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  • Reprise de la lutte des classes en Europe tandis que la crise de la zone euro s’approfondit

    Le Comité Exécutif International (CEI) du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) s’est réuni du 17 au 22 janvier 2011, en Belgique, avec 33 pays d’Europe, d’Asie, d’Amérique Latine et d’Afrique représentés. Après le premier rapport du meeting du CEI sur la situation mondiale, voici un rapport de Finghin Kelly sur les développements cruciaux en développement en Europe.

    Finghín Kelly, Socialist Party (CIO en Irlande)

    L’année dernière, l’Europe a connu une forte remontée des luttes, avec des mobilisations et des mouvements considérables. L’Europe a aussi été balayée par les mouvements Occupy et des Indignés. C’est dans ce contexte et celui de la crise économique, politique et sociale que le CEI a discuté des perspectives européennes, discussion introduite par Tony Saunois et conclue par Clare Doyle, tous deux membres du Secrétariat International du CIO.

    La classe dominante européenne a implanté des programmes d’austérité vicieux pour tenter de faire payer la crise du capitalisme à la classe ouvrière. Les réformes qui ont été obtenues après des années de lutte, comme les droits à la pension, à la sécurité sociale, les conditions de travail et les dépenses sociales, sont maintenant violemment attaquées. Ce processus élimine tous les acquis et conquêtes de la classe ouvrière depuis la seconde guerre mondiale. C’est une réponse aux idées réformistes de l’après-guerre, dans une période de croissance économique, qui a laissé place à un retour sur les conditions de vie et l’Etat-providence. Cela ne veut toutefois pas encore dire que les idées réformistes ne vont pas resurgir.

    L’approfondissement de la crise de la zone euro, à laquelle le capitalisme est complètement incapable de répondre, est une bonne illustration de l’instabilité et de la fragilité de la position des capitalistes.

    En réponse à cela et à la montée de la riposte des travailleurs contre les plans des banques et du marché, les Etats utilisent de plus en plus des méthodes autoritaires, anti-démocratiques ou celles du ”Bonapartisme parlementaire”, avec une augmentation de la répression et le minage des institutions ”démocratiques”.

    Les attaques de l’austérité sont visibles partout en Europe. Les contributeurs à la discussion ont illustré la nature de l’austérité dans chaque pays ainsi que la révolte et les résistances qu’elles ont provoquées. L’austérité et la réaction à celle-ci ont particulièrement été aigües en Grèce. Les contributions des participants Grecs au CEI ont montré quelle situation explosive existe dans ce pays.

    La Grèce a connu 14 grèves générales, dont deux de 48 heures, au cours des deux dernières années uniquement. Plusieurs intervenants ont vivement montré ce que l’austérité signifie pour les travailleurs grecs. Les conditions de vie se sont effondrées, avec des parts entières de la société ruinées ou appauvries, dont une partie de la classe moyenne. Le chômage est massif : celui des jeunes est maintenant proche de 50%. Des enquêtes montrent que 91% des foyers ont subi une forte baisse de leur revenu – en moyenne une diminution de 30%. Maintenant, 78% des foyers ont des difficultés à subvenir à leurs besoins. Ceci a conduit à des exemples tragiques de familles proposant leurs enfants à l’adoption.

    L’émigration est un problème énorme dans beaucoup de pays ; l’Irlande, l’Espagne, le Portugal et la Grèce en particulier connaissent une émigration massive des jeunes. Non seulement cela a des conséquences sociales dévastatrices, mais cela complique les luttes de masse et peut agir comme une soupape temporaire pour le capitalisme, car les couches les plus énergiques sont alors éloignées des luttes.

    Mouvements sociaux

    Le CEI a entendu beaucoup de rapports des mouvements sociaux en Grèce, dont le mouvement de non-paiement d’une nouvelle taxe par foyer, et d’autres campagnes contre les péages routiers et le prix du métro et du bus après des hausses massives. Le CEI a aussi entendu des rapports du mouvement qui rejette l’implantation d’une décharge dans une ville grecque, une révolte ouverte contre les autorités.

    Ces mouvements considérables ne sont pas confinés à la Grèce; le Portugal a connu sa plus grande grève générale depuis 1974. En Grande Bretagne et en Irlande du Nord, le secteur public a mené une grève historique contre les attaques du gouvernement de coalition contre les retraites. Entre 1 et 2 millions de travailleurs sont entrés en action : c’est la plus grande grève depuis la Grève Générale de 1926. La Belgique a aussi connu de grandes mobilisations et une grève générale du secteur public en décembre. Le 30 janvier, il y aura une grève générale contre l’austérité du nouveau gouvernement (ce rapport a été publié en anglais avant que celle-ci ne se déroule, NDLR).

    L’Espagne a été secouée par les mouvements de masses, qui ont impliqué des millions de travailleurs et de jeunes, un mouvement qui a joué un rôle-clé dans le renversement du gouvernement Zapatero. De plus, l’Espagne a été le terrain du développement du mouvement des Indignados, qui s’inspirait des révolutions en Afrique du Nord et au Moyen-Orient et s’est à son tour exporté à travers le monde et a nourri le mouvement Occupy. Le CEI a entendu beaucoup de rapports de ces mouvements.

    Ces mouvements ont été une manifestation importante de la jeunesse radicalisée qui souffre d’un chômage élevé et est touchée par l’austérité. En Espagne, le chômage est de 21%, celui des jeunes est maintenant de 50%.

    Le mouvement Occupy est arrivé comme une première réponse des travailleurs et des jeunes à cette crise historique. C’est un mouvement extrêmement important et significatif qui s’est approfondi et qui a eu plus d’effet que les mouvements anticapitalistes de la dernière décennie. Ce mouvement contient des éléments des « mouvements sociaux », qui ont émergé en Amérique Latine dans les dernières décennies par des luttes construites par la base pour combattre dans l’intérêt des principaux secteurs de la société. Tout comme dans ces mouvements, la question de lier le mouvement Occupy aux luttes de la classe ouvrière organisée est décisive. Il est nécessaire de lier les mouvements sociaux aux mouvements de la classe ouvrière. Les camarades du CIO au Brésil ont connu une situation similaire et se sont battus pour la formation d’une nouvelle centrale syndicale, Conlutas, qui inclut les mouvements sociaux tout en étant basée sur la classe ouvrière.

    Tendance anti-capitaliste

    Ces mouvements représentent le développement d’une tendance antisystème et anticapitaliste. Dans de nombreux cas, il lui a manqué une alternative claire par laquelle remplacer le capitalisme. Une autre caractéristique significative de ces mouvements, c’est que, bien qu’ils n’aient la participation active que d’une minorité, le soutien pour ces mouvements est très large parmi la classe ouvrière.

    Il y a eu une discussion sur l’atmosphère « anti-parti » de ces mouvements. Cette tendance reflète le scepticisme et même l’hostilité envers les partis politiques traditionnels. Les marxistes doivent dialoguer avec ces mouvements sur l’alternative au capitalisme, présenter le socialisme et lier les mouvements à la classe ouvrière et des communautés organisées, défendant l’idée du besoin d’un instrument politique pour la classe ouvrière pour permettre la lutte pour le socialisme.

    Le développement de la conscience de différentes parties de la société, et de la classe ouvrière en particulier, a été discuté au CEI. Beaucoup de travailleurs espèrent encore que les politiques réformistes ou Keynésianistes peuvent vaincre la crise, alors que d’autres en arrivent à la conclusion que le capitalisme est dans une impasse.

    La politique du “moindre mal” vue dans les élections, ou les succès des partis sociaux-démocrates dans les sondages, ont aussi été discutés. Cela ne reflète pas de grandes illusions dans ces partis mais un espoir qu’ils pourront amoindrir les effets des mesures d’austérité. Le soutien pour ces partis peut très vite s’éroder. Cela s’est vu en Irlande, où une coalition Fine Gael / Labour a été élue en février à une large majorité, dans l’espoir qu’ils « brûleraient les porteurs d’obligations ». Mais ces espoirs ont été balayés par les politiques de coupes du nouveau gouvernement de coalition.

    La question du moindre mal est posée dans plusieurs pays dont la France, où le parti « socialiste » peut mettre en échec Sarkozy cette année (surtout après la perte du triple A par la France). Cette question est fortement liée au manque d’alternatives de masse à gauche des partis traditionnels. L’échec du NPA en France à se développer comme une référence massive dans un contexte de radicalisation montante est aussi décisif. En Espagne, ce même facteur a conduit à la venue au pouvoir du parti de droite PP : bien que son soutien n’ait pas beaucoup augmenté. Beaucoup se sont tournés vers lui pour porter un coup au gouvernement PSOE, qui a été massacré aux élections de novembre.

    Les intervenants ont montré comment une conscience socialiste relativement faible parmi les masses de la classe ouvrière peut être un facteur-clé dans la limitation des mouvements de masse d’opposition.

    C’est en train de changer et on peut s’attendre à des bonds en avant dans la conscience de classe à mesure que la lutte se développe, ce qui va augmenter de beaucoup l’attrait pour le socialisme. L’idée et le mot « socialisme » ont été entachés, non seulement par le stalinisme, mais aussi par les gouvernements « socialistes » qui en Europe du Sud ont appliqué des programmes d’austérité. Cela renforce le rôle des marxistes et socialistes authentiques d’expliquer et de populariser une alternative socialiste basée sur la propriété publique et le contrôle démocratique des principales ressources et industries de la société à travers un gouvernement des travailleurs.

    Rôle des syndicats

    Le rôle joué par les directions syndicales et les partis de gauche a été indentifié comme un facteur qui bride le développement de la conscience de la classe ouvrière. Là où les dirigeants syndicaux ont appelé à une grève, ils l’ont généralement fait les dents serrées et seulement après une forte pression venue d’en bas.

    Dans certains cas, les syndicats ont été désertés par leurs activistes et ne sont plus des pôles d’attraction pour les jeunes et les chômeurs radicalisés. Certains des appareils syndicaux sont devenus des organisations « jaunes » ou « d’entreprise » qui agissent comme le bras droit du patronat. C’est une complication pour la lutte. C’est une tâche essentielle pour les militants de se battre pour construire des groupes d’opposition dans les syndicats et essayer de se réapproprier les syndicats. Les véritables socialistes n’adoptent pas une approche sectaire ou gauchiste des syndicats mais doivent aussi se préparer à des scissions et la formation de nouvelles organisations syndicales.

    Le CEI a discuté de l’échec des nouveaux partis et formations de gauche à exploiter la situation.

    Beaucoup n’ont pas réussi à attirer les secteurs radicalisés de la jeunesse et n’ont pas été actifs dans les luttes. Ils ont échoués à augmenter en nombre, bien que dans quelques cas ils aient eu quelques succès électoraux et de bons résultats dans les sondages.

    Il est clair que la crise économique s’intensifie mondialement ; l’Europe et l’Euro sont au cœur de la crise. La question de l’éclatement de l’euro et d’une reconfiguration de l’UE est posée. Le CEI a discuté en profondeur et en détail de comment la crise peut se développer et des conséquences de cela.

    Les dégradations de notes par les agences de notation montrent qu’elles n’ont pas confiance en les programmes d’austérité pour sortir de la crise. La question du défaut de paiement est beaucoup posée, les « marchés » et beaucoup de commentateurs capitalistes indiquent que le défaut de paiement de la Grèce et du Portugal est une possibilité immédiate. Cela serait le premier cas d’un pays occidental depuis 70 ans.

    Quel futur pour l’euro?

    L’éclatement de l’euro aurait de lourdes conséquences pour l’économie européenne et mondiale. Les estimations montrent qu’un million d’emplois disparaitraient rien qu’en Allemagne et que le PIB de l’Allemagne diminuerait de 25%. Les classes dirigeantes capitalistes d’Allemagne et des autres pays feront donc tout ce qu’elles peuvent pour garder l’euro. Les euros-obligations ou un plus grand rôle de la BCE sont mis en avant comme moyen de sortir de la crise par beaucoup de commentateurs capitalistes et une partie de la gauche soutient ces mesures. Beaucoup d’intervenants en ont parlé au CEI. Les différents pouvoirs capitalistes agiront pour protéger leurs intérêts nationaux. Le capitalisme allemand ne veut pas voir l’utilité des euros obligations à ce stade. Cependant, il pourrait y être amené par la pression des évènements, dans une tentative désespérée de sauver l’économie européenne du désastre. Mais même cela ne sera pas une solution à la crise, ni à long ni même à moyen terme.

    Plusieurs intervenants ont aussi souligné et discuté de la tendance accrue à court-circuiter les procédés démocratiques parlementaires « normaux » et le rognage des droits démocratiques. L’année dernière, des gouvernements « technocratiques » ont été imposés en Italie et en Grèce, quand les marchés et l’UE ont perdu la foi dans la capacité des gouvernements de ces pays à mener à bien les énormes coupes d’austérité.

    Le gouvernement italien qui a été intronisé était, en réalité, un gouvernement des banquiers, puisque chaque membre du cabinet a un passé dans les grandes banques ou les institutions financières ou de forts liens avec elles.

    La commission européenne a aussi accru son intervention dans de nombreux pays ; ce qui se voit clairement dans les pays « programme », où des programmes d’austérité détaillés ont été planifiés par la « troïka », en conjonction avec les gouvernements nationaux. Même dans les autres pays, cette intervention a augmenté. En Belgique, la Commission a exigé que le gouvernement se réunisse un weekend pour trouver d’autres idées de coupes, parce que selon elle, les coupes n’allaient pas assez loin.

    Mesures autoritaires

    L’érosion de la démocratie ne s’est pas faite seulement aux niveaux des parlements et des gouvernements ; une tendance générale à l’usage de mesures étatiques autoritaires, la répression et la criminalisation des protestations, ont été discutés. Cela s’est vu dans les tentatives de mettre fin au mouvement Occupy, en Espagne et partout ailleurs.

    L’érosion des droits démocratiques est évidente en Hongrie, le premier pays européen à être renfloué par le FMI pendant la crise économique. Les délégués ont rapporté les attaques au droit de grève, le nouveau code du travail et les camps de travail pour les chômeurs-longue durée. Comme dans les autres pays, les droits aux pensions et aux retraites anticipées ont été attaqués. La répression contre les Roms a empiré. Un nouvel impôt à taux unique augmente les difficultés économiques des pauvres. La liberté des médias a été rognée par de nouvelles lois. Une nouvelle constitution introduite par le gouvernement ronge beaucoup de droits démocratiques de base.

    En même temps qu’une crise économique, les classes capitalistes européennes font face à une crise politique. Les réserves politiques de la bourgeoisie leur échappent parce que les partis politiques traditionnels sont discrédités par leurs politiques de coupes. Nous avons vu une série de crises gouvernementales en Europe. Tous les pays au premier plan de la crise de l’euro ont subi des changements politiques : l’Italie, l’Espagne, la Grèce, l’Irlande et le Portugal ont changé de gouvernement en 2011.

    Même en Allemagne, où il y a eu quelque croissance économique, cela n’a pas donné un coup de pouce aux partis dirigeants. Par exemple, le FDP est en crise et est menacé de perdre ses représentants parlementaires.

