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  • Turquie/Syrie/Kurdistan. Le destin n’a rien à voir avec ça

    Erdoğan a imputé au «plan du destin» l’ampleur de la catastrophe. Bien que les séismes de lundi aient été les plus puissants dans la région depuis 1939, l’ampleur des destructions humaines et matérielles n’a rien à voir avec le destin, ni avec la nature.

    Par Serge Jordan

    Des bâtiments à plusieurs étages côtoient des bâtiments pulvérisés. Un père tenant la main de sa fille morte, alors que son corps, encore allongé sur son matelas, est coincé entre des couches de béton. De jeunes enfants sous la pluie froide pleurant leurs parents disparus. Des survivants désespérés fouillant les décombres à mains nues à la recherche de signes de vie. Les scènes des conséquences des tremblements de terre de magnitude 7,8 et 7,6 qui ont frappé de larges pans de la Turquie, de la Syrie et du Kurdistan au petit matin de lundi, aggravées par des centaines de répliques, sont déchirantes.

    À l’heure où nous écrivons ces lignes, le nombre de morts a déjà dépassé les 21.000 et augmente chaque seconde. Le bilan final risque d’être bien plus lourd, car des dizaines de milliers de personnes sont toujours portées disparues, piégées sous les décombres, et le délai pour les retrouver vivantes se rapproche. Les zones touchées en Syrie étant pour la plupart des zones de guerre partagées entre le régime de Bachar el-Assad, des groupes armés islamistes comme Hayat Tahrir al Sham, et certaines enclaves kurdes, le bilan officiel des victimes du côté syrien est également approximatif.

    Des dizaines de milliers de personnes ont été blessées et des millions d’autres se sont retrouvées sans domicile pour tenter de survivre dans des températures hivernales négatives, souvent sans accès à l’électricité, au gaz, à l’eau potable ou à la nourriture. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que pas moins de 23 millions de personnes ont été directement touchées par les tremblements de terre. Cela inclut des millions de réfugiés syriens qui ont très souvent vécu dans des conditions de logement exiguës dans les zones de la Turquie frappées par le tremblement de terre, après avoir été contraints de fuir leurs maisons en quête de sécurité.

    Outre le chagrin et le désespoir, la colère monte contre les autorités des deux côtés de la frontière pour leur responsabilité et leur réaction effroyable à la catastrophe. «Tout le monde est de plus en plus en colère», explique un habitant de Sarmada, une ville de la province syrienne d’Idlib, où les gens ont été abandonnés à leur sort. Dans la plupart des régions de Turquie, aucune équipe de secours n’est arrivée au cours des premières 24 heures critiques après les tremblements de terre. Dans certaines régions, cela semblait encore être le cas trois jours plus tard. «Les gens se sont révoltés (le mardi) matin. La police a dû intervenir», a raconté un survivant de 61 ans de la ville turque de Gaziantep, cité par l’agence de presse AFP. Des manifestations de victimes du séisme ont depuis été signalées dans certaines localités très touchées, comme à Adıyaman et à Ordu.

    Le président du pays, Recep Tayyip Erdoğan, a imputé les retards aux routes et aux aéroports endommagés, mais cela ne sert qu’à masquer la culpabilité de son régime dans cette situation. L’aéroport de Hatay, dont la piste a été scindée en deux et rendue inutilisable par les tremblements de terre, a été construit dans la plaine d’Amik, une zone tectoniquement active, en dépit des avertissements répétés des militants écologistes et des protestations de la population locale.

    Après le tremblement de terre massif qui a frappé le nord-ouest de la Turquie en 1999, une «taxe sur les tremblements de terre» a été introduite, prétendument pour développer la prévention des catastrophes et les services d’urgence et éviter des tragédies similaires à l’avenir. Mais personne ne sait vraiment où est allé cet argent, et malgré les efforts inlassables des secouristes, il est évident que l’État lui-même était terriblement mal préparé, bien que la région soit un candidat de choix pour des événements sismiques de ce type. La question «Où est l’État ?» est sur les lèvres de beaucoup de gens, car les communautés dévastées, qui vivent déjà dans certaines des régions les plus pauvres du pays, ont été laissées en difficulté sans équipement ou soutien correct. Pour ajouter l’insulte à l’injure, les personnes bénévoles, les organisations de la société civile, les groupes d’aide et l’assistance des villes dirigées par l’opposition ont également été empêchés de participer aux efforts de sauvetage en raison des obstacles bureaucratiques que leur ont imposés les responsables du gouvernement AKP.

    Erdoğan a depuis reconnu qu’il y avait eu des «lacunes» dans les étapes initiales de la réponse, ajoutant que la situation était maintenant «sous contrôle». Mais c’est précisément dans les phases initiales que la plupart des vies auraient pu être sauvées si une préparation et une planification appropriées, ainsi que des ressources adéquates, avaient été mises en place.

    Le profit des entreprises au cœur du problème

    «Dans l’étude des géorisques, nous avons un dicton qui dit que les tremblements de terre ne tuent pas vraiment les gens, ce sont les bâtiments qui le font», a déclaré Carmia Schoeman, titulaire d’une maîtrise en géologie des glissements de terrain et membre du WASP (section d’ASI en Afrique du Sud). Elle explique : «Bien que de grands tremblements de terre soient attendus dans cette région en raison de sa situation géologique sur le système de failles anatolien, l’ampleur de la tragédie que ces événements provoquent est presque entièrement due à l’homme. Depuis plusieurs décennies, la science et la technologie permettent non seulement de prédire les zones les plus touchées par de tels événements, mais aussi de minimiser les dommages causés grâce à la construction de bâtiments antisismiques».

    Les experts s’accordent en effet pour dire que des bâtiments correctement construits auraient été capables de résister au choc. Selon David Alexander, professeur de planification et de gestion des urgences à l’University College de Londres «sur les milliers de bâtiments qui se sont effondrés, la quasi-totalité ne répondait à aucun code de construction parasismique raisonnablement attendu.»

    Après la catastrophe de 1999, la Turquie a introduit de nouvelles règles de construction pour les zones sismiques. Mais ces réglementations ont été, au mieux, très peu appliquées, au pire, totalement ignorées, tandis que les bâtiments plus anciens n’ont pas été mis en conformité avec les nouvelles normes. Le boom du secteur de la construction soutenu par le régime a vu la prolifération de grands projets résidentiels, souvent réalisés avec des matériaux de qualité inférieure et sans contrôle de qualité adéquat, afin de maximiser les rendements financiers de quelques grandes sociétés immobilières étroitement liées au parti au pouvoir.

    Cette frénésie de construction, facilitée par l’énorme soutien de l’État et graissée par la corruption à grande échelle pour contourner les règles, est devenue une vache à lait pour ces entreprises liées au régime. La construction et la rénovation de nombreux bâtiments publics tels que des hôpitaux, des écoles, des bureaux de poste, des bâtiments administratifs, etc., ont également été sous-traitées à ces amis du privé par le biais d’appels d’offres publics gérés par le gouvernement AKP. Alors que ces bâtiments auraient dû assurer la sécurité de la population en cas de catastrophe, ils ont été parmi les premiers à s’effondrer, y compris le siège de l’Autorité turque de gestion des catastrophes et des urgences (AFAD) à Hatay.

    Les politiques criminelles du gouvernement en la matière sont allées jusqu’à accorder périodiquement des «amnisties de construction», c’est-à-dire une couverture légale rétroactive accordée en échange d’une redevance pour les structures qui ont été construites sans les licences de sécurité requises. Quelques jours seulement avant les derniers tremblements de terre, un nouveau projet de loi était même en attente d’approbation au Parlement pour accorder une nouvelle amnistie concernant des travaux de construction récents. En bref, alors que des millions de personnes étaient sur le point de voir leur vie brisée, le gouvernement turc était occupé à fournir à ses amis milliardaires ce qui équivaut en fait à un permis de tuer pour le profit.

