Tag: Grande-Bretagne

  • La construction de nouveaux partis des travailleurs et les tâches des marxistes

    Lors de l’école d’été européenne du CIO qui s’est déroulée en Belgique à la mi-juillet, une attention particulière a été accordée à la question de la construction de nouveaux partis des travailleurs de masse. Depuis maintenant près de 20 ans, l’appel à la formation de nouveaux partis des travailleurs est une partie cruciale du programme politique de bien des sections du Comité pour une Internationale Ouvrière. Cette école d’été était un moment idéal pour partager les expériences variées de nos sections concernant cette question, pour discuter des perspectives de développement des nouveaux partis et pour tirer les leçons principales au sujet de notre double tâche : construire les forces marxistes révolutionnaires tout en participant au développement de nouveaux partis des travailleurs de masse.

    Rapport de l’école d’été du CIO par Paul Murphy, Socialist Party (CIO-Irlande)

    En introduction à la discussion, Tony Saunois (Secrétariat International du CIO) a fait le tour des principaux développements qui se sont déroulés ces dernières années. Il a expliqué que le processus de bourgeoisification des anciens partis sociaux-démocrates et ‘communistes’ a constitué un élément clé qui nous a poussés à appeler à des nouveaux partis des travailleurs de masse. C’est ce processus qui a conduit à ce que des partis tels que le Labour Party en Grande-Bretagne ou encore le SPD en Allemagne, qui avaient une base ouvrière active et une direction pro-capitaliste, deviennent de plus en plus des partis capitalistes qui avaient perdus leurs racines.

    Dans sa réponse à la discussion, Andros (de Grèce) a mis en avant que cet appel pour de nouveaux partis des travailleurs est de bien des façons la continuation de l’orientation traditionnelle du CIO vers les formations de masse de la classe ouvrière. Dans les années ’60, ’70 et ’80, cette tactique a été facilement appliquée en s’orientant vers les partis traditionnels sociaux-démocrates, y compris en y participant, et parfois vers d’autres partis. Maintenant, nous avons à appliquer cette tactique de manière différente, en particulier avec cet appel à construire de nouveaux partis des travailleurs de masse.

    Depuis la droitisation décisive des partis sociaux-démocrates, de nouvelles formations de gauche ont été créées. Cependant, à l’exception de Rifondazione Communista en Italie, aucune d’entre elles n’a été rejointe par un large nombre de travailleurs et n’est devenue un véritable parti de masse. Deux questions cruciales sont à mettre en avant pour expliquer cela : l’absence d’un programme de gauche clair, anticapitaliste et socialiste capable d’attirer les travailleurs et les jeunes dans le contexte de la crise capitaliste et la faiblesse persistante concernant l’orientation vers les luttes et les actions des travailleurs, ce qui signifie que ces partis n’ont pas été revitalisés par les luttes qui ont émergé en Europe. En raison de cela, le processus de développement de ces partis ainsi que le travail en leur sein a été compliqué. Tony a expliqué que la question des nouveaux parties des travailleurs est enracinée dans la situation objective, tout comme il n’est pas possible pour la classe ouvrière de donner naissance à des formations révolutionnaires de masse d’un coup. Généralement, au vu du niveau actuel de conscience de classe, le développement de partis des travailleurs de masse est une étape nécessaire sur la route du développement de la conscience et de partis révolutionnaires de masse.

    Pourquoi participons nous aux nouveaux partis des travailleurs ?

    Les complications rencontrées dans les nouvelles formations ont été abordées par de nombreux camarades. La réalité est que la plupart des directions de ces formations ne considèrent pas devoir présenter une opposition claire contre les partis de l’establishment. Un des camarades allemands du CIO a par exemple expliqué qu’aucun dirigeant de Die Linke ne voit le socialisme comme une alternative réelle au capitalisme. Cela peut conduire à un travail très frustrant à l’intérieur de ces partis, avec nos initiatives constamment bloquées par la bureaucratie du parti.

    Sascha, d’Allemagne, a toutefois insisté sur l’importance pour le CIO de faire partie de ces partis en raison des perspectives de ces partis. Avec sa politique actuelle, il est improbable que Die Linke se développe pour devenir un véritable parti ouvrier de masse en Allemagne. Il est toutefois possible que ces formations jouent un rôle dans la formation de nouveaux partis de masse de la classe ouvrière.

    En réalité, il y a deux partis au sein de Die Linke – un parti ouvrier réformiste et un parti social-libéral pro-capitaliste. La possibilité est réelle qu’une scission arrive à un moment donné. Il est vital que les membres du SAV (CIO-Allemagne) soient présents dans de tels développements, afin de défendre des politiques claires, de gauche et socialistes ainsi que pour tenter d’organiser une gauche forte, apte à grandir pour devenir un parti de masse. L’autre possibilité à ne pas écarter, c’est que Die Linke soit poussé à gauche par la lutte de classe, ce qui déboucherait probablement sur le départ des éléments les plus à droite du parti.

    Comme cela a été montré par l’instabilité des nouvelles formations de gauche, il n’est pas possible de créer des partis des travailleurs stables suivant les lignes des partis sociaux-démocrates ou ‘communistes’ de la période d’après guerre. Cela s’explique par la nature de la période actuelle et de la crise économique, qui ne permet pas les mêmes bases matérielles pour des réformes telles que celles que la période d’après-guerre a connue. La question des coalitions avec des parties pro-capitalistes et celle de rejoindre un gouvernement qui attaque la classe ouvrière est posée. C’est pourquoi ces nouvelles formations sont instables, avec des tensions internes et parfois des scissions.

    La réaction de la gauche face à la crise économique

    Les nouvelles formations de gauche, dans différents pays, ont des origines et des caractéristiques différentes. Le Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) français, par exemple, a été lancé par une organisation se réclamant du trotskisme, la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR), qui a évolué vers la droite et s’est dissoute dans une formation plus large. Le processus de construction de Die Linke en Allemagne a été initié par des syndicalistes et des responsables syndicaux de base qui ont rompu en 2004 avec le SPD (l’équivalent allemand du PS, ndt) pour former le WASG, qui s’est joint plus tard au successeur de l’ancien parti dirigeant est-allemand, le PDS, pour former Die Linke. Le Bloc de Gauche au Portugal a été initié par un rassemblement d’organisations de gauche existantes, en particulier des maoïstes, des trotskistes de la tradition du SUQI (Secrétariat Unifié de la Quatrième Internationale, à laquelle était liée l’ancienne LCR française) et des eurocommunistes (des réformistes avec une rhétorique communiste). Syriza, en Grèce, est une alliance d’organisations de gauche, dont la plus grande est Synaspismos, qui a émergé en tant que scission eurocommuniste du Parti Communiste Grec (KKE).

    Il existe toutefois des éléments communs à tous. Le plus marquant a été la tendance à virer non pas vers la gauche sur base de la crise économique, mais vers la droite. Marco, d’Italie, s’est référé à l’expérience de Rifondazione Communista (le PRC), qui exprime les dangers d’une telle approche et d’une participation aux gouvernements capitalistes. Le PRC, qui avait plus de 100.000 membres à son apogée, a été détruit par sa direction de droite, et les membres du CIO en Italie font campagne pour la construction d’une “gauche des travailleurs” incluant des anciens mais aussi des nouveaux militants.

    Dimitrios, de Grèce, a expliqué que l’alliance Syriza avait à un certain moment quelques 17.5% dans les sondages d’opinion, mais a chuté à 4%, largement en raison de la politique de ses dirigeants, faite de zigzags. Même quand une position réellement socialiste est prise par ses organes dirigeants, aucun des porte-paroles ou des représentants publics de Syriza ne met publiquement en avant cette position. Dimitrios a aussi critique le nouveau programme de Syriza, propose par ses dirigeants, qui est un méli-mélo de revendications qui ne met pas en évidence une claire alternative de gauche pour les travailleurs et leurs familles dans ce contexte de crise profonde.

    En conséquence, Syriza traverse maintenant une crise sérieuse. L’aile droite de Synaspismos (le plus grand groupe de Syrisa) a joué un rôle de frein pour chaque orientation à gauche. Il y a un mois, cette aile droite a scissionné et Xekinima (CIO-Grèce) a accueilli cette scission comme une opportunité pour Synaspismos et Syriza d’effectuer un virage décisif vers la gauche. Notre position a cependant été attaquée par d’autres et a généré beaucoup de débats, mais aussi d’attention pour nos arguments.

    Cédric, du CIO, a parlé des forces de gauche au Portugal. Malheureusement, le Bloc de Gauche possède beaucoup des faiblesses de ces nouvelles formations de gauche à travers l’Europe. Il n’a pas eu de réponse face à la crise et n’a lancé aucune proposition concrète capable de mobiliser les travailleurs et les jeunes. Son slogan principal se limite à dire “plus de justice dans l’économie”, ce qui ne signifie rien pour ceux qui veulent lutter. En fait, une bonne part de sa direction veut créer une prétendue “gauche moderne”, ce qui en réalité signifie une gauche qui voit la lutte de classe comme quelque chose de dépassé.

    Lise, une membre de la Gauche Révolutionnaire (CIO-France), a décrit de quelle façon le NPA a été lent à réagir et à s’orienter vers les grandes luttes des travailleurs et des pensionnés. Par exemple, la figure la plus connue du NPA, le facteur Olivier Besancenot, n’a pas été utilisée durant la grève des postiers pour effectivement intervenir afin de correctement orienter la lutte. Cela reflète aussi le fait que, à l’instar de beaucoup de nouvelles formations de gauche à travers l’Europe, le NPA est principalement concentré sur les élections, bien plus que sur la lutte de classe dans les entreprises et dans la rue.

    Le CIO et les nouvelles formations de gauche

    Actuellement, une des tâches au sein de beaucoup de ces nouveaux partis est de construire des groupes d’opposition avec d’autres pour s’opposer au virage à droite des directions. En agissant de la sorte, au Brésil, la section du CIO (Liberdade Socialismo e Revolucao) a joué un rôle important pour qu’un nouveau candidat, Plinio, plus à gauche, soit sélectionné comme candidat pour les élections présidentielles du Parti du Socialisme et de la Liberté (PSOL).

    Dans le NPA en France, les camarades du CIO ont joué un rôle vital dans le rassemblement d’un groupe d’opposition de gauche. Ils ont réussi à obtenir 30% des voix lors d’un vote de membres du parti pour leur position de gauche clairement socialiste. Au Québec, à l’intérieur de Québec Solidaire, un regroupement de gauche qui a maintenant 9% dans les sondages d’opinion, nos membres travaillent avec d’autres pour tenter de tirer le parti vers la gauche. En Grèce, nous avons également été impliqués dans de similaires initiatives et il est à espérer que nous puissions assister à un développement similaire dans Die Linke à un certain moment.