    Des évènements tumultueux dans les mois à venir

    Les anciens partis des travailleurs se sont encore droitisés pendant la crise et se sont discrédités aux yeux des travailleurs. Le Labour en Grande Bretagne a dit qu’il ne reviendrait pas sur les coupes du gouvernement Con-Dem quand il reviendrait au gouvernement. En Italie, le PD (Parti Démocrate) a voté pour les coupes de Monti !

    Dans un certain nombre de pays, le vide politique est partiellement rempli par les forces de droite. Le Front National en France utilise cyniquement une rhétorique populiste anti-banque pour essayer d’augmenter son soutien. L’émergence du parti néo-fasciste Jobbik en Hongrie a aussi été discutée en exemple de la façon dont l’extrême-droite peut occuper cet espace. Le danger de l’extrême-droite et la menace raciste peuvent être combattus par le mouvement ouvrier avec un clair programme de classe qui unifie les travailleurs contre les attaques néolibérales et lutte pour les emplois, le logement et des aides sociales pour tous, et pour un vrai changement de système.

    Dans cette situation, la question nationale va réapparaitre. Les développements en Écosse et en Espagne ont été discutés par les intervenants de ces pays, où la crise a fait monter la question nationale et posé la question du séparatisme. Les forces du CIO, tout en défendant le droit à l’auto-détermination, opposent une alternative de lutte unifiée et socialiste pour atténuer le nationalisme bourgeois.

    De cette excellente et très riche discussion, il ressort très clairement que l’Europe va connaitre des évènements tumultueux dans les mois et années qui viennent, au fur et à mesure que la crise économique et politique s’approfondit. Cela va donner au CIO d’énormes opportunités pour construire le soutien aux idées socialistes.

  • Brisons tous les liens avec les partis de l’austérité !

    ‘‘Le PS nous a trahis, humiliés et abandonnés’’, ‘‘Au pays des belles promesses, les travailleurs meurent de faim car le PS a sacrifié les travailleurs sur l’autel de l’accord gouvernemental !’’ C’est ce qu’on pouvait notamment lire dans le tract de la CGSP distribué début janvier lors de vœux du ministre-président de la Région Wallonne et de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Rudy Demotte (PS). Quelques jours plus tard, la CGSP s’est rendue à la réception du bourgmestre de Mons, Elio Di Rupo. Le n° 1 du PS et du gouvernement a eu pour réponse de dire que les syndicats conduisent ‘‘les citoyens vers l’abîme’’. Relais politique des travailleurs, le PS ?

    Par Eric Byl

    Des propos similaires à ceux de leurs camarades de la CGSP ont pu être entendus à Anvers lors d’une réunion de militants, de la bouche de délégués de grandes entreprises privées (notamment dans la pétrochimie et de la métallurgie) mais aussi de tous les services publics et des soins de santé. A cette réunion, le président de la FGTB Rudy De Leeuw a tenté de minimiser la responsabilité des ‘socialistes’ dans le plus grand projet d’austérité de l’histoire du pays, en se concentrant sur la Hongrie, l’Espagne, Merkozy et la Banque Centrale Européenne. Mais il ne fallait pas écouter que ce qui sortait de la tribune, et ceux qui ont prêté l’oreille aux propos tenus dans la salle ont entendu un autre son de cloche.

    Le 18 janvier, le président des métallos de la FGTB Wallonie-Bruxelles a écrit un article (disponibles sur www.metallos.be) dans lequel il affirme : ‘‘Peut-être, politiquement, sommes-nous à un bout du chemin : l’année prochaine, il y aura 25 ans que les socialistes sont revenus au pouvoir en Belgique. Si nous en sommes là aujourd’hui, ils ne peuvent nier leur responsabilité, et elle tient en un constat : la droite au pouvoir mène des politiques de droite, la gauche au pouvoir n’a pas mené des politiques de gauche et, aujourd’hui, joue carrément à droite.’’

    Même à la CSC, la désillusion est profonde envers le rôle actuellement joué par le PS. Le 22 décembre, des militants du syndicat des employés de la CSC, la CNE, avaient ainsi manifesté devant le siège du PS Boulevard de l’Empereur et coloré sa façade d’un bleu symbolisant la politique libérale du parti de Di Rupo.

    Plan Global, déduction des intérêts notionnels, Pacte des Générations, ‘‘chasse aux chômeurs’’, sous-financement de l’enseignement,… la droite aurait eu bien plus de mal si le PS s’était trouvé dans la rue à organiser la lutte plutôt qu’à appliquer ces politiques aux Parlements et aux gouvernements ! La ‘‘politique du moindre mal’’ a constitué la meilleure façon d’instaurer des mesures néolibérales par la manière ‘‘douce’’. C’est sur cette base que le SP.a n’attire déjà plus que 13% des voix en Flandre. La gauche officielle y a pratiquement disparu de la scène politique, et le vote anti-establishment s’exprime maintenant avec Bart De Wever. A-t-on vraiment envie que cette situation s’étende à tout le pays ?

    Il faut rompre tous les liens qui unissent les syndicats aux divers partis traditionnels MAINTENANT ! Combien de trahisons encore avant qu’une partie conséquente des militants syndicaux refuse de continuer à se battre une main liée au dos ? Nous avons urgemment besoin de notre propre relais politique.

  • Homophobie au parlement belge : un député accuse le premier ministre gay de pédophilie.

    Ce jeudi matin, un député fédéral (Laurent Louis, MLD) s’en prenait publiquement à l’homosexualité du premier ministre à coups d’amalgames honteux avec la pédophilie. Le député Laurent Louis vient en effet de se lâcher sur Twitter et de déclarer qu’Elio Di Rupo traine derière lui "une réputation plus que douteuse en ce qui concerne son intimité et sa vie privée… Allez allez, tout le monde connaît les goûts de notre Premier Ministre. En dessous de 18 ans, ce n’est plus de l’homosexualité. Tous les Belges savent parfaitement de quoi je parle !"

    Par la commission LGBT du PSL

    Rubrique LGBT de socialisme.be

    Une réflexion fortement étonnante pour un homme lui-même accusé de harcèlement l’an dernier par l’une de ses collaboratrices qu’il aurait notamment assaillie par un flot incessant de mails. Devons-nous également rappeler que la majorité sexuelle dans notre pays s’élève à 16 ans… et non 18, comme ce député semble le penser? Soit.

    Visiblement, pour ce député de l’opposition, il semble plus facile d’attaquer la sexualité du premier ministre que de s’en prendre à son plan d’austérité, sans parler de sa politique néolibérale. C’est que cette approche antisociale est partagée par Laurent Louis, ex-député du Parti Populaire devenu indépendant. Or, en affirmant de tels propos, celui-ci bafoue non seulement la vie privé d’Elio Di Rupo, mais il légitime férocement les clichés homophobes les plus débiles. Ces propos sont de nature à renforcer de nombreuses organisations réactionnaires, d’extrême droite et intégristes dans leurs positions les plus intolérantes.

    Un contexte d’homophobie de plus en plus généralisé

    Ces propos font bien entendu bondir les associations LGBT. En effet, ces dernières semaines ont été le théâtre d’une surenchère homophobe, notamment par l’institution catholique, mais pas seulement.

    La nouvelle miss belgique a affirmé pour ceux qui l’auraient oublié que "malgré tout, les homosexuels sont aussi des êtres humains". On appréciera le ‘malgré tout’… Ensuite, le patron de l’église belge, l’intégriste notoire Mrg Léonard, a regretté que la loi des hommes prenne le pas sur la loi divine, et que "le Parlement s’attribue le droit de décider par vote majoritaire du sens de la sexualité, de la différence du masculin et du féminin, de la signification du mot ‘mariage’, du rapport métaphysique de l’être humain à la finitude et à la mort, de la qualité des embryons méritant ou non d’être respectés, etc." Ces propos éminemment anti-démocratiques semblent emboîter le pas à la doctrine officielle du Vatican qu’a rappelée avec enthousiasme le pape Benoit XVI à l’occasion de son traditionnel discours de noël : "les politiques qui portent atteinte à la famille (comme le mariage gay) menacent la dignité humaine et l’avenir même de l’humanité." sic!

    Après avoir entendu dire que le mariage gay menace rien de moins que l’avenir de l’humanité, nos oreilles ont à nouveau sifflé lorsque ces mêmes intégristes ont blâmé les femmes pour avoir avorté. Ainsi, l’archevêque espagnol Javier Martinez déclarait récemment que "tuer un enfant sans défense, et que ce soit sa propre mère qui le fasse, cela revient à donner aux hommes le droit absolu et sans limite d’abuser du corps de cette femme!" Ainsi les droits de femmes et des LGBT sont remis en cause.

    Ce genre de propos est inacceptable, mais l’homophobie est en plein développement, de même que l’offensive contre le droit à l’avortement. La semaine dernière, en Hongrie, la droite populiste a instauré une nouvelle constitution bannissant le mariage gay pour l’éternité, ainsi que l’avortement sous le préambule de "Dieu bénisse les hongrois !" Précédemment, la Lituanie avait exercé des pressions contre toute ‘‘promotion’’ de l’homosexualité, rendant impossible tout rassemblement, mais aussi toute discussion dans les écoles et campagne de prévention contre le VIH. (voir une intervention de Joe Higgins à ce sujet). On pourrait aussi parler de la campagne républicaine aux Etats-Unis, ou de l’instauration de la charia en Lybie, qui condamne à mort les gays et les lesbiennes.

    Mais l’homophobie ne passera pas !

    En Belgique, nous vivons au quotidien les discriminations dans nos quartiers, à l’école, sur notre lieu de travail,… Dans les faits, l’égalité pour les LGBT reste à gagner, et nous allons lutter pour l’imposer. C’est pourquoi nous n’accepterons jamais ce genre de propos qui nous divisent et nous affaiblissent. Di Rupo est à critiquer – très largement – mais pour sa politique de casse sociale qui s’attaque durement aux travailleurs et à leurs familles, pas pour son orientation sexuelle.

    Au PSL, la lutte LGBT est portée par l’ensemble de nos militants, nous pensons que c’est seulement dans l’unité que nous pourrons vaincre toutes les discriminations. Travailleurs, jeunes, pensionnés, femmes, hétéros, LGBT, sans-papiers… Battons-nous tous ensemble pour nos droits !

  • Retour sur la crise de Suez de 1956

    Le 5 novembre 1956, les paras britanniques et français descendent sur Port Saïd, en Égypte, afin de prendre contrôle de l’accès au canal de Suez. Deux mois plutôt, devant une foule enthousiaste, le président égyptien Gamal Abdel Nasser avait déclaré : ‘‘nous défendrons notre liberté. J’annonce la nationalisation du canal de Suez.’’ Au vu des récents évènements révolutionnaires en Egypte, il est bien entendu utile de revenir sur la crise de Suez et sur le Nassérisme.

    Dossier de Dave Carr

    La Grande-Bretagne, la France et les Etats-Unis avaient refusé d’accorder à l’Égypte un emprunt pour la construction du barrage d’Assouan, un projet qui avait pour objectif de rendre l’eau disponible toute l’année, d’étendre les surfaces irriguées, d’améliorer la navigation sur le fleuve et de produire de l’électricité. Nasser a répliqué qu’il prendrait les 100 millions de dollars de revenus du canal de Suez afin de financer le projet.

    Cette nationalisation a, bien entendu, glacé le sang de l’impérialisme britannique et français. Nasser avait maintenant le contrôle d’un passage stratégique par où défilaient les stocks de pétrole arabe vers l’occident. De plus, il commençait à obtenir de plus en plus de soutien de la part des ouvriers et paysans pauvres dans toute la région. Ces mouvements menaçaient directement les régimes fantoches de différents du Moyen-Orient.

    Après 1945, les ouvriers et paysans du monde colonial étaient entrés dans un nouveau stade de leur lutte anti-impérialiste et pour la libération nationale et sociale. Les jours de la domination directe des vieilles puissances coloniales étaient désormais comptés.

    Le Premier ministre britannique Anthony Eden avait été encouragé par son gouvernement conservateur pour tenter de remettre le royaume britannique plus fortement en avant sur la scène internationale. Malgré le déclin économique et politique grandissant de l’impérialisme britannique consécutif à la seconde guerre mondiale, Eden pensait que la Grande-Bretagne pouvait jouer un rôle de premier plan dans le cours des grands évènements mondiaux. La classe dirigeante française pensait elle aussi qu’il était possible de redorer le blason de la gloire coloniale du pays. Mais l’approche brutale de l’impérialisme français au cours des guerres coloniales avait conduit à la défaite de la guerre d’Indochine et la guerre d’Algérie, déjà entamée, allait elle-aussi bientôt se solder par une cuisante défaite conduisant au retrait du pays.

    Réaction occidentale

    ‘‘Nous bâtirons ce barrage avec les crânes des 120.000 ouvriers égyptiens qui ont donné leur vie pour la construction du canal’’. Cette déclaration de Nasser avait constitué, pour les ouvriers et les chômeurs des bidonvilles du Caire et d’Alexandrie ainsi que pour la population de la région entière, une attraction énorme.

    La réaction de l’occident était prévisible. Tant au Parlement britannique qu’au Parlement français, Nasser a été comparé à Mussolini et Hitler. En Grande –Bretagne, les médias bourgeois et les parlementaires conservateurs n’avaient de cesse de parler de ‘‘Nasser-Hitler’’, tandis que les parlementaires travaillistes ou libéraux demandaient eux-aussi des mesures contre l’Égypte. Le Premier Ministre Eden ne le désirait que trop, et les avoirs du canal de Suez ont été immédiatement gelé dans les banques britanniques. Il s’agissait de presque deux tiers des revenus du canal.

    Le dirigeant du Parti Travailliste Hugh Gaitskell a soutenu le gouvernement conservateur auprès des Nations Unies, et a même déclaré qu’une intervention armée n’était pas à exclure contre Nasser. Le Premier Ministre français Guy Mollet promettait lui aussi une sévère riposte.

    Le gouvernement britannique a tout d’abord voulu montrer qu’il désirait résoudre la crise de façon diplomatique. Une conférence de 24 pays maritimes a été convoquée à Londres afin de discuter de la ‘‘menace contre la libre navigation internationale’’. Pendant ce temps, l’armée appelait les réservistes, et une grande force navale a commencé à se rassembler.

    En réponse, Nasser a lancé un appel pour une grève internationale de solidarité à l’occasion du début de la conférence. Le 16 août, des grèves massives ont donc eu lieu en Libye, en Égypte, en Syrie, en Jordanie et au Liban, ainsi que de plus petites actions de solidarité au Soudan, en Irak, en Tunisie et au Maroc. Partout, les ambassades britanniques et françaises étaient assaillies par des manifestants.

    La conspiration

    Le président américain Eisenhower, en pleine campagne électorale, a refusé de soutenir toute intervention militaire franco-britannique. L’impérialisme américain était en fait engagé dans un bras de fer avec les impérialismes français et britanniques pour gagner de l’influence dans le Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

    Le prétexte servant à intervenir en Égypte a été une intervention israélienne armée dans le Sinaï, négociée au préalable avec les gouvernements français et britanniques. Les troupes britanniques et françaises sont ensuite venues s’interposer entre les troupes israéliennes et égyptiennes pour ‘‘protéger’’ le canal de Suez.

