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Tag: New York
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Au Carrefour du monde
« En quelques années, le fonctionnement de la grande distribution a été chamboulé de fond en comble. Il faut comprendre ces changements et ce qu’ils impliquent pour pouvoir adapter notre propre stratégie de défense de l’emploi et des travailleurs ». C’est ce que nous a expliqué un militant syndical liégeois de Carrefour que nous avons rencontré récemment.
Jean Peltier
« Il est fini le temps où nous avions face à nous des groupes comme GB et Delhaize dont les patrons étaient belges et qui fixaient leur objectifs à Bruxelles. Aujourd’hui, la stratégie d’un groupe de grande distribution est définie centralement à New York, Londres, Berlin ou Paris pour des groupes multinationaux qui sont actifs sur tous les continents, à travers leurs magasins mais aussi leurs fabricants et sous-traitants. Dès lors, la question de la rentabilité ne se pose plus du tout comme avant au niveau de chaque magasin. D’une part, parce que les marchandises et l’argent circulent sans arrêt entre les magasins en fonction des demandes et, d’autre part, parce que ce n’est pas sur les ventes de laitues et de couches–culottes qu’un groupe comme Carrefour base sa stratégie et réalise ses bénéfices. La grande majorité des produits qui ornent les rayons servent principalement à fidéliser une clientèle locale vis-àvis de laquelle Carrefour à d’autres intentions.
« L’ élément-clé de la stratégie commerciale du groupe, c’est le produit qui bénéficie de la superpromotion en première page du dépliant publicitaire que vous recevez deux fois par mois dans votre boîte aux lettres : écran plat d’ordinateur, TV numérique, cartable pour la rentrée,… Le choix de cet article n’est pas laissé à la direction d’un magasin ou même d’un pays : c’est une décision impliquant plusieurs pays qui concentrent leurs moyens sur cet article.
« Une publicité de ce type, cela peut signifier 1 million d’écrans plats produits par une usine, souvent chinoise, avec laquelle traite le groupe. Comme cette production est colossale pour l’usine, Carrefour peut lui imposer des prix de vente très bas, en laissant aux patrons de cette boîte le soin de se payer sur le dos de leur personnel.
« Chaque magasin a un quota de ce produit à vendre. S’il l’atteint, il reçoit immédiatement un nouvel arrivage provenant de magasins où la vente a été moins bonne. L’ensemble de la production peut ainsi être écoulée en deux mois, ce qui représente déjà un fameux bénéfice pour le groupe. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Car, profitant de son poids, Carrefour a imposé une clause supplémentaire à son producteur chinois : celui-ci ne sera payé que six mois après la livraison du produit. Pendant ce temps, l’argent des ventes est placé en banque ou en Bourse, où il rapporte des intérêts conséquents qui viennent s’ajouter aux bénéfices réalisés sur la vente. Double profit donc et sur des sommes colossales !
« Un tel fonctionnement multinational donne évidemment un rapport de forces bien meilleur à la direction de Carrefour vis-à-vis de ses travailleurs. Mais cette stratégie a aussi ses contraintes. Carrefour a besoin d’avoir un maximum de magasins qui sont autant de « vitrines » pour écouler ses propres produits (gamme N°1,…) et surtout ses « offres spéciales ». Dès lors, fermer des magasins, c’est perdre des clientèles locales et offrir à ses concurrents (qui agissent de plus en plus avec les mêmes stratégies) des possibilités de « capter » ces clientèles – ce que chaque direction veut par-dessus tout éviter.
« A condition que les syndicats comprennent bien cette nouvelle réalité, ce qui est loin d’être toujours le cas, il y a là de nouvelles possibilités de lutte pour défendre l’emploi – y compris en impliquant les populations « clientes » et en mettant en cause l’ « image de marque » de ces groupes multinationaux. »
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Ecole d’été. Meeting : 90 ans après la révolution russe, quelle est son actualité ?
Si nous avons tenu un tel meeting durant notre école d’été, c’est parce que nous basons nos méthodes sur l’expérience passée du mouvement ouvrier. A travers celle-ci, nous pouvons acquérir une meilleure vision de la manière dont un mouvement se développe. D’une façon générale, cette expérience passée nous a démontré l’importance de la classe ouvrière et de la construction de ses instruments de lutte. Quant à la révolution russe, elle nous a montré qu’il était possible de briser les chaînes du capitalisme.
Durant ce meeting, quatre orateurs ont pris la parole : Lucy Redler, de notre organisation-sœur en Allemagne, Sandi Martinez, de notre organisation-sœur au Venezuela, Denis Youkovitch, de notre organisation-sœur en Russie et enfin Peter Taaffe, de notre Secrétariat International.
