Tag: Nationalisation

  • Comment fonctionnerait une économie planifiée?

    Même les politiciens et les économistes bourgeois doivent bien reconnaître que le marché de l’énergie est « irrationnel » et ne fonctionne pas. Qui les contredira? L’idée que seul le capital privé est capable de produire efficacement des biens et des services a été le refrain idéologique dominant de ces 40 dernières années. C’est ainsi que l’on a justifié la privatisation du marché de l’énergie, des télécommunications, voire du rail et même de l’eau dans certains pays.

    Par Peter (Leuven)

    https://fr.socialisme.be/60288/exproprier-les-expropriateurs-pourquoi-nous-appelons-a-la-nationalisation-et-a-la-propriete-publique-democratique
    https://fr.socialisme.be/93916/maitriser-les-prix-de-lenergie-oui-mais-comment-controle-public-pole-public-nationalisation-du-secteur-entier
    https://fr.socialisme.be/23996/idees-dangereuses-reduction-collective-du-temps-de-travail-et-nationalisations

    Avant même qu’une nouvelle récession ne ravive le chômage, la confiance aveugle envers les marchés capitalistes a été fortement ébranlée. La compréhension politique des travailleurs et des jeunes laisse plus d’espace à l’analyse selon laquelle il s’agit d’une crise de tout le système. La critique anticapitaliste est beaucoup plus largement acceptée qu’il y a quelques années. L’ère du désordre capitaliste pulvérise les vieilles certitudes à une vitesse vertigineuse et provoque des chocs idéologiques au sein de la classe dominante.

    De nouvelles figures ou formations de gauche comme Bernie Sanders aux États-Unis, Mélenchon en France ou le PTB en Belgique ont émergé, en défendant des revendications sociales bien légitimes. Mais, élément frappant, dans aucun de ces cas on ne défend ouvertement une planification démocratique et socialiste de l’économie(1). C’est notamment dû au puissant vent de propagande bourgeoise qui a suivi l’effondrement des économies bureaucratiquement planifiées prétendument « communistes » (en réalité staliniennes) en Russie et à l’Est. Le prétendu manque d’efficacité de la planification économique trouve encore un écho dans la conscience générale. Il est temps de riposter contre cette propagande antisocialiste et de restaurer, dans le programme radical de transformation sociale dont nous avons besoin, la place centrale de la planification économique socialiste et de la démocratie des conseils.

    La démocratie des conseils : le chaînon manquant

    Karl Marx, fondateur du socialisme scientifique, n’a donné qu’un aperçu général du socialisme dans Le Manifeste du parti communiste (1848). La propriété privée des moyens de production devait être abolie pour contrecarrer les crises de surproduction, et les travailleurs devaient collectivement décider de l’organisation de la production. Marx désirait éviter de tomber dans l’utopie. La Commune de Paris (1871) a enfin donné une image de la démocratie ouvrière issue d’une expérience concrète : élections libres, possibilité permanente de révocation des élus, travailleurs élus à un salaire ouvrier moyen… Marx l’appelait « la forme politique enfin découverte sous laquelle l’émancipation économique des travailleurs doit être réalisée » mais soulignait qu’il fallait totalement abolir l’État capitaliste oppresseur et pas seulement en prendre possession.

    La révolution russe (1917) a complété cette image d’une démocratie de et pour la classe ouvrière. Les « soviets » (conseils ou comités en russe) reposaient sur des assemblées de masse organisées démocratiquement sur les lieux de travail notamment, avec des discussions libres entre les divers points de vue de la classe ouvrière et des personnes opprimées. Chaque lieu de travail ou caserne élisait un certain nombre de représentants pour les conseils centraux des ouvriers et des soldats, et ce dans chaque ville.

    Ce puissant réseau de conseils se réunissait dans des congrès nationaux périodiques de représentants des classes opprimées. Dans les moments d’effervescence révolutionnaire, ces organes de lutte élus dans les entreprises, les districts, les écoles… sont de plus en plus devenus l’expression d’un phénomène de double pouvoir. Il y avait un nouveau pouvoir émergent aux côtés du gouvernement capitaliste mis en place à la chute du tsarisme. Pour les marxistes, ce type de démocratie des conseils échelonnés après la révolution est crucial pour la viabilité d’une économie planifiée. Cependant, en raison de l’isolement de la révolution dans un pays économiquement arriéré, les éléments de démocratie ouvrière ont été difficiles à maintenir et, à partir de 1924, ils ont complètement été éliminés sous le joug de la bureaucratie stalinienne.

    La Commune de Paris n’a, hélas, existé que dans une seule ville et elle n’a pu donner qu’une image limitée de l’organisation économique du socialisme. Lénine remarquait d’ailleurs qu’à l’époque de la Commune, la concentration et la centralisation du capital n’en étaient encore qu’à leurs débuts. Aujourd’hui, ce phénomène a pris des dimensions stupéfiantes : le capitalisme est dominé par les monopoles, ce qui peut en retour faciliter l’élaboration d’une planification économique. Les entreprises multinationales représentent aujourd’hui environ 1/3 de la production mondiale et 1/4 de l’emploi mondial.

    Le débat sur le « calcul économique en régime socialiste »

    Depuis les années 1920, les économistes de la classe dominante s’épuisent en arguments contre la « planification centrale ». Comme si toute la planification économique devait obligatoirement être centralisée et ne pas dépendre du type de produit ou de service… La production d’acier ou le transport ferroviaire doivent par nature être centralisés. Les biens de consommation ou les biens comportant de nombreux composants pourraient bénéficier davantage d’une planification décentralisée, l’entreprise nationalisée et son comité d’entreprise estimant et contrôlant le rythme de la production et des achats.

    Selon les idéologues capitalistes, les économies planifiées souffriraient toujours du « manque d’information » et du « manque d’innovation ». Même l’économie bureaucratiquement planifiée en Russie – une économie sans contrôle ouvrier et sans gestion démocratique par la classe ouvrière, excessivement centralisée pour des raisons bureaucratiques et élitistes… – a toutefois connu une croissance beaucoup plus rapide que celle d’un pays capitaliste comme l’Inde. Bien qu’encore limitée en raison de la dictature et du manque de coopération internationale, cela a illustré le potentiel de la planification : éliminer le cycle de croissance et de récession du capitalisme, éviter les crises ou dépressions prolongées, garantir les services de base tels que l’éducation, les soins de santé, le logement, l’emploi…

    Imaginons ce qu’aurait donné le développement de ces économies sous une démocratie des conseils, avec une recherche scientifique pleinement épanouie et non ravalée au rang de jouet par la bureaucratie et entravée par des conflits internes, des dépenses militaires hallucinantes, etc.

    Face à l’échec d’une planification trop centralisée et dictatoriale, certains ont défendu un « socialisme de marché » décentralisé, où la concurrence subsiste entre entreprises nationalisées, avec peu ou pas de planification globale ou dans le secteur spécifique. Cette approche a rapidement dégénéré en un retour de la hiérarchie et de la gestion managériale, comme dans la Yougoslavie de type stalinienne après la Seconde Guerre mondiale. Ceux qui estiment que les marchés et l’argent existeront toujours ignorent le fait que dans une situation d’abondance, les produits et les services peuvent être distribués gratuitement, sans intervention de l’argent.

    D’autres ont tenté d’imaginer des stratagèmes permettant de passer soudainement à un monde sans argent ni marchés en imaginant que la démocratie des conseils produirait immédiatement en fonction des besoins grâce aux technologies modernes. Mais cela nécessite une plus longue période de transition reposant sur la croissance et la coordination des forces productives au niveau mondial.

    Des éléments tels que l’argent et les prix ne seront pas immédiatement supprimés, mais intégrés dans la planification de l’économie de transition vers un stade supérieur du socialisme. La loi de la valeur (les prix reflétant le temps de travail nécessaire à la production) ne disparaîtra pas du jour au lendemain. Elle sera dépassée par le développement de la production, au moment où la distribution gratuite deviendra envisageable.

    Formes et niveaux de planification : une réponse au « problème de l’information »

    La même forme de planification ne convient pas à tous les produits ou services. On peut déjà aujourd’hui distinguer différentes formes de planification qui existeraient également sous le socialisme. Pour les produits qui peuvent se détériorer, les supermarchés appliquent déjà une planification « en temps réel » : les données de vente sont directement transmises le long des chaînes d’approvisionnement ; la production est retardée ou accélérée à l’instant même.

    Cette méthode diffère de la production basée sur les commandes, où la production ne commence qu’après la passation d’une commande. Les produits industriels ou technologiques plus importants et plus coûteux bénéficieront davantage d’une production après un besoin déjà établi.

    Enfin, la planification socialiste fait souvent référence à l’analyse « entrée-sortie ». De combien et de quels facteurs économiques avons-nous besoin pour produire de l’énergie verte éolienne et solaire à grande échelle ? Combien de professeurs, de salles de classe, de bâtiments… sont nécessaires en fonction de l’évolution du nombre d’élèves et du besoin de classes plus petites ? Cette planification est particulièrement utile pour les secteurs de croissance prioritaires sous le socialisme, comme la socialisation des tâches ménagères, par exemple.

    Le prétendu « problème d’information » des économies planifiées, lancé par les idéologues capitalistes, serait le suivant : des « millions de produits » ne pourraient être fabriqués par une « planification centrale » sans entraîner une surcharge d’informations qui ne peuvent être traitées. Seuls les signaux de prix basés sur l’offre et la demande et la production privée à des fins de profit pourraient traiter efficacement ces informations.

    Dans une économie démocratiquement planifiée, la planification sera à la fois centralisée et décentralisée. Pour une production comportant de nombreux composants différents, la planification pourrait être effectuée par l’entreprise nationalisée et son comité d’entreprise, avec des réunions sectorielles régulières pour entretenir la solidarité d’une révolution socialiste réussie, assurer l’échange d’expériences en matière de planification et de perfectionnement de la production, gérer collectivement le temps de travail…. Tout cela dans l’intérêt des travailleurs et non d’un étroit cercle de patrons motivés par le profit à court terme.

    Les décisions pourraient être prises par, disons, 1/3 de représentants de l’entreprise, 1/3 de représentants des syndicats du secteur et 1/3 de représentants du gouvernement des travailleurs, afin que tous les intérêts soient représentés. Une fois l’économie planifiée divisée en secteurs d’activité, chacun devra gérer la planification de plusieurs centaines, au lieu de milliers, d’entreprises. Qu’elle soit centralisée ou décentralisée, cette planification devra toujours reposer sur la gestion collective démocratique.

    Une telle économie planifiée ne sera pas constituée d’une seule ou d’une poignée d’institutions de planification, mais de milliers de centres de planification et de millions de mains, d’yeux et d’idées de travailleurs à différents niveaux. La forme appropriée de planification, combinée au niveau le plus évident, permettrait de faire fonctionner la planification économique, basée sur la libre discussion, le droit de critique, le contrôle ouvrier de la production et une véritable démocratie ouvrière.

    1) Mélenchon allant toutefois un pas plus loin avec le concept de «planification écologique».

  • Exproprier les expropriateurs : Pourquoi nous appelons à la nationalisation et à la propriété publique démocratique

    Image : Wikicommons

    Une alternative économique socialiste comprend de nombreuses caractéristiques essentielles telles que des augmentations de salaire et une réduction des heures de travail pour les travailleurs, des impôts sur la richesse et les bénéfices, des services publics étendus et gratuits, etc. Mais une revendication centrale est la nationalisation des ressources économiques et naturelles et la propriété publique démocratique de l’économie.

    Par Eddie McCabe Socialist Party (ISA – Irlande)

    Le “droit” à la propriété privée est fondamental pour le capitalisme, et à son tour, l’abolition du droit à la propriété privée est fondamentale pour le socialisme. Pour être clair : cela ne concerne pas les choses que la plupart des travailleurs possèdent : les possessions qu’ils ont accumulées parce qu’ils en ont besoin ou envie, qu’il s’agisse de meubles, de véhicules, d’appareils électroniques ou de bijoux, ou même des propriétés résidentielles qui constituent les foyers des gens. Tout le monde a droit à ces biens et, en fait, seul le socialisme pourrait fournir à chacun tout ce dont il a besoin ou envie pour vivre confortablement, la seule contrainte étant les ressources limitées de la nature et le bien-être écologique.

    Ce que signifie le droit à la propriété privée sous le capitalisme, c’est le droit d’une minorité riche de posséder et de contrôler les principales ressources économiques et naturelles du monde, y compris les ressources humaines. En d’autres termes, ce n’est pas seulement la richesse qu’ils possèdent, mais les moyens de produire de la richesse, ce qui est obtenu par l’exploitation de tous ceux qui ne possèdent pas ces moyens – la vaste majorité pauvre et ouvrière. En effet, les droits de propriété capitalistes équivalent essentiellement à une protection juridique d’une minorité exploiteuse contre une majorité exploitée, et à la consécration de l’inégalité sociale dans le système.