    Le régime impose le silence aux voix critiques

    En plus de ne pas fournir une réponse compétente à la catastrophe, le régime d’Erdoğan dépense des ressources publiques précieuses, du temps et des efforts pour réprimer ceux qui critiquent sa gestion de la crise. La nervosité s’empare du régime à la perspective que la colère de la population – déjà à bout de souffle en raison d’une crise économique galopante et de l’un des niveaux d’inflation les plus élevés au monde – se cristallise en quelque chose qui pourrait le renverser, alors que le pays se rapproche des élections présidentielles et parlementaires prévues le 14 mai. Dans ces conditions, les séismes pourraient être utilisés comme prétexte pour reporter la tenue du suffrage ou même l’annuler.

    Mardi, le président a annoncé un état d’urgence de trois mois dans dix villes touchées par les tremblements de terre. Cette mesure donne des pouvoirs étendus à la police et permet d’interdire les rassemblements publics et les manifestations. Plusieurs rapports font état d’arrestations et d’intimidations à l’encontre de journalistes indépendants qui couvrent les conséquences de la catastrophe, notamment lorsqu’ils rendent compte du manque de secouristes. Un procureur de l’État d’Istanbul a ouvert une enquête pénale à l’encontre de deux journalistes qui ont critiqué la réaction de l’État. L’accès à Twitter a également été restreint en raison de l’indignation des internautes. La police turque a reconnu que de nombreuses arrestations avaient été effectuées à la suite de «messages provocateurs» sur les réseaux sociaux à propos des tremblements de terre.

    Cette nouvelle série d’attaques contre les droits démocratiques s’inscrit dans la lignée des politiques autoritaires menées par le régime avant le tremblement de terre, qui ont elles-mêmes contribué à paralyser la capacité du pays à gérer une catastrophe humanitaire d’une telle ampleur. Par exemple, les médecins et leurs syndicats, qui ont un rôle vital à jouer dans la situation actuelle, ont fait l’objet d’une chasse aux sorcières politique de la part du régime ces dernières années, notamment pour leur rôle dans la dénonciation des opérations militaires de l’Etat contre la population kurde de Syrie.

    Syrie : les effets du séisme amplifiés par la guerre et les affrontements géopolitiques

    Mais l’insensibilité et le cynisme des classes dirigeantes ne s’arrêtent pas là. Le 7 février, les forces armées turques ont bombardé des maisons dans le quartier à majorité kurde et touché par le tremblement de terre de Tel Rifaat, dans le nord de la Syrie, avant même que les habitants aient pu s’occuper des débris causés par les séismes. L’armée syrienne a également bombardé les zones touchées par les tremblements de terre tenues par l’opposition, quelques heures à peine après la catastrophe.

    Douze années de guerre en Syrie, alimentées par le régime d’Assad ainsi que par des interventions impérialistes multiformes, avaient déjà laissé les infrastructures du pays et les conditions de logement de la population en lambeaux. Selon un rapport de 2017 de la Banque mondiale, près d’un tiers des logements à Alep et Idlib avaient déjà été endommagés ou détruits par la guerre. 70 % de la population avait besoin d’aide et 2,9 millions de personnes risquaient de mourir de faim dans tout le pays, avant même que les tremblements de terre n’aggravent de manière irréfutable une situation déjà horrible. Des millions de Syriens ont été déplacés plusieurs fois par la guerre et maintenant, beaucoup d’autres seront déplacés par cette catastrophe.

    Presque immédiatement après les tremblements de terre, plusieurs gouvernements occidentaux ont mobilisé des équipes d’aide et de secours en Turquie, mais ils n’ont rien offert ou presque à la Syrie, en raison de leurs relations conflictuelles avec le régime d’Assad. Les victimes des tremblements de terre paient le prix de la lutte de pouvoir en cours entre l’impérialisme occidental et la dictature syrienne ; tous deux jouent avec la vie des gens pour renforcer leur pouvoir et leur prestige. Les sanctions économiques imposées par les États-Unis empêchent l’acheminement de l’aide vers les zones touchées, tandis que le régime lui-même retient l’aide vers les zones contrôlées par les rebelles. La corruption systémique et les prix abusifs dans tous les domaines réduisent encore les chances d’une aide humanitaire significative, une raison supplémentaire pour laquelle la collecte et la distribution de l’aide d’urgence ne peuvent être laissées aux mains des forces réactionnaires et des partis corrompus ; en élisant leurs propres comités, les gens pourraient s’efforcer d’assumer et de coordonner ces tâches eux-mêmes, en fonction des besoins réels.

    Une catastrophe en cascade

    Une nouvelle couche de désastre va maintenant s’ajouter de manière prévisible aux effets immédiats des tremblements de terre. Les personnes qui ne sont pas mortes d’être coincées sous les décombres sont menacées par le froid, la faim et la propagation potentielle de maladies. En outre, comme l’a illustré l’effondrement d’un barrage dans la province syrienne d’Idlib jeudi, d’autres désastres ne manqueront pas de se développer à partir de la situation actuelle.

    «Malheureusement, il est fort probable que nous assistions à de nombreux autres événements dévastateurs dans les prochains jours déclenchés par ces tremblements de terre, notamment des glissements de terrain, des dolines, plusieurs répliques sismiques et des tsunamis. Ces phénomènes peuvent à leur tour causer des dommages importants aux infrastructures, aux habitations et aux moyens de subsistance», explique Carmia.

    «L’US Geological Survey, par exemple, a établi une carte qui prédit les zones les plus susceptibles de subir des glissements de terrain après ce séisme, et les services d’urgence devraient donc veiller à ce que les personnes qui y vivent soient évacuées. Mais la capacité à prévoir et à réagir à ces événements est gravement compromise par le manque de financement des systèmes d’intervention d’urgence de base d’une part, et par le besoin insatiable du capitalisme de développer des biens immobiliers rentables d’autre part. Alors que les gouvernements laissent le logement aux mains du secteur privé, qui rogne constamment sur la qualité de la construction et le respect des codes du bâtiment, la classe ouvrière est contrainte de vivre à l’étroit dans les centres urbains afin de trouver un emploi pour survivre. En l’absence de planification dans la perspective des inévitables événements naturels tels que les tremblements de terre, nous nous retrouvons avec des scènes tragiques et chaotiques de dévastation absolue. La science de la prévision des effets des géorisques comme les tremblements de terre n’est tout simplement pas rentable à court terme, pas plus que les investissements dans les systèmes d’intervention d’urgence.»

    Cette tragédie incarne la nature totalement dysfonctionnelle et barbare du capitalisme à de multiples niveaux. Comme c’est toujours le cas dans ce type de méga-catastrophes, les grandes entreprises se frottent les mains avec avidité en envisageant les possibilités de tirer profit de la misère et de la mort des gens – des cimenteries qui ont vu leurs actions bondir à la bourse juste après les tremblements de terre à certaines banques occidentales qui surtaxent les clients pour transférer de l’argent en Turquie.

    En revanche, partout dans le monde, des dizaines de bénévoles se sont précipités pour aider à extraire des personnes des décombres, faire des dons de sang ou collecter des produits de première nécessité afin d’aider les survivants. Cette solidarité instinctive de la part de la classe ouvrière fournit les graines à partir desquelles, au-delà de l’aide urgente requise pour sauver des vies, un mouvement pourrait se développer afin d’exiger justice pour les nombreuses victimes de ce désastre, victimes qui par ailleurs auraient pu être évitées. De là peut également germer la lutte pour une nouvelle société, une société qui place la vie et la sécurité des gens au centre de ses préoccupations plutôt que l’accumulation de profits pour une infime minorité. C’est de cette façon que nous pourrons nous assurer que de telles horreurs ne se reproduisent plus jamais.

