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  • ‘‘1968 – De grands soirs en petits matins’’ (Ludivine Bantigny)

    Au lendemain de Mai 1968, une floraison inégalée de livres consacrés à l’explosion révolutionnaire qui venait de secouer la France a vu le jour. Inutile de dire que les ouvrages publiés étaient de qualité très inégale. Les 50 ans de Mai 68 donnent en ce moment lieu à une nouvelle floraison (quantitativement plus restreinte qu’en 1968) d’ouvrages consacrés à l’événement. Mais enfin, on ne peut pas tout lire. Et encore moins tout acheter !

    Par Guy Van Sinoy

    Un ouvrage récent qui éclaire Mai 68

    Le récent livre de l’historienne (Université de Rouen) Ludivine Bantigny mérite qu’on s’y arrête. Car il permet de comprendre les ressorts des luttes, des espoirs et des émotions portées par la France de Mai 68 (ouvriers, étudiants, lycéens, paysans, militants, mais aussi artistes, artisans, femmes et hommes).

    L’ouvrage s’attache au vif des événements, à leur diversité et à leurs pratiques, plus qu’aux discours des porte-parole souvent autoproclamés : les signes annonciateurs au cours de l’année 1967, les grèves et occupations, les conflits au sein et entre appareils syndicaux, les hésitations et le vacillement du pouvoir, les hôtesses de l’air qui manifestent pour revendiquer la suppression de leur mise à la retraite automatique et discriminatoire à l’âge de 40 ans.

    Grèves spontanées, occupations d’usines et subversion

    Cinquante ans après, les premières images qui viennent à l’esprit quand on évoque Mai 68 sont les barricades du Quartier latin et les batailles de rue entre étudiants et CRS. Mais à partir du 13 mai, c’est une autre paire de manches pour la bourgeoisie car la classe ouvrière entre en action et le pouvoir, médusé, doit subir l’action conjuguée des étudiants et des travailleurs entraînant dans leur révolte d’autres couches de la population (paysans, taxis, artistes, footballeurs, etc.) vers la plus grande grève générale que la France ait jamais connue.

    Les étudiants de Nanterre avaient inauguré la subversion en occupant les locaux universitaires et en affichant les portraits du Che ou de Hô Chi Minh. Mais les grèves avec occupation représentent la subversion dans les usines. Les 500 à 600 jeunes ouvriers de Renault Cléon après avoir parcouru les ateliers, drapeau rouge en tête, pour mettre toute l’usine à l’arrêt, montent ensuite occuper les bureaux de la direction. Ils ne se contenteront pas d’une augmentation de quelques centimes car c’est la question de l’autorité et du pouvoir dans l’usine qui est posée. De leur côté, les ouvriers de Sud-Aviation, près de Nantes, qui retiendront la direction dans les bureaux pendant près de deux semaines diront simplement que la direction est en « garde à vue ».

    Chez Massey-Fergusson l’entrée en grève s’accompagne d’un incendie volontaire : le feu est mis au fichier de renseignements établi par la direction. Chez Berliet, les ouvriers détachent de la façade, une à une, les lettres (BERLIET) qui composent le nom de l’entreprise pour les remplacer par le mot (LIBERTE).

    CGT et PCF : manœuvres pour arrêter la grève

    Les directions syndicales, et en particulier la CGT (majoritaire) vont voir d’un très mauvais œil cette éruption sociale qu’elles ne contrôlent pas. Les premiers jours passés, la CGT va encourager l’élargissement du mouvement de grève pour mieux l’accompagner, tenter de le contrôler et, à partir du mois de juin, tout faire pour l’arrêter.

    Les négociations de Grenelle (entre représentants du gouvernement, du patronat et des syndicats) destinées trouver un point de chute pour tenter de mettre un terme à la grève générale, débouchent sur un ‘‘protocole d’accord’’ (notamment 10% de hausse de salaire). Mais c’est un camouflet pour les négociateurs car les travailleurs de Renault Billancourt (la plus grande usine en 1968) le rejettent en assemblée générale le 27 mai. La grève continue !

    Le 29 mai la CGT rassemble 90.000 manifestants à Paris aux cris de ‘‘Gouvernement populaire !’’ Il s’agit non seulement de poser la question du pouvoir, mais surtout de réaffirmer la puissance de la CGT et d’écarter toute tentative de mettre sur pied un comité central de grève susceptible de constituer une direction alternative de la lutte.

    Joies, pleurs, espoirs

    Mai 68, c’est aussi la joie de lutter. C’est le dessinateur Siné qui écrit le 11 mai : ‘‘Tout à coup, je ne me suis plus senti seul dans un monde hostile. J’étais avec mes frères, mes potes. On riait, on chantait, on gueulait «CRS-SS!». J’étais heureux, les yeux bourrés de gaz lacrymogènes, le costume détrempé par les autopompes, un lacet cassé, mon carnet de chèque perdu au cours d’une course avec les bandits de l’ordre à mes trousses.’’

    C’est cet ouvrier qui raconte le bonheur qu’il ressent : ‘‘Quand je vais dans une petite boîte qui n’a pas de syndicat et qui demande notre aide, qu’on les fait débrayer, puis qu’on voit les gars s’organiser, qu’ils mettent tout en œuvre, qu’ils créent un syndicat, un comité de grève, ben je t’assure, j’ai le cœur qui déborde de joie !’’

    C’est aussi cette ouvrière combative de chez Wonder , harcelée par les responsables locaux de la CGT qui l’exhortent de reprendre le travail, qui s’écrie: ‘‘Non, je ne rentrerai pas, je ne remettrai plus les pieds dans cette taule ! Rentrez-y vous allez voir quel bordel c’est. On est dégueulasses jusqu’à là, on est toutes noires… On n‘a même pas d’eau chaude pour se laver !’’

    Et ces deux étudiantes qui organisent le 6 juin dans la Sorbonne occupée un débat autour du thème ‘‘Les femmes et la révolution’’ et qui affichent :

    ‘‘Étudiant qui remets tout en question
    Les rapports de l’élève au maître ;
    As-tu pensé aussi à remettre en question
    Les rapports de l’homme et de la femme ?
    Étudiante qui participe à la révolution,
    Ne sois pas dupée une fois de plus,
    Ne suis pas seulement les autres,
    Définis tes propres revendications !’’

    Partager l’expérience, l’ambiance et les émotions

    L’objectif ce de livre n’est pas de nous ‘‘raconter’’ Mai 68, mais de nous faire partager l’expérience, l’ambiance et l’émotion de ce formidable mois de Mai qui nous fait rêver et nous convainc ‘‘qu’à la prochaine occasion on remettra ça, mais en mieux !’’

    1968, De grands soirs en petits matins, Ludivine Bantigny, (Ed du Seuil, Paris, 2018, 362 p., 25€).

  • Dire non, et après ? Contre la stratégie du choc de Trump – Naomi Klein

    Dire non, et après ? Contre la stratégie du choc de Trump, le nouvel ouvrage de Naomi Klein (La Stratégie du choc : Montée d’un capitalisme du désastre, Tout peut changer: Capitalisme et changement climatique,…) dévoile ce qu’est le monde de Trump. Son vice-président Mike Pence a joué un rôle prépondérant dans la gentrification raciste de la Nouvelle-Orléans après le passage de l’ouragan Katrina en 2005. En quelques années, le système scolaire de cet Etat est devenu l’un des plus privatisés au monde. Trump lui-même a profité de la crise fiscale de New York en 1976 pour 9,5 millions de dollars de biens immobiliers. Il a ensuite loué ceux-ci à la ville. En 2016, cela avait déjà coûté 360 millions de dollars à la collectivité.