    Karl Marx et Friedrich Engels l’ont bien expliqué en écrivant : « Vous êtes saisis d’horreur parce que nous voulons abolir la propriété privée. Mais, dans votre société, la propriété privée est abolie pour les neuf dixièmes de ses membres. C’est précisément parce qu’elle n’existe pas pour ces neuf dixièmes qu’elle existe pour vous. Vous nous reprochez donc de vouloir abolir une forme de propriété qui ne peut se constituer qu’à la condition de priver l’immense majorité de la société de toute propriété.» (Manifeste du Parti Communiste)

    Un système fondé sur la dépossession

    La propriété privée capitaliste n’a donc pas grand-chose à voir avec les biens personnels des individus et tout à voir avec le pouvoir et les privilèges de la classe dirigeante, qui, comme Marx l’a noté ci-dessus, provient en fin de compte de la dépossession et de la misère de la masse des gens. Les défenseurs du capitalisme de libre marché prêcheront le caractère sacré de la propriété privée, insistant sur le fait que toute atteinte à la propriété privée par les gouvernements est une forme de despotisme. Pour reprendre les termes de l’influent économiste Milton Friedman, « la préservation de la liberté… est la principale justification de la propriété privée. » (Milton Friedman, 13 mars 1978, ‘What Belongs to Whom?’, Newsweek.)

    Ce principe, cependant, ignore commodément l’histoire brutale des origines du capitalisme dans la dépossession violente et le déplacement des populations. Les premières villes industrielles d’Europe étaient peuplées de paysans contraints de quitter les terres rurales qu’ils cultivaient, qu’il s’agisse de leurs propres petits lopins ou de terres communes privatisées par la « clôture », pour rejoindre les moulins et les usines. De même, les conquêtes coloniales à travers le monde ont privé les peuples indigènes de leurs terres par le pillage, l’esclavage et, souvent, le génocide. Des codes juridiques ont été élaborés pour légitimer ce nouvel état de fait, les pilleurs étant désormais protégés par des « droits de propriété » soutenus par les États capitalistes et impérialistes.

    Le « mouvement anti-vol »

    Mais en plus d’être un système fondé – comme toutes les sociétés de classe – sur le vol non dissimulé par la violence (l’expropriation, une caractéristique toujours présente comme peuvent en témoigner les petits agriculteurs en Inde ou les communautés indigènes au Brésil), le capitalisme est un système de vol dissimulé mais systémique par l’économie (l’exploitation). Les profits qui stimulent son développement, en alimentant les investissements pour produire plus de biens et de services afin de faire encore plus de profits, proviennent tous du travail effectué par les travailleurs au-delà de ce pour quoi ils sont payés. La valeur créée après avoir couvert le coût de leur salaire, c’est-à-dire grâce au travail qu’ils font gratuitement, ne va pas à eux-mêmes mais à leurs patrons. La proportion de travail rémunéré et non rémunéré varie, mais aucun travailleur n’est employé (pour longtemps) s’il ne crée pas plus de valeur que ce que couvre son salaire.

    Prenons l’exemple de l’économie du sud de l’Irlande en 2019, avant la pandémie : le salaire horaire moyen d’un travailleur était de 24,23 euros (1). Cette année-là, les travailleurs irlandais étaient considérés comme les plus productifs au monde, bien que cette mesure soit faussée par le rôle démesuré des multinationales. La différence va à l’État sous forme d’impôts et, dans une large mesure, aux entreprises sous forme de bénéfices, ce qui signifie que celles-ci – c’est-à-dire la classe capitaliste, étrangère et nationale – contrôlent la valeur excédentaire créée dans l’économie, ce qui garantit également leur suprématie politique et leur domination sociale et culturelle. Rien de tout cela ne serait possible sans arnaquer les travailleurs de manière systémique.

    Les droits de propriété capitalistes protègent l’argent, la terre et le luxe de l’élite dirigeante, mais surtout, ils protègent le capital – le moyen d’exploiter le travail salarié et de produire des profits.

    Comprenant tout cela, James Connolly (marxiste et syndicaliste irlandais, l’un des dirigeants de l’insurrection de Pâques en 1916, les « Pâques sanglantes », à la suite de quoi il fut fusillé) a écrit en 1909 : « Nous confisquerions certainement les biens de la classe capitaliste, mais nous ne proposons de voler personne. Au contraire, nous proposons d’établir une fois pour toutes l’honnêteté comme base de nos relations sociales. Ce mouvement socialiste est en effet digne de s’intituler le grand mouvement anti-vol du vingtième siècle. »

    La nécessité de la propriété publique

    Le programme du mouvement socialiste, et de tout véritable parti socialiste révolutionnaire, doit mettre au cœur de son action la revendication d’une propriété publique démocratique des richesses, ressources et industries clés de la société. Cela implique naturellement de les retirer des mains privées. Ce n’est qu’ainsi qu’elles pourront être utilisées au profit de la société dans son ensemble, ce qui nous permettra de commencer à résoudre réellement les problèmes sociaux chroniques tels que la pauvreté, le sans-abrisme et la maladie, sans parler de la menace existentielle du changement climatique.

    La crise du climat et de la biodiversité illustre particulièrement bien la nécessité de la propriété publique, même si les crises du logement, de la santé ou de la précarité au travail illustrent toutes la même chose. Est-il vraiment concevable pour quiconque que le réchauffement de la planète puisse être inversé ou arrêté alors que les grandes entreprises de combustibles fossiles – dont l’existence même dépend de la poursuite des émissions de CO2 – sont détenues et gérées comme des sources de profit? En fait, l’ensemble de cette industrie doit être fermée et remplacée par des alternatives renouvelables d’ici une vingtaine d’années. Mais le coût de cette opération pour ces entreprises est de l’ordre de 25.000 milliards de dollars (2). Il est inutile de préciser qu’elles ne s’y plieront pas de bon gré. Au contraire, elles feront tout ce qui est en leur pouvoir pour continuer à profiter de la pollution. La seule façon de les arrêter, et de sauver l’humanité de l’extinction, est de faire passer l’ensemble de l’industrie sous contrôle public et de procéder à son élimination complète.

    Quiconque prend la crise environnementale un tant soit peu au sérieux doit être d’accord sur ce point au moins. Mais si nous nous en tenons au thème de l’environnement, les arguments en faveur de la propriété publique s’étendent à pratiquement toutes les grandes industries. Parmi les autres secteurs évidents, citons l’industrie automobile, qui a besoin d’un système de transport basé sur des véhicules privés, ou les grandes entreprises agroalimentaires, qui dépendent du nivellement des forêts tropicales pour faire de la place au bétail et aux aliments pour animaux. Ces deux puissantes industries s’opposeront avec véhémence aux changements sociétaux radicaux qui s’imposent dans le domaine des transports publics et de la production alimentaire pour éviter un changement climatique catastrophique. Encore une fois, ils ne peuvent pas être laissés aux mains du secteur privé.

    En outre, un rapport des Nations unies réalisé par Trucost a révélé qu’aucune des plus grandes industries du monde ne serait rentable si elle devait réellement payer les coûts environnementaux de ses activités (3). C’est au reste de la société de payer la facture des dommages par le biais de fonds publics et en s’adaptant à la détérioration des écosystèmes.

    Tant que les entreprises opèrent dans une économie de marché, qu’elles le veuillent ou non, la recherche du profit doit passer avant toute autre considération, y compris le bien-être des personnes et de l’environnement. Si ce n’était pas le cas, elles ne pourraient tout simplement pas rester compétitives. Ce que cela signifie pour la crise climatique, c’est que la propriété et le contrôle privés des industries clés dans le monde conduiront certainement à un désastre inimaginable. Nous avons donc besoin d’une alternative, à la fois à la propriété privée et au système de marché.

    Un alternative

    A bien des égards, l’alternative est évidente et simple, et donc éminemment réalisable. Si le problème est la propriété privée, l’alternative est la propriété publique. Si le problème est la production pour le profit, l’alternative est la production pour les besoins. Si le problème est l’anarchie du marché libre, l’alternative est la planification économique. Mais qu’est-ce que tout cela implique exactement et comment cela peut-il être mis en place ?

    Il est logique de commencer par le sommet. La tendance innée dans une économie capitaliste est au monopole, et à la concentration de la richesse et du pouvoir économique dans un nombre réduit de mains. En 2017, par exemple, sur les 200 plus grandes entités économiques du monde en termes de revenus, 157 étaient des entreprises et 43 des pays (4). En 2021, les revenus des 500 plus grandes entreprises représentaient plus d’un tiers du PIB mondial, soit 32.000 milliards de dollars (5). Nous savons donc par où commencer. Les mastodontes de la vente au détail comme Amazon, de l’industrie manufacturière comme Foxconn, de la haute technologie comme Microsoft : ces entreprises et leurs semblables sont les priorités évidentes de l’expropriation aujourd’hui, dont les ressources seraient essentielles à l’élaboration d’un plan économique.

    Marx faisait allusion à cette dynamique du capitalisme, qui rend possible la planification socialiste : « Pour transformer la propriété privée et morcelée, objet du travail individuel, en propriété capitaliste, il a naturellement fallu plus de temps, d’efforts et de peines que n’en exigera la métamorphose en propriété sociale de la propriété capitaliste, qui de fait repose déjà sur un mode de production collectif. Là, il s’agissait de l’expropriation de la masse par quelques usurpateurs; ici, il s’agit de l’expropriation de quelques, usurpateurs par la masse. » (Le Capital)

    Nationalisation

    Prendre la propriété et le contrôle de ces sociétés géantes – qui dominent les industries, qui dominent les économies – reviendrait à contrôler les “sommets de commandement” de l’économie, ces sections dont les activités soutiennent et les décisions affectent toutes les autres. Dans ces cas, nous avons affaire à des sociétés multinationales, dont les activités sont souvent réparties dans le monde entier. Elles devraient naturellement être nationalisées par les États dont elles sont originaires, mais leurs actifs – usines, centres de recherche, main-d’œuvre, etc. – dans n’importe quel pays pourraient être réquisitionnés par ces États particuliers s’ils le jugent nécessaire ou utile. Cela impliquerait probablement de rompre le lien avec la société mère et de les réaménager, voire de les réoutiller à des fins plus utiles sur le plan social.

    Par exemple, neuf des dix plus grandes entreprises pharmaceutiques ont des activités en Irlande, principalement des multinationales américaines. À elle seule, Pfizer emploie 3.700 personnes sur six sites pour développer et fabriquer des médicaments, dont son vaccin Covid. Un gouvernement socialiste irlandais pourrait reprendre ces installations et travailler avec sa main-d’œuvre hautement qualifiée pour continuer à produire des médicaments et des vaccins de qualité, mais en tenant compte des besoins des systèmes de santé en Irlande et dans le monde entier – et non des soldes bancaires des actionnaires – comme nouvelle pierre de touche.

    La capacité de ces entreprises publiques à réussir – indépendamment de leurs anciens propriétaires privés – dépend clairement de la stabilité offerte par le soutien de l’État, mais surtout de la capacité de ses travailleurs à contrôler et gérer démocratiquement les entreprises elles-mêmes. Étant donné que ce sont les travailleurs qui effectuent toutes les opérations clés, il n’y a aucune raison d’en douter. Il suffit de regarder l’expérience des empresas recuperadas (entreprises récupérées) en Argentine, où des milliers de travailleurs ont pris le contrôle de centaines d’entreprises qui avaient fait faillite pendant la crise financière du début du siècle (voir le documentaire The Take (2004) de Naomi Klein et Avi Lewis pour plus d’informations à ce sujet). Sous le slogan « Occuper. Résister. Produire. », ces travailleurs ont transformé des entreprises en faillite en coopératives productives, pour leur propre bénéfice et celui de leurs communautés, et ont démontré le potentiel du contrôle et de la gestion par les travailleurs. Cependant, le modèle coopératif, bien qu’il constitue sans aucun doute une amélioration pour les travailleurs concernés, est sévèrement limité par le fait que les coopératives doivent toujours fonctionner selon la logique du marché axé sur le profit, ce qui n’est pas nécessairement le cas des entités publiques.

    La riposte capitaliste

    La principale objection à de telles nationalisations (qui provoqueraient une vague d’indignation morale de la part des médias, de la classe politique et des milieux d’affaires) serait sans doute centrée sur la « violation inadmissible des droits de propriété » protégeant ces sociétés. Mais comme nous l’avons déjà noté, les droits de propriété sous le capitalisme équivalent au droit d’une élite parasitaire d’exproprier et d’exploiter systématiquement les masses. Aux cris de « vol », nous répondrons dans l’esprit de la réfutation « anti-vol » de Connolly.