    Les revendications d’Alternative Socialiste Internationale :

    • Réquisition des hôtels, bâtiments publics et propriétés inoccupés, après vérification de sécurité, pour abriter chaque personne sans abri ;
    • Evacuation immédiate des communautés dans les zones identifiées comme présentant un risque élevé de répliques sismiques et de glissements de terrain ;
    • Mise à disposition d’un logement public et d’une indemnisation décente pour toutes les victimes de la catastrophe ;
    • Levée de toutes les sanctions contre la Syrie, arrêt immédiat des bombardements et rapatriement de toutes les troupes turques ;
    • Ouverture de tous les postes frontières vers la Syrie pour faciliter les convois humanitaires ;
    • Formation de comités locaux de secours et d’aide, contrôlés démocratiquement par les travailleurs et les résidents locaux, afin de garantir la fourniture démocratique et coordonnée des produits de première nécessité, l’organisation des efforts de secours et d’empêcher la corruption ;
    • Divulgation complète de l’utilisation des fonds collectés par la «taxe sur les tremblements de terre» en Turquie ;
    • Expropriation immédiate, sous contrôle démocratique des travailleurs, du “Gang des Cinq”, c’est-à-dire des cinq entreprises de construction turques qui ont remporté la quasi-totalité des grands appels d’offres publics sous le régime de l’AKP et ont réalisé des montagnes de profits en jouant avec la vie et la sécurité des gens. Leur richesse doit être utilisée pour financer l’aide aux millions de personnes dans le besoin dans les zones touchées ;
    • Enquête indépendante sur la catastrophe afin d’identifier tous les responsables, dans les structures d’État et dans le secteur privé, afin de les rendre responsables de leurs crimes. Cette enquête pourrait être menée par des représentants des familles des victimes, des habitants, des scientifiques et des syndicats de travailleurs ;
    • Aucune grande entreprise ne doit profiter de la catastrophe. L’approvisionnement en nourriture, en eau et en énergie doit être placé sous contrôle public. Il faut un plan public d’urgence de reconstruction des maisons qui repose sur des techniques antisismiques respectueuses de l’environnement et qui soit supervisé démocratiquement par des scientifiques, des travailleurs et des résidents des communautés touchées ;
    • Erdoğan et Assad ont du sang sur les mains, ils doivent dégager ! Pour la construction de l’unité du mouvement ouvrier et d’une alternative socialiste à la dictature, à la guerre et au capitalisme.
  • Crise, instabilité et fuite en avant – Non à l’offensive turque contre le Rojava !

    Mobilisation kurde contre la guerre. Photo: Natalia Medina

    Alors que la récession économique mondiale menace, des soulèvements de masse ont déjà éclaté cette année à Hong Kong, en Algérie, au Soudan, en Équateur, en Catalogne, au Liban, en Irak, au Chili, en Égypte,… Face à cette crise économique et sociale grandissante et à l’instabilité qui en découle, les élites dirigeantes vont de plus en plus être amenées à envisager de s’engager dans des aventures risquées pour sauver leur mise. L’agression militaire turque contre le Rojava, au nord-est de la Syrie, est un avertissement du type de fuite en avant auxquelles nous devons nous attendre de la part de dirigeants aux abois.

    Par Nicolas Croes

    L’exportation d’une crise interne

    Les élections locales d’avril dernier ont constitué un revers d’importance inédite pour le parti islamo-conservateur du président Erdogan au pouvoir depuis 2002, l’AKP. Le parti a perdu la capitale Ankara, mais aussi Istanbul et les villes importantes d’Antalya et d’Adana. Ce résultat désastreux a de plus été obtenu en dépit du quasi-monopole médiatique du parti et des milliers d’arrestations d’opposants qui ont eu lieu en se servant du prétexte du coup d’État raté de 2016 ! Le parti du président n’est parvenu à conserver la majorité des votes à l’échelle du pays (51,67%) qu’en s’alliant au parti d’extrême droite MHP.

    Si l’AKP avait volé de de victoire électorale en victoire électorale depuis 2002, c’était essentiellement en raison de la forte croissance économique du pays. Cette fois-ci, les thèmes dominants de la campagne étaient la récession économique (la première depuis 2009), la dépréciation de la monnaie turque et la subite augmentation du chômage. Cerné par les défis économiques, sociaux et politiques, Erdogan a choisi d’orienter l’attention de la population vers la Syrie et vers les Kurdes.

    L’héroïsme des Kurdes à nouveau trahi

    Les Kurdes composent une nation sans État, divisée entre l’Irak, l’Iran, la Syrie et la Turquie depuis l’application des accords Sykes-Picot, conclus entre puissances impérialistes pour découper le Proche-Orient après la Première guerre mondiale. Suite à l’instabilité qui a suivi l’invasion de l’Irak en 2003, une zone autonome kurde a été créée au nord du pays. Ce fut également le cas au nord de la Syrie lorsque le soulèvement populaire de 2011 a été transformé en guerre civile et que les troupes de Bachar al-Assad ont fait route vers le sud. Ces territoires syriens sont devenus le Rojava, où cohabitent sans heurt différentes ethnies (Kurdes, Arabes et Turkmènes) et différentes confessions religieuses.

    Quand l’Etat islamique (Daesh) s’est développé, les milices kurdes ont livré un combat acharné, tout particulièrement en Syrie avec les Unités de protection du peuple (YPG, branche armée du Parti de l’union démocratique, PYD), et ont repoussé Daesh sur le terrain. Une grande zone au Nord de la Syrie était donc sous contrôle kurde, au grand déplaisir du régime turc, qui en craignait les implications pour la lutte pour le droit à l’autodétermination des Kurdes de Turquie.

    Personne ne remet en doute l’héroïsme dont ont fait preuve les combattants Kurdes dans leur lutte contre Daesh. Mais, face au péril des terroristes islamistes, ils ont fait alliance avec les États-Unis et la Russie pour obtenir leur soutien aérien.

    Tout en comprenant le désespoir de cette situation, le PSL et son organisation internationale, le Comité pour une Internationale Ouvrière, avaient alors rappelé les événements de 1991, quand les États-Unis avaient encouragé un soulèvement des Kurdes contre Saddam Hussein pour ensuite les laisser se faire massacrés. Une fois encore, les combattants kurdes ont été utilisés comme de la chair à canon pour ensuite être abandonnés à la première occasion. Une fois que Daesh, l’ennemi commun, a été chassé, les puissances impérialistes et régionales ont voulu de garantir leurs intérêts. Et aucune d’entre elles ne souhaitent que la combativité des Kurdes à lutter pour leur auto-détermination face barrage à ces derniers.

    Dès que Daesh a été repoussé, les États-Unis et la Russie ont permis à la Turquie de déchaîner sa machine de guerre dans l’espoir de stabiliser leurs relations avec le régime turc. Ce n’est qu’en 2016 que des avions turcs ont bombardé pour la première fois les bases de Daesh en Syrie, mais le régime a utilisé le prétexte de la ‘‘guerre contre le terrorisme’’ pour également bombarder les régions kurdes du Rojava. Cette année-là, Erdogan a unilatéralement mis fin au ‘‘processus de paix’’ avec les Kurdes de Turquie et déclenché une véritable guerre contre les régions kurdes du pays. Ensuite, en 2018, la Turquie a déclenché une opération contre Afrin, celui des trois cantons autonomes du Rojava qui était isolé des autres. La troisième étape de ce plan, de bien plus grande ampleur que les précédentes, a été enclenchée ce mois d’octobre contre le reste du Rojava.

    Erdogan veut ensuite renvoyer des réfugiés vivant en Turquie dans les différentes parties du Nord et de l’Est de la Syrie en créant des zones tampons entre les régions kurdes en modifiant la structure démographique de ces zones géographiques et en dressant Arabes et Kurdes les uns contre les autres. Avec le risque réel de faire renaître Daesh de ses cendres.

    Construisons un large mouvement anti-guerre !