    Critique de Laura Fitzgerald

    Klein considère Trump comme une intensification du virage néolibéral qui existe depuis des décennies sous le capitalisme. Ironiquement, Trump a mené une campagne populiste contre les entreprises américaines qui ont déplacé leur production à l’étranger. Il a pourtant délocalisé ses entreprises de façon agressive lorsqu’il a davantage concentré son empire sur l’immobilier.

    Avec ce nouveau livre, Naomi Klein poursuit sa critique brûlante du néolibéralisme commencée dans La Stratégie du Choc il y a dix ans. Elle écrit notamment : ‘‘Le néolibéralisme est une forme extrême de capitalisme qui a commencé dans les années 1980, sous Ronald Reagan et Margaret Thatcher, mais qui, depuis les années 1990, est devenu l’idéologie dominante de l’élite mondiale, indépendamment de la couleur de leur parti’’. Le néolibéralisme comprend, entre autres, la privatisation des services publics, la recherche de profits grâce à l’expansion du capital financier, le transfert d’usines vers le monde néocolonial où les salaires sont écrasés,…

    Naomi Klein tire beaucoup d’espoir du mouvement autour de la candidature de la figure de gauche Bernie Sanders aux primaires démocrates en 2016. Elle affirme que tout mouvement de gauche doit combattre à la fois le statu quo économique et adopter un programme qui s’oppose au sexisme, au racisme et à toutes les formes d’oppression. Elle livre un message clair : dans la lutte, il ne faut pas nous limiter à un seul thème. Elle soutient également que défendre la construction d’une nouvelle société renforce les mouvements pour le changement. Malheureusement, sa critique sophistiquée du capitalisme ne va pas de pair avec une alternative solidement élaborée. Dire qu’il ne faut plus dépendre des banques et établir des projets énergétiques dirigés par la collectivité, cela vaut mieux que le statu quo, mais cela ne règle pas le fond du problème.

    Nous devons prendre le pouvoir des mains de l’élite capitaliste qui menace l’avenir de notre belle planète. Nous devons exproprier ses richesses et placer les secteurs clés de l’économie sous contrôle public et démocratique, au moyen d’un large mouvement des travailleurs et de tous les opprimés. Ce n’est qu’ainsi que les besoins des gens et de la planète seront enfin centraux.

  • ‘‘Dix jours qui ébranlèrent le monde’’, de John Reed

    John Reed était un journaliste et militant communiste américain. A la chute du régime du tsar Nicolas II en 1917, il s’est rendu en Russie et a retranscrit ce qu’il y a vu et expérimenté. Son témoignage de la révolution est l’un des plus fascinants et enthousiasmants qui existe. Un siècle après la révolutuion russe, ses Dix jours qui ébranlèrent le monde restent, comme Lénine le faisait remarquer en son temps, ‘‘un rapport fidèle et animé’’ de cette révolution. “Je conseille sans retenue ce livre aux travailleurs du monde entier ”, avait écrit Lénine dans sa préface au livre.

    Par Stephen Ray, Socialist Party (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en république irlandaise)

    John Reed commence par replacer les évènements d’octobre 1917 dans leur contexte historique. Il décrit les principaux courants de la vie politique dans les grandes lignes, il décrit les nombreuses tensions issues des restes de l’ancien régime de même que l’antagonisme entre le Gouvernement provisoire qui avait officiellement repris les rênes du pouvoir après la chute du tsarisme en février 1917 et les révolutionnaires socialistes qui devaient conduire la prise du pouvoir par les soviets en octobre de la même année. Le rythme trépidant du récit est maintenu tout au long du livre, ce qui donne une image puissante de la vie politique de l’époque à Petrograd (Saint-Pétersbourg).

    La lutte de classes croissante est résumée comme suit : “Dans les rapports entre un gouvernement faible et un peuple en révolte, un moment arrive où chaque acte du gouvernement irrite les masses et où chaque refus d’agir stimule le mépris.”

    Les talents de Reed comme journaliste et comme historien s’expriment dans la façon entrainante avec laquelle les évènements sont présentés. Sa description de la prise du Palais d’hiver (où siègent les ministres du gouvernement provisoire), en grande partie pacifique, et de l’enterrement des martyres de la révolution en sont des exemples parfaits.

    Le personnage principal de ce livre est sans conteste la population russe. Reed n’a pas ménagé ses efforts pour mettre les expériences subjectives des travailleurs, des soldats et des paysans au centre de son ouvrage. Il est évidemment question des discours importants des partisans du parti bolchevik, surtout Lénine et Trotsky, et de leurs opposants. Aux moments critiques de divergences d’opinion ou de discussion, le cours des débats est finalement déterminé par les masses, qui sont déterminantes pour la poursuite des évènements. Reed a fait le commentaire suivant sur un ouvrier typique de Petrograd : “Le travailleur russe est révolutionnaire mais il n’est ni violent ni dogmatique ni bête. Il est prêt à lutter contre l’oppresseur, la classe capitaliste, jusqu’à la fin. Mais il ne nie pas l’existence d’autres classes. Il demande seulement à ces autres classes de choisir leur camp.”

    Le style de Reed rend justice à la politique des Bolcheviks de cette période : une politique consciente des besoins et des préoccupations de la population, combinée à une compréhension profonde de l’analyse marxiste des classes sociales en tant que guide pour l’action. C’est sur cette base que les Bolcheviks ont pu jouer un rôle prépondérant dans les soviets (les conseils ouvriers et paysans qui représentaient un autre pouvoir à côté du gouvernement provisoire). Ce livre est un excellent résumé des analyses des circonstances objectives en développement au cours de la révolution documenté à partir de l’expérience subjective vécue par les masses. Le lecteur est entrainé dans les évènements fiévreux des journées d’octobre.

    Après avoir décrit le débat qui pris place au sein d’un régiment sur la question de la neutralité ou du soutien à la révolution, tranché de manière écrasante en faveur de la révolution, Reed déclare : “Imaginez-vous que cette lutte se répète dans chaque baraquement de la ville, du district, de tout le front, dans toute la Russie. Imaginez-vous le [général] Krylenkos qui en perd le sommeil et assiste impuissant à ce qui se passe dans les régiments, qui court d’un endroit à l’autre pour y argumenter, menacer et perdre. Et imagez-vous que la même chose se passe dans toutes les sections de chaque syndicat dans les usines, les villages, sur les navires de la flotte russe postée au loin ; pensez aux centaines de milliers d’hommes russes qui partout dans ce grand pays regardent les orateurs : des ouvriers, des paysans, des soldats, des marins, qui essaient à tout prix de comprendre et de choisir, qui réfléchissent intensivement et finalement, décident avec une telle unanimité. C’était ça la révolution russe.”

