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Tag: Lagos
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Nigéria: La grève d’avertissement pour la revendication d’un nouveau salaire minimum est la bienvenue
Le Democratic Socialist Movement (DSM, section nigériane du CIO) salue de tout son cœur la motion en faveur d’une grève d’avertissement que le Congrès du travail du Nigéria (NLC) a déposée auprès du gouvernement au cas où celui-ci ne lancerait pas le processus de mise en application du nouveau salaire minimum à partir du 9 novembre 2010. La grève de trois jours est prévue pour les 10, 11 et 12 novembre (NDLR, cette grève a finalement été stoppée seulement 12 heures après son déclenchement).
Segun Sango, Secrétaire général du DSM
Nous trouvons qu’il est plus que temps pour cette action autour d’une revendication qui traîne sur la table du gouvernement depuis 2008. De fait, cette décision du NLC confirme la position que nous avons depuis longtemps formulée, c’est à dire que la stratégie des simples négociations autour de la table, sans lier cela à une mobilisation et à une lutte de masse des travailleurs, ne sera jamais capable de remporter un nouveau salaire minimum. Nous avons sans arrêt appelé la direction du Labour à ce qu’elle déclare une grève d’avertissement en tant que première étape vers l’obtention de la revendication d’un meilleur salaire pour les travailleurs, arrachée au gouvernement.
Malgré la capitulation des dirigeants du Labour qui ont fait passer le montant revendiqué de 52.200 naïras (250€) à 18.000 naïras (86 €) lors de la conclusion d’un accord avec la commission tripartite au début de l’année, le gouvernement n’a jamais été sincère à ce sujet. Tous les commentaires qui ont été faits à ce propos par les hauts cadres du gouvernement ont suggéré le manque de volonté total de la part du gouvernement Jonathan de payer un salaire minimum aux travailleurs. Par exemple, le ministre du travail et de la productivité, M. Chukwuemeka Wogu, a dit un jour qu’un nouveau salaire minimum serait basé sur la disponibilité des ressources. L’argument comme quoi les ressources ne sont pas disponibles pour payer la moindre hausse salariale aux travailleurs a toujours été utilisé par les gouvernements successifs pour contrer l’agitation en faveur d’un salaire décent. La vérité est que plutôt que de payer un salaire décent et d’investir de manière massive dans l’infrastructure sociale au bénéfice de la population laborieuse, l’élite de voleurs qui est au pouvoir préfère piller les ressources du pays pour s’octroyer à eux-mêmes des salaires absolument scandaleux.
Il était par conséquent malheureux que le Labour ait maintenu l’illusion qu’il pourrait par la discussion convaincre ce gouvernement obstiné de la justesse de la revendication d’un nouveau salaire minimum sans secouer la pirogue. John Odah, secrétaire général de la Trade Union Confederation (Confédération syndicale), s’est par exemple plaint du fait que « Notre patience en tant que mouvement ouvrier organisé n’est pas illimitée. Cela fait dix ans que l’ancien salaire minimum a été établi en 2000, il est temps d’en avoir un nouveau ». Il a ensuite déclaré que les trois mois entre la fin de septembre et la fin de décembre devraient suffire à mettre en œuvre cette hausse parce que « Nous ne voulons pas être accusés de susciter des tensions indues dans le pays » (Le Guardian, 6 octobre 2010). Avec pareille mentalité et pareille approche, il ne faut guère s’étonner de la non prise en considération des pseudos ultimatums lancés par les dirigeants Labour dans le passé, et du fait que ça fait dix ans que notre salaire minimum n’a pas été rehaussé.
Maintenant que le NLC a été forcé de menacer d’appeler à la lutte afin de forcer le gouvernement à mettre en œuvre l’accord, tout moyen nécessaire et légitime doit être employé pour assurer que cette action soit un franc succès. Il est bon de voir que l’exécutif national du NLC a « ordonné q’un “comité de grève national pour le salaire minimum” soit mis sur pied afin de diriger le processus de mobilisation intense pour une grève triomphale ». Nous pressons le Labour de construire ce comité immédiatement, et aussi de faire en sorte que de tels comités soient créés au niveau des conseils d’état, des différents syndicats et dans les entreprises.
Il est de même important que la grève prévue ne soit pas réduite à une action où chacun reste chez soi. Il faut qu’il y ait des activités de masse telles que des forums, des meetings et des distributions de tracts avant et pendant la grève afin de remporter le soutien du public pour la grève. Pour cela, il faudra que la Coalition du Travail et de la société civile (Labour and Civil Society Coalition – LASCO) soit impliquée à un niveau central dans la planification et la coordination de l’action. Nous aplaudissons la décision du NLC qui a conclu un accord avec la TUC en faveur d’un effort en commun dans la lutte pour un meilleur salaire minimum.
Nous sommes donc d’avis que la LASCO doit immédiatement appeler à un meeting afin de démarrer la planification d’actions pour la grève d’avertissement, et aussi pour déterminer quelles actions et interventions concrètes devront être menées en direction des différentes luttes qui ont éclaté dans divers secteurs tels que l’éducation, la santé (à Lagos en particulier), et l’énergie. Le Forum d’action conjointe et d’autres organisations pro-ouvrières devraient également tout de suite entamer des activités indépendantes de solidarité avec les travailleurs et pour mobiliser un soutien de masse en faveur de la lutte parmi la population laborieuse en général.
Toutefois, et ce qui est plus important, la direction du Labour devrait réaliser que la mauvaise foi du gouvernement en ce qui concerne l’octroi d’un salaire décent aux travailleurs est en réalité l’apanage de tous les gouvernements anti-pauvres — quels que soient les partis politiques —, lesquels sont axés sur le maintien du capitalisme. Voilà pourquoi si cette lutte parvenait à forcer le gouvernement Jonathan à mettre en application l’accord sur le plan fédéral, comme l’expérience l’a déjà montré, il faudra un deuxième tour de luttes avant que les gouvernements étatiques et que les employeurs privés ne l’acceptent eux-mêmes. En même temps, le Labour doit être vigilant afin de combattre toute tentative par les capitalistes de se venger d’une hausse du salaire minimum par des licenciements. C’est à cause de ces réalités du capitalisme que les dirigeants du Labour doivent entièrement abandonner leur idée futile et utopique qu’il est possible d’améliorer la condition des masses laborieuses sans entièrement confronter et au final vaincre le capitalisme politiquement. C’est une des raisons pour lesquelles nous avons toujours appelé le Labour à construire une alternative politique ouvrière combative de masse, capable d’arracher le pouvoir des mains de l’élite kleptomane à tous les niveaux, de vaincre le capitalisme et d’utiliser les ressources de la société pour le bénéfice de tous.
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[DOSSIER] Nigéria : La Présidence de Goodluck Jonathan
Un développement positif et une amélioration des conditions de vie au Nigéria sont-elles possibles ?