    Dans les pays où il n’y a pas encore de nouveau parti de gauche, nos membres sont impliqués dans des campagnes pour la construction de telles formations et là où nous avons des forces substantielles, nous avons un rôle crucial à jouer. C’est le cas en Grande-Bretagne, où nous avons aide à lancer la Trade Unionist and Socialist Coalition (TUSC, coalition de syndicalistes et de socialistes), qui a participé aux dernières élections.

    Dave, du Socialist Party en Angleterre et Pays de Galles, a abordé les difficultés des conditions objectives auxquelles ont fait face nos camarades du Socialist Party lors des dernières élections, caractérisées par une peur profonde du retour des Conservateurs, les Tories, ce qui a repoussé beaucoup de gens vers le Labour Party, avec en résultat de grandes pertes pour les petits partis. Il est important de maintenir la TUSC comme une arène de travail et comme étape vers la construction d’un nouveau parti des travailleurs.

    Michael, d’Irlande, a fait état de notre travail concernant la construction d’un nouveau parti des travailleurs de masse. La nature de droite de presque toute la direction syndicale irlandaise entraîne qu’il est fortement improbable qu’une initiative soit prise par un “Bob Crow irlandais” (du nom du dirigeant du syndicat des cheminots et des conducteurs en Angleterre, qui fait campagne avec nous depuis plusieurs années pour la construction d’un nouveau parti des travailleurs). Toutefois, la position clé acquise par nos camarades irlandais du Socialist Party (CIO-Irlande) parmi la gauche signifie que nous avons un rôle tout particulier à jouer dans le développement d’une nouvelle formation et que nous pouvons avoir un rôle central en son sein. La forte probabilité pour que l’Irish Labour Party, le parti travailliste irlandais, entre dans un gouvernement après les prochaines élections peut créer les circonstances favorables au lancement d’un nouveau parti. Le Socialist Party est actuellement impliqué dans des négociations pour construire une alliance de gauche pour les prochaines élections.

    Les développements dans les partis ‘communistes’

    Un des fils de la discussion était l’attention à porter vers les développement à l’œuvre dans les partis communistes, qui peuvent aussi être affectés par la crise. L’exemple d’Izquierda Unida (Gauche Unie, en Espagne, une coalition politique dont la composante la plus forte est le parti communiste) a été utilisé pour illustrer ce processus. Son nouveau dirigeant parle de guerre de classe et vire à gauche, ce qui devient plus attractif pour de nombreux jeunes et travailleurs en Espagne.

    Le Parti Communiste Portugais garde une forte base dans la classe ouvrière, possède 57.000 membres et attire toujours à lui des couches de jeunes. Il détient des positions syndicales clés, dont la direction du syndicat CGTP (le plus grand syndicat du pays, qui compte 750.000 membres). Malheureusement, son approche est très sectaire, en refusant de travailler avec d’autres et en n’ayant aucune compréhension d’une méthode transitoire, il ne fait aucun pont entre la résistance contre les coupes budgétaires actuelles et le socialisme, qu’il dit défendre. Cependant, au sein de ces parties, de grandes discussions se développent à ces sujets.

    Même le KKE (la Parti Communiste Grec), qui est formellement un parti stalinien et est extrêmement sectaire, est affecté par la crise. Nos camarades grecs ont expliqué comment cela s’est produit. Après chaque lutte de classe sérieuse, des travailleurs honnêtes de la base du parti quittent le KKE à cause de son approche extrêmement sectaire. Par exemple, le KKE organise toujours ses propres manifestations, séparées des autres, et il en va de même pour son front syndical, PAME, à la place de s’engager dans la lutte avec les travailleurs des plus grands syndicats, mais si leur direction est acquise au PASOK (les sociaux-démocrates grecs, actuellement au pouvoir).

    Notre réponse est d’appeler à un front unique d’action entre les vieux partis communistes avec de sérieuses racines dans la classe ouvrière et les nouvelles formations, ainsi qu’au développement de discussions entre ces partis. L’approche de Syriza, en Grèce, est largement correcte à cet égard, elle fait des appels répétés au KKE pour faire des actions en commun et pour avoir des discussions ensemble, même si le programme politique de Syriza est limité. Si cette alliance s’était maintenue à 17.5% des sondages tout en continuant avec cette approche, cela aurait eu un réel impact sur le KKE.

    De petits groupes vers des parties de masse

    Dans sa conclusion, Andros a expliqué que l’organisation de parties politiques de masse ne va pas nécessairement se produire d’un coup. La création du Parti Travailliste britannique a constitué un processus s’étant étalé sur plusieurs décennies. Cependant, une fois qu’un sérieux parti large basé sur la lutte de classe sera construit, il sera bien plus facile et plus rapide d’en reproduire la formation ailleurs. Les exemples de l’Europe du sud dans les années ’60 et ’70 illustrent à quelle rapidité ce processus peut également aller dans un contexte de crise tel que celui que nous connaissons. Dans plusieurs pays, de très petits groupes ont pu devenir des partis de masse dans un très court laps de temps, comme le Parti Socialiste au Portugal au cours de la Révolution des Œillets en 1974.

    La crise économique est maintenant un facteur crucial dans le développement de nouveaux partis des travailleurs, décisif pour en déterminé la nature et la rapidité. Il est encore tout à fait possible que Syriza et d’autres formations puissent prendre un grand virage à gauche sous l’impact de la crise économique. Cependant, il est également possible que le scenario du PRC italien touche ces partis à cause de la tendance à droite de leurs directions.

    Même s’il ne s’agit pas de développements linéaires, il est clair que, dans beaucoup de pays, des développements se dirigeant vers de nouveaux partis des travailleurs de masse sont en train de prendre place. Il ressort très clairement de l’expérience du CIO jusqu’à présent qu’il sera capable, avec ses sections, de jouer un rôle important dans ces développements, tout en construisant ses propres forces pour lutter en faveur d’un programme réellement socialiste.

  • Ecole d’été 2010 – Crise économique: aucune solution sur base capitaliste

    Aujourd’hui, nous ne parlons pas seulement d’une crise économique, notre environnement est également en jeu. Et si nous analysons les développements actuels, c’est pour nous préparer pour le futur, pour nous préparer à intervenir. Il est vrai qu’il est difficile de déterminer exactement la façon dont les choses peuvent se dérouler, mais il est très clair qu’un certain nombre de pays font face à l’imminence d’une explosion sociale. La crise a déjà entraîné une diminution du niveau de vie de millions de personnes et des dizaines de millions connaissent l’insécurité, la peur du lendemain.

    Vers une plus grande instabilité

    La crise économique mondiale est parfaitement illustrée par la crise que traverse l’Europe. Newsweek et Times (deux magasines américains) ont consacré tous les deux et au même moment leur première page à l’Europe. Il y était notamment dit que le grand secret de l’Europe était que son secteur bancaire était plus touché que Wall Street et que les banques européennes sont tout aussi voraces que les américaines quand il s’agit de jouer avec des actifs toxiques.

    Les commentateurs bourgeois ne peuvent plus maintenant se permettre de parler d’un éventuel progrès, ils ne parlent que d’assainissements. La perte de confiance des classes dirigeantes et de leurs partisans, un peu partout dans le monde, est un élément important qui dans un certain sens exprime le cul-de-sac dans lequel se trouve le capitalisme. Toutefois, nous savons que le système capitaliste ne disparaitra pas de lui même, cela ne pourra arriver que par l’intervention consciente de la classe des travailleurs. Mais la division au sein même des élites dirigeantes est un élément important. Les tensions augmentent (comme les tensions commerciales entre différents pays ou encore les tensions entre différents niveaux de pouvoir). Au niveau international, de façon générale, nous allons vers une période caractérisée par de plus en plus d’instabilité.

    En 1938, Trotsky a publié le ‘‘Programme de transition, L’agonie du capitalisme et les tâches de la IVe Internationale’’ dans lequel il disait notamment que la bourgeoisie ferait tout pour éviter la déroute. C’est encore tout à fait vrai aujourd’hui, et on peut d’ailleurs le voir à la façon dont la bourgeoisie se défend.

    Le pouvoir le plus puissant que le monde ait jamais connu – l’impérialisme américain – est embourbé depuis 10 ans en Afghanistan. Ce que l’impérialisme américain espère, c’est de gagner assez de traitres à ses côtés pour pouvoir aboutir à une situation de ‘calme’ comme en Irak mais, même là, il n’est pas question de victoire. Tout comme Tacite le disait de l’empire romain, c’est une paix de désolations (‘‘ils firent un désert et le nommèrent paix’’). En Irak, la guerre civile a été temporairement gagnée par les chiites. Le pays est divisé sur base communautaire, mais ces délimitations peuvent voler en éclat à tout moment. Au lieu d’un Saddam Hussein, on peut en voir émerger une dizaine.

    Quant à la catastrophe de BP, où l’actionnariat est majoritairement américain, elle constitue une parfaite illustration de l’incapacité du capitalisme à gérer l’environnement. La détérioration de la planète est inévitable dans le système capitaliste. Les problèmes ne vont faire qu’empirer, y compris en termes de guerre. Si ce système continue ses méfaits, nous connaîtrons d’autres guerres pour les ressources, comme la guerre pour le pétrole au Moyen-Orient. Déjà aujourd’hui, il y a de plus en plus de conflits autour de l’approvisionnement en eau potable. On estime actuellement à 50 millions le nombre de réfugiés sur la question de l’eau, et ils seraient issus de 27 pays. Dans ce cadre, le sommet de l’ONU au sujet des changements climatiques de Copenhague a été un échec total.

    D’une politique de stimulants à une politique d’austérité

    L’incapacité du capitalisme à faire la moindre mesure progressive peut se voir concernant la crise économique. Dans un premier temps, on a tenté de se limiter à des plans de relance mais, puisque ces programmes de sauvetage n’ont plus d’effet, dans un deuxième temps, on passe maintenant à des plans d’austérité, à des attaques contre les travailleurs. Lors du dernier G20 à Toronto, les partisans des plans de relance étaient minoritaires, l’optique générale est maintenant de passer à des plans d’austérité très durs. Après ce sommet, seul Obama était en faveur de plans de relance. S’il n’avait pas adopté cette position, il aurait eu des problèmes et se serait retrouvé en minorité, y compris au sein de son parti. Mais le fait même qu’il ait été mis en minorité à Toronto illustre que l’impérialisme américain a perdu sa capacité d’imposer sa volonté.

