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Tag: Lagos
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L'Afrique peut-elle sauver le capitalisme ?
L’élite capitaliste cleptomane vit dans l’opulence, mais la croissance ne touche pas les masses laborieuses
”Je suis absolument convaincu du fait que l’Afrique représente la prochaine zone pionnière économique mondiale, et je ne suis pas le seul à partager cette conviction” affirmait en avril dernier Johnnie Carson, sous-secrétaire d’Etat américain pour l’Afrique. Il n’est pas le seul à exprimer son optimisme croissant au sujet de l’Afrique. Comme il l’a fait remarquer, les perspectives de croissance de la Banque mondiale pour l’Afrique pour les deux prochaines années se situent entre 5 et 6 %, un taux de croissance au-delà de celui de l’Amérique latine, de l’Asie centrale ou de l’Europe.
Peluola Adewale, Democratic Socialist Movement (CIO Nigeria)
Selon les prévisions du FMI pour les cinq années qui suivent 2011, sept pays africains (Éthiopie, Mozambique, Tanzanie, Congo-Kinshasa, Ghana, Zambie et Nigeria) se trouveront dans les top dix des pays à la croissance la plus rapide au monde. Une analyse du magazine The Economist révélait l’an dernier que six pays africains (Angola, Nigeria, Éthiopie, Tchad, Mozambique et Rwanda) se trouvaient dans le top dix des pays qui ont eu la croissance la plus rapide entre 2000 et 2010. De fait, l’Afrique a commencé à attirer des remarques positives de la part des commentateurs capitalistes, surtout depuis le début de la crise économique mondiale.
Cette crise, qui est la pire crise capitaliste depuis la Grande Dépression des années 1930, a enflammé l’Europe et les États-Unis, poussant apparemment les stratèges capitalistes à aller chercher le succès ailleurs – et ils en auraient trouvé en Afrique.
Les grands médias capitalistes ont arrêté leur campagne permanente de dénigrement du continent africain, et acclament à présent en grande pompe la moindre tendance “positive”. On peut voir un exemple clair de tout ceci dans les pages de The Economist où l’Afrique s’est métamorphosée, passant de “Continent sans espoir” en mai 2000 à “Continent rempli d’espoir” en décembre 2011.
Cependant, la plupart des superbes taux de croissance de ces pays reflètent une hausse de la valeur des exportations des matières premières, à la fois en termes de production et en termes de prix, qui est liée à la croissance de la demande mondiale, surtout de la part de la Chine. Par exemple, le prix du pétrole est passé de 20 $ du baril en 1999, à 147 $ en 2008. Ces statistiques, de manière générale, ne reflètent pas une croissance généralisée de l’économie du continent ni de son niveau de vie. De plus, tout ralentissement de l’économie, que ce soit en Occident ou en Chine, aura pour conséquence une baisse brutale de la demande pour les exportations africaines.
Une grande misère
Pour la plupart des travailleurs, qui n’ont vu qu’une aggravation de leurs conditions de vie d’année en année, les statistiques économiques impressionnantes qu’on voit apparaitre çà et là sont un grand mystère. En fait, la forte augmentation du prix de la nourriture et du carburant revient à une attaque constante contre le niveau de vie. L’Afrique est aujourd’hui un continent dévasté par une misère de masse, avec un accès très limité aux nécessités vitales de base.
Par exemple, en Éthiopie – pays qui se trouve justement sur la “liste d’or” –, 90 % de la population a été classée en tant que “pauvre multidimensionnelle” par un rapport du Programme des Nations-Unies pour le développement (Pnud) publié en 2010. La situation au Nigeria, qui est le plus grande producteur de pétrole africain, a également été très correctement décrite par le Pnud. Son représentant dans le pays, M. Daouda Touré, a remarqué que ”Depuis maintenant plus d’une décennie, le Nigeria a connu un taux de croissance élevé permanent, qui n’a pas eu la moindre répercussion sur le plan de l’emploi ni sur celui de la réduction de la pauvreté parmi ses citoyens.” Il ajoute : ”Les statistiques disponibles en ce moment suggèrent que le taux de pauvreté au Nigeria s’est en réalité aggravé entre 2004 et 2010” (The Nation, Lagos, 29 août 2012). Cela n’a que confirmé ce que le statisticien général du Nigeria, M. Yomi Kale, avait dit concernant le ”paradoxe (…) qui fait que malgré le fait que l’économie nigériane est en pleine croissance, la proportion de Nigérians vivant dans la pauvreté ne fait qu’augmenter d’année en année.” (The Guardian, Lagos, 14 février 2012).
L’Afrique du Sud, qui est la plus grande économie du continent, est aussi le deuxième pays le plus inégalitaire au monde. Cela, malgré la politique du “black economic empowerment” (promotion économique des noirs) menée par le gouvernement ANC dans l’Afrique du Sud post-apartheid.
En Angola, les deux tiers de la population vivent avec moins d’un euro (656 FCFA) par jour, et seuls 25 % des enfants fréquentent l’école primaire (The Guardian, Londres, 18 novembre 2011). L’Angola est pourtant le pays qui a eu le taux de croissance économique le plus élevé au monde, avant la Chine, dans les années 2000 à 2010. L’Angola représente à l’heure actuelle un paradis économique pour le capitalisme portugais, dont le pays natal se trouve en ce moment sous les feux de la crise de la zone euro. Ce pays nous offre ainsi un exemple classique de migration inversée entre l’Europe et l’Afrique. Non seulement l’Angola abrite aujourd’hui une communauté de 150 000 Portugais chassés par le chômage dans leur pays, mais il a également massivement investi ses pétrodollars au Portugal. La compagnie pétrolière d’État angolaise, la Sonangol, est le principal actionnaire d’une des plus grandes banques du Portugal, la Millenium BCP. En juin 2010, l’ensemble des investissements angolais dans des entreprises portugaises étaient estimés valoir plus de deux milliards d’euros, selon le Financial Times. Et pourtant, on ne trouve quasiment ni électricité ni eau potable dans tout le pays, même dans la capitale Luanda.
Tout cela est symptomatique de la situation en Afrique, où la croissance économique se reflète uniquement dans l’opulence de l’élite de voleurs capitalistes au pouvoir, et aucunement dans le développement de l’infrastructure ou dans l’amélioration du niveau de vie de la masse de la population.
Mais les stratèges capitalistes ne sont pas concernés par le sort des travailleurs. Tant qu’il y a des ressources naturelles à exploiter librement pour leurs super-profits, l’Afrique est pour eux tels un lit de roses.
Comme le rapportait The Guardian de Londres : ”Il y a parmi le monde des affaires de plus en plus de confiance dans le fait que l’Afrique est la destination d’investissements qui donne les plus grands profits au monde” (28 mars 2012). C’est ainsi que la banque d’investissements mondiales Goldman Sachs disait dans un rapport en mars 2012 que : ”L’Afrique est une destination à laquelle les investisseurs doivent réfléchir, pour une croissance sur le long terme (soit on y participe, soit on rate une bonne occasion).”
Cette course à la super-exploitation de l’Afrique explique pourquoi le continent, avec ses immenses ressources naturelles et ses immenses terres fertiles pour l’agriculture, est dominé par des multinationales et est dirigé sur base d’une politique capitaliste néolibérale qui bénéficie avant tout à l’Occident impérialiste.
L’absence d’infrastructures de base (ou, quand elle est présente, sa médiocrité) signifie que l’Afrique est toujours en très grande partie dépendante de ses exportations de matières premières, et que le continent dans son ensemble ne compte toujours que pour un ridicule 2 % de la production mondiale.
Les soi-disant “investisseurs” ne sont surtout intéressées que par les industries d’extraction qui, bien que créant de la croissance, ne créent que très peu d’emplois. Cet échec dans le développement de l’industrie de transformation explique pourquoi l’Afrique, en tant qu’exemple classique de croissance sans emploi, ne peut imiter le rôle de la Chine en tant que moteur du capitalisme mondial, malgré son immense population et son urbanisation croissante. Au contraire, c’est le capitalisme qui garantit le sous-développement du continent.
Une corruption rampante
Les souffrances de l’Afrique sont également dues à la corruption caractéristique de ses dirigeants. Il convient cependant bien de souligner le fait que la corruption est loin d’être propre de l’Afrique ou des pays en développement.
La plupart des ressources qui restent en Afrique, après les pertes dues au commerce inéquitable et au payement de la dette, sont volées par les dirigeants pro-impérialisme corrompus, puis envoyées vers des comptes en banques privés à l’étranger, en Europe ou en Amérique.
Le capitalisme néolibéral, qui entraine avec lui privatisations et dérégulations, a donné encore plus de marge aux dirigeants africains pour piller le trésor public, puisque ce ne sont plus eux qui sont censés utiliser ces ressources afin de fournir les infrastructures et les services de base.
Mais face à cette situation, les travailleurs, les jeunes et les pauvres du continent sont loin d’être passifs. L’Afrique a une longue histoire de luttes de masse contre le colonialisme et le racisme. Plus récemment, on a vu apparaitre des luttes contre les régimes pourris et corrompus et pour une vie meilleure, comme on l’a vu après les insurrections de masse, surtout en Afrique du Nord, qui ont chassé au moins trois dictateurs. En janvier 2012, nous avons assisté à la plus grande grève générale et au plus grand mouvement de masse de toute l’histoire du Nigeria, contre la hausse du prix de l’essence. Les mineurs sud-africains, dans leur lutte pour de meilleures conditions de travail et pour un meilleur salaire, ont quasi mis à genoux l’industrie minière. Le secteur des mines compte pour une très grande part de la richesse du pays ; il est aussi un symbole de l’immense inégalité entre travailleurs et patrons.
Cette lutte des mineurs, dans laquelle le DSM sud-africain joue un rôle dirigeant, a contribué à mettre au-devant de la lutte la revendication pour la nationalisation de l’industrie minière, ainsi que l’idée d’une alternative politique des travailleurs et des pauvres contre l’ANC.
Les mouvements de masse des travailleurs et de la jeunesse en Europe, et en particulier en Grèce et en Espagne, contre l’austérité et contre les attaques néolibérales sur l’emploi, sur les salaires, sur l’enseignement et sur la santé, vont continuer à élever la conscience des travailleurs en Afrique. Les nouvelles luttes qui vont se développer en Afrique auront pour effet qu’il n’y aura aucun refuge sûr pour le capitalisme dans un monde de crise, et seront une source d’inspiration afin d’intensifier la quête d’une alternative socialiste.
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Nigéria : La “Journée de l'Enfant” 2012
Luttons pour défendre les droits de l’enfant et pour une société meilleure
Nous avons célébré ce 27 mai la journée de l’Enfant au Nigéria. Mais cela n’est au final qu’une journée de plus où les politiciens capitalistes se lamentent et poussent des hauts cris face à l’horreur à laquelle sont confrontée des millions d’enfants de part le monde, tout en promettant solennellement de ne rien faire jusqu’à l’an prochain.
Seun Ogunniyi et HT Soweto, SPN (CIO-Nigeria)
La journée de l’Enfant est célébrée à diverses dates dans de nombreux pays du monde. Au Nigéria, cette journée est surtout observée par le gouvernement et par les ONG. À part donner un jour de congé aux élèves, pratiquement rien n’est fait par le gouvernement afin d’utiliser cette journée pour mettre en avant le véritable plan social qui est nécessaire afin de mettre un terme à la multitude de problèmes qui affectent les enfants. En général, ce n’est qu’une nouvelle occasion pour les gouvernements et les politiciens de faire résonner la fanfare, tout en laissant les problèmes irrésolus jusqu’à l’année suivante. Même la plupart des ONG censées défendre les droits de l’enfant oublient souvent d’utiliser cette journée afin de proposer un programme de campagne pour lutter pour une véritable amélioration des conditions sociales des enfants.
Selon le CIA Fact Book, 42% de la population nigériane est composée d’enfants. Sous les conditions de vie brutales que connait la vaste majorité des Nigérians, les enfants constituent un très grand groupe social vulnérable qui est particulièrement menacé.
Une enfance de cauchemar
Très peu de gens dans notre pays, à part quelques enfants de familles riches et bien placées, peuvent dirent avoir eu une enfance heureuse, et ce, surtout depuis le début de la politique néolibérale anti-pauvre qui a commencé dans les années ’80.
La vieille génération qui a grandi dans les années ’70 et au début des années ’80 garde cependant toujours de bons souvenirs de leur jeunesse. Pour la nouvelle génération, ces souvenirs paraissent être des contes de fées. Cela en raison des conditions de vie effroyables que la plupart des parents et des familles connaissent au Nigéria. Mis à part quelques moments de bonheur que les familles ouvrières tentent de créer pour leurs enfants, il n’y a que très peu de choses faites par le gouvernement pour assurer une enfance heureuse.
Le Nigéria est un pays tout aussi âpre pour les enfants qu’il l’est pour les adultes. Les maux du capitalisme et de la société immensément inégale qu’il a créée sont durement ressentis par la plupart des enfants de familles ouvrières et pauvres pendant leurs premières années. La malnutrition, les maladies telles que la polio et la méningite, les mauvaises conditions de logement, la pauvreté, les violences, les viols, le manque d’accès à l’éducation, aux soins de santé et aux autres besoins de base laissent tout autant de cicatrices qui ne disparaitront pas à l’âge adulte.
Le Nigéria a un très haut taux de mortalité infantile, à 93,93 pour mille naissances. Comparons cela à 6,31‰ aux États-Unis. Cela est la conséquence de l’effondrement du système de soins de santé publics. Une majorité des enfants naissent dans les églises, dans les mosquées, chez le marabout, et autres lieux insalubres, parce que la plupart des familles pauvres ne peuvent pas se permettre le cout des hôpitaux privés. Cela explique aussi pourquoi nous ne disposons d’aucune statistique exacte du taux de naissances, puisqu’une majorité des naissances se déroulent là où on personne ne les enregistre.
L’effondrement des soins de santé publics signifie que la santé des enfants est de plus en plus mise à mal. Le Projet national pour le contrôle de la malaria lancé par le ministère de la Santé a découvert qu’environ 300 000 enfants nigérians meurent de la malaria chaque année, et que 4 enfants sur 10 sont infectés par le parasite de la malaria. Le Nigéria est aussi le pays avec le record mondial de transmission du sida de la mère à l’enfant. Selon M. Mitchel Sidible, directeur exécutif du Programme des Nations-Unies pour le sida (UNAIDS), ‘‘Nous avons aujourd’hui au Nigéria 70 000 bébés qui naissent chaque année avec le sida’’ (This Day, 29 avril 2012). On estime également à 1,8 millions le nombre d’enfants orphelins du sida au Nigéria (dont les parents sont morts du sida).