Après beaucoup de raffut, c’est le Dr Goodluck Jonathan qui est devenu Président du Nigéria ce 6 mai 2010, à la suite du décès du Président Musa Yar’Adua, mort en plein mandat des suites d’une longue d’une maladie. Comme d’habitude, plusieurs commentateurs bourgeois et autres crabes, qui soutiennent toujours le gouvernement en place quel qu’il soit, ont intensifié leurs pirouettes. A en croire ces éléments, Goodluck Jonathan est doté d’une aura divine ; ils insistent sur la manière dont il est devenu gouverneur et maintenant Président sans jamais s’être présenté à aucune élection en son nom propre !
De l’édition d’octobre de Socialist Democracy, journal du Democratic Socialist Movement (CIO-Nigéria)
Et maintenant, ces diseurs de bonne aventure veulent que les Nigérians aient foi dans le fait que Goodluck Jonathan va utiliser sa soi-disant « chance » providentielle pour apporter un bouleversement positif à l’économie et aux conditions de vie de la population. Nous demandons donc : le Nigéria et les Nigérians connaîtront-ils un développement positif et une amélioration de leur niveau de vie sous la dispense du Président Jonathan ?
Il est très important de constater que les principaux porte-parole gouvernementaux sont récemment apparus porteurs de statistiques et de données hautement optimistes qui toutes tendant à la conclusion que les beaux jours sont déjà arrivés dans le secteur économique. Pour ces éléments bouffis de leurs propres illusions, tout ce qui est maintenant requis pour soutenir ces supposés lendemains qui chantent est une détermination gouvernementale afin d’accomplir certaines réformes économiques généralement appréciées par le capital financier mondial et ses politiciens antisociaux locaux.
Prenant récemment la parole devant une conférence de presse avec Mme Aruna Oteh, Directrice Générale de la Commission pour la Sécurité et pour l’Echange, et le Commissaire aux Assurances M. Fola Daniel, le Ministre des Finances M. Olusegun Aganga a joyeusement affirmé que «notre économie se porte bien». Ils ont entre autres déclaré que le PIB a augmenté de +7,2% au cours du premier trimestre de 2010, comparé à un plongeon de -8,8% au premier trimestre 2009 et de -6,6% en 2008. Ils ont également affirmé que le secteur non-pétrolier s’est accru de +8,15% comparé au premier trimestre de 2009, contre +7,9% entre 2009 et 2008. Mais malgré tout, le chômage est toujours officiellement estimé à 19,47%.
Quelques jours plus tard, le 28 juillet 2010, lors d’une réunion du Conseil Exécutif Fédéral, le Gouverneur de la Banque Centrale M. Sanusi Lamido Sanusi a lui aussi déclaré que «il n’y a aucune raison de s’alarmer» si l’on considère les perspectives économiques globales du pays. Selon lui, le PIB a augmenté de +7,63%, l’inflation est maintenant modérée, les marchés d’échange avec l’étranger sont stables, de même que le taux inter-banques et le taux du marché, et il a conclu en disant que les banques travaillent très bien. Et, apparemment pour soutenir les bons développements dont il a parlé, il a allégrement annoncé que la Banque Centrale du Nigéria, la Banque de l’Industrie et les banques commerciales au Nigéria se sont mises d’accord pour signer un contrat de 500 milliards de naïra (2,4 milliards d’euros) afin de financer les secteurs de l’énergie et de la manufacture.
Selon les termes de M. Sanusi, «Il faut que ça change. Nous croyons que l’industrie bancaire peut servir de catalyseur pour le secteur. Chaque banque qui a participé aux 130 milliards de naïra (600 millions d’euros) que nous avons déboursés doit contribuer à hauteur de 65 milliards de naïra avec ses propres fonds. Au-delà du soutien financier, nous fournissons aussi des conseils et des analyses d’impact afin de soutenir la croissance du secteur manufacturier». S’adressant aux Correspondants de la Chambre d’Etat après la réunion, le Ministre d’Etat pour l’Information et la Communication, M. Labaran Maku, a débordé de remerciements à M. Sanusi pour sa «franchise et son cœur» sans pareils, en particulier pour sa «détermination à pousser de l’avant avec des réformes critiques, malgré les pressions de groupes aux intérêts contraires qui cherchent à renverser les réformes qui ont sauvé de la crise profonde les secteurs financiers de la nation». M. Maku a conclu en déclarant que «le Gouvernement est confiant dans le fait qu’avec tout ce qui se passe en termes de réformes et de convergence politique, l’économie de la nation connaîtra une croissance durable dans les années à venir».
Entre propagande et réalité
Il y a deux leçons basiques que les couches conscientes du mouvement ouvrier et de la jeunesse doivent tirer de toutes ces fausses affirmations et performances, telles que le renouveau de l’économie nationale, qui sont aujourd’hui publiées par les hauts sommets du Gouvernement. Tout d’abord cela démontre que sous la Présidence de Jonathan, la gestion économique et la gouvernance en général sont toujours largement considérées par l’élite bourgeoise comme n’étant rien de plus qu’un art de propagande qui n’a rien ou pas grand’chose à voir avec la réalité. Deuxièmement, cela démontre également l’incapacité totale des mesures préférées des élites capitalistes à garantir un développement suffisant et un niveau de vie décent malgré les ressources naturelles et humaines abondantes de la nation. Tout en se donnant des tapes dans le dos les uns aux autres pour se féliciter des soi-disant merveilleuses réalisations qui sont aujourd’hui en train d’être enregistrées grâce à la combinaison de leur politique macro et micro-économique, et en même temps qu’ils éructent de fausses promesses quant à la croissance durable et la hausse des niveaux de vie, chaque secteur-clé de l’économie et les conditions de vie de l’écrasante majorité de la population ont continué à aller de mal en pis.
«Entre 1985 et 2004, l’inégalité au Nigéria a empiré de 0,43 à 0,49%, ce qui place le pays parmi ceux qui ont les plus haut taux d’inégalité au monde. De nombreuses études ont démontré que malgré ses vastes ressources, le Nigéria se classe parmi les pays les plus inégaux du monde. Le problème de la pauvreté dans le pays est en partie une conséquence de la forte inégalité qui se manifeste par une distribution du revenu fortement inégale, et par des différences d’accès à l’infrastructure de base, à l’éducation, aux formations et aux opportunités d’emploi» (Rapports de Développement Humain du PNUD – Programme des Nations Unies pour le Développement – pour les années 2008-9).
En dépit de ses abondantes ressources humaines et naturelles, le Nigéria est classé 158ème sur 182 pays en terme d’Indice de Développement Humain. Bien que la population nigériane compte pour près de 2% de la population mondiale, le pays compte pour 11% des décès maternels et 12% du taux de mortalité des enfants âgés de moins de 5 ans du monde entier. Selon un autre rapport des Nations Unies, 92% des Nigérians vivent avec moins de 2$ par jour. Il n’est dès lors guère surprenant que l’espérance de vie de la plupart des Nigérians ait fortement décliné, s’élevant à 49 ans pour les hommes et 59 ans pour les femmes.