    Des préoccupations plus légitimes concernant une telle politique de nationalisation ont trait à la possibilité de la mener à bien face à la réaction de la droite. Les exemples passés de gouvernements de gauche mettant en œuvre des programmes de nationalisation dans l’intérêt de la classe ouvrière nous montrent ce qui peut arriver. En 1981, François Mitterrand, du Parti socialiste (PS), a été élu président de la France grâce à une vague de soutien populaire et à un plan visant à mener des politiques réformistes radicales, notamment la nationalisation des 36 plus grandes banques et des principales entreprises de fabrication, de production d’acier, d’armement et d’informatique. Ces mesures étaient prometteuses, mais elles ont immédiatement été suivies d’une fuite des capitaux et par une attaque contre la monnaie française. Sans plan pour faire face à ces chocs économiques, Mitterrand a dû battre en retraite et se tourner honteusement vers des politiques d’austérité.

    Le sort de la coalition de l’Unité populaire de Salvadore Allende au Chili a été encore pire. L’élection d’Allende à la présidence du Chili en 1970 s’est accompagnée d’un vaste mouvement social qui a poussé le gouvernement à aller plus loin que ce que ses dirigeants réformistes avaient l’intention de faire. Outre les banques et les mines de cuivre vitales, des industries privées telles que le textile ont été nationalisées, notamment l’usine de coton Yarur, la plus grande du Chili, saisie par les travailleurs eux-mêmes avant d’exiger que le gouvernement en prenne possession. À la lumière de tout cela, le capitalisme chilien et l’impérialisme américain ont répondu non seulement par des attaques économiques, mais aussi par un coup d’État militaire meurtrier en 1973, qui a porté au pouvoir la dictature de Pinochet et les politiques néolibérales du « libre marché ».

    Un plan économique socialiste

    Certains diront que la leçon à tirer de ces expériences est que les gouvernements socialistes ou de gauche doivent veiller à ne pas provoquer de réaction en étant trop audacieux et radicaux. En fait, c’est le contraire qui est vrai, à condition qu’il existe une stratégie socialiste claire et complète. La classe dirigeante s’opposera à toute mesure prise par un gouvernement socialiste qui profite aux pauvres au détriment des riches. Même des impôts importants sur la fortune ou sur les sociétés, sans parler des nationalisations, pourraient provoquer des fuites de capitaux et des grèves d’investissement, surtout si elles s’inscrivent dans le cadre d’un soulèvement social aux aspirations révolutionnaires.

    La leçon du Chili et de la France est que les demi-mesures ne mènent pas à la victoire, mais à la défaite. Des nationalisations spécifiques sont nécessaires dans de nombreux cas, par exemple pour sauver des emplois lorsque des entreprises font faillite ou s’enfuient. Même les gouvernements de droite le font, mais sous la forme de renflouements des propriétaires aux dépens du public – par exemple la nationalisation effective des banques en Irlande ou de General Motors aux États-Unis pendant le crash financier de 2008. Mais un programme socialiste exige – et nécessite – non pas des nationalisations ponctuelles ici et là, mais la nationalisation des « sommets de l’économie » sous le contrôle et la gestion des travailleurs, ainsi qu’un plan global de production et de distribution.

    L’élaboration d’un tel plan est évidemment extrêmement complexe, mais il s’agit fondamentalement d’un problème technique – et non d’un problème insurmontable (6). Il exige une véritable démocratie participative à tous les niveaux de la société et de l’économie, ce qui nécessite un changement social massif en tandem avec les politiques économiques transformatrices. Elle ne peut être réalisée que par un grand mouvement social qui impulse le changement par le bas, en mobilisant et en activant les travailleurs, les communautés et les étudiants, afin qu’ils prennent le contrôle de leur situation. Dans le cadre d’un tel mouvement, un gouvernement socialiste pourrait résister à la pression du capitalisme international et même à la menace des forces armées de l’État capitaliste.

    En reprenant à la classe capitaliste la propriété et le contrôle des richesses et des ressources de la société, et en planifiant leur utilisation dans l’intérêt des gens et de la planète, un tel mouvement serait un phare révolutionnaire dans un monde en feu.

    Notes

    1. Eoin Burke-Kennedy, 26 juin 2020, “Average full-time salary in Republic nearly €49,000”, The Irish Times, www.irishtimes.com.

    2. Anamaria Deduleasa, 4 juin 2020, “Energy transition ‘to wipe $25trn off the value of fossil-fuel reserves’ : report”, www.rechargenews.com.

    3. Films For Action, 22 avril 2016, ‘UN Report Finds Almost No Industry Profitable If Environmental Costs Were Included’, www.filmsforaction.org.

    4. Jake Johnson, 19 octobre 2028, ” 157 des 200 entités les plus riches du monde sont des sociétés, pas des gouvernements “, www.inequality.org.

    5. Fortune, février 2022, ” Global 500 “, www.fortune.com.

    6. Pour en savoir plus, voir Andrew Glyn, 1979, Capitalist Crisis : Stratégie alternative ou plan socialiste

  • Résistons à l’avalanche de licenciements !

    La direction de Sodexo Belgique veut se débarrasser de 380 travailleurs personnes. Chez Miclobel, 167 emplois ont menacés. Et 140 chez Continental-Malines. Chez Makro, c’est le personnel sous contrat temporaire qui va casquer au cours de ces prochains mois. Tout ça, ce ne sont que des annonces qui ont eu lieu ces dernières semaines.

    Article tiré de l’édition d’octobre de Lutte Socialiste

    La procédure Renault – qui impose à l’entreprise qui prévoit un licenciement collectif d’organiser le dialogue entre sa direction et les délégations syndicales – a été enclenchée dans la plupart des cas. Les directions disent à chaque fois vouloir ‘‘mener un dialogue social constructif avec les partenaires sociaux’’ (Sodexho). Mais souvent, elles ne considèrent la procédure Renault que comme une manière d’étouffer l’organisation de la résistance des travailleuses et des travailleurs dès que les projets de licenciements sont connus. Cas inédit, en septembre, l’entreprise aérienne Ryanair a annoncé en septembre vouloir passer de 91 à 172 licenciements en pleine procédure Renault.

    Les solutions du patronat

    C’est bien connu, le patronat ne lésine devant rien pour faire payer par les travailleurs une crise, ses propres erreurs ou n’importe quel imprévu. Le prétexte de la crise sanitaire et économique va être utilisé jusqu’à la corde pour faire passer les réductions de personnel comme autant de fatalités. Et exiger les contreparties les plus juteuses possibles des autorités. Certains pousseront leur arrogance plus loin, comme Ryanair. D’autres essayeront d’arrondir les angles avec des cadeaux empoisonnés.

    Le fournisseur de services en ressources humaines LHH a ainsi dévoilé une trouvaille : favoriser les départs volontaires au lieu des licenciements puisque cela permettrait à une entreprise d’économiser jusqu’à 10.000 euros par travailleur, même si celui-ci touche une indemnité de départ deux fois plus importante que s’il avait été simplement licencié. D’après LHH, le coût d’un licenciement collectif est facilement 10% supérieur à celui d’un départ volontaire. Mais il y a un souci, et de taille : un départ volontaire ne donne pas droit aux allocations de chômage, puisque le contrat de travail est résilié d’un commun accord.

    Passons à l’offensive !

    Les syndicats se disent débordés par les demandes de nouveaux affiliés à indemniser et en demande d’information. ‘‘On est passé de 300.000 cas à un million de dossiers !’’, dit-on à la CSC. A la FGTB on affirme avoir ‘‘une augmentation du travail multiplié par trois’’ sur ce terrain. L’avalanche de pertes d’emplois a déjà commencé, il est plus que temps d’organiser notre résistance autour de revendications à hauteur des enjeux de cette période historique de crise du capitalisme et dont le point d’ancrage doit être la défense intransigeante des intérêts des travailleuses et des travailleurs.

    Le PSL propose la nationalisation, sans rachat ni indemnité, sous contrôle et gestion des travailleurs de chaque entreprise qui menace de délocaliser ou de procéder à des licenciements collectifs. La crise sanitaire a démontré que les manques à pourvoir sont légion dans cette société, les entreprises ainsi saisies pourraient voir leur production réorientée pour satisfaire les nécessités sociales. Et qui est mieux à même de le faire que le personnel lui-même ? Nous n’avons que faire des managers qui gèrent les entreprises publiques comme privées. Ce sont les travailleurs qui produisent les richesses, à eux de décider ! Et pour répartir le temps de travail disponible en fonction des forces disponibles et sans laisser personne sur le carreau, nous défendons la réduction collective du temps de travail, sans perte de salaire et avec embauches compensatoires !

    Évidemment, cela exigera de construire un rapport de forces conséquent, avec un plan d’action à long terme, avec des manifestations, des journées de grèves nationales, des grèves de solidarité avec les travailleurs menacés par les licenciements, des marches de chômeurs, etc. Notre seule issue est un syndicalisme de lutte qui n’a pas peur de menacer l’existence même du capitalisme.

  • Non aux licenciements. Nationalisation des entreprises qui jettent du personnel à la rue

    Aujourd’hui, c’est le secteur de l’aéronautique qui domine l’actualité au niveau des pertes d’emploi. Mais plusieurs prévisions estiment que jusqu’à 250.000 personnes pourraient peut-être perdre leur emploi à la suite de cette crise économique qui couvait depuis longtemps et qui a été déclenchée par la crise sanitaire. La période de troubles économiques dans laquelle nous sommes entrés ne peut être comparée qu’à celle qui a suivi le crash de 1929. Les ‘‘tsunamis sociaux’’ vont donc se suivre et la riposte des travailleuses et travailleurs ne peut attendre.

    Interdire les licenciements ?

    Le PS propose d’interdire les licenciements jusqu’au 31 octobre 2020. La députée fédérale Ludivine De Donder défendait ainsi la mesure sur RTL-TVI : ‘‘Est-ce que c’est irréaliste? Je ne pense pas car quand un travailleur est mis au chômage temporaire, ça ne coûte absolument rien à l’employeur car l’indemnité est prise en charge par la sécurité sociale. L’idée, c’est de laisser aux entreprises quelques mois pour évaluer l’impact de la reprise économique.’’ Plusieurs problèmes se posent cependant.

    Premièrement, la sécurité sociale a été pillée ces dernières décennies notamment à travers de toutes sortes d’exonérations de cotisations patronales. Ce n’est pas la première fois que le PS nous sort cette formule magique qui consiste à utiliser la sécurité sociale pour offrir un matelas aux patrons. Les caisses de la sécurité sociale sont faméliques : il faut de toute urgence renforcer le financement de la sécu. Et ça, on n’y parviendra pas sans que cela ne coûte ‘‘absolument rien à l’employeur’’. Ensuite, cette mesure serait temporaire en attendant ‘‘que les affaires reprennent’’. Dire que la crise économique sera finie dans quelques mois revient à espérer que le changement climatique passera avec l’hiver ! Mais l’idée est peut-être de rassurer le mouvement ouvrier pour éviter qu’il ne riposte trop fortement.

    Par le passé, des propositions d’interdiction des licenciements plus ambitieuses avaient été développées, notamment de la part du PTB concernant les ‘‘licenciements boursiers’’ d’entreprises toujours bénéficiaires. Mais comment faire accepter une telle loi au Parlement ? Et comment empêcher les entreprises de délocaliser si une telle loi voyait effectivement le jour ?

    Ne laisser aucun travailleur sur le carreau

    Notre point de départ doit être de défendre chaque travailleuse et chaque travailleur, qu’elle ou il soit menacé de licenciement dans une entreprise qui réalise des bénéfices ou pas. Le PSL défend donc la nationalisation, sans rachat ni indemnité, sous contrôle et gestion des travailleurs de chaque entreprise qui menace de délocaliser ou de procéder à des licenciements collectifs. La crise sanitaire a démontré que les manques à pourvoir sont légion dans cette société, les entreprises ainsi saisies pourraient voir leur production réorientée pour satisfaire les nécessités sociales. Et qui est mieux à même de le faire que le personnel lui-même ? Nous n’avons que faire des managers qui gèrent les entreprises publiques comme des privées. Ce sont les travailleurs qui produisent les richesses, à eux de décider !

    Evidemment, une proposition pareille, ça fait hurler du côté patronal. Ils ont hurlé aussi quand le mouvement ouvrier rêvait de congés payés par exemple. Mais ces congés payés, nous les avons arrachés. Pas en le demandant. Ni en cherchant à ce que cela ne coûte ‘‘absolument rien à l’employeur’’. Ces congés payés, nous les avons obtenus par la lutte concrète sur le terrain, en recourant à l’arme de la grève et à la mobilisation de masse. Rien ne justifie de s’y prendre autrement aujourd’hui.