Ces conditions affreuses qui affligent les enfants ne pourraient être autrement dans un pays où 70% de la population vit sous le seuil de pauvreté et n’a pas accès à de bonnes maisons, à l’électricité ni à de l’eau potable, malgré le fait que le Nigéria est un des premiers producteurs de pétrole sur le plan mondial. Les familles à bas revenu ne peuvent pas se permettre une alimentation même la plus basique, les soins de santé, l’éducation et autres besoins sociaux pour leurs enfants.
Les conditions des enfants sous aussi un reflet de l’oppression que subissent les femmes sous le capitalisme. La situation est bien pire pour les mères célibataires, qui sont souvent sans emploi. Du fait du manque de crèches ou de homes à financement public qui pourraient aider les mères pauvres ou célibataires à élever leurs enfants, le nombre de bébés abandonnés augmente de plus en plus au Nigéria.
Pour les enfants abandonnés, la survie lors des premières années est un véritable défi. Paradoxalement, le gouvernement a laissé l’accueil des enfants abandonnés à des ASBL, à des organes religieux et à des individus charitables, ce qui signifie que seuls quelques-uns de ces enfants abandonnés connaitront la chance d’être recueillis et élevés. La majorité d’entre eux meurt au coin d’une rue où leur mère – souvent une mère célibataire, ou dont le père a refusé la responsabilité d’élever l’enfant – les a abandonnés dans l’espoir qu’un Bon Samaritain les ramasse.
Exploitation et violence sur les enfants
Après leur naissance difficile, beaucoup d’enfants connaitront très tôt la joie du travail. Le travail des enfants est un phénomène de plus en plus répandu au Nigéria. Rien que dans notre pays, l’Organisation internationale du travail estime à plus de 12 millions le nombre d’enfants âgés de 10 à 14 ans qui est contraint aux travaux domestiques ou à la prostitution. Il n’est guère surprenant de constater que ce nombre correspond presque entièrement au nombre estimé d’enfants non-scolarisés au Nigéria. Sans un accès à l’éducation, les enfants deviennent vulnérables et se voient contraints de travailler.
Toutefois, la hausse du travail des enfants est étroitement lié aux attaques sur le revenu de la classe ouvrière et des familles pauvres. Les politiciens des principaux partis anti-pauvres au pouvoir tels que le PDP et l’ACN préfèrent ne pas mentionner ce fait et au lieu de ça, faire porter le blâme aux parents. Parfois, certains gouvernements régionaux ont menacé ou même tenté de faire passer des lois qui pénalisent les parents dont les enfants sont trouvés en train de travailler dans la rue.
Cependant, cela ferait bien longtemps que le problème du travail des enfants aurait été résolu si on pouvait juste le faire disparaitre par un ou deux décrets. Mais la cause véritable du travail des enfants se trouve dans l’abandon du financement des infrastructures publiques par le gouvernement et dans les conditions de misère que connaissent la majorité massive des parents ouvriers et des familles pauvres. Et seule une politique visant à améliorer les conditions de vie des parents travailleurs pourra réellement enclencher un début d’amélioration des conditions pour les enfants aussi.
Les parents qui ont perdu leur emploi ou dont le salaire ne suffit pas à subvenir aux besoins de base de leur famille se voient souvent contraints de créer leur propre petite entreprise (épicerie, etc.) afin d’accroitre le revenu familial. C’est dans de tels cas que l’on voit les enfants, bien souvent dès l’âge de cinq ans, parcourir les rues après l’école afin de vendre leur marchandise. On en voit même dans la rue pendant les heures d’école – ce qui signifie certainement qu’ils ne sont pas scolarisés. Cette pratique, en plus d’influencer négativement les performances académiques des enfants, a aussi pour conséquence le fait qu’ils sont fatigués et que leur esprit ne peut se consacrer au temps de jeu et de repos que requiert leur âge afin de pouvoir se développer en individus normaux, énergiques et heureux.
Il y a aussi la menace de la traite et du trafic d’enfants. Des parents pauvres ou ignorants se voient souvent promettre une “vie meilleure” pour leurs enfants qu’ils abandonnent ensuite à des trafiquants. Le manque de services sociaux public et l’inaction du gouvernement ne leur laisse que peu de choix, ils sont facilement trompés par les fausses promesses des esclavagistes.
Les violences faites aux enfants au sein de la famille comme en-dehors sont également en croissance. À cause des médiocres conditions de logement au Nigéria, les familles ouvrières et pauvres vivent entassés les uns sur les autres dans un seul logis où se retrouvent souvent cinq à dix autres familles, sans toilettes ni salle de bain privée ; les enfants manquent souvent d’espace où pouvoir grandir en toute sécurité. Souvent, et surtout au moment où ils entrent dans l’adolescence, ils deviennent victimes d’adultes qui bien souvent vivent dans le même bâtiment ou dans la même enceinte. Parfois, cela se passe à l’école.
Nous voyons de temps à autre dans les médias des rapports terrifiants concernant les violences faites aux enfants. Parfois, les enfants sont abusés par leur famille proche ou par leurs voisins. M. Michael Gbarale, cadre de l’organisation Stepping Stones Nigeria à Port Harcourt, a par exemple estimé qu’en six mois, pas moins de 18 cas de viols ont été rapportés rien qu’à Port Harcourt. Gbarale, cependant, se plaignait que seuls deux de ces dix-huit cas aient eu des conséquences judiciaires. Tous ces cas incluaient une fillette de 13 ans violée par un groupe de garçons, un homme qui harcelait ses deux sœurs âgées de 6 et 3 ans, et une fille de 10 ans violée sous la menace d’une arme à feu (Vanguard, 10 mars 2012).
Il y a une culture de silence autour du viol, due aux conséquences sociales que cela entraine. Les violences faites aux enfants sont souvent cachées, laissant l’enfant victime sans aucun soutien psychologique. Dans certains endroits du pays, des centaines d’enfants accusés d’être des “enfants-sorciers” sont enfermés dans d’étroites cellules par des institutions spirituelles. Ils sont souvent torturés pendant des journées entières. La police ne donne souvent qu’une réponse fortement inefficace aux plaintes de viols ou de harcèlement. Parfois, tout ce qu’elle peut faire est d’enfermer les coupables, mais il n’y a jamais d’aide médicale ou psychologique pour les enfants victimes. Les conséquences sociales de tout ceci est une masse d’enfants traumatisés qui, ayant connu l’expérience d’une forme de violence ou d’une autre, conservent ce traumatisme à l’âge adulte.
S’en prendre aux véritables coupables
La cause des horribles conditions de vie des enfants est le capitalisme et l’inégalité, la misère en plein milieu d’un pays d’abondance, et l’insécurité de vie qu’il crée pour l’immense majorité des familles de travailleurs et pauvres. Selon l’Office national des statistiques, plus de 100 millions de Nigérians vivent avec moins de 2 dollars par jour, sur une population du pays estimée à 170 millions.
L’immense majorité de la population est dépourvue d’un accès à des services de base qui sont nécessaires pour assurer aux enfants une enfance décente, tels que des logements vivables, des emplois corrects pour leurs parents, l’électricité, l’accès à l’éducation et aux soins de santé. La politique gouvernementale de sous-financement de l’enseignement – afin de faire payer les frais par les parents et par le secteur privé – signifie que plus de 12 millions d’enfants en âge d’être éduqués ne vont pas à l’école. Les filles sont une grande majorité de ces enfants non-scolarisés.
Bien que l’enseignement, s’il faut en croire le Child Rights Act étatique, soit un droit pour chaque enfant, les enfants nigérians sont dans les faits frustrés de ce droit. Au Nigéria, le Child Rights Act promulgués en 2003 par le gouvernement fédéral avait pour objectif d’assurer la protection des droits de l’enfant. L’article 1er, qui concerne le droit à la vie, est renforcé par les articles 7 et 8 qui donnent à chaque enfant nigérian le droit à un enseignement de qualité et à des soins de santé. Il y est clairement établi que le gouvernement doit rendre l’enseignement obligatoire et gratuit pour tous, tout en encourageant un accès égal à l’enseignement pour toutes les couches de la société, y compris les enfants handicapés. Malheureusement, ce texte de loi n’est pas entré en vigueur à tous les niveaux de gouvernement. On retrouve la même situation d’insouciance gouvernementale concernant l’accès à des infrastructures sociales de base en ce qui concerne l’accès aux soins de santé.
Les petites filles et les enfants handicapés courent souvent encore plus de risques de ne pas pouvoir entrer à l’école à cause de la misère ou du fait du manque d’infrastructures capables d’assurer leur accueil. Dans un pays tel que le Nigéria, où les médecins et les enseignants partent régulièrement en grève à cause du fait que le gouvernement s’inquiète moins de leur sécurité sociale que de celle des autres travailleurs, un enseignement et des soins de santé de qualité ne sont pas garantis.
Les gouvernements à tous les niveaux, via leur politique du “partenariat public-privé”, ont abandonné l’enseignement et la santé aux mains de quelques investisseurs privés. Ces derniers ont assuré leur commercialisation. Les parents sont à la merci des propriétaires des écoles privées, parce que les écoles étatiques sont mal équipées et sous-financées. Malheureusement, nombre de ces écoles privées, malgré les énormes factures qu’il faut payer pour pouvoir y accéder, ne sont bien souvent rien d’autre que des taudis manquant par exemple d’espace de récréation dans lequel les jeunes élèves puissent apprendre et développer leurs capacités mentales et physiques, en plus de pouvoir participer à des activités sportives.
La vie des enfants mise en péril au nom du profit
Sous le capitalisme, la situation ne peut qu’empirer et seule une alternative socialiste peut améliorer la condition des enfants à tous points de vue. C’est parce que le capitalisme fait toujours passer le profit avant le bien-être des gens, y compris les conditions de vie des enfants. L’affaire Pfizer, dont le procès a duré 15 ans, est un bon exemple de cela.
En 1996, une épidémie de choléra, de rougeole et de méningite a éclaté au Nigéria. Des représentants de Pfizer, une des plus grandes compagnies pharmaceutiques au niveau mondial, se sont alors rendus à Kano au nord du Nigéria pour y administrer un antibiotique expérimental, nommé trovafloxacine (ou Trovan), à environ 200 enfants. Environ 50 sont morts, tandis que nombre d’autres ont développé des difformités physiques et mentales. Selon les rapports, ‘‘Les chercheurs n’ont pas obtenu de formulaires d’assentiment signés, et le personnel médical de Pfizer n’a pas informé les parents que leurs enfants allaient recevoir un médicament expérimental.’’
En 2001, les familles des enfants, ainsi que les gouvernements de l’état de Kano et du Nigéria, ont attaqué Pfizer en justice au sujet de ce traitement et pour ‘‘utilisation d’une épidémie afin d’accomplir des tests sur des sujets humains sans approbation, en plus d’avoir expressément sous-dosé le groupe contrôle traité aux antibiotiques traditionnels et ce, dans le seul but de truquer les résultats de l’expérience au profit du Trovan.’’ Il a fallu 15 ans de procédures judiciaires et de scandale public au Nigéria et dans le monde, pour contraindre Pfizer à payer des compensations aux familles des victimes.
Cette affaire a révélé au grand jour la putréfaction de l’élite dirigeante corrompue du Nigéria, qui n’a pas établi la moindre protection ou régulation contre l’usage de nouveaux traitements et d’expérience médicales. Là où les lois et régulations existent, elles sont en général ignorées par les bureaucrates du ministère de la Santé qui sont dans la poche des compagnies pharmaceutiques. Cette manière de procéder est similaire à celle adoptée par les compagnies pétrolières qui suivent des pratiques de production et de fonctionnement brutales et dangereuses, causant des destructions à l’environnement, aux sources d’eau potable, aux étangs de pêche, à l’agriculture et aux conditions de vie en général dans la région du delta du Niger et ce, avec le plein assentiment des autorités.
Dans ce contexte d’effondrement du secteur de la santé et de corruption légendaire des hauts fonctionnaires dans le ministère de la Santé et dans le gouvernement, les Nigérians sont considérés comme guère plus que des cobayes pour les multinationales pharmaceutiques qui ne respectent rien, pas même la vie humaine, dans leur recherche frénétique de profit. Une étude récemment publiée par des chercheurs nigérians de l’Université de Lagos a révélé qu’une énorme proportion des médicaments utilisés pour traiter la malaria (produits par de grandes multinationales) ne correspondent en réalité pas aux normes de traitement requises ! Malgré le tollé que cette étude a provoqué dans la société, le seul résultat en a été une série de dénis dans la presse, quelques remontrances et beaucoup de “c’est pas moi c’est lui”.
Tout ceci démontre bien que le même style d’affaire peut très bien se répéter à nouveau encore et encore dans le futur, causant de nouvelles dévastations et morts d’enfants.
Une vie décente est possible, pour les enfants comme pour les adultes
Il faut que les syndicats, les groupes de défense des droits de l’homme et les organisations pro-masses se réunissent pour établir un programme d’actions afin de lutter pour le droit des enfants, y compris le droit à l’éducation, à une vie décente, à des soins de santé et à un avenir.
Alors que de nombreux gouvernements ont souvent adopté une rhétorique très dure à l’encontre du “travail des enfants” – en particulier du colportage de rue -, ils ont toujours adopté une démarche contre-productive qui consiste à menacer les parents pauvres qui demandent à leurs enfants d’aller vendre des marchandises afin d’arrondir le budget familial. Mais la véritable cause du travail des enfants reste les conditions de misère de masse qui afflige des millions de familles travailleuses et pauvres – misère empirée par la politique néolibérale capitaliste de sous-financement et de commercialisation de l’enseignement.
C’est pourquoi toute campagne qui vise à protéger les droits des enfants doit également inclure et mettre en avant d’une manière la plus énergique qui soit la revendication d’un enseignement réellement gratuit à tous les niveaux, de même que la gratuité des soins de santé, en plus de la création de services publics étatiques tels que des orphelinats, des centres d’accueil, et autres services de garde des enfants pour les mères célibataires, tout cela sous le contrôle démocratique des parents, des travailleurs et de la communauté. Seule l’organisation de ce genre de services sociaux et leur extension à l’échelle nationale, y compris dans les zones rurales, pourra apporter le début d’une solution et d’une vie décente pour les enfants du Nigéria.