    A certains moments les assainissements sont très brutaux, comme en Roumanie, à d’autre c’est plus léger. Le gouvernement britannique veut par exemple réduire le déficit budgétaire de 40 à 50% dans les 5 prochaines années. Les conséquences de ce genre de politique ont été illustrées, en Irlande notamment. Il y a quelques semaines, des milliers de personnes y ont manifesté: des parents d’handicapés mentaux qui s’occupent de leur enfant déficient à la maison. Ils avaient une institution où ils pouvaient déposer leur enfant une ou deux nuits pour souffler un peu, et une des premières conséquences des coupes budgétaires était, entre autres, la suppression de cette institution. Angela Merkel a déclaré que l’Allemagne devait donner l’exemple pour le reste de l’Union Européenne avec son plan d’austérité. Ces assainissements vont très certainement empirer la situation dans les autres pays, et pas seulement en Allemagne.

    Essai après essai, les entreprises veulent augmenter leur profitabilité, avec l’aide des gouvernements. Dans les environs de Venise, une commune a été jusqu’à interdire de faire des châteaux de sable. La raison est toute simple: les amendes rapportent de l’argent. Cela indique à quel point de désespoir se retrouvent parfois confrontées les autorités. Ce n’est certes pas un élément de ce type qui va déclencher une révolution, mais il suffit parfois d’une étincelle, aussi absurde soit-elle. Le doute qui subsiste dans l’esprit de la bourgeoisie est de savoir jusqu’où elle sera capable d’attaquer les travailleurs sous l’argument "Vous êtes obligés d’accepter les coupes, sinon c’est la Grèce qui vous attend". Cette menace est même utilisée aux Etats-Unis.

    La Grèce est le maillon faible du capitalisme européen. La situation qui s’y développe est un test pour la bourgeoisie et pour la classe ouvrière, mais aussi pour le CIO: comment une de ses sections peut-elle réagir et adapter son intervention dans une telle situation. La grève du 5 mai était la plus grande depuis 25 ans, de même que la taille des manifestations. L’attaque du Parlement avait été le fait de travailleurs du service public. Il y a aussi eu des mouvements de masse dans les secteurs de l’enseignement, des hôpitaux,… En fait, tous les secteurs les plus importants, du privé ou du public, ce sont mis en action durant cette période. A Athènes, il y a eu des mobilisations contre le gouvernement chaque semaine. Nous sommes dans une phase où les commentateurs ont peur que l’expérience grecque rate son coup à cause d’une trop grande mobilisation. Les jeunes, les travailleurs et les commentateurs font le parallèle avec l’Argentine du début de ce siècle. Mais le gouvernement tient bon, parce que les directions syndicales n’ont aucune idée de la manière de réagir, aucune réelle stratégie ni alternative.

    Nos slogans sont "abolition de la dette – nationalisation du secteur financier", tout en appelant à des actions communes pour rassembler les grévistes. La lutte est actuellement en pause, mais le sentiment général est que les luttes recommenceront en septembre. Nous devons aussi renforcer la revendication de nationalisation sous le contrôle démocratique de la population du secteur financier. C’est une revendication qui avait suscité un grand enthousiasme quand Joe Higgins en avait parlé lors d’un grand meeting de la formation large de gauche grecque Syriza. Nous sommes les seuls à accorder autant d’attention à cela. Une banque publique ou des mesures visant à rester dans le cadre de la compétition entre banques sont des mesures insuffisantes.

    De sombres perspectives économiques

    Tous ces budgets d’austérité seront incapables de solutionner quoi que ce soit. Les capitalistes se réfèrent à la Suède ou au Canada au début des années ‘90, et ils caricaturent ce qui y a été réalisé. A l’époque, le capitalisme était en croissance, différence fondamentale avec aujourd’hui. Les éléments actuels de rémission du capitalisme sont avant tout circonstanciels et non structurels, on ne parle pas de croissance des moyens de productions.

    De toute façon, avant même de discuter de cette soi-disant reprise économique, de sa nature et de sa durée, il faut bien se rendre compte que, pour l’écrasante majorité des travailleurs et des jeunes, la reprise économique n’a pas ouvert de meilleures perspectives d’avenir. Cela est tout au plus considéré comme un évènement temporaire. Même dans les pays où la reprise a été plus importante, quand on regarde les chiffres, on se rend compte qu’il s’agit pour beaucoup d’un écran de fumée. Ainsi, dans les médias, on s’est moqué de la reprise économique allemande comme d’un conte de fée. Cette année sera certes un record en termes d’exportations des automobiles allemandes, mais les ventes au sein même du pays vont reculer de 30% pour cette année. La fragilité de la reprise est notamment illustrée par l’utilisation de la capacité de production de l’économie allemande, qui se situe sous les 80% alors que la moyenne était précédemment de 84%. De plus, aucune certitude n’existe quant à la durée de cette reprise économique. Nous devons regarder tous ces chiffres avec beaucoup de prudence. Par exemple, selon les chiffres, le pays qui a connu la plus forte progression de sa production industrielle est Singapour (+64% en une année), mais ce n’est que le reflet de l’ampleur de la chute connue l’année d’avant! Aucun commentateur bourgeois n’a en fait de réelle confiance dans le système. Le dernier rapport du FMI a d’ailleurs revu à la baisse ses prévisions économiques.

    Le mieux auquel s’attendre, c’est une stagnation avec un chômage de masse. Mais nous nous dirigeons vers une nouvelle récession, et très probablement vers une nouvelle crise bancaire. Les Etats réinterviendront encore avec l’argent de la collectivité (comme ils l’ont déjà fait), mais une nouvelle crise bancaire combinée à une récession aurait un grand effet. Le résultat serait une nouvelle dégradation importante du niveau de vie des masses, mais l’impact politique serait également énorme. Ce serait une défaite gigantesque pour la classe capitaliste et cela provoquerait une remise en question encore plus grande du système capitaliste, avec la recherche d’une alternative.

    La dette publique a remplacé la crise des dettes financières. Mais quelle classe sociale est responsable de cette dette publique? D’un pays à l’autre, les conditions sont différentes, mais c’est généralement une conséquence du renflouement des banques. C’est encore une conséquence du fait que l’Etat a dû garantir la faillite financière et immobilière. Nous devons expliquer que la crise n’est pas provoquée par les pensionnés grecs ou par les travailleurs des services publics. Il y a 3 ans, en 2007, tous les Etats avaient un déficit d’à peine plus de 1%. Depuis lors, la moyenne est montée de 1.7% à plus de 8%, malgré l’absence d’augmentation des pensions par exemple.

    Les plans d’austérité vont encore aggraver les conséquences de la crise. Les keynésiens classiques ont raison de dire que le problème fondamental, c’est la demande insuffisante. Le prix Nobel d’économie Paul Krugman a raison d’affirmer que les capitalistes sont repartis vers la politique de Hoover en 1929: liquider les acquis des travailleurs. Il a aussi raison quand il indique que les politiques actuelles vont poser les bases d’une seconde crise, beaucoup plus profonde.

    En cas d’augmentation des dépenses publiques: qui va payer ? Si on fait payer les bourgeois, ils vont se retirer et arrêter d’investir. L’idée générale est de s’en prendre aux travailleurs et à leurs familles, mais il faut s’attendre à ce qu’un tsunami de résistance accompagne le tsunami d’austérité. De plus, malgré toutes les coupes, les déficits des budgets des Etats seront encore plus profonds à la fin de l’année qu’au début et les milliards retirés de l’économie par les plans d’austérité vont peser sur elle. La Chine est le seul pays à avoir connu une bonne reprise sur base des investissements d’Etat, mais cette reprise se place dans le contexte d’une grosse surchauffe de l’économie.

    Remontée de la lutte des classes

    Quant aux travailleurs, l’impact de la crise les frappe de plein fouet. Ceux qui retrouvent un emploi après l’avoir perdu connaissent des conditions de travail bien pires. En Grèce, la possibilité d’un effondrement complet des conditions de travail n’est pas à exclure. En Espagne, 90% des emplois disparus concernaient les couches de travailleurs précaires, mais une bonne partie de la population connait ces conditions. Tous les regards se portent vers le sud de l’Europe, et l’atmosphère combative qui y existe est inspirante. En Angleterre, certains Tories (les conservateurs) ont même été jusqu’à dire qu’ils allaient faire des manifestations contre leur propre gouvernement suite à l’annonce d’attaques contre les budgets des écoles! Tout a été utilisé pour décrédibiliser le mouvement qui se développe en Grèce. Mais toute cette propagande capitaliste a ses limites. Jusqu’ici, les capitalistes se basaient beaucoup sur l’idée que les richesses se répartiraient, que ‘‘demain sera meilleur’’. Cette idée est en train d’être réduite en morceaux.

    Aujourd’hui, les protestations se généralisent. Grèce, Portugal, Espagne, France,… les luttes se développent, mais les directions syndicales jouent un rôle de frein. Lors d’une grande manifestation à Bologne, en Italie, le dirigeant syndical local a notamment dit "personne ne remet en cause qu’il doit y avoir des coupes budgétaires, mais il faut les faire autrement". Avec des dirigeants pareils, on n’est pas encore sortis de l’auberge. Quand Rosa Luxembourg décrivait le rôle des dirigeants sociaux-démocrates durant la première guerre mondiale, elle était particulièrement virulente. Mais que dirait-elle aujourd’hui? L’attitude des dirigeants syndicaux actuels est de compliquer la situation. En Belgique, cela a laissé une certaine ouverture pour approfondir la crise communautaire et aux USA cela s’exprime avec le Tea Party. En Hongrie et en Grèce, l’extrême-droite se renforce. Des questions comme l’immigration commencent à devenir des questions clés, auxquelles nous devons apporter une attention toute particulière.

    Le mouvement de résistance ne se développe pas partout de la même manière. En Grande-Bretagne par exemple, les mesures mises en avant par le gouvernement actuel sont les plus dures depuis 1922, ce qui avait jeté les bases pour la grande grève générale de 1926. Nous en sommes encore loin aujourd’hui. Le niveau de conscience des masses a fortement chuté depuis la chute du mur. Avant, une grève générale posait très rapidement la question du pouvoir et de la confrontation avec l’Etat capitaliste. D’une certaine manière, toutes les grèves générales font cela. Mais l’absence actuelle d’un facteur subjectif de masse, même sous la forme d’un parti réformiste très confus, complique les choses.

    Le capitalisme est incapable de résoudre les problèmes qu’il engendre. Il connaît sa plus grande crise, mais la conscience des masses n’est pas à la hauteur de la situation. Cela ne signifie toutefois pas dire qu’on ne peut pas vaincre la bourgeoisie, comme en France, en 1995, quand le premier ministre Alain Juppé avait connu une défaite avec son ‘‘plan Juppé’’.