    Une critique souvent formulée sur les ‘‘Dix jours qui ébranlèrent le monde’’ est la position de départ positive de John Reed vis-à-vis des Bolcheviks. Reed explique dans l’introduction qu’il ne peut être neutre dans ce récit du fait de son implication personnelle dans les évènements. Reed est au moins honnête depuis le début quant à ses opinions socialistes. Il essaie de ne pas les cacher derrière un vernis de soi-disant objectivité historique. Reed dit ouvertement et honnêtement dans quel contexte son livre doit être lu. Son sens étroit du détail et l’utilisation de sources de première main font de ces ‘‘Dix jours qui ébranlèrent le monde’’ un point d’orgue du journalisme du 20ème siècle.

    A mesure que la crise actuelle du capitalisme continuera de faire ses ravages, les jeunes et moins jeunes tenteront avec un enthousiasme grandissant de s’emparer de cette période de l’Histoire dans laquelle de pauvres travailleurs, soldats et paysans ont renversé tout un système politique et socio-économique. Une période au cours de laquelle des opprimés sont entrés ensemble en lutte contre un système qui ne leur offrait pas d’avenir et dont ils s’aliénaient de plus en plus. Les ‘‘Dix jours qui ébranlèrent le monde’’ est une excellente introduction à l’histoire de la Révolution russe et un bon point de départ pour ceux qui ne peuvent plus se satisfaire de la manière dont notre société est organisée.

  • [LIVRE] Il faut tuer TINA – 200 propositions pour rompre avec le fatalisme et changer le monde

    Un vent de panique souffle sur les dirigeants du monde à mesure que la colère se développe contre ce système injuste et que les vieilles certitudes partent en lambeaux. La célèbre expression de Margaret Thatcher ‘‘TINA’’ (There Is No Alternative) était brandie triomphalement par l’establishment capitaliste il n’y a pas si longtemps encore. Aujourd’hui, dix ans après le début de la crise, le ton a changé, la formule en est réduite au rang d’argument désespéré. Comme cela est rappelé au tout début de l’ouvrage, une étude réalisée dans 20 pays avait récemment mis en lumière la profondeur de la crise de légitimité du système capitaliste. De 2005 à 2009, le nombre de personnes qui pensent que le système capitaliste reste le meilleur système possible est passé de 63% à 36%.

    Par Nicolas Croes

    Dans son livre ‘‘Il faut tuer TINA’’, le fruit de 7 années de travail, Olivier Bonfond veut démontrer que des alternatives existent, et en grand nombre. Et, de fait, les quelque 500 pages de l’ouvrage fourmillent d’informations des plus intéressantes sur la thématique de la dette publique ; le dogme de la croissance économique ; le combat contre les OGM ; la nature de l’ONU, l’OMC, l’OTAN et autres G7 ; les luttes féministes ; etc. Les anecdotes abondent également, souvent savoureuses. Saviez-vous par exemple comment le roi François II avait géré le problème de la dette ? En mettant en place une loterie, en 1561, et en procédant à un tirage au sort pour définir le tiers des créanciers qui allait être remboursé…

    L’ambition de l’auteur est de ‘‘proposer un outil accessible, pratique, concret et rigoureux pour rompre avec le fatalisme ambiant et montrer que, dans tous les domaines (finance, économie, éducation, culture, démocratie, agriculture, etc.), des alternatives crédibles à la mondialisation capitaliste sont à notre portée.’’ La force de l’ouvrage réside dans l’impressionnante compilation de données qui illustrent à quel point des initiatives – certaines audacieuses, d’autres moins – sont prises partout pour tenter de se frayer un chemin vers un autre monde.

    Dépasser le capitalisme

    Olivier explique très justement que: ‘‘Dès lors que l’on admet que les crises sociales et écologiques sont le produit de la nature intrinsèque du capitalisme, on comprend que l’humanité a le choix : soit réaliser une révolution, à savoir dépasser le capitalisme et construire une autre société basée sur d’autres valeurs, soit être entrainé vers toujours plus de barbaries.’’ La grande question étant de savoir comment faire. Cela est à notre avis insuffisamment traité dans ‘‘Il faut tuer TINA’’.

    Comme cela est expliqué en quatrième de couverture : ‘‘L’Histoire a montré qu’il est vain d’attendre passivement que nos dirigeants servent les intérêts des populations. Ce ne sont pas le bon sens ou l’intérêt général qui mènent le monde, mais les rapports de force. Face à la puissance organisée des transnationales et de la finance, il est temps que les peuples s’organisent, prennent en main leur destin et, par l’action collective, relèvent le défi du changement’’ et cela dès aujourd’hui.

    Olivier a raison de juger stérile de rester dans sa tour d’ivoire en attendant le Grand Soir et de défendre de s’impliquer dans le combat pour des réformes applicables aujourd’hui. Mais, à notre sens, une des faiblesses de ce travail titanesque est de compiler des pratiques réformistes et révolutionnaires sans les lier véritablement, au risque d’entretenir une confusion entre ces deux registres, voire même d’entretenir des illusions quant à la possibilité d’obtenir un capitalisme domestiqué.

    Ainsi est développé l’exemple de l’augmentation de la taxation des multinationales en Bolivie (passé dans le secteur du gaz de 12% à 80% en 2006) pour illustrer que les multinationales ne partent pas nécessairement quand une mesure progressiste est adoptée. Ailleurs dans le livre, l’urgence de l’expropriation et de la collectivisation de telles entreprises afin d’opérer une véritable transition énergétique est très justement défendue. Quelle conclusion tirer ? Autre part encore est-il expliqué que ‘‘les bases d’une résolution de la crise passent donc nécessairement par une série de mesures, dont la régulation stricte des marchés financiers et des banques.’’ Ne devrait-on pas dans ce domaine également défendre la collectivisation du secteur pour en finir avec la dictature des marchés ?

    Nous tenons également à soulever un autre élément, qui n’est pas des moindres, celui de la stratégie à adopter. Cette question est évacuée un peu cavalièrement, en disant : ‘‘Soyons pragmatiques et ouverts : avoir la certitude qu’il faut abolir le capitalisme et le remplacer par un autre système, quelle que soit la stratégie, c’est déjà être révolutionnaire.’’ Mais peut-on tout simplement affirmer que tout ce qui va dans le bon sens est nécessairement bon à prendre ? Ne faut-il pas débattre des méthodes les plus émancipatrices et les plus efficaces dans la construction de l’action collective ? Des priorités à établir pour éviter que l’énergie de la lutte ne soit dilapidée en allant dans tous les sens ? Dire que tout est intéressant ne signifie pas de considérer que tout se vaut. De là découle logiquement une absence de perspectives qui peut être étouffante, tout spécialement pour un lecteur non-militant ou qui en est encore au début de la formation de sa grille d’analyse politique.

    Nous conseillons la lecture de cette belle brique regorgeant d’informations des plus diverses. Mais nous invitons également le lecteur à entrer en profondeur dans le débat crucial sur le programme, les méthodes et la stratégie nécessaire pour une transformation anticapitaliste de la société. Cela ne pourra se faire qu’en mobilisant les masses pour retirer le contrôle des secteurs clés de l’économie des mains de la classe capitaliste afin de les organiser démocratiquement dans le cadre d’une économie planifiée.