Aucun des partis politiques du Nigéria ne possède le moindre programme capable de libérer les enfants des conditions horribles auxquelles ils sont confrontés en grandissant. D’ailleurs, ces partis ne disposent pas non plus d’un programme capable de résoudre la crise du chômage, du sous-développement, de la misère de masse et de l’inégalité qui ravage la société. En vérité, la politique de privatisation, de commercialisation et de dérégulation qui est mise en œuvre par tous les partis dirigeants actuels partout dans le pays ne fait qu’aggraver la situation en détruisant les derniers vestiges de tout programme social au niveau de l’enseignement et des soins de santé, ce qui ne fait qu’ajouter aux problèmes sociaux qui affectent les enfants.
Il est temps de bâtir un parti politique alternatif des travailleurs, des jeunes, et des pauvres, qui puisse apporter une réelle politique pro-pauvre afin d’endiguer les problèmes sociaux qui affectent les enfants et populations vulnérables dans la société, tout en montrant aussi la voie hors des conditions de misère de masse qui afflige la vaste majorité des Nigérians, une misère au milieu d’un pays d’abondance.
Une véritable solution à la condition sociale de l’enfant nigérian ne pourra émerger qu’à partir du moment où seront nationalisés les secteurs-clés de l’économie du Nigéria, sous le contrôle et la gestion démocratiques de la population laborieuse. Il sera alors possible de récupérer la richesse volée par les 1 % et de commencer à l’investir afin de restaurer notre infrastructure sociale décrépie et de fournir un enseignement, des soins de santé et tous les services nécessaires à une vie décente pour nos enfants, qui pourront alors grandir en sachant qu’ils auront un avenir une fois adultes.
Cela signifie que la lutte pour défendre les droits des enfants et pour assurer la survie de la prochaine génération ne sera victorieuse qu’une fois le capitalisme et sa politique anti-pauvre seront éliminés et que le Nigéria sera restructuré selon des lignes socialistes et démocratiques.
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Nigéria : une lutte héroïque pour le salaire minimum, malgré la trahison des dirigeants syndicaux
Au moment où nous écrivons cet article, la grève des travailleurs de l’état d’Oyo pour la pleine entrée en vigueur du salaire minimum de 18.000 naïras (87 €, 57.000 francs CFA) par mois a été suspendue ce jeudi 5 avril 2012, à la suite de l’annonce par le gouvernement étatique mené par l’ACN (Action Congress of Nigeria, libéral) qu’il était prêt à un nouveau tour de négociations, après qu’une première tentative d’imposer aux travailleurs un accord pourri ait été vaincue. Cette grève, qui a commencé le 19 mars, a duré dix-sept jours et a complètement paralysé les activités du secrétariat d’état et de l’administration publique !
Lundi 24 mai 2012, la grève a pris un tournant plus radical à la suite d’une réunion à l’hôtel de ville entre le gouverneur et l’ensemble du personnel de l’état. La réunion, qui était censée mettre un terme au conflit, a mené à une impasse lorsque l’exécutif du Comité de négociation des services publics (JPSNC, Joint Public Services Negociating Committee) a refusé de signer le nouveau barème salarial qui lui a été proposé par le sénateur Abiola Ajimobi, gouverneur de l’état d’Oyo.
Le JPSNC, réputé être un allié incorrigible du gouvernement, a refusé de signer le barème qui lui était présenté par le gouvernement du fait de la féroce opposition qui y a été exprimée par la masse des travailleurs, qui a insisté sur le fait que le barème ne doive pas être signé avant qu’il n’ait été certifié par une assemblée des travailleurs. Étant donné cela, l’exécutif du JPSNC n’avait pas d’autre choix, surtout vu que sa légitimité en tant qu’organe de négociation était remise en question par les travailleurs qui, quelques semaines auparavant, l’avaient carrément dissous lors d’une assemblée. Immédiatement après la réunion à l’hôtel de ville, les travailleurs se sont rendus par milliers au secrétariat d’Oyo du Congrès du Travail du Nigéria (Nigeria Labour Congress, NLC), où s’est tenue une assemblée d’urgence, modérée par le comité provisoire dirigé par la Fasasi.
Lors de cette assemblée, les travailleurs ont rejeté à l’unanimité le nouveau barème qui leur a été présenté, parce qu’il n’existait aucune différence substantielle entre le nouveau barème et celui qui avait déjà été rejeté plus tôt. Selon le nouveau barème, la grande majorité des travailleurs de catégorie 6 à 17 ne gagnaient que 500 naïras (2,5 €, 1500 fCFA) de plus par rapport à la somme présentée pour les mêmes catégories dans le barème publié le 14 mars 2012. Cela, en plus de l’absence de l’allocation spéciale prévue pour les enseignants par la TSS.
L’assemblée a par conséquent établi un comité technique composé de représentants du cadre du JPSNC et de plusieurs membres des comités mis en place par l’assemblée afin d’établir un barème qui reflète les attentes de la généralité des travailleurs de l’état d’Oyo. L’assemblée a également décidé de réinstaurer le comité exécutif du JPSNC qui avait été dissous, auquel elle a demandé de faire une déclaration publique concernant leur soutien inconditionnel à la poursuite de la grève.
Le contexte de la lutte
Il faut se rappeler que les travailleurs ont déjà organisé toute une série de grèves et d’actions l’an dernier. L’état a d’ailleurs connu les premières manifestations de masse de travailleurs du pays contre le refus de la part des gouverneurs de faire entrer en vigueur le salaire minimum légal de 18 000 naïras par mois. La lutte a atteint son pic le 8 juillet 2011 lorsque les travailleurs ont suspendu les dirigeants syndicaux pour leur connivence avec le gouvernement étatique qui avait offert un salaire de seulement 9400 naïras, au lieu des 18 000 naïras promis. Tout comme c’est le cas à présent, un comité avait été inauguré par les travailleurs afin de mener la lutte pour la pleine application du salaire minimum. Les dirigeants syndicaux ont toutefois été réinstaurés plus tard, le 21 juillet 2011, et mandatés pour donner le mot d’ordre immédiat de grève indéfinie jusqu’à la pleine entrée en vigueur du salaire minimum.
Cette grève indéfinie, qui n’a duré que cinq jours, avait forcé le gouvernement à proposer un salaire minimum de 13 500 naïras qui devait être payé pour les mois de juin et de juillet 2011, tous les arriérés devant être payés pour la fin aout. Malheureusement, depuis juillet 2011, il y avait eu un silence criminel de la part tant du gouvernement que des dirigeants syndicaux, jusqu’au 14 mars 2011, lorsque le gouvernement ACN de l’état d’Oyo, dirigé par Abiola Ajimobi, avait finalement publié le nouveau barème salarial. Selon cette nouvelle grille salariale frauduleuse, le salaire de base des travailleurs les moins bien payés de l’état ne devait s’élever qu’à 10 405 naïras au lieu de 18 000.
Cela va tout à fait à l’encontre des déclarations du gouvernement, qui affirmait avait déjà commencé à payer 19 113 naïras. Le salaire minimum de 19 113 naïras n’était en réalité que le total du salaire de base de 10 405 naïras, auquel s’ajoutait le loyer (4628,25 naïras), les frais de transport (1945,74 naïras), les subsides pour les repas (1040,50 naïras), et autres frais (1040 naïras). De plus, cette hausse ne valait réellement quelque chose qu’en ce qui concerne les salaires des travailleurs de classe 1 à 4, qui ne représentent qu’une toute petite fraction du personnel. La grande majorité des travailleurs, qui sont de classes supérieures, ne recevaient pour seule hausse que la somme ridicule de 1000, 2000 ou 3000 naïras supplémentaires. De même, en ce qui concerne les enseignants, l’allocation spéciale TSS, qu’ils n’avaient gagnée qu’au prix de plusieurs mois de lutte, avait été supprimée du nouveau barème.
Conflit avec la bureaucratie syndicale
C’est donc là l’historique de la reprise de l’action de grève à partir du 19 mars 2012. Lors d’une assemblée générale qui s’est déroulée le 16 mars 2012, les travailleurs ont rejeté à l’unanimité le nouveau barème salarial. Les travailleurs membres des syndicats affiliés au Congrès du Travail du Nigéria et au Congrès syndical (Trade Union Congress, TUC), ont également démis les directions de leurs centrales syndicales de leur mandat de représentation lors des négociations avec le gouvernement. L’exécutif du JPSNC a également été dissous. L’assemblée générale des travailleurs a entrepris cette action à l’encontre des dirigeants syndicaux officiels pour protester contre leur trahison lors des négociations avec le gouvernement.
L’assemblée a par conséquent établi un comité provisoire afin de poursuivre la lutte dans les véritable intérêts des travailleurs qui ont refusé de reprendre le travail et qui se sont rendus tous les jours au secrétariat du NLC à partir du 19 mars. Cette action, menée indépendamment de la direction syndicale officielle, a pu bénéficier d’un soutien de masse.
Lutter pour gagner
Le DSM, dont les membres ont été impliqués de manière active dans l’action des travailleurs, applaudit la détermination et la ténacité des travailleurs. Grâce à une stratégie et à une approche correctes, la grève peut gagner. Tout en annonçant la suspension de la grève pour deux semaines à partir du 5 avril 2012, les travailleurs ont décidé d’organiser une assemblée chaque vendredi afin de suivre l’état d’avancée des négociations. Ceci est un pas important afin de prévenir toute nouvelle trahison. Les travailleurs doivent exiger de la direction de toujours revenir à l’assemblée pour demander son approbation avant de signer le moindre accord salarial avec le gouvernement.
Toutefois, malgré la détermination des travailleurs, l’isolation de la lutte, du fait du manque de solidarité de la part de la direction nationale du mouvement syndical, risque de constituer un frein à l’élan des travailleurs et de limiter l’ampleur de l’accord obtenu avant que le mouvement ne s’épuise. Nous appelons donc la direction nationale du mouvement syndical à accorder un soutien actif aux travailleurs de l’état d’Oyo et à les aider à gagner la lutte, en veillant de même à ce qu’aucun de ces travailleurs ne perde son emploi. Une victoire à Oyo pourrait encourager les travailleurs des autres états, qui se sont également vu refuser le salaire minimum ou qui ont été contraints à des accords pourris, à se dresser pour rejoindre la lutte pour la pleine entrée en vigueur du salaire minimum légal. La direction du mouvement syndical doit lancer une action nationale pour forcer tous les gouvernements à appliquer le nouveau salaire minimum légal.
Il est également très important de mettre en avant l’exemple qu’ont donné les travailleurs de l’état d’Oyo et la manière dont ils sont parvenus à surmonter les obstacles placés par la bureaucratie syndicale en travers de la lutte. L’élection d’un “comité provisoire” par les travailleurs de l’état d’Oyo, tout comme le “comité congressionel” mis en place l’an passé afin de mener la lutte indépendamment des dirigeants syndicaux officiels, montre un bel exemple de la manière dont les travailleurs à la base syndicale peuvent commencer à reprendre le contrôle de leur syndicat.
(1) État d’Oyo dont la capitale Ibadan, à 100 km de Lagos, est la troisième plus grande ville du Nigéria (1 million d’habitants), et siège de la toute première université du Nigéria
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Militantisme internet : Le phénomène “Kony 2012”
Rarement auparavant une idée s’est répandue aussi rapidement à la surface du monde. En quelques jours, des dizaines de millions de gens ont regardé la vidéo “Kony 2012” de l’association Invisible Children, qui s’est propagée telle un virus dans tous l’internet et les réseaux sociaux. Choqués par les histoires de meurtres, viols et d’abus d’enfants soldats, de nombreuses voix se sont élevées pour demander que “quelque chose soit fait” contre Joseph Kony et son Armée de résistance du Seigneur (Lord’s Resistance Army (LRA)) en Afrique centrale et orientale.
Robert Bechert, CIO
Comment faire cesser le cauchemar ?
Pendant un moment, Invisible Children semblait mener la danse, au fur et à mesure que le soutien s’accroissait rapidement en faveur de leur appel à une action contre Kony. En quelques jours, cette vidéo a engendré une vague de colère, particulièrement parmi la jeunesse américaine. Invisible Children a fait appel à l’idéalisme de nombreux jeunes désireux de se battre pour un monde meilleur, libéré de l’oppression et de la misère. La vidéo a encouragé de nombreux jeunes à se demander ce qu’ils pouvaient faire eux-mêmes. Toutefois, il est rapidement devenu clair que la campagne d’Invisible Children n’était pas ce qu’elle semblait être de prime abord. Certains ont entre autres commencé à se demander pourquoi, dans son dernier rapport financier, Invisible Children, une association charitable dont le but avéré est d’aider les enfants de l’Ouganda, n’a dépensé en Ouganda que 37,14 % de son revenu total.
L’an dernier, le mouvement “Occupy” contre les “1 %” s’est répandu très rapidement à travers tous les États-Unis et dans le monde, fédérant la méfiance et l’hostilité larges à l’encontre des classes dirigeantes et de l’élite. La colère anti-Kony s’est répandue encore plus vite. Beaucoup plus vite. Toutefois, Invisible Children ne s’oppose pas à l’élite américaine ; le logo de leur campagne “Kony 2012” représente l’âne et l’éléphant symboles des deux partis américains, démocrate et républicain. On retrouve parmi les principaux sponsors d’Invisible Children des groupes chrétiens fondamentalistes qui ont leur propre agenda de droite pro-capitaliste.
Nous ne voulons pas ici dénigrer les millions de gens qui ont été enragés par l’histoire de cette vidéo et qui veulent urgemment faire quelque chose, mais ces événements sont un autre exemple de la manière dont les classes dirigeantes, les 1 %, tentent d’utiliser, voire manipuler, l’authentique colère populaire et ce , dans leurs propres intérêts.
Dans ce cas, la réalité est que Invisible Children appelle les États-Unis à maintenir et à approfondir son intervention militaire contre Kony et la LRA. Jason Russell, producteur et narrateur de cette vidéo, prétend que la décision d’Obama d’octobre dernier concernant l’envoi de 100 soldats américains en Afrique centrale afin de chasser Kony ”était la première fois dans l’Histoire américaine que le gouvernement américain a lancé une action non pas pour sa propre auto-défense, mais parce que le peuple l’exigeait.”