    Les représentants des gouvernements israéliens, français et britanniques s’étaient réunis secrètement le 24 octobre dans le voisinage de Paris, à Sèvres, et un pacte avait été conclu lors de cette réunion. Le Ministre des Affaires étrangères britannique, Anthony Nutting, a plus tard ouvertement expliqué que l’intervention britannique faisait partie d’une ‘‘conspiration commune avec les Français et les Israélien’’. Les Protocoles de Sèvres stipulaient que ‘‘L’État hébreu attaquera l’Égypte le 29 octobre 1956 dans la soirée et foncera vers le canal de Suez. Profitant de cette agression ‘surprise’, Londres et Paris lanceront le lendemain un ultimatum aux deux belligérants pour qu’ils se retirent de la zone du canal. Si l’Égypte ne se plie pas aux injonctions, les troupes franco-britanniques entreront en action le 31 octobre.’’

    Israël a utilisé le prétexte d’attaques transfrontalières de Palestiniens et du fait que le port d’Eilat avait été fermé par Egyptiens, et sont donc passé à l’offensive le 29 octobre. Le lendemain, comme convenu, les Français et les Britanniques lançaient un ultimatum commun pour imposé aux deux pays de se retirer à une quinzaine de kilomètres du canal.

    L’Égypte a bien entendu refusé cet ultimatum hypocrite. Les troupes britanniques et françaises sont donc intervenues. Les aéroports égyptiens ont été attaqués et, le 5 novembre, la zone de canal a été envahie. 1.000 Egyptiens, principalement des civils, sont décédés lors de l’invasion de Port Saïd.

    La défaite

    Le mouvement ouvrier s’est mobilisé contre cette intervention et, à Londres, une grande manifestation s’est tenue à Trafalgar Square. Lorsque les manifestants sont parvenus aux environs de Downing Street, où réside le Premier Ministre, des confrontations avec la police ont eu lieu.

    Au même moment, une révolte ouvrière éclatait en Hongrie, contre la dictature stalinienne, et cette révolte a été écrasée par les tanks soviétiques. Le même jour, l’Égypte était envahie.

    Les conséquences internationales ont été extrêmes. Les plupart des pays arabes ont rompu leurs relations diplomatiques avec la Grande-Bretagne et la France. Le pipeline britannique de Syrie a été saboté et l’Arabie Saoudite a bloqué les exportations pétrolières destinées à la Grande-Bretagne tandis que les USA exigeaient un retrait d’Égypte. L’Union Soviétique menaçait elle aussi de représailles.

    La faiblesse économique et politique de l’impérialisme britannique a été révélé au grand jour à la lumière de ces évènements. Le canal de Suez a été bloqué, des navires coulés. Très vite, l’essence a dû être rationnée en Grande Bretagne. De leur côté, les Etats-Unis ont refusé d’accorder un emprunt au pays, et ont empêché le gouvernement britannique d’en avoir un de la part du FMI. La Livre britannique a chuté, et ses réserves de monnaie étrangères ont rapidement été épuisées.

    Après six semaines, les troupes britanniques et françaises ont dû quitter l’Egypte, en pleine déroute, de même que les troupes israéliennes. Nasser est apparu comme le grand vainqueur qui avait humilié l’impérialisme. En Grande Bretagne, le Premier Ministre Eden a été brisé politiquement et moralement, et a dû démissionner.

    Après la crise de Suez, le processus révolutionnaire dans la région a connu un nouveau dynamisme.

    Qu’est ce que le nassérisme?

    Nasser est parvenu au pouvoir après un coup d’Etat militaire contre le monarque corrompu Farouk, renversé en 1952. Le Roi Farouk était une marionnette de l’occident, et plus particulièrement de l’impérialisme britannique.

    A ce moment, 6% de la population du pays détenait 65% des terres cultivables tandis que 72% de la population devait se contenter de seulement 13% de la terre. Il y avait des millions de paysans sans terre ou de chômeurs, obligés de vivre dans les bidonvilles du Caire et d’Alexandrie. Les occupations de terres et les grèves s sont développées, mais aucune formation politique des travailleurs n’était en mesure de conduire les ouvriers et les paysans dans la lutte pour le pouvoir. Le colonel Nasser a profité de ce vide politique.

    Ce dernier a opéré diverses réformes, tout en laissant le capitalisme intact. Il recourait à une rhétorique socialiste afin d’obtenir le soutien des ouvriers, mais n’a en même temps pas hésité à arrêter et à faire fusiller des dirigeants de grève. Il désirait recevoir l’appui des puissances occidentales, mais s’est finalement appuyé sur la bureaucratie soviétique en contrepoids contre l’impérialisme. Cet exercice d’équilibre dans son propre pays et face aux pouvoirs étrangers a assuré qu’il devienne un dictateur avec des caractéristiques de type bonapartiste.

  • Contre la dictature des marchés : de l’indignation à la révolution

    Des années durant, on a voulu nous faire avaler que les mouvements de masses étaient choses du passé, enterrées avec le XXe siècle. Mais l’actualité de ce début d’année 2011 s’est écrite au rythme des révoltes – ou révolutions – de masse en Tunisie, en Egypte, en Grèce, en Espagne,… L’enthousiasme provoqué par ces mobilisations s’est notamment concrétisé par la création de centaines de camps se revendiquant des ‘’indignadas’’ à travers le monde et par des manifestations, notamment le 19 juin, dans pas moins de 35 pays simultanément.

    Par Nicolas Croes, article tiré de l’édition d’été de Lutte Socialiste

    Cet élément d’internationalisme et de référence aux luttes d’autres pays est un des facteurs parmi les plus frappants de ce puissant processus. La Puerta del Sol a été envahie le 15 mai dernier en référence aux occupations de places en Afrique du Nord et au Moyen-Orient puis, en un second temps, une multitude de camps ‘’d’indignés’’ ont émergés à la surface du globe. Un mois plus tard, le 15 juin, la mobilisation des indignés devant le parlement catalan à Barcelone a forcé les parlementaires à rejoindre l’enceinte du parlement en hélicoptère, un merveilleux moyen pour passer au dessus de la contestation populaire, au sens propre comme au figuré. Le même jour, en Grèce, la pression des masses a ébranlé le gouvernement, avec une grève générale à l’ampleur extraordinaire – et une participation comprise entre 80 et 100% selon les secteurs ! – rejointe par les ‘’indignés’’ grecs qui avaient commencé leurs occupations le 25 mai. La confédération syndicale grecque des secteurs privés et publics a ensuite appelé à une grève générale de 48 heures fin juin.

    Les journalistes et analystes des grands médias et des prestigieuses universités se trouvent souvent démunis face à ces évènements qui ne cadrent pas avec leurs ‘‘nouvelles’’ grilles d’analyses, et atteignent parfois le grotesque. Ainsi, Alain Bertho – professeur d’anthropologie à l’Université de Paris 8-Saint-Denis, ‘’spécialiste’’ de ce genre de thème après s’être fait connaître par un documentaire intitulé ‘’Les raisons de la colère’’ et avoir écrit le livre ‘’Le temps des émeutes’’ – reste malgré toutes ses études totalement surpris par ce mouvement. Lors d’une interview, à la question ‘’Pourquoi cette révolte se produit-elle aujourd’hui de façon simultanée dans plusieurs régions du monde ?’’, il n’a trouvé d’autre répondre que ‘’Alors ça ! Peut-être que les historiens réussiront à l’expliquer.’’ Voyons ce que les militants marxistes ont à dire à ce sujet avec leur ‘‘vieille’’ grille d’analyse basée sur la lutte des classes…

    Un malaise global

    Dans Lutte Socialiste, nous avons déjà eu l’opportunité de développer les causes sociales véritablement à la base du processus révolutionnaire qui a frappé l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient, et sur lesquelles sont venues naturellement s’ajouter des revendications démocratiques. La logique est ici identique. Derrière le mouvement pour la ‘’démocratie réelle’’ espagnol se trouve un contexte qui se répand et empire à travers le monde, un cocktail détonnant fait de situation sociale catastrophique, d’absence totale de perspectives d’avenir et de partis politiques à la solde de la dictature des marchés.

    En Espagne, il y a actuellement près de cinq millions de sans-emplois (dont 40% des jeunes de moins de 25 ans) et plus de 10 millions de travailleurs engagés dans des contrats précaires et temporaires, avec des salaires inversement proportionnels à l’ampleur de la crainte du lendemain. Cette situation est loin d’être confinée à la péninsule ibérique, comme l’illustrait parfaitement cette jeune femme qui, lors d’une manifestation en Irlande – pays également sévèrement frappé par la crise – portait une pancarte clamant avec angoisse ‘’J’ai émigré d’Espagne, où vais-je maintenant aller ?’’

    En 2009 déjà, alors que la crise ne faisait que commencer, le Bureau International du Travail avait publié un rapport qui dénonçait l’augmentation du chômage parmi la jeunesse ‘’Le chômage des jeunes, qui a augmenté de 7,8 millions de personnes depuis 2007, risque de produire une génération perdue de jeunes gens qui sont sortis du marché de l’emploi et qui ont perdu tout espoir d’obtenir un travail qui leur assure une vie décente.’’ Comment dès lors s’étonner de la révolte, surtout au regard des profits gigantesques que continuent d’engranger les banques, les spéculateurs, les actionnaires, les grands patrons, etc. ?

    La colère trouve sa voie

    Par contre, ils ont été nombreux ceux qui se sont étonnés de la passivité des appareils syndicaux. De même, les derniers qui entretenaient encore des illusions envers la social-démocratie en ont aussi été pour leurs frais. En Espagne et en Grèce, c’est la ‘’gauche’’ capitaliste qui conduit les travailleurs et leurs familles droit vers le gouffre, avec la bénédiction et le soutien de leurs ‘’camarades’’ européens. Cela explique aussi le côté fortement ‘‘antiparti’’ présent dans le mouvement. Nous estimons toutefois qu’il est erroné de rejeter toute intervention ouvertement politiquement organisée dans le mouvement. La démocratie réelle, c’est aussi pouvoir dévoiler son appartenance politique, y compris pour que l’on sache à qui on parle, et pouvoir avoir l’opportunité de défendre loyalement ses positions, ce pour quoi les masses se sont battues et continuent à se battre en Afrique du Nord et au Moyen Orient.

    Quand, le 15 mai, les premiers jeunes plantent leurs tentes Puerta del Sol, ils le font donc sur un terreau de mécontentement largement partagé dans la société, comme en ont témoigné les très nombreuses personnes plus âgées ou militants syndicaux qui ont eux-aussi participé aux Assemblées Populaires et actions des Indignés. En Espagne, une grève générale avait mobilisé pas moins de 10 millions de travailleurs le 29 septembre 2010, à l’occasion d’une journée d’action européenne, mais n’avait été utilisée par les directions syndicales que comme un ‘’one-shot’’ destiné à laisser échapper de la pression au lieu de construire un rapport de forces contre l’austérité. Mais la colère à la base de la société à cherché à trouver une expression. Globalement, cette recette se retrouve partout et, si les degrés divergent, ce n’est qu’une question de temps avant que la sauce ne commence vraiment à être épicée, et la note des plus salées.

    Rôle et pouvoir des assemblées

    Un des autres aspects parmi les plus importants de la révolte des Indignés est représenté par les Assemblées Populaires. Dans la plupart des pays, celles-ci ne rassemblent essentiellement que des militants, des ‘‘indignés de longue date’’. Mais lorsqu’elles sont couplées à un mouvement de masse de la jeunesse et à des mobilisations plus larges dans la population, elles ont un réel potentiel d’être de puissants organes de lutte.

    L’histoire révolutionnaire du mouvement ouvrier est marquée par l’émergence de conseils de travailleurs, d’organes de lutte dans les quartiers et sur les lieux de travail. Il en fut ainsi avec les ‘‘soviets’’ de Russie en 1905 et 1917 (c’est-à-dire les ‘‘conseils’’), en Allemagne en 1918, avec les conseils ouvriers qui ont émergé des luttes contre le stalinisme à Berlin-Est en 1953, en Hongrie en 1956 ou encore en Tchécoslovaquie en 1968. On peut encore parler des conseils ouvriers qui se sont développés en Espagne dans les années ’30 avant ou encore au Chili début des années ’70 avant le coup d’Etat de Pinochet. De même, dans de nombreuses grèves générales, les comités de grève ont dépassé les appareils syndicaux traditionnels et représentaient un grand danger, au même titre que les conseils ouvriers, pour le pouvoir en place. De ces organes, peut naître une nouvelle société.

    Dans un premier temps, ces organes ont à organiser la lutte mais, pour peu qu’ils se basent sur la force du mouvement des travailleurs et recourent à des méthodes telles que la grève générale, ils sont capables de bloquer l’économie et les institutions capitalistes, et de poser la question cruciale : qui est le maître dans les entreprises, dans l’économie et dans l’Etat, les travailleurs ou les capitalistes ?

    En Espagne et en Grèce, les Assemblées Populaires sont encore à leur tout début, leur développement ultérieur est fort loin d’être garanti. Mais si ces Assemblées s’étendent localement, régionalement et au niveau de l’Etat, tout particulièrement sur les lieux de travail, et sont coordonnées par l’élection démocratique de représentants, il est possible de commencer à construire une alternative démocratique à la dictature des marchés capitaliste dans le cadre même de la lutte contre le système, en commençant par l’organisation de la résistance contre les attaques antisociales et le contrôle des dirigeants syndicaux tout en impliquant sans cesse plus de gens dans l’organisation des actions.

    L’alternative que nous défendons est une société basée sur le contrôle démocratique des secteurs-clés de l’économie (finance, énergie, transport,…), c’est-à-dire leur expropriation pour qu’ils soient nationalisés sous le contrôle démocratique de la collectivité, des travailleurs et des jeunes, par l’intermédiaire. A partir de là, l’économie pourrait être orientée vers la satisfaction des besoins de la majorité grâce à une planification démocratique de la production. Le parti que nous construisons internationalement vise à défendre ces positions, pour éviter que l’énergie des masses soit gaspillée.

  • Égypte : Nasser et le nationalisme arabe

    Des millions d’Égyptiens ont renversé Moubarak, le président tant haï. Maintenant, les travailleurs et les jeunes sont en train de discuter de ce qu’il faudrait faire ensuite. Les idées mises en avant par Nasser il y a 50 ans sont en train d’être réexaminées. Dans cet article, David Johnson revient sur l’histoire du régime de Nasser, et sur les leçons qui peuvent en être tirées pour la révolution qui a lieu aujourd’hui.

    David Johnson, Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)

    Les jeunes manifestants de la place Tahrir n’avaient jamais connu que la vie sous Hosni Moubarak, qui a régné pendant 30 ans. Leurs aînés se souviennent par contre de ses prédecesseurs – Gamal Abdel Nasser et Anouar el-Sadate. Certains des travailleurs les plus âgés parlent toujours de la période Nasser, pendant les années ’50 et ’60, comme étant celle du “socialisme” – le parti établi par Nasser s’appelait en effet l’Union socialiste arabe (USA).