Un accès stable et abordable à l’électricité, ce qui est perçu partout comme étant un élément inévitable de la croissance économique moderne et du développement social, demeure largement non-existant pour une écrasante majorité de Nigérians ; tandis que les services pour la minorité d’individus et d’entreprises qui y ont accès restent épileptiques. L’Afrique du Sud, qui ne comporte qu’environ un tiers de la population du Nigéria, génère 45.000 mégawatts d’électricité par an. En revanche, le Nigéria ne génère à peine que la quantité lamentable de 3000 mégawatts par an. En fait, au moment où l’ancien Président Obasanjo a quitté le pouvoir en mai 2007, le Nigéria ne générait plus que 2500 mégawatts, qui ont aujourd’hui encore décliné à environ 2000 mégawatts en 2009.Il faut ajouter ici que cette situation pathétique se poursuit malgré le fait que le pays est censé avoir investi près de 16 milliards de dollars pour la production d’électricité sous la Présidence d’Obasanjo !
L’éducation, que tout un chacun considère comme un pré-requis essentiel pour le développement global de la société et des individus, demeure dans les conditions les plus débilitantes. Par exemple, le journal The Nation du 17 mars 2010 rapporte que « Seuls 4223 des 236 613 candidats (c.à.d. 1,7% d’entre eux) à concourir pour l’Examen Senior d’Ecole Secondaire du Conseil National des Examens (NECO) de novembre/décembre de l’an passé ont réussi dans cinq sujets incluant l’anglais et les mathématiques ». Dans son édition du 15 avril 2010, The Nation rapportait de même que dans tout le pays, seuls 25,99% et 10% respectivement ont réussi dans au moins cinq sujets y compris l’anglais et les mathématiques lors des examens du Conseil des Examens de l’Afrique de l’Ouest de mai/juin 2009 et du NECO de juillet 2009.
Ces résultats pathétiques et inquiétants ont été condamnés sans ambages par le gouvernement, les cadres non-gouvernementaux et les individus privés. Selon le même journal du 15 avril 2010, « Les pauvres résultats des candidats ont forcé le Gouvernement Fédéral à convoquer les chefs des deux commissions d’évaluation afin d’expliquer cet échec de masse et de fournir des solutions. Ceci a été suivi en janvier par une réunion du Ministre de l’Education de l’époque, Dr Sam Egwu, avec les directeurs des Collèges du Gouvernement Fédéral de Minna, capital de l’Etat du Niger (une province du Nigéria de 2 fois la taille de la Belgique et 4 millions d’habitants, à ne pas confondre avec le Niger qui est le pays voisin). Même M. Segun Oni, le gouverneur de l’Etat d’Ekiti – qui s’enorgueillit d’être une ‘‘Fontaine de la Connaissance’’ -, à la suite de ces résultats lamentables, a lu le décret émeutes aux directeurs des écoles secondaires, selon lequel ils devaient soit relever la tête, soit démissionner. Le Forum des Gouverneurs du Nord via son Président le Dr Mu’azu Babangida Aliyu, a dû organiser une réunion des 19 gouverneurs de la région afin de se pencher sur ce problème. Dans la région de l’Est, le résultat des examens est devenu extrêmement préoccupant pour les organisations gouvernementales et non-gouvernementales ».
De la part de ces mêmes éléments qui ont été et sont toujours responsables de l’effondrement et de la déchéance continue du secteur de l’éducation, les réponses qui ont été faites par divers cadres gouvernementaux et que nous avons citées ci-dessus, sont à la fois cyniques et hypocrites. Cette réponse est on ne peut plus cynique, parce que ce sont justement ces divers cadres gouvernementaux à travers leur politique de sous-financement de l’éducation et la corruption dans toutes les sphères de la vie qui ont créé les conditions responsables de l’échec sans fond à l’école et lors des examens.
En 2005, le PNUD, dans son rapport sur le Développement Humain, avait déjà dépeint un tableau extrêmement sinistre du secteur de l’éducation au Nigéria. Ce rapport disait ceci : « Du au maigre financement de l’éducation, l’enseignement à tous les niveaux souffre de faibles niveaux académiques ; il manque de personnel enseignant suffisant, à la fois en quantité et en qualité. Même les quelques enseignants qualifiés qui sont disponibles ne sont pas suffisamment motivés en terme de rémunération ou d’environnement de travail pour maximiser la qualité de leur apport dans le système éducationnel. Les écoles et les classes sont surpeuplées, les bâtiments sont inadéquats et sur-utilisés, les étagères des bibliothèques sont vides et recouvertes de toiles d’araignées, tandis que les laboratoires sont dépourvus d’équipement mis à jour ». Face à un tel constat, on ne peut que s’époustoufler de l’hypocrisie de nos dirigeants lorsqu’ils s’étonnent des résultats de nos élèves aux examens.
Malgré l’impression trompeuse qui est donnée par les porte-parole du gouvernement au sujet de la situation économique actuelle du Nigéria, les routes étatiques et nationales, tout comme les rues, demeurent dans les conditions les plus déplorables, ce qui mène constamment à des pertes de vie massives à cause des accidents fréquents qui se produisent sur ses pièges mortels qu’on appelle « routes ». En même temps, les Nigérians et l’industrie continuent à perdre d’innombrables heures de travail simplement pour pouvoir se frayer un chemin sur ces mauvaises routes. En fait, un rapide survol de chaque aspect basique de la vie et de l’économie du pays révèle un tableau d’échec et de décrépitude colossaux.
Les mesures qui sont mises en avant par Jonathan et par les responsables du gouvernement
Il n’y a pas longtemps, le Ministre des Finances M. Olusegun Aganga, s’est adressé aux médias quant à l’état actuel de l’économie et à ses perspectives pour la période à venir. Il a crié sous tous les toits que « Notre économie se porte bien ; nos banques sont sûres ». En plus de ces déclarations fantaisistes quand aux soi-disant merveilleux indicateurs économiques, le Ministre a déclaré : « Nous allons créer un environnement de qualité afin d’attirer les investisseurs locaux et étrangers. La création d’infrastructure est une autre priorité du gouvernement. L’énergie en est la clé. Si on demande à qui que ce soit ce dont ils ont réellement besoin, je suis certain que cette personne répondra : énergie,énergie, énergie ». Dès le moment où il est devenu Président au début du mois de mai 2010, Jonathan n’a laissé aucun doute sur le fait qu’il trouve qu’un accès à l’électricité stable et ininterrompu est un facteur indispensable pour le développement socio-économique. De fait, il s’est même octroyé le poste de Ministre de l’Energie en plus de ses fonctions présidentielles.
Etant donné l’ « heureux bilan » établi par le Ministre des Finances, et l’engagement apparent de Jonathan de résoudre une fois pour toutes le problème de l’approvisionnement en électricité, les Nigérians peuvent-ils s’attendre à avoir accès à des logements, à des soins de santé, à une éducation et à des emplois ? Les industries et la population en général peuvent-elles espérer bénéficier d’infrastructures fonctionnelles, tels que des routes, une source d’électricité ininterrompue et accessible ? Dès lors, les grandes industries tout comme les petits commerces peuvent-ils maintenant avoir accès à des prêts bancaires à des taux favorables pour les producteurs autant que pour les consommateurs ?