Cette position se trouve au centre de la campagne d’Invisible Children. Elle a d’ailleurs répété cette position dans sa réponse officielle aux critiques qui ont été émises à l’encontre de la vidéo et de la campagne “Kony 2012”.
”La mission d’Invisible Children est de mettre un terme à la violence de la LRA et de soutenir les communautés affligées par la guerre en Afrique centrale et orientale… L’objectif de Kony 2012 est de voir le monde s’unir jusqu’à ce que Kony soit arrêté et jugé pour ses crimes contre l’humanité.”
”La campagne Kony 2012 appelle le gouvernement américain à faire quelque chose concernant ces deux problèmes. Nous sommes pour le déploiement de conseillers américains et pour l’envoi du matériel d’information et autre qui puisse aider à localiser Kony et à le soumettre à la justice ; nous sommes aussi en faveur d’une intensification de la diplomatie afin de voir les gouvernements régionaux se tenir à leurs engagements de protéger les civils de ce genre de violence brutale”. (Déclaration officielle d’Invisible Children postée dans la section “Critiques” de leur site internet)
Les arguments d’Invisible Children ont été exprimés plus en détail dans leur lettre du 7 mars adressée au Président Obama :
”Votre décision de déployer des conseillers militaires américains dans la région en octobre 2011 a été une mesure bienvenue visant à plus d’aide aux les gouvernements régionaux dans leurs efforts afin de protéger le peuple des attaques de la LRA …
”Cependant, nous craignons qu’à moins que les efforts américains déjà entrepris ne soient étendus, votre stratégie puisse s’avérer inefficace … Nous vous encourageons à intensifier le déploiement de conseillers américains jusqu’à ce que la LRA cesse de représenter une menace pour les civils …
”Le gouvernement congolais, en particulier, a cherché de manière active à diminuer l’importance de la présence de la LRA et de son impact sur les communautés congolaises. Qui plus est, l’Ouganda a retiré plus de la moitié des forces initialement déployées dans la traque des commandants et groupes de la LRA, et leurs forces n’ont plus le droit d’opérer au Congo, où la LRA commet la majorité de ses attaques sur des civils. Nous vous implorons de contacter directement les Présidents de chacun des quatre pays concernés – en partenariat avec l’Union africaine – afin de renforcer la coopération régionale, d’accroitre les effectifs et la liberté d’action des troupes déployées dans les zones affligées par la LRA, et de renforcer les efforts visant à encourager les désertions des soldats rebelles.”
Mais la politique du gouvernement américain en Afrique ne part pas de l’idée de défendre les intérêts de la vaste majorité des Africains. Quelques jours seulement après que cette lettre ait été envoyée, le général Carter Ham, commandant du United States Africa Command (Africom, Commandement des États-Unis en Afrique), a entamé ainsi son discours annuel devant le Comité des services armées du Sénat américain : ”Nos opérations, nos exercices, nos programme de coopération à la sécurité continuent à contribuer aux objectifs politiques américains en Afrique, à renforcer le partenariat et à réduire les menaces envers l’Amérique, les Américains, et les intérêts américains basés en Afrique.”
Malgré le taux de croissance relativement élevé de l’Afrique en ce moment, principalement basé sur l’exploitation des matières premières, la majorité de la population n’en tire quasiment aucun bénéfice. Dans de nombreux pays, le niveau de vie ne s’élève qu’à peine ; souvent l’inflation élevée des prix de l’énergie et de la nourriture sape en réalité ce niveau de vie.
Le Nigéria est en ce moment présenté comme étant un des meilleurs “espoirs” du capitalisme en Afrique, mais rien que le mois dernier, l’Office national des statistiques a rapporté que ”Alors qu’en 2004, le taux de pauvreté relative du Nigéria s’élevait à 54,4 %, celui-ci s’est accru à 69 % en 2010, soit 112 518 507 Nigérians ». Ceci, malgré les statistiques officiels qui montrent que le PIB nigérian s’est accru de 7,35 % chaque année entre 2004 et 2010. Et la situation continue à empirer. En même temps que l’annonce de ces chiffres, le Statisticien général du Nigéria a ajouté que « en mesurant la pauvreté en termes relatifs, absolus et en dollars-par-jour, l’Office national des statistiques estime que la pauvreté pourrait s’être accrue respectivement à environ 71,5 %, 61,9 % et 62,8 % en 2011” (The Guardian de Lagos, 14 février 2012).
C’est l’échec permanent de l’Afrique à se développer qui est la cause de tous les troubles, de toute l’oppression et de toutes les guerres qui semblent être la caractéristique de ce continent. Cela n’est pas quelque chose de typiquement “africain” : les autres continents du monde n’ont pas non plus connu une histoire sans guerre ni oppression ; mais aujourd’hui, dans un monde dominé par l’impérialisme, les perspectives pour un développement capitaliste en Afrique sont sévèrement limitées.
Voilà la raison pour les nombreux maux qui affligent le continent.
L’histoire de l’Ouganda
L’histoire sanglante de l’Ouganda et des pays l’environnant n’est qu’un autre triste exemple de ce fait.
Au cours des dernières décennies, l’Ouganda a vu une dictature faire place à une autre, au fur et à mesure que les différentes élites dirigeantes en lutte les unes contre les autres ont cherché à s’accrocher au pouvoir dans une situation où les droits démocratiques étaient réprimés ou limités parce que l’économie capitaliste locale était trop faible que pour pouvoir se permettre la moindre concession durable. Rien qu’en avril et mai dernier, les manifestations contre la hausse des prix de l’énergie et de la nourriture n’ont reçu pour seule réponse que la répression policière et la censure de la part du régime autoritaire de Museveni. L’inflation galope à près de 44 %, ce qui veut dire que le taux de pauvreté de l’Ouganda va certainement continuer à s’accroitre.
L’ONG Human Rights Watch, dans son rapport mondial 2012, a condamné le fait qu’en Ouganda « pendant les manifestations d’avril 2011, à la suite des élections présidentielles de février, l’utilisation non-justifiée de violence mortelle par les forces de sécurité ougandaises ont causé la mort de neuf personnes. Les politiciens de l’opposition et des centaines de leurs partisans ont été arrêtés et condamnés pour réunion illégale et incitation à la violence, tandis que des agents étatiques battaient et harcelaient les journalistes qui relayaient le mouvement » (22 janvier 2012).
Mais ces conflits ne visent pas seulement des enjeux économiques ; s’y retrouvent mêlés également des conflits nationaux et des rixes entre différentes couches rivales au sein de l’élite, tout cela parfois en collusion avec diverses puissances impérialistes rivales.
En Ouganda, le dirigeant actuel, Museveni, est arrivé au pouvoir en 1985 après le renversement de Milton Obote. Au cours de son règne, Obote avait le soutien de la population Acholi du nord de l’Ouganda ; cette population a beaucoup souffert après son renversement.
Human Rights Watch, qui soutient la campagne anti-Kony, a dû admettre que ”L’Armée de résistance du Seigneur a commencé à se battre contre le gouvernement ougandais au milieu des années ’80, en partie en guise de réponse à la marginalisation de la population du nord du pays par le gouvernement” (9 mars 2011).
Kony lui-même est un Acholi. Dans son “Histoire de la guerre”, Invisible Children décrit ce qui est arrivé aux Acholis : ”À partir de 1996, le gouvernement ougandais, incapable de stopper la LRA, a exigé des habitants du nord de l’Ouganda qu’ils quittent leurs villages pour se rendre dans des camps gouvernementaux pour “personnes déplacées en internes” (IDP). Ces camps étaient censés avoir été créés pour la sécurité des populations, mais ils étaient pleins de maladies et de violences. À l’apogée du conflit, 1,7 millions de gens vivaient dans ces camps à travers toute la région. Les conditions y étaient ignobles et il n’y avait pas moyen d’y vivre. C’est ainsi que toute une génération du peuple acholi est né et a grandi dans ces camps.”
Il a été estimé que près de 80 % de la population du nord de l’Ouganda a été déportée de force dans ces camps ou “villages protégés”, et bien que la plupart ait apparemment quitté les camps, les réfugiés qui revenaient chez eux se sont de plus en plus retrouvés confrontés à des conflits ayant pour enjeu leur droit de revenir vivre sur la terre qu’ils ont autrefois habitée et cultivée.
Mais bien que les origines de la LRA tirent en partie leurs racines de la tragédie du peuple acholi à partir du milieu des années ’80, il ne fait aucun doute que la LRA n’a jamais, au grand jamais, été un mouvement de libération visant à protéger les Acholis ; dans les faits, elle n’a été qu’un oppresseur de plus.
La LRA a quitté l’Ouganda en 2006 au moment du démarrage des négociations de paix ; mais ces pourparlers ont finalement échoué à parvenir à un accord. Ceci a mené à l’attaque militaire sur la LRA, la toute première opération organisée par l’Africom récemment créée. Cette attaque, soutenue par Invisible Children, est décrite en ces termes par l’association dans son “Histoire de la guerre” : ”En décembre 2008, lorsqu’il est devenu clair que Kony n’allait pas signer l’accord, l’opération “Tonnerre d’éclair” (Operation Lightning Thunder) a été lancée. Cette opération était le résultat d’une action coordonée de l’Ouganda, de la République démocratique du Congo, de la République centrafricaine et du Soudan, avec le soutien des États-Unis en matière de logistique et de renseignements.”
Il est clair que, vu son silence autour de ce qui est maintenant en train de se passer en Ouganda et son soutien actif pour l’intervention militaire américaine, les organisateurs d’Invisible Children sont en train, intentionnellement ou non, de mobiliser pour des actions qui, tout en pouvant permettre de porter le coup final à ce qui reste de la LRA, ne feront pas pour autant cesser le cycle de violence à l’encontre des enfants et des adultes.
Invisible Children ne peut même pas affirmer que l’administration Obama est sérieuse concernant une de leurs principales revendication – la fin de l’exploitation d’enfants-soldats. Rien qu’en octobre dernier, l’administration Obama a donné son feu vert à une continuation du financement militaire par les États-Unis du Yémen, du Tchad et de la RDC, malgré la persistance de l’utilisation d’enfants-soldats par ces pays. Cela était censé cesser après l’adoption du Child Soldiers Pervention Act en 2008, pour lequel Obama lui-même avait voté en tant que sénateur. Mais maintenant, en tant que président, Obama signe des accords justifiés par “les intérêts de la sécurité nationale” (ABC News, 5 octobre 2011). Le gouvernement américain est d’une hypocrisie monstre concernant les enfants-soldats. Alors que Kony est dénoncé pour son usage d’enfants-soldats, personne ne dénonce le pays dans lequel la LRC est basé aujourd’hui, la RDC !
Tout cela montre bien que, malgré tout le vernis humanitaire, la politique de la classe dirigeante américaine (et d’autres) n’est déterminée que par la défense de ses propres “intérêts nationaux” (càd, les intérêts de ses “propres” capitalistes).
Il est tragique, vu l’énorme soutien qu’ils ont gagné au cours des dernières semaines, de constater qu’Invisible Children suivent la politique étrangère du gouvernement américain sans la moindre critique, et sont très sélectif dans ce qu’ils dénoncent.
Tout en dénonçant Kony, Invisible Children se tait sur les exactions de Museveni en Ouganda, ce qui est cohérent avec la position du gouvernement américain qui le considère comme un allié crucial dans la région.
Ce silence sur la véritable situation en Ouganda pousse Invisible Children à mettre en avant la Cour pénale internationale qui a émis des mandats d’arrêt à l’encontre Kony et de deux autres commandants de la LRA, mais à se taire sur le fait que le gouvernement ougandais a lui-même ignoré une décision de la Cour de justice internationale, prise en décembre 2005, selon laquelle l’Ouganda devrait compenser la RDC pour les exactions et le pillage des ressources qui y ont été commises par sa propre armée entre 1998 et 2003. En ce moment, la RDC réclame 23,5 milliards de dollars à l’Ouganda en guise de réparation pour ses opérations militaires sur le territoire de la RDC.
Par cette mise en question des véritables motivations d’Invisible Children, nous ne voulons en aucun cas nier la brutalité et la barbarie de la LRA, mais nous voulons nous opposer aux tentatives de mobiliser sur cette base un soutien à la politique hypocrite qu’Obama mène en Afrique.
Invisible Children mobilise
Invisible Children prétend avoir « inspiré la jeunesse américaine à faire “plus que simplement observer” ». Il ne fait aucun doute que des millions de gens ont senti qu’ils pourraient faire “quelque chose”. La vidéo “Kony 2012” a eu un énorme effet. La rapidité de son impact n’a jamais été vu auparavant. À peine 4 personnes avaient vu la vidéo le 3 mars, mais ils étaient 58 000 le 5 mars à avoir visionné la vidéo, puis 2,7 millions le 6 mars et 6,2 millions le jour suivant. Aujourd’hui, plus de 80 millions de gens ont vu cette vidéo.
De nombreux jeunes américains ont donné de l’argent à Invisible Children, d’autres achètent le “kit d’action” à 30 dollars ; la journée d’action du 20 avril pourrait générer un large soutien.
Mais, étant donné la politique suivie par Invisible Children, il existe un grave danger que cette énergie sera simplement détournée afin de fournir un soutien à la politique de l’administration Obama qui vise à renforcer son influence en Afrique, à un moment où les autres puissances telles que la Chine ou le Brésil se lancent également dans la course pour ce nouveau repartage de l’Afrique. Malgré toutes les belles paroles contre Kony et la LRA, l’administration Obama, tout comme ces prédécesseurs, est complètement hypocrite dans son soutien à “ses propres” régimes autoritaires et dictatoriaux, tels que l’Ouganda. Tout en comprenant bien le désir de la part des victimes de la LRA de recevoir une aide extérieure contre Kony, les socialistes rappellent que les gouvernements capitalistes extérieurs ont leurs propres intérêts. La BBC a beau faire état maintenant de populations en RDC qui appellent Obama à intervenir contre la LRA, cela ne représente pas une solution durable pour le peuple congolais. N’oublions pas que pendant des décennies, tous les présidents américains, républicains comme démocrates, ont soutenu le règne brutal du bandit Mobutu et l’ont aidé dans son pillage du pays qui est aujourd’hui la RDC.