    Au cours des années ’70, Sadate a promu le libre marché capitaliste, allant jusqu’à changer le nom de l’UAS en Parti démocratique national – qui a été le parti au pouvoir jusqu’à l’éjection de Moubarak.

    Pendant le 19ème siècle, l’Égypte faisait partie de l’empire turc ottoman, mais en 1882, au cours d’une rébellion nationaliste, l’impérialisme britannique y a envoyé sa flotte et une armée d’occupation. La classe dirigeante britannique désirait protéger le canal de Suez et la route commerciale vers son empire des Indes, de même que ses investissements dans le coton, le principal produit d’exportation de l’Égypte. Le commerce du coton s’est accru pendant les vingt années qui ont suivi, enrichissant ainsi toute une couche de propriétaires terriens. C’est ainsi qu’en 1913, 13 000 propriétaires possédaient près de la moitié de toutes les terres cultivées, tandis qu’un million et demi de paysans n’en avaient que le tiers. Pendant la Première Guerre mondiale, les prix du coton ont fortement grimpé, de sorte que les riches propriétaires ont pu planter encore plus, augmenter leurs immenses profits, mais causant par là des pénuries de nourriture, et la hausse des prix pour les pauvres. De nos jours, l’agriculture égyptienne est également de plus en plus orientée vers des cultures non-vivrières d’exportation.

    Toute une série de financiers et d’hommes d’affaires ont émergé de cette couche de riches propriétaires terriens, grâce au profit obtenu par la production de marchandises qui ne pouvaient plus être importées, à cause de la guerre. L’industrie locale s’est rapidement développée, de sorte que la classe ouvrière s’est agrandie en termes de taille, mais aussi de militance, rejointe par tous les travailleurs employés dans les chemins de fer et dans les ports, secteurs florissants grâce à l’économie de guerre. Les classes capitaliste et ouvrière égyptienne en plein essor se sont alors toutes deux heurtées à un obstacle face à leurs propres intérêts : l’occupation de longue date par l’impérialisme britannique.

    Les capitalistes et les propriétaires terriens désiraient l’indépendance du Royaume-Uni afin de pouvoir consolider leurs intérêts politiques et économiques – mais ils craignaient un mouvement des travailleurs et des campagnes. Des postes gouvernementaux leur accorderaient le prestige et le pouvoir de récompenser leurs relations avec des contrats et des postes. Le plus grand des partis indépendantistes était le Wafd (la Délégation). Quarante pourcent de ses membres étaient des propriétaires terriens, les autres étaient des banquiers, des industriels et des hauts fonctionnaires.

    Les travailleurs désiraient l’indépendance afin de mettre un terme à l’exploitation et à leurs souffrances, qui s’étaient grandement accrues au cours de la guerre. En 1919, une vague de grèves massive et des manifestations ont forcé le gouvernement britannique à accepter des négociations pour l’indépendance. Trois ans plus tard, après des troubles persistans accompagnés de larges grèves, la Déclaration britannique annonçait la création d’un État égyptien “indépendant”, tout en maintenant un veto sur la politique étrangère, en protégeant les intérêts économiques britanniques et en maintenant une garnison britannique le long du canal de Suez.

    Révolution permanente

    Le sultan ottoman a été nommé roi. L’Éypte est ensuite passée par une phase d’instabilité gouvernementale, au cours de laquelle les gouvernements tombaient aussi rapidement qu’ils étaient mis en place – de 1922 à 1952, la durée de vie moyenne des gouvernements était moins d’un an. Les mêmes ministres (dont 60% étaient des propriétaires terriens) se relayaient aux différents postes. Les capitalistes égyptiens étaient incapables et d’ailleurs peu désireux d’accomplir les tâches d’une révolution capitaliste (ou “bourgeoise”) : le rejet de la domination étrangère, la suppression du pouvoir des seigneurs féodaux, le développement d’une économie capitaliste moderne. Les capitalistes, les banquiers et les propriétaires terriens étaient liés les uns aux autres. Tous craignaient la petite mais potentiellement puissante classe ouvrière plus qu’ils ne craignaient l’impérialisme britannique. En 1923, le premier gouvernement du Wafd avait d’ailleurs mis en place des lois visant à réprimer les partis de gauche et à bannir de nombreuses grèves.

    Seule la classe ouvrière, attirant à elle les masses des paysans pauvres, aurait pu accomplir les tâches de la révolution bourgeoise. C’est là l’essence de la théorie de la révolution permanente, développée par Trotsky dans le cadre de la Russie du début du 20ème siècle. Un gouvernement révolutinnaire ouvrier ne s’arrêterait cependant pas à la création des conditions d’un développement harmonieux du capitalisme, mais irait encore plus loin, en nationalisant l’industrie, les banques, et les terres, jetant les bases pour un plan de production socialiste. Un appel aux travailleurs des pays plus avancés sur le plan économique à suivre leur exemple aurait alors pour effet de propager la révolution socialiste partout à travers le monde, et fournirait aussi les ressources matérielles nécessaires au développement des pays pauvres.

    La révolution russe a brillamment confirmé cette théorie. Toutefois, les révolutions qui ont été déclenchées partout en Europe après celle-ci ne sont pas parvenues à produire d’autres États ouvriers. Les dirigeants du mouvement ouvrier soit ne sont pas parvenus à saisir l’occasion de prendre le pouvoir, soit, plus tard, sous l’influence de la bureaucratie stalinienne qui s’est développée dans l’Union soviétique dégénérescente, ont fait dérailler les mouvements révolutionnaires. Néanmoins, les privilèges de de la bureaucratie stalinienne dépendaient de l’économie étatique soviétique – un retour au capitalisme aurait signifié la perte de leur pouvoir. Les avantages de la planification étatique ont résulté en une rapide croissance économique, bien qu’à un cout bien plus élevé que si la démocratie ouvrière des premiers jours de la révolution avait survécu.

    Le Parti communiste égyptien a été fondé en 1922, mais était essentiellement basé parmi les minorités ethniques et religieuses. Il a suivi la ligne politique désastreuse prônée par Staline, et n’est jamais parvenu à devenir une force de masse. Au lieu de ça, la déception face aux maigres résultats fournis par l’indépendance ont mené à la croissance de l’association des Frères musulmans, fondée en 1928.

    La crise qui a suivi la Seconde Guerre mondiale a contraint l’armée britannique à ordonner au roi Farouk de former un gouvernement Wafd, tandis que les tanks britanniques devant son palais garantissaient qu’il comprenne bien le message. Cette action a encore une fois révélé à quel point au final le pouvoir demeurait entre les mains de l’impérialisme. Elle a aussi révélé la faiblesse et l’hypocrisie de la classe dirigeante égyptienne, y compris du Wafd, qui vingt ants auparavant militait pour l’indépendance. Une période de stagnation et de conflit entre le roi et le gouvernement s’en est suivie, chacun tentant de placer ses propres partisans aux postes de pouvoir.

    Bien que l’économie du pays s’était accruee entre 1922 et 1952, le niveau de vie de la plupart des gens avait chuté. Le fossé entre les riches et les pauvres s’accroissait. Il était courant de prester des journées de 15 heures, et les usines employaient encore des enfants âgés de moins de dix ans. En 1950, seuls 30% des enfants recevait une éducation secondaire. Il y avait en 1952 deux millions de travailleurs dans l’industrie, soit un dixième de la force de travail. Des grèves de plus en plus larges, voire générales, ont eu lieu après la guerre, avec des manifestations d’étudiants et autres. Les partis et les journaux de gauche étaient interdits, et les militants arrêtés.

    La prise du pouvoir par les Officiers libres

    En 1947, la résolution des Nations-Unies qui divisait la Palestine en deux, préparant la formation d’Israël, a alimenté la colère, qui s’est accrue après la défaite de l’armée égyptienne au cours de la guerre de 1948. En 1949, treize officiers désaffectés ont commencé à se réunir en secret. Ils étaient tous âgés de 28 à 35 ans, fils de petits propriétairs terriens ou de fonctionnaires gouvernementaux. Nasser est devenu président de ce Mouvement des officiers libres. Sadate en était un des membres fondateurs.

    Le Mouvement a graduellement commencé à gagner en influence auprès des autres officiers. Lorsque, le 20 juillet 1952, un autre gouvernement faible a démissionné après seulement 18 jours, les Officiers libres sont entrés en action. Au cours de la nuit du 22 au 23 juillet, les troupes ont pris le contrôle de tous les bâtiments, routes et ponts stratégiques du Caire. Le roi corrompu s’est vu ordonner de prendre l’exil. C’est Sadate qui a annoncé la prise du pouvoir à la radio. Nasser est devenu vice-premier ministre et ministre de l’Intérieur, puis premier ministre et président en 1954.

    Les Officiers libres représentaient la frustration de la classe moyenne par rapport à l’échec complet des politiciens capitalistes à développer la société. Contrairement à la faible classe propriétaire-capitaliste, l’armée était une force puissante et organisée. Les officiers désiraient le pouvoir politique, et se sont opposés à toute action indépendante de la part de la classe ouvrière. En janvier 1953, tous les partis politiques furent dissous. Tout comme les autres régimes du “tiers-monde” de cette période, l’armée égyptienne a joué un rôle “bonapartiste”, liguant les différentes classes sociales et groupements politiques les uns contre les autres afin de maintenir un équilibre. La presse, les conseils communaux et l’Ordre des avocats ont été purgés. En 1954, l’association des Frères musulmans a été bannie, ses dirigeants arrêtés et exilés en Arabie saoudite, de laquelle ils allaient revenir bien plus tard, après avoir adopté la version la plus extrême de l’islam wahhabite.

    Le programme du nouveau gouvernement parlait de nationalisme et de justice sociale. Ses objectifs étaient la destruction de l’impérialisme, l’éradication du féodalisme et la fin des monopoles. Toutefois, il n’y avait pas une politique économique claire, l’économie étant censée continuer sur base de la propriété privée. « Nous ne sommes pas socialistes. Je pense que notre économie ne peut prospérer que sur base de la libre entreprise », disait ainsi Gamal Salim, un des chefs des Officiers libres.

    Néanmoins, la plupart des capitalistes étaient pris de panique et beaucoup d’entre eux ont décidé d’émigrer. Les investissements dans le secteur privé ont fortement chuté, forçant le régime à aller dans une nouvelle direction. Une des premières mesures a été la réforme agraire, qui limitait la taille des possessions terriennes à 80 hectares. L’infime minorité de très gros propriétaires qui avaient dominé les précédents gouvernements a ainsi perdu la base économique de son pouvoir. Quinze pourcent des terres cultivées a été transféré à des paysans sans terre. Des coopératives ont été créées pour fournir des crédits à bas taux d’intérêt, des graines et des engrais. Mais plus de la moitié de la population rurale pauvre demeurait sans terre, les principaux gagnants étant les petits propriétaires.

    La crise du canal de Suez

    Deux superpuissances mondiales avaient émergé à la suite de la Seconde Guerre mondiale : les États-Unis et l’URSS. Elles essayaient toutes deux d’étendre leur sphère d’influence, ce qui les faisait entrer en conflit l’une avec l’autre dans de nombreuses régions du monde. Puisque leur arsenal nucléaire les menaçait toutes deux de “destruction mutuelle assurée”, les conflits prenaient la forme de guerres par agent interposé entre leurs régimes vassaux. Les gouvernements dits “non-alignés”, comme le régime de Nasser, tentaient de maintenir un équilibre entre ces deux superpuissances.

    En 1955, Nasser a indiqué un revirement de sa position en commandant des armes à l’URSS. Ceci pourrait avoir été un outil de pression afin d’obtenir plus d’armes de la part des USA. Il avait confié à l’ambassadeur américain qu’il préférait toujours une aide militaire américaine. Le pacte de Bagdad, signé en 1955 par le gouvernement britannique, avait aussi mis Nasser en colère. Ce traité crucial confirmait le maintien des intérêts de l’impérialisme en Iran, en Iraq et ailleurs au Moyen-Orient. Nasser s’était aussi attiré les foudres du gouvernement français en refusant d’appeler à la fin de l’insurrection en Algérie contre l’occupation française. Les mouvements indépendantistes se propageaient alors comme un feu de brousse à travers toutes les vieilles colonies européennes.

    Le gouvernement égyptien était au même moment en train de négocier des emprunts internationaux pour pouvoir construire le barrage d’Assouan – un immense projet qui allait grandement accroitre la superficie des terres cultivables et générer l’électricité nécessaire à l’industrialisation du pays. Les États-Unis et le Royaume-Uni avaient offert d’avancer l’argent pour couvrir un cinquième du cout, espérant que cela leur permettrait de se payer une influence auprès du régime. Toutefois, après le contrat d’armes en provenance de l’URSS, les États-Unis ont annulé leur offre en juillet 1956.

    Nasser a répondu à cela en annonçant la nationalisation du canal de Suez. La proclamation a été faite lors d’un meeting de masse à Alexandrie, où il expliquait que les revenus tirés du canal permettraient de financer le barrage. Un témoin a décrit la manière dont « Les gens sont devenus fous d’excitation ». À l’époque, l’exploitation du canal revenait à une compagnie française dont le principal actionnaire était le gouvernement britannique (la Compagnie universelle du canal maritime de Suez, aujourd’hui connue sous les noms de “GDF Suez” , NDT).

    Ces deux gouvernements s’associèrent en secret avec le gouvernement israélien pour lancer une invasion de l’Égypte en octobre 1956. Cette invasion s’est révélée désastreuse pour le Royaume-Uni et pour la France, qui sont parvenues à atteindre leurs objectifs militaires, mais en suscitant une énorme opposition internationale. Les masses arabes partout au Moyen-Orient soutenaient le régime Nasser. Au Royaume-Uni, il y avait une opposition de masse. Le gouvernement américain voyait ses intérêts régionaux menacés, et exigeait la fin de l’invasion, allant jusqu’à imposer des sanctions économiques contre le Royaume-Uni. Ces trois gouvernements se sont vus forcés à une retraite humiliante. Au même moment, des tanks soviétiques parcouraient la Hongrie pour y réprimer la révolution politique qui y était en cours.

    Contrôle étatique de l’économie

    Nasser est sorti du conflit avec la réputation d’un dirigeant qui osait défier l’impérialisme – au contraire de tous les pseudo-nationalistes bourgeois qu’il avait remplacé. Il a immédiatement nationalisé les banques et entreprises françaises et britanniques. Deux mois plus tard, le reste du secteur bancaire et des compagnies d’assurance était nationalisé.

    Après l’échec du secteur privé à investir entre 1952 et 1956, la plupart de l’industrie, des entreprises commerciales et des autres services ont été nationalisés. Puis on est passé au contrôle étatique sur le commerce avec l’étranger, à la taxation progressive et à la confiscation de la propriété des 600 plus riches familles du pays. L’investissement d’État a renforcé l’industrie, dont la part dans le PIB est passée de 10% en 1952, à 20% en 1962. Le barrage d’Assouan a été terminé en 1968, triplant la production d’électricité.