    Olivier Bonfond est économiste et conseiller au CEPAG (Centre d’Éducation populaire André Genot), membre du CADTM et de la plateforme d’audit citoyen de la dette en Belgique (ACiDe).

  • Témoignage pour un syndicalisme de combat anticapitaliste et démocratique

    caterpillar

    A l’heure où vient de tomber l’annonce de la volonté de la direction de Caterpillar de fermer le site de Gosselies, ce livre sera précieux pour tous les militants et les lecteurs désireux d’entrer plus en profondeur dans la discussion portant sur la nécessité d’un syndicalisme de combat.

    Plus globalement, la crise du capitalisme et la politique d’austérité entraînent partout à travers le monde une renaissance des luttes de masse et, plus particulièrement, des luttes syndicales. En Belgique aussi, les discussions portant sur la stratégie et la tactique syndicales suscitent un intérêt grandement renouvelé, alimenté entre autres par le premier plan d’action contre le gouvernement Michel culminant avec la grève générale nationale du 15 décembre 2014.

    Gustave Dache est un vétéran du mouvement ouvrier à Charleroi. Métallo durant des années, il a été délégué à Caterpillar, où il fut parmi les fondateurs de la délégation FGTB, et à Citroën. Ce livre aborde notamment l’expérience de la grève de juin 1970 à Caterpillar, avec la reproduction commentée de la brochure publiée à l’époque par l’auteur : “10 jours de grève qui ébranlèrent la Direction de Caterpillar et la Bureaucratie Syndicale FGTB et CSC”.

    Gustave a également très activement participé à la grande grève générale de l’hiver 1960-61. Il est déjà l’auteur du livre “La grève générale insurrectionnelle et révolutionnaire de l’hiver 1960/61 – Témoignage ouvrier sur la grève du siècle” également publié par les éditions Marxisme.be.

    Témoignage pour un syndicalisme de combat anticapitaliste et démocratique, Gustave Dache, 176 page, éditions Marxisme.be, 12 euros.  

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  • “À Molenbeek”, présentation d’une commune bruxelloise dont on parle beaucoup

    EPOU_15_COV in molenbeek.inddLe livre “À Molenbeek” est une sorte de carnet de voyage dans lequel les problèmes ne sont pas esquivés, mais sont présentés dans leur contexte social et humain. Même si ce livre n’est pas encore publié en français, il nous a semblé utile d’en relever ici les éléments essentiels.

    Par Geert Cool

    Le livre commence par une esquisse historique. Au 19ème siècle, le canal Bruxelles-Charleroi a connu un développement industriel d’une rapidité fulgurante essentiellement du fait de petites usines de divers secteurs. Molenbeek est alors passé de 1.380 habitants en 1800 à plus de 72.000 à la veille de la Première Guerre mondiale. L’industrialisation à plus grande échelle d’après la Seconde Guerre mondiale s’est développée principalement à la périphérie de la ville, et non dans les centres densément peuplés où les petites usines allaient progressivement sombrer face à la concurrence. N’est resté qu’un désert industriel, la population a déserté autant que possible et fait place aux nouveaux arrivants attirés par les loyers modestes. La désindustrialisation croissante et le passage à une économie de service à Bruxelles depuis les années ‘70 a créé un taux de chômage élevé parmi les migrants.

    C’est dans ce contexte que la détérioration et la décrépitude ont marqué Molenbeek. L’auteur affirme que ce fut surtout le cas dans les années 1970 et 1980. Concernant la politique du bourgmestre Philippe Moureaux (PS) à partir de 1992, Vandecandelaere est remarquablement positif. Il doit cependant reconnaître que les problèmes structurels ont persisté et se sont aggravés. ‘‘L’échec de l’élimination fondamentale des processus qui engendrent un milieu social défavorisé a été, après avoir voyagé deux ans, l’expérience la plus difficile pour moi.’’

    Près de 56 % des maisons du Vieux-Molenbeek datent d’avant 1945 et, en 2001, près de la moitié des logements faisaient moins de 55 m². Dans 15 % des foyers, il n’existe ni salle de bains, ni eau courante, ni toilettes à l’intérieur. Mais un confort de base fait aussi défaut dans de nombreuses autres habitations. Des marchands de sommeil louent des taudis à prix forts. La pauvreté est omniprésente à Molenbeek. Au cours de la dernière décennie, le revenu moyen par habitant a chuté de 5 %. Le nombre d’allocataires sociaux a augmenté de 3.600 en 2003 (pour une population de 66.000 habitants) à 7.200 pour 94.000 habitants que comptait déjà Molenbeek en 2014. Dans le Vieux-Molenbeek, le taux de chômage est de 42 %, dont les deux tiers sont des chômeurs de longue durée. Parmi les jeunes, le taux de chômage s’élève à 54 %.

    Depuis les années ‘70, le chômage structurel a également conduit à une influence accrue des conceptions réactionnaires dans les domaines de la religion, de la famille et des conditions de vie. ‘‘Qui, par le biais du marché du travail, n’est pas inclus dans l’ensemble du système, se replie sur des identités alternatives. Car tout le monde a besoin d’être quelqu’un’’, a déclaré le prêtre Daniel Alliët. Une bonne dose d’expériences avec la discrimination et le racisme complète le tout. ‘‘La société ne veut pas de nous’’, est une remarque fréquente d’après une éducatrice. ‘‘La discrimination joue un rôle ici, tout comme leur perception de la discrimination.’’

    Vandecandelaere ne manque pas d’images de rêve de ce à quoi pourrait ressembler Molenbeek. Ce qui manque par contre, c’est une proposition concernant la manière de financer un tel changement. Un plan massif d’investissements publics dans les infrastructures, l’enseignement et le logement créerait des emplois et permettrait à Molenbeek d’aller de l’avant. Cela nécessite un mouvement qui défendrait l’idée que les ressources disponibles dans la société doivent servir les intérêts de la majorité de la population.

  • “Le retour des Djihadistes”. Patrick Cockburn revient sur l’ascension de l’Etat Islamique

    retour_djihadistesLe journaliste Patrick Cockburn fait figure d’autorité concernant le Moyen Orient. Son livre ‘‘Le retour des Djihadistes’’ revient sur le développement de Daesh, l’Etat Islamique. Sa conclusion est pertinente : “Daesh est le produit de la guerre”. Le mouvement est ‘‘un mélange toxique mais puissant de croyances religieuses extrêmes et de compétences militaires qui résulte de la guerre en Irak depuis l’invasion américaine de 2003 et de la guerre en Syrie depuis 2011.’’

    Ce livre revient sur plusieurs facteurs qui ont rendu possible la percée de Daesh. Il souligne notamment l’importance de l’exportation du wahhabisme hors d’Arabie saoudite, mais reconnait aussi à juste titre que de nombreux sunnites ont toléré Daesh en Irak suite aux exactions commises par le régime de Bagdad, à majorité chiite.

    La barbarie de Daesh est instrumentalisée en Occident pour convaincre les populations de l’utilité de nouvelles interventions étrangères, alors que ce mouvement provient précisément des conséquences de ces opérations militaires impérialistes. L’échec de la stratégie américaine est un fil conducteur du livre. ‘‘La guerre contre le terrorisme, à laquelle des centaines de milliards de dollars ont été alloués et au nom de laquelle les libertés des citoyens ont été réduites, a lamentablement échoué.’’ Les groupes tels qu’Al- Qaïda sont aujourd’hui bien plus forts qu’en septembre 2001.