Lucy Redler : « La révolution russe ne fut pas seulement un événement russe : l’exemple de l’Allemagne »
« John Reed a eu bien raison d’appeler son livre-reportage sur la révolution russe « Les 10 jours qui ébranlèrent le monde » : l’enthousiasme créé par cet événement unique a été gigantesque. D’emblée, la révolution russe est devenue un point de référence crucial pour tous ceux qui voulaient en finir avec le capitalisme et la guerre.
L’écho formidable de la Révolution russe en Allemagne
En Allemagne, comme dans d’autres pays, ce n’est pas seulement le front qui a été touché par l’onde de choc de la révolution, l’arrière également en a subit l’influence. Mais dès avant 1917 existait déjà une couche de militants radicaux qui n’avaient pas accepté la trahison direction du SPD, le parti social-démocrate allemand qui s’était aligné sur sa bourgeoisie dans la guerre. Ces militants radicaux sortirent peu à peu de l’isolement et l’on a vu, par exemple, une grève se développer en avril 1916 contre les souffrances et les privations imposées par la guerre. Les principales figures parmi ces militants radicaux étaient Karl Liebknecht et Rosa Luxembourg, les fondateurs du groupe Spartakus qui a rassemblé les révolutionnaires.
La révolution russe eut pour effet de radicaliser la classe ouvrière allemande, ce qui entraîna une vague de grèves et de protestations diverses. L’aile gauche du SPD scissionna et créa un nouveau parti, l’USPD, centriste et pacifiste. Tant parmi les masses que parmi les révolutionnaires, le slogan bolchévique de « paix sans annexions » avait un gigantesque échos. Deux mois à peine après l’Octobre Rouge russe, une grève réclamant la fin de la guerre fut menée par les deux tiers des travailleurs allemands. Des travailleurs allaient jusqu’à saboter dans les usines les tanks qui étaient destinés à être envoyés en Russie pour soutenir les contre-révolutionnaires durant la guerre civile.
Le développement des idées révolutionnaires en Allemagne revêtait une importance particulière pour les bolcheviks. Quand, en septembre 1917, Lénine déclara que l’on se dirigeait vers une chaîne de révolutions, il ne faisait qu’exprimer une certitude répandue chez tous les révolutionnaires : ils ne croyaient pas au « socialisme dans un seul pays ». Dans la Pravda, le journal des bolcheviks, Lénine salua les révolutionnaires russes qui avaient enclenché la révolution mondiale. A ce moment, l’Allemagne avait la classe ouvrière la plus organisée au monde. Nadeja Kroupskaïa, la femme de Lénine, raconta que les premiers jours de la révolution allemande furent les plus beaux de la vie de Lénine.
Très rapidement, Karl Liebknecht proclama la naissance de la république socialiste allemande du balcon du palais du Kaiser Guillaume II en tendant la main aux révolutionnaires du monde entier pour qu’ils continuent la révolution.
Hélas, la vieille machine d’Etat était encore sur pied et grâce à l’aide de l’armée et à la trahison de la direction des sociaux-démocrates, la révolution a été noyée dans le sang. Karl Liebknecht et Rosa Luxembourg ont été exécutés, ce qui a laissé la classe ouvrière allemande et le tout jeune Parti Communiste allemand sans direction.
En fin de compte, lors de la révolution allemande, les soviets et conseils ouvriers n’étaient pas assez organisés, il n’y avait pas une direction révolutionnaire reconnue par la classe ouvrière et l’influence du groupe Spartakus le jour où éclata la révolution était hélas trop faible.
La défaite de la révolution allemande et ses monstrueuses conséquences
Malgré tout, le processus révolutionnaire dura jusqu’en 1923. Cette défaite de la révolution allemande a eu des répercussions énormes au niveau international et pour l’Allemagne même. Si la révolution avait triomphé, l’histoire aurait été totalement différente. Le nazisme n’aurait jamais vu le jour, la Deuxième Guerre Mondiale non plus. D’autre part, l’isolement des révolutionnaires russes dans un pays arriéré a ouvert la voie à la réaction et à la dictature bureaucratique. En 1924, Staline mit en avant le « socialisme dans un seul pays », à la fois pour se débarrasser de la tâche de la construction de la révolution mondiale ainsi que pour protéger les intérêts de la bureaucratie et ses privilèges, y compris en empêchant le développement d’une autre révolution qui aurait remis tout cela en cause.
Ainsi, quand le nazisme gagna en importance et en influence, les directions du Parti Communiste stalinisé et du Parti Social-Démocrate ont refusé le front unique ouvrier pour empêcher la prise du pouvoir par le fascisme, comme l’avait préconisé Léon Trotsky.