La seule manière de réellement agir dans les intérêts des enfants, des pauvres, des opprimés et de la population laborieuse de manière générale en Afrique, est d’aider ces gens à construire leurs propres mouvements indépendants, des mouvements qui n’auront aucune confiance dasn les gouvernements capitalistes ou dans la moindre intervention étrangère, mais qui mèneront la lutte pour transformer la société.
Malgré les horreurs de la guerre en Afrique centrale et orientale, nous avons déjà vu cette année de puissants mouvements de masse dans d’autres pays africains contre l’oppression et la misère et pour le changement, tel que les grèves générales au Nigéria et en Afrique du Sud.
La rapidité avec laquelle s’est répandue la colère contre Kony est une véritable source d’inspiration. Le mouvement ouvrier doit tout faire pour s’assure que l’idéalisme enthousiaste et le désir de changement affiché par l’explosion exponentiel de l’intérêt en faveur de la campagne “Kony 2012” puisse être mobilisé en tant que partie prenante d’une véritable lutte contre l’exploitation, la misère et la guerre.
Le défi pour les socialistes authentiques est de contribuer à relier la colère de la jeunesse face aux crimes commis par des groupes tels que la LRA et son désir de faire quelque chose à la construction de mouvement capables de renverser le système capitaliste qui corrompt et empoisonne les vies de tant de gens, au lieu de voir cette colère et ces aspirations se faire canaliser par des personnes qui veulent éviter de voir remis en question l’ordre capitaliste existant.
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Le capitalisme a continué à aggraver la situation des femmes
Rejoignez la lutte pour une alternative socialiste
La journée internationale de la Femme est un événement annuel célébré le 8 mars partout dans le monde. Il offre l’occasion de mettre en avant la triste situation pour les femmes du monde et de réaffirmer la manière dont nous pourrons en sortir, tout en célébrant la contribution héroïque des femmes à la lutte des travailleurs contre les divers maux engendrés par le capitalisme. Bien que cette journée tire sa source des luttes des femmes américaines du 19ème siècle pour de meilleures conditions de travail et un salaire égal, elle est par la suite devenue une journée internationale de la Femme sur base d’une résolution des femmes socialistes de la Seconde Internationale lors d’une conférence en 1910. Les Nations-Unies célèbrent depuis 1975 cette journée chaque année en tant que journée des Nations-Unies pour les droits de la Femme et pour la paix dans le monde, dans un effort évident de détourner l’attention des véritables problèmes auxquels sont confrontées les femmes.
Par Seun Ogunniyi, Democratic Socialist Movement
Le thème de cette année, selon les Nations-Unies, est “L’autonomisation des femmes rurales : mettre un terme à la faim et à la pauvreté”. De la part d’un organe aussi procapitaliste que les Nations-Unies, il ne s’agit là de rien d’autre qu’un discours “langue de bois”.
Il est totalement utopique de vouloir mettre un terme à la faim et à la pauvreté sur base du système capitaliste soutenu par les Nations-Unies, pour qui seuls comptent le profit. De telles déclarations hypocrites ne manquent pas chez cette agence du capitalisme mondial. Par exemple, il y a la Déclaration universelle des droits de l’Homme, qui défend certains droits sociaux et économiques tels que le droit fondamental de chaque enfant à recevoir une éducation quel que soit son genre. Mais sur base de la politique capitaliste néolibérale de commercialisation et de privatisation de l’enseignement, qui conduit à un enseignement payant, l’enseignement est un droit souvent hors de portée des pauvres. Le problème de la faim et de la pauvreté ne provient pas du manque de ressources pour le résoudre. De fait, les progrès de la science et de la technologie ont fait en sorte qu’il est dès aujourd’hui possible de reléguer la pauvreté et la faim au rang de mauvais souvenirs. Mais cela est impossible à cause du capitalisme, qui défend les profits de quelques-uns aux frais de la survie de l’humanité.
Ceci explique également pourquoi au Nigéria, malgré les immenses ressources humaines et naturelles dont dispose ce pays, la misère est une expérience quotidienne pour la vaste majorité de la population. Même Sanusi Lamido, le gouverneur de la Banque centrale du Nigéria, estime la proportion de la population qui vit sous le seuil de pauvreté à 70%. Cependant, les maux du capitalisme affectent les femmes de manière disproportionnée comparée aux hommes. Les femmes portent un double fardeau du fait de limitations culturelles et économiques. Cela n’est pas le propre du Nigéria, mais est un phénomène global qui résulte du capitalisme et de la nature patriarcale de la société. La femme subit comme tout le monde la soif de profit du capitalisme, mais son fardeau est alourdi du fait du patriarcat qui attribue dans la société les rôles supérieurs aux hommes, et subordonne la femme aux caprices des hommes. Cette fracture se retrouve à tous les niveaux de la vie sociale.
Enseignement
Les statistiques des Nations-Unies et autres montrent constamment que le taux d’analphabétisme est plus élevé parmi les femmes que parmi les hommes. On estime à 65 millions le nombre de filles dans le monde qui ne vont pas à l’école, dont une bonne partie provient d’Afrique de l’Ouest. Au nord du Nigéria, le nombre d’enfants qui ne vont pas à l’école est très élevé, et la proportion de filles par rapport aux garçons à l’école est d’une fille pour deux garçons. Bien entendu, cela provient de pratiques culturelles et de croyances qui considèrent le genre féminin comme inférieur au masculin. De plus, confrontés aux choix de devoir envoyer soit leur fils, soit leur fille à l’école en raison de contraintes financières ou d’un accès difficile, il est plus probable que les parents sacrifient leur fille. Cela n’aurait pas été le cas s’il y avait un système d’enseignement public correctement financé qui garantisse un enseignement gratuit et de qualité à chaque enfant quel que soit son genre.
Trafic d’enfants pour le travail et la prostitution
La demande en petites filles capables de servir à la maison est très élevée dans diverses régions du pays, surtout à cause de la mentalité, issue des rôles sociétalement attribués à chaque genre, selon laquelle elles seront plus aptes à accomplir les tâches domestiques que les garçons. De plus, à cause de la pauvreté dans le pays, certains parents considèrent comme un moyen de se délivrer du “fardeau de l’éducation des enfants” le fait de donner leurs enfants à des membres de leur famille, voire à des inconnus. Dans de telles situations, c’est même souvent de bon cœur qu’ils abandonnent leur fille. Dans la plupart des cas, l’argent issu de ce trafic est utilisé pour permettre l’accès à l’école à leurs autres enfants (souvent des garçons). Parfois, de tels enfants se voient contraints de se prostituer.
Santé
La condition de la femme ne s’améliore pas lorsqu’elle devient adulte. La femme au Nigéria souffre énormément de la piètre situation des soins de santé. Cela est pire encore dans les zones rurales, où les centres de santé sont inadéquats et fonctionnent avec peu de personnel. Par exemple, les femmes au Nigéria souffrent de toute une série de complications lors de la gestation et de l’accouchement. Selon le Centre de recherche et d’action pour la santé féminine (Women Health and Action Research), le taux de mortalité des mères au Nigéria est de 608 pour 100 000, ce qui est le deuxième pire taux au monde après l’Inde.
Riposte
Mais les femmes du Nigéria ne se résignent pas à l’idée qu’elles ne peuvent pas améliorer leur situation. Au fil des années, les femmes ont toujours répondu au défi de la lutte pour une meilleure société, depuis les émeutes des femmes d’Aba en 1929, jusqu’à la récente grève générale qui a été la plus grande de l’histoire de notre pays.
La hausse du prix du pétrole, qui est passé le 1er janvier 2012 de 65 à 141 nairas le litre, déguisé sous la forme d’une suppression des subsides par le gouvernement Jonathan, a déclenché une grève générale de six jours de même que des manifestations de masse qui ont vu des millions de Nigérians descendre dans les rues. L’économie a été dans les faits complètement bloquée. Les magasins, les écoles, les banques et l’industrie ont été fermés, ce qui a selon Afrinvest West Africa Ltd. mené le gouvernement nigérian à perdre près de 1,94 trillions de nairas (3,1 milliards de dollars)
Le fait le plus saillant dans ce mouvement a été le rôle des femmes dans les manifestations qui ont éclaté dans quasi chaque partie du pays. Les femmes ont complètement démonté le mythe selon lequel les femmes africaines ne sont que des observatrices passives de leur propre histoire. Par exemple, à Kano, des femmes vêtues de hijab occupaient la “place de la Liberté” aux côtés des hommes. Dans d’autres parties du pays, des militantes ont rejoint les hommes dans l’organisation des manifestations, et on pouvait les voir à l’avant des colonnes avec leurs propres banderoles et pancartes, portant divers slogans visant à dénoncer les attaques néolibérales sur leurs conditions de vie.
Dans les usines des états de Lagos et d’Ogun, nous avons vu de jeunes femmes jouer un rôle actif partout où il y avait des luttes pour de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail. Dans le delta du fleuve Niger, des femmes ont joué des rôles actifs dans la lutte contre la dégradation environnementale provoquée par l’exploitation pétrolière de la région.
Une alternative socialiste
Tout comme cela a été le cas pour l’ensemble du mouvement des travailleurs, les luttes des femmes n’ont pu arracher que des concessions et des gains temporaires. Par conséquent, ce qu’il faut est une solution permanente, qui ne pourra jamais être garantie sous ce système capitaliste d’exploitation et de profit. Cela ne veut pas dire que nous devons cesser la lutte pour des progrès. Au contraire, nous devons poursuivre l’agitation en faveur de l’égalité des chances, d’un enseignement et de soins de santé gratuits et de qualité, d’emplois et de logements décents et pour tous, etc. Cependant, les gains temporaires qui peuvent être obtenus sous le capitalisme grâce aux luttes de masse des masses opprimées ne pourront devenir permanents que via une reconstruction socialiste de la société, qui permettrait de changer la base de la production afin de satisfaire les besoins de la société et non l’avidité et la soif de profits de quelques-uns, en plus de mettre un terme à toute forme d’oppression et d’exploitation.
Tout en célébrant la journée internationale de la Femme, nous, membres du Democratic Socialist Movement (DSM), nous dévouons à la construction d’une formidable alternative politique des travailleurs basée sur un programme socialiste, qui lutte pour émanciper les femmes travailleuses pauvres en même temps que toutes les autres sections exploitées de la société, et afin de placer les ressources de la société au bénéfice de tout un chacun. Nous appelons toutes les femmes, tous les jeunes et tous les travailleurs à rejoindre le DSM dès aujourd’hui.
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Nigéria : meeting du DSM pour débattre de l'état de la nation
”Seule une révolution socialiste peut sauver le Nigéria – un pays immensément riche, mais dont la majorité des citoyens sont perpétuellement pauvres” – Segun Sango
Le dimanche 19 février 2012, le Democratic Socialist Movement (DSM, section nigériane du CIO) a organisé un meeting à Lagos, dont le but était de réunir nos membres, et aussi et surtout les nombreux membres potentiels que nous avons rencontrés à Lagos au cours de la grève générale et des actions de masse de janvier dernier contre la hausse du prix de l’essence.
Une discussion extrêmement intéressante a eu lieu sur l’état du Nigéria et sur les perspectives de progrès. Entamant la discussion, Segun Sango (Secrétaire général du DSM) a expliqué que la dernière grève générale en janvier est la confirmation que les masses laborieuses, les jeunes et les pauvres du Nigéria sont bel et bien capables d’accomplir une transformation révolutionnaire au Nigéria.
Lanre Arogundade a ajouté que cette dernière action ne devrait pas seulement renouveler notre confiance en notre capacité d’accomplir le changement ; nous devons également tirer des leçons utiles afin d’assurer la victoire de la lutte future. Une leçon cruciale tirée de la grève générale est le fait que nous avons besoin d’un parti ouvrier de masse afin de prendre le pouvoir politique.
Ceci est crucial, étant donné le fait que la situation va de mal en pis, malgré les promesses de palliatifs afin d’éviter que les gens ne soient trop fortement touchés par la suppression partielle des soi-disant subsides sur l’essence. Les prix de l’alimentation, des transports et d’autres produits et services de base, qui ont flambé au moment de la hausse du prix de l’essence, ne sont pas encore revenus à leur niveau d’avant janvier. D’ailleurs, l’Office national des statistiques a dit que le taux d’inflation dans le pays s’est tout d’un coup hissé à 12,6% en janvier, comparé à 10,6% en décembre, avant la hausse du prix de l’essence.
À présent, la “sonde publique pour la gestion du subside” organisée par l’Assemblée nationale est en train de créer la frénésie des médias ; toutefois, tout cela n’est qu’un cirque : il n’y a toujours aucune preuve fiable de la volonté du gouvernement de réellement faire quelque chose contre la corruption dans le secteur pétrolier.
Cela n’est pas une surprise. L’ensemble de l’appareil gouvernemental lui-même est corrompu ; le capitalisme lui-même est un système de corruption organisée. Tout en prétendant sonder la corruption dans le secteur pétrolier, les membres de l’Assemblée nationale se servent allègrement des parts du gâteau national. De récentes révélations ont montré que les 109 sénateurs vont recevoir 1,7 milliards de naïras par personne (8,2 millions d’euros!) pour pouvoir s’acheter une jeep. Ceci, en plus de toute la flotte de véhicules de luxe qui appartient déjà aux membres de l’Assemblée nationale.
Tout cela se retourne contre les promesses du président Jonathan qui avait dit vouloir s’attaquer au gaspillage de l’argent du gouvernement ; cela montre aussi à quel point aucun des problèmes (la corruption en faisant partie) qui ont fait descendre les masses dans les rues en janvier ne fait l’objet de la moindre attention de la part du gouvernement.
Segun Sango a expliqué que tout ce gaspillage et toute la la corruption de l’élite dirigeante n’est pas quelque chose d’accidentel, mais est une caractéristique du capitalisme. Cette caractéristique n’est d’ailleurs pas le propre du capitalisme au Nigéria, mais également du capitalisme au niveau international, comme nous pouvons le voir sur base de l’avidité des grandes entreprises, des banquiers et des politiciens qui sont en train de mettre l’ensemble de l’économie européenne à genoux, et aussi comme nous pouvons voir la manière dont la facture de la crise est en ce moment présentée aux travailleurs et aux jeunes via une politique d’austérité brutale.