    Celui qui veut approfondir ses connaissances de Daesh et des guerres en Irak et en Syrie ne peut passer à côté de ce livre.

  • ‘‘Comment peut-on (encore) être une femme’’

    MoranAu moment de sa parution, le livre ‘‘Comment peut-on (encore) être une femme’’ (de l’auteure britannique Caitlin Moran, chroniqueuse au Times) a été décrit par certains comme rien de moins qu’un nouveau “manifeste” du féminisme. Si ce n’est aucunement le cas, il s’agit par contre d’une saga amusante et par moment hilarante par laquelle Moran décrit l’évolution de sa propre conception de la “féminité” de ses 13 à ses 35 ans. C’est un appel lancé aux femmes à dire non au sexisme sous toutes ses formes, avec une forte dose d’indignation quant au rôle joué par l’industrie dans l’image de la femme aujourd’hui.

    Par Anja Deschoemacker

    Rédigé comme l’autobiographie d’une journaliste talentueuse, le récit traite du sexisme quotidien et de son impact sur la perception qu’ont les femmes d’elles-mêmes. L’auteure n’a pas souffert de violence sexuelle, elle n’a pas dû non plus tenter de joindre les deux bouts avec un salaire de misère en combinant vie professionnelle et vie familiale. Le livre ne traite aucun de ces thèmes importants – et ne propose pas non plus la moindre solution ou stratégie pour changer les choses – il aborde le sexisme qui frappe l’ensemble des femmes, indépendamment de sa classe sociale.

    La lecture de ce livre vaut le coup, l’ouvrage constitue une rupture vivifiante par rapport au postféminisme qui domine le débat depuis les années ‘80. Non, nous n’avons pas encore triomphé, nous n’avons que commencé à gagner une position différente dans la société. Le féminisme reste essentiel et concerne chaque femme. À celles qui en doute, Caitlin Morgan demande : ‘‘De quelles conquêtes du féminisme vous ne voulez plus ? Du droit de vote ? Du droit de vous marier et de divorcer quand vous le voulez ?’’

    Elle rompt également avec certains aspects du féminisme bourgeois. Si elle conteste à juste titre le fait que les féministes aient à parler d’un combat femmes contre hommes, elle n’y oppose cependant aucune stratégie alternative, à part une résistance individuelle contre les représentations sexistes. Elle ne se replie pas derrière l’idée de quotas ou de “discriminations positives”, ni derrière le mythe selon lesquelles les femmes gèreraient les entreprises “autrement” ou “mieux” que les hommes. On ne trouve aucune allégation du style ‘‘les femmes viennent de Vénus, les hommes de Mars” dans ce livre. Mais sa recherche d’une issue se limite à dire que les femmes, individuellement, savent se frayer un chemin vers le sommet et peuvent y exercer une influence.

    L’ouvrage s’élève contre l’ensemble des normes – comportementales, cosmétiques,… – auxquelles les femmes sont appelées à se conformer via les représentations privilégiées dans les médias. Moran expose de quelle manière ces standards découlent de la recherche de profit des grandes entreprises et défend que les femmes doivent s’en affranchir et être moins tourmentées par leur apparence et leur tenue. Au lieu d’imiter les manières et comportements de tel mannequin ou telle chanteuse, elle invite à développer ses talents et à atteindre ses propres objectifs.

    Le livre ne manque pas d’humour, son regard porté sur les choses est souvent rafraichissant, de même que son style très libre. Mais il ne rompt pas fondamentalement avec le vieux féminisme bourgeois, il en représente même une version moderne. S’il est souvent question du “fossé salarial” entre hommes et femmes et du “plafond de verre” (qui freine les femmes pour atteindre des fonctions dirigeantes), le fait que cette position de faiblesse sur le plan économique constitue un obstacle insurmontable à la libération de nombreuses femmes est ignoré. Les moyens financiers de l’auteure lui ouvrent l’accès aux crèches privées, à une femme de ménage, etc. et une séparation ne représenterait pas une catastrophe financière dans son cas. Pour la plupart des femmes, en particulier les mères, un divorce équivaut quasi-systématiquement à une chute des conditions de vie, comme en atteste le taux de pauvreté des mères isolées.

    L’indispensable liaison de la lutte contre le sexisme à celle pour une autre société est également absente de l’ouvrage. Les conquêtes sociales des femmes sont présentées comme autant d’acquis du féminisme, sans prendre en compte le rôle de la lutte du mouvement syndical et socialiste pour de meilleures conditions pour tous les travailleurs et travailleuses. L’implication des femmes dans cette lutte est pourtant absolument nécessaire. Et ce combat implique nécessairement d’en finir avec le capitalisme.

    Nous pouvons essayer de combattre individuellement le sexisme quotidien, mais cela revient à se battre contre des moulins à vent tant que cette lutte n’est pas liée à celle pour renverser le capitalisme et tous les obstacles qu’il répand et qui empêchent chacun d’e?tre soi-même, de développer ses talents et d’activement poursuivre ses aspirations.

    Ce livre est donc très agréable à lire et comporte nombre de réflexions intéressantes. Il s’agit du livre féministe le plus drôle que je n’aie jamais lu. Mais il n’explique pas pourquoi les femmes sont toujours aujourd’hui repoussées dans une position inférieure dans la société et encore moins comment nous pouvons sortir de cette situation.

    Caitlin Moran, Comment peut-on (encore) être une femme, Flammarion, 2013

  • “This Changes Everything: Capitalism vs. The Climate”, par Naomi Klein

    Klein_bookLe dernier libre de Naomi Klein, que l’on pourrait traduire en français par “Cela change tout : le capitalisme contre le climat”, est un ajout bienvenu et nécessaire aux débats sur la façon de s’attaquer au réchauffement climatique. Naomi Klein, notamment connue pour son livre “La doctrine du choc, le capitalisme du désastre”, ne souligne pas seulement l’énorme menace qui pèse sur l’humanité, mais montre aussi l’absolue nécessité d’un changement de stratégie fondamental pour éviter la catastrophe et saisir l’occasion « d’améliorer spectaculairement les conditions de vie, de combler le fossé entre riches et pauvres, de créer de bons emplois en grand nombre » (p.10) et d’avoir une planète saine sur laquelle vivre. (1)

    Voir le changement climatique comme une opportunité paraît étrange à beaucoup d’écologistes qui sont démoralisés puisque, après plus de 30 ans de débats, les émissions de dioxyde de carbone continuent à augmenter.

    Certains se tournent vers des idées dangereuses et désespérées comme l’énergie nucléaire ou la géo-ingénierie, alors que d’autre caressent l’idée d’éco-dictatures. Ce que Klein fait si bien ici, c’est de montrer que l’échec de la lutte contre le réchauffement climatique au cours de ces 30 dernières années est dû au recours à de fausses stratégies. Le problème essentiel a été de refuser de s’attaquer aux racines des causes du réchauffement climatique (et de beaucoup d’autres maux de la planète) : le système capitaliste. Klein déclare notamment : « Notre économie est en guerre contre beaucoup de formes de vie sur Terre, y compris la vie humaine. Les lois qui doivent être changées ne sont pas les lois de la nature ». Le sous-titre du livre est d’ailleurs sans équivoque : « le capitalisme contre le climat ».