Après la Deuxième Guerre Mondiale, une économie planifiée a été instaurée en RDA, mais sans contrôle démocratique de la classe ouvrière.
Malgré tout ça, les Allemands croient encore dans une certaine mesure au socialisme. Malgré le stalinisme et la propagande actuelle contre le socialisme, 48% des anciens Allemands de l’Est pensent que le socialisme et la démocratie sont possibles. »
Sandi Martinez : « Au Venezuela : le Socialisme ou la mort ! »
« Notre révolution doit être internationale. A ce titre, deux points sont particulièrement importants pour la révolution russe.
- La conscience des travailleurs. En Russie, l’évolution de cette conscience entre 1905 et 1917 a été fort grande.
- Le rôle de Lénine et Trotsky dans le cadre du développement de cette conscience pour que les travailleurs prennent le pouvoir pour construire une société socialiste.
Il y a un parallèle à faire avec le Venezuela. Aujourd’hui, la conscience que les travailleurs doivent prendre le pouvoir par eux-même n’existe pas. Une des tâches les plus importantes de notre organisation au Venezuela est de faire prendre conscience de cette nécessité aux travailleurs vénézuéliens. Les conditions existent pour effectuer cette prise de pouvoir, mais il manque encore un instrument – une organisation – et une direction. Construire cet outil de lutte est une tâche cruciale.
Nous pensons que le parti révolutionnaire de masse dont les masses vénézuéliennes ont besoin n’a rien à voir avec le nouveau parti de Chavez qui ne se construit pas à partir du bas de la société. Ce que nous voulons est un véritable parti révolutionnaire, pas un mélange des anciennes organisations plutôt réformistes qui ont récemment fusionné. Il est absolument nécessaire d’avoir une idéologie claire.
Quoi qu’il puisse arriver à l’avenir, nous devons nous assurer que le thème du parti des travailleurs ne tombe pas à l’eau.
Le socialisme ou la mort ! »
Denis Youkovitch : « Les acquis de la révolution ont été dégénérés par Staline et la bureaucratie »
La révolution russe a été le tournant le plus fondamental dans l’histoire humaine. Pour la première fois de l’Histoire, ce sont les travailleurs qui ont pris le pouvoir entre leurs mains en montrant qu’un autre monde était possible.
Malheureusement, cette expérience n’a pas été aussi loin que ce que nous voulions.
Le premier des acquis obtenus par la révolution russe, l’économie planifiée, a permis à la Russie arriérée de faire des bonds gigantesques en avant. Il faut ajouter à cela bien d’autres acquis dont l’un des plus importants a été le droit laissé aux minorités à disposer d’elles-mêmes.
Mais tout cela a été dégénéré par Staline et la bureaucratie. Aujourd’hui, la bourgeoisie russe, qui descend de la bureaucratie, tente de récupérer l’Histoire à son avantage. Mais le capitalisme créé lui-même ses fossoyeurs.
Jeunes et travailleurs remettent actuellement de plus en plus en cause le système d’exploitation capitaliste.
Pour en finir avec la pauvreté : en avant vers la révolution socialiste mondiale ! »
Peter Taaffe : « Faisons du 21e siècle celui de la révolution socialiste ! »
« Durant cette semaine d’école d’été, nous avons déjà beaucoup discuté, mais il est absolument correct de prendre le temps de regarder cet événement qui a été le plus grand de l’histoire.
Comment les capitalistes voyaient-ils la révolution russe ?
Un général russe s’étonnait, et s’indignait, de voir par exemple un concierge devenir ministre, de voir des travailleurs prendre en main leur destinée. Mais sur le coup, la classe capitaliste n’a cependant pas accordé beaucoup d’importance à l’événement. L’ambassadeur de France déclara même qu’un régiment de cosaques suffirait à faire revenir l’ordre. Même l’écrivain Maxime Gorki, pourtant compagnon des bolcheviks, estimait que la révolution russe ne durerait pas deux semaines.
Ce n’est que par après que s’est enclenchée la plus grande campagne réactionnaire de tout les temps.
Le grand quotidien bourgeois anglais The Times titrait régulièrement « Lénine assassiné par Trotsky », « Trotsky assassiné par Lénine »,… et même une fois en première page « Trotsky a assassiné Lénine au cours d’une bagarre d’ivrognes ». Mais cette campagne est restée sans effet !
Pour les masses, la révolution russe n’était pas vue comme un désastre, mais comme une porte ouverte vers un avenir meilleur. Suite au manque d’effet de cette propagande, c’est la pression militaire qui s’est exercée sur la Russie, à tel point qu’à un moment, il ne restait presque plus que Moscou et Petrograd sous le contrôle des soviets. Si ces derniers ont réussi à aller jusqu’à la victoire, ce ne fut pas grâce à la puissance militaire, mais bien grâce au fait que les révolutionnaire surent gagner à eux les masses exploitées de Russie. Car la guerre civile fut en premier lieu politique.