    Entre 1952 et 1967, les salairs reéls ont augmenté de 44%, sans compter les subsides sur l’alimentation, la réduction du temps de travail, et la sécurité sociale. L’enseignement primaire est devenu gratuit en 1956, de même que l’enseignement secondaire en 1962, lorsque l’on garantissait à tous les diplômés un emploi dans le secteur public. Le nombre d’étudiants s’est accru de 8% par an entre 1952 et 1970. Le nombre d’employés d’État est passé de 350 000 en 1952 à 1,2 million en 1970, puis 1,9 millions en 1978.

    Ces mesures reflétaient l’équilibre des forces au niveau mondial ainsi qu’en Égypte. Le monde connaissait alors une période sans précédent de croissance écononique quasi ininterrompue et d’une ampleur jamais vue auparavant. Après la débacle de Suez, l’impérialisme était incapable d’intervenir en Égypte. La Russie stalinienne soutenait ce régime qui ressemblait tant au sien.

    En 1957, le contrôle étatique a transformé les syndicats en une de ses institutions ; les dirigeants syndicaux étaient grassement rémunérés pour empêcher toute organisation ou lutte ouvrière indépendante. Aucun élément de contrôle ouvrier ou de démocratie ouvrière n’était autorisé, sans lesquels le socialisme authentique ne peut exister. L’opposition était brutalement réprimée, y compris le Parti communiste. Les petits-bourgeois qu’étaient les Officiers libres trouvaient très attirante l’absence de droits démocratiques qui leur accordait un pouvoir sans conteste.

    Malgré le fait que le régime se décrivait comme étant du “socialisme arabe”, le capitalisme survivait en Égypte, bien que sous une forme déformée. Le capitalisme égyptien avait été trop faible pour se développer sans une intervention étatique massive. Sadate et Moubarak ont plus tard lancé des privatisations sans pour autant changer la nature de l’État – les secteurs clés de l’économie étant alors repris par des chefs de l’état-major et par des proches de Moubarak.

    Le nationalisme arabe

    En 1919, le Royaume-Uni, la France et la Turquie avaient redessiné entre eux la carte du Moyen-Orient, reflétant leurs propres intérêts impérialistes. L’appel au “pan-arabisme” qui embrassait l’ensemble de la région était en partie une réaction à ces États créés de manière artificielle, et aussi face au terrible héritage laissé par l’exploitation capitaliste. Nasser a utilisé le nouveaux média de cette période, la radio, pour obtenir une audience de masse à travers l’ensemble du Moyen-Orient. La Voix des Arabes, une station radio basée au Caire, lancée en 1953, surmontait les frontières nationales et l’analphabétisme, diffusant les idées du nationalisme arabe directement par-dessus la tête des autres gouvernements.

    En 1957, la Syrie traversait une profonde crise politique ; sa classe capitaliste était faible et incapable de gérer le pays. Les deux partis les plus influents étaient le Baas (Renaissance) et le Parti communiste (PC). Le PC, comme tous les autres partis staliniens, ne proposait ni un programme d’action indépendante de la classe ouvrière ni le socialisme. Ces deux partis espéraient pouvoir récupérer une partie de la popularité de Nasser, et l’ont approché avec des plans visant à unifier les deux pays. Les chefs de l’état-major syrien étaient eux aussi en faveur de ce plan. Parmi les conditions de Nasser pour l’unification, se trouvaient le démantèlement de tous les partis politiques, à part un parti unique contrôlé par l’État.

    C’est ainsi qu’a été fondée la République arabe unie (RAU), en 1958, renforçant encore plus la réputation de Nasser à travers l’ensemble du monde arabe. L’impact de cette union a mené la même année à la révolution en Iraq, et a presque causé la chute des gouvernements au Liban et en Jordanie.

    Cependant, aucun autre État n’a rejoint la RAU, et la Syrie a fini par la quitter après trois ans. Le programme de réforme agraire avait mis en colère les propriétaires terriens syriens, tandis que les capitalistes syriens refusaient les nationalisations. Les politiciens et les officiers militaires étaient mécontents de leur exclusion du pouvoir. La classe ouvrière, les ouvriers agricoles et les paysans n’avaient pas le droit de former leurs propres organisations et n’avaient aucun contrôle démocratique sur l’État.

    Un véritable État ouvrier aurait obtenu un soutien de masse grâce à la hausse du niveau de vie, à des programmes en faveur de l’éducation et d’une sécurité sociale. Une fédération d’États socialistes démocratiques aurait pu devenir un exemple éclatant pour l’ensemble du monde arabe. Mais un régime bureaucratique sans droits démocratiques et qui ne rompait pas pleinement avec le capitalisme était incapabe de surmonter les contradictions de l’État-nation. Chaque classe dirigeante mettait ses propres intérêts égoïstes avant tout.

    Après l’échec de la RAU, Nasser s’est encore plus tourné en direction de l’Union soviétique, avec encore plus de nationalisations. En 1962, une charte nationale définissait les objectifs de la révolution : “Liberté, socialisme, unité arabe”. Le parti officiel d’État a été renommé “Union socialiste arabe”, dont une partie allait en 1976 devenir le Parti national démocratique, qui allait constituer la base des régimes de Sadate et de Moubarak. (En novembre dernier, toute une série d’hommes d’affaires ont payé d’immenses sommes pour pouvoir devenir candidats du PND aux élections à la soi-disant assemblée populaire, sachant que le fait d’être élu les aiderait à obtenir des contrats gouvernementaux).

    Nasser soutenait la révolution algérien contre le régime colonial français, puis a soutenu en 1962 le renversement de la famille royale yéménite. Près de la moitié de l’armée égyptienne a été envoyée pour se battre au Yémen, où elle a subi de lourdes pertes pendant les cinq années suivantes. Sans un appel de classe envers les travailleurs et les pauvres, lié à un programme socialiste incluant la redistribution des terres et des droits démocratiques, les troupes égyptiennes se sont retrouvées embourbées dans une sanglante guerre civile.

    Cette intervention a été suivie en 1967 par la guerre de Six Jours contre Israël qui s’est soldée par une lourde défaite militaire, vu l’ampleur des pertes subies par les forces armées égyptiennes lors de leur intervention prolongée au Yémen. Pendant les tous premiers jours de cette guerre, le gouvernement égyptien a maintenu toute une série d’histoires concernant ses prouesses militaires, même alors que l’ensemble sa force aérienne avait été détruite et que son armée avait subi d’importants dommages.

    Nasser a assumé la pleine responsabilité de ses actes et a démissionné. Mais une manifestation de masse au Caire a demandé qu’il reste. Pendant 17 heures, les gens ont refusé de quitter les rues, jusqu’à ce qu’il retire sa démission. Toutefois, il n’a jamais pu regagner l’autorité dont il jouissait auparavant auprès des masses arabes. Des émeutes d’étudiants ont éclaté en 1968, en guise de protestation contre les responsables de la défaite militaire, mais reflétant aussi un mécontentement plus profond.

    Néamoins, lorsque Nasser est décédé en 1970, on estime à dix millions le nombre de gens qui sont descendus dans les rues pour assister à son enterrement. L’héritage de Nasser persiste, avec la nostalgie des années d’anti-impérialisme, de hausse du niveau de vie et d’amélioration de l’éducation.

    Le nassérisme de nos jours

    À l’époque, l’idée du socialisme bénéficiait d’un soutien large parmi les travailleurs, les pauvres et les jeunes partout dans le monde. Malgré le fait qu’il utilisait le mot “socialisme”, Nasser jouait en fait sur la rivalité entre l’impérialisme occidental et les États ouvriers déformés staliniens. Sans l’implication de la classe ouvrière, accompagnée des pauvres ruraux et urbains, le socialisme authentique ne peut être construit. Au lieu de ça, la voie était pavée pour les contre-réformes de Sadate et de Moubarak, basées sur le fait de donner un plus grand rôle au marché capitaliste.

    La population égyptienne est plus de deux fois plus grande qu’elle ne l’était dans les années ’60. La classe ouvrière est beaucoup plus grande, incluant de nombreuses personnes qui travaillent dans des usines géantes employant des milliers de personnes. La plupart vivent maintenant dans des villes. Il y a aujourd’hui une base bien plus forte qu’il y a un demi-siècle pour la fondation d’un socialisme démocratique dirigé par la classe ouvrière, et soutenu par les pauvres ruraux et urbains.

    La situation internationale en 2011 est complètement différente. L’Union soviétique a disparu, laissant la place à un monde dominé par une seule superpuissance. Mais les États-Unis et le capitalisme mondial ne sont plus dans la situation de pleine croissance longue de 25 ans qu’ils ont connue dans les années ’50 et ’60. Bien au contraire, ils se trouvent au beau milieu de la pire crise financière qu’ils aient connue depuis les 80 dernières années. Il n’y a aucune possibilité pour le développement rapide d’un nouveau gouvernement égyptien capable de fournir des emplois et de rehausser le niveau de vie, s’il demeure dans le cadre du capitalisme.

    L’idée de pan-arabisme a elle aussi changé. Bien qu’un fort sentiment de solidarité ait poussé la vague révolutionnaire partie de Tunisie à se propager à travers l’ensemble de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, les pays qui ont été formés de manière artificielle par les impérialistes européens il y a maintenant près d’un siècle ont depuis développé chacun leur propre identité nationale. Les manifestants brandissent leurs drapeaux nationaux, symbolisant leur désir de récupérer leur État qui se trouve entre les mains de dictateurs corrompus. Plutôt qu’un État arabe unifié tel que Nasser a tenté de le bâtir, une fédération démocratique d’États socialistes recevrait maintenant un large soutien à travers l’ensemble de la région. Mais l’idée du socialisme est aujourd’hui moins populaire, en conséquence de l’effondrement du stalinisme et de toutes ses retombées. La tâche des socialistes est de rebâtir ce soutien en le liant à un programme qui réponde à l’ensemble des problèmes auxquels sont aujourd’hui confrontés les travailleurs, les pauvres et les jeunes.

  • [DOSSIER] Hausse des prix: Une réponse socialiste

    En février, nous avons payé nos achats en moyenne quasiment 3,4% plus cher que l’an dernier, la plus forte augmentation de l’inflation depuis octobre 2008. Grâce à l’indexation automatique des salaires, cela sera heureusement compensé – avec retard et de façon partielle seulement. Mais juste au moment où cette indexation doit nous protéger de la perte de pouvoir d’achat, le patronat lance son offensive. Il peut compter sur l’appui des institutions internationales. Quelle est la réponse socialiste face aux hausses des prix ?

    Par Eric Byl

    Comment expliquer les hausses des prix?

    Souvent, on associe la crise aux hausses des prix ou à l’inflation. C’est pourtant l’inverse en général. Les crises vont de pair avec des baisses de prix, la déflation, alors que les reprises s’accompagnent d’une hausse de l’inflation. En temps de crises, lorsque les produits se vendent plus difficilement, les patrons ont tendance à baisser les prix. Ils diminuent les coûts de production, surtout les salaires, ou se contentent d’une marge de profit plus restreinte. Lors de la reprise, ils essayent alors de vendre à des prix plus élevés afin de rehausser la marge de profit. Dans un monde où l’offre et la demande s’adapteraient de façon équitable, les prix évolueraient de façon assez stable autour de la valeur réelle du produit, c.à.d. la quantité moyenne de temps de travail nécessaire pour produire la marchandise, de la matière première au produit fini.

    Mais le monde réel s’accompagne de changements brusques, avec des accélérations soudaines et des ralentissements abrupts. La nature ellemême connait de nombreux caprices. De mauvaises récoltes en Russie et en Ukraine, pour cause de sécheresse, ont contribué à faire augmenter les prix de la nourriture. Un système de société peut tempérer ces caprices, les corriger, mais aussi les renforcer. Les incendies de forêts, les tempêtes de neige, les inondations, les tremblements de terres et les tsunamis s’enchaînent, avec en ce moment au Japon la menace d’une catastrophe nucléaire. Nous ne connaîtrons avec certitude la mesure exacte de l’impact humain sur le réchauffement de la planète qu’au moment où la recherche scientifique sera libérée de l’emprise étouffante des grands groupes capitalistes. Mais que la soif de profit pèse sur l’être humain et son environnement, conduit à la négligence des normes de sécurité et à des risques inacceptables, le PSL partage avec beaucoup cette conviction.

    La Banque Mondiale estime que la hausse des prix de l’alimentation a, depuis juin 2010, poussé 44 millions de personnes en plus dans l’extrême pauvreté. Son index des prix de l’alimentation a gagné 15% entre octobre 2010 et janvier 2011. Diverses raisons sont citées: la croissance démographique dans les régions pauvres, la demande de biocarburants, la sécheresse, les inondations et d’autres catastrophes naturelles, la faillite de paysans africains face à la concurrence des excédents agricoles de l’occident, la spéculation qui accélère les hausses des prix. La hausse des prix de l’alimentation et la montée du coût de la vie ont constitué des éléments primordiaux dans les révolutions au Moyen- Orient et en Afrique du Nord.

    Le seul système qui fonctionne?

    L’establishment prétend que le capitalisme est le seul système de société qui fonctionne. La noblesse féodale et les esclavagistes avant elle prétendaient de même à leur époque concernant leurs systèmes. Chaque système fonctionne, il n’existerait pas sinon. Il répond toujours à un certain degré de développement de nos capacités productives. Dès qu’un système de société devient un frein à l’application de savoirs scientifiques et techniques, il provoque le chaos plutôt que le progrès. C’est alors que le moteur de l’histoire se déclenche; la lutte des classes.

    Brûler des combustibles fossiles est un gaspillage de richesses livrées par des processus naturels qui ont pris des millions d’années, et c’est catastrophique pour notre environnement.

    Nous le savons depuis plusieurs dizaines d’années. Mais depuis ce temps, la recherche scientifique concernant les sources d’énergies alternatives est sabotée par les fameuses ‘’sept soeurs’’, les sept sociétés pétrolières les plus grandes au monde. Des moteurs actionnés par hydrogène, énergie solaire et éolienne, masse bio, etc. sont trop menaçants pour leurs profits. Au lieu d’orienter la recherche vers les énergies renouvelables, elle a pratiquement été exclusivement consacrée au développement du nucléaire ‘’bon marché’’. Avec la ponctualité d’une horloge, nous sommes rappelés à la réalité des dangers de cette technologie.

    Ce n’est pas une surprise si la demande d’énergie augmente. On aurait pu investir depuis longtemps pour des économies d’énergie et dans le développement de sources d’énergie renouvelables. Mais ce n’est pas ainsi que fonctionne le capitalisme.