    Ce livre argumente que le réchauffement climatique ne peut être vaincu que par un mouvement de masse international qui lie la création d’emplois et de services publics à l’environnement. Pour ce faire, ce mouvement doit rompre avec le règne du capitalisme. Ce constat est déjà partagé par des défenseurs des idées du socialisme comme nos camarades de Socialist Alternative aux USA ainsi que par toutes les sections du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO, dont le PSL est la section belge). Mais ce livre pourra donner à ce débat une audience beaucoup plus grande et ainsi accroître l’intérêt pour l’alternative socialiste à la catastrophe environnementale mondiale et aux souffrances humaines liées au capitalisme.

    Klein utilise des témoignages solides très documentés et des expériences touchantes afin d’introduire ses arguments. Beaucoup de ses histoires et de ses rencontres sont alarmantes ou émouvantes, à la fois source d’inspiration ou d’effroi. Mais elles aident toute à défendre sa cause.

    Pour faire du profit, le capitalisme exploite à la fois l’écosystème de la planète et les Hommes. Les montagnes et les forêts deviennent du « terrain-mort » à éliminer pour atteindre les sables bitumeux ou le charbon. Les humains en sont réduits à n’être que du travail « à extraire brutalement » (p.169) faute de quoi ils sont exclus de la société. Les gouvernements ont des montagnes d’argent (des billions de dollars) pour renflouer les banques, mais pas d’argent pour de bons emplois respectueux de l’environnement ou des services publics pour se protéger de l’impact du réchauffement climatique et le gérer.

    Le néo-libéralisme a augmenté la détérioration de l’environnement et du bien-être social. Il a affaibli les pouvoirs de la société civile et des gouvernements à contrôler, du moins de partie, les agissements des grandes corporations. Les fournisseurs d’énergie ont été privatisés et n’ont donc plus aucune considération pour les questions sociales et environnementales. L’idéologie néo-libérale s’est emparée de presque tous les politiciens, les régulations et contrôles des corporations ont donc été déchiquetées. Les accords comme le Traité transatlantique sont utilisés pour écraser les règles qui protègent l’environnement et les emplois.

    Une vérité qui dérange ?

    Klein expose la véritable vérité qui dérange: que le soutien de l’ancien candidat démocrate à la présidentielle américaine Al Gore (qui avait tenté de se profiler comme militant écologiste) et des grands groupes environnementaux a été vital pour les négociations du Traité Transatlantique. Klein critique les stratégies en échec de beaucoup des principaux groupes environnementaux américains – le Big Green, comme elle les appelle – qui constituent en un travail de longue haleine avec les politiciens de Washington et les principales grosses entreprises, y compris certaines qui ont les pires impacts environnementaux. Nature Conservancy, Conservation International, the Conservation Fund, WWF et Environmental Defense Fund ont tous des liens avec les principales entreprises énergétiques, Walmart, et d’autres entreprises directement responsables du changement climatique. Ces liens prennent la forme de donations ou encore de poste aux conseils d’administration.

    Cette fraternisation avec l’ennemi implique la défense des politiques qui créent du profit : le marché du carbone, la régulation des lumières, la culpabilisation du consommateur, le gaz de schiste comme « carburant de transition »… Aucune de ces “solutions” ne s’en prennent au problème, elles n’ont en fait que rendu les choses encore pires en repoussant l’application de solutions nécessaires et déjà existantes. La bourse au carbone et les compensations sont une grande arnaque pour rendre les grandes entreprises plus riches encore. Ce système fait bien plus de mal que de bien à l’environnement.

    Les pourparlers internationaux restent bloqués dans l’impuissance. Les multinationales qui puissent leurs profits des énergies fossile ont identifié des dépôts de carbone encore à extraire représentant 2795 gigatonnes de carbone. Pour eux, cela représente 27.000 milliards de dollars. Mais cela représente aussi 5 fois la quantité maximale de carbone qui peut être brûlée d’ici 2050 pour maintenir le réchauffement en dessous de 2°C, d’après les scientifiques. Cette température n’est pas prise au hasard, il s’agit du seuil au-delà duquel le climat va basculer dans le désastre. Des entreprises comme ExxoMobil ont déjà ouvertement déclaré qu’elles sont confiantes envers le fait qu’il soit “très peu probable” que des politiques climatiques restrictives soient instaurées. Ce n’est pas exagéré de dire que le grand capital sacrifie la planète pour ses profits.

    En fait, l’industrie énergétique, plutôt que de réduire la production d’énergie fossile, augmente la production à partir de sources encore plus dangereuses et néfastes à l’environnement – les eaux profondes, l’Arctique, le sable bitumeux, la fracturation hydraulique (que Klein appelle “l’énergie extrême”). Beaucoup de ces extractions n’ont pas ou peu de régulation.

    Le chapitre sur la géo-ingénierie fait extrêmement peur. Les idées actuellement sérieusement considérées incluent d’injecter des doses massives de fer dans les océans pour augmenter l’absorption de carbone par les organismes marins, de placer des miroirs dans le ciel ou sur le sol pour renvoyer le reflet du soleil, d’injecter constamment des particules dans l’atmosphère afin de refléter la lumière et d’ajouter une couverture aux nuages, etc. Les risques de ces pratiques sont immenses et, une fois mis en place, rien ne peut être inversé. Cependant, le Big Business et certains scientifiques et écologistes envisagent sérieusement de faire appel à ces pratiques. Le changement climatique est dû à l’augmentation du carbone dans l’atmosphère, la réponse la plus simple est d’arrêter d’émettre du carbone. La géo-ingénierie ne s’attaque pas à ce problème ; elle se base sur la logique d’ajouter au changement climatique encore plus de changement climatique dans l’espoir de masquer le réchauffement climatique.

    Fondamentalement, ils continueraient à traiter la planète et toutes les formes de vie comme des choses inertes qui peuvent être manipulée et sacrifiées. La solution n’est pas de « réparer le monde » ; il s’agit de changer le système social et économique qui rend la seule maison que nous avons impropre à notre vie! Mais le profit est prioritaire dans l’esprit des politiciens, des corporations et donc du Big Green.

    Besoin d’emplois verts et propres

    Souvent, les écologistes déclarent que nous devons « sauver la planète » et donc n’avons pas le temps pour les questions sociales. Klein argue que, comme le capitalisme détruit le climat en même temps qu’il abandonne la majorité des gens sur la planète, il est nécessaire de disposer d’un plan qui s’attaque aux deux problèmes. Placer les emplois contre l’environnement est un mensonge mis en avant par le big business pour diviser l’opposition à sa domination. Un programme pour guérir la planète pourrait créer des millions d’emplois décents, socialement utiles et respectueux de l’environnement.

    Contrairement à ce à quoi étaient destinées les stratégies du Big Green au cours de ces 30 dernières années, des années perdues, un mouvement de résistance de masse se développe pour l’instant face au changement climatique, très certainement aux USA, et contre l’énergie d’extraction. Ces mouvements, dans le monde entier, donnent confiance en l’avenir.