Après la guerre civile, la campagne menée par les capitalistes fut une campagne de distorsion de l’histoire. Jusqu’à la chute du Mur de Berlin et l’effondrement de l’Union Soviétique, c’était assez logique. Mais pourquoi continuer après ?
C’est que les capitalistes du monde entier craignent que cela se reproduise un jour.
Tirons les leçons de la révolution russe !
Nous ne vivons pas du passé, nous apprenons de lui. Marx et Engels avaient ainsi analysé la révolution française pour comprendre le flux et le reflux révolutionnaire. Lénine et Trotsky ont quant à eux regardé la Commune de Paris en 1871 ou encore la première révolution russe de 1905. De la même manière que les généraux regardent les batailles passées pour améliorer leur technique, nous devons apprendre de l’expérience de la classe ouvrière.
Les bourgeois ne comprennent pas que la révolution est un processus qui englobe de larges masses et dans lequel les révolutionnaires agissent par la propagande et l’agitation. La révolution ne se fait pas sous l’action de « grands hommes ».
C’est la guerre impérialiste de 14-18 qui a accéléré le rythme de la révolution. Mais il n’y eut que deux hommes qui ont compris ce qui se passait en Russie dès le mois de février 1917, l’un à Zurich, l’autre à New-York : Lénine et Trotsky. A l’opposé des autres Bolcheviks, y compris Staline, ils ne voulaient accorder aucun soutien au Gouvernement Provisoire qui succéda au Tsarisme et qui défendait en dernière instance les intérêts de la bourgeoisie. Il y a là un parallèle à faire avec Bertinotti et Refondacione Comunista actuellement en Italie, qui sont entrés dans le gouvernement de Prodi. Quand Lénine est arrivé à la gare de Saint Petersbourg et qu’un jeune lui déclara son désir de le voir intégrer le Gouvernement Provisoire, il l’écarta et s’adressa à la foule en saluant les travailleurs russes pour avoir commencé la révolution mondiale.
Les Bolcheviks n’avaient au début que peu d’influence mais, malgré cela, les pressions qu’ils eurent à subir de toutes parts furent gigantesques. Mais ils sont allés vers les masses en ignorant les querelles parlementaires. Aujourd’hui, agissons de même : ignorons les bureaucrates syndicaux et allons nous adresser à la base !
Mais Lénine ne disait pourtant pas directement qu’il fallait renverser le Gouvernement Provisoire : il fallait que la classe ouvrière apprenne peu à peu sous la propagande bolchévique dont les slogans étaient : « Tout le pouvoir aux soviets » et « A bas les 10 ministres capitalistes ».
Nous ne pourrons pas ici entrer dans tous les détails et tous les niveaux de la révolution russe mais cet événement doit être étudié avec la plus grande attention.
En juillet 1917, à Petrograd, la classe ouvrière est descendue dans la rue : après avoir fait la révolution, les travailleurs se sont aperçu qu’on leur volait les fruits de leurs luttes. Et cette question reste d’actualité : comment faire pour aller jusqu’à la victoire ? Il ne faut pas s’arrêter, on ne peut pas faire la révolution aux trois-quarts.
Faire la révolution jusqu’au bout
Quand en 1936, suite à la tentative de coup d’Etat fasciste, les travailleurs espagnols sont passés à l’offensive dans les rues, les capitalistes sont partis, il ne restait plus que leurs ombres. Les 4/5 de l’Espagne étaient aux mains des travailleurs. Hélas, cela se termina pourtant par un échec car le processus révolutionnaire n’est pas allé jusqu’au bout et avait été freiné sous le mot d’ordre de « lutter d’abord contre le fascisme ». En définitive, ce sont les fascistes qui remportèrent donc la victoire.
Le 20e siècle a été un siècle de révolutions : en Russie en 1905 et 1917, en Chine en 1926-27, en Allemagne en 1918-23, en Espagne en 1936, mai ’68 en France,…
En 1968, De Gaule avait même quitté le pays et imaginait marcher sur la France avec le général Massu. Pourquoi cet événement fut-il un échec pour les travailleurs ? Il n’y avait pas de parti révolutionnaire de masse, le Parti Communiste stalinisé jouant le jeu de la réaction.
Les historiens bourgeois disent que le stalinisme découle du léninisme. L’objectif est de détruire le bolchévisme. Mais Staline représentait la réaction totalitaire de la bureaucratie contre l’émancipation libératrice du socialisme. Trotsky a passé le reste de sa vie à lutter contre Staline et l’a payé de sa vie.