    Les États-Unis et la Russie ont déjà clairement laissé tomber le Rojava. Quant à l’Union européenne, elle est prisonnière de sa politique migratoire. Erdogan menace régulièrement depuis 2017 de lever l’accord qui veut que tout migrant arrivé sur les côtes européennes après avoir transité par la Turquie puisse y être renvoyé (un accord dans le cadre duquel l’UE verse trois milliards d’euros à la Turquie). Il s’est fait plus précis après avoir lancé l’offensive sur le Rojava : ‘‘Ô Union européenne, reprenez-vous. Je le dis encore une fois, si vous essayez de présenter notre opération comme une invasion, nous ouvrirons les portes et vous enverrons 3,6 millions de migrants’’.

    La seule véritable assistance sur laquelle peut se baser le Rojava est un large mouvement anti-guerre qui intègre dans son combat le droit à l’autodétermination des peuples opprimés et qui saisisse cette occasion pour discuter du type d’État et du type de société dont nous avons besoin pour en finir avec la guerre et l’exploitation. A court terme, il est difficile qu’émerge un mouvement anti-guerre en Turquie en raison de l’absence de droits démocratiques et de liberté d’expression tandis que de larges pans de la classe ouvrière sont influencés par le nationalisme et la propagande de guerre. Mais malgré cela, toutes les forces de gauche, y compris les syndicats, doivent immédiatement agir.
    Comme l’expliquent nos camarades de la section turque du CIO : “Les circonstances changeront au fur et à mesure que la guerre s’éternisera et que toutes ses contradictions et conséquences seront révélées aux travailleurs et aux pauvres de Turquie. Il deviendra évident que le régime d’Erdo?an utilise cette guerre pour détourner l’attention de la réalité politique dans laquelle vivent les travailleurs et les pauvres, où la cherté de la vie et le chômage ne font que s’aggraver.”

    Un mouvement anti-guerre a déjà fait son irruption dans divers pays d’Europe autour de la communauté kurde. Les syndicats, les ONG et la gauche doivent s’y investir en gardant à l’esprit d’’avoir une attention pour des appels en direction des travailleurs et des pauvres de Turquie pour les détacher de la propagande d’Erdo?an.

    Aujourd’hui, le Moyen-Orient est un bain de sang où les travailleurs, les pauvres et les opprimés sont amenés à s’entre-tuer au milieu de la famine, des maladies, de la mort, de la pauvreté et de la migration. L’antidote à ce bain de sang est de lutter contre l’impérialisme et le capitalisme ainsi qu’en faveur d’une véritable alternative reposant sur l’unité de la classe ouvrière sans distinction raciste, sur base d’ethnie ou de confession religieuse ou encore de genre ; pour une société sans exploitation ni oppression nationale, c’est-à-dire une Confédération socialiste démocratique et volontaire du Moyen-Orient. Même si cela semble difficile aujourd’hui, il n’y a pas d’autre solution.

  • Au Grand Duché aussi, on proteste contre l’invasion du Rojava !

    Des manifestations contre l’invasion du Rojava prennent place dans plusieurs pays et réunissent non seulement des Kurdes, mais aussi des militants anti-guerre, des syndicalistes, des féministes,… Ce fut également le cas ce lundi 14 octobre au Grand Duché du Luxembourg. Plusieurs centaines de personnes se sont réunies Place Clairefontaine. Des militants du PSL étaient également présents et y ont diffusé la déclaration de notre organisation-soeur en Turquie, Sosyalist Alternatif que vous pouvez consulter ici. (PDF de notre tract)

    Non à la guerre contre les Kurdes !

    • Arrêt immédiat de l’opération « Source de Paix » !
    • Les syndicats, les ONG et la gauche, en Turquie et au niveau international, doivent organiser des manifestations contre la guerre !
    • Suppression du soutien à tous les groupes djihadistes, qu’il s’agisse de l’Armée Syrienne Libre ou de l’Armée Nationale Syrienne !
    • Toutes les forces impérialistes hors du Moyen-Orient !
    • Défense du droit à l’autodétermination des Kurdes et de tous les groupes opprimés !
    • Pour l’unité de tous les travailleurs, paysans, jeunes et femmes du Moyen-Orient – contre toute discrimination fondée sur la religion, la langue, ou le genre, toutes et tous sous la bannière du socialisme !
    • Vive la solidarité internationale des travailleurs !
    • Pour une confédération socialiste démocratique et volontaire du Moyen-Orient.

  • Manifestation contre l’invasion du Rojava à Bruxelles : construisons un mouvement anti-guerre de masse!

    Des centaines de Kurdes et d’opposants à l’agression militaire de l’Etat turc contre le Rojava ont manifesté cet après-midi à Bruxelles. Le cortège est parti du rond-point Schuman pour rejoindre le Parlement européen, avec un arrêt et deux minutes de silence à la station de métro de Maelbeek à la mémoire des victimes du terrorisme. Au podium, notre camarade Nicolas Croes a pu exprimer la solidarité du PSL / LSP et de son internationale le Comité pour une Internationale Ouvrière.

    Il a notamment défendu la construction d’un mouvement antiguerre international de masse qui défendra notamment le droit à l’autodétermination des Kurdes et de tous les groupes opprimés. Ce serait également l’opportunité de débattre du type d’Etat et de société dont nous avons besoin : une société socialiste démocratique débarrassée des guerres, de la misère et de l’exploitation.

    PDF de notre tract

     

  • Motion de solidarité de la CGSP-ALR avec la population du Rojava

    Nous publions ci-dessous une importante motion de solidarité de la part de la CGSP-ALR. La CGSP-ALR n’en est pas à sa première déclaration de ce type, qu’elle considère à juste titre dans la “fidèle tradition de la solidarité internationale entre travailleurs”. Nous vous invitons à en prendre connaissance et, pourquoi pas, à restaurer cette tradition auprès de votre délégation syndicale.

    Soutien à la population du Rojava : Stop à l’agression militaire dans le nord-est Syrien !

    Avec le feu vert de l’administration Trump, le gouvernement turc d’Erdogan a mis en œuvre ses menaces d’intervention militaire dans le nord-est syrien. Il agit ainsi comme sous-traitant des puissances étrangères qui cherchent à nourrir une guerre sans fin, faisant suite aux interventions en Afghanistan, Irak, Syrie, Yémen, etc (et demain en Iran ou en Palestine).

    Considérant le projet politique construit par le peuple kurde et leurs alliés dans la région comme un danger pour son pouvoir, Erdogan a décidé de tout mettre en œuvre pour semer la destruction dans la région. La guerre d’Erdogan est une guerre contre le peuple kurde, contre tous les peuples de la région et finalement en premier lieu une guerre contre le peuple turc.

    L’ensemble du mouvement social et du mouvement syndical doit exprimer son rejet de la guerre et pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, en rejetant toute subordination aux intérêts des groupes financiers internationaux qui visent surtout à mettre la main sur les ressources de la région.

    Si cette intervention continue, les victimes pourraient se compter par milliers et cette situation est, pour l’ensemble des travailleurs et travailleuses, inacceptable.

    Nous, militants de la CGSP-ALR de Bruxelles, nous engageons à soutenir l’ensemble des initiatives qui viseront à empêcher la continuation de cette offensive militaire. Se taire, c’est se rendre complice !

    Guerre à la guerre, voici notre mot d’ordre !

    CGSP-ALR Bruxelles

    Bruxelles, le 11 octobre 2019

  • Non à la guerre au Nord et à l’Est de la Syrie! Un mouvement international peut stopper cette guerre!

    Ayant reçu le feu vert de l’impérialisme américain, le régime d’Erdo?an a lancé une invasion massive dans le Nord et l’Est de la Syrie. Le 9 octobre, des avions de combat des forces armées turques ont commencé à bombarder la région. L’élite dirigeante a prouvé que son cynisme n’a aucune limite, en baptisant cette guerre “Opération Source de Paix”. Un mouvement de masse international peut stopper cette poignée d’exploiteurs qui, pour défendre ses intérêts, est prête à bafouer les droits des masses populaires et des pauvres de nationalités turque, kurde, arabe et autres et, une fois encore, à lancer des bombes et des tanks contre les populations.