Le capitalisme est un système fondamentalement injuste. Il y a de la richesse dans la société, mais au lieu d’être utilisée pour améliorer le sort de tous, elle est accaparée par les capitalistes, dans le gouvernement comme en-dehors. Un nouveau rapport de l’Office national des statistiques (ONS) montre que les inégalités de revenu au Nigéria se sont accrues de 0,429 en 2004, à 0,447 en 2010 – ce qui indique que nous sommes en présence d’appauvrissement de masse qui a lieu malgré toutes les fables au sujet de la croissance économique.
Le plan de transformation de Jonathan : qu’a-t-il à offrir ?
Selon l’ONS un nombre effarant de 112 519 000 Nigérians vit dans des conditions de pauvreté relative. Ce nombre représente 69% de la population totale du pays, estimée à 163 millions. Plus inquiétant encore, est le fait que le taux de pauvreté s’accroit alors que la croissance du PIB est estimée être de 7,75%. Selon le statisticien en chef de l’ONS, le Dr. Yemi Kale, le taux de pauvreté officielle pourrait même être passée à 71,5% en 2011. De même, 23,9% de la population est sans emploi.
Ces statistiques ensanglantées sont le reflet économique de la faillite de la politique capitaliste néolibérale des régimes précédents, que le plan de transformation du président Jonathan désire maintenir et intensifier. Le plan de transformation est un paquet de réformes néolibérales qui visent la privatisation, la dérégulation et la commercialisation, tout cela dans le but de servir les intérêts des riches. Selon ce plan, la Compagnie électrique du Nigéria sera démantelée pour être vendue pour une bouchée de pain à diverses compagnies privées. L’implication de cela est une hausse du tarif de l’électricité, ce qui va encore plus peser sur les masses laborieuses et les pauvres. Et sans compter les milliers d’emplois qui seront perdus. Les travailleurs de l’électricité sont déjà en train de compter les jours avant de recevoir l’annonce du licenciement de masse qui accompagnera la restructuration.
Déjà l’année passée, il y a eu une hausse du tarif, alors que la vaste majorité de la population n’a même pas l’électricité ou doit la produire soi-même avec des générateurs. Selon l’Association des entreprises du Nigéria, le piètre état du réseau de distribution électrique est le principal facteur qui explique les fermetures d’entreprises, la délocalisation des lignes de production et les centaines de milliers de pertes d’emplois qui ont eu lieu ces dix dernières années.
Cette année, une nouvelle hausse du tarif est en train d’être préparée par le gouvernement fédéral ; c’est même selon eux une des conditions pour une privatisation réussie de l’électricité publique, afin de rendre le secteur plus profitable pour les investisseurs privés. Cela seul expose l’ensemble du processus de privatisation comme n’étant pas une tentative d’améliorer la génération d’électricité, mais comme une simple opération profit. Lorsque les requins spéculateurs en auront totalement pris le contrôle et la possession, les masses devront s’attendre à un déclin drastique de l’accès à l’électricité, tandis que les tarifs grimperont au plafond.
C’est cette même politique anti-pauvres et anti-croissance qui est en train d’être appliquée à d’autres secteurs de l’économie. L’éducation et les soins de santé sont de plus en plus commercialisés. Le camarade Nicholas a raconté lors du meeting son expérience à l’hôpital général public de Lagos, où il a dû payer 30 000 naïras (140 euros) rien que pour les soins prénataux pour sa femme enceinte. Dans un pays où le salaire minimum est d’à peine 18 000 nairas (86 euros) par mois, cette histoire montre bien ce que doivent endurer les familles ouvrières et de la petite classe moyenne pour avoir accès à des soins.
Il ne faut donc guère s’étonner du fait que la plupart des accouchements se passent dans des églises et autres lieux innommables, vu que les familles ne peuvent se permettre le cout élevé des soins de santé. Le même scénario se déroule dans l’éducation. Dans les universités et hautes écoles du pays, les frais d’inscription sont en train de passer à 100 000 nairas (480 euros), voire 200 000 naïras (960 euros) par an, et même, dans le cas de l’Université d’État de Lagos, à 348 000 naïras (1670 euros) ! Il est intéressant de constater que l’ensemble des partis politiques, y compris le Congrès pour l’action du Nigéria (Action Congress of Nigeria, ACN, principal parti d’opposition), sont unis derrière ces attaques néolibérales sur l’enseignement public. En fait, les institutions publiques dans des états gouvernés par l’ACN sont celles dont les frais d’inscription sont les plus élevés.
Tous les partis d’opposition entonnent le même refrain : il n’y a pas d’alternative à la manière de gérer la société, à part la politique néolibérale ». Dans l’état de Lagos, le gouvernement ACN a vendu toute un tronçon routier, l’autoroute express Lekki-Epe, à des requins privés et ce, sous le masque d’un “partenariat public-privé”. La construction de cette route avait débuté dans les années ’80, et tout ce que la compagnie privée devait faire était ajouter une ou deux bandes le long de 49 kilomètres de la route. Même si seuls 6 de ces kilomètres ont été pour l’instant achevés, la compagnie a déjà installé un péage, et prévoit d’en construire deux de plus ! La construction d’un péage sur une route publique a été la source de nombreux troubles et actions de protestation qui ont été cruellement réprimées par le gouvernement.
Le camarade Chineda a raconté une autre fraude du partenariat public-privé organisé par l’ACN à Lagos : le système de transports rapides par bus “Lagbus”. On présente souvent ce système comme un merveilleux exemple de partenariat public-privé réussi, mais la réalité est toute autre. Tout comme la concession de l’autoroute express Lekki-Epe, Lagbus n’est rien d’autre qu’une couverture pour utiliser l’argent public afin de mettre sur pied des entreprises privées pour des pontes du parti et pour leurs copains privés. La compagnie Oando, dont le directeur, Wale Tinubu, est le neveu de Ahmed Bola Tinubu, un des dirigeants politiques de l’ACN, est le seul fournisseur de diesel à Lagbus, alors qu’Oando vend son diesel à un prix plus cher à Lagbus qu’à ses autres clients.
Évidemment, cet arrangement deverait être non-profitable pour une véritable entreprise, mais la réalité est que Lagbus n’est qu’une façade qui sert à faire partir les ressources de l’État vers des poches privées. La majorité du personnel gagne environ 25 000 nairas par mois (120 euros). Les chauffeurs de bus gagnent 35 000 nairas (170 euros), mais il travaillent plus de 60 heures par semaine ! Du fait de la mauvaise gestion, de nombreux bus sont en panne, ce qui signifie qu’il faut bientôt s’attendre à des licenciements. La compagnie a aussi toute une histoire d’attaques sur les droits démocratiques de ses travailleurs à rejoindre un syndicat, tandis que la victimisation est monnaie courante.
Mais il y a en réalité un mode alternatif de gestion de la société capable d’assurer que les ressources de la société soient utilisées pour répondre aux besoins des masses laborieuses et pauvres plutôt qu’à ceux des politiciens bien nourris et des grandes entreprises, tels que nous le voyons aujourd’hui. Ce mode alternatif de gestion de la société que défendent les socialistes, c’est la nationalisation des secteurs-clés de l’économie sous le contrôle et la gestion démocratique du public. Les socialistes s’opposent à toute privatisation, parce que nous pensons que les ressources de la société appartiennent au peuple, et par conséquent doivent être propriété collective. C’est pourquoi nous insistons sur le contrôle et la gestion démocratiques des entreprises nationalisées, afin de pouvoir impliquer les masses laborieuses et pauvres dans la gestion de l’économie et de la société.
La question nationale
Un autre aspect de l’état de la nation que les socialistes et les masses laborieuses doivent analyser avec une grande attention est la question nationale. Cela, d’autant plus qu’auparavant, vu la montée du Boko Haram – un groupe islamiste fondamentaliste du Nord-Est – dont les brutales activités terroristes et assassinats perpétrés au cours des trois dernières années menacent de déstabiliser le pays.
Segun Sango a expliqué que la crise ethno-religieuses qui semble tellement insurmontable est en réalité née du fait que le Nigeria actuel est composé de divers peuples hétérogènes qui ont, sans aucune consultation, été forcés de cohabiter dans un même pays par les colonialistes britanniques, qui n’aspiraient qu’à une exploitation facile et profitable des ressources du pays. Aucun de ces peuples n’a été consulté, il n’y a jamais eu aucune discussion démocratique quant à la volonté ou non de ces différentes nationalités de continuer à vivre ensemble et si oui, sur quelle base.
L’indépendance du Nigeria a été partiellement négociée sur base de cette division ethnique et religieuse ; l’impérialisme britannique a donné le pouvoir à la section de la classe dirigeante qu’il estimait la plus malléable. Toutefois, à cause des positions pro-capitalistes (tant sur le plan de vue économique que politique) des élites dirigeantes de toutes les principales nationalités qui ont formé le gouvernement au Nigeria depuis l’indépendance, les tensions et divisions ethniques et religieuses, plutôt que de s’atténuer, n’ont fait que s’aggraver, reflétant la lutte des diverses élites nationales pour s’accaparer leur part de la richesse sociale.
Ce n’est pas pour rien que le Nord compte le plus haut niveau de pauvreté et d’analphabétisme, malgré le fait que des élites du Nord ont dirigé le Nigéria pendant des décennies. Le dernier rapport de l’ONS a montré que le Nord-Ouest et le Nord–Est avaient en 2010 les plus haut taux de pauvreté du pays, à 77,7% et 76,3% respectivement. De tous les 36 états de la fédération nigérianne, c’est Sokoto qui a le plus haut taux de pauvreté : 86,4% !
C’est pourquoi les socialistes défendent constamment le fait que sans justice au niveau de la répartition de la richesse sociale, il ne peut y avoir le moindre espoir d’une solution durable à la question nationale. Le DSM appelle à une conférence nationale souveraine véritablement démocratique et indépendante qui soit dominée par des représentants élus des travailleurs, des pauvres, des jeunes et différents groupes ethniques afin de discuter de si oui ou non le Nigéria a encore un sens, et si oui, selon quelles modalités.
Cependant, une conférence nationale souveraine indépendante soulève la question de quel gouvernement mettra en vigueur ses résolutions. Ce ne sera certainement pas le gouvernement des pillards pour qui le statu quo injuste peut bien continuer vu qu’ils en tirent profit. Cela soulève la question de la nécessité d’un parti politique ouvrier capable de se battre pour le pouvoir politique et d’amener un gouvernement réellement démocratique des travailleurs et des pauvres, le seul à même de faire appliquer les décisions d’une telle conférence nationale souveraine.
Les socialistes soutiennent le droit à l’auto-détermination des peuples. Toutefois, nous devons bien expliquer que séparer ou diviser le Nigéria ne constituera pas une solution magique à la crise du sous-développement, du chômage et de la misère qui ravage les masses laborieuses du Nord, de l’Ouest, de l’Est, de la Ceinture moyenne et du delta du Niger.
Ce n’est pas pour rien que les gouverneurs et politiciens de la région du delta du fleuve Niger, d’où provient la plupart du pétrole du pays, sont aussi parmi les plus corrompus. Malgré les 13% de dérivés que les états de cette région reçoivent tous les mois du gouvernement fédéral en plus des allocations mensuelles, le niveau de sous-développement, de misère, de chômage et d’effondrement des infrastructures publiques telles que routes, enseignement et soins de santé, est alarmant. L’élite dirigeante de la région du delta du Niger ne fait qu’amasser et amasser tout l’argent, en abandonnant son peuple à une vie de misère et de pénurie. Si ces mêmes éléments devaient se retrouver à la tête d’une éventuelle nation indépendante du Delta du Niger, il ne faudrait alors pas s’attendre à la moindre amélioration des conditions de vie de la population. Cette perspective vaut également pour toutes les zones géopolitiques où les élites capitalistes dirigeantes sont aussi corrompues et anti-pauvres.
Tout en soutenant le droit à l’auto-détermination, nous insistons sur la nécessité pour les masses laborieuses et les pauvres de se battre pour un gouvernement des travailleurs et des pauvres qui n’appliquera pas une politique néolibérale de privatisations, mais qui utilisera les ressources de la société dans l’intérêt de tous. Les socialistes pensent qu’une sécession sur une base capitaliste n’amènera rien de plus que la continuation de la même inégalité de revenus et de misère de masse au milieu d’un pays d’abondance. Par conséquent, les socialistes défendent un Nigéria unifié, mais cette fois-ci sur base de principes démocratiques, d’une justice socio-politique et du socialisme.
La direction travailliste
La manière dont la récente grève générale “illimitée” a été tout d’un coup interrompue avant qu’elle n’atteigne ses objectifs n’a fait que souligner encore plus le fait que les dirigeants syndicaux actuels n’ont aucun programme alternatif capable de mener les travailleurs dans la lutte pour le pouvoir politique. La grève générale et les actions de masse qui ont fait descendre des dizaines de millions de Nigérians dans les rues et ont dans les faits coupé toute l’économie du pays pendant plus d’une semaine, ont soulevé la question du pouvoir politique. Toutefois, les dirigeants travaillistes n’étaient pas préparés pour cela, ni idéologiquement, ni politiquement, malgré l’énorme potentiel organisationnel que représentent les syndicats au Nigéria. Ceci explique pourquoi ils ont été si facilement mis sous pression par le gouvernement qui a accusé le mouvement d’œuvrer avec l’opposition pour chasser Jonathan de son fauteuil de président avec son slogan de changement de régime.
Il est intéressant de constater que la direction travailliste n’a pas officiellement soulevé ce slogan. D’ailleurs, aucun des partis d’opposition, aucun des politiciens de l’opposition qui ont participé à l’assemblée quotidienne place de la Liberté Gani Fawehinmi à Ojota Lagos n’ont repris ce slogan de manière consciente. Seuls le DSM et le JAF (Joint Action Front, une plate-forme de lutte syndicale) ont soulevé ce slogan de manière consciente, mais l’ont complété par un appel à une alternative économique et politique ouvrière. Le JAF a appelé à un changement de système. Sur nos tracts, nos bannières, dans nos journaux, nous proposions le slogan “À bas le gouvernement Jonathan, pour un gouvernement des travailleurs et des pauvres”. Cependant, ce qui a réellement effrayé l’élite dirigeante était le fait qu’à partir du troisième jour de grève, le slogan “Jonathan dégage!” commençait à devenir très populaire parmi de larges couches de manifestants à Lagos et à travers tout le pays. Il était très clair que les événements étaient en train d’atteindre un point qui pouvait être dangereux pour le régime et au final pour le système.