    Nouveaux partis des travailleurs, ouverture pour les idées socialistes

    Un des points cruciaux pour reconstruire la conscience des masses est la création et le développement de nouvelles formations politiques larges capables d’orienter des couches larges de la population dans les luttes afin qu’elles puissent apprendre de leur expérience pratique de lutte. Mais il existe le danger de l’électoralisme. Le point le plus important est de maintenir une orientation claire vers les entreprises et le monde du travail. Ces nouvelles forces peuvent se développer très vite, mais également s’effondrer très vite, comme l’illustre l’exemple de Rifondazione Comunista en Italie. Cette formation avait un grand potentiel, qui a beaucoup souffert de sa participation au gouvernement capitaliste de Prodi ainsi qu’à des coalitions locales. Aujourd’hui, l’état général de l’opposition est tel qu’il n’est pas impossible que Berlusconi remporte d’autres victoires malgré les scandales, les conséquences de la crise économique, les attaques contre les travailleurs,…

    L’espace laissé vacant par le mouvement ouvrier se rempli d’autre chose, et nous avons eu différents exemples dans plusieurs pays. Nous pouvons comprendre ces développements au vu de la pourriture des anciens dirigeants politiques. En Italie, il y a le Mouvement Violet. Vu la chute du PRC, il est quasiment inévitable de voir même des couches syndicales développer un état d’esprit antiparti et antipolitique. On peut également voir se développer des tendances au terrorisme, comme en Grèce où l’on assiste à des attentats contre des commissariats ou des banques. L’absence de formulation d’une riposte face à la crise par les directions syndicales est à dénoncer dans ces actes. Les camarades grecs ont ainsi parlé de dirigeants syndicaux qui appelaient à faire grève, mais qui étaient incapable de participer aux actions car les travailleurs les attaquaient dès qu’ils les voyaient pour leur mollesse.

    Pour l’instant, ce sont surtout les organisations d’extrême droite ou populistes de droite qui connaissent une petite poussée. Même si des organisations de gauches de masses existaient, avec le racisme latent dans la société, ces organisations auraient de toute façon connu une poussée dans un premier temps. La question nationale refait également son apparition (Ecosse, Belgique, Pays Basque,…)

    Les choses ne se développent pas qu’en Europe. Au Moyen-Orient, face à la corruption des régimes en place, de plus en plus de travailleurs sont ouverts à nos idées. En Russie, une opposition se développe contre Poutine. Au Kazakhstan également, avec une petite organisation, nous avons pu lancer une organisation ouvrière de masse, Kazakhstan 2012. En Chine, de gigantesques usines existent, avec des conditions de travail véritablement horribles. Des filets ont par exemple été fixés sous les fenêtres d’une usine Foxconn où 12 travailleurs se sont suicidés cette année. L’Etat est bien conscient du problème et essaye de créer de nouveaux syndicats "patronaux", pour tenter d’étouffer la contestation. Mais les grèves continuent de se développer.

    Dans toute une série de pays, de grands mouvements ont déjà pris place. Plusieurs syndicats ont déjà appelé à une grève générale en septembre. Dans d’autres pays, on parle surtout de manifestation ou de journée d’action (de la part des directions syndicales), d’où l’importance de la manifestation du 29 septembre à l’appel de la Confédération Européenne des Syndicats. Il est important de voir comment nous allons intervenir dans ces évènements et comment cadrer cela dans les évènements qui forment la conscience et la combativité de la classe ouvrière. Nous ne devons pas seulement intervenir pour construire le mouvement mais aussi pour voir quel élément mettre en avant et pourquoi. Il est important de comprendre que les attaques antisociales peuvent provoquer différents types de réactions à différents moments.

    Cette crise économique et sociale a aussi son impact politique avec la chute du soutien des partis au pouvoir en Allemagne, en France, en Italie ou même au Japon. La semaine dernière, des élections se sont déroulées pour le parlement japonais. Le premier ministre, élu depuis juillet seulement, a reçu une raclée électorale de grande ampleur, parce qu’il a commencé à parler d’assainissements et du doublement d’une taxe. Quant aux conservateurs britanniques, ils avaient banni le terme "austérité" de leur vocabulaire pendant la campagne, mais ce n’était qu’une opération de communication. Dans différents pays, il y a de grands changements d’état d’esprit très rapide, et une des conséquences de ce processus est que cela mine le soutien des gouvernements en place. Du point de vue des mouvements futurs, l’intervention des camarades de Chypre était intéressante, avec un gouvernement de centre-gauche qui essaye de prendre des mesures également contre les riches, mais qui est de suite bloqué au Parlement. Ce qui est encore possible, ce sont des gouvernements élus sur base de populisme,… mais qui peuvent provoquer des mouvements sociaux importants. C’est entre autres le cas de la Grèce, où le gouvernement est en place depuis 9 mois seulement, élu sur base du moindre mal et de la promesse de ne pas appliquer l’austérité, et a suscité des mouvements sociaux de grande ampleur.

    Ce que le capitalisme nous propose, c’est un monde où chacun est en lutte contre chacun. Notre tâche est de préparer la classe ouvrière pour prendre le pouvoir et s’émanciper. En ce sens, la moindre erreur théorique se paye très cher dans la pratique. Mais nous avons réussi à démontrer ce que nous sommes capables de faire. Dans une telle période, un petit groupe avec des idées claires et qui est enraciné dans les masses peut avoir un impact énorme. A la fin des années ’80, dans des circonstances spécifiques, nous avons pu diriger un mouvement de masse contre la Poll Tax en Angleterre, un mouvement qui a rassemblé 18 millions de personnes, et nous étions à l’époque quelques milliers dans le pays. Cette école d’été a pour vocation de nous préparer à cela. A travers son expérience de lutte, la classe ouvrière va arriver à la conclusion que la seule façon de sortir de ce système, c’est la voie vers le socialisme.

  • Une semaine de ‘Protestation et de solidarité’ tenue à travers l’Europe

    Faisons de la manifestation de la Confédération Européenne des Syndicats du 29 Septembre une "journée d’action" décisive pour la mobilisation des travailleurs

    A la suite de l’appel lancé par 16 députés européens de la Gauche Unitaire Européenne / Gauche Verte Nordique (GUE/NGL), et initié par Joe Higgins et le Socialist Party (CIO-Irlande), des protestations et des activités ont pris place dans plusieurs pays européens la semaine dernière. Même si ces actions étaient de taille restreinte, elles ont activement pointé la direction dont nous avons besoin : des actions de protestation de masse au niveau européen pour résister aux attaques des gouvernements et des patrons du continent.

    Par Paul Murphy, CIO

    A l’initiative du Socialist Party, 500 personnes ont défilé dans les rues de Dublin ce samedi 26 juin, mobilisées autour des slogans "Stop au renflouage des banques – Opposons-nous aux coupes d’austérité du Fonds Monétaire International et de l’Union Européenne – Pour la fin de la dictature des marchés." Plutôt cette semaine, une protestation à Belfast, devant les locaux de la Commission Européenne, avait reçu le soutien officiel du syndicat des pompiers, d’un syndicat des enseignants (INTO – région du nord), du syndicat de la fonction publique (PCS) et de l’association des enseignants et lecteurs (ATL). Environ 150 personnes étaient présentes à cette action.

    En Grèce, des protestations ont été organisées par Syriza, avec également un meeting qui a réuni des centaines de personnes le vendredi soir à Athènes. En Angleterre, le réseau national des délégués syndicaux (National Shop Stewards Network) a organisé un meeting le samedi 26 juin au soir, sur le thème de la solidarité internationale. En Suède, des militants de 4 organisations socialistes et syndicats (de l’Alliance de Septembre), se sont réunis devant les bureaux de la Commission Européenne à Stockholm. Ils avaient une bannière déclarant "Non à l’Europe du grand capital" et ont donné une lettre de protestation à la Commission Européenne.

    A Lisbonne, l’après-midi du 26 juin, des militants du Bloc de Gauche ont distribué 200.000 tracts concernant la crise économique. Un peu plus de 80 personnes ont protesté à Bruxelles lors d’une manifestation organisée par le Front des Gauches, avec le soutien de Synaspismos (Grèce) et de la Federazione Comunista del Belgio (Italie). Cette protestation s’est déroulée dans un quartier habité par plusieurs communautés du Sud de l’Europe et a reçu les applaudissements et le soutien de plusieurs habitants. Les membres du CIO en Autriche (Sozialistische Linkspartei) ont organise une protestation devant la Chambre de Commerce de Salzburg le mercredi 23 juin et avaient une banderole longue de 35 mètre clamant "Protestation et solidarité internationales" utilisée lors d’une manifestation le vendredi.

    Au Danemark, le meeting annuel de l’Alliance Rouge-Verte s’est déroulé à Copenhague le mercredi 23 juin, avec la participation de centaines de personnes. Finn Sørensen, le vice-président d’un syndicat de Copenhague, a attaqué les déclarations selon lesquelles la crise grecque est conséquente au fait que les travailleurs grecs vivent au-dessus de leurs moyens. Il a insisté sur la responsabilité de l’Union Européenne, du gouvernement grec et des spéculateurs. Un puissant message de solidarité a été envoyé aux travailleurs grecs du Danemark. En Italie, la semaine de protestation a été relayée par les camarades de Controcorrente, qui sont intervenus dans la grève générale du 25 juin.

    L’Europe regarde en direction de la Grèce

    Les niveaux différents de protestations dans les divers pays reflètent les différents niveaux de lutte et les situations qui existent dans les divers pays européens. Cependant, avec les mesures budgétaires draconiennes du gouvernement Tory/Libéral en grande Bretagne et avec l’annonce des attaques vicieuses d’Angela Merkel en Allemagne, ainsi que les mesures d’austérité annoncées en France, il est maintenant très clair que c’est toute l’Europe qui se dirige vers la Grèce. Au cours de ces derniers jours seulement, il y a également eu des grèves générales ou des grèves générales partielles en France, en Italie et au Pays Basque en Espagne.

    Cette semaine d’action initiée par le Comité pour une Internationale Ouvrière a mis en avant le chemin à suivre pour les travailleurs partout à travers l’Europe: celui de la nécessité d’actions communes à l’échelle européenne pour vaincre les attaques antisociales qu’on cherche à nous imposer.

    Maintenant, les regards se tournent vers la "Journée d’action" annoncée par la Confédération Européenne des Syndicats pour ce 29 septembre. Les syndicats espagnols ont annoncés qu’ils partiraient en grève générale ce même jour. Le CIO plaide pour que cette journée d’action devienne une réelle journée de mobilisation des travailleurs à travers l’Europe. Là où cela est approprié, comme en Espagne, des grèves générales pourraient être organisées ce jour-là, avec des manifestations régionales et une manifestation majeure à Bruxelles.