    Déclaration de Sosyalist Alternatif (section du CIO en Turquie) PDF de notre tract

    Le régime d’Erdo?an et ses partisans utilisent l’expression “zone de sécurité” pour justifier l’attaque du Nord et de l’Est de la Syrie par la deuxième force militaire de l’OTAN, accompagnée de djihadistes de la région récemment regroupés dans l’Armée Nationale Syrienne. A l’instar des Etats-Unis et d’autres forces impérialistes qui ont justifié leurs guerres contre l’Afghanistan, l’Irak et d’autres pays au nom de la démocratie, le régime d’Erdo?an et ses partisans décrivent cette guerre comme une nécessité pour la sécurité des frontières turques. Ils espèrent que l’on croie de tels mensonges. Tout cela n’est que démagogie, comme en témoignent les plus de 100.000 personnes déjà déplacées par l’offensive de l’armée turque. Pendant le conflit syrien, des centaines de milliers de personnes ont perdu la vie, des millions de personnes ont fui leur foyer et des villes entières ont été détruites. Mais jusqu’à présent, la région du Nord-Est de la Syrie, jusqu’à la frontière turque, avait été relativement épargnée.

    Le régime d’Erdo?an n’a jamais levé le petit doigt quand l’État islamique (Daesh) brûlait des gens vivants, les décapitait et les réduisait en esclavage. La première et dernière opération contre Daesh près de la frontière turque a été menée en août 2016 par les Forces démocratiques syriennes (FDS – principalement composée des YPG/YPJ kurdes). Elles se sont déplacées à l’Ouest de l’Euphrate, étant entendu qu’elles chasseraient Daesh sans prendre le contrôle de la région.

    La principale raison de cette guerre initiée par le régime d’Erdo?an est la crainte que les Kurdes de Syrie n’obtiennent les droits démocratiques qu’ils revendiquent. Il craint que cela n’encourage les plus de 20 millions de Kurdes vivant à l’intérieur des frontières turques puisqu’ils ne disposent même pas des droits démocratiques les plus basiques, ne parlons même pas de ceux acquis au Nord-Est de la Syrie au cours de ces huit dernières années. Cela explique pourquoi les partis et toutes les sections du régime en Turquie, des kémalistes aux néo-ottomans, des islamistes aux ultra-nationalistes, font la queue pour soutenir la ligne nationale-chauviniste soutenue par Erdo?an. Ils ont tous approuvé cette opération militaire au Parlement, permettant ainsi à l’armée turque de franchir la frontière.

    Les ambitions impérialistes

    Erdo?an se dit recourt dans ses discours à une terminologie datant de la conquête ottomane. Le régime, qui a soigneusement évité d’utiliser le terme de “guerre” dans l’opération de conquête d’Afrin en janvier 2018, parle cette fois ouvertement de guerre.

    Cette opération est une guerre de conquête du régime d’Erdo?an. Il entend s’en prendre à l’autonomie des Kurdes, mais aussi ouvrir de nouvelles possibilités pour la Turquie en tant que puissance impérialiste en s’emparant du Nord et de l’Est de la Syrie. Le régime fait constamment référence à l’intégrité territoriale de la Syrie, mais ce n’est qu’une tactique. Si le régime d’Erdogan n’avait voulu agir que pour bloquer les Kurdes, il aurait convenu avec le régime d’Assad d’une approche commune, plutôt que de risquer une issue incertaine.

    Le régime a un autre objectif très clair : il veut renvoyer des réfugiés vivant en Turquie dans les différentes parties du Nord et de l’Est de la Syrie en créant des zones tampons entre les régions kurdes en modifiant la structure démographique de ces zones géographiques et en dressant Arabes et Kurdes les uns contre les autres. C’est ce que le régime de Hafez al Assad a fait par le passé pour créer ce que l’on appelle la “ceinture arabe”. Il veut également transférer les groupes djihadistes actuellement bloqués à Idlib, dans l’Ouest de la Syrie, plus à l’Est, afin d’établir leur présence dans le pays à moyen et long terme. Naturellement, cela ouvre aussi la région aux entreprises turques, en particulier dans le secteur de la construction, pour relancer l’économie turque en déclin.

    L’hypocrisie de l’impérialisme américain

    L’impérialisme américain, dans sa campagne contre Assad en Syrie, a fourni des armes et un soutien aérien directement aux YPG (les Unités de protection du peuple), d’abord pendant le crucial siège de Kobané par Daesh après que ce dernier se soit emparé d’un vaste territoire et ait déclaré un “État Islamique”. Mais les relations des États-Unis avec les YPG ont compliqué ses relations avec le régime turc, important membre de l’OTAN. En réponse, le régime d’Erdo?an, qui s’est trouvé allié aux États-Unis contre le régime d’Assad, a utilisé l’achat de missiles S-400 à la Russie pour développer des relations tactiques défensives avec le Kremlin. Cela a maintenu les États-Unis sous pression constante pour satisfaire la principale exigence d’Erdo?an : couper son lien avec les forces kurdes. La récente décision de Trump, semble-t-il, d’autoriser cette opération était destinée à satisfaire la revendication de la Turquie après que le territoire contrôlé par Daesh ait été pratiquement réduit à néant.

    Cela fait suite, il y a moins d’un mois, aux efforts déployés par les États-Unis pour persuader les FDS (Forces démocratiques syriennes, qui comprend des troupes du YPG auprès d’autres composantes armées) de battre en retraite dans le cadre d’un accord avec la Turquie sur une prétendue “zone sécurisée”. L’impérialisme américain a ainsi trompé les FDS juste avant de donner le feu vert à l’opération d’Erdo?an.

    Les calculs russes et syriens

    L’opération d’invasion du Nord et de l’Est de la Syrie ne serait pas possible sans l’approbation du régime syrien et celle du grand frère d’Assad, le régime de Poutine. Les calculs effectués par la Russie et la Syrie sont à prendre en compte dans l’influence de la Turquie sur les groupes djihadistes.

    Lorsque la Turquie a envahi la région située entre Kobané et Afrin en 2016, elle a déplacé les forces djihadistes d’Alep à Idlib, au profit de la Syrie et de la Russie au point qu’elles ont regardé ailleurs. De même, elles ont fermé les yeux lorsque l’armée turque a envahi Afrin, en déplaçant les djihadistes du Sud de Damas vers Idlib. À la suite de ces opérations, tous les groupes djihadistes autrefois dispersés en Syrie ont été rassemblés en un seul endroit, Idlib.

    Aujourd’hui, alors que la Turquie occupe le Nord et l’Est de la Syrie, il est probable qu’elle déplacera les forces djihadistes d’Idlib vers cette partie du pays. Les régimes syrien et russe ont planifié une opération militaire totale dans ce territoire dans le même but. Les derniers rapports militaires, s’ils sont confirmés, suggèrent que des frappes aériennes russes sur le territoire d’Idlib ont sans aucun doute été menées pour accélérer ce processus.

    En outre, le régime d’Assad est également intéressé à mettre un terme aux aspirations démocratiques et sociales du peuple kurde et est actuellement très heureux que les Kurdes subissent l’agression militaire turque, avant d’être contraints de se soumettre à son régime.

    David contre Goliath

    Les FDS ont annoncé qu’ils se battront jusqu’au bout sur tous les fronts. Pendant combien de temps pourront-ils résister à l’une des plus grandes armées de l’OTAN ? Contrairement à Afrin, le territoire à l’Est de l’Euphrate est plat. Cela signifie qu’une guerre de front ouverte contre une machine militaire bien équipée ne sera pas facile à soutenir. Néanmoins, alors que l’opération d’Afrin a duré deux mois, cette guerre pourrait durer plus longtemps.