Par conséquent, les dirigeants travaillistes ont dû intervenir pour se dissocier spécifiquement de l’appel à un “changement de régime”, et ont déclaré la fin de la grève au moment où ils se sont considérés incapables de mener les travailleurs plus en avant vers l’étape suivante qui était la lutte pour le pouvoir politique. De plus, les dirigeants travaillistes actuels ne sont pas fondamentalement opposés à la politique néolibérale anti-pauvre de privatisation et de dérégulation ; ils ne désirent au mieux qu’à l’encadrer afin de lui donner un visage plus humain. Le principal élément qui faisait défaut à cette grève massive, tout comme aux mouvements précédents, était l’absence d’un parti politique ouvrier de masse, qui aurait pu se saisir de cette opportunité afin de fournir une direction au mouvement, surtout à partir du moment où la direction travailliste battait en retraite, et afin de cristalliser la colère et le potentiel du mouvement de masse jusqu’à la conquête du pouvoir politique. C’est là une des raisons pour lesquelles nous avons constamment appelé les socialistes, les travailleurs, les artisans et les jeunes à diffuser l’idée de la nécessité de la formation d’un parti ouvrier de masse.
Un parti de masse des travailleurs et des pauvres
La meilleure manière de rapidement organiser une puissante alternative politique capable de concourir pour le pouvoir lors des prochaines élections en 2015 et après est de voir le mouvement ouvrier jouer un rôle dirigeant dans la formation d’un tel parti. Mais cela ne peut se produire sans une direction syndicale combative, capable de comprendre la tâche historique de la classe ouvrière dans la direction des autres couches des opprimés dans la lutte pour le pouvoir politique. L’exemple du Labour Party formé par le NLC (Confédération des syndicats du Nigéria) mais abandonné à des carriéristes et à des politiciens professionnels montre que cette compréhension n’existe pas chez les dirigeants syndicaux actuels.
Par conséquent, l’agitation en direction d’un parti de masse des travailleurs doit être reliée à une campagne parmi la base syndicale pour une direction syndicale combative. Elle doit également être liée à la revendication de la démocratisation des syndicats et à l’implication de la base des travailleurs dans la gestion des syndicats et dans la prise de décision collective quant à la manière dont le mouvement ouvrier doit répondre aux attaques néolibérales du gouvernement.
La tâche de la construction d’un parti ouvrier de masse est de la plus haute importance. Comme l’a répété Segun Sango, tout en menant la campagne pour la formation d’un tel parti ouvrier de masse, nous devons saisir chaque opportunité, quelles que soient les limitations et les difficultés, pour construire une alternative politique socialiste dès à présent. C’est dans ce cadre que se pose la question de la transformation du DSM en un véritable Socialist Party, reconnu officiellement. Bien entendu, les lois électorales antidémocratiques présentent une myriade d’obstacles financiers et autres sur la voie vers l’enregistrement d’un véritable parti capable de représenter et de se battre pour les intérêts des masses laborieuses, des jeunes et des pauvres. Mais avec notre détermination, nous pouvons les surmonter.
Contrairement à ce qui s’est produit lors des deux dernières élections, où aucune alternative politique n’existait pour la classe ouvrière et la jeunesse, même un petit Socialist Party nous offrirait une occasion d’intervenir dans les élections et de mettre en avant un programme économique et politique socialiste.
Selon Lanre Arogundade, une organisation telle que la nôtre est nécessaire pour fournir aux masses laborieuses une issue à la crise du capitalisme au Nigéria. Il y a par conséquent la nécessité de redoubler d’efforts dans la construction du DSM. Cela inclut de faire en sorte que notre message puisse atteindre toutes ces personnes avides de changement que nous avons rencontrées au cours de la dernière gréve générale, et que nous nous battions politiquement pour les gagner à la cause du socialisme.
Le meeting s’est clôturé sur un appel aux dons qui a récolté la somme de 5500 naïras (26€), plus 3000 naïras (14€) en promesses de dons.
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[INTERVIEW] Grève générale au Nigéria : des millions de manifestants dans les rues
La première grève générale de 2012 a eu lieu dans un pays africain. Le gouvernement nigérian avait décidé de totalement abolir les subsides publics pour le carburant. Le Nigeria est un important producteur de pétrole, mais ne possède aucune raffinerie. Le carburant doit donc être importé. Or, le carburant est non seulement important pour le transport, mais aussi pour les générateurs d’électricité.
Interview de Segun Sango, par Michael B (Gand)
La grève a commencé le lundi 9 janvier, et a été suspendue le 16 par les directions syndicales. Mais le 18 janvier, des centaines de milliers de manifestants défilaient encore dans les rues. A Lagos, la plus grande ville du pays, 500.000 personnes s’étaient réunies, tandis que la banlieue de Lagos vivait aussi au rythme des manifestations. Des millions de personnes ont cessé le travail et ont montré l’énorme puissance du mouvement ouvrier organisé. Parallèlement, les tensions ethniques et religieuses ont été reléguées à l’arrière-plan. Le régime a répondu par la répression, tuant 20 manifestants.
Malheureusement, les directions syndicales n’ont pas utilisé le potentiel pour mettre en avant une alternative à la politique néolibérale du président Goodluck Jonathan et de la clique au pouvoir. Ils ont rallié un mauvais accord qui comprend la non-reconduction de la subvention sur le carburant, mais le prix a été réduit à environ 50 centimes d’euros le litre (contre 30 centimes avant l’abolition de la subvention).
Nous avons parlé de cette grève avec Segun Sango, secrétaire général du Democratic Socialist Movement (DSM), notre parti-frère au Nigeria.
D’où provient cette explosion de colère?
‘‘Ces mesures ont été présentées comme une hausse de prix normale, une adaptation aux prix du marché. Mais c’est le gouvernement qui est responsable de l’explosion du prix. L’essence doit être importée, puisque le pays n’a pas de raffinerie. Il y a des installations, mais elles ne sont pas utilisées. Le pétrole brut quitte donc le pays à bas prix et revient après raffinage à prix élevés. Tout ceci n’est possible que parce que toute la production du pétrole est aux mains des entreprises privés.
‘‘La population est fortement dépendante de l’essence. Les installations d’électricité sont insuffisantes et parfois inexistantes. Toute la société dépend du carburant, rien ne fonctionne sans générateurs. Si le prix de l’essence triple, les prix du transport, de l’éclairage, de la cuisine, des services,… triplent également. C’est une attaque gigantesque.
‘‘Cette goutte, une sérieuse goutte, a fait déborder le vase en s’ajoutant aux attaques précédentes. Il y a par exemple encore un grand mécontentement concernant le salaire minimum légal de 18.000 Nairas (environ 90 euros) qui n’est en pratique pas appliqué.’’
La grève a réussi à arracher des concessions au gouvernement. Mais était-il possible de faire plus ?
‘‘Pendant la grève, le gouvernement était dos au mur. Rien ne fonctionnait plus. Le secteur public était paralysé, mais les petits commerçants et les magasins étaient aussi en grève. La grève est une arme énorme pour la population, elle clarifie le fait que les travailleurs ont le pouvoir économique entre leurs mains.
‘‘Le mouvement ouvrier pouvait obtenir plus. Au lieu de renforcer la lutte en mettant sur pied des comités de grève démocratiques dans les quartiers et sur les lieux de travail, la direction syndicale a mené des négociations secrètes avec le gouvernement pour limiter la hausse du prix du pétrole à 97N (50 centimes d’euros), ce qui était présenté comme une victoire. Avant le premier janvier, le prix n’était que de 65N (30 centimes) par litre. Le caractère massif de la grève et des actions montrait qu’il était possible d’obtenir plus. Après la suspension de la grève, la colère et la déception régnaient.’’
Comment le DSM intervient-il dans ce mouvement ?
‘‘Nous avons toujours soutenu l’idée d’actions de masse. Mais il est très clair que nous devons lier cela à une direction courageuse et audacieuse qui met en avant une alternative à la logique néolibérale. Les positions de la direction syndicale ont maintenant conduit à la déception et à la démoralisation. Cela peut avoir un certain effet mais, en même temps, les actions ont démontré l’énorme colère existant parmi la population. Cette colère n’a pas disparu.
‘‘Une nouvelle confrontation avec l’élite capitaliste est inévitable. Nous défendons la nécessité de coordonner et d’organiser la lutte avec des syndicats combatifs, un parti des travailleurs et une alternative à la politique néolibérale qui assure que 1% de la population au Nigéria contrôle plus de 80% des richesses. Le secteur pétrolier doit être nationalisé sous le contrôle de la population, et il faut développer les raffineries.’’
Que pouvons-nous faire en Belgique pour renforcer cette lutte ?
‘‘Les travailleurs et les pauvres doivent s’organiser sur le plan international afin de renforcer la lutte dans leur propre pays. L’exploitation de la population en Nigéria n’est pas une donnée isolée, elle est en partie déterminée par des institutions comme le FMI et la Banque Mondiale. De nombreuses mesures sont imposées par les puissances impérialistes. Le Nigéria est un pays très riche, mais les richesses naturelles sont aux mains d’une infime minorité.’’
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Nigéria : Un mécontentement toujours très large après la suspension de la grève
La lutte a pu repousser un peu le président Jonathan, mais aurait pu obtenir bien plus avec une direction plus résolue – Nous condamnons la répression des forces policières et militaires
Ce lundi 16 janvier, le Nigeria Labour Congress et le Trade Union Congress, les deux grandes fédérations syndicales du pays, ont appelé à la fin de la grève générale qui a paralysé le Nigéria toute une semaine durant. La colère était proprement gigantesque après la suppression des subsides des autorités sur l’essence, ce qui a directement eu pour conséquence une inflation formidable de nombreux biens de première nécessité. Le gouvernement s’est retrouvé isolé toute la durée de la grève et, si les syndicats avaient pu offrir une véritable direction à la lutte, cette dernière n’aurait pas seulement fait baisser les prix, mais aurait pu poser les bases d’une transformation complète du pays. Maintenant, le danger existe que le bien maigre résultat obtenu conduise à une désillusion temporaire.
Peluola Adewale, Democratic Socialist Movement (CIO-Nigéria)
L’appel à en finir avec cette grève est venu quelques heures seulement après que les dirigeants syndicaux aient suspendu les actions de rue et les protestations de masse. Cette suspension des piquets, des protestations et des meetings a été suivie par l’annonce de la réduction du prix de l’essence de 141 nairas (0,68 euro) jusqu’à 97 nairas (0,47 euro) de la part du président Jonathan (alors que le prix de base avant janvier était de 65 nairas (0,31 euro)). Le déploiement de troupes armées dans tout le pays a été lui aussi annoncé à ce moment par les autorités. Les dirigeants syndicaux veulent faire croire aux Nigérians que ce nouveau prix est une décision unilatérale du gouvernement, mais la manière dont les évènements se sont enchainés dans les 24 heures qui ont précédé la suspension de la grève ainsi que la déclaration commune émise par les deux grandes fédérations syndicales indiquent plutôt que les dirigeants syndicaux ont conclu un compromis pourri avec le gouvernement.
A son point culminant, la grève a impliqué des millions de personnes, avec des manifestations véritablement gigantesques à travers tout le pays, tandis que des dizaines de millions de personnes étaient restées chez elles en signe de protestation. Parmi les participants les plus actifs, les jeunes et les étudiants se sont particulièrement fait remarquer. A Lagos par exemple, ils ont organisé des manifestations et des meetings à leur propre initiative, des haut-parleurs branchés sur des générateurs d’électricité de manière à ce que le voisinage et la foule autour des bâtiments puissent entendre les débats.
Ce mouvement de grève générale et les protestations de masse qu’il a engendrées constituent sans aucun doute le plus grand mouvement de l’histoire du Nigéria. La grève a été des plus totales, même au Nord du pays où l’Etat d’urgence avait pourtant été déclaré en réponse à l’insécurité créée par les activités terroristes du groupe Boko Haram. Cette lutte de masse a donné un aperçu, même très bref, du potentiel pour des changements révolutionnaires au Nigéria.
En dépit de la suspension des manifestations et de l’annonce d’une baisse du prix de l’essence à 97 nairas, la grève était toujours bel et bien effective ce lundi et l’économie était toujours à plat tant au niveau des secteurs formels que des secteurs informels. Les rues et les routes étaient désertes, uniquement occupées par les soldats et leurs véhicules. Toutefois, des groupes comme le Joint Action Front (JAF) ont organisé nombre d’activités de masse à travers le pays pour défier cette annonce de fin de grève. A Lagos, une manifestation au centre-ville a été dispersée par les forces de police, à l’aide de gaz lacrymogène. Dans les Etats d’Oyo d’Osun, des meetings de masse ont réuni des milliers de personnes, mais ceux-ci se sont arrêtés abruptement dès que la nouvelle de la fin de la grève est parvenue dans la foule. Des activités de masse similaires se sont déroulées dans tout le pays.
Tout cela illustre la résolution des millions de participants à cette grève générale. L’énorme masse de Nigérians qui a participé aux diverses actions de grève dans tout le pays et ceux qui étaient restés chez eux en signe de protestation attendaient bien plus du mouvement, et au minimum de revenir à l’ancien prix de 65 nairas le litre d’essence.
Malheureusement, les directions syndicales n’étaient pas préparées à mener une lutte de longue haleine. De plus, une grève générale illimitée pose directement la question du pouvoir : qui dirige le pays ? Les travailleurs et les pauvres ou les exploiteurs ? Mais cette question n’est très certainement pas inscrite à l’agenda des dirigeants syndicaux !
Et de fait, le dimanche 15 janvier, les dirigeants syndicaux ont publié une déclaration honteuse qui les dissociait explicitement de l’appel à un changement de régime qui avait commencé à trouver écho au sein des masses durant la lutte. L’objectif de la grève, ont-ils expliqué, est “de retrouver l’ancien prix de l’essence tel qu’il était pratiqué avant le 1er janvier 2012. Nous ne menons donc pas campagne pour un ‘changement de régime’.” Cette attitude visait à sortir du conflit avec le gouvernement. Les actuels dirigeants des fédérations syndicales n’ont pas de programme alternatif destiné à contester le pouvoir. Avec un tel type d’approche, la grève n’aurait pas été capable de remplir tous les objectifs qu’il était possible d’atteindre malgré son soutien énorme parmi les travailleurs et malgré le total isolement du gouvernement.