Rendons hommage à la révolution russe : Organisons-nous pour la prochaine révolution !
Dans la période où nous entrons, l’expérience de la révolution russe ressurgira. Il s’agissait d’une révolution dans un pays arriéré et, dans un certain sens, il était peut-être plus facile de prendre le pouvoir dans un tel pays où la bourgeoisie était très faible que dans un pays capitaliste développé. Mais ce pouvoir était par contre plus difficile à garder. Aujourd’hui, les conséquences d’une révolution dans un pays comme l’Inde ou le Brésil seraient beaucoup plus grandes qu’à l’époque.
Quand la Deuxième Internationale s’est effondrée suite au vote des crédits de guerre, Lénine et Trotsky ont dit qu’il fallait une autre Internationale. C’est pour réaliser cet objectif que se déroula en 1915 la conférence de Zimmerwald. Trotsky a dit à cette occasion que les internationalistes tenaient en deux voitures. Nous avons aujourd’hui un peu plus de voitures. Mais, deux années plus tard, il y avait la révolution russe. Ce qui ne veut évidemment pas dire qu’il y aura une révolution dans deux ans !
Notre objectif est de créer une Internationale révolutionnaire de masse. Le Comité pour une Internationale Ouvrière pourrait en être l’embryon. Nous ne proclamons pas ce que nous ne sommes pas mais, en comparant nos idées à celles des autres, nous pouvons être marqués par le potentiel et l’accumulation de cadres que nous avons déjà réalisés.
Cela ne fait aucun doute que le capitalisme ne peut pas dépasser ses limites. Ce n’est pas du dogmatisme, c’est de l’analyse. La question est de savoir si nous allons être capables de ne pas reproduire les erreurs du passé.
A l’occasion de l’anniversaire de la révolution russe, pensons aussi à ces milliers et milliers d’anonymes qui ont fait cette révolution. Mais saluons aussi, entre autres, Karl Marx, Friedrich Engels et Rosa Luxembourg, la plus grande femme révolutionnaire de tous les temps. Faisons du 21e siècle celui de la révolution socialiste ! »
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BUSH A BRUXELLES. QUELLE REPONSE AUX NEO-CONSERVATEURS?
BUSH A BRUXELLES
La visite du président américain Bush à Bruxelles a provoqué un tas d’actions de protestation. Bush demeure la personnalité la plus haïe du monde parce qu’il symbolise la politique guerrière en Irak et les valeurs des néo-conservateurs aux Etats-Unis. Par contre, il ne suffit pas de dire que Bush n’est pas le bienvenue, il faut examiner de quelle façon une réponse crédible peut être offerte pour battre cette politique néo-libérale et impérialiste.
Position du MAS-LSP
Malgré l’énorme polarisation dans la société américaine, les scandales autour de la guerre en Irak, les énormes baisses d’impôts pour les riches et les grandes entreprises (plus de 2.000 milliards de dollars), le clivage croissant entre les riches et les pauvres, le mouvement antiguerre historique, etc., Bush a été réélu président des Etats-Unis.
C’est surtout le résultat d’un manque d’une véritable alternative politique. Les Démocrates n’ont pas réussi à expliquer comment ils pourraient faire la différence et apporter des solutions aux problèmes que vit la majorité de la population américaine et mondiale. Ils portent sans nul doute la responsabilité de la réélection de Bush. Non seulement Kerry est le sénateur le plus riche, mais il a systématiquement voté du côté des intérêts du patronat. En gros, les élections présidentielles de novembre se sont limitées à un choix entre Coca Cola ou Pepsi Cola.
La plupart du temps, on a tendance à choisir la version originale et non la copie. Nader, le candidat populiste de gauche, l’a posé ainsi : « Il n’existe pas d’élections libres dans ce pays. Nous avons un parti des grandes entreprises à deux têtes, l’une et l’autre portant un ‘maquillage’ différent, qui vendent nos élections à la surenchère. »
Malgré cela, il existe bien aux Etats-Unis l’espace pour une nouvelle alternative politique. Les manifestations antiguerre étaient d’une ampleur énorme et la résistance contre la politique antisociale dans le pays même croît à vue d’oeil. Fin août, 500.000 personnes ont manifesté à New York contre Bush !Dans une période de crise économique, le capitalisme tentera toujours soit d’exporter les crises à l’étranger, soit de les repousser dans le temps.
Voilà la base de la politique économique de Bush. Il a fait baisser les taux d’intérêts à un niveau historiquement bas (1 pc) pour inciter les consommateurs américains à continuer à consommer, entre autre en s’engageant dans des emprunts.
