portée. Quelles que soient les intentions des soldats impliqués, ces actes constituent clairement une violation des règles d’engagement, étant donné qu’aucun des individus pris pour cible n’avait affiché le moindre comportement hostile.

    Comme Glenn Greenwald l’a fait remarqué à ce moment-là, «Il y a un véritable danger que des incidents du type de ce massacre en Irak soient exposés d’une manière fragmentaire et inhabituelle : c’est à dire, la tendance de parler de cela comme étant s’il s’agissait d’une aberration. Ce n’en est pas une. C’est en fait le contraire : cela fait partie de la procédure standard que nous suivons lors de toute guerre, invasion ou occupation.» (Salon.com, 06/04/10)

    Cette position est soutenue à la fois par de nouvelles preuves et par la vidéo elle-même, dans laquelle les soldats dans l’hélicoptère reçoivent la permission d’ouvrir le feu avant même qu’ils n’aient rapporté quoi que ce soit qui puisse indiquer que les personnes bombardées représentaient une quelconque menace immédiate.

    De même, le scandale des actes de torture dans la prison d’Abu Ghraib en 2004 était un autre cas que l’armée a tenté de décrire comme un acte perpétré par “quelques individus pourris”. Il semble que des actes de torture aussi malsains que ceux-ci ou pire encore ont pu se poursuivre en Irak sous la supervision de l’armée américaine, tant qu’ils étaient effectués par les autorités ou par les forces de sécurité irakiennes. Un ordre fragmentaire (ou “frago” – un ordre qui altère un ordre existant) a bien clarifié le fait que les cas d’“abus d’Irakiens par des Irakiens” ne nécessitait “aucune enquête plus approfondie”. Les incidents d’actes de torture auxquels il est fait allusion dans les documents incluent l’électrocution, des foreuses électriques, et de temps à autre l’exécution de détenus. (bbc.co.uk 23/10/10)

    La réaction des autorités

    Le contrecoup politique qui a suivi ces fuites a été profond : l’ensemble de l’establishment politique a condamné en vrac toutes les fuites et a menacé de répliquer lourdement par des procès contre toutes les personnes impliquées. Certains conservateurs aux États-Unis ont été encore plus loin, comme le commentateur de Fox News qui a appelé à ce que l’éditeur en chef de WikiLeaks Julian Assange soit traité comme un “prisonnier de guerre”. Christian Whiton, un ancien cadre du département d’État, a déclaré que l’ensemble du personnel de WikiLeaks doit être classifié en tant que “combattants ennemis”, et a vigoureusement défendu le fait que des “actions non-judiciaires” soient utilisées contre eux. Un éditorial du Washington Times a dit que le gouvernement américain devrait ‘‘mener la guerre contre la présence sur internet de WikiLeaks’’, et d’autres déclarations similaires sont apparues sur le site de l’American Enterprise Institute (AEI). (The Independent, 27/10/10)

    Le soldat de première classe Bradley E. Manning, âgé de 22 ans – et qui est déjà accusé en tant que premier suspect dans le cadre de la publication de la vidéo “Meurtre collatéral” de même que de la vidéo d’un autre raid aérien et de la dernière fuite des 250.000 câbles diplomatiques américains – a lui aussi été classifié comme étant une “personne d’intérêt” en ce qui concerne les carnets de la guerre d’Afghanistan. Rien que sur la base des chefs d’accusation retenus contre lui, il pourrait être condamné à 52 ans de prison !

    Tandis que ces attaques contre les responsables des fuites sont en cours, l’administration Obama a en même temps tenté de dénigrer la portée de ces documents, utilisant l’argument éhonté selon lequel ceux-ci ne couvrent que la période qui a précédé la nouvelle offensive, alors que selon eux, la guerre se déroule à présent fort bien. Elle a aussi reçu une petite couverture de la part du Times de Londres, qui a résumé toute l’affaire en disant que «Après tout, les documents ne contredisent pas les rapports officiels de la guerre». Un peu plus récemment, Obama, dans une déclaration commune avec le Président mexicain Felipe Calderón, a condamné «les actes déplorables perpétrés par WikiLeaks» concernant les nouvelles fuites au sujet de la guerre contre la drogue. (New York Times, 11/12/10)

    Les efforts frénétiques réalisés pour contenir ces fuites et leur portée vont à l’encontre de toutes les promesses de “transparence” de l’administration Obama. La vérité est plutôt que le gouvernement se base sur le secret en tant qu’outil crucial avec lequel revigorer le soutien en faveur de la guerre, et c’est pourquoi il est tellement prompt à poursuivre les personnes responsables de la fuite de ces documents.