    Dublin

    Joe Higgins, eurodéputé du Comité pour une Internationale Ouvrière (Socialist Party, CIO-Irlande)

    Clare Daily (Socialist Party, CIO-Irlande)

    Joe Higgins, eurodéputé du Comité pour une Internationale Ouvrière (Socialist Party, CIO-Irlande)

    Autriche

    Angleterre – Coventry

    Suède

    Danemark

    Belgique

  • Victoire éclatante pour les grévistes de la raffinerie Lindsey (GB)

    Les travailleurs du chantier de construction à la raffinerie de Lindsey (LOR) appartenant à TOTAL, en grève pendant une quinzaine de jours, ont remporté une victoire retentissante. Toutes les revendications des travailleurs ont été satisfaites. Les patrons sont revenus sur les 51 licenciements qui avaient conduit à des actions de solidarité sur d’autres sites, ainsi que sur les 647 licenciements annoncés par le patronat en représailles aux premières actions. De plus, tous les travailleurs ont obtenus des garanties sur leur temps de travail à venir.

    Par Alistair Tice, du Socialist Party (notre parti-frère en Angleterre et Pays de Galles

    [box type=”shadow” align=”alignright” width=”100″]

    [/box]

    Cette victoire est le résultat de la détermination militante des travailleurs qui n’ont pas hésité à partir spontanément en grève (chose particulièrement difficile en Grande Bretagne à cause des lois antigrève instaurées sous Thatcher et maintenues sous Blair et Brown) avec des actions de solidarité sur au moins 30 autres sites. Cela a exercé une pression énorme sur les permanents syndicaux des centrales GMB et Unite qui, tout en dénonçant l’action spontanée, ont été ensuite forcés de donner à la grève le statut de conflit officiel.

    Le rôle des délégués syndicaux de LOR et du comité de grève a été crucial en donnant une direction claire et intransigeante au mouvement. C’est sous la suggestion de Keith Gibson, membre de notre parti-frère le Socialist Party, que le comité de délégués syndicaux s’est tranformé en comité de grève, pour impliquer le plus de monde possible. A la fin, trois membres du Socialist Party y participaient.

    Le Socialist Party a produit un bulletin quasiment chaque jour présentant des propositions sur la voie à suivre pour continuer la grève, dont plusieurs ont été adoptées. Ces bulletins étaient aussi distribués par centaines sur les piquets d’autres sites, parfois fort éloignés. Les travailleurs étaient à la recherche d’idées et l’ont d’ailleurs démontré en étant très nombreux à acheter The Socialist, l’hebdomadaire du Socialist Party.

    Les lois anti-syndicales balayées

    L’action déterminée des travailleurs et la solidarité ont réduit à néant les lois anti-syndicales. C’était déjà la troisième fois cette année que les travailleurs de la construction ont entrepris des actions ‘illégales’. Les délégués syndicaux, le comité de grève et les réunions de masse quotidiennes où tous les travailleurs pouvaient participer à la discussion et poser des questions ont joué un rôle crucial dans cette victoire.

    L’action spontanée était forte, claire, et a réussi à mettre suffisamment de pression pour obtenir un soutien officiel des syndicats. Parvenir à ce résultat a constitué une source de confiance pour les travailleurs. Si la grève de janvier avait obtenu le soutien officiel des syndicats dès le premier jour, les bannières syndicales auraient mis de côté les slogans «Des emplois britanniques pour des travailleurs britanniques» qui étaient présents au début de la grève. Cela montre bien la nécessité de syndicats de combat, avec des permanents élus par la base et payés à des salaires de travailleur qualifié.

    A cause de ces panneaux défendant les «emplois britanniques», certaine organisations de gauche n’ont pas soutenu la grève de janvier et février, ne comprenant pas qu’il s’agissait d’une grève en défense des syndicats et contre les tentatives patronales de diviser les travailleurs en important de la main d’œuvre immigrée bon marché. A l’issue de la grève, tous les travailleurs – tant britanniques qu’italiens et polonais – avaient obtenu des droits identiques et les mêmes salaires. Cette victoire et les actions de solidarité ont donné aux travailleurs de LOR la confiance de mener cette action assez fortement pour qu’elle soit réglée en un peu plus de deux semaines.

    En janvier, les véritables socialistes présents dans le comité de grève avaient contré les slogans nationalistes avec des slogans réclamant une unité de classe, cet appel ayant d’ailleurs reçu le soutien de la délégation de Total à Anvers.

    Mais cette victoire n’est pas le point final du conflit. Si une bataille a été gagnée, la guerre ne l’est pas encore. Les employeurs ont toujours en vue de briser les syndicats. Mais cette victoire a renforcé la résistance des travailleurs. Les employeurs – TOTAL et ses sous-traitants – les ont complètement sous-estimé, les patrons sortent affaiblis de la lutte. Le licenciement de masse prévu en représaille des actions illustre clairement qu’il s’agissait de la place du syndicalisme dans l’entreprise.


    Le Comité pour une Internationale Ouvrière, CIO

    Le Socialist Party est la section du CIO en Angleterre et Pays de Galles

    Le capitalisme est un système mondial et il doit être combattu à la même échelle. C’est pourquoi le Parti Socialiste de Lutte fait partie d’une organisation marxiste internationale: le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), un parti mondial actif sur tous les continents. Notre lutte en Belgique s’inscrit dans le cadre d’une lutte des travailleurs du monde entier pour un société socialiste car si la révolution socialiste éclate sur le plan national, elle se termine sur l’arène internationale. La démocratie ouvrière et la planification socialiste de la production ne peuvent se limiter à un seul pays. C’est d’ailleurs l’isolement de la Russie soviétique qui a conduit à sa dégénérescence à partir de 1924.

  • Iran 1978-79: Une révolution volée à la classe ouvrière

    Pour comprendre la situation actuelle en Iran, il est important de savoir comment ce régime est arrivé au pouvoir. Le mouvement révolutionnaire iranien de 1978-79 a constitué une force puissante que personne n’attendait et qui a réussi à mettre fin au régime dictatorial et particulièrement répressif du Chah, monarque absolu pro-occidental. La classe ouvrière s’était soulevée, mais faute de direction politique claire, la révolution a été volée aux travailleurs par les forces religieuses conservatrices groupées autour de l’Ayatollah Khomeini, le prédécesseur de Khameini. Revenir sur les évènements révolutionnaires de 1978-79 est aussi d’un immense intérêt pour le mouvement actuel.

    Par Robin Clapp

    Aujourd’hui, l’Iran est une dictature religieuse mais, il y a maintenant 30 ans, un mouvement révolutionnaire de la classe ouvrière a renversé la monarchie iranienne et aurait pu aller jusqu’à l’instauration d’une république socialiste.

    Robin Clapp (CIO-Angleterre et Pays de Galles) parcourt ici ces évènements et explique pourquoi la contre-révolution a été victorieuse (texte écrit en 2003)

    Quand les experts de la CIA ont rédigé un rapport sur la santé politique du régime monarchiste et pro-occidental iranien e septembre 1978, ils ont conclu qu’en dépit de son régime autocratique, le Chah d’Iran régnait sur une dynastie stable dont le pouvoir pouvait encore s’étendre sur au moins une autre décennie. Quatre mois plus tard seulement, le Chah était toutefois forcé de prendre la poudre d’escampette face à une révolution populaire qui a mis bas un des régimes les vicieux au monde…

    La SAVAK, la police secrète du Chah, forte de 65.000 personnes, avait infiltré chaque couche de la société, avec des méthodes empruntées à la sinistre Gestapo nazie. Ces méthodes avaient d’ailleurs été ‘améliorées’ à tel point que le dictateur chilien Augusto Pinochet avait envoyé ses tortionnaires se former à Téhéran. Mais malgré ces colossaux obstacles, les travailleurs ont renversé le Chah et ont mis en branle un processus révolutionnaire qui a terrifié tant les régimes réactionnaires du Moyen-Orient que les puissances impérialistes occidentales. De plus, et ce n’est pas le moindre, ce soulèvement populaire a également alarmé la bureaucratie stalinienne d’Union Soviétique, alors engagée dans un commerce lucratif avec l’Iran.

    Hélas, au final, les travailleurs ne devaient pas pouvoir profiter des fruits de leur révolution. Le pouvoir est passé des mains du Chah à celles des de l’Islam politique de droite dirigé par l’Ayatollah Khomeini.

    Trois ans après, toutes les lois laïques avaient été annulées et les femmes s’étaient vues imposées des codes vestimentaires tirés d’une interprétation stricte de la tradition islamique. 60.000 professeurs ont à ce moment été renvoyés et des milliers d’opposants défendant les intérêts de la classe ouvrière ont été assassinés ou emprisonnés. Le parti communiste iranien, le Toudeh (Parti des Masses d’Iran), qui avait acceuilli avec enthousiasme le retour d’exil de Khomeini en 1979, a lui-même été interdit en 1983.

    une atmosphère révolutionnaire

    Un régime totalitaire se maintient par la terreur et l’oppression, mais cela ne fonctionne que tant que les masses demeurent effrayées et inertes. Mais l’horreur éprouvée quotidiennement conduit en définitive à la révolte. Une fois que la classe ouvrière laisse sa peur du régime de côté et entre en action, la police secrète et toutes ses effroyables méthodes s’avèrent souvent impuissants.

    Entre octobre 1977 et février 1978, des manifestations de masse illégales ont déferlé sur l’Iran. Revendiquant des droits démocratiques et leur part de la richesse du pays, les étudiants, puis la classe ouvrière, ont bravé les balles et la répression en occupant les rues.

    En janvier 1978, après que des tirs mortels aient touché plusieurs centaines de manifestants dans la Ville Sainte de Qom, une grève de deux millions de travailleurs s’est étendue de Téhéran à Isphahan, Chiraz et Mashad. Les pancartes tenues par les manifestants et les grévistes clamaient: «Vengeance contre le Chah et ses amis impérialistes américains», d’autres revendiquaient «Une république socialiste basée sur l’Islam». De plus en plus, les soldats ont commencé à fraterniser avec la foule en criant: “Nous sommes avec le peuple!”.

    Même la classe capitaliste dirigée par le Front National d’Iran de Mehdi Bazargan, qui avait tout d’abord limité ses ambitions à un partage du pouvoir avec le Chah, a été forcée par le développement d’une atmosphère ‘rouge’ à adopter un programme ‘semi-socialiste’.