Il est certain que c’est là l’impression que cherchent à faire le Président Jonathan, le Ministre des Finances Olusegun Aganga, et ceux comme le Gouverneur de la Banque Centrale du Nigéria, Mallam Sanusi Lamido Sanusi. Mais malheureusement, si on se fie à une évaluation scientifique de la stratégie économique centrale du gouvernement, de ses mesures-clés et de leur mise en oeuvre, c’est tout le contraire de ces promesses, voire pire, qui risque bien de se produire.
Malgré sa surenchère de promesses, la stratégie économique du Président Jonathan est entièrement basée sur le même paradigme néolibéral, anti-pauvres, pro-riches qui a déjà tant échoué, et qui est poussé par le monde des affaires et par les éléments capitalistes sur les plans international et local. Ecoutons seulement M. Aganga : « Nous allons supprimer les barrières douanières aifn d’attirer les investissements dans notre zone. De la sorte, nous voulons que le secteur privé vienne en tant que partenaire au gouvernement pour financer l’infrastructure. Le gouvernement ne peut pas faire cela de lui-même. Nous savons que nous ne pouvons pas nous permettre de financer le déficit de l’infrastructure en comptant uniquement sur notre budget. Nous savons que nous n’avons que très peu de moyens, et nous savons qu’il est très important de remplir ce trou, et c’est pourquoi nous appelons le secteur privé à mener le développement de l’infrastructure ». (Avant-Garde du 24 juillet 2010)
Dans un récent discours face au Conseil Communal (une institution établie à la manière américaine) à la Loge du Gouverneur à Uyo dans l’Etat de Cross River, le Président Jonathan a profité de l’occasion pour faire des déclarations explicites et approfondies sur la stratégie économique du gouvernement. Parmi d’autres points, il a abordé le problème crucial et délicat de l’accès et de la disponibilité des produits dérivés du pétrole à des usages industriels et domestiques. Voyez plutôt : « Ce n’est pas le rôle du gouvernement d’être directement impliqué, mais plutôt d’encourager le secteur privé à investir. Ce qui limite en ce moment l’établissement de ces raffineries est le mode de fixation des prix des produits pétroliers, un problème que le gouvernement veut résoudre. Si le gouvernement devait être impliqué, ce serait sous la forme d’un partenariat public-privé, mais pas directement comme par exemple par la construction de raffineries d’Etat ».
Le « partenariat public-privé » en action
Contrairement à toutes ces vantardises, la paralysie économique actuelle au sien du pays et à l’échelle internationale est essentiellement une conséquence de la stratégie du « profit d’abord » suivie par l’élite capitaliste dirigeante partout dans le monde. Nous allons ici donner deux exemples de comment fonctionne cette politique. Selon le principe de « partenariat public-privé » (PPP), les aéroports du pays sont cédés aux marchands de profit sous le nom de « concession ». L’idée qui est vendue au public est que grâce à cet arrangement, l’emprise de la machine étatique corrompue sera brisée et qu’ainsi plus de revenus seront générés, ce qui garantirait les développements nécessaires de l’infrastructure et de la logistique aéroportuaire. Cependant, selon le magazine ThisDay du 10 juin 2010, c’est en réalité uniquement le contraire de ce qui avait été promis qui s’est produit : « L’accord de concession était censé redresser le revenu de la Federal Airports Authority in Nigeria. On croyait que les partenaires privées renforceraient l’innovation et la transparence, et assureraient que les ressources aéronautiques comme non-aéronautiques seraient gérées de telle manière à accroître les revenus […] Mais au lieu de rehausser le revenu de l’Agence, les concessionnaires ont quitté l’organisation en la laissant dans un état financier critique. [Selon une source de la FAAN :] « Dans le passé, la FAAN n’a jamais été en retard de payement de salaires, mais depuis que ces concessionnaires sont arrivés à sa tête, il est devenu difficile de payer le personnel. Regardez les aéroports, on ne les entretient même plus, parce que les fonds ont disparu. On avait prévu d’obtenir plus que ce que nous générions avant que les sources de revenus ne soient concédées. Mais il est aujourd’hui évident que les travailleurs de la FAAN s’en tiraient mieux avant » ».
Le Président Jonathan et ses conseillers économiques ont donné au secteur privé la responsabilité du développement nécessaire des infrastructures et des services via leur agenda de soi-disant partenariat public-privé. Cependant, c’est l’Etat de Lagos, gouverné par un parti d’opposition, l’Action Congress (AC), qui a déjà fourni une excellente illustration de pourquoi l’idéologie du « profit d’abord » ne mènera jamais à un développement nécessaire et suffisant pour l’économie et pour l’amélioration des conditions de vie du peuple en général. Depuis 2003 ou à peu près, l’ex-Gouverneur de l’Etat de Lagos, Bola Ahmed Tinubu, a conclu un accord avec un groupe d’entreprises privées pour construire une route de 49 kilomètres afin de relier Victoria Island à la ville d’Epe, dans l’Etat de Lagos. Huit ans plus tard, seuls 6 km de route ont été construits. Mais les entreprises privées en charge du projet n’ont par contre pas eu honte de déjà installer trois péages afin de prélever l’argent sur les utilisateurs de la route en chantier (pour la plupart des membres des classes moyennes ou de l’élite riche) ! Cette situation risque de durer encore trente ans ! Entretemps, plus des trois-quarts des routes et rues de l’Etat de Lagos demeurent dans des conditions déplorables.
Le renflouement des banques et des industries
Toutefois, rien n’illustre mieux l’incapacité totale du capitalisme de répondre aux nécessités sociales pour le développement économique et l’amélioration du mode de vie du peuple, que la pauvreté de masse et la dépression qui domine actuellement tous les secteurs économiques et sociaux, malgré les ressources naturelles et humaines surabondantes dont est doté le Nigéria. La manifestation la plus provocante de l’impasse capitaliste est l’octroi de centaines de milliards de naïras provenant des fonds publics en cadeau aux mêmes vampires capitalistes qui ont mené à ses conditions actuelles de désolation ce pays qui autrement serait énormément riche de ses immenses ressources et de sa population courageuse.
A la fin de l’année passée, le gouvernement de feu le Président Musa Yar’Adua a donné via sa Banque Centrale la somme de 620 milliards de naïra (3 milliards d’euro) à huit banques qui se tenaient au bord de la faillite, en conséquence de leurs nombreuses transactions financières irresponsables et du pillage en bonne et due forme exercé par leurs propriétaires privés. Yar’Adua et son successeur le Président Jonathan ont de même unilatéralement décidé d’octroyer la somme scandaleuse de respectivement 150 milliards et 500 milliards de naïra (700 millions et 2 milliards d’euro) pour renflouer des industries en faillite tant en les laissant entre les mains des capitalistes. Bien entendu, ce qui était autrefois le secteur industriel nigérian a été maintenant complètement dévasté au fil des années par la combinaison de mesures politiques « profit d’abord » qui ont été imposées au pays par les multinationales des pays capitalistes avancés.