Mais chaque dollar qui est emprunté aujourd’hui devra être remboursé un jour. Pour chaque dollar de croissance économique entre 2001 et 2003, 3,19 dollars de dettes ont été accumulées (par les entreprises, par le gouvernement et par les consommateurs). .et cette bulle de dette devra éclater un jour.
Il faut une alternative politique des jeunes et des travailleurs
Bush projette un programme historique de coups d’austérité dans les services sociaux, avec toutes les conséquences que cela implique. Sous Bush, le nombre de pauvres officiels a augmenté de 40 à 45 millions de personnes. Pour la plupart des Américains, qui disposent d’un état-providence plus que douteux, la crise imminente frappera fort. Pour eux, il s’avérera que le pays du Rêve Américain et de « la liberté et la démocratie » ne sera plus capable de leur offrir un avenir. L’idée d’une transformation de la société ne fera pas uniquement l’objet d’une discussion parmi une couche restreinte, mais s’élargira pour faire l’objet d’un débat sociétal. Des bouleversements spectaculaires dans la façon de réfléchir et d’agir des Américains seront alors envisageables.
Le cycle des présidences successives des Républicains et des Démocrates qui défendent tous les deux fermement les intérêts des grandes entreprises, devra être rompu. Afin de résister à la politique de l’establishment, il faudra un instrument politique pour les travailleurs, les jeunes, etc. qui défende bien leurs intérêts et qui renforce la lutte contre la politique antisociale.
Voilà une des luttes que mènent nos camarades américains de Socialist Alternative. Pour les actions de protestations en Belgique, nous ne partons pas d’un point de vue ‘anti-américain’et nous ne mettons pas la responsabilité sur les épaules des Américains ordinaires. Nous partons d’un point de vue de classe et nous exprimons donc notre solidarité avec les victimes de la politique de Bush: tant en Irak qu’aux Etats-Unis même. En se jetant dans la gueule du lion pour y mener la lutte contre la guerre, l’exploitation et la pauvreté, on y peut construire une alternative politique.
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Crise et révolte en Amérique latine
FIN JUILLET, près de 350 camarades provenant de 14 pays se sont retrouvés lors de l’école d’été du CIO, parmi lesquels des camarades du Brésil et du Venezuela. La discussion sur l’Amérique latine, qui a pris toute une journée, était une des discussions les plus importantes.
Tina De Greef
Regimes en crise
Tout le continent est en mouvement et en crise. La profondeur de celle-ci diffère selon les pays. L’industrie textile est presque intégralement délocalisée vers l’Inde et la Chine. Les Etats doivent rembourser des dettes colossales. Actuellement au Pérou, 35% du budget sert au remboursement de la dette. Les richesses naturelles de l’Amérique latine sont en grandes parties tombées entre les mains des capitalistes.
Presque partout nous voyons les symptômes d’un régime en crise, parfois même avec des composantes pré révolutionnaires. Le Chili et le Pérou sont en ce moment les régimes les plus stables d’Amérique latine. Il y a cependant eu récemment deux grèves générales au Chili. Le gouvernement Fox au Mexique est sur une pente glissante. En Bolivie le président Sanchez de Losada a été chassé car il voulait vendre le gaz aux Etats-Unis. Carlos Mesa, son successeur, essaie quand même d’organiser cette vente, malgré la résistance des masses.
A Haïti, le revenu moyen par personne de l’ensemble de la population est inférieur à un dollar par jour. Aristide – qui a une approche anti-impérialiste seulement en paroles – a dû s’exiler. Au Pérou, Toledo est pour le moment le dirigeant le moins populaire de toute l’Amérique latine. Il a dû faire face il y a quelques semaines à une manifestation de masse, malheureusement dirigée par Garcia le leader de l’opposition bourgeoise.
La révolte au Venezuela reflète le refus de la politique néo-libérale menée au cours de la dernière décennie dans toute l’Amérique latine. Le chômage officiel est passé de 12% à 17%. La population pauvre se radicalise et place le populiste de gauche Hugo Chavez au pouvoir en 1998. Celui-ci va décider – sous la pression des masses – d’envoyer 3.500 médecins vers les gens qui n’en avaient encore jamais vus. La Constitution changea de sorte que les propriétaires terriens perdirent leurs terres et que le pétrole soit placé sous le contrôle des autorités publiques.