Afin d’atténuer la nouvelle de l’accord sur un prix de l’essence plus élevé que les 65 nairas le litre, les dirigeants syndicaux ont souligné les promesses du président Jonathan concernant l’industrie pétrolière (avec différents projets de loi). Cela ne fait que mettre en lumière à quel point ces dirigeants syndicaux entretiennent des illusions utopistes envers leur prétendu pouvoir d’influencer les décisions prises par ce gouvernement capitaliste en faveur des intérêts des travailleurs. Cette attitude n’est en aucun cas un accident, il s’agit d’une conséquence directe de l’absence de tout projet économique et politique alternatif à opposer à l’actuelle logique néolibérale et capitaliste. Cela explique encore pourquoi ils ont accepté de collaborer au Comité Belgore, un comité instauré afin de discuter des modalités de dérégulation du secteur. Leur participation à un tel comité indique très clairement que les dirigeants syndicaux soutiennent les politiques de dérégulation, qui sont pourtant le terreau du développement de l’augmentation des prix. Nous pourrions encore parler dans cette même logique de la participation des dirigeants syndicaux au Conseil National de Privatisation (NCP).
Le Democratic Socialist Movement (DSM, section du CIO au Nigéria) condamne la massive militarisation des rues sous les ordres du gouvernement de Goodluck Jonathan afin de réprimer la population. Nous appelons à la suspension immédiate des soldats qui ont harcelé la population et qui ont prix d’assaut les piquets tenus par les grévistes. Selon différents rapports et photos sur les réseaux sociaux, cela serait déjà le cas jusqu’à un certain point actuellement. La grève générale et les actions de masses qui ont impliqué des millions de Nigérians depuis le 9 janvier sont restés largement pacifiques.
La seule violence a été le meurtre d’environ 20 personnes à travers le pays, y compris des jeunes qui jouaient au football sur les rues désertes, du fait des forces de police. Ces actes de la part du gouvernement Jonathan font directement songer à la période militaire, quand la culture de la peur et de l’intimidation était imposée à tout le pays. Le danger est très réel de voir à nouveau l’armée mise en avant comme étant la seule institution capable de restaurer la “loi et l’ordre”. C’est devenu une attitude très régulière de la part des autorités actuelles que de faire appel à l’armée pour intimider les opposants.
Sans aucun doute, le mouvement de grève générale a une nouvelle fois illustré au grand jour quelle est la force potentiel qui réside dans la classe ouvrière, qui a le pouvoir d’entraîner à sa suite les masses du pays pour un réel changement de régime par une transformation révolutionnaire de la société. Malheureusement, à la place de défendre la cause de la révolution et des travailleurs en mettant en avant une réelle alternative politique, les dirigeants syndicaux actuels font tout leur possible pour assurer que l’élite dirigeante du Nigéria ne soit pas confrontée à un mouvement révolutionnaire.
Alors que des dizaines de millions de Nigérians sont déterminés à lutter pour retrouver l’ancien prix de 65 nairas par litre, de plus en plus de manifestants réclament que Jonathan dégage. C’est là une expression de la compréhension de plus en plus large de la nécessité d’une alternative politique basée sur la défense des intérêts des travailleurs et des pauvres contre la clique dirigeante actuelle. Il nous faut aussi un programme économique alternatif opposé à leur agenda anti-pauvres, néolibéral et capitaliste. Hélas, les directions syndicales sont toujours attachées à l’idée selon laquelle une baisse des prix est le seul prix à obtenir de la lutte. Mais même ça ils n’ont pas réussi à l’obtenir !
La principale leçon à tirer de ce mouvement, comme d’ailleurs des autres grèves générales qui se sont développées depuis l’an 2000, c’est que faire grève n’est pas un but en soi. Le mouvement du travail doit adopter un programme révolutionnaire pour faire dégager ce système pourri. C’est pourquoi le DSM a toujours appelé les travailleurs, les artisans, les commerçants, les jeunes, les paysans, etc. à faire de l’agitation en direction de la création d’un parti politique des travailleurs qui vise à assurer que les ressources du pays soient utilisées à destination de la satisfaction des besoins de la vaste majorité de la population contre le système actuel où 1% de la population s’approprie plus de 80% des richesses collectives de la société.
Les militants de la classe ouvrière et les marxistes doivent continuer ce travail de promotion pour la création d’un tel parti des travailleurs, basé sur un programme socialiste en tant qu’alternative à l’agenda néolibéral et capitaliste de privatisation et de dérégulation. Les syndicats, au vu de leur important nombre de membres issus de la classe ouvrière ainsi que de leur importance stratégique dans l’économie moderne, ont une position clé pour lancer la construction d’un tel prolongement politique des revendications des travailleurs.
La plate-forme syndicale Joint Action Front (JAF) a joué un grand rôle avant et durant la grève générale. Au cours du développement de la grève, des comités de grève et des comités de quartiers ont été constitués en de très nombreux endroits à l’initiative des militants du JAF et d’autres forces de gauche, particulièrement à Lagos. Ces comités d’action doivent se maintenir et poursuivre la lutte contre la politique capitaliste du gouvernement, particulièrement dans les quartiers. Ces comités d’action peuvent aussi constituer la base sur laquelle un parti de masse des travailleurs peut se développer. Cela demande du JAF qu’il prenne immédiatement des initiatives à destination des syndicalistes, des marxistes et plus largement parmi les travailleurs.
En définitive, seule la victoire de la révolution socialiste sera capable de prendre le pouvoir des mains de l’élite dirigeante capitaliste afin de constituer un gouvernement des travailleurs et des pauvres fermement décidé à utiliser les ressources gigantesques du pays pour sortir les Nigérians du cercle vicieux des prix de l’essence et de la pauvreté. Pour y parvenir, ce gouvernement devra appliquer des politiques socialistes assurant le contrôle public sur le secteur pétrolier et sur les autres secteurs-clés de l’économie, sous le contrôle et la gestion démocratiques des travailleurs.
Cette grève a aussi démontré que seuls les travailleurs du Nigéria sont capables de prendre des initiatives économiques et politiques concrètes pour reconstruire le Nigéria et assurer la survie du pays. Le Financial Times, journal londonien du capitalisme international, a très correctement commenté que “les protestations ont impliqués des Nigérians ordinaires, et les ont sensibilisés concernant les dépenses inutiles du gouvernement. De plus, nombreux sont ceux à avoir été déçus par les syndicats pour avoir accepté d’appeler à la fin de la grève sans que les subsides des autorités pour le gouvernement ne soient entièrement restaurés.” Nombreux sont ceux qui tireront les leçons de ces évènements.
Le DSM reste fermement accroché à ces idéaux et presse tous ceux qui sont convaincus de la nécessité d’intensifier la lutte contre le gouvernement capitaliste du président Jonathan à nous rejoindre pour collectivement construire un mouvement qui puisse se battre pour un avenir socialiste.
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Nigéria : Premier jour d'une grève générale illimitée – Le pays mis à plat par la classe ouvrière
Ce lundi 9 janvier 2012, des dizaines de milliers de Nigérians ont défilé dans les rues de Lagos (l’ancienne capitale et principale ville du pays) contre la suppression des subsides des autorités pour le carburant. En conséquence de cette mesure antisociale, les prix de l’essence ont grimpé de 65 nairas (0,3 euro) jusqu’à 140 nairas (0,7 euro), puis 200 nairas (environ 1 euro). Le prix de la nourriture, des transports et des bien et services de base ont ensuite vertigineusement augmenté.
Par des correspondants du Democratic Socialist Movement (CIO-Nigéria)
Cette situation se développe alors que les salaires reste inchangés malgré l’inflation galopante et en dépit du fait que le salaire minimum national de 18.000 nairas (environ 85 euros) n’est toujours pas appliqué dans de nombreux Etats du pays. Dans ce contexte, il est aisé de comprendre la profonde colère de la classe ouvrière et des pauvres du Nigéria.
Depuis le 2 janvier, cette attaque antisociale vicieuse fait face à des protestations massives, certaines tout à fait spontanément, à travers tout le pays. A Kano et Abuja (la capitale officielle du Nigéria) des tentatives ont été faites d’occuper les places publiques, en référence au processus révolutionnaire en Afrique du Nord et au Moyen-Orient et aux protestations de masse contre l’austérité en Europe et aux Etats-Unis. Nombre de ces courageuses actions des masses ont été confrontées à la brutalité policière, comme à Ilorin (dans l’Etat de Kwara), où un manifestant a été tué.
Le lundi, dès 5 heures du matin, la foule se massait en divers point, à Lagos et dans tout le pays. Des feux et des barricades annonçaient clairement que la révolte des masses avait commencé. Ce mouvement est le plus suivi et le plus étendu au pays au Nigéria, et particulièrement à Lagos, depuis la fin de la guerre civile. A Lagos, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté et ceux qui ne pouvaient pas rejoindre la manifestation centrale ont organisé des actions plus limitées dans leurs communautés et dans leur voisinage. Tant la classe ouvrière que des éléments de la classe moyenne ont été activement impliqués dans les manifestations. Des associations d’avocats et de médecins pouvaient notamment être vues aux côtés d’ouvriers. Partout, les principales artères étaient désertes; magasins, marchés, bureaux,… tout était fermé.
Au contraire d’autres protestations où les militants et syndicalistes devaient défendre les barricades pour protéger les effets de la grève, les masses sont venues d’elles-mêmes rejoindre les piquets et les barricades. A l’arrêt de bus de Agbotikuyo à lagos, par exemple, où des camarades du DSM ont joué un rôle crucial, les efforts de la police pour briser le piquet ont été contrariés par les masses des quartiers, venus en renfort soutenir la barricade. De là, ensuite, un milliers de personnes sont parties en manifestation. Rapidement, 3.000 personnes étaient présentes dans ce cortège improvisé.
Sur les pancartes des manifestants, on pouvait notamment lire: “Les masses nigérianes refusent la suppression des subsides”, “Une mesure pour l’élite, par pour les masses”, “Le retour à l’ancien prix n’est pas négociable”, “Jonathan [le président] doit partir”, “Pour un nouveau parti des travailleurs de masse”, etc.
De très nombreuses personnes qui n’avaient pas pu rejoindre la manifestation ont exprimé leur soutien à la grève générale nationale, aux actions de masse et à l’appel pour que le Président Goodluck Jonathan réinstaure immédiatement les subsides du carburant dans les intérêts de la majorité écrasante de la population nigériane. Partout, des meetings et assemblées organisent la mobilisation indépendamment des syndicats, ce qui est une autre illustration de la profonde colère des masses.
Le tract produit par le Democratic Socialist Movement (DSM, section du CIO au Nigéria) condamne le système économique actuel et appelle à son remplacement par une alternative socialiste, un système basé sur la nationalisation des secteurs-clés de l’économie et leur contrôle démocratique à travers une planification démocratiquement élaborée pour satisfaire les besoins de la population du pays.
Dans les rues de Lagos, certaines rues étaient devenues des terrains de football pour les enfants. Tout était déserté, à l’exception des endroits où l’on pouvait trouver des journaux, où ,les gens s’amassaient avant de rejoindre les rendez-vous des protestations. Les policiers, en certains endroits, n’ont pas dérangé les manifestants, et certains ont d’ailleurs ouvertement exprimé leur solidarité. Un jeune homme, Aderinola Ademola, a toutefois été tué par un policier tandis que trois autres ont sévèrement été blessés. Selon des témoins, ils ont été agressés alors qu’ils jouaient au football sur la route. La police a fait une déclaration annonçant l’arrestation du criminel et sa détention, mais il est impossible de vérifier cela. Il faut construire une campagne contre ces brutalités policières. C’est d’autant plus important au vu des rapports de violences qui arrivent de Kano et d’ailleurs. Plusieurs autres personnes auraient été tuées.
A côté des dizaines de milliers de manifestants de Lagos, les rapports d’autres villes parlent d’un même succès avec 2.000 personnes à Benin (dans l’Etat d’Edo, où 214 exemplaires de “Socialist Democracy”, le journal du DSM, ont été vendus), 3.000 personnes dans l’Etat d’Osun (nos camarades y ont vendus 468 exemplaires de SD),… Dans son matériel politique, le DSM appelle à la création de comités d’action démocratiques dans les quartiers, les lieux de travail et les universités, afin d’impliquer de plus en plus de personnes dans l’organisation active de la lutte contre cette attaques et les autres mesures anti-pauvres des autorités. Il est tout à fait correct de revendiquer la restauration de l’ancien prix de l’essence, mais ce n’est pas assez.
La suppression de ces subsides a agis telle une étincelle qui a mis le feu aux poudres, mais la base réelle de cette colère des masses est faite de la constante politique néolibérale d’attaques contre la population qui a marqué des dernières années. Le chômage des jeunes est de 42% (soit plus de 28 millions de personnes), l’enseignement et les soins de santé ont été commercialisés, le réseau routier et électrique se sont effondrés,… Pour la plupart des gens, et plus encore pour les jeunes, l’avenir s’annonce des plus sombres sous le capitalisme. C’est pourquoi le DSM appelle à lutte contre la suppression des subsides pour le carburant, mais aussi contre toutes les mesures néolibérales. Notre slogan principal est : “Dégageons le gouvernement anti-pauvres de Jonathan, pour un gouvernement des travailleurs et des pauvres.”
Nous avons besoin d’une révolution pour renverser ce système où 1% de la population consomme 80% des ressources de la société, pour chasser ce gouvernement et le remplacer par celui des masses. Dans le cadre de cette lutte, il faut construire un nouveau parti des travailleurs de masse armé d’un programme socialiste défendant la propriété publique du secteur pétrolier sous le contrôle démocratique des travailleurs.
Le gouvernement espère que cette lutte s’épuisera à cause de la pauvreté, du manque d’approvisionnement,… C’est pourquoi le mouvement doit poursuivre sa route et aller de l’avant. Cette société capitaliste ne va nulle part, c’est un cul-de-sac. Le pouvoir de la grève actuel est tel que le gouvernement pourra être forcé de faire des concessions, mais uniquement pour qu’il puisse gagner du temps. Les travailleurs doivent utiliser ce mouvement pour aller plus loin.