    Il ne suffira pas d’organiser une promenade à Bruxelles pour défendre nos emplois et nos perspectives de vie. La solidarité ne manquera pas envers les travailleuses et travailleurs menacés. Mais il faudra mobiliser cette solidarité avec des journées d’action et un véritable plan d’action pour construire un puissant rapport de forces, avec des mobilisations provinciales et sectorielles successives et avec des grèves qui aboutissent à une grève générale et, si nécessaire, à plusieurs grèves générales. Nous devons en discuter dès aujourd’hui et discuter des méthodes d’action du mouvement ouvrier qui ont fait leurs preuves, comme la création de

    comité de grève et de comités d’action commun à plusieurs entreprises, l’occupation des entreprises et l’utilisation du matériel (bulldozers, autobus, grue,…) pour défendre le mouvement contre la répression policière.

  • GSK. Nationaliser pour sauver l’emploi


    Ce 5 février, le couperet est tombé: GSK a annoncé son “plan de transformation”. La restructuration touchera près des 1000 travailleurs: 595 cadres, 125 employés et 215 CDD (ouvriers et employés).

    La direction de GSK et les politiciens orientent le débat vers la bonne santé du secteur et la promesse de GSK de consacrer 500 millions d’euros à ses infrastructures en Belgique. Mais en orientent ces investissements dans la robotisation, l’automatisation et le matériel à usage unique, de nouveaux emplois deviendront obsolètes à l’avenir, essentiellement en production. Au niveau de l’entreprise, 500 millions sur 3 ans constituent moins de 1% des actifs et ce n’est en rien une promesse de maintien de l’emploi.

    Le site de Wavre est le plus grand site de production de vaccins au monde. Deux millions de doses sortent chaque jour du site.

    Le PSL appelle à la nationalisation de GSK sous contrôle et gestion démocratiques de la collectivité, sans rachat ni indemnités. Nationaliser pour sauver l’emploi. Nationaliser pour orienter la production selon les besoins: non aux pénuries de médicaments et de vaccins! Nationaliser pour orienter les investissements selon les besoins: pour financer le secteur des soins de santé qui en a grandement besoin. Nous apprenions il y a quelques jours la pénurie en vaccin contre le papillomavirus (HPV), le Gardasil9 de MSD. Or, le site de Wavre produit un vaccin contre le HPV, le Cervarix. Nationaliser permettrait de produire de manière à prévenir les pénuries mais aussi en vue d’exporter vers les pays où l’infection est mortelle faute d’infrastructures pour prendre en charge les malades, certainement dans de nombreux pays d’Afrique.

  • [INTERVIEW] L’occupation historique du chantier naval Harland & Wolff à Belfast

    Une lutte historique qui a sauvé des emplois

    Pendant neuf semaines, les travailleurs du chantier naval de Harland & Wolff à Belfast, un chantier historique d’où est sorti le Titanic, ont occupé leur site. Le chantier avait été placé sous administration judiciaire le 6 août, ce qui faisait planer la perte potentielle de 120 emplois dès lors que la maison mère en difficulté, Norwegian Dolphin Drilling, n’était pas parvenue à trouver un repreneur. Les travailleurs – membres des syndicats Unite et GMB – ont exigé que le gouvernement nationalise le chantier pour garantir son avenir. Les travailleurs, les jeunes et les syndicalistes se sont montrés solidaires de cette lutte importante afin de défendre cet emblème et de créer des emplois pour les générations à venir. Cette lutte a sauvé le chantier naval. Un nouveau repreneur a été trouvé..

    L’entretien ci-dessous a été réalisé avec Susan Fitzgerald, coordinatrice régionale d’Unite et membre du Socialist Party (section irlandaise du Comité pour une Internationale Ouvrière).

    L’occupation du chantier naval Harland & Wolff était vraiment historique. Peux-tu nous expliquer comment le conflit a éclaté ?

    Des semaines avant l’éclatement du conflit, un repreneur était l’objet exclusif de l’attention de l’administration du chantier. Cet acheteur avait promis de reprendre les actifs et la main-d’œuvre de Harland & Wolff. Mais, à la dernière minute, il a considérablement réduit son offre et, surtout, a refusé de reprendre la main-d’œuvre. À ce moment-là, la direction s’est pris la tête entre les mains et a laissé aux syndicats le soin d’élaborer un plan de sauvetage du chantier naval, de le présenter aux travailleurs et d’en plus en discuter avec le gouvernement, les responsables politiques et l’administrateur.

    Pendant que ces pourparlers se poursuivaient, nous avons organisé des réunions régulières à la cantine avec tous les travailleurs. En plus de les tenir au courant de ce qui se passait, nous avons soutenu qu’il leur fallait passer à l’action pour imprimer leur empreinte sur les événements. Nous avons fait référence aux leçons des occupations ouvrières de l’usine de Ford/Visteon à Belfast et de Waterford Crystal, il y a dix ans. Nous avons également parlé d’autres occupations, y compris celles dirigées par des socialistes comme Jimmy Reid, le syndicaliste écossais qui avait organisé la lutte contre les licenciements au chantier naval de la Clyde, en Écosse, dans les années 1970.

    Nous avons souligné ce qui était nécessaire pour sauver le chantier naval : sa renationalisation. Les travailleurs savaient que le chantier naval avait été nationalisé de 1977 à 1989. Les arguments en faveur de la nationalisation n’étaient pas ‘‘idéologiques’’, mais découlaient du fait qu’il n’y avait pas de solution facile de la part du secteur privé. Pourtant, nous disposions des moyens nécessaires à la production d’énergie verte, un domaine dans lequel le chantier naval s’était engagé au cours des 10 à 15 dernières années.

    Pendant que les pourparlers se poursuivaient, dans les coulisses, des plans étaient en cours d’élaboration pour occuper le chantier si nécessaire. Un ‘‘Cobra Committee’’ a été créé sur le lieu de travail, sur le modèle des comités d’urgence du gouvernement britannique (un Cabinet Office Briefing Rooms, ou COBRA, est un dispositif de coordination des secours mis en place par le gouvernement du Royaume-Uni en cas de catastrophe ou d’attaque, NdT). Le 29 juillet, il était devenu clair qu’aucun plan de sauvetage de dernière minute n’arriverait et qu’il fallait que les travailleurs déclarent qu’ils reprenaient le chantier naval. Parallèlement, un développement similaire prenait place à Ferguson Marine, à Glasgow, le gouvernement écossais annonçant qu’il nationaliserait le chantier naval. Cela a renforcé les arguments en faveur de la nationalisation : si c’était possible en Écosse, pourquoi pas ici ?

    C’est ainsi que la principale banderole suspendue à la célèbre grue Samson proclamait ‘‘Sauvons notre chantier naval : renationalisation immédiate !’’

    Les travailleurs ont reçu un soutien impressionnant. Comment cette solidarité s’est-elle manifestée ?

    Une fois cette banderole érigée et l’occupation commencée, la solidarité est venue de la part de tous les types de travailleurs auxquels vous pouvez penser. Les travailleurs de Bombardier, basés à côté du chantier naval, ont été parmi les premiers à s’impliquer. Dès le début de l’occupation, ils avaient leur propre banderole proclamant ‘‘Les travailleurs de Bombardier sont solidaires des travailleurs de Harland & Wolff’’. Dans une scène qui rappelait le passé, alors qu’ils manifestaient ensemble pour de meilleurs salaires, les travailleurs de Bombardier se sont rendus sur la route de l’aéroport et ont été accueillis par des applaudissements et des vivats. C’était vraiment émouvant.

    De nombreux travailleurs intérimaires qui étaient passés par le chantier naval sont revenus et se sont présentés quotidiennement à l’occupation pour offrir leur soutien en considérant ce combat pour ce qu’il était vraiment : une lutte pour des emplois décents qui les concernait donc au premier chef. Lorsque le chantier naval Ferguson Marine a été nationalisé, les travailleurs y ont déclaré que Harland & Wolff était le prochain sur la liste. Ils ont eux aussi confectionné leur banderole de solidarité et ont envoyé un de leurs responsables syndicaux à Belfast pour qu’il transmette leurs salutations solidaires.

    Avant que l’occupation ne commence, c’étaient les fonctionnaires qui étaient en grève. Ils se faisaient photographier en tenant des pancartes de solidarité avec le chantier naval. Des gens de toute l’Irlande du Nord se sont montrés présents : des footballeurs, des musiciens, des comédiens, des écrivains, des musiciens traditionnels, etc. Lorsque le Congrès irlandais des syndicats (Irish Congress of Trade Unions) a organisé un rassemblement, chaque syndicat a laissé son drapeau à l’occupation pour clairement signifier qu’il s’agissait d’une lutte au bénéfice de l’ensemble du mouvement et pour démontrer son unité.

    La solidarité est venue de toute l’île d’Irlande, des travailleurs du Sud sont venus visiter l’occupation. Des travailleurs d’Unite – Construction et d’Unite – Energie sont venus visiter l’occupation en apportant avec eux des milliers d’euros pour le fonds d’aide aux plus démunis. Les travailleurs de Waterford Crystal se sont déplacés pour partager leur expérience de lutte et ils sont revenus encore avec un soutien financier fantastique.

    Les travailleurs ont reçu de la solidarité, mais ils étaient prêts à en rendre. Pendant la semaine de la Belfast Pride, les travailleurs ont hissé deux drapeaux arc-en-ciel à la porte du chantier. Ils y flottent encore aujourd’hui. Lors de diverses manifestations de la Pride, des drapeaux et des t-shirts ‘‘Sauvons notre chantier naval’’ étaient portés en soutien à l’occupation. Beaucoup de gens brandissaient également les pancartes du Socialist Party qui proclamaient ‘‘La Pride signifie solidarité’’ ou ‘‘Soutenez les ouvriers du chantier naval’’. Le 20 septembre, journée de la 3e grève mondiale pour le climat, les travailleurs ont décoré le site avec des affiches en soutien aux grèves pour le climat, ont porté des t-shirts qui y faisaient référence et ont aidé à porter des banderoles syndicales lors de la manifestation.

    De même, lorsque Boris Johnson est venu à Stormont, les ouvriers du chantier naval ont été les premiers à manifester. Évidemment, d’autres personnes se sont jointes à eux et y ont expliqué leur cause, y compris des militants de la langue traditionnelle irlandaise. Les travailleurs du chantier naval ont discuté avec eux de la manière de dire ‘‘Sauvons notre chantier naval’’ en irlandais. Nous l’avons ensuite chanté ensemble. Ce geste a été posé par les travailleurs du chantier naval, sous la direction de Joe Passmore, représentant d’Unite, pour tendre la main à toutes les communautés d’Irlande du Nord et leur témoigner du respect, ce qui illustre le potentiel qui existe lorsque les travailleurs luttent ensemble sur base du respect mutuel et de la solidarité.

    Sur ce point, les médias et d’autres ont tenté d’injecter le poison du sectarisme dans le conflit. Comment y avez-vous fait face ?

    Les travailleurs étaient très en colère lorsque la BBC a montré de vieilles images d’un travailleur catholique d’il y a 40 ans en train d’être interviewé au sujet des intimidations sectaires sur son lieu de travail ; non pas parce que quiconque devrait se livrer à une révision du passé, mais parce que c’était une description grossière du chantier naval, particulièrement dans sa forme actuelle. Cela a été considéré comme une insulte dans le contexte d’une lutte unitaire pour la défense de l’emploi.

    C’était aussi une présentation unilatérale de ce qui s’est passé dans les chantiers navals. J’ai mis au défi le rédacteur économique de la BBC de couvrir l’histoire du délégué syndical principal Sandy Scott qui, il y a cinquante ans, lorsque les Troubles ont commencé, a organisé une réunion de masse des travailleurs parce que les travailleurs catholiques n’étaient pas venus travailler par crainte d’attaques provoquées par les protestants. Lors de la réunion, les travailleurs des chantiers navals ont adopté à l’unanimité une motion organisant une grève symbolique contre le sectarisme et les délégués syndicaux ont ensuite visité les maisons des travailleurs catholiques des chantiers navals en leur demandant de revenir, avec succès. Au même moment, Ian Paisley n’a pu mobiliser que 180 personnes sur un effectif de 8.000 personnes pour soutenir ses manifestations. Il y a eu beaucoup de discussions au chantier pour savoir pourquoi nous n’entendons jamais ces histoires. Jusqu’à présent, il ne semble pas que la BBC ait suivi notre suggestion, mais nous avons pris contact avec Sandy Scott pour lui parler de l’occupation et louer son rôle.

    Comme cela a déjà été précisé, les travailleurs exigeaient la nationalisation du chantier naval. En tant que marxiste, qu’entends-tu par ce terme de nationalisation ?

    La revendication de la nationalisation du chantier naval par le gouvernement est tout à fait sensée, en particulier dans le contexte de la nécessité de faire face à la crise environnementale et de créer des emplois verts.