Les supermarchés itinérants avec de la nourriture bon marché et une nouvelle entreprise nationale de télé-communications sont les récentes initiatives de Chavez. Pour faire ces concessions, Chavez dépend des prix élevés du pétrole. Pour le moment le Venezuela est le cinquième producteur de pétrole du monde avec 3,1 millions de barils par jour. Cette réforme politique n’est cependant pas tenable à long terme dans un cadre capitaliste. La bourgeoisie, qui a perdu partiellement le contrôle de l’appareil d’état, déteste Chavez car il est a prêt à céder sur de nombreux terrains sous la pression des masses. C’est une situation dangereuse pour l’impérialisme.
Pour rencontrer fondamentalement les revendications des masses et pour élever leur niveau de vie il faut rompre avec le capitalisme. Contrairement au Chili et à d’autre pays du continent, le Venezuela n’a jamais connu de tradition socialiste ou communiste. Même Chavez ne saisit pas la chance pour mobiliser une véritable révolution socialiste: il veut installer un «capitalisme plus humain».
Pas de réconciliation avec l’opposition de droite
Chavez voudrait réconcilier la révolution et la contre-révolution. Il louvoie entre les deux: d’une part entre la pression des masses vénézuéliennes et d’autre part la bourgeoisie et l’impérialisme. Les tentatives pour une réconciliation avec l’opposition de droite vont démoraliser les masses. Seul un parti révolutionnaire – condition décisive pour une victoire révolutionnaire: le facteur subjectif – sera capable de mener les masses vers la révolution. Seul un changement total de la société, rompant avec le capitalisme, pourra mettre un terme à la crise et en finir avec le chômage et la pauvreté.
Les masses expérimentent aujourd’hui un processus important d’auto-organisation: les comités populaires, et les Cercles bolivariens initiés par Chavez. Ces organes doivent s’élargir vers toutes les couches des opprimés, et se transformer en organes réels de la lutte des travailleurs.
Des comités populaires dans les entreprises et les quartiers doivent se baser sur les principes de la démocratie ouvrière: éligibilité, révocabilité des élus, un salaire pour les élus qui ne dépasse pas le salaire moyen d’un ouvrier qualifié,…
La population doit s’armer au travers de cette forme d’auto-organisation, pour se protéger contre de nouvelles tentatives de coup d’état ou de contre-révolution violente. L’armement en soi n’est cependant pas une garantie pour une victoire: il faut aussi un véritable programme socialiste. L’appel de Chavez pour «armer la population» sont des paroles en l’air. De ce fait et si aucun véritable parti révolutionnaire ne se développe, une contre-révolution ne peut être battue.
L’armée au Venezuela est essentiellement composée de travailleurs qui reflètent clairement la pression de la société. Cette situation est quelque peu comparable avec celle de l’armée durant la révolution des oeillets au Portugal. Au Portugal, le Mouvement des Forces Armées trouvait dans son programme des éléments socialistes qui allaient beaucoup plus loin que le mouvement d’aujourd’hui au Venezuela.
Un tel parti révolutionnaire pour amener les masses à la victoire, fait défaut aujourd’hui au Venezuela.Toutes les mesures positives entreprises par Chavez jusque maintenant ont été essentiellement mises en avant par le sommet du régime. Les Cercles bolivariens forment le point d’appui dans la société pour Chavez et son gouvernement, mais il y a souvent des tentatives pour les contrôler par le haut.
Récemment il fallait élire un responsable dans un Cercle bolivarien. Le gouvernement a essayé de mettre en avant son candidat, ce qui a provoqué la protestations des travailleurs qui avaient leur propre candidat. Il y a une grande pression du bas pour une démocratisation de ces organes, où maintenant déjà une couche de la population est représentée.
L’opposition perd le référendum
La réaction de Chavez après le référendum de la mi-août – qui portait sur sa révocation – montre qu’il ne cesse de vouloir concilier le processus de révolution et la contre-révolution. Le résultat, après une participation massive, est maintenant connu: Chavez l’a emporté avec 58.25 % des voix (contre 41.74% des voix en faveur de sa révocation). L’opposition ne reconnaît pas sa défaite. Elle a lancé une enquête sur d’éventuelles fraudes électorales.
Dès l’annonce du résultat, le prix du baril de pétrole à la bourse de New-York a baissé. En fait Bush ne peut intervenir dans l’immédiat. Le prix élevé du cours du pétrole et l’importance du Venezuela comme pays producteur de pétrole, couplé à la guerre en Irak oblige l’administration américaine à remettre à plus tard une intervention dans les affaires intérieures au Venezuela.
Nouveau parti au Brésil
Au Brésil le PT social-démocrate, dirigé par Lula, est au pouvoir. Lula, un ancien métallo devenu dirigeant syndical, est arrivé au pouvoir en promettant de donner de la terre aux paysans sans-terres. Juste après avoir été élu, il a fait vote-face. Il a notamment annoncé que les fonctionnaires devaient travailler 12 ans de plus pour toucher leur maigre pension. Le chômage a pris des proportions énormes et plus de gens ont faim qu’autrefois. Quatre parlementaires restés fidèles au programme originel de Lula ont été exclu du PT. Le gouvernement Lula marche sur les traces du précédent gouvernement, qui suivait la politique du FMI.