    Les écologistes, travailleurs, indigènes et militants pour la justice sociale et économique peuvent consolider et étendre ces luttes en étant liés les uns aux autres. Les changements progressistes réels – la fin de l’esclavage, les droits des femmes, la lutte contre la discrimination – ont toujours été issus de mouvements de masse, et non du lobby des entreprises et des politiciens capitalistes.

    Ces luttes comprennent beaucoup de pauvres, de travailleurs et d’indigènes. Ils ont besoin d’emplois autant que d’eau potable, d’air et de terre. Il n’est ni réaliste ni moral de demander aux travailleurs et aux pauvres de se sacrifier pour la planète. Les grandes entreprises énergétiques peuvent agiter des liasses de billets pour inciter à accepter une mine, un puits de pétrole ou une plate-forme de fracturation. Les travailleurs préféreraient avoir des emplois propres et surs que de travailler dans le secteur dangereux de l’énergie, et les indigènes préféreraient avoir des réserves propres plutôt qu’une contaminée par le pétrole où avec des montagnes au sommet détruit. Cependant, si la seule alternative est le chômage, la faim et ne pas pouvoir nourrir ses enfants, beaucoup de gens vont accepter ces emplois sales à contrecœur.

    Pourquoi sinon, autant de gens travailleraient dans le sable bitumeux ? La lutte pour les emplois et la justice économique sont une part essentielle de la lutte pour le climat. Le changement climatique ne sera arrêté qu’avec un programme pour de bons emplois. Il faut lutter contre le capitalisme et mettre en avant des alternatives positives. « Les seuls qui seront vraiment en mesure de dire non au développement polluant sur le long terme sont ceux qui voient des alternatives réelles et prometteuses ». (p.387)

    Klein est consciente que d’énormes changements du système économique et politique mondial sont nécessaires. Elle reconnaît le besoin de mouvements de masse mais n’explicite pas qu’un tel mouvement a besoin d’être indépendant de l’influence politique des corporations. Pour faire les changements nécessaires, il est clair que nous ne pouvons pas nous appuyer sur le Parti Démocrate. Les Démocrates parlent beaucoup de leur préoccupation de l’environnement et contrairement aux Républicains de droite, ils sont au moins au courant de la réalité du changement climatique mondial. Mais souvenons-nous que c’est Bill Clinton qui a introduit le Traité de Libre Echange nord-américain , qui a détruit les emplois et l’environnement des deux côtés du Rio Grande.

    Sous Obama, malgré le besoin de diminuer les émissions de gaz carbonique et de réduire la dépendance aux énergies fossiles, le principal « accomplissement » de la politique énergétique a été l’expansion massive de l’énergie polluante, y compris par la fracturation et le forage en mer. En fait, les USA sont sur le point de dépasser l’Arabie Saoudite en tant que premier producteur de pétrole liquide. Finalement, la lutte pour les emplois verts et contre la catastrophe environnementale requiert de rompre avec les Démocrates et de construire un nouveau parti politique de la classe ouvrière et des jeunes, un parti des 99%.

    Klein se réfère à d’autres grands changements progressifs comme les droits civiques, mais reconnaît que beaucoup de ces mouvements ont changé les droits légaux plutôt que les inégalités économiques. Le mouvement pour les droits civiques n’a jamais gagné les emplois, logements et éducations décents pour lesquels les gens se battaient. Les mouvement qui ont changé le pouvoir économique qu’elle prend en compte comprennent l’abolition de l’esclavage, les énormes acquis gagné par la vague massive de syndicalisation après la dépression des années 30 et la tentative socialiste d’Allende au Chili, tragiquement écrasée par un coup d’état militaire. Cependant, aucune de ces luttes n’a aboli le capitalisme.

    L’importance de la révolution russe

    L’unique exemple de la réussite de renversement du capitalisme et de l’établissement d’un nouveau pouvoir social et économique est celui de la Révolution Russe – que Klein ne mentionne jamais même si cet exemple correspond clairement à ce dont nous avons besoin aujourd’hui.

    Dans les premières années après la révolution, il y a eu une véritable floraison dans les domaines des sciences – y compris dans la biologie et l’écologie,-  de l’art, de la culture et des droits de l’Homme.

    Malheureusement, la révolution a souffert de la dévastation de la première guerre mondiale suivie par l’invasion de 22 armées capitalistes essayant d’écraser la révolution. L’Union Soviétique a aussi souffert du faible niveau d’éducation et de technique dans la majeure partie du pays. Ensuite, l’isolement de la révolution due à la défaite de la vague révolutionnaire qui a balayé l’Europe a posé les bases de l’émergence de la bureaucratie stalinienne. Cela a culminé avec la guerre civile unilatérale de Staline qui a détruit la démocratie et le dynamisme de la révolution socialiste et a pavé la voie du désastre écologique qui allait suivre.

    Cependant, la Révolution Russe est toujours le meilleur exemple de renversement du capitalisme et de le remplacer par une société bien plus démocratique et égalitaire. Dans le monde d’aujourd’hui, avec un niveau d’éducation et de technique bien plus haut et étendu, et des connexions meilleures au niveau mondial, l’isolement d’une révolution dans un seul pays et la montée d’une bureaucratie brutale est très improbable.

    Si Naomi Klein est excellente pour critiquer le capitalisme, en particulier le néo-libéralisme, ce qu’elle entend par « capitalisme » n’est pas toujours clair : est-ce que c’est seulement le néo-libéralisme, tout capitalisme où quelque chose de plus large qu’elle appelle « l’extractivisme »?

    Soyons clair, c’est le capitalisme, dans tous ses déguisements différents, avec les racines des problèmes remontant à toutes les sociétés de classe par le passe. Klein s’abstient aussi de parler d’une alternative socialiste. La seule façon réaliste de réaliser les étapes qu’elle propose – y compris les emplois verts bien payés, le contrôle de l’industrie et de la finance, le contrôle réel des terres par la communauté et « une économie soigneusement planifiée » (p. 94) – est de remplacer le capitalisme par une intendance coopérative collective des terres et des ressources dont les bénéfices seraient partagés entre tous : un monde socialiste.

    Klein est peut-être réticente à parler de socialisme parce qu’elle n’est pas familière de la critique marxiste du stalinisme. Elle semble incertaine de ce qu’est le socialisme, parlant de « socialisme autoritaire » en référence à l’Union Soviétique. Il y a une contradiction dans les termes ; le socialisme ne peut exister sans une démocratie saine et dynamique. L’Union Soviétique, sous Staline et ensuite, n’était pas démocratique, et la planification n’était basée ni sur la compréhension de l’environnement ni sur la conscience marxiste de la profonde connexion entre le bien-être humain et la nature.

    Marx et Engels sur l’environnement

    Il est dommage que Klein n’ait pas étudié le marxisme, à la fois sur l’Union Soviétique et sur l’environnement. Elle se réfère à Marx une fois, le citant sur « le fossé irréparable » du capitalisme avec « les lois naturelles de la vie elle-même » (p.177). Marx et Engels ont pourtant beaucoup écrit sur l’environnement. L’une de leurs compréhensions-clé est que les humains font partie et dépendent de la nature.