    D’ailleurs, cela aussi est confirmé par des documents en provenance de l’armée américaine et de la CIA qui ont été publiés précédemment par WikiLeaks, et qui mentionnent la nécessité de détruire WikiLeaks et comment susciter artificiellement un soutien en faveur de la guerre d’Afghanistan en France et en Allemagne. Ces documents comportent des chapitres aux titres tels que “L’apathie du public permet aux dirigeants d’ignorer les électeurs”. Dans un autre document de cette série, intitulé “Pourquoi compter uniquement sur l’apathie pourrait ne pas être suffisant”, la CIA esquisse d’autres stratégies cruciales pour assurer le soutien à la guerre, tels que l’utilisation de femmes afghanes pour faire des déclarations pro-guerre, afin de jouer sur la sympathie des français envers les réfugiés afghans. Elle souligne aussi l’utilité de Barack Obama en tant que belle gueule pour la guerre, et comme étant quelqu’un à qui la plupart des populations européennes à accorderont plus facilement leur confiance. (Glenn Greenwald, Salon.com 27/03/10)

    Poursuivre les taupes responsables de la diffusion de ces documents n’a rien à voir avec la protection de la population, comme de nombreux membres de l’establishment voudraient le faire croire, mais à plutôt tout à voir avec le “management de la perception” (encore une belle formule de la CIA). Pour le reste d’entre nous, ces taupes devraient être considérées comme des héros, prêts à risquer leur vie pour pouvoir livrer au public ces informations cruciales. Ces documents peuvent et doivent être diffusés aussi largement que possible afin d’exposer la brutalité et la futilité des guerres, et devraient constituer un incitant pour renouveler les efforts d’organisation dans le but d’y mettre un terme immédiatement.

    Action de protestation contre la censure de WikiLeaks par le gouvernement au siège d’Amazon.com

    Ce lundi 13 décembre, la cour du siège de Amazon.com a été inondée par une cacophonie de sifflets et de chants, tandis que 50 personnes protestaient contre la censure de WikiLeaks par le gouvernement américain. Malgré l’averse glaciale, les militants ont envoyé un message clair et sans équivoque à Amazon.com, comme quoi leur décision de censurer WikiLeaks en supprimant son site de leurs serveurs ne se fera pas sans bruit.

    Sous la pression du gouvernement américain, Amazon.com a été la première parmi toute une série d’entreprises qui sont en train de restreindre notre droit de connaitre ce que le gouvernement est en train de faire, en bloquant l’accès au site de WikiLeaks, et donc aux câbles diplomatiques américains, et en refusant de transmettre les dons comme pour PayPal, Mastercard ou Visa.

    Ceci est une attaque flagrante de notre liberté d’information, de presse et de parole – qui sont des éléments cruciaux et fondamentaux de la démocratie. Ceci représente une tentative de faire taire l’opposition croissante aux guerres impopulaires en Iraq et en Afghanistan, alors que de nombreux câbles révèlent un effort concerté de la part de l’administration Bush comme de celle d’Obama de tromper le peuple américain et le monde afin de pouvoir mener leurs guerres au Moyen-Orient.

    L’action, soutenue par Socialist Alternative, a obtenu un soutien large parmi les organisations militantes et la population. La liste des signataires inclut la Coalition de la communauté arabe américaine de l’état de Washington, les Vétérans d’Irak contre la guerre (section de Fort Lewis), les Vétérans pour la paix (chapitres 92 et 111), le Green Party du comté de Skagit, le Centre Whatcom pour la paix et la justice, le collectif Seattle uni contre la répression du FBI, Coffee Strong (une association de vétérans), les Femmes radicales, et le Parti socialiste pour la Liberté

    De concert avec les millions de personnes outragées par cette offensive inacceptable contre nos droits démocratiques, et tirant son inspiration des centaines de manifestants à Brisbane en Australie et au Royaume-Uni contre la censure de WikiLeaks, de même que des millions dans toute l’Europe qui ont décidé d’entrer en résistance contre les coupes budgétaires brutales dans les programmes sociaux, nous étions remplis d’indignation et avons scandé «Liberté de parole – sous l’attaque, que faisons-nous ? Levons-nous, ripostons !» Malheureusement, les médias de masse, malgré leurs belles promesses, n’ont pas daigné envoyer le moindre reporter, laissant aux travailleurs et aux jeunes la tâche de s’opposer au rôle perfide qui est joué par le gouvernement américain et par les corporations, et de défendre nos droits à la liberté de presse et de parole.

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