    A court terme, il est difficile qu’émerge un mouvement anti-guerre en Turquie en raison de l’absence de droits démocratiques et de liberté d’expression tandis que de larges pans de la classe ouvrière sont influencés par le nationalisme et la propagande de guerre. Mais malgré cela, toutes les forces de gauche, y compris les syndicats, doivent immédiatement agir. Les circonstances changeront au fur et à mesure que la guerre s’éternisera et que toutes ses contradictions et conséquences seront révélées à la classe ouvrière. Il deviendra évident que le régime d’Erdo?an utilise cette guerre pour détourner l’attention de la réalité politique dans laquelle vivent les travailleurs et les pauvres, où la cherté de la vie et le chômage ne font que s’aggraver.

    Dans un premier temps, il est plus probable qu’une réaction efficace contre cette invasion émerge au niveau international, en particulier en Europe. La classe ouvrière européenne est très sensibilisée à cette question, notamment en raison du rôle dominant que les combattants kurdes ont joué dans la guerre contre Daesh. Les syndicats, les organisations non gouvernementales et la gauche peuvent lancer un mouvement anti-guerre international. Mais il est crucial que des appels soient lancés aux travailleurs et aux pauvres turcs car, en Turquie, Erdo?an présente les réactions internationales contre la guerre comme de simples “pressions impérialistes”.

    L’invasion du Nord et de l’Est de la Syrie ne résoudra aucun des problèmes auxquels est confrontée la classe ouvrière turque. Nier le droit du peuple kurde à l’autodétermination là où ils vivent, au même titre que n’importe quel autre peuple, n’apportera aucune amélioration des conditions de vie de la classe ouvrière. Au contraire, cette guerre renforcera la classe dirigeante, répandra la haine parmi la population et provoquera de nouveaux schismes ethniques et sectaires.

    Aujourd’hui, le Moyen-Orient est un bain de sang où les travailleurs, les pauvres et les opprimés sont amenés à s’entre-tuer au milieu de la famine, des maladies, de la mort, de la pauvreté et de la migration. L’antidote à ce bain de sang est de lutter contre l’impérialisme et le capitalisme ainsi qu’en faveur d’une véritable alternative reposant sur l’unité de la classe ouvrière sans distinction raciste, sur base communautaire ou de confession religieuse ou encore de genre ; pour une société sans exploitation ni oppression nationale, c’est-à-dire une Confédération socialiste démocratique et volontaire du Moyen-Orient. Même si cela semble difficile aujourd’hui, il n’y a pas d’autre solution.

    Non à la guerre contre les Kurdes !

    • Arrêt immédiat de l’opération “Source de Paix” !
    • Les syndicats, les ONG et la gauche, en Turquie et au niveau international, doivent organiser des manifestations contre la guerre !
    • Suppression du soutien à tous les groupes djihadistes, qu’il s’agisse de l’Armée Syrienne Libre ou de l’Armée Nationale Syrienne !
    • Toutes les forces impérialistes hors du Moyen-Orient !
    • Défense du droit à l’autodétermination des Kurdes et de tous les groupes opprimés !
    • Pour l’unité de tous les travailleurs, paysans, jeunes et femmes du Moyen-Orient – contre toute discrimination fondée sur la religion, la langue, ou le genre, toutes et tous sous la bannière du socialisme !
    • Vive la solidarité internationale des travailleurs !
    • Pour une confédération socialiste démocratique et volontaire du Moyen-Orient.

  • Bruxelles & Liège : Rassemblements de solidarité avec le Rojava

    Liège

    Quelque 600 personnes se sont réunies cet après-midi à Bruxelles, dans la commune de Saint-Gilles, pour dénoncer l’invasion turque du Rojava, au nord de la Syrie. Des militants du PSL étaient présents, comme c’était d’ailleurs également le cas hier à Liège pour un rassemblement similaire.

    A Liège, environ 250 personnes se sont réunies Place Saint Lambert à l’appel de la Coopérative politique Vega, de Vert Ardent, de Solidarité Liège Rojava, des JOC, d’Action antifasciste liégeoise, d’Ecologie sociale Liège, du Front Antifasciste 2.0 (auquel le PSL collabore également), d’Action autonome Liège et du PSL.

    Un groupe d’une quarantaine de jeunes sont venus provoquer le rassemblement avec des drapeaux turcs mais aussi du MHP, un parti d’extrême droite turc, en proférant des insultes et en faisant le signe de ralliement des Loups Gris, organisation turque néofasciste liée au MHP. Ces derniers ont décidé de charger le rassemblement de solidarité avec le Rojava alors que commençaient les prises de parole, mais ils ont été repoussés.

    Il est évident que la manœuvre visait à faire taire les Kurdes, mais aussi les soutiens qui étaient présents et qui tenaient à faire entendre leur solidarité face à cette agression. En s’attaquant au Rojava, Erdogan ne s’en prend pas qu’aux Kurdes : il s’agit d’un assaut porté contre chaque féministe, chaque antifasciste, chaque militant de gauche, chaque syndicaliste.

    Au côté des représentants kurdes, seul le conseiller communal de la coopérative politique Vega a finalement pu prendre la parole avant les échauffourées provoquées par les jeunes turcs mobilisés par l’extrême droite turque. Mais la députée écolo Sarah Schlitz et le conseiller provincial PTB Rafik Rassâa étaient également présents et auraient très certainement publiquement fait part de leur soutien à la lutte du Rojava, tout comme l’auraient fait le PSL et les autres groupes présents. Nous invitons d’ailleurs les différents groupes et associations désireux de montrer leur soutien au Rojava à venir la prochaine fois avec leurs drapeaux et leurs banderoles, tout comme l’ont fait le PSL et le Front Antifasciste 2.0 hier, pour démontrer le plus clairement possible que les Kurdes ne sont pas seuls !

    Bruxelles

    Liège

    Voir par ailleurs le reportage-photos du Collectif Krasnyi.

  • Rojava : Non à l’invasion turque !

    Une nouvelle étape a été franchie dans la guerre en Syrie après que le président Recep Tayyip Erdogan a annoncé que les troupes turques sont prêtes à attaquer et occuper la région kurde de Rojava au nord de la Syrie. La première vague de troupes a traversé la frontière accompagnée de lourdes frappes aériennes. Pour la population de la région, c’est la panique. Cela survient trois jours à peine après un coup de fil entre Erdogan et Donald Trump au cours duquel ce dernier a promis que les troupes américaines seraient retirées du nord-est de la Syrie.

    Par Claus Ludwig, SAV (CIO-Allemagne).

    Les unités turques ayant déjà envahi Afrin en 2018, la province géographiquement isolée de l’ouest de la région kurde, ont reçu le feu vert pour reprendre Rojava durant cet appel téléphonique avec Donal Trump. Cela marque le début de la prochaine phase de la guerre entre les puissances mondiales et régionales qui se déroule sur le territoire syrien à un coût terrible pour le peuple syrien.

    L’issue de l’opération est incertaine. Le président Erdogan bénéficie de la supériorité écrasante de l’armée turque, mais il s’est avéré être un piètre stratège à plusieurs reprises. Les Unités de protection du peuple (YPG) et les Unités de protection de la femme (YPJ) qui contrôlent actuellement Rojava ne disposent pas d’un potentiel militaire suffisant pour s’opposer aux tanks et à l’armée de l’air turcs. Leur héroïsme, motivé par la défense de leurs foyers, ne suffira pas à résister à la puissance de feu de la Turquie. Mais malgré cela, Erdogan ne parviendra pas à “pacifier” la région. Même s’il remporte rapidement des victoires sanglantes, il ne sera pas en mesure de faire respecter son règne sans violence supplémentaire. Les unités kurdes continueront à se battre par des opérations de guérilla, comme à Afrin.