    Personne ne comprend mieux que les travailleurs ce qu’il faut pour diriger le chantier naval, ou ce qu’il faut pour répondre à ses besoins. Personne n’a investi plus que les travailleurs eux-mêmes dans le chantier naval et personne n’a fait preuve d’une plus grande volonté de se battre pour lui que les travailleurs eux-mêmes. Donc, à mon avis, il est tout à fait logique que non seulement le chantier naval soit pris en charge par l’État, mais qu’il soit confié à de véritables experts – les travailleurs – pour qu’ils le dirigent. En d’autres termes, qu’il devrait y avoir un contrôle et une gestion du chantier naval par les travailleurs. Cela signifierait que les travailleurs pourraient prendre des décisions, non pas en tenant compte simplement du profit, mais en tenant compte de ce qui est socialement utile et dans l’intérêt de notre environnement – comme l’énergie verte.

    L’arrivée d’un nouveau repreneur représente une victoire importante, en ce sens qu’elle assure les chantiers navals et les emplois qualifiés pour le moment. Cela n’a été possible que grâce à la lutte, qui a permis que les travailleurs soient sous licenciement temporaire et non tout simplement licenciés et qui a assuré que le thème de la sauvegarde du chantier naval soit constamment rappelé à l’ordre du jour. Néanmoins, la nationalisation aurait été et reste le meilleur moyen d’assurer la sécurité à long terme du chantier naval et de veiller à ce que les compétences des travailleurs soient utilisées au mieux pour la société dans son ensemble. Cela n’a jamais été sérieusement envisagé, ce qui en dit long sur la politique des principaux partis locaux et des conservateurs.

    J’étais loin d’être la seule socialiste sur ce chantier naval et l’une des choses que l’on voyait vraiment, c’était la capacité des travailleurs à tirer rapidement des leçons profondes de la lutte dans laquelle ils étaient engagés. En même temps, nous avions là une main-d’œuvre aux opinions politiques et religieuses très différentes, y compris avec des convictions très fortes. Pourtant, les travailleurs se sont montrés capables de discuter de ces questions d’une manière respectueuse.

    Un point de vue qui est devenu plus clair, cependant, est que ni les politiciens unionistes ni les politiciens nationalistes ne représentent les intérêts de la classe ouvrière. Je pense qu’il a été compris que, lorsque vous êtes dans une bataille comme celle-ci, les seules personnes sur lesquelles vous pouvez vraiment compter sont les autres travailleurs et vos propres organisations. En tant que socialiste, je pense qu’il est plus que jamais nécessaire que le mouvement ouvrier mette son propre programme sur la table et examine comment il peut défier les principaux partis d’une manière qui puisse unir les travailleurs.

    D’importants mouvements de jeunes se développent, y compris des grèves scolaires contre le changement climatique. En quoi cette lutte ouvrière est-elle pertinente pour ces mouvements ?

    Personne ne comprend aussi bien que les travailleurs de Harland & Wolff le rôle que le chantier naval peut jouer dans la création d’énergie verte. Au cours des 10 à 15 dernières années, ces travailleurs ont participé à la fabrication de prototypes et à la construction de l’infrastructure physique nécessaire aux éoliennes en mer. En tant que syndicat, nous nous battons depuis des années pour que Harland & Wolff devienne un spécialiste de l’énergie verte. Avant la récente crise, les représentants et moi-même avons pris l’initiative de rechercher et d’identifier les travaux possibles dans ce secteur. Nous avons utilisé la position du Socialist Party au Dáil (le parlement de la République irlandaise) pour poser des questions sur les projets à venir qui pourraient apporter du travail. Nous avons aussi voulu pousser les dirigeants d’Unite à faire de même au Parlement de Westminster, à Londres. Mais, rétrospectivement, il est clair que la direction n’avait aucun intérêt réel et qu’elle avait abandonné.

    Les écologistes connaîtront InfaStrata, la société qui a repris le chantier naval, pour son rôle dans le forage exploratoire de pétrole à Woodburn Forest près de Carrickfergus et le projet controversé de stockage de gaz à Islandmagee. Des membres du Socialist Party et de nombreux militants syndicaux ont participé à ces campagnes. Il ne fait aucun doute que de nombreux travailleurs voudront que leurs compétences soient mises à profit pour faire face à la catastrophe environnementale et le syndicat continuera de faire campagne en faveur des emplois verts et d’une transition juste. Le problème central, cependant, est que vous ne pouvez pas contrôler ce que vous ne possédez pas. Laissé entre des mains privées, le chantier naval sera utilisé pour ce qui est le plus rentable, qu’il s’agisse d’énergie renouvelable ou de combustibles fossiles. La seule façon de garantir que le chantier naval soit utilisé de manière écologique, c’est de le placer sous propriété publique et sous contrôle démocratique des travailleurs.

    Les travailleurs, bien sûr, savent aussi qu’un grand nombre des jeunes qui leur ont rendu visite sur le site étaient de jeunes socialistes et des militants écologistes. Tous les travailleurs ont vu dans la lutte qu’ils menaient non seulement la défense de leur emploi, mais aussi la lutte pour l’avenir des jeunes. Sauver le chantier naval donne l’occasion de transmettre les compétences qui existent dans le chantier naval à une génération plus jeune en faisant venir des apprentis, ce qui est essentiel si nous voulons utiliser le chantier naval pour créer des emplois verts.

    Assistons-nous à une reprise des luttes ouvrières en Irlande du Nord ? Il y a eu la grève des fonctionnaires, mais aussi celle des facteurs et celle des infirmières. D’autre part, 1.200 emplois sont menacés chez Wrightbus. Quelles leçons pensez-vous que les travailleurs peuvent tirer de ce conflit ?

    Avant ce conflit, le chantier naval et l’idée de la construction navale à Belfast étaient considérés comme une relique du passé. Ce sont les travailleurs eux-mêmes qui avaient confiance en l’avenir de l’industrie et qui pouvaient voir comment leurs compétences pouvaient être mises à profit.

    L’occupation a démontré la capacité des travailleurs à s’organiser et à relever le défi. Chaque jour de l’occupation, j’ai été témoin de l’ingéniosité et d’une grande capacité à régler des problèmes, petits ou grands. Ces travailleurs sont devenus des guerriers de classe pour répondre aux besoins de la lutte – organiser les finances, gérer les rotations, développer des structures et, surtout, développer un plan d’action pour gagner. Ils ont montré qu’ils peuvent défendre leur cause de façon réfléchie, tant vis-à-vis des médias que dans les réunions, tout en prenant soin les uns des autres pendant ces longues semaines. C’est impressionnant de voir comment la pensée des travailleurs était aiguisée, aux réunions ou dans des discussions privées, et avait développé une capacité à percer à jour les manœuvres des capitalistes.

    L’autre leçon dont nous avons parlé tout à l’heure, c’est que lorsqu’un groupe de travailleurs prend position, des milliers de travailleurs de tous horizons font preuve de solidarité. Nous avons été particulièrement surpris par la solidarité des syndicalistes et des travailleurs d’Afrique du Sud qui ont appris le conflit par l’intermédiaire de l’organisation sœur du Socialist Party, le Workers and Socialist Party. L’idée que ces travailleurs durement éprouvés ont été inspirés et ont agi en solidarité avec les travailleurs de Belfast était tout simplement incroyable et faisait l’objet de nombreuses conversations.

    Wrightbus est une autre illustration graphique du mépris total du système capitaliste pour les travailleurs, de sa volonté de jeter à la casse des travailleurs qualifiés qui ont donné des années de leur vie à une entreprise. La leçon de Harland & Wolff est que la lutte et la solidarité de classe sont essentielles à la défense de l’emploi. Au moment où nous parlons, les travailleurs du chantier louent des autobus pour se joindre aux travailleurs de Wrightbus à Ballymena dans un rassemblement pour sauver leur emploi.

    Comme avait l’habitude de dire le dirigeant syndical Bob Crow : ‘‘Si vous vous battez, vous pouvez gagner, sinon, vous avez déjà perdu’’. Il n’y a aucune garantie de victoire, mais la lutte de ces travailleurs a été essentielle pour garantir leurs emplois et l’avenir du chantier. La dernière chose que je voudrais dire, c’est que la lutte de ces travailleurs montre qu’une alternative socialiste aux échecs du capitalisme est possible et que l’agent clé pour y parvenir est la classe ouvrière.

  • Idées dangereuses: Réduction collective du temps de travail et nationalisations

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    En prêtant attention aux nouvelles dans les médias, on pourrait oublier que ce ne sont vraiment pas les moyens qui manquent dans cette société. Encore faut-il savoir où regarder : vers les Bahamas, Panama et, plus près de chez nous, le Luxembourg ou encore la Suisse, où vient encore d’émigrer Alexandre Van Damme, plus riche fortune de Belgique et plus important actionnaire individuel d’InBev. Mais, pour Charles Michel et sa clique, pas question de toucher à tout ça ! Comme le disait l’écrivain français Alphonse Allais à l’aube du XXe siècle : ‘‘Il faut prendre l’argent là où il se trouve: chez les pauvres. D’ accord, ils n’en ont pas beaucoup, mais ils sont si nombreux!’’

    Malades, précaires, jeunes, travailleurs âgés,… Personne n’est à l’abri !

    La conclusion du dernier budget a fait mal. Très mal. Surtout dans la sécurité sociale (1,4 milliard) et plus particulièrement dans la santé (près d’un milliard). En début d’année, la ministre Maggie De Block avait averti que des économies supplémentaires se profilaient à l’horizon dans la sécurité sociale. Bart De Wever tonnait alors qu’il n’existait plus de marge pour de nouvelles économies que là-bas. En février, le chef de la Fédération des entreprises belges (FEB) Pieter Timmermans revendiquait 1,5 milliard d’assainissement budgétaire dans la sécurité sociale dans les trois à cinq années à venir. Il n’aura pas besoin d’attendre si longtemps, tout lui est servi sur un plateau d’argent. Les employeurs ont bien des raisons de se féliciter de ce gouvernement avec lequel Noël n’en finit pas.

    Les malades sont donc en ligne de mire et ils sont loin d’être seuls. Le gouvernement lorgne également vers les plus pauvres (l’enveloppe ‘‘bien-être’’ pour les allocataires sociaux doit être ramenée à 75%) et les prépensionnés tandis les employeurs devraient maintenant payer 10% des indemnités de la mutuelle aux salariées enceintes écartées. Les patrons réfléchiront maintenant à deux fois avant d’engager des jeunes femmes qui pourraient potentiellement tomber enceintes…

    Tous les travailleurs sont perdants. Au moindre revers, ils se retrouvent condamnés à la pauvreté et un tel malheur est bien plus susceptible d’arriver aujourd’hui avec la flexibilisation accrue du travail consécutive à la Loi Peeters. Les choses ne seront pas simples pour les jeunes qui voudraient mettre un peu de sous de côté en prévision de telles périodes de vaches maigres : leur salaire minimum est considéré ‘‘irréaliste’’ par Michel et sa bande, qui ont donc décidé de le réduire d’un tiers !

    Cela exercera bien entendu une pression à la baisse sur les salaires de tous, tout en étendant encore le secteur à bas salaires. C’est qu’il faut, pour l’establishment pro-patronal, réduire le fameux ‘‘handicap salarial’’ qui plomberait l’économie du pays. Dans le secteur public, cela s’accompagne d’une nouvelle réduction des pensions. Et après que l’armée ait été déployée à peu près partout par le gouvernement, les militaires sont ‘‘remerciés’’ par une prolongation drastique de leur carrière avant de partir en retraite (7 ans !), tout comme le personnel roulant des chemins de fer. Le gouvernement n’a pas osé parler de ce que cela pourrait signifier pour la sécurité ferroviaire…

    La N-VA et l’Open-VLD ont trouvé inacceptable l’idée d’une taxe, même limitée, sur les plus-values boursières. Cette dernière ne visait pas du tout à équilibrer la nature antisociale des efforts budgétaires, mais même faire semblant de s’en prendre aux plus riches est visiblement de trop. Bart De Wever n’a pas tardé à leur faire les yeux doux en postant sur Twitter ‘‘A l’impôt sur les sociétés maintenant !’’

    Mais réjouissez-vous, défend Kris Peeters, tout cela permettra de créer des emplois ! Vraiment ? Mais oui !, entonnent en chœur tous ses collègues. D’ailleurs Charles Michel ne dit-il pas que sa politique de ‘‘Jobs, jobs, jobs’’ commence à porter ses fruits ? Les faits sont plus têtus que la propagande gouvernementale.

    L’échec des solutions basées sur le marché

    Une semaine à peine après l’annonce des licenciements chez ING, Charles Michel annonçait : ‘‘Nos réformes portent leurs premiers fruits, nous poursuivons sur cette lancée. (…) Un, la modernisation du marché du marché du travail. Deux, la réforme de la loi de 1996 sur la compétitivité et la formation des salaires.’’ Les 70.000 emplois créés depuis 2014 seraient-ils les premiers fruits de la politique du gouvernement? Pourtant, à cette date, le bureau du plan prévoyait déjà la création de 65.000 emplois entre 2014 et 2016 à politique inchangée… Et puis au-delà du nombre de fruits, parlons de leur chair, plutôt viciée : sur les 70.000, 9.000 à peine sont des temps pleins(1) !