Les 200.000 emplois pour les jeunes que Lula avait promis n’ont pas vu le jour. En outre Lula joue localement un rôle impérialiste. Il aide à mener la guerre en Irak pour se procurer une petite place au conseil des Nations-Unies.
Récemment, en réaction à la politique droitière du PT, un nouveau parti a vu le jour: le PSoL (Parti pour le Socialisme et la Liberté). Notre section au Brésil participe à la construction du PSoL dont les perspectives de croissance sont indubitables. Seul le programme est sur pied. Il comprend de fort accents révolutionnaires mais aussi des éléments de politique de réformisme keynésien. Mais ce n’est pas suffisant: l’action est nécessaire. Le débat interne porte aussi sur les statuts: il y a des propositions pour qu’ils soient très démocratiques. L’impact potentiel d’un parti de masse des travailleurs comme le Psol est important pour toute l’Amérique Latine. A ce jour, 20.000 militants ont pris part aux assemblées locales pour la fondation de ce nouveau parti.
Le combat entre révolution et contre-révolution aujourd’hui à l’oeuvre en Amérique latine est d’une importance capitale à l’échelle du monde.
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Le scandale Parmalat menace Berlusconi
En janvier toute la direction de la multinationale italienne Parmalat a été arrêtée pour fraude. La direction semblait surtout s’être spécialisée en montages financiers obscurs qui ont permis d’escamoter 10 milliards de $. Une telle escroquerie n’a été rendue possible que par la mise en place de lois – par le gouvernement Berlusconi – rendant plus opaque le contrôle des comptes des sociétés,… et mettant par la même occasion Berlusconi à l’abri de poursuites éventuelles pour les malversations opérées par ses propres sociétés!
Clare Doyle
Dans le plus pur style des parrains de la maffia pris la main dans le sac, l’ex-directeur financier de Parmalat a déclaré aux journalistes qui l’attendaient devant le bureau de police de Parme: «Je vous souhaite, ainsi qu’à votre famille, une mort lente et pénible!»
Entre-temps l’emploi de plus de 36.000 travailleurs et de 139 entreprises sont menacés dans le monde. Parmalat était devenu un des navires amiral du capitalisme italien. L’entreprise est active dans 30 pays où on emballe et vend du lait, de l’eau, des jus de fruits, des biscuits et d’autres produits alimentaires.
Des consommateurs et les petits investisseurs ont organisé le 21 janvier une manifestation devant les bureaux du Premier ministre et de la Banque nationale. Mais il faudra faire plus. Les travailleurs et leurs organisations doivent mener campagne pour la nationalisation immédiate (et sans indemnités) de Parmalat et mettre en avant un programme de lutte syndicale tant à l’échelle internationale que locale.
En Italie certaines actions de grève sont toujours en cours et il est nécessaire de lancer une offensive générale contre le gouvernement. La situation économique est problématique, même sans la crise de Parmalat. Le gouvernement Berlusconi risque de tomber car ses partenaires de la coalition soutiennent mollement le gouvernement. La crise actuelle peut être la dernière goutte qui fait déborder le vase. Une partie de la bourgeoisie qui a émis des réserves sur la façon dont l’aventurier Berlusconi a pris le contrôle de la machine gouvernementale, vont peut-être mettre à profit la crise de Parmalat pour tenter de le débarquer.
La Commission de la Sécurité et des Echanges (SEC), à New York, a déclaré que cette affaire est «un des plus grands exemples de fraude d’entreprise de toute l’histoire». Elle a d’ailleurs entamé sa propre enquête sur la façon dont l’entreprise avait fabriqué un faux (une lettre à entête de la Bank of America) pour faire croire qu’un prêt de 4 milliards $ avait été accordé à Parmalat. Une enquête est aussi en cours à propos de la vente fictive de poudre de lait à Cuba pour une somme de 620 milliards de $, vente fictive dans laquelle un nombre de banques «respectables» sont impliquées.
Il y a déjà eu d’autres scandales en Europe (Vivendi en France, Scania en Suède, Ahold aux Pays-Bas). La plus grande entreprise italienne, Fiat, lutte pour sa survie après qu’une partie de son patrimoine ait été soustrait par la famille Agnelli. Chez Parmalat la fraude porte sur des montants plus limités que dans le scandale américain d’Enron il y a quelques mois, mais l’affaire Parmalat risque de frapper le coeur de la finance internationale.