    La zone de guerre va s’étendre avec l’augmentation de la résistance dans le sud-est de la Turquie, au nord de l’Irak et au nord de la Syrie. Plus longtemps durera l’opposition à l’invasion et les combats de guérilla, plus cela aura un impact sur le conflit kurde en Turquie. L’équilibre du pouvoir nouvellement perturbé en Syrie va gagner en confusion. En exposant les raisons du retrait de ses troupes, le gouvernement américain a déclaré qu’elles n’y sont plus nécessaires puisque que le califat de “l’Etat islamique” a été vaincu. Mais Daesh a été écrasé au sol par les unités kurdes. Des milliers de militants islamistes et leurs proches se trouvent actuellement dans des camps d’internement kurdes. L’invasion turque les libérera.

    Une défaite des forces kurdes créera instantanément un vide que les forces islamistes réactionnaires pourront combler. Par le passé, le régime d’Erdogan a utilisé les forces de Daesh pour terroriser la population. Aujourd’hui, des milices islamistes sont déployées à Afrin en tant que forces terrestres sous contrôle de l’armée turque. Mais qu’Erdogan s’appuie directement sur les islamistes ou tente de les garder sous contrôle, dans les deux cas, ils se regrouperont dans le but commun de détruire le Kurdistan.

    Si la Turquie tient sa promesse de réinstaller de nombreux réfugiés syriens – pour la plupart d’origine arabe – de Turquie dans les régions kurdes, cela préparera le terrain pour de nouvelles explosions ethniques et des massacres. Ces victimes de la guerre se verront offrir un nouveau “chez-soi” dont d’autres doivent d’abord être expulsées. Cela ouvrirait la voie aux milices islamistes et aux gangsters de toutes sortes pour prendre le contrôle de la redistribution des zones d’influence et des routes commerciales. Sur cette base, Daesh ou une organisation du même genre pourrait même être en mesure de relancer une offensive contre le régime d’Assad.

    Parallèlement, on ne peut exclure que le régime d’Assad exploite l’invasion turque et utilise ses troupes contre la région kurde pour faire d’une pierre deux coups : accélérer la chute de l’autonomie gouvernementale kurde tout en faisant en sorte que les combattants islamistes capturés par les Kurdes soient écartés de l’équation en les massacrant ou les emprisonnant.

    Les dirigeants européens sont également impliqués

    Il y a quelques jours, le président fédéral allemand Steinmeier s’est rendu en Turquie. Bien qu’il ait probablement exprimé ses “préoccupations” ou ses “inquiétudes” au sujet de l’invasion turque du nord de la Syrie, il n’a pas essayé de stopper Erdogan ni menacé de prendre des mesures quelconques. Le gouvernement fédéral a également donné son feu vert en proférant des avertissements publics mais impuissants. Les unités turques qui envahissent Rojava le font avec l’aide de la technologie allemande, avec des chars, des camions et des armes automatiques produits sous licence. Les avions allemands Tornado pilotés par les pilotes de l’armée de l’air allemande opèrent à partir de l’aéroport militaire turc d’Incirlik jusqu’à 2017. Ils surveillaient la situation dans la zone frontalière et leurs renseignements étaient recueillis pour être utilisés “contre d’autres acteurs”, “contre l’Etat islamique” et “contre le terrorisme”. La Turquie est évidemment un partenaire de l’OTAN.

    Bien que les Kurdes vivant en Europe protestent activement contre les attaques contre leur région, ils constatent souvent qu’ils ne bénéficient pas d’un soutien plus large, contre le régime d’Erdogan par exemple. Mais il est possible d’élargir les manifestations en soulignant l’implication des puissances européennes et des entreprises d’armement européennes et en assurant que la population se rende compte du profit tiré de la mort en Syrie. Si les courageuses organisations kurdes prêtes à se mobiliser en Europe lançaient un appel aux organisations de gauche, aux syndicats et aux mouvements sociaux, elles pourraient obtenir un très large soutien.

    Pendant la bataille de Kobane en 2014/15, bien que les unités kurdes du YPG et du YPJ aient été très motivées et déterminées, le soutien aérien américain a été essentiel pour assurer leur succès. En coopérant ainsi avec l’impérialisme américain, le mouvement kurde a acquis un avantage tactique, mais il s’est retrouvé dans une impasse stratégique. Cette coopération s’est effectuée au prix d’une partie de son plus grand atout, sa position de principe en faveur d’une Syrie multiethnique, multireligieuse et démocratique, renonçant aux gains territoriaux et à l’oppression.

    La réponse des Etats-Unis

    La déclaration de Trump concernant le retrait des troupes américaines fut un choc, non seulement pour le peuple kurde, mais aussi aux Etats-Unis, jusqu’au sein du Parti républicain. Des commentateurs décrivent cette mesure comme un cadeau à la Russie et à l’Iran, car cela renforcera leur alliance avec Assad. Certains affirment qu’une partie de la direction kurde attend de la Russie qu’elle négocie un accord avec Assad, ce qui signifierait le sacrifice de l’autonomie kurde pour mettre un terme à l’avancée turque.

    Mais ni les puissances régionales, ni les impérialistes américains ni la Russie de Poutine ne peuvent être de véritables alliés. Pour l’impérialisme américain, l’alliance avec les Kurdes n’était qu’une mesure tactique et non stratégique. Il était évident que, tôt ou tard, le soutien aux unités du YPG/YPJ serait abandonné pour servir les intérêts primordiaux et à long terme de l’impérialisme américain. En fin de compte, les Kurdes ne peuvent garantir leurs droits démocratiques qu’en luttant en alliance avec les opprimés et les exploités des autres nations de la région pour leurs intérêts communs et surtout contre les puissances capitalistes qui ne sont pas prêtes à garantir leurs droits politiques et économiques.

    Les années de conflit sectaire et de guerre ont grandement élargi les fractures nationales et religieuses. Il est nécessaire de commencer le travail très difficile – et parfois politiquement délicat – de surmonter ces divisions et de construire une force véritablement multiethnique dans la région.

    La marche commune pour la conquête de la ville sunnite de Raqqa par les YPG et les forces américaines n’a pas contribué à faire avancer cette tâche stratégique essentielle, elle a repoussé le mouvement kurde. D’un point de vue militaire, on pourrait peut-être soutenir qu’il était nécessaire de prendre le contrôle de certaines zones habitées par des Arabes pour créer une zone défensive autour de Rojava. Mais Raqqa, ville arabe nettement sunnite, est loin des zones de peuplement kurde. Une partie de la population y a salué la fin du terrorisme de Daesh, ce qui aurait pu jeter les bases d’une certaine unité avec la population kurde. Au lieu de cela, de nombreux civils sont morts pendant le bombardement de la ville par les États-Unis. De nouvelles blessures ont été faites, de nouvelles haines ont été semées. Il y a maintenant le danger que, contrairement à 2014, les unités du YPG et du YPJ ne soient pas considérées comme une force de libération, mais simplement comme une milice ethnique parmi les autres de la guerre syrienne, une milice prête à s’allier à d’autres forces en fonction de ses intérêts propres et, ce faisant, à prendre une part de la responsabilité de la mort et du terrorisme qui ravage le pays.

    La situation au Moyen-Orient ne peut changer qu’avec la construction d’un mouvement multiethnique et socialiste des opprimés de tous les pays. Le mouvement kurde peut jouer un rôle de premier plan à cet égard, en raison de sa situation géographique, de ses racines socialistes et de sa politique actuelle contre les divisions ethniques et pour l’autonomie démocratique égalitaire. Mais il a besoin d’une stratégie consciente pour trouver un écho parmi les travailleurs et les paysans turcs, arabes et iraniens. Il a besoin d’un programme qui promeuve l’unité des travailleurs et des opprimés. Pour cela, il doit être totalement indépendant de la classe capitaliste et rejeter toute alliance avec les bandits criminels des élites dirigeantes.