    Pour le reste, en 2014, 5.830 travailleurs étaient concernés par un licenciement collectif et 28.534 par une faillite. En 2015, il s’agissait de 5.209 par les licenciements collectifs et de 25.339 par les faillites.(2) Et la machine s’emballe. Les statistiques du SPF Emploi parlaient début octobre de 12.000 travailleurs menacés par un licenciement collectif pour les seuls 9 premiers mois de l’année, soit plus que les deux années précédentes réunies. En septembre uniquement, plus de 4.000 postes de travail étaient concernés avec notamment Caterpillar Gosselies et Douwe Egberts Grimbergen. Sans compter les pertes chez les sous-traitants (estimées entre 4.000 et 5.000 pour la seule fermeture du site de Gosselies). Le mois d’octobre était à peine entamé qu’ING annonçait la suppression de 3.500 emplois, soit la plus importante vague de licenciements collectifs depuis 2012 et la fermeture de l’usine Ford Genk (4.300 personnes).

    Les emplois décents disparaissent, la précarité se généralise

    Le discours des grands employeurs et de leurs partisans est que le salut, c’est la flexi-sécurité : accroître la flexibilité du travail au maximum pour assurer le maintien de l’emploi. C’est l’idée maîtresse derrière toutes les lois travail qui ont déferlé sur l’Europe (dernièrement la Loi El Khomri en France et la Loi Peeters en Belgique) qui s’appuient presque invariablement sur quatre grands principes : abaisser les salaires, faciliter le licenciement et généraliser l’intérim, décentraliser les négociations patron-salarié (c’est-à-dire détricoter les conventions collectives de travail nationales) et, enfin, allonger le temps de travail.

    L’Allemagne fut un véritable précurseur dans ce domaine avec les lois Hartz de 2003-2005. La précarité a explosé et 17% de la population frisait le seuil de pauvreté en 2015(3). 2 millions de travailleurs cumulent plusieurs emplois pour s’en sortir. 6 millions d’équivalent temps plein existent sous la forme de mini-jobs à 400 euros par mois et 27% des emplois sont à temps partiel(4). En Grèce, sur injonction de la Troïka, les prétendus ‘‘coûts’’ salariaux ont baissé de 24% entre 2010 et 2014. La marge de profit à l’exportation a augmenté de 36%, à prix unitaire égal(5) tandis que le chômage passait de 12% en 2010 à 26% aujourd’hui(6).

    Il n’en va pas autrement en Belgique. Selon le dernier ‘‘Thermomètre Solidaris’’ (octobre 2016), un travailleur belge sur sept vit en dessous du seuil de pauvreté et 40% d’entre eux affirment rencontrer des difficultés à boucler leurs fins de mois. Parallèlement, la pression au travail augmente. Les épuisements professionnels et les dépressions ont été multipliés par trois entre 2007 et 2014 selon l’Inami, tandis que 64% des travailleurs déclarent subir un stress au travail.

    Autre élément, selon les données de la société de services de ressources humaines SD Worx, Le premier semestre de cette année, 482.000 employés travaillaient sous le régime de 4/5e temps en Belgique, soit le double du nombre enregistré en 2000. C’est particulièrement parmi la jeunesse que ce chiffre explose : + 69% entre 2008 et 2015 chez les jeunes de moins de trente ans.(7) Les commentateurs tentent de noyer le chiffre derrière de grands discours sur la jeunesse qui privilégie ‘‘sa famille et sa vie privée’’, mais il s’agit d’une conséquence directe de l’augmentation vertigineuse des offres d’emploi à temps partiels. Quelles perspectives d’avenir avoir sous ces conditions ?

    La réduction collective du temps de travail (RCTT) ans perte de salaire et avec embauches compensatoires

    rctt_anticapitalismeTout ce qui précède plaide naturellement en faveur d’une révision radicale de la manière dont le travail est envisagé dans la société et notamment de la vieille revendication de la réduction collective du temps de travail avec embauches compensatoires et sans perte de salaire. Ce n’est du reste pas un hasard si diverses organisations en parlent de plus en plus ces derniers temps (FGTB, MOC, PTB,… et même le PS).

    Selon les derniers chiffres de l’Institut du Développement Durable (IDD), la moyenne des heures de travail prestées serait actuellement de 1440 heures par an et par travailleur, soit environ 30h/semaine. Cette réduction du temps de travail est donc bien à l’œuvre, mais elle s’opère aux frais des travailleurs et au prix d’un véritable désastre social. Tandis que certains sont condamnés à la misère et aux contrôles de disponibilité de l’ONEM, d’autres sont tout simplement pressés comme des citrons alors qu’une heure de travail produit 5 fois plus de valeurs qu’il y a 30 ans.

    Quelle réduction imposer ?

    En France, le passage aux 35 heures de travail par semaine fut effectif à partir de l’an 2000. Selon le bureau d’études Poliargus, environ 350.000 emplois furent créés en conséquence. Mais ce bureau attire l’accent sur le fait que l’augmentation des cadences de travail et du nombre d’heures supplémentaires a considérablement amoindri l’impact de la mesure.

    C’est la raison pour laquelle les divers modèles en discussion parlent d’un passage à la semaine des 4 jours ou au 32 voire 30 heures de travail par semaine, afin d’assurer que le temps gagné ainsi conduise réellement à des embauches supplémentaires et non pas à une augmentation de la charge de travail souvent déjà invivable.

    Comment l’instaurer ?

    C’est ici que le débat est le plus vif. Certains, comme l’économiste français Pierre Larrouturou, défendent de puiser dans les caisses de la sécurité sociale pour accorder de nouvelles réductions de charges aux employeurs afin de les convaincre. Il faudrait donc, une nouvelle fois, pomper sur le salaire indirect des travailleurs alors que la part de la valeur qui leur revient dans le Produit intérieur brut (PIB) sous forme de salaire est passée de 67% en 1980 à 57% en 2006 dans le top 15 des pays de l’OCDE. La tendance continue(8).

    A l’instar de Bruno Beauraind (secrétaire général du Groupe Recherche Pour une Economie Alternative), nous trouvons inacceptable d’opposer salaire et réduction du temps de travail. Fondamentalement, ce débat est aussi celui du contrôle des richesses produites par la société.

    Les plus grandes victoires sur la durée du temps de travail n’ont jamais été acquises par la concertation et la négociation. La journée des 8 heures inscrite dans la loi en 1921 a été conquise par la lutte des travailleurs dans la majorité des secteurs dès 1919. Si, à cette époque, les travailleurs avaient attendu que les représentants politiques instaurent une loi ‘‘réaliste et pragmatique’’, nous travaillerions toujours plus de 10 heures par jour au 21e siècle. Le seul élément de pragmatisme d’une revendication, c’est le rapport de force sur lequel il repose à la base de la société.

    Cependant, à l’époque, la réaction des capitalistes ne se fit pas attendre : avec la rationalisation croissante de la production et la généralisation du taylorisme, ils purent récupérer leur manque à gagner en augmentant la pénibilité du travail. C’est pourquoi la nécessité d’un contrôle des travailleurs sur la manière dont est mise en place une réforme du temps de travail est indispensable.

    La nationalisation sous contrôle et gestion des travailleurs

    nationalisationBien entendu, l’instauration de ce type de mesure entrainera la fureur du monde patronal qui fera pleuvoir les menaces de délocalisations et de fermetures d’entreprises. La seule manière de riposter, comme dans tous les cas de licenciements collectifs, c’est de lutter pour l’expropriation des entreprises sans rachat ni indemnité et la nationalisation de celles-ci sous contrôle et gestion des travailleurs.

    Qu’est-ce qu’une nationalisation ?

    La propriété privée des principaux leviers de commande de l’économie (finance, grande distribution, sidérurgie, grandes entreprises,…) est le fondement même de la société capitaliste. Même si toutes les richesses sont l’œuvre des travailleurs, elles ne leur reviennent pas. Pour la classe capitaliste, le seul intérêt de la production économique, c’est d’en retirer du profit.

    La nationalisation vise à lui retirer le pouvoir économique. Pour peu que cela se fasse sous le contrôle et la gestion des travailleurs, cela mine les bases du règne du capitalisme. C’est donc une question de vie ou de mort pour le système d’empêcher que de tels types de nationalisations se produisent.

    Nationaliser, cela implique automatiquement une sortie du système capitaliste ?

    Non. La classe capitaliste peut être forcée de se tourner vers la nationalisation pour dépasser les limites et les contradictions de son propre système. C’est ce que nous avons vu avec la crise de 1929 ou encore celle de 2008. Dans ces deux cas, les autorités ont repris la main sur de grandes banques par le biais de nationalisations pour empêcher la banqueroute du système. Tout dépend de la manière dont ces nationalisations sont opérées et de leur but.

    En Europe, entre 1945 et 1973, la nationalisation des secteurs stratégiques des services et de l’industrie faisait consensus. Il était normal que État intervienne dans l’économie pour assister sa classe capitaliste dans sa concurrence avec les capitalistes étrangers. Le poids du mouvement ouvrier organisé (tant sur le plan syndical que politique) a également joué un rôle important, les nationalisations représentaient alors une exigence centrale des partis de gauche. En France, François Mitterrand a procédé à la nationalisation de trente-neuf banques, de cinq groupes industriels et de deux compagnies financières en 1982. En 1983, un travailleur sur quatre travaillait dans le secteur public français. La tendance s’est ensuite inversée, en France avec le ‘‘tournant de la rigueur’’ et plus généralement avec la contre-révolution néolibérale de Reagan et Thatcher.

    Dans tous ces cas, les nationalisations ne visaient pas à sortir du cadre du capitalisme.

    Comment fonctionnerait une nationalisation sous contrôle et gestion des travailleurs ?

    Proximus et Bpost, par exemple, sont des entreprises publiques où l’État n’est qu’un actionnaire parmi d’autres. Les autorités ne sont plus propriétaires qu’à 51% et le fonctionnement de l’activité économique est tout à fait similaire à celui des entreprises privées.

    D’autres méthodes de gestion ont eu lieu par le passé, comme la ‘‘cogestion’’ entre syndicats et patrons qui s’est particulièrement développée dans les années ’70 et que le PS voudrait remettre au goût du jour. Ce fut une illusion de ‘‘démocratie sociale’’ qui a entrainé les syndicats dans la gestion capitaliste des entreprises tout en développant une corruption directe et indirecte des couches supérieures de la bureaucratie syndicale. C’est précisément ce que voulaient les patrons. En Allemagne, un scandale concernant les millions d’euros de pots-de-vin dont bénéficiaient les dirigeants du syndicat IG Metall dans le cadre de la ‘‘cogestion’’ chez Volkswagen a éclaté en 2007. La ‘‘cogestion’’ n’accroit pas le contrôle des travailleurs sur les patrons, cela augmente seulement le contrôle des patrons sur les directions syndicales.

    Nous défendons que les nationalisations soient menées sous le contrôle et la gestion des travailleurs. Le principe ne doit pas être de préserver le contrôle de la classe capitaliste et de trouver des accommodations avec mais au contraire de briser son règne.

    Ce contrôle des travailleurs serait exercé à partir de comités d’entreprises composés de représentants démocratiquement élus des travailleurs, des syndicats, des communautés locales et des groupes de consommateurs. Ces comités scruteraient et contrôleraient chaque aspect de l’activité d’une entreprise nationalisée. Le ‘‘secret commercial’’ serait aboli de manière à ce que chaque travailleur puisse avoir accès à l’intégralité des données nécessaires au bon fonctionnement de l’activité économique.

    Ces comités détermineraient comment les ressources seraient utilisées, quels seraient les plans d’investissement,… Cette implication directe des travailleurs dans le processus de décision assurerait que le fonctionnement économique soit à leur bénéfice. Même des managers et techniciens de haut vol seraient enthousiastes à travailler dans un tel cadre qui mettrait un terme à leurs conditions d’exploitation.

    Comment instaurer cela ?

    Il nous faudra construire un rapport de force basé sur la force collective de la classe des travailleurs. Dans le cas d’une entreprise menacée de fermeture ou de licenciements collectifs, par exemple, commencer par l’occupation du site est un bon premier pas vers son expropriation. Les comités de grève ou de lutte peuvent au bout d’un moment devenir les comités de gestion de l’activité de l’entreprise relancée par les travailleurs eux-mêmes, débarrassés des actionnaires et des directions autoritaires.

    À partir de là, toute la question est de mobiliser la solidarité active de la population et de continuer la lutte jusqu’à ce que tous les secteurs clés de l’économie soient aux mains de la collectivité.

    Les nationalisations n’ont-elles pas failli dans le passé ?