    Les investisseurs privés ne sont intéressés que s’ils peuvent récupérer à cout terme leur investissement, avec une bonne marge de profit. C’est valable pour les mesures d’économies d’énergie et pour l’énergie renouvelable tout autant que pour les combustibles fossiles plus difficiles à extraire, par exemple. Avec la spéculation, le manque d’investissements pour garantir une offre suffisante a été à la base de la forte envolée des prix du pétrole, jusqu’à atteindre 147$ le baril, il y a deux ans. La récession a fait retomber la demande et le prix, mais le problème a continué à proliférer. La perversité du capitalisme s’exprime dans la réaction des ‘‘marchés’’ face aux insurrections démocratiques contre les dictateurs corrompus au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Les ‘‘marchés’’ craignent que la démocratie menace l’approvisionnement en pétrole. Au cas où la dictature en Arabie-Saoudite succomberait elle aussi, un prix de 200$ ou plus est à l’horizon pour le pétrole. Pour l’économie capitaliste mondiale, cela équivaudrait à une crise cardiaque.

    Les prix de l’énergie et de l’alimentation en hausse en Belgique

    Cette perversité du capitalisme échappe à ceux qui plaident pour la mise sous curatelle de l’indexation salariale en Belgique. Ils savent que les prix du pétrole et de l’alimentation sont en hausse partout dans le monde, ce qu’ils n’expliquent pas par le capitalisme, mais comme quelque chose qui nous tombe dessus tel un phénomène naturel. Ce ‘‘phénomène naturel’’ s’infiltre en Belgique. Les prix de l’énergie et de l’alimentation, surtout, ont augmenté en flèche ces derniers temps. Sans produits liés à l’énergie – le fuel, le diesel, le gaz et l’électricité – l’inflation serait plus basse de moitié.

    La bourgeoisie belge préfère couper dans l’investissement pour le renouvellement de la production. Aujourd’hui, elle se trouve à la queue du peloton en termes d’investissements dans la recherche et le développement. Nos politiciens en sont le parfait miroir. Depuis des années, ils économisent sur les investissements nécessaires dans l’entretien des routes, des bâtiments scolaires, de l’infrastructure ferroviaire, etc.

    Nous en subirons les conséquences des années encore. ‘’Si la politique énergétique de nos autorités ne change pas immédiatement, des coupures d’électricité se produiront, littéralement’’. C’était la conclusion d’une récente émission de Panorama. ‘’La Belgique manque d’électricité parce que nos gouvernements ont fait construire trop peu de centrales et parce que le réseau à haute tension qui devrait importer du courant supplémentaire n’a pas la capacité de répondre à la demande.’’ Mais GDF Suez, la maison mère d’Electrabel, a réalisé l’an dernier un profit record de 4,62 milliards d’euros.

    Le secteur de l’énergie n’est pas le seul à manier des marges de profits indécentes. Selon le rapport annuel de l’observatoire des prix, les hausses des prix des matières premières mènent à des adaptations de prix exagérées en Belgique. En plus, cela n’est qu’à peine corrigé lorsque les prix des matières premières reculent. Toutes les chaines de supermarchés le font. Ce sont les prix des produits de base tels que les pommes de terre, les oignons, le fuel et le gaz qui haussent fortement. Des marchandises moins couramment achetées, comme les télévisions à écran 16/9e ou les PC, ont vu leur prix baisser.

    Indexation des salaires, un acquis du mouvement ouvrier

    Il existe des moyens de tempérer les caprices de la nature et du système capitaliste. La classe ouvrière en a arraché plusieurs durant le siècle précédent. Ainsi, après la révolution Russe de 1917 et la vague révolutionnaire qu’elle a engendrée, un index des prix à la consommation a été obtenu dès 1920 en Belgique. A l’origine, seul un nombre limité de conventions collectives avaient introduit l’indexation automatique des salaires. Mais après chaque grande grève, ce nombre s’est élargi.

    Dans son Programme de Transition de 1938, Trotsky plaidait en faveur de l’échelle mobile des salaires, l’appellation contemporaine de l’adaptation automatique des salaires au coût de la vie, afin de protéger les foyers des travailleurs de la pauvreté. Parallèlement, il plaidait aussi pour l’introduction d’une échelle mobile des heures de travail, où l’emploi disponible est partagé entre tous les travailleurs disponibles, cette répartition déterminant la longueur de la semaine de travail. ‘’Le salaire moyen de chaque ouvrier reste le même qu’avec l’ancienne semaine de travail. La “possibilité” ou l’ “impossibilité” de réaliser les revendications est, dans le cas présent, une question de rapport des forces, qui ne peut être résolue que par la lutte. Sur la base de cette lutte, quels que soient ses succès pratiques immédiats, les ouvriers comprendront mieux toute la nécessité de liquider l’esclavage capitaliste.’’

    Après la deuxième guerre mondiale, le rapport de forces était favorable au mouvement ouvrier. Le système a graduellement été introduit dans tous les secteurs. Mais comme toute victoire du mouvement ouvrier, cet acquis aussi a été attaqué dès que le rapport de forces a commencé à se modifier. En 1962, le ministre des affaires économiques, Antoon Spinoy (PSB !) a essayé de retirer de l’index la hausse des prix des abonnements sociaux pour le transport public. En 1965, ce même gouvernement a à nouveau essayé, cette fois-ci avec le prix du pain. En 1978, de nouveau avec le PSB, le gouvernement a réussi à remplacer les produits de marques compris dans l’index par des produits blancs. En mars 1976, la loi de redressement de Tindemans – Declercq a aboli l’indexation pour la partie du salaire supérieure à 40.250 francs belges (1.006,25 euros). Cette mesure sera retirée en décembre, suite à la résistance de la FGTB.

    La victoire du néolibéralisme à la fin des années ’70 et au début des années ’80 a conduit à des attaques systématiques contre le mécanisme de l’indexation. Le gouvernement de droite des libéraux et des chrétiens-démocrates a appliqué trois sauts d’index entre 1984 et 1986. A trois reprises, donc, l’indexation des salaires n’a pas été appliquée. Ceci continue encore aujourd’hui à agir sur les salaires. En 1994, le gouvernement de chrétiens-démocrates et de sociaux-démocrates a retiré le tabac, l’alcool et l’essence de l’index ‘’santé’’. Depuis, dans divers secteurs, des accords collectifs all-in et saldo ont été introduits. Ces accords neutralisent en partie l’effet de l’indexation des salaires.

    La Belgique est-il le seul pays où s’app lique l’indexation automatique des salaires ?

    Dans certains secteurs de l’industrie aux États-Unis et en Grande-Bretagne, de tels accords étaient largement répandus jusqu’en 1930. En Italie, cela a été introduit dans les années ’70, mais a, depuis, été partiellement aboli. Au Brésil, au Chili, en Israël et au Mexique, l’indexation salariale a été abolie cette dernière décennie.

    Aujourd’hui, l’indexation automatique des salaires ne s’applique plus qu’en Belgique et au Luxembourg. A Chypre, elle existe aussi, mais ne s’applique pas à tous les travailleurs. En Espagne, au Portugal, en Finlande, en Italie, en Pologne et en Hongrie, des mécanismes d’indexation salariale sont repris dans des accords de secteurs où dans des contrats individuels. En France, en Slovénie et à Malte, les salaires minimaux sont indexés.

    D’abord produire, ensuite partager

    Dans leurs attaques contre l’indexation automatique, les politiciens et les économistes bourgeois accentuent toujours qu’il faut ‘’d’abord produire les richesses avant de pouvoir les partager’’. Il faut raconter cela au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ! Tant Moubarak que ses fils Gamal et Alaa sont milliardaires. De l’ancien dictateur Tunisien Ben Ali et sa famille, il est connu qu’il dispose d’une fortune immobilière correspondant à une valeur de 3,7 milliards d’euros en France uniquement. Les barons du textile belge qui ont massivement délocalisé vers la Tunisie dans les années ’70 y sont devenus indécemment riches. Combien de richesses faut-il avant que le partage ne commence ?

    Ce n’est pas de cela qu’ils parlent, mais bien des effets soi-disant pervers de l’indexation de salaires. Ainsi, l’indexation créerait selon Thomas Leysen dans Le Soir du 19 mars, une perception erronée de la marge salariale. L’économiste Geert Noels appelle cela ‘’le handicap concurrentiel automatique’’. Pour le professeur en économie Joep Konings (KULeuven) l’indexation automatique protège les habituels bien payés, mais complique l’accès aux emplois pour ceux qui n’en ont pas, puisque les entreprises seraient plus prudentes avant de recruter: ‘’Abolir l’indexation salariale automatique serait donc une mesure sociale.’’ Il rajoute qu’il faut l’accompagner de l’abolition de l’indexation des allocations sociales, au risque de voir la différence entre travailler ou ne pas travailler se réduire.

    Unizo, l’organisation des petits patrons en Flandre, plaide en faveur de ‘’quelques sauts d’index’’. Le professeur Peersman (UGand) veut annuellement adapter le salaire aux objectifs de la Banque Centrale Européenne. Son collègue De Grauwe (KULeuven) veut retirer le coût de l’énergie importée de l’index. Wivina Demeester, ancienne ministre CD&V, plaide pour une indexation en chiffres absolus au lieu de pourcentages. Mais selon De Grauwe, cela rendrait le travail non qualifié relativement plus cher et aurait par conséquent un effet non souhaitable. La Banque Nationale s’en tient à mettre en garde contre une spirale salaire-prix où des hausses de prix entraineraient des augmentations salariales qui seraient compensées par de nouvelles hausses de prix et ainsi de suite. Ce n’est pas un nouvel argument. Elle veut nous faire croire que lutter pour des augmentations salariales n’a pas de sens.

    Marx a déjà répondu à ces argument il y a 150 ans dans sa brochure ‘’Salaire, prix, profit’’ En réalité, le patron essaye d’empocher lui-même une partie aussi grande que possible de la valeur que nous avons produite. La peur de l’inflation n’a jamais freiné les patrons à empocher le plus de profits possibles. Avec un profit à hauteur de 16 milliards d’euros, une hausse d’un tiers comparée à 2009, les plus grandes entreprises belges disposent à notre avis de beaucoup de marge. En plus, des dividendes sont royalement versés aux actionnaires. Le producteur de lingerie Van de Velde, pour donner un exemple, a versé en 2010 quelque 70% du profit réalisé à ses actionnaires. Même en pleine crise, en 2009, les patrons des entreprises du Bel 20 s’étaient accordés en moyenne une augmentation salariale de 23%.

    Contrôles des prix

    Il n’y a rien à reprocher aux travailleurs en Belgique. Nous sommes toujours parmi les plus productifs du monde, loin devant nos collègues des pays voisins. Grâce à notre mécanisme d’indexation, la demande intérieure a mieux résisté à la crise de 2009 que dans d’autres pays, y compris en Allemagne. La contraction économique et le recul des investissements ont été moindres, tout comme la hausse du chômage. A l’époque, tout le monde a reconnu que c’était dû aux prétendus stabilisateurs automatiques, ce qui fait référence à la sécurité sociale et au mécanisme d’indexation.

    Nos prix de l’énergie sont largement plus élevés que ceux pratiqués à l’étranger. Des profits énormes sont drainés vers les poches des actionnaires, qui ne se trouvent d’ailleurs pas tous en France. De plus, en Belgique, l’industrie est très dépendante de l’énergie, mais là aussi on investit à peine dans une utilisation rationnelle de l’énergie. Nulle part ailleurs en Europe autant de voitures d’entreprises ne sont utilisées à titre de compensation salariale afin d’éviter des charges sociales. En comparaison des pays voisins, il y a en Belgique très peu de logements sociaux. Nos bâtiments résidentiels, tout comme nos bâtiments scolaires vieillis, sont extrêmement mal isolés et souvent encore chauffés au fuel, d’où les plaidoyers pour des contrôles transparents sur les prix.

    Le SP.a vise en premier lieu les prix de l’énergie. Le PS veut s’attaquer à l’inflation par des contrôles des prix d’au moins 200 produits. Nous sommes un peu étonnés que personne n’ait encore proposé d’introduire, à côté de la norme salariale, une norme des prix, où les prix ne pourraient monter plus que la moyenne pondérée des prix pratiqués dans nos pays voisins. Pour beaucoup de gens, le contrôle des prix de l’alimentation, de l’énergie et du loyer serait le bienvenu. Au Venezuela, Chavez a également introduit des contrôles des prix sur les denrées alimentaires, mais les rayons sont presque vides. Morales en Bolivie s’est heurté à une grève des employeurs lorsqu’il a voulu bloquer les prix des tickets de bus. Les propriétaires ont organisé un lock-out.

    Nous ne croyons pas que cela se produirait facilement en Belgique, ni pour l’alimentation, ni pour les loyers, ni pour l’énergie. Mais la leçon à tirer est qu’il est impossible de contrôler la distribution sans que l’autorité reprenne également la production en main, en assurant que le revenu du petit producteur soit garanti. Les contrôles des prix sont en fait une forme de contrôle des profits. Les entreprises privées essayeront de restaurer leur marge de profit aux dépens des travailleurs et si cela échoue, ils menaceront de délocaliser ou de stopper les investissements prévus.

    LE PSL TROUVE QUE LES TRAVAILLEURS N’ONT PLUS À PAYER LA CRISE PROVOQUÉE PAR DES SPÉCULATEURS

    • Pas touche à l’indexation automatique, pour le rétablissement complet de l’index. Liaison au bien-être de toutes les allocations.
    • Pas d’allongement du temps de travail, mais une semaine de travail de 32 heures, sans perte de salaire et avec embauches compensatoires, pour que le travail disponible soit réparti entre tous. Cela peut s’accompagner de crédit bon marché aux indépendants et de subsides salariaux sur base de coûts prouvés.
    • Ouverture des livres de comptes de toutes les grandes entreprises afin de contrôler leurs véritables coûts, les profits, les salaires des directions et les bonus.
    • Nationalisation du secteur énergétique sous contrôle des travailleurs et sous gestion des travailleurs eux-mêmes, pour être capables de libérer les moyens afin d’investir massivement dans l’énergie renouvelable et l’économie de l’énergie.
    • Pour le monopole d’État sur les banques et le crédit sous contrôle démocratique de la communauté. Au lieu de devoir supplier les directions des banques afin d’obtenir du crédit, le public pourrait alors planifier les investissements publiques nécessaires aux besoins réels de la population.
    • Pour une société socialiste démocratiquement planifiée et pour rompre avec le chaos capitaliste
  • 27 novembre: Conférence nationale d’EGA / 28 novembre: Manifestation pour l’environnement

    Ce 27 novembre se déroulera une conférence nationale des Etudiants de gauche Actifs Secondaire et Supérieur. Nous voulons y discuter des campagnes d’EGA, tant au niveau de leur contenu que du point de vue pratique. C’est une bonne manière pour rencontre des militants d’EGA issus de tout le pays. Le jour suivant, nous participerons à la manifestation pour l’environnement qui se tiendra à Bruxelles.

    Tract d’EGA

    Tract en format PDF

    Manifeste avec Etudiants de Gauche Actifs le 28 novembre à Bruxelles

    Manifestation pour l’environnement, 14h Place de la Monnaie

    Marée Noire dans le golfe du Mexique, coulée de boues toxiques en Hongrie, incendies gigantesques en Russie, désastre climatique au Pakistan,… la succession actuelle de dramatiques désastres environnementaux est impressionnante.