    Au moment-même où l’invasion turque se déroule, d’autres événements prennent place dans la région, comme les manifestations sociales de masse en Irak ou encore la grève des enseignants en Jordanie. Ces mobilisations montrent la voie vers une perspective différente pour la région. Le mouvement kurde devrait se pencher sur sa propre expérience, sur la manière dont les femmes ont lutté, sur sa défense de l’environnement et sur son soutien à la démocratie directe – et regarder au-delà de l’horizon kurde. Il doit être clairement accepté qu’il ne saurait y avoir de progrès sur base capitaliste au Moyen-Orient. La seule issue, c’est la lutte de classe commune par-delà les frontières nationales et religieuses, la lutte commune pour le renversement de tous les régimes et pour une fédération socialiste volontaire et démocratique du Moyen-Orient.

  • Stop à l’occupation, au pillage et au nettoyage ethnique d’Afrin! Stop à l’assaut du Rojava!

    Les troupes turques et les rebelles sunnites, soutenus par la Turquie, de la prétendue Armée syrienne libre, le Front al-Nosra et autres mercenaires djihadistes ont envahi le centre d’Afrin le 18 mars dernier et ont réussi à le mettre à sac. Au cours de l’offensive de 58 jours qui a précédé, au moins 289 civils ont été tués et 150.000 habitants ont dû fuir. Le président-dictateur turc Erdogan a immédiatement annoncé qu’il poursuivrait son offensive et qu’il voulait expulser les ‘‘terroristes’’ des régions autour de Manbij, Kamychli, Kobané et Ras al-Aïn. De plus, il n’exclut pas la possibilité d’intervenir également contre les combattants kurdes dans le nord de l’Irak.

    Par Eric Byl

    Il n’est pas clair si Erdogan s’en tiendra aux accords passés avec le régime d’Assad et la Russie. L’opération ‘‘Rameau d’olivier’’, l’invasion d’Afrin, n’a été possible que parce que la Russie, qui contrôle l’espace aérien au-dessus d’Afrin, a laissé faire la Turquie. Et ceci en vertu d’un accord selon lequel la Turquie aurait le droit d’expulser les Unités de protection du peuple syro-kurdes (YPG) hors d’Afrin si elle se taisait sur l’offensive du régime d’Assad et de la Russie dans la Ghouta orientale. Cette enclave rurale dans la région de Damas est entre les mains des rebelles fondamentalistes depuis 2013. La population y est prisonnière entre la terreur des fondamentalistes et la contre-offensive des troupes de Bachar et de la Russie. Des bombes barils (engins explosifs composés d’un baril rempli d’explosifs, de gaz, de combustible et de ferraille) et des armes chimiques sont quotidiennement utilisées. Ce qui provoque de nombreuses victimes civiles.

    Compte tenu du partage du pouvoir en Syrie après l’expulsion de l’EI, l’affaiblissement des YPG arrange bien Assad. Lui-même et la Russie ne pouvaient pas tolérer le maintien des YPG car cela les aurait mis en conflit avec les États-Unis qui avaient utilisé les YPG comme forces terrestres contre l’EI. Ils ont fait le pari que la Turquie, alliée au sein de l’OTAN, s’en sortirait bien. La Maison-Blanche et les gouvernements européens ont protesté verbalement mais n’ont pas levé le petit doigt pour arrêter l’offensive turque. Jusque-là, Assad et la Russie ont soigneusement évalué la situation. Le Vice-Premier ministre turc Bekir Bozdag a annoncé que les soldats turcs quitteraient Afrin et la rendraient aux ‘‘propriétaires légitimes’’, ce qui signifie que la Turquie veut y installer ses réfugiés syriens, et donc faire d’une pierre deux coups. Cependant Erdogan annonce aussi qu’il entend par la même occasion occuper tout le Nord, ce qui a poussé la Syrie à demander, dans une lettre aux Nations Unies, que les unités turques se retirent immédiatement.

    Afrin était l’un des trois cantons autonomes du nord-ouest de la Syrie, le Rojava, principalement contrôlé par les Unités de protection du peuple syro-kurdes (YPG) depuis 2012. La région est isolée des territoires plus vastes de l’Est où les YPG gouvernent dans le cadre des Forces démocratiques syriennes (FDS). Elle est restée pendant des années en dehors du conflit syrien et était un asile pour de nombreux réfugiés. En dehors des Kurdes, la population, qui se compose aussi d’Arabes et de Turkmènes, a doublé en quelques années pour atteindre 4 à 500.000 personnes. La région et sa population sont aujourd’hui sacrifiées aux intérêts stratégiques des superpuissances locales et internationales, dont les appétits menacent toute la région.

    Le PSL a été activement impliqué dans les mouvements de solidarité avec Afrin ces derniers mois. Nous avons participé à plusieurs activités parmi lesquelles un rassemblement à la gare de Bruxelles-Central le 27 janvier, le camp d’Afrin pendant 5 jours (du 19 au 23 mars) au Parlement européen et la manifestation du 27 mars. Les militants syndicaux du PSL proposent aussi des motions de solidarité dans les assemblées syndicales et auprès de leurs centrales syndicales. La domination impérialiste et l’anéantissement des droits démocratiques et sociaux ont non seulement un effet catastrophique dans la région concernée, mais seront également utilisées pour réduire les droits des travailleurs et des jeunes partout dans le monde.

  • Manifestation contre l’OTAN et contre l’invasion et l’occupation d’Afrin

    Ce mardi 27 mars, quelque 2.000 personnes ont manifesté à Bruxelles contre l’invasion turque d’Afrin, au nord-ouest de la Syrie, et contre la complicité tacite des alliés de l’OTAN qui ne sont pas prêts à arrêter cette invasion. Le régime turc du président-dictator Erdogan veut conquérir Afrin et, en fait, l’ensemble du Rojava, la région à majorité kurde qui est autogérée. Son objectif est de renforcer sa position en Turquie sur une base nationaliste et, en même temps, d’accroître sa présence régionale. Parallèlement, Erdogan veut en finir avec l’exemple d’autonomie kurde afin que la population kurde turque ne s’en inspire pas.

    La manifestation s’est concentrée sur la catastrophe humanitaire causée par l’invasion turque. La conquête d’Afrin s’est accompagnée de nombreux morts et de milliers de réfugiés. Le risque de nettoyage ethnique et de pillage est grand. Beaucoup des personnes présentes avaient des membres de leur famille à Afrin ou étaient eux-mêmes originaires de cette région.

    Nous ne pouvons pas permettre aux victimes de cette guerre de lutter seules contre l’invasion et l’occupation d’Afrin ! Lors de la manifestation de Bruxelles, des Kurdes vivant en Belgique et dans les pays voisins ont démontré leur solidarité. On trouvait en outre parmi les manifestants des militants du Comité de solidarité Rojava, de l’ASBL pacifiste Vrede, du PSL et d’autres organisations. A la fin de la manifestation, Eric Byl a pris la parole au nom du PSL en exprimant notre solidarité avec la résistance à l’invasion d’Afrin. Il a défendu que les travailleurs et les jeunes prennent l’initiative, y compris ici et au-delà de la communauté kurde. Il a ainsi fait référence à la guerre du Vietnam, qui a conduit à un mouvement de masse aux Etats-Unis il y a 50 ans : les Etats-Unis ont perdu cette guerre non pas tant militairement, mais à cause de la pression de ce mouvement de masse dans leur propre pays. En nous organisant et en nouant des liens avec le mouvement des travailleurs ici en Belgique et ailleurs en Europe, nous pouvons poser des pas dans cette direction. Au nom de la campagne ROSA (Résistance contre l’Oppression, le Sexisme et l’Austérité), Emily Burns a souligné l’importance de la lutte pour les droits des femmes, un élément qui est également fortement souligné dans le Rojava.

    Reportage-photos de Mario :

    Betoging tegen NAVO en tegen Turkse inval in Afrin // Mario

    Reportage-photos de Liesbeth :

    Betoging tegen NAVO en tegen invasie in Afrin // Liesbeth

    Vidéo :

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