    Dans chacun des échecs d’une nationalisation, il manquait l’élément crucial du contrôle et de la gestion des travailleurs, comme en URSS. Le règne du capitalisme avait bien été brisé à partir de la révolution russe de 1917, mais la contre-révolution stalinienne (liée à la fois à l’isolement de la révolution russe et à l’extrême arriération économique et culturelle du pays) a substitué la dictature bureaucratique à la démocratie des conseils ouvriers et paysans.

    La démocratie n’est pas une option, c’est un élément indispensable. Après la révolution russe d’Octobre 1917, Lénine ne cessait d’insister sur ce point, il exhortait les travailleurs à ‘‘prendre les choses en main’’. Par la suite, analysant les difficultés de l’économie bureaucratiquement planifiée sous le règne stalinien dans les années ’30, Léon Trotsky expliquait notamment : ‘‘une économie planifiée a besoin de démocratie comme un corps a besoin d’oxygène.’’ Les comités de travailleurs ont un rôle central à jouer dans ce cadre, ce seront les organes de masse de la démocratie populaire.

    Au final, la totalité de l’économie devra être placée sous le contrôle et la gestion des travailleurs qui coopéreront pour élaborer démocratiquement une planification de l’ensemble de la production économique pour remplacer le chaos de l’économie de marché. Voilà ce que signifie le socialisme. Tout ce qui se situe en-deçà ne sera jamais qu’une victoire temporaire sous la pression des vestiges du capitalisme.

    NOTES:
    (1) De Standaard, édition du 7 octobre 2016.
    (2) SPF Emploi, ‘‘Statistiques relatives aux pertes d’emploi en Belgique en 2015’’, http://www.emploi.belgique.be/defaultNews.aspx?id=44762
    (3) Eurostat, aangehaald door http://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-vrai-du-faux/moins-de-chomeurs-mais-beaucoup-plus-de-pauvres-en-allemagne_1779393.html
    (4) Eurostat
    (5) http://alencontre.org/europe/grece-une-economie-dependante-et-rentiere.html
    (6) http://www.cadtm.org/Les-reformes-du-droit-du-travail
    (7) http://www.levif.be/actualite/belgique/emploi-le-quatre-cinquiemes-temps-en-plein-essor/article-normal-561111.html
    (8) http://rue89.nouvelobs.com/2013/12/22/pierre-larrouturou-nouvelle-donne-peut-tout-changer-an-deux-248408

  • Caterpillar: pourquoi et comment nationaliser ?

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    L’annonce de la fermeture de la filiale de Caterpillar à Gosselies, Charleroi, a ébranlé la rhétorique gouvernementale. Jusqu’ici, le gouvernement s’accrochait exclusivement à l’idée selon laquelle la réduction des dépenses publiques, des allocations sociales et des salaires allait attirer les investisseurs. ‘‘Jobs, jobs, jobs’’, c’est là-dessus que le gouvernement devait être jugé. Mais aujourd’hui coulent les larmes de crocodile. Charles Michel parle de la brutalité de la multinationale, Paul Magnette prend des selfies et tout le monde est en colère contre les nombreux cadeaux fiscaux perdus. Même le président du MR Olivier Chastel a parlé de ‘‘saisie’’ de l’outil et du site.

    Par Eric Byl

    Olivier Chastel a donc voulu mettre les choses en ordre au MR. Quelques responsables du parti avaient montré un manque flagrant d’empathie ou s’étaient prononcés de façon dédaigneuse au sujet de la proposition du PTB de confisquer le terrain du site. Il s’agit d’environ 98ha dans les environs de l’aéroport et de la zone industrielle Aéropole. Chastel voudrait éviter que Caterpillar ne vende le terrain pour payer le plan social. Le président du MR a donc immédiatement dépassé sur leur gauche le gouvernement wallon et le centre-gauche. Il a dit vouloir ‘‘une lutte sans merci’’ en utilisant tous les moyens légaux ‘‘pour compliquer la vie des dirigeants de l’entreprise américaine.’’ Un libéral indigné de ce commentaire l’a qualifié de ‘‘puéril’’ dans une réponse qui fut virale. Chastel a même été accusé d’être un ‘‘communiste’’. Un lecteur plus sensible, a cependant compris la manœuvre de Chastel: ‘‘bander les muscles pour le public pendant que les véritables négociations se tiennent dans le secret des coulisses.’’

    Selon le PS, personne ne croit à l’option de la saisie. Avec l’Union Wallonne des Entreprises, il pense que cela compliquera les négociations avec un acheteur potentiel. Magnette veut au contraire convaincre la direction de Caterpillar avec des arguments économiques – de nouveaux cadeaux fiscaux? – pour revenir sur sa décision. Le PS demande cependant au gouvernement fédéral, à la grande irritation de la N-VA, d’appliquer les mesures en vigueur à Ford Genk (dont la fermeture avait été annoncée en 2012) en termes de prépension, de chômage économique et d’extension des mesures sociales aux sous-traitants. En 2013, avec la fermeture de la phase à chaud d’ArcelorMittal, le ministre wallon de l’Economie Jean-Claude Marcourt (PS) avait ‘‘tenté’’ d’élaborer un décret d’expropriation sur lequel le CDH et le MR ont immédiatement tiré à boulets rouges. Chastel affirme mieux comprendre aujourd’hui les propositions de Marcourt.

    ECOLO n’arrive pas plus loin que la revendication d’une réunion du Comité de développement stratégique de la région de Charleroi pour empêcher que la décision ne se concrétise ou pour en atténuer les effets. Le cdH veut reporter le dossier, exige une analyse des cadeaux fiscaux et des raisons qui n’ont pas permis d’empêcher la fermeture. Il demande également la nomination d’un médiateur social. Le PTB appelle à la ‘‘saisie temporaire’’, ce qui est possible, selon Raoul Hedebouw, par un simple Décret Royal, pour mettre Caterpillar sous pression afin de réviser les quotas de production entre les sites. Répartir la baisse de production entre les différents sites? La solidarité internationale impliquerait de lutter ensemble pour une réduction globale du temps de travail sans perte de salaire. Dans son tract du 16 septembre, le PTB plaidait en outre pour un ‘‘blocage de la production’’ et la ‘‘décrédibilisation de la marque’’.

    Cette référence à la décrédibilisation de la marque est peut-être une concession à la pression publique pour de ‘‘nouveaux moyens d’action’’. Habituellement, il s’agit d’une version rafraîchie du vieux militantisme par la consommation. Le fait est qu’en 1997, après la fermeture de son usine à Vilvoorde, jamais autant de Renault n’ont été vendues en Belgique. D’autre part, comme les acheteurs de bulldozers ne sont pas légions dans la population ordinaire, l’impact de la décrédibilisation de la marque sera encore moindre. Le blocage immédiat de la production nous semble représenter une meilleure proposition : bloquer toutes les livraisons en occupant l’entreprise, utiliser le site comme quartier général de la lutte pour la préservation des emplois et, à partir de là, envoyer des groupes de travailleurs dans tous les coins du pays et en faire un point de ralliement pour les syndicalistes combatifs et autres sympathisants. Pour construire un rapport de forces, ça aurait été une étape importante. Mais ce n’est pas ce qu’entend le PTB. Selon son site web, il veut que les travailleurs laissent l’initiative du blocage au gouvernement par la saisie temporaire. Après les prochaines élections ?

    L’occupation de l’entreprise est cependant l’une des meilleures traditions du mouvement ouvrier, y compris en Belgique, inondée d’occupations entre 1970 et 1975. Dans quel but? Habituellement, il s’agit d’une prise de contrôle par le gouvernement par la nationalisation. Le plus grand boom économique de l’histoire, après-guerre, a été précédé d’une vague d’occupations d’usines et nationalisations. Cela n’a pas empêchés les ‘‘années dorées’’ ‘60 et ‘70. Ce n’est que lorsque que l’offensive néo-libérale de Thatcher et Reagan a connu sa vitesse de croisière après la chute du mur de Berlin en 1989 que l’opinion selon laquelle le secteur privé était plus efficace que le public a commencé à être plus généralement acceptée. L’idée reposait sur une présentation caricaturale des choses qui mettait en exergue la bureaucratie dans un processus de nationalisation sans contrôle des travailleurs. On laissait par contre plus facilement de côté les exemples où le marché avait rayées des communautés entières de la carte socio-économique et écologique.

    Les politiciens versent aussi une larme de crocodile pour les employés des nombreux sous-traitants et fournisseurs. Ils admettent ainsi implicitement que Caterpillar est une entreprise systémique dans la région. Beaucoup d’autres entreprises et de travailleurs indépendants de même que toute la communauté seront entraîné dans son piège. Au début de la crise économique, des banques systémiques ont pu être nationalisées en dépit de toute la rhétorique néolibérale ‘‘pour protéger le reste de l’économie’’. Pourquoi les choses seraient-elles différentes pour une entreprise industrielle?

    Charles Michel déclarait, il y a quelques semaines encore, vouloir investir dans l’infrastructure, l’enseignement et les innovations créatives. Les machines pour les travaux d’infrastructure sont prêtes à être saisies. Et pendant que nous nous occupons ainsi de notre infrastructure, Michel peut combiner la créativité des universités belges pour élaborer un projet durable pour une usine ultra-moderne de machines multifonctionnelles. Des collèges techniques et des écoles d’ingénieurs bénéficieraient immédiatement d’un endroit idéal pour donner libre cours à leur créativité. La banque nationalisée Belfius pourrait se voir obligée de mobiliser de l’argent frais pour cela, au lieu de pousser les épargnants vers le marché des capitaux à risques. Voilà qui serait une ‘‘politique industrielle intégrée’’. La participation et le contrôle démocratique des travailleurs et de la collectivité garantiraient une vision à long terme tout en mettant un frein à la soif de profits rapides de propriétaires qui se fichent de la communauté dans la région touchée.

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    Comment lutter contre les fermetures ? L’exemple des Forges de Clabecq, il y a 20 ans

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    Au centre, Gustave Dache. Autrour de lui: Silvio Marra et Roberto D’Orazio de la délégation syndicale des Forges de Clabecq dans les années ‘90. Photo : Karim Brikci / Collectif Krasnyi

    En décembre 1996, les Forges de Clabecq sont déclarées en faillite. Les actionnaires avaient pris la poudre d’escampette. Les délégations syndicales prennent alors la sécurité du site en main et occupent l’entreprise. Ils se rendent compte qu’ils auront besoin de la mobilisation permanente de tous les 1800 travailleurs, mais ils sont bien préparés. Avant même la faillite, la délégation FGTB nous expliquait qu’ils discutaient chaque semaine de l’évolution mondiale du marché de l’acier, qu’ils évaluaient la position des Forges et préparaient ainsi politiquement les militants pour ce qui allait survenir et, surtout, comment y faire face. Au travers de dizaines de militants, toute l’usine était politiquement prête.

    A partir de la faillite, environ 1.500 travailleurs se réunissent toutes les deux semaines à peu près, dans l’un des halls vides de l’usine, pour dresser un état de lieu et lancer des propositions d’action. La délégation réalise bien le danger que certains, au fil du temps, restent à la maison. Les militants contrarient cela en appelant chacun bien à l’avance et, si nécessaire, en leur rendant une visite à la maison. Ici, pas de privilèges ou de tapis rouge pour les journalistes. Le ‘‘pape rouge’’ ou encore le ‘‘clan D’Orazio’’ est fustigé dans la presse pour cela. Mais les sympathisants d’autres entreprises et les militants de gauche sont accueillis à bras ouverts. La distribution de tracts et la vente de journaux de gauche n’y est pas considéré comme un problème, mais comme une contribution précieuse au débat. Les plus motivés sont reçus par la délégation lors des réunions régulières, de sorte que non seulement leur solidarité est reçue mais aussi leur mobilisation et leur capacité organisationnelle.

    A coups de bus remplis de travailleurs de Clabecq, une mobilisation se lance dans tout le pays. La délégation est ainsi capable de réunir 70.000 manifestants à Clabecq le 2 février 1997 dans une Marche multicolore. À la fin du mois de mars, les travailleurs sont attirés dans un piège de la gendarmerie sur une autoroute. Des coups sont donnés des deux côtés. Les dirigeants syndicaux instrumentalisent l’événement pour démettre la délégation de ses fonctions. A partir de là, les dirigeants de la délégation sont poursuivis en justice. Après cinq ans, les 13 accusés sont acquittés sur toute la ligne. Entretemps, ils avaient réussi à négocier une reprise, un petit miracle. Mais ils se retrouvent eux-mêmes sur liste noire. La Lutte de Clabecq a eu lieu dans une période d’expansion économique, et non pas après une crise mondiale du capitalisme comme aujourd’hui. Il y avait d’autres foyers de résistance, mais très loin du mouvement généralisé d’aujourd’hui contre le gouvernement de droite.