    « Et ainsi les faits nous rappellent à chaque pas que nous ne régnons nullement sur la nature comme un conquérant règne sur un peuple étranger, comme quelqu’un qui serait en dehors de la nature, mais que nous lui appartenons avec notre chair, notre sang, notre cerveau, que nous sommes dans son sein, et que toute notre domination sur elle réside dans l’avantage que nous avons sur l’ensemble des autres créatures, de connaître ses lois et de pouvoir nous en servir judicieusement. » (Engels, Le rôle du travail dans la transformation du singe en Homme, 1876)

    Klein fait un point similaire mais sans les idées du marxisme. Elle écrit : « vivre non-extractivement ne signifie pas qu’il n’y a aucune extraction : toutes les choses vivantes doivent prendre de la nature pour survivre. Mais cela signifie la fin de l’état d’esprit extractif – de prendre sans prendre soin, de traiter les terres et les Hommes comme des ressources à épuiser plutôt que comme des entités complexes avec des droits à une existence digne basée sur le renouveau et la régénération. » (p.447)

    Klein écrit par exemple sur le besoin de protéger la fertilité du sol. Marx, il y a plus de 150 ans, avait écrit que le capitalisme mine les sols et que sa réponse à ce problème était d’appliquer une autre source de problèmes. « Chaque progrès de l’agriculture capitaliste est un progrès non seulement dans l’art d’exploiter le travailleur, mais encore dans l’art de dépouiller le sol ; chaque progrès dans l’art d’accroître sa fertilité pour un temps, un progrès dans la ruine de ses sources durables de fertilité. […] La production capitaliste ne développe donc la technique et la combinaison du procès de production sociale qu’en épuisant en même temps les deux sources d’où jaillit toute richesse : La terre et le travailleur. » (Marx, Capital, Volume 1, 1867).

    Répondre à un problème par une autre solution technologique, plutôt que s’attaquer à la racine du problème, que ce soit en utilisant un fertilisant industriel face à l’épuisement du sol où géo-ingénieuriser le climat (probablement la réponse la plus effrayante qui existe) fait partie intégrante du capitalisme.

    Le mauvais usage de la science et de la technologie et la vision des humains comme des conquérants de la nature sont encore des raisons pour lesquelles le capitalisme est incapable d’empêcher le changement climatique.

    La réticence de Naomi Klein à nommer l’alternative au capitalisme affaiblit son livre et affaiblit la construction de cette alternative.

    Le mouvement pour renverser le capitalisme devra être un mouvement de masse à travers le monde entier, avec une compréhension claire de l’ennemi et de ce par quoi le remplacer : une société socialiste qui donne de la valeur à la terre, à sa biodiversité et à son Humanité.

    Quand la terre sera libérée du couloir de la mort qu’est le capitalisme, alors les aptitudes, le savoir et l’imagination de l’Humanité ; les outils et ressources accumulées durant des siècles de travail ; l’énergie illimitée du soleil et la fertilité et la diversité de la vie permettront un monde de développement complet de l’Humanité en harmonie avec une planète florissante.

    (1) “This Changes Everything : Capitalism vs the Climate” est sorti mi-septembre aux Etats-Unis et dans plusieurs pays anglo-saxons. L’ouvrage devrait être disponible en France au printemps 2015, aux éditions Actes Sud.

  • Dans la dèche à Londres et à Paris, George Orwell

    ‘‘Dans la dèche à Londres et à Paris’’ a été publié il y 80 ans (en 1933). Ce livre donne un aperçu percutant de la vie des miséreux dans une société en crise.

    Par Geert Cool

    Que cela soit le passage où Orwell est travailleur temporaire à Paris où celui de son errance vagabonde à Londres, les divers éléments abordés sonnent particulièrement juste au regard de l’actualité.

    80 années après la parution de cette critique d’un monde profondément antisocial, un seul constat s’impose : les choses n’ont pas fondamentalement changé. Au nom du progrès et de la l’adaptation aux conditions de vie moderne, nos conquêtes sociales ont été revues à la baisse, jusqu’au point de nous faire inévitablement penser à des pratiques choquantes en vigueur il y a près d’un siècle.

    George Orwell est né en Inde, enfant d’un fonctionnaire de l’administration coloniale des Indes. Il devint ensuite sergent dans la police impériale britannique en Birmanie. Son expérience personnelle de l’horreur coloniale et plus tard des terribles conséquences de la crise économique mondiale sur les sections les plus pauvres de la population l’ont poussé à adopter une conscience socialiste.

    ‘‘Dans la dèche à Londres et à Paris’’ est à considérer dans ce cadre. A Paris, nous rencontrons un professeur d’anglais sans travail ni argent, qui finit en désespoir de cause par s’épuiser dans l’univers de la restauration : ‘‘il y a une clientèle pour les restaurants, il faut donc des hommes qui passent quatre vingts heures par semaine à laver des assiettes. C’est la civilisation qui l’exige, un point c’est tout.’’ Les luttes intestines entre les divers membres d’un personnel bien trop mal payés pour de longues heures de travail sont décrites, de même que leur vie misérable, plongée dans l’incertitude permanente. De nombreuses punaises grouillent dans les pages du livre.

    L’illusion d’un meilleur avenir en Angleterre est rapidement brisée. Dès son arrivée, Orwell apprend que le travail qu’on lui avait promis est reporté d’un mois. Ce sera un mois d’errance et de mendicité. Mendiants et sans-abri n’hésitent pas à se battre entre eux ou à accuser les étrangers de venir leur voler le travail. Quant aux autorités, elles ne voient pas les vagabonds d’un très bon oeil. ‘‘Je m’étais trouvé à Londres un nombre incalculable de fois, et jamais je n’avais pris conscience d’un des vices rédhibitoires de la ville – à savoir qu’il est tout bonnement impossible de s’asseoir sans payer. À Paris, si vous n’avez pas d’argent et que vous n’arrivez pas à trouver un banc public libre, vous pouvez toujours vous asseoir par terre, sur le trottoir. Mais Dieu seul sait à quoi vous exposerait semblable comportement à Londres – à la prison, vraisemblablement.’’ Aujourd’hui, ce sont les Sanctions Administratives Communales, les interdictions de mendier ou encore les bancs ‘‘anti-clochards’’ avec des accoudoirs qui empêchent de s’allonger pour dormir…

    ‘‘Dans la dèche à Londres et à Paris’’ aurait tout aussi bien pu prendre pour base Bruxelles, Anvers, Charleroi, Gand ou Liège aujourd’hui. Les emplois excessivement mal payés, le cauchemar d’être un sans-abri en proie à la faim,… le sujet de ce livre n’a pas pris une ride malgré ses 80 ans. Toute la force d’Orwell réside dans sa narration, les yeux bien fixés sur le problème, la plume trempée dans le respect, avec une pointe d’humour. Cette approche n’est pas un hasard, Orwell part d’un point de vue de classe. Chaque personne qui éprouve des difficultés à joindre les deux bouts, une couche de la population qui gagne en ampleur, se reconnaîtra dans ces quelques pages, de la honte de ne pas être en mesure de payer quelque chose au mensonge pour couvrir le manque d’argent en passant par les conditions de travail scandaleuses. En bref, voilà une lecture idéale pour les longs mois d’hiver.

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