A cet égard, l’industrie textile exemplifie bien le genre de désertification industrielle qui a étranglé le pays au fur et à mesure que le capitalisme mondial a renforcé son emprise sur les économies des pays néocoloniaux et sous-développés tels que le Nigéria. A la fin des années 80, il y avait 250 entreprises textiles qui ensemble employaient directement 800 000 travailleurs, avec plus d’un million d’autres personnes qui gagnaient leur vie par la vente et autres commerces liés à ce secteur. Malheureusement, en 2007, il ne restait que 30 de ces entreprises, opérant pour la plupart en-dessous de leur capacité, et qui employaient moins de 30 000 travailleurs. Il faut ajouter aussi que c’est le même genre de dévastation économique qui a vu le jour dans d’autres secteurs industriels et agricoles autrefois florissants.
Toutefois, au-delà même des conditions lamentables qui prévalent aujourd’hui, il est économiquement contre-productif et socialement scandaleux pour un gouvernement de verser des centaines de milliards aux mêmes marchants de profit qui ont mené le pays à son impasse actuelle malgré son abondance de ressources humaines et naturelles, alors que cet argent aurait pu être utilisé pour développer les infrastructures publiques et les services sociaux. C’est un véritable scandale que d’énormes fonds publics soient octroyés à des individus et à des entreprises non-redevables et dont les seuls intérêts sont ceux de leurs profits et qui pendant des années ont mené une véritable croisade pour que le gouvernement cesse de financer les infrastructures socialement nécessaires que sont les routes, les services, l’éducation, les soins de santé, l’emploi, etc. soi-disant parce que ce sont là des mesures socialisantes qui n’engendreraient que l’inefficacité et la stagnation économique. Si les industries qui sont essentielles au développement du pays et du niveau de vie sont au bord de la faillite, alors au lieu d’en renflouer les propriétaires, elles devraient être nationalisées (avec compensation uniquement sur base de besoins prouvés) et gérées démocratiquement dans les intérêts des travailleurs et des pauvres.
Hélas, plutôt que de se battre pour une réelle appropriation publique des secteurs-clés de l’économie, y compris des secteurs bancaire et financier, sous le contrôle et la gestion démocratique par les travailleurs, en tant que base d’un grand plan démocratique par lequel les abondantes ressources humaines et naturelles du Nigéria pourraient être utilisées afin de garantir une vie décente et une réelle liberté démocratique pour le peuple, les sommets de la hiérarchie syndicale du NLC (Nigerian Labour Congress) et de la TUC (Trade Union Confederation) sont occupés à placer de faux espoirs dans l’illusions selon laquelle ce système criminel pourrait être réformé afin de satisfaire aux besoins des masses laborieuses. Ils ferment leurs yeux devant l’échec du capitalisme à développer le Nigéria et devant la grave crise qui a frappé le système capitaliste mondial au cours des trois dernières années. En fait, les dirigeants syndicaux ne font que baser leurs campagnes sur ce qu’ils pensent que les capitalistes voudront bien donner, c’est pourquoi aucune campagne sérieuse n’a été menée pour le salaire minimum à 52 000 naïra (240€) que l’Exécutif National du NLC avait revendiqué pour la première fois lors de son assemblée du 18 décembre 2008 à Kano.
La guerre contre la corruption et contre l’insécurité de la vie et de la propriété
La corruption et l’insécurité de la vie et de la propriété sont toujours considérées par tous les commentateurs sérieux comme étant des facteurs cruciaux lorsqu’on parle d’assurer une véritable croissance économique et la stabilité sociale. Malheureusement, le gouvernement pro-capitaliste dirigé par Jonathan a également démontré son incapacité à répondre de manière efficace au défi qui est posé par ces deux enjeux. Presque chaque jour, le Président Jonathan et ses cadres professent le même discours quant à leur détermination à combattre la corruption, qui est perçue comme un cancer qui empêche la croissance économique.
Pourtant, la Commission pour les Crimes Economiques et Financiers (EFCC) a fermé les yeux devant toute une série de scandales à échelle internationale impliquant plusieurs cadres gouvernementaux haut placés, certains étant déjà à la retraite, d’autres non, et sans le moindre murmure non plus de Jonathan ou de son administration. Cependant, la même EFCC qui n’a pas bronché au sujet des accusations de corruption envers des hauts responsables gouvernementaux au sujet de contrats obtenus avec Halliburton, Daimler, et autres requins multinationaux, a tout d’un coup regagné toute sa puissance lorsqu’elle a forcé le Président Goodluck à annuler son interdiction autocratique de toute participation des équipes de football nigérianes à des compétitions internationales.
Afin de couvrir la retraite humiliante qui a été imposée au Président quant à son interdiction digne d’un dictateur militaire, mais complètement hypocrite et entièrement déplacée, des équipes de football nationales, la EFCC a été lâchée sur les chefs de la Fédération Nigériane de Football (NFF). De la même manière que dans les derniers jours de la Présidence d’Obasanjo, la EFCC est essentiellement devenue un instrument de harcèlement des opposants ou de ceux qui étaient tombés en disgrâce par rapport au PDP au pouvoir, la EFCC serait maintenant en train de mener une enquête sur la mauvaise gestion de 2 milliards de naïra par la NFF. Tout ceci sur ordre de personnes qui gèrent un budget de dizaines de milliers de milliards de naïra, sans en être redevables à qui que ce soit ! Au vu des dernières gesticulations de la EFCC, on peut dire que sous le règne de Jonathan, comme d’habitude, la guerre contre la corruption ne demeurera qu’une mauvaise plaisanterie, qui revient à tenter d’éteindre un feu de brousse en crachant dessus, ou à ce que des hors-la-loi armés s’octroient le droit de juger des voleurs à la tire.
La résolution du Gouvernement à combattre les crimes de droit commun tels que les rapts révèle également la même vision bourgeoise à court-terme, ce que feu Fela Anikulapo-Kuti appelait « l’aveuglement ikoyi ». Comment le gouvernement compte-t-il endiguer la vague croissante de criminalité, en particulier les rapts qui ont pris un caractère de plus en plus répandu, et surtout au moment même où le gouvernement cherche à attirer des investisseurs étrangers ? Le Président Jonathan nous répond : « Nous prenons cet enjeu très au sérieux, et nous ne manquerons pas de poursuivre les auteurs de ces crimes. On trouve même certaines communautés dans le pays qui ont fait de la criminalité un vrai business, et des gens croulant sous les diplômes et qui aident et soutiennent cette activité […] Certaines personnes haut-placées sont impliquées […] Lorsque quelqu’un est enlevé, ce sont ces mêmes gens qui vont négocier la rançon […] Nous ne dormons pas ; nous sommes en train de trouver des méthodes pour traquer les enleveurs, nous cherchons à mettre en oeuvre des méthodes informatiques pour ce faire ».