  • Fermeture de Caterpillar Gosselies? Luttons pour le maintien de l’emploi!

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    Ripostons contre la catastrophe par le combat pour la nationalisation sous le contrôle des travailleurs

    Contrairement à ce qu’avait promis la direction de Caterpillar, la lourde restructuration annoncée au site de Gosselies en 2013 n’a pas garanti l’avenir du site. Les travailleurs avaient notamment accepté plus de flexibilité et une moins bonne paie tandis que 1331 personnes s’étaient retrouvées licenciées en 2014. Aujourd’hui, c’est de la fermeture pure et simple du site dont il est question. 2200 travailleurs sont menacés et, avec les emplois indirects, on parle de 8000 personnes. Et tout ceci à Charleroi, une ville et une région déjà profondément marquées par les fermetures d’entreprises et le marasme économique.

    Tract du PSL // Tract en version PDF

    Caterpillar ne paie en Belgique que 3% d’impôts depuis 10 ans au lieu du taux officiel de 34%. L’entreprise a utilisé ses filiales (notamment en Suisse) pour réduire ses comptes en Belgique et ensuite demander de l’aide à l’Etat belge. Elle a bénéficié de millions d’euros de cadeaux fiscaux et de subventions publiques. En 2015, elle a réalisé plus de 2 milliards de bénéfices. Ses actionnaires ont reçu 1,6 milliard de dividendes. Pour quel résultat ?

    Cela fait des années que les partis traditionnels, toutes tendances confondues, justifient cette politique de cadeaux aux entreprises sous le prétexte de l’emploi. Nous voyons une fois de plus avec dégoût ce qu’il en est réellement. La seule chose que les multinationales respectent, c’est la doctrine du «prends l’oseille et tire-toi ».

    Au déclenchement de la crise économique, de nombreuses banques ont été sauvées et reprises en mains par les pouvoirs publics (et leurs dettes reportées sur le dos de la collectivité) car considérées comme «systémique». Pour la population à Charleroi, Caterpillar, c’est une entreprise «systémique». Toute la communauté se retrouvera affaiblie par cette décision.

    Nous pouvons bien imaginer que, sous les conditions actuelles, des travailleurs pourraient être saisis par le fatalisme et s’en remettre à un futur plan social avec l’idée de partir avec la prime en vendant sa peau le plus chèrement possible. Mais n’oublions pas que, depuis 2013, l’ONEM considère les primes de départ comme des revenus et refuse donc de payer des allocations de chômage ! Quant au gouvernement, il peut bien refuser d’aller récupérer les 700 millions d’euros d’impôts impayés par des multinationales grâce au mécanisme de l’Execc Profit Ruling considéré comme injuste et illégal par la Commission européenne, il ne refusera pas de taxer les indemnités de départ ! Ces dernières peuvent de plus être plus lourdement taxées depuis le 1er janvier de cette année, des réductions d’impôt régionales ne sont plus prises en compte en conséquence de la 6e Réforme d’Etat.

    Construire une relation de force

    Il suffit de marcher dans la région de Charleroi pour se rendre compte des manquements énormes dans la société et du potentiel que représentent les nombreux outils abandonnés par le patronat qui ne les juge plus assez rentables. Nationalisons ces outils pour assurer des milliers d’emplois et que la main-d’oeuvre qualifiée de l’usine Gosselies puisse produire les engins, les moteurs, et autres ensembles mécano-soudés dont nous avons besoin !

    Les travailleurs pourraient occuper le site de Caterpillar et en faire le centre névralgique de leur lutte pour le maintien de chaque emploi par la nationalisation de l’entreprise sous le contrôle des travailleurs. Des assemblées générales régulières représentent une excellente opportunité de discuter collectivement d’un plan d’action sérieux et offensif, en liaison avec la lutte globale contre l’austérité et l’agression patronale.

    En 2013, un sondage de La Libre/RTBF avait dévoilé que 43% de la population belge était favorable à la ‘‘nationalisation/régionalisation pour prolonger l’activité’’ (36% en Flandre, 52% à Bruxelles et 53% en Wallonie). De tels chiffres illustrent le potentiel que pourrait avoir une campagne nationale massive pour la nationalisation des entreprises qui procèdent à des licenciements collectifs. Depuis lors, la colère n’a fait que monter contre l’agressivité patronale et la politique qui fait payer la crise aux travailleurs et à la jeunesse. Nous ne doutons pas que cette nouvelle annonce de fermeture soulève une nouvelle montagne d’indignation à Charleroi et ailleurs.

    Il faut, ces prochains jours, organiser une manifestation des travailleurs de Caterpillar à Charleroi qui permettrait aux trtavailleurs de la région de participer et de se montrer solidaires tout en mettant les autorités face à leurs responsabilités. A partir de là les travailleurs de Caterpillar pourraient aller rendre visite aux autres entreprises dans la perspective de la grande manifestation syndicale nationale du 29 septembre prochain. Comme le demandent les délégués de la CGSP ALR (Administration Locales et Régionales) Bruxelles dans leur motion de solidarité, les travailleurs de Caterpillar devraient se trouver en tête de cortège le 29 septembre afin d’exprimer la complète solidarité de chaque travailleur du pays.

  • D’Ebola aux pénuries de médicaments, comment lutter contre big pharma ?

    [two_third]Ces derniers jours, plusieurs éléments dans l’actualité ont mis en avant divers dysfonctionnements de l’industrie pharmaceutique. Au niveau international, la contamination de deux américains par le virus Ebola a pu être soignée par l’administration d’un médicament expérimental qui a pu améliorer leur état de santé. Au niveau belge, la pénurie d’une centaine de médicaments est constatée dans les pharmacies.

    Ebola : les profits des actionnaires plutôt que la santé publique

    Divers pays d’Afrique (Guinée, Liberia, Sierra Leone) sont actuellement touchés par le virus Ebola. Celui-ci a déjà fait près de 900 victimes et la craintes est grande de voir cette pandémie se répandre dans le monde entier. Le taux de mortalité du virus peut atteindre 90%. Jusqu’à aujourd’hui il n’y a pas de traitement officiel reconnu.

    Le virus a pourtant été identifié dès 1976 : comment expliquer qu’il n’y ait eu aucun traitement développé contre lui ? À cette question, posée par le Nouvel Obs, Sylvain Baize (responsable au CNR fièvre hémorragique virale à l’institut Pasteur) a cette réponse limpide : « Contrairement aux infections bactériennes, il est généralement très compliqué de combattre un virus par un traitement. En 40 ans, il n’y a eu qu’environ 2.000 cas atteints par le virus Ebola, donc les groupes pharmaceutiques ne vont pas se battre pour trouver un remède. ». Il ne fait aucun doute que le profit passe avant la santé publique. D’autant plus que dans ces pays, la privatisation des services publics suite aux plans d’ajustements structurels et aux différentes politiques d’austérité ont amené les services publics de santé et d’éducation (hygiène et prévention) à la déliquescence complète.

    Les grandes entreprises pharmaceutiques n’ont pas développé de recherche de traitement. C’est donc une PME, Zmapp, qui a lancé les recherches, encore à un stade initial, pour le sérum qui a permis au deux travailleurs de la santé américains infectés de se rétablir quelque peu. Cet exemple illustre à quel point il est nécessaire de disposer d’une infrastructure de santé publique performante d’une part et, d’autre part, cela démontre à quel point le régime de propriété actuel nuit gravement au bien être global.

    Les pénuries de médicaments : quand la stratégie des entreprises pharmaceutiques rentrent en conflit avec le bien-être des patients

    En Belgique, mais aussi en France et dans d’autre pays européens, nous sommes confrontés à une pénurie de près de 500 médicaments (entre 300 et 500). Cette pénurie a des conséquences sur le bien-être des patients atteints de pathologies diverses : affection ostéo-articulaires, psychoses, patients en attente de greffe, hypotension artérielle, maladies thromboemboliques veineuses.

    Alors que ce problème était relativement absent de par le passé, il semble prendre de l’importance depuis 5 ans. Les lobbies pharmas auront beau expliquer ça de différentes manières, nous pensons que le problème principal réside dans les contradictions de l’économie capitaliste elle-même.

    Production de valeur d’échange et non de valeur d’usage

    L’une des contradictions fondamentales c’est le fait que ceux qui possèdent les instruments de productions produisent non pas pour répondre à des besoins mais bien pour tirer de la plus-value de leur investissement via l’exploitation du travail. Dans le cas de l’industrie pharma, les médicaments produits ne le sont pas pour répondre aux besoins de la société dans son ensemble mais bien à la demande solvable. Cela explique, par exemple que les maladies orphelines ne bénéficient pas des investissements nécessaires pour répondre aux besoins des patients.

    Organisation scientifique du travail dans les usines face à l’anarchie du marché

    La production de médicaments est un procès de travail extrêmement complexe. Il nécessite l’application des dernières connaissances scientifiques et techniques ainsi que la collaboration d’un grand nombre de travailleuses et travailleurs.

    Les capitaux nécessaires pour lancer la production d’un médicament sont tels qu’afin de protéger leurs investissements, les capitalistes ont développé la pratique de breveter les innovations. Le problème lié à cela est que cela freine la coopération, pourtant primordiale à la science pour continuer à avancer. Au lieu d’investir dans la recherche et le développement de nouvelles molécules, on investit dans la protection et la sécurisation des données pour protéger le secret industriel.

    La cause des pénuries

    Les pénuries que nous subissons actuellement sont multifactorielles. Mais la plupart de ces causes trouvent leurs origines dans la course au profit et dans le système de production capitaliste.

    Une des premières causes mises en avant c’est le contingentement ou les quotas. La plupart des médicaments ne se vendent pas partout dans le monde au même prix. Selon la région du monde les prix vont varier. Selon le principe de libre circulation des marchandises, il est possible aux intermédiaires et grossistes de racheter là où le médicament est le moins cher pour le vendre là où il est plus cher. Afin de protéger leurs profits, les capitalistes de l’industrie pharma ont mis au point un système de quota de produits par région. Mais les nouveaux systèmes de production en flux tendu (just in time – zéro stock) entraînent des pénuries.

    Une des autres causes est l’accident dans le processus de production. On pourrait dire ici que cela est inévitable. Mais dans certains cas, les accidents de productions sont prévisibles. Des bâtiments de productions trop vieux; des économies dans les services et, notamment, dans les services de maintenance, ce qui fait que nous passons d’une maintenance préventive à une maintenance réparatrice;… tout ceci est lié au fait que les travailleurs n’ont pas voix au chapitre dans les décisions stratégiques des entreprises.

    Une des dernières causes listées est la non-conformité des dossiers d’enregistrement et de mise sur le marché. Les autorités publiques ont pour rôle de protéger les intérêts de patients en s’assurant que les médicaments mis sur le marché répondent bien à un besoin identifié de santé publique. Ils doivent aussi effectuer des études de risques-bénéfices pour autoriser la mise sur le marché d’un médicament. Dans ce cadre, une industrie nationalisée qui aurait pour mission la santé publique et qui fonctionnerait main dans la main avec les autorités de santé serait bien plus efficace.

    Pour la nationalisation et la mise sous contrôle des travailleurs et de la collectivité de l’industrie pharmaceutique

    L’industrie pharma qui est associée au complexe techno-scientifique de par ses pratiques et surtout de par son régime de propriété génère de plus en plus de méfiance dans les différentes couches de la population. L’un des inventeurs du vaccin de la Polio, Salk, a refusé de mettre un brevet sur son invention en répliquant que « l’on ne pouvait breveter le soleil. » De la même manière, nous pensons au PSL qu’on ne peut pas faire de profit sur la santé. Une partie de l’amélioration de la santé publique dépend de la couverture en solution médicamenteuse et en solution vaccinale. Il faut donc s’assurer que ces derniers soient produit en toute transparence, ont une efficacité avéré et génèrent le moins d’effet indésirable possible et tout cela à un prix raisonnable.

    La question du modèle Kiwi

    Le modèle Kiwi permet de diminuer le prix du médicament pour le patient. Mais dans un système de course aux profits, le prix des médicaments n’est pas le seul problème, comme nous l’avons montré plus haut. De plus la pression sur les prix ne peut déboucher que sur une pression sur les coûts entre autre des salaires. Dans un pays comme la Belgique, qui dépend pour partie de l’industrie pharma, des prix aux baisses constantes pourraient entrainer un désastre économique. Dans le secteur de la production de vaccin, chez GSK, malgré les profits réalisés ces dernières années, les conditions d’emplois des jeunes ont été lynchées (plus de contrat à durée indéterminée et création d’un nouveau type de contrat précaire; le CAT). La compétitivité a été donnée comme argument aux travailleurs pour justifier ces reculs.

    Nous pensons au PSL que pour faire face aux différentes contradictions de l’industrie pharma, seule la nationalisation et la mise sous contrôle de la collectivité peut se révéler efficace.

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