    Aujourd’hui déjà, 300.000 personnes meurent chaque année en raison directe ou indirecte des effets du changement climatique. Les récents drames ont clairement illustré la responsabilité des actionnaires des grandes entreprises dans la crise environnementale. Leur soif de profit et leur avidité est sans limite. C’est ce qui a conduit BP à forer à des profondeurs où aucune technologie n’était prévue pour réparer un accident comme l’explosion du conduit de forage et à minimiser la sécurité. Résultat : la pire marée noire de l’Histoire. Les raisons de la fuite du réservoir de l’usine d’aluminium en Hongrie sont identiques.

    Les capitalistes ne veulent pas de normes environnementales contre le réchauffement climatique, car celles-ci diminuent leurs profits. Et la crise économique inhérente au chaos du marché libre accentue la concurrence entre capitalistes et aggrave le problème. Au contraire, ils coupent dans les dépenses au détriment des conditions du travail, des sa- Manifeste avec Etudiants de Gauche Actifs , le 28 novembre à Bruxelles, laires et de la possibilité de vivre dans un environnement sain pour les travailleurs et leurs familles.

    Ce 28 novembre se tiendra à Bruxelles une manifestation nationale à l’initiative de la coalition climat, à laquelle EGA participera. Cette manifestation se déroule dans le cadre du Sommet sur le réchauffement climatique de Cancun, au Mexique, qui suit l’échec de celui Copenhague l’an dernier.

    Les dirigeants politiques traditionnels qui se réunissent dans ce type de sommets coûteux n’ont aucune solution à proposer car ils représentent les intérêts des capitalistes. Partout, ils mènent une politique de coupes budgétaires pour faire payer aux travailleurs et aux jeunes le sauvetage des actionnaires des banques et des grandes entreprises. Tout comme l’enseignement et les soins de santé, l’environnement ne sera pas épargné par les conséquences de la vague d’austérité.

    Seule la mobilisation de masse des jeunes et des travailleurs peut changer les choses en faveur d’une société organisée pour satisfaire les besoins de tous et le respect de l’environnement, une société socialiste.

    Par tic ipe à la conférence nationale d ’EGA 2010 !

    Élaborons notre programme et préparons la résistance !

    La crise du capitalisme frappe les jeunes de plein fouet et un chômage de masse nous attend. Les jeunes, surreprésentés dans les emplois précaires, les intérims, les CDD,… ont été jetés à la porte des entreprises. Pour la première fois depuis longtemps, notre génération – celle qui est aux études ou sur le marché du travail depuis peu – éprouvera plus de difficultés à s’en sortir que la précédente.

    Le patronat et ses politiciens veulent nous faire payer leur crise une deuxième fois en orchestrant l’austérité sur nos écoles, nos unifs, nos soins de santé,… parce qu’ils ont sauvé les profits des banques à coups de milliards. Pour avoir un avenir, il faudra s’organiser pour lutter contre ce système basé sur la course aux profits au bénéfice d’une petite minorité. Au-delà de remettre en cause le capitalisme, nous avançons la nécessité d’une alternative socialiste.

    Nous avons lancé EGA dans les écoles secondaires depuis un an. Dans l’enseignement supérieur, EGA a déjà construit de nombreuses campagnes: pour le droit de vivre dans un environnement sain; avec les Jeunes en lutte pour l’emploi; contre le racisme et les néofascistes avec la campagne Blokbuster pour les mobilisations anti-NSV (l’organisation étudiante du Vlaams Belang) et avec les JAF (Jeunes Antifascistes) du côté francophone; contre les assainissent dans l’enseignement,… Nous avons aussi participé aux élections étudiantes à Gand et à Bruxelles cette année.

    La conférence nationale d’EGA secondaire et supérieur de cette année, ce samedi 27 novembre de 13h à 21h, portera sur l’élaboration du programme d’EGA sur ces 4 thèmes et l’élaboration de nos futures campagnes. Des dizaines d’étudiants de toutes la Belgique s’y retrouveront. Participe aussi à la résistance ! Inscris-toi pour la conférence nationale d’EGA 2010 !

    PROGRAMME? LIEU? PRIX?

    À 13h, 3 commissions auront lieu sur le programme d’EGA: Enseignement / Contre le Racisme et l’extrême droite / Emplois des Jeunes

    A 16h, il y aura un débat en plénière portant sur ‘‘notre avenir ne tombera pas du ciel : ORGANISONS NOUS DANS LA LUTTE !’’

    A 19h, il y aura un meeting ‘‘Détruire le capitalisme avant qu’il ne détruise la planète’’ Avec: Mirre Vercauteren EGA-ALS Gand, un syndicaliste de la SNCB de “libre parcours” et Nicolas Croes, auteur de la brochure sur l’environnement du PSL

    La Conférence se déroulera de 13h à 21h à Bruxelles, “Randstaat”, 45-47 rue du jardinier 1030 Molenbeek (Métro Comte de Flandre)

    Prix: 3 euros pour les lycéens / 2€ en prévente, 5 euros pour les étudiants et jeunes travailleurs /3€ en prévente travailleurs

    Logement possible à bruxelles le soir (il faut amener son matelas et son sac de couchage)

  • Le capitalisme nuit à l’environnement

    Ce 4 octobre, dans l’Ouest de la Hongrie, le côté nord d’un réservoir à déchets d’une fabrique d’aluminium se brise et un million de mètres cubes de boue toxique recouvre les villages et les champs les plus proches. Conséquences: 9 morts, 122 blessés, des familles qui ont tout perdu, des champs détruits. Pourtant, des photographies aériennes prises le 11 juin montraient déjà clairement qu’il y avait une fuite au réservoir. Cette catastrophe écologique et humaine s’ajoute à la longue liste des drames qui auraient pu être évités.

    Par Irina (Gand)

    En Hongrie comme dans le reste des anciens états staliniens, la chute du Mur a ouvert la voie à l’exploitation capitaliste des matières premières. Les anciennes bureaucraties staliniennes du Bloc de l’Est étaient déjà loin d’être championnes de l’environnement, mais les problèmes sont plus graves encore avec la façon dont l’économie capitaliste privilégie le profit à court terme au détriment de la sécurité à longe terme. L’euphorie et l’arrogance patronales qui ont suivi la ‘victoire’ de la chute du Mur en 1989 ont entraîné d’énormes ravages sur les plans social, économique et écologique.

    L’extraction de pétrole, de charbon et de métaux fait partie des industries les plus polluantes au monde. La récente catastrophe de Deepwater Horizon dans le Golfe du Mexique a récemment très clairement illustré quels étaient les dangers de fuite dans le secteur pétrolier, et le raffinage de pétrole produit aussi des gaz toxiques en grande quantité.

    L’extraction de charbon et de métaux consomme une gigantesque quantité d’eau, altérant la qualité de l’eau environnante. La désagrégation des pierres libère des acides dans la nappe phréatique, ce qui attaque la fertilité des champs, tandis que le stockage de la soupe chimique (utilisée pour débarrasser les métaux de leurs impuretés) dans de grands bassins ouverts est loin d’être sans danger de fuites. L’extraction de métaux pollue aussi l’environnement de métaux très toxiques. Un nouveau scandale a éclaté cette année au Nigéria, après que l’on ait découvert que l’extraction d’or à partir de minerais riches en plomb était responsable du décès de dizaines d’enfants, plus vulnérables à la concentration excessive de mercure dans l’air et à la saturation en plomb des sols.

    La pollution dont nous parlons ici est destinée à durer des milliers d’années, ce qui prive les générations à venir de réserves conséquentes d’eau potable et de terrains agricoles. Comment en est-on arrivés à ce point ? Nous vivons dans un système économique dont la priorité est l’accumulation et l’expansion des profits. L’industrie minière n’est pas seulement polluante, elle est aussi extrêmement lucrative : ce secteur a augmenté ses profits de 5 à 45 milliards de dollars par an entre 2002 et 2006. Même après l’impact de la crise économique, les profits restent énormes mais ce n’est toujours pas assez au goût des capitalistes. Les entreprises minières ont les moyens d’assurer une production (plus) écologique et plus sécurisée, mais entre l’augmentation de leurs profits et le péril causé à des écosystèmes entiers pour des milliers d’années, leur choix est vite fait.

    Les politiciens traditionnels, en Belgique comme ailleurs, sont du côté des capitalistes. Les partis traditionnels et les diverses institutions défendent les intérêts du capital, et donc aussi de l’industrie minière. Quand des lois environnementales existent, elles le doivent avant tout à la pression de la population et non à la bonne volonté des politiciens. Il faut encore voir de quelle façon ces lois sont appliquées… Au Chili, pour le contrôle de la sécurité dans l’industrie minière, il y a en tout et pour… 18 inspecteurs ! Et ce n’est pas une exception isolée.

    Obtenir une industrie minière écologique, c’est possible, mais cela nécessite de lutter. Le capitalisme a illustré sa totale incompétence avec les crises financières, écologiques,… elles sont inévitables en son sein. L’anarchie totale du marché libre conduit à un énorme gaspillage d’énergie et de matières premières sur une planète déjà surexploitée. Il est absolument nécessaire d’instaurer par la lutte une économie démocratiquement planifiée, au service de l’humanité, qui ne met pas en danger les générations futures. Seul un système socialiste permettra un développement de l’humanité dans le respect de l’environnement.

    Rejoignez-nous dans cette lutte!

  • Ecole d’été 2010 – Crise économique: aucune solution sur base capitaliste

    Aujourd’hui, nous ne parlons pas seulement d’une crise économique, notre environnement est également en jeu. Et si nous analysons les développements actuels, c’est pour nous préparer pour le futur, pour nous préparer à intervenir. Il est vrai qu’il est difficile de déterminer exactement la façon dont les choses peuvent se dérouler, mais il est très clair qu’un certain nombre de pays font face à l’imminence d’une explosion sociale. La crise a déjà entraîné une diminution du niveau de vie de millions de personnes et des dizaines de millions connaissent l’insécurité, la peur du lendemain.

    Vers une plus grande instabilité

    La crise économique mondiale est parfaitement illustrée par la crise que traverse l’Europe. Newsweek et Times (deux magasines américains) ont consacré tous les deux et au même moment leur première page à l’Europe. Il y était notamment dit que le grand secret de l’Europe était que son secteur bancaire était plus touché que Wall Street et que les banques européennes sont tout aussi voraces que les américaines quand il s’agit de jouer avec des actifs toxiques.

    Les commentateurs bourgeois ne peuvent plus maintenant se permettre de parler d’un éventuel progrès, ils ne parlent que d’assainissements. La perte de confiance des classes dirigeantes et de leurs partisans, un peu partout dans le monde, est un élément important qui dans un certain sens exprime le cul-de-sac dans lequel se trouve le capitalisme. Toutefois, nous savons que le système capitaliste ne disparaitra pas de lui même, cela ne pourra arriver que par l’intervention consciente de la classe des travailleurs. Mais la division au sein même des élites dirigeantes est un élément important. Les tensions augmentent (comme les tensions commerciales entre différents pays ou encore les tensions entre différents niveaux de pouvoir). Au niveau international, de façon générale, nous allons vers une période caractérisée par de plus en plus d’instabilité.

    En 1938, Trotsky a publié le ‘‘Programme de transition, L’agonie du capitalisme et les tâches de la IVe Internationale’’ dans lequel il disait notamment que la bourgeoisie ferait tout pour éviter la déroute. C’est encore tout à fait vrai aujourd’hui, et on peut d’ailleurs le voir à la façon dont la bourgeoisie se défend.

    Le pouvoir le plus puissant que le monde ait jamais connu – l’impérialisme américain – est embourbé depuis 10 ans en Afghanistan. Ce que l’impérialisme américain espère, c’est de gagner assez de traitres à ses côtés pour pouvoir aboutir à une situation de ‘calme’ comme en Irak mais, même là, il n’est pas question de victoire. Tout comme Tacite le disait de l’empire romain, c’est une paix de désolations (‘‘ils firent un désert et le nommèrent paix’’). En Irak, la guerre civile a été temporairement gagnée par les chiites. Le pays est divisé sur base communautaire, mais ces délimitations peuvent voler en éclat à tout moment. Au lieu d’un Saddam Hussein, on peut en voir émerger une dizaine.

    Quant à la catastrophe de BP, où l’actionnariat est majoritairement américain, elle constitue une parfaite illustration de l’incapacité du capitalisme à gérer l’environnement. La détérioration de la planète est inévitable dans le système capitaliste. Les problèmes ne vont faire qu’empirer, y compris en termes de guerre. Si ce système continue ses méfaits, nous connaîtrons d’autres guerres pour les ressources, comme la guerre pour le pétrole au Moyen-Orient. Déjà aujourd’hui, il y a de plus en plus de conflits autour de l’approvisionnement en eau potable. On estime actuellement à 50 millions le nombre de réfugiés sur la question de l’eau, et ils seraient issus de 27 pays. Dans ce cadre, le sommet de l’ONU au sujet des changements climatiques de Copenhague a été un échec total.

    D’une politique de stimulants à une politique d’austérité

    L’incapacité du capitalisme à faire la moindre mesure progressive peut se voir concernant la crise économique. Dans un premier temps, on a tenté de se limiter à des plans de relance mais, puisque ces programmes de sauvetage n’ont plus d’effet, dans un deuxième temps, on passe maintenant à des plans d’austérité, à des attaques contre les travailleurs. Lors du dernier G20 à Toronto, les partisans des plans de relance étaient minoritaires, l’optique générale est maintenant de passer à des plans d’austérité très durs. Après ce sommet, seul Obama était en faveur de plans de relance. S’il n’avait pas adopté cette position, il aurait eu des problèmes et se serait retrouvé en minorité, y compris au sein de son parti. Mais le fait même qu’il ait été mis en minorité à Toronto illustre que l’impérialisme américain a perdu sa capacité d’imposer sa volonté.

    A certains moments les assainissements sont très brutaux, comme en Roumanie, à d’autre c’est plus léger. Le gouvernement britannique veut par exemple réduire le déficit budgétaire de 40 à 50% dans les 5 prochaines années. Les conséquences de ce genre de politique ont été illustrées, en Irlande notamment. Il y a quelques semaines, des milliers de personnes y ont manifesté: des parents d’handicapés mentaux qui s’occupent de leur enfant déficient à la maison. Ils avaient une institution où ils pouvaient déposer leur enfant une ou deux nuits pour souffler un peu, et une des premières conséquences des coupes budgétaires était, entre autres, la suppression de cette institution. Angela Merkel a déclaré que l’Allemagne devait donner l’exemple pour le reste de l’Union Européenne avec son plan d’austérité. Ces assainissements vont très certainement empirer la situation dans les autres pays, et pas seulement en Allemagne.

    Essai après essai, les entreprises veulent augmenter leur profitabilité, avec l’aide des gouvernements. Dans les environs de Venise, une commune a été jusqu’à interdire de faire des châteaux de sable. La raison est toute simple: les amendes rapportent de l’argent. Cela indique à quel point de désespoir se retrouvent parfois confrontées les autorités. Ce n’est certes pas un élément de ce type qui va déclencher une révolution, mais il suffit parfois d’une étincelle, aussi absurde soit-elle. Le doute qui subsiste dans l’esprit de la bourgeoisie est de savoir jusqu’où elle sera capable d’attaquer les travailleurs sous l’argument "Vous êtes obligés d’accepter les coupes, sinon c’est la Grèce qui vous attend". Cette menace est même utilisée aux Etats-Unis.