Aveuglés par leur propre mode de vie d’opulence non mérité et injuste, lorsque l’immense majorité se morfond dans la misère et l’indigence, Jonathan et les élites capitalistes ne peuvent réaliser que c’est la combinaison de leur système injuste et de la corruption des dirigeants capitalistes qui est responsable de la hausse des crimes sociaux tels que les enlèvements, le banditisme armé, le siphonage des oléoducs, etc. Par conséquent, pour que les masses laborieuses puissent bénéficier de conditions de vie décentes et permanentes, et d’une société libre du fléau de la criminalité, la société capitaliste actuelle, faite d’injustices, et qui ne bénéficie qu’aux intérêts des quelques riches, doit être économiquement et socialement remplacée par un nouvel ordre social dans lequel les ressources de la nature et les hauts sommets de l’économie – y compris les banques et la finance – seraient collectivement appropriées et placées sous le contrôle et la gestion démocratiques des travailleurs eux-mêmes, de sorte que les ressources humaines et naturelles infiniment abondantes de notre planète puissent être réellement planifiées et utilisées afin de satisfaire aux besoins économiques et sociaux du peuple.
Vers où aller ?
Sur base de mesures et stratégies pro-capitalistes, aucun des problèmes sociaux et économiques auxquels sont en ce moment confrontés le pays et la vaste majorité de sa population de plus en plus miséreuse ne peuvent être résolus de manière satisfaisante afin d’assurer une croissance économique énergique et un mode de vie décent pour le peuple. Bien sûr, au lieu d’accepter la faillite totale de la stratégie capitaliste et de la politique menée sur une base individuelle, les élites dirigeantes parasitaires et kleptomanes du Nigéria voudront toujours donner l’impression que le fait de gérer l’économie nigérienne est un e mission impossible. Devant le Conseil Communal cité plus haut, le Président Jonathan a une fois de plus renié son engagement gouvernemental de départ selon lequel il oeuvrerait en faveur d’un approvisionnement complet en électricité pour les industries et pour les ménages, avec comme point de départ la génération de 11 000 mégawatts avant 2011. Effectuant un virage à 180° par rapport à ses promesses initiales, le Président demande maintenant aux Nigérians de ne pas s’attendre à avoir un accès adéquat à l’électricité avant longtemps. Citant son expérience en tant que Gouverneur de l’Etat de Bayelsa, il a expliqué que « J’ai réalisé que lorsqu’on arrive par exemple avec 10 000 mégawatts, plus de gens vont immédiatement réclamer de nouvelles lignes électriques pour chez eux, et peu après, l’approvisionnement en électricité redevient inadéquat ». Cet argument bidon ridicule est taillé sur mesures pour justifier pourquoi le Nigéria n’a pas pu générer assez d’électricité pour alimenter de manière satisfaisante sa consommation industrielle et ménagère.
L’Afrique du Sud, qui ne comporte qu’un tiers de la population du Nigéria, génère actuellement 45 000 mégawatts d’électricité par an, tandis que le Nigéria n’en génère en ce moment que 3000. Par conséquent, la tâche centrale est non pas de donner l’excuse que c’est le comportement des gens qui rend cet objectif inatteignable, mais bien de générer assez d’électricité que ce dont en ont besoin les industries et les gens. A un moment l’an dernier, la Ministre de l’Information nigérianne, Mme Dora Akunyili, a rendu visite à l’Ambassadeur vénézuélien au Nigéria, pour y rééditer auprès de lui son appel habituel à des investissements étrangers dans le secteur pétrolier. En guise de réponse, l’Ambassadeur du Venezuela a demandé au Nigéria de plutôt se tourner vers ses propres forces et de gérer ses propres ressources afin d’améliorer le bien-être de son peuple et de son économie en général, plutôt que de sans cesse frappeer à la porte des étrangers. Il a ainsi expliqué que depuis l’an 2000, au Venezuela, le prix du barril de pétrole est resté le même et le coût du plein pour une voiture moyenne n’a pas excédé la somme de 160 naïra (0,75€), et que le gouvernement vénézuélien possédait et gérait plus de 40 raffineries de dérivés pétroliers destinés à la consommation locale comme à l’exportation. Bien que les masses laborieuses vénézuéliennes soient toujours confrontées à de grands problèmes dus au caractère incomplet des réformes anticapitalistes qui ont été jusqu’ici accomplies dans leur pays, elles ne sont pas confrontées au même désastre absolu qui sévit au Nigéria. Tandis que le Nigéria, qui est le quatrième plus grand producteur de pétrole brut au sein de l’OPEP, dépend toujours fortement de l’importation de produits pétrolier, aucune de ses quatre raffineries ne tournant à pleine capacité.
Le NLC comme la TUC, avec leurs affiliés, ont toujours critiqué le caractère anti-populaire de la plupart des politiques gouvernementales. Ces dirigeants syndicaux adorent faire des critiques correctes du caractère anti-pauvres des mesures de privatisation et de concession des raffineries, de l’électricité, des aéroports et des routes. Récemment, les directions du NLC et de la TUC ont condamné la proposition du gouvernement de dépenser des milliards de naïra pour la célébration du cinquantième anniversaire de l’indépendance du Nigéria qui, du point de vue des masses opprimées, n’est jamais que 50 ans d’échec. La direction du NLC a aussi récemment dénoncé de manière très correcte les propositions pro-riches et anti-pauvres en faveur de la dérégulation et de la privatisation du secteur pétrolier, du retrait des soi-disant subsides sur les produits pétroliers, et d’une hausse de +200% du prix de l’électricité qui sont défendues par le Gouverneur de la Banque Centrale du Nigéria, Mallam Sanusi Lamido Sanusi. Dans une déclaration intitulée : « Assez des singeries anti-populaires de Sanusi ! » publié le 29 juillet 2010, on peut lire ceci : « Au sujet du tarif de l’électricité en particulier, le National Labour Congress est convaincu que le premier pas qui doit être fait par le gouvernement est d’avant toutes choses améliorer la capacité de génération et de distribution d’électricité, avant de parler de la question du prix à payer. Ce serait illogique et entièrement irraisonné de faire payer plus chers les Nigérians qui en ce moment payent déjà pour des services dont ils ne profitent pas, à part pour les ressources énormes qu’ils dépensent quotidiennement pour faire fonctionner leur générateur électrique domestique ». Au sujet d’un plan de renflouement à hauteur de 30 milliards de naïra (140 millions €) pour un redressement de l’industrie textile moribonde du Nigéria, Isa Aremu, Secrétaire Général du Syndicat des Travailleurs du Textile du Nigéria, a comparé la situation du pays de manière très adéquate avec la situation paradoxale d’un homme qui mourrait de soif alors qu’il est serait entouré d’eau. Ainsi, « Le Nigéria ne manque pas de Présidents ni de Gouverneurs. Ce qui fait défaut aujourd’hui, c’est la bonne gouvernance, l’industrialisation et le développement ».
Malheureusement, en dépit de ces critiques très correctes, les hauts dirigeants syndicaux ont en général toujours échoué à se concentrer sur la conception et la défense d’une alternative politique et économique pro-ouvrière, qui pourrait être capable de mettre un terme à la misère perpétuelle de la majorité du peuple nigérian en plein milieu d’une abondance inépuisable. Par conséquent, plutôt que de donner leur soutien à telle ou telle mesure capitaliste destinée à accroître la profitabilité, le mouvement ouvrier devrait mener une campagne consistante afin de placer les immenses ressources économiques du pays, y compris les banques et les institutions financières, sous le contrôle et la gestion démocratiques par les travailleurs, avec comme objectif direct d’assurer un mode de vie décent pour tous les Nigérians partout dans le pays, et non pas à la poignée d’éléments capitalistes qui maintiennent à présent leur emprise sur les perspectives économiques de la nation.