    La révolution iranienne avait suivi les traces de la révolution russe de 1905, mais à un plus haut degré. A l’époque, les masses avaient accordé leur confiance aux ‘démocrates’ en costume qui avaient promis qu’ils arriveraient à faire entendre raison au Tsar. En Iran, partout, on pouvait entendre des cris réclamer que le Shah soit poussé hors du pouvoir.

    Les travailleurs des services publics et des banques ont joué un rôle crucial pour exposer au grand jour la nature particulièrement pourrie du régime. Des employés de banque avaient ainsi ouvert les livres de compte pour révéler que durant les trois derniers mois de 1978 uniquement, un milliard de livres sterlings avaient été détournés du pays pour finir dans les poches de 178 membres de l’élite iranienne. D’autre part, le Chah avait sauvé une somme similaire aux USA. La réponse des masses, furieuses, a été de brûler environ 400 banques.

    Classe, parti et direction

    Quand Mohammed Reza Pahlavi, le Chah d’Iran, a honteusement quitté le pays pour la dernière fois le 16 janvier 1979, la lutte avait largement dépassé le stade de considérer son simple départ comme une victoire. Il était maintenant question de l’abolition de l’Etat absolutiste. Quelle forme devait prendre le nouvel Iran?

    La classe ouvrière avait mené la lutte contre le Chah avec détermination : manifestations de masse, grève générale de quatre mois et, finalement, insurrection (les 10 et 11 février 1979). L’ancien régime avait été abattu pour toujours. Dans cette lutte, la classe ouvrière était devenue bien consciente de son pouvoir, mais hélas pas de la façon de l’organiser pour garder le contrôle de la société en ses mains propres.

    La Révolution teste toutes les classes sociales, et la question clé pour la classe ouvrière est de savoir si elle possède une direction décisive pour être capable de passer d’une insurrection populaire à la construction d’une société socialiste.

    En Iran – malgré le grand héroïsme des travailleurs, des étudiants et de la jeunesse – il manquait une direction marxiste de même qu’un parti de masse capable de tirer les conclusions nécessaires du cours de la révolution. La tâche des marxistes était alors d’expliquer la nécessité pour la classe ouvrière, alliée aux minorités nationales et aux paysans pauvres, de prendre consciemment le pouvoir dans ses mains et de réaliser les tâches d’une révolution socialiste.

    Mais la gauche iranienne n’a pas saisi cette opportunité. Les plus grandes forces de gauche étaient à l’époque le Parti communiste (Toudeh) et les guerrillas des Fedayin du Peuple (‘marxiste’) et de l’Organisation des Moudjahiddines du peuple iranien (islamiste).

    Ces organisations avaient beaucoup de membres, jouissaient d’un grand soutien dans la population et possédaient des armes. Mais elles souffraient énormément de leur confusion programmatique. Elles n’ont pas poursuivi de politique de classe indépendante pour les travailleurs, mais se sont au contraire mises à la remorque de Khomeini malgré les tentatives du clergé intégriste d’étouffer chaque mouvement indépendant des travailleurs.

    La chute de l’autocracie avait laissé le pouvoir vide d’occupant. Mais au moment précis où les masses auraient dû prendre en main leur destinée, quand le pouvoir était à elles, le Toudeh a proposé l’instauration d’une ‘république musulmane démocratique’. En réalité, cela signifiait que le Toudeh refusait de prendre la direction de la révolution pour participer à la réalisation des objectifs poursuivis par les Mollahs.

    La montée de l’islam politique de droite

    Les relations entre le Chah et son orientation pro-occidentale et les mosquées islamiques étaient depuis longtemps très tendues. Quand le Chah avait dépossédé les mosquées de leurs terres, le clergé musulman avait furieusement réagi et s’était vertement prononcé contre ce régime athée. Le guide spirituel des chiites iraniens, l’Ayatollah Khomeini, avait d’ailleurs été poussé à l’exil en Turquie et plus tard à Paris à la suite d’une révolte contre les expropriations de terres en 1963. Des douzaines de personnes y avaient rencontré la mort du fait de la répression.

    Marx avait décrit la religion comme "le soupir de la créature opprimée". A cause de l’interdiction de toutes les organisations opposées au Chah, les adversaires du regime avaient tendance à se rassembler autour des mosquées, où étaient délivrés des sermons radicaux. De plus en plus, ces sermons étaient considérés comme une lutte contre le totalitarisme.

    Les positions de Khomeini, en exil, étaient distribuées par cassettes audio en Iran. Arrivées en nombre restreint, elles étaient ensuite reproduites et diffusées. Khomeini et les autres Mollahs parlaient de liberté et de démocracie, d’un retour à un Islam épuré, débarassé des influences occidentales et non-islamiques qui avaient, selon eux, corrompus la culture et conduit la société dans une voie sans issue.

    Dans l’Iran économiquement semi-arriéré de l’époque, avec un haut niveau d’illettrisme et environ la moitié de la population vivant dans les campagnes, les paroles des Mollahs étaient une puissante force d’attraction pour les paysans et certaines parties de la classe moyenne, même pour des travailleurs. Alors que le Front National d’Iran voulait faire des compromis avec la dynastie, Khomeini voulait la faire tomber. Quand les masses entendaient les appels pour une République Islamique, elles comprenaient une république ‘du peuple’, pas des riches, où leurs revendications auraient été prises en compte.

    Dès le triomphal retour d’exil de Khomeini le 1er février 1979, le Toudeh a immediatement accordé son soutien à la formation d’un Conseil Révolutionnaire Islamique et lui a demandé de le rejoindre dans un Front Populaire Unis.

    Revolution et contre-révolution

    Mais ce même mois de février 1979, une situation de double pouvoir s’est développée à Téhéran. Le gouvernement s’était sauvé alors que les travailleurs, qui contrôlaient les usines et les enterprises, organisaient des comités démocratiques de travailleurs et saisissaient les armes des forces armées.

    C’est toutefois Khomeini qui a bénéficié de cette vague révolutionnaire. En mélangeant des intérêts de classe contradictoires et opposés, son mouvement a réussi à obtenir le soutien des forces séculaires et non-religieuses, grâce à une rhétorique populiste radicale: une république islamique favorisant les opprimés contre les tyrans locaux et l’impérialisme américain.

    Les militants religieux ont été aptes à détourner la révolution car ils étaients la seule force dans la société qui avait un objectif politique défini ainsi qu’une organisation et une stratégie pratique pour l’atteindre.

    Le 1er avril, Khomeini a obtenu une victoire à travers tout le pays lors d’un référendum national qui demandait à faire se prononcer face à l’unique choix suivant : République islamique – Oui ou Non.

    Les derniers jours qui ont précédé le référendum, pourtant, il a néanmoins été forcé à être plus prudent. Des confrontations avaient lieu entre les Gardiens de la Révolution Islamique et les travailleurs qui voulaient garder leurs armes récemment acquises. Khomeini dénonçait ceux qui souhaitaient continuer la grève générale comme des "traîtres que nous devons frapper au visage".

    En essayant de trouver un équilibre entre les classes sociales, il a dans le même temps accordé de grandes concessions aux travailleurs. Les médicaments et les transports gratuits ont été instaurés, des factures d’eau et d’électricité ont été annulées et les produits de première nécessité ont été lourdement subsidiés pour maintenir de bas prix.

    Mais les coffres de l’Etat étaient vides et le chômage atteignait 25%. En juillet, des décrets de nationalisation ont alors été dévoilés, accompagnés de l’établissement de tribunaux spéciaux avec le pouvoir d’imposer de deux à dix ans de prison pour "tactiques perturbatrices dans les usines ou agitation ouvrière".

    Khomeini n’a cependant été capable d’instaurer la base de son pouvoir que graduellement. Puis, quand l’Irak a envahi l’Iran en 1980, début d’une guerre sanglante de huit années, les masses se sont ralliées en défense de la révolution. A ce moment déjà, les braises révolutionnaires s’étaient refroidies.

    Le Parti Républicain Islamique mis sur pied par le clergé du tout nouveau Conseil révolutionnaire était lié aux vieux petits bourgeois (les petits capitalistes) et aux marchands des bazars qui réclamaient de l’ordre et la défense de la propriété privée. Tout en défendant ces couches conservatrices, Khomeini s’attaqua à l’impérialisme occidental en nationalisant le secteur pétrolier.

    Un régime hybride

    L’Etat islamique iranien est une république capitaliste d’un type particulier – un Etat religieux capitaliste. Dès le début, deux tendances sont apparues dans le clergé.

    Un groupe, autour de Khomeini, défendait que les Imams soient au pouvoir à travers un Etat capitaliste semi-féodal avec de nombreux centres de pouvoir. A leurs yeux, l’impérialisme américain représentait le ‘Grand Satan’ et ils encourageaient l’exportation du fondamentalisme islamique à travers le monde musulman. D’autres figures dirigeantes du régime, avec une aile cléricale plus pragmatique, voulait construire un Etat capitaliste moderne et centralisé. Tout en continuant à dénoncer les USA, ils ont voulu, particulièrement dans la dernière ‘90, renforcer les liens avec les pays occidentaux.

    Les conflits entre ces deux tendances et les crises politiques périodiques qui en resultent n’ont jamais été résolus et ont été à la base des conflits entre l’Ayatollah Khamenei et le président réformiste Khatami, élu avec une grande majorité en 1997.

    Conclusions

    Les évènements d’Iran ont permis la croissance d’un islam politique militant dans le monde musulman. En surface, il s’agit d’une demonstration de la force des masses pour lutter contre l’impérialisme.

    Mais en tant que marxistes, nous devons être clairs. L’Islam n’est pas en soi plus radical ou réactionnaire que toute autre religion au monde, et le fondamentalisme islamique n’est pas un phénomène homogène.

    Les conditions qui ont permis le développement d’un Islam politique de droite ont été créées par la faillite des mouvement nationalistes arabes et par les trahisons des partis ‘communistes’ qui ont refusé de mener une politique de classe indépendante et se sont rangés derrière différentes formes de bourgeoisies nationales. Mais le développement de l’Islam politique de droite reflète également qu’en Iran et ailleurs, le capitalisme est dans une impasse dans la région. Les masses opprimées ont besoin de trouver leur propre voie de sortie.

    Les variantes plus tardives d’Islam politique n’ont qu’une partie du radicalisme que Khomeini a été force d’embrasser au cours des premiers mois de la révolution iranienne.

    Les Talibans et les méthodes terroristes d’Al-Qaïda et d’Oussama Ben Laden n’offrent pas de solution à la lutte des masses opprimées contre le capitalisme et les propriétaires terriens. Au contraire, ces méthodes divisent la classe ouvrière et l’empêchent d’avoir son identité distincte et combative.