    La Grèce est le maillon faible du capitalisme européen. La situation qui s’y développe est un test pour la bourgeoisie et pour la classe ouvrière, mais aussi pour le CIO: comment une de ses sections peut-elle réagir et adapter son intervention dans une telle situation. La grève du 5 mai était la plus grande depuis 25 ans, de même que la taille des manifestations. L’attaque du Parlement avait été le fait de travailleurs du service public. Il y a aussi eu des mouvements de masse dans les secteurs de l’enseignement, des hôpitaux,… En fait, tous les secteurs les plus importants, du privé ou du public, ce sont mis en action durant cette période. A Athènes, il y a eu des mobilisations contre le gouvernement chaque semaine. Nous sommes dans une phase où les commentateurs ont peur que l’expérience grecque rate son coup à cause d’une trop grande mobilisation. Les jeunes, les travailleurs et les commentateurs font le parallèle avec l’Argentine du début de ce siècle. Mais le gouvernement tient bon, parce que les directions syndicales n’ont aucune idée de la manière de réagir, aucune réelle stratégie ni alternative.

    Nos slogans sont "abolition de la dette – nationalisation du secteur financier", tout en appelant à des actions communes pour rassembler les grévistes. La lutte est actuellement en pause, mais le sentiment général est que les luttes recommenceront en septembre. Nous devons aussi renforcer la revendication de nationalisation sous le contrôle démocratique de la population du secteur financier. C’est une revendication qui avait suscité un grand enthousiasme quand Joe Higgins en avait parlé lors d’un grand meeting de la formation large de gauche grecque Syriza. Nous sommes les seuls à accorder autant d’attention à cela. Une banque publique ou des mesures visant à rester dans le cadre de la compétition entre banques sont des mesures insuffisantes.

    De sombres perspectives économiques

    Tous ces budgets d’austérité seront incapables de solutionner quoi que ce soit. Les capitalistes se réfèrent à la Suède ou au Canada au début des années ‘90, et ils caricaturent ce qui y a été réalisé. A l’époque, le capitalisme était en croissance, différence fondamentale avec aujourd’hui. Les éléments actuels de rémission du capitalisme sont avant tout circonstanciels et non structurels, on ne parle pas de croissance des moyens de productions.

    De toute façon, avant même de discuter de cette soi-disant reprise économique, de sa nature et de sa durée, il faut bien se rendre compte que, pour l’écrasante majorité des travailleurs et des jeunes, la reprise économique n’a pas ouvert de meilleures perspectives d’avenir. Cela est tout au plus considéré comme un évènement temporaire. Même dans les pays où la reprise a été plus importante, quand on regarde les chiffres, on se rend compte qu’il s’agit pour beaucoup d’un écran de fumée. Ainsi, dans les médias, on s’est moqué de la reprise économique allemande comme d’un conte de fée. Cette année sera certes un record en termes d’exportations des automobiles allemandes, mais les ventes au sein même du pays vont reculer de 30% pour cette année. La fragilité de la reprise est notamment illustrée par l’utilisation de la capacité de production de l’économie allemande, qui se situe sous les 80% alors que la moyenne était précédemment de 84%. De plus, aucune certitude n’existe quant à la durée de cette reprise économique. Nous devons regarder tous ces chiffres avec beaucoup de prudence. Par exemple, selon les chiffres, le pays qui a connu la plus forte progression de sa production industrielle est Singapour (+64% en une année), mais ce n’est que le reflet de l’ampleur de la chute connue l’année d’avant! Aucun commentateur bourgeois n’a en fait de réelle confiance dans le système. Le dernier rapport du FMI a d’ailleurs revu à la baisse ses prévisions économiques.

    Le mieux auquel s’attendre, c’est une stagnation avec un chômage de masse. Mais nous nous dirigeons vers une nouvelle récession, et très probablement vers une nouvelle crise bancaire. Les Etats réinterviendront encore avec l’argent de la collectivité (comme ils l’ont déjà fait), mais une nouvelle crise bancaire combinée à une récession aurait un grand effet. Le résultat serait une nouvelle dégradation importante du niveau de vie des masses, mais l’impact politique serait également énorme. Ce serait une défaite gigantesque pour la classe capitaliste et cela provoquerait une remise en question encore plus grande du système capitaliste, avec la recherche d’une alternative.

    La dette publique a remplacé la crise des dettes financières. Mais quelle classe sociale est responsable de cette dette publique? D’un pays à l’autre, les conditions sont différentes, mais c’est généralement une conséquence du renflouement des banques. C’est encore une conséquence du fait que l’Etat a dû garantir la faillite financière et immobilière. Nous devons expliquer que la crise n’est pas provoquée par les pensionnés grecs ou par les travailleurs des services publics. Il y a 3 ans, en 2007, tous les Etats avaient un déficit d’à peine plus de 1%. Depuis lors, la moyenne est montée de 1.7% à plus de 8%, malgré l’absence d’augmentation des pensions par exemple.

    Les plans d’austérité vont encore aggraver les conséquences de la crise. Les keynésiens classiques ont raison de dire que le problème fondamental, c’est la demande insuffisante. Le prix Nobel d’économie Paul Krugman a raison d’affirmer que les capitalistes sont repartis vers la politique de Hoover en 1929: liquider les acquis des travailleurs. Il a aussi raison quand il indique que les politiques actuelles vont poser les bases d’une seconde crise, beaucoup plus profonde.

    En cas d’augmentation des dépenses publiques: qui va payer ? Si on fait payer les bourgeois, ils vont se retirer et arrêter d’investir. L’idée générale est de s’en prendre aux travailleurs et à leurs familles, mais il faut s’attendre à ce qu’un tsunami de résistance accompagne le tsunami d’austérité. De plus, malgré toutes les coupes, les déficits des budgets des Etats seront encore plus profonds à la fin de l’année qu’au début et les milliards retirés de l’économie par les plans d’austérité vont peser sur elle. La Chine est le seul pays à avoir connu une bonne reprise sur base des investissements d’Etat, mais cette reprise se place dans le contexte d’une grosse surchauffe de l’économie.

    Remontée de la lutte des classes

    Quant aux travailleurs, l’impact de la crise les frappe de plein fouet. Ceux qui retrouvent un emploi après l’avoir perdu connaissent des conditions de travail bien pires. En Grèce, la possibilité d’un effondrement complet des conditions de travail n’est pas à exclure. En Espagne, 90% des emplois disparus concernaient les couches de travailleurs précaires, mais une bonne partie de la population connait ces conditions. Tous les regards se portent vers le sud de l’Europe, et l’atmosphère combative qui y existe est inspirante. En Angleterre, certains Tories (les conservateurs) ont même été jusqu’à dire qu’ils allaient faire des manifestations contre leur propre gouvernement suite à l’annonce d’attaques contre les budgets des écoles! Tout a été utilisé pour décrédibiliser le mouvement qui se développe en Grèce. Mais toute cette propagande capitaliste a ses limites. Jusqu’ici, les capitalistes se basaient beaucoup sur l’idée que les richesses se répartiraient, que ‘‘demain sera meilleur’’. Cette idée est en train d’être réduite en morceaux.

    Aujourd’hui, les protestations se généralisent. Grèce, Portugal, Espagne, France,… les luttes se développent, mais les directions syndicales jouent un rôle de frein. Lors d’une grande manifestation à Bologne, en Italie, le dirigeant syndical local a notamment dit "personne ne remet en cause qu’il doit y avoir des coupes budgétaires, mais il faut les faire autrement". Avec des dirigeants pareils, on n’est pas encore sortis de l’auberge. Quand Rosa Luxembourg décrivait le rôle des dirigeants sociaux-démocrates durant la première guerre mondiale, elle était particulièrement virulente. Mais que dirait-elle aujourd’hui? L’attitude des dirigeants syndicaux actuels est de compliquer la situation. En Belgique, cela a laissé une certaine ouverture pour approfondir la crise communautaire et aux USA cela s’exprime avec le Tea Party. En Hongrie et en Grèce, l’extrême-droite se renforce. Des questions comme l’immigration commencent à devenir des questions clés, auxquelles nous devons apporter une attention toute particulière.

    Le mouvement de résistance ne se développe pas partout de la même manière. En Grande-Bretagne par exemple, les mesures mises en avant par le gouvernement actuel sont les plus dures depuis 1922, ce qui avait jeté les bases pour la grande grève générale de 1926. Nous en sommes encore loin aujourd’hui. Le niveau de conscience des masses a fortement chuté depuis la chute du mur. Avant, une grève générale posait très rapidement la question du pouvoir et de la confrontation avec l’Etat capitaliste. D’une certaine manière, toutes les grèves générales font cela. Mais l’absence actuelle d’un facteur subjectif de masse, même sous la forme d’un parti réformiste très confus, complique les choses.

    Le capitalisme est incapable de résoudre les problèmes qu’il engendre. Il connaît sa plus grande crise, mais la conscience des masses n’est pas à la hauteur de la situation. Cela ne signifie toutefois pas dire qu’on ne peut pas vaincre la bourgeoisie, comme en France, en 1995, quand le premier ministre Alain Juppé avait connu une défaite avec son ‘‘plan Juppé’’.

    Nouveaux partis des travailleurs, ouverture pour les idées socialistes

    Un des points cruciaux pour reconstruire la conscience des masses est la création et le développement de nouvelles formations politiques larges capables d’orienter des couches larges de la population dans les luttes afin qu’elles puissent apprendre de leur expérience pratique de lutte. Mais il existe le danger de l’électoralisme. Le point le plus important est de maintenir une orientation claire vers les entreprises et le monde du travail. Ces nouvelles forces peuvent se développer très vite, mais également s’effondrer très vite, comme l’illustre l’exemple de Rifondazione Comunista en Italie. Cette formation avait un grand potentiel, qui a beaucoup souffert de sa participation au gouvernement capitaliste de Prodi ainsi qu’à des coalitions locales. Aujourd’hui, l’état général de l’opposition est tel qu’il n’est pas impossible que Berlusconi remporte d’autres victoires malgré les scandales, les conséquences de la crise économique, les attaques contre les travailleurs,…

    L’espace laissé vacant par le mouvement ouvrier se rempli d’autre chose, et nous avons eu différents exemples dans plusieurs pays. Nous pouvons comprendre ces développements au vu de la pourriture des anciens dirigeants politiques. En Italie, il y a le Mouvement Violet. Vu la chute du PRC, il est quasiment inévitable de voir même des couches syndicales développer un état d’esprit antiparti et antipolitique. On peut également voir se développer des tendances au terrorisme, comme en Grèce où l’on assiste à des attentats contre des commissariats ou des banques. L’absence de formulation d’une riposte face à la crise par les directions syndicales est à dénoncer dans ces actes. Les camarades grecs ont ainsi parlé de dirigeants syndicaux qui appelaient à faire grève, mais qui étaient incapable de participer aux actions car les travailleurs les attaquaient dès qu’ils les voyaient pour leur mollesse.

    Pour l’instant, ce sont surtout les organisations d’extrême droite ou populistes de droite qui connaissent une petite poussée. Même si des organisations de gauches de masses existaient, avec le racisme latent dans la société, ces organisations auraient de toute façon connu une poussée dans un premier temps. La question nationale refait également son apparition (Ecosse, Belgique, Pays Basque,…)

    Les choses ne se développent pas qu’en Europe. Au Moyen-Orient, face à la corruption des régimes en place, de plus en plus de travailleurs sont ouverts à nos idées. En Russie, une opposition se développe contre Poutine. Au Kazakhstan également, avec une petite organisation, nous avons pu lancer une organisation ouvrière de masse, Kazakhstan 2012. En Chine, de gigantesques usines existent, avec des conditions de travail véritablement horribles. Des filets ont par exemple été fixés sous les fenêtres d’une usine Foxconn où 12 travailleurs se sont suicidés cette année. L’Etat est bien conscient du problème et essaye de créer de nouveaux syndicats "patronaux", pour tenter d’étouffer la contestation. Mais les grèves continuent de se développer.

    Dans toute une série de pays, de grands mouvements ont déjà pris place. Plusieurs syndicats ont déjà appelé à une grève générale en septembre. Dans d’autres pays, on parle surtout de manifestation ou de journée d’action (de la part des directions syndicales), d’où l’importance de la manifestation du 29 septembre à l’appel de la Confédération Européenne des Syndicats. Il est important de voir comment nous allons intervenir dans ces évènements et comment cadrer cela dans les évènements qui forment la conscience et la combativité de la classe ouvrière. Nous ne devons pas seulement intervenir pour construire le mouvement mais aussi pour voir quel élément mettre en avant et pourquoi. Il est important de comprendre que les attaques antisociales peuvent provoquer différents types de réactions à différents moments.

    Cette crise économique et sociale a aussi son impact politique avec la chute du soutien des partis au pouvoir en Allemagne, en France, en Italie ou même au Japon. La semaine dernière, des élections se sont déroulées pour le parlement japonais. Le premier ministre, élu depuis juillet seulement, a reçu une raclée électorale de grande ampleur, parce qu’il a commencé à parler d’assainissements et du doublement d’une taxe. Quant aux conservateurs britanniques, ils avaient banni le terme "austérité" de leur vocabulaire pendant la campagne, mais ce n’était qu’une opération de communication. Dans différents pays, il y a de grands changements d’état d’esprit très rapide, et une des conséquences de ce processus est que cela mine le soutien des gouvernements en place. Du point de vue des mouvements futurs, l’intervention des camarades de Chypre était intéressante, avec un gouvernement de centre-gauche qui essaye de prendre des mesures également contre les riches, mais qui est de suite bloqué au Parlement. Ce qui est encore possible, ce sont des gouvernements élus sur base de populisme,… mais qui peuvent provoquer des mouvements sociaux importants. C’est entre autres le cas de la Grèce, où le gouvernement est en place depuis 9 mois seulement, élu sur base du moindre mal et de la promesse de ne pas appliquer l’austérité, et a suscité des mouvements sociaux de grande ampleur.

    Ce que le capitalisme nous propose, c’est un monde où chacun est en lutte contre chacun. Notre tâche est de préparer la classe ouvrière pour prendre le pouvoir et s’émanciper. En ce sens, la moindre erreur théorique se paye très cher dans la pratique. Mais nous avons réussi à démontrer ce que nous sommes capables de faire. Dans une telle période, un petit groupe avec des idées claires et qui est enraciné dans les masses peut avoir un impact énorme. A la fin des années ’80, dans des circonstances spécifiques, nous avons pu diriger un mouvement de masse contre la Poll Tax en Angleterre, un mouvement qui a rassemblé 18 millions de personnes, et nous étions à l’époque quelques milliers dans le pays. Cette école d’été a pour vocation de nous préparer à cela. A travers son expérience de lutte, la classe ouvrière va arriver à la conclusion que la seule façon de sortir de ce système, c’est la voie vers le socialisme.

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