Afin de parachever ce but, le mouvement ouvrier doit de même se mettre en branle pour créer son propre parti politique indépendant, qui sera préparé à mettre en oeuvre ce genre de mesures socialistes pro-masses, qui sont nécessaires si l’on veut libérer le Nigéria de la servitude socio-politique des élements capitalistes locaux et de leurs mécènes et maîtres à l’étranger. En particulier, il faut que le mouvement ouvrier crée un parti des travailleurs réellement démocratique, ou se battre pour récupérer le Labour Party qui a maintenant été largement récupéré par des éléments pro-capitalistes. Il ne suffit pas de simplement mener campagne pour des élections libres et justes lorsqu’il semble clair aujourd’hui que la campagne électorale de 2011 sera de toutes manières dominée par des partis pro-capitalistes, anti-populaires tels que le PDP, l’ANPP, l’AC, etc. Le mouvement ouvrier doit commencer dès aujourd’hui à édifier une plate-forme politique qui fasse écho aux longues souffrances du peuple du Nigéria lors de la campagne de 2011. A moins que l’agitation syndicale ne se poursuive selon ce genre de perspectives, le cauchemar socio-économique que nous connaissons aujourd’hui ne pourra pas être surmonté, et ne fera qu’empirer sous la Présidence de Jonathan, ou de n’importe quel autre politicien bourgeois.
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Le Mouvement Démocratique Socialiste (DSM) en Nigéria
Le Mouvement Démocratique Socialiste (DSM), la section nigériane du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), a déjà une histoire de lutte de presque deux décennies. Formé par des activistes socialistes ouvriers et étudiants, nous avons eu notre conférence de fondation en 1986. Née dans l’ère de la dictature militaire notre organisation n’était que sémi-ouverte jusqu’à julliet 1998. Après, le DSM a été lancé comme organisation ouverte. Pendant la période de semi-illégalité, notre organisation était identifiée surtout par le nom de son journal: «Labour Militant» (1987-1994) puis «Militant» (1994-1998). Nous aspirons à la transformation socialiste de la société au Nigeria et nous sommes totalement opposés au pillage des pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine par les puissances impérialistes.
Democratic Socialist Movement, www.socialistnigeria.org
La lutte contre la dictature militaire et pour un régime civil et des droits démocratiques était une des campagnes centrales du DSM dans les 13 premières années de son existence. Avec comme résultat que beaucoup de membres du DSM furent arrêtés et souffrirent des longues périodes en détention sans procès sous les régimes de Babangida et d’Abacha. Un point tournant dans notre implication dans cette lutte trouva lieu le 5 juillet 1993, lorsque les activistes du DSM ont vendus plus de 10.000 tracts dans les rues de Lagos pendant une révolte massive contre l’annulation des résultats des élections présidentiels par la junte du général Babangida.
Depuis l’arrivée d’un régime civil en mai 1999, le travail du DSM a tourné autour des campagnes pour:
· Un salaire minimum de 20,000 N par mois avec des augmentations régulières d’adaptation au degré d’inflation
· Enseignement et soins de santé gratuits pour tous, une bourse de 20.000 N pour tous les étudiants dans l’enseignement supérieur
· La propriété publique des secteurs clés de l’économie sous contrôle et gestion ouvriers
· Rétablissement des activistes étudiants ou ouvriers exclus de l’école ou licencié de leur boulot
· La formation d’un parti indépendant de masse des travailleurs avec un programme socialisteLe DSM a aussi mené des campagnes contre:
· Les hausses des prix du carburant
· La privatisation des entreprises publiques et la commercialisation des services sociaux
· Licenciements des travailleurs
· La dette extérieure du Nigeria et le soi-disant plan de soulagement de la dette de 2005.Le DSM a joué un rôle important dans les grèves générales et les luttes massives contre les hausses des prix de carburant qui ont eu lieu de manière répétitive depuis 2000. Les membres du DSM ont joués des rôles importants dans LASCO, le Labour Civil Society Coalition, et dans JAF, Joint Action Forum. Nous y avons toujours argumenté pour agir de manière résolue afin d’arrêter les hausses de prix du carburant et pour une mobilisation plus large afin de remplacer le régime d’Obasanjo par un gouvernement des travailleurs et des paysans pauvres dont la mission est de réaliser la transformation socialiste du Nigeria.
Les membres du DSM ont aussi étés actifs en aidant à construire le National Conscience Party (NCP) depuis sa fondation par Gani Fawehinmi en octobre 1994. Dès le début le DSM a argumenté pour la création d’un parti ouvrier de masse avec un programme socialiste. Dans les années ’80 on a appelé le NLC à actualiser son appel pour un parti ouvrier. Les membres du DSM ont été actifs dans le Nigerian Labour Party qui n’a vécu que brièvement en 1989. La défaite des dirigeants du NLC de sérieusement lancer un parti ouvrier a eu pour résultat d’orienter beaucoup d’éléments qui cherchent à changer les choses vers le NCP. Depuis 1994 le DSM a travaillé pour construire le NCP en argumentant qu’une politique socialiste est nécessaire si le NCP veut être capable d’atteindre son but « d’abolir la pauvreté ». Lors des élections entachées de fraudes de 2003, les membres du DSM qui étaient candidats sur les listes du NCP ont obtenus les plus hauts scores pour le NCP, gagnant officiellement plus de 77.000 votes (9%) dans le district sénatorial de Lagos West et 11.000 votes (14%) dans le collège électoral fédéral de Ifako-Ijaiye à Lagos. Aujourd’hui nous argumentons que Labour et les forces radicales, comme le DSM et le NCP, doivent mettre sur pied une plateforme des travailleurs en préparation des luttes à venir et des élections prévues en 2007.
Parmi les étudiants le DSM a une longue histoire de lutte également. Quelques-uns de nos fondateurs ont dirigé NANS (National Association of Nigerian Students) dans les années ’80 et, plus récemment, nous avons dirigé fréquemment le NANS de la zone sud-ouest. Aujourd’hui, à coté des différentes luttes contre le minerval et des autres attaques, le DSM s’oppose aussi à la tentative des sections de la direction actuelle de NANS de transformer sa structure nationale en un front pro-gouvernemental.
Finalement, avec la montée des tensions ethniques et religieuses dans le pays, le DSM mène campagne pour l’unité des travailleurs et des jeunes des différentes origines ethniques et religieuses tout en défendant le droit a l’autodétermination complète pour tous. Opposé à la lutte sectaire, l’organisation plaide pour des luttes menées par les travailleurs unis pour des meilleures conditions de vie et de travail et contre les attaques capitalistes sur l’emploi, les salaires, l’enseignement, les soins de santé et les autres services sociaux.
Democratic Socialist Movement: Ce pour quoi nous luttons.
Droits démocratiques:
* Réhabilitation inconditionnelle et immédiate des ouvriers et syndicalistes renvoyés et brimés.