    Aujourd’hui, 20% des Iraniens possèdent la moitié de la richesse du pays. La lutte des classes refait régulièrement son apparition. Les édits abrutissants des Imams s’opposent résolumment à la volonté des jeunes de vivre librement leur vie.

    L’avenir de l’Iran est incertain. Un nouveau parti de la classe ouvrière doit être construit sur des bases marxistes solides, un parti qui soit capable d’apprendre pourquoi la révolution a été volée aux travailleurs en 1979.

    Les revenus pétroliers du pays ont diminué de moitié depuis lors, avec de graves conséquences pour la classe ouvrière. Celle-ci reviendra sur le devant de la scène pour finir ce qui avait été initié par la dernière révolution.


    Le développement du capitalisme avant la révolution

    Avant 1979, l’impérialisme voyait l’Iran comme une ‘ligne de front’ cruciale en tant qu’Etat-tampon contre l’influence de l’Union Soviétique dans le Moyen Orient et l’Asie du Sud. De plus, ces fabuleuses réserves de pétrole étaient vitales pour les intérêts occidentaux.

    En 1953, un mouvement nationaliste radical dirigé par le Premier ministre Mossadegh et le Front National d’Iran avait cherché à nationaliser l’industrie pétrolière du pays, déclenchant des manifestations et des éléments d’insurection pupulaire. Le Chah avait été temporairement forcé de s’exiler suite à la pression du mouvement de masse.

    La réaction de l’impérialisme a été décisive. La Grande-Bretagne et les Etats-Unis ont demandé l’arrestation de Mossadegh et ont mis en branle l’oppération Ajax en déployant des forces secrètes en Iran pour forcer l’armée iranienne à agir dans les intérêts des puissances occidentales.

    Le Chah a été réinstallé et a dirigé l’Iran d’une main de fer pendant vingt-cinq ans. Son retour a été synonyme de répression brutale de l’opposition politique organisée et des synidicats, déclarés illégaux. De soncôté, la CIA a accordé son ‘aide’ pour réorganiser les forces de sécurité.

    Après 1953, l’Iran est entré dans une ère frénétique d’industrialisation, largement sur base du programme économique du Front National capitaliste, ce qui a érodé sa popularité. L’idée était de transformer la noblesse en classe capitaliste moderne, une classe dirigeante sur le modèle occidental.

    Des réformes agraires ont été introduites, qui ont enrichi les propriétaires terriens féodaux grâce à des compensations financières énormes. Ils étaient encouragés à investir cet argent dans les nouvelles industries.


    Une rude exploitation

    Les paysans, eux, ont par contre beaucoup souffert de cette situation. Environ 1,2 million d’entre eux ont eu leurs terres volées, avec en conséquences la famine et un exode important vers les villes où ils onstituaient une main d’œuvre extrêmement bon marché pour les nouveaux capitalistes.

    Avant la révolution, 66% des travailleurs dans le secteur des tapis de la ville de Mashad étaient âgés de six à dix ans tandis qu’à Hamadam, une journée de travail était de 18 heures. En 1977, la plupart des travailleurs gagnait 40 livres sterling par an. Même s’il existait formellement un salaire minimum, 73% des travailleurs gagnaient encore moins que cela…

    Les usines iraniennes ressembaient à l’Enfer de Dante, la ressemblance avec la Russie pré-révolutionnaire était frappante. Là aussi, un processus d’industrialisation casse-cou avait été mené par une classe capitaliste très faible essayant de s’extirper elle-même d’un passé féodal en créant, selon les mots de Marx, son ‘fossoyeur’ sous la forme d’une classe ouvrière militante.

    Au fur et à mesure de l’arrivée des paysans dans les villes, la population urbaine a doublé pour atteindre 50%. Téhéran était passé de trois millions d’habitants à cinq millions entre 1968 et 1977, avec 40 bidonvilles autour de ses banlieues.

    En 1947, il n’y avait que 175 grandes entreprises employant 100.000 travailleurs. 25 ans plus tard, 2,5 millions de travailleurs étaient engagés dans les usines, un million dans l’industrie de la construction et presque le même nombre dans le transport et les autres industries.

    L’Iran était en pleine transition, à moitié industrialisée, à moitié coloniale. Une puissante classe ouvrière avait émergé en une seule génération. En Russie, la classe ouvrière avait grimpé jusqu’à 4 millions sur une population totale de 150 millions. Armée du marxisme, cette classe ouvrière avait pu engager la paysannerie derrière elle pour rompre la chaîne du capitalisme à son point le plus faible, en 1917.

    En comparaison, le poid social de la classe ouvrière iranienne était bien plus important – environ quatre millions de travailleurs sur une population de 35 millions.


    Ne jamais envahir une révolution

    L’impérialisme américain a regardé, impuissant, les derniers jours du Chah en Iran. Des voix s’étaient élevées au Pentagone pour envoyer des porte-avions et des marines dans le Golfe, mais des personnes plus avisées au sein de la classe dirigeante américaine avaient estimé :‘on n’envahit pas une révolution populaire’.

    Les Etats-Unis étaient tout juste en train de commecer à lêcher leurs plaies suite à la cuisante défaite de la guerre du Vietnam. Là-bas, la lutte sociale des paysans et des travailleurs pour se débarrasser des chaînes de l’oppression avait mis la superpuissance sur les genoux.

    Une invasion de l’Iran dirigée par les USA aurait eu d’incalculables répercussions à une échelle mondiale, particulièrement dans le monde colonial où le Chah d’Iran était aux yeux des masses considéré comme le plus pourri de tous.

    La Révolution iranienne a fait trembler les Etats-Unis. Le président américain Jimmy Carter avait été humilié quand les Ayatollahs avaient organisé des mouvements de foule contre l’embassade américaine à Téhéran, où 66 personnes avaient été prises en otage.

    En 1983, Ronald Reagan avait été forcé de retirer les troupes américaines hors du Liban en raison des pertes causées par le Hezbollah, qui avait le soutien de l’Iran.


    Economie: Un abîme croissant

    L’Iran était le second plus gros exportateur de pétrole en 1978, et le quatrième plus gros producteur. Quand les prix du pétrole ont quadruplé entre 1972 et 1975 suite à la guerre israélo-arabe, le Produit National Brut (PNB) iranien avait augmenté de 34% en une seule année. Des milliards sont alors tombés dans les poches du Chah et de sa clique.

    Mais avec 45 familles contrôlant 85% des grandes et moyennes entreprises et les 10% les plus riches de la population ayant 40% de l’argent du pays, le fossé entre les classes était chaque jour plus important.

    Environ un quart des Iraniens étaient dans une situation de pauvreté absolue. Comme pour illustrer son arrogance en tant que monarque absolu, le Chah avait declaré en 1976, mois de trois avant avant de devoir fuir du pays: "Nous n’avons pas encore demandé au peuple de faire des sacrifices. Au contraire, nous les avons comme couvert d’ouate. Les choses vont maintenant changer. Chacun devra travailler plus et être prêt à faire des sacrifices au service du progrès de la Nation."

  • Grande-Bretagne: No2EU : Un pas en avant vers une voix politique ouvrière

    No2EU-Yes to Democracy a été lancé il y a sept semaines à l’initiative du syndicat des travailleurs du rail – le RMT – cette alliance électorale construite à la-va-vite est parvenue à recueillir 153.236 voix lors des élections européennes de juin : 1% des votes. Le vote de gauche combiné au niveau de tout le Royaume-Uni a été de 340.805 voix, soit 2,25%

    Hannah Sell, vice-secrétaire générale du Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)

    No2EU-Yes to Democracy a rassemblé le Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles), le Parti Communiste de Grande-Bretagne, l’Alliance pour un Socialisme Vert, certaines sections de Respect, et d’autres encore. Parmi ses candidats, on trouvait les dirigeants des luttes les plus militantes du Royaume-Uni de cette année, y compris les délégués des usines d’Enfield et de Basildon Visteon, des membres du comité de grève du chantier de Lindsey, et Rob Williams, délégué martyr de l’usine de pièces détachées automobiles de Linamar.

    Parmi beaucoup de travailleurs qui ont entendu parler de No2EU, c’était l’enthousiasme. Mais à cause de son très jeune âge, et en particulier du boycott médiatique qu’elle a subi, la liste No2EU n’a été capable d’avoir qu’un impact limité sur la conscience de la masse des travailleurs. No2EU a obtenu plus de couverture dans les médias capitalistes depuis le jour de l’élection qu’au cours de toute la campagne !

    Il est bien entendu qu’aucune nouvelle formation de gauche ne pourra instantanément gagner la confiance des travailleurs, même après avoir obtenu de la visibilité ou une certaine «reconnaissance»: les travailleurs préféreront toujours, à juste titre, tester cette formation dans l’action sur une certaine période. Le RMT est un des syndicats les plus militants de toute la Grande-Bretagne. De nombreux candidats No2EU, parmi lesquels les membres du Socialist Party ne sont pas les moindres, bénéficient d’un long curriculum de luttes dans les intérêts de la classe salariée dont ils peuvent être fiers. Toutefois, la campagne en soi était très nouvelle. Dans ce contexte, sa capacité à convaincre plus de 150.000 personne de voter pour elle indique les possibilités qui existent pour la création d’une alternative de gauche combative. Dans les régions où les candidats bénéficiaient d’un passé électoral conséquent, No2EU a reçu de meilleurs résultats, avec par exemple un score de 4,5% à Coventry.

    Étant donné le peu de temps disponible afin d’établir le profil de No2EU, le nom de la campagne était un certain désavantage par rapport à certaines personnes. Ce nom était très attractif vis-à-vis d’une couche de travailleurs mécontents de la manière dont la législation européenne est utilisée par les patrons et le gouvernement pour saper leurs salaires et leurs conditions de travail – comme ceux du chantier de Lindsey qui ont récolté 400£ pour contribuer au financement de No2EU. Cependant, il y avait d’autres travailleurs – consciemment à la recherche d’une alternative de gauche ou socialiste – qui, s’ils avaient entendu parler de No2EU, n’auraient pas réalisé ce que cela représentait. Il ne fait aucun doute que certains parmi eux ont voté pour le Socialist Labour Party d’Arthur Scargill, qui a récolté un petit peu plus de voix que No2EU.

    Bien que modeste, le vote combiné pour la gauche a été le meilleur qui ait jamais été réalisé sur une base nationale pour une élection européenne ; ce fait représente un pas en avant en direction de la construction d’une représentation politique indépendante pour la classe salariée de Grande-Bretagne.