* Jugement des responsables des abus contre les droits de l’homme sous le régime militaire.
* Compensation pour les victimes.
* Annulation immédiate de toutes les lois anti-démocratiques et anti-ouvrières.
* démantèlement des services de sécurité de l’état (SSS) et de tous les organes répressifs de l’Etat.
* Abolition de la discrimination à l’encontre les femmes. Droits politiques, civils, sociaux et de propriété égaux pour les femmes. A travail égal, salaire égal. Des dispenses d’impôt pour les femmes identique à ceux des hommes.
* Liberté d’expression, de rassemblement et d’association. Indépendance et liberté totales pour les syndicats et organes étudiants sans interférence de l’Etat ou du gouvernement.
* Opposition à la restriction de la presse.
* Une authentique démocratie à partis multiples, où chaque groupe ou individu a le droit d’organisation en partis politiques sans inscription auprès du gouvernement. Droit de se présenter aux élections en tant que candidat indépendant.
* Un parti politique ouvrier de masse indépendant avec un programme socialiste pour fournir une alternative aux partis capitalistes existants.
* Convocation d’une Conférence National Souveraine (SNC) élue démocratiquement comprenant des représentants élus de groupes sociaux tels que ouvriers, paysans, commerçants, éléments de base des forces armées et de police, professionnels et nationalités ethniques en relation avec leur force numérique, pour délibérer et décider du chemin à suivre par le pays et établir une nouvelle constitution.
* Pour une fédération socialiste démocratique volontaire du Nigeria garantissant le plein respect des droits démocratiques, culturels et linguistiques de toutes les nationalités ethniques.
CONDITIONS DE VIE ET DE RESPECT:
* Education libre et gratuite à tous les niveaux.
* Soin médicaux gratuits pour tous.
* Assurance d’un logement publique décent et abordable.
* Assurance d’allocation de chômage, maladie et pension.
* Un salaire minimum de 20,000N avec des augmentations périodiques pour contrebalancer le taux d’inflation.
* Opposition aux licenciements. Un travail pour chaque personne sans emploi.
ECONOMIE:
* Abolition du SAP. Arrêt des politiques capitalistes/impérialistes anti-pauvre de privatisation et commercialisation, licenciements des travailleurs, etc…
* Propriété publique des vastes ressources et richesses du pays sous la direction et le contrôle démocratique des travailleurs.
* Contrôle et direction démocratique des compagnies et paragouvernementales publiques par des commissions de représentants élus des travailleurs, consommateurs, syndicats, NLC et gouvernement.
* Un programme massif de travaux publics pour construire des routes, habitations, voies ferrées, écoles et hôpitaux, pour fournir l’électricité, l’eau potable et les sanitaires ainsi que pour générer de l’emploi.
* Rejet de la dette fictive étrangère, allié aux appels pour un support fraternel aux classes ouvrières des pays impérialistes.
POLICES ET FORCES ARMEES:
* Liberté pour les éléments de base des forces armées et policières de former des syndicats et de rejoindre le parti politique de leur choix.
* Le droit des éléments de base des forces armées et policières de faire grève et de mener des actions pour protéger leurs droits.
RESPONSABILITE:
* Déclaration ouverte des possessions des autorités publiques avec un droit d’enquête de la part de la population et de recours en justice contre les officiels ayant de façon illégale acquis des fonds excédant leur revenu légal.
* Confiscation comme fonds publique sans compensation de toutes les richesses acquises par corruption par l’élite militaire ou civile.
* Direction démocratique de tous les départements publics, agences et compagnies. Comité de direction comprenant des représentants élus des travailleurs et du gouvernement, avec droit de révocation immédiat si le fonctionnement n’est pas satisfaisant.
* Tribunaux publiques démocratiquement élus comprenant des représentants élus des travailleurs, paysans, étudiants, professionnels et le gouvernement pour déterminer les cas de corruption.
UNE SOCIETE SOCIALISTE:
* Un gouvernement d’ouvriers et de paysans pauvres basé sur un programme socialiste.
* Une fédération socialiste d’Afrique comme étape vers une fédération socialiste mondiale pour endiguer la faim, la pauvreté, la guerre et la destruction de l’environnement.
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Nigéria. Pour la libération immédiate des manifestants emprisonnés!
Appel international en solidarité avec le Democratic Socialist Movement (section du Nigéria du CIO).
Le Democratic Socialist Movement (DSM) condamne les arrestations et la détention de 6 militants socialistes ainsi que la dispersion violente de la manifestation organisée par l’ United Action for Democracy par la police ce mercredi 3 décembre à Lagos.
Parmi ceux arretés, il y a Bamidele Ature, membre de l’UAD; Dagga Tolar, membre de la direction du DSM et éditeur du Socialist Democracy (le journal publié par le DSM); Wale Balogun, membre de la direction du National Conscience Party (NCP), et trois autres activistes dont les noms ne nous sont pas encore parvenus. Les six sont pour le moment détenus dans le «State Police Criminal Investigation Bureau » à Panti, Lagos.
Avant d’arrêter ces activistes, la police a usé d’une forte violence pour disperser la manif. Les activistes arretés ont été brutalisés par les policiers qui les ont frappés de manière répétée avec le bout en bois de leur fusils.
Nous condamnons aussi l’assault de la police sur plusieurs journalistes.
Cette attaque vicieuse de la police ayant agi selon les instructions du gouvernement Obasanjo sur les droits démocratiques de se rassembler et de s’exprimer, est une expression de l’intolérance grandissante du régime et sa détermination de supprimer par la force si nécessaire toute forme d’opposition à la politique néo-libérale du FMI, de la banque mondiale et de l’OMC. Cette politique capitaliste anti-pauvre et impopulaire entraine des privatisations dans les services publics, les services sociaux comme l’éducation et la santé, l’incessante augmentation du prix de l’essence, et des attaques sur les droits démocratiques et syndicaux des travailleurs.
Nous demandons la libération immédiate et inconditionnelle de ces activistes emprisonnés et la fin des violations des droits légitimes des travailleurs par le régime d’Obasanjo.
Finalement, nous (DSM) appellons les syndicats, le NLC, le NCP, la NANS (association nationale des étudiants du Nigéria), et les travailleurs et jeunes activistes à commencer à travailler pour construire un grand mouvement de masse des travailleurs, des pauvres et de la jeunesse pour s’opposer non pas seulement au régime d’Obasanjo mais à toutes les politiques antisociales et les gouvernements des classes dirigeantes partout dans le monde.
Au lieu de remplacer ces politiques et gouvernements capitalistes qui sont la source même de la misère et la pauvreté sans fin de la majorité de la population, il est temps que la classe ouvrière et ses organisations commencent à construire une alternative politique indépendante qui devra diriger les luttes vers une transformation socialiste de la société sans laquelle il ne pourra jamais avoir de solution à l’oppression économique et politique de la classe ouvrière.
Envoyez des lettres de protestation à l’ambassade du Nigéria de votre pays pour demander l’abandon immédiat des charges contre les détenus. Envoyez aussi des lettres de protestation au mail suivant : dsmcentre@hotmail.com
Segun Sango
General Secretary, DSM