    De nombreux travailleurs à la recherche d’une alternative à la gauche du New Labour sont déçus du fait qu’il y ait plus d’une liste de gauche qui se présente, ce qui est compréhensible. Parfois, de tels conflits seront inévitables ; malheureusement, le SLP n’a pas daigné rejoindre une campagne commune pour les élections européennes. Toutefois, le désir de créer une voix électorale pour la classe salariée qui soit la plus forte possible est entièrement correct. No2EU a été un bloc électoral qui visait justement à cela : rassembler différentes organisations autour d’un programme commun afin de maximiser son impact électoral. En conséquence, le programme de No2EU était bien entendu limité, sans toutefois être nationaliste, comme certains l’ont laissé entendre. Au contraire, il appelait à la «solidarité internationale des travailleurs».

    En même temps, les diverses organisations participantes avaient une liberté totale de produire leur propre matériel. Par exemple, le Socialist Party a produit des tracts qui mettaient en avant notre programme socialiste et qui expliquait que nos candidats, s’ils étaient élus, ne recevraient qu’un salaire de travailleur.

    Une approche similaire est nécessaire lors de l’élection générale. Nous voulons nous assurer que – dans autant de postes que possible – des militants socialistes et ouvriers soient disponibles en tant qu’alternative aux partis de l’establishment. Le Socialist party appelle tous les syndicalistes et les socialistes, y compris le SLP, qui veulent relever un tel défi à œuvrer pour créer un bloc électoral sur une échelle plus grande encore que No2EU a été capable de l’accomplir.

    Contre le BNP

    Une des principales motivations de No2EU était le désir de fournir une alternative de gauche au BNP, parti d’extrême-droite. Il est clair que, dans certaines communautés ouvrières, d’importantes couches de la population sont si dégoûtées de tous les partis traditionnels au service du grand patronat, qu’elles se sont tournées vers le BNP, qui cherche à se faire passer pour un parti de la «classe salariée blanche». A Barnsely, par exemple, qui est traditionnellement une région fortement Labour, le vote Labour s’est effondré de 45 à 25%, et le vote BNP a monté de 8 à 17%. En réalité, comme l’a montré leur opposition aux grèves dans le secteur public ou à la grève historique des mineurs, le BNP est antisyndical et antigrève, il ne remet aucunement en question la domination de la Grande-Bretagne par une minuscule bien classe capitaliste immensément riche.

    Toutefois, le BNP ne sera pas vaincu simplement en suppliant les travailleurs de ne pas voter pour lui. Il est nécessaire de commencer à créer un parti de masse qui soit véritablement en faveur des travailleurs, quelle que soit leur nationalité. No2EU a été un pas en avant vers la création d’une telle alternative. A l’annonce des résultats, Bob Crow, secrétaire général du RMT et tête de liste à Londres, a dénoncé le rôle des partis «pro-capitalistes, pro-UE» dans la responsabilité des gains du BNP, et a montré l’issue en avant :

    «Aux côtés de nos collègues du SLP et d’autres groupes de gauche, nous avons remporté presque un tiers de millions de voix. A partir de No2EU, nous avons remporté 150 000 sympathisants, malgré le blocage des médias. Ceci nous octroie une plate-forme solide sur laquelle bâtir. Nous avons maintenant de toute urgence besoin de discussions avec les partis et les campagnes politiques et avec nos collègues des autres syndicats tels que le CWU (Communication Workers Union), afin de développer une réponse politique face à cette crise.»

    Pour le Socialist Party, la prochaine étape est de construire une réponse de la classe salariée pour les élections générales face à aux partis de l’establishment. Pourtant, selon certains, No2EU n’aurait pas du se présenter aux élections européennes, surtout au Nord-Ouest, parce que si les électeurs de No2EU avaient voté Green, le BNP n’aurait pas été élu.

    La raison pour laquelle le BNP a obtenu deux parlementaires européens a été l’effondrement total du vote Labour. En conséquence, le BNP a remporté deux sièges, malgré le fait qu’ils aient obtenu moins de voix qu’en 2004, aussi bien dans le Nord-Ouest qu’au Yorkshire.

    De plus, il est faux de suggérer que No2EU devrait s’être abstenu au profit des Greens. Sur le plan national, le Green Party, n’a jamais accepté aucun accord politique avec des candidats de gauche ou socialiste, malgré les tentatives faites par le Socialist Party ou d’autres d’en discuter avec eux.

    Si No2EU ne s’était pas présenté, il est erroné de penser que l’ensemble de ses électeurs se seraient tournés vers les Greens. La majorité de ceux qui ont voté Green les ont certainement perçus comme une alternative de gauche. Bien que sur le plan local, les conseillers communaux Green ont soutenu des mesures néolibérales antisalariées, les Greens n’ont pas encore été testés sur le plan national, comme ils ont pu l’être en Allemagne et en Irlande où ils sont entrés dans des gouvernements néolibéraux, et ils sont donc toujours considérés par certains comme étant à «gauche».

    Toutefois, dans le Nord-Ouest, malgré l’effondrement du vote New Labour de plus de 240 00 voix par rapport à 2004, les Greens n’ont été capables d’accroître leurs voix que de 10 000. Dans le Yorkshire, les Greens ont gagné 14 000 voix de plus.

    Sur le plan national, le vote Green s’est accru de plus d’un demi-million, mais ce vote était concentré de manière disproportionnée dans des régions avec une grande classe moyenne urbaine. Au Yorkshire, les Greens ont remporté 104 000 voix contre 120 000 pour le BNP.

    Toutefois, le schéma n’est pas le même pour les villes ouvrières en ruine du South Yorkshire, où le BNP a réalisé sa plus grande percée. A Barnsley, où le BNP a reçu 17% des voix, les Greens ont obtenu 6%.

    Ceci reflète le fait que les Greens ne sont pas perçus par la plupart des salariés comme un parti qui défende leurs intérêts, et le fait qu’ils ne soient par conséquent pas capables d’empêcher la croissance du BNP.

    No2EU n’était qu’un pas en avant vers la création d’un parti de masse des salariés qui puisse saper le BNP, mais c’était néanmoins un pas important en ce sens.

    Pour la première fois depuis la fondation du Labour Party, un syndicat national a pris la décision de se présenter, au côté d’autres, dans des élections nationales et avec un programme de gauche.

    C’était le devoir des socialistes de soutenir une telle initiative. Le RMT a maintenant établi l’idée que le mouvement ouvrier peut présenter ses propres candidats aux élections.

    Le syndicat du service public, le PCS, discute en ce moment d’un départ vers une direction similaire. Tous ces pas en avant doivent être encouragés.

    Lorsque les salariés commencent à trouver leur propre voix politique, il est du devoir des socialistes de ne pas rester sur le côté pour critiquer, mais de s’impliquer et d’oeuvrer pour faire en sorte que ces premiers pas puissent se développer en un mouvement de masse.


    Le Comité pour une Internationale Ouvrière, CIO

    Le Socialist Party est la section du CIO en Angleterre et Pays de Galles.

    Le capitalisme est un système mondial et il doit être combattu à la même échelle. C’est pourquoi le Parti Socialiste de Lutte fait partie d’une organisation marxiste internationale: le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), un parti mondial actif sur tous les continents. Notre lutte en Belgique s’inscrit dans le cadre d’une lutte des travailleurs du monde entier pour un société socialiste car si la révolution socialiste éclate sur le plan national, elle se termine sur l’arène internationale. La démocratie ouvrière et la planification socialiste de la production ne peuvent se limiter à un seul pays. C’est d’ailleurs l’isolement de la Russie soviétique qui a conduit à sa dégénérescence à partir de 1924.

  • ELECTIONS 2009: recherche de stabilité et peur d’un bain de sang social

    Ce texte a pour objectif de mettre en lumière les processus sous-jacents qui ont conduit aux résultats électoraux des élections de 2009 en Belgique. Ce texte ne développe pas réellement les développements de la situation économique, mais nous devons être bien conscients que la crise économique est à la base de ces résultats. Une crise économique se développe en différentes étapes, il en va de même pour ses répercussions sur la conscience. De plus, la phase actuelle de la crise a des conséquences différentes pour les diverses couches de la population, ce qui produit également des réactions différentes.

    Texte du Comité National du PSL/LSP du 13 juin 2009

    Il n’y a pas, non plus d’espace dans ce texte pour une véritable évaluation des résultats électoraux pour le reste de l’UE. Le Comité pour une Internationale Ouvrière a publié une première réaction sous la forme de l’article de Robert Bechert, à lire sur le site du PSL (voir ici). Dans les jours et semaines à venir arriveront des analyses plus profondes des différentes sections. Ici, seuls quelques éléments généraux de l’analyse sont cités, ceux qui servent également à l’analyse des résultats électoraux en Belgique.

    Différents processus se croisent

    Pour le moment, la crise économique continue à s’approfondir, bien que certains commentateurs (de la FEB entre autres) mettent actuellement en avant, de façon prudente, l’idée que le «fond» de la crise serait atteint pendant ou après cet été. Ils ajoutent néanmoins de suite qu’il n’y aura pas d’amélioration rapide du marché du travail et que le chômage va continuer à grimper. La Banque Nationale s’attend à la suppression de 140.000 emplois entre fin 2008 et fin 2010. Combiné à la croissance prévue de la population active de 60.000 personnes (avec notamment deux années de jeunes quittant l’enseignement), cela signifie 200.000 chômeurs en plus. La FEB suit également cette analyse car elle ne s’attend pas une montée rapide du niveau d’investissement. De plus, aucun des optimistes n’attend de relance rapide de l’économie, mais seulement une sortie du rouge.

    Chaque mois arrive un nombre record de faillites. La petite bourgeoisie, mais aussi toute une série de PME’s – qui travaillent surtout comme sous-traitants pour des multinationales et d’autres grandes entreprises – sont fortement touchées par la crise. Le nombre de pertes d’emplois continue à monter et l’angoisse est profonde pour l’avenir d’entreprises comme Opel à Anvers. Quand on regarde les conséquences sur la région qu’a eu la fermeture de Boelwerf à Tamise (1994), conséquences qui perdurent encore aujourd’hui, nous savons déjà quels drames sont provoqués par ce type de fermetures. La direction syndicale ne met aucune stratégie en avant, aucun plan, pour éviter ce à quoi la plupart des travailleurs s’attendent maintenant: des licenciements massifs, une montée du chômage et de la pauvreté,… en d’autres termes; un appauvrissement collectif alors que l’austérité d’Etat supprime encore plus de services et d’interventions sociales.

    La presse bourgeoise parle déjà depuis des mois de l’impasse dans laquelle se trouvent les partis sociaux-démocrates en Europe. «Ils devraient toutefois pouvoir profiter de la crise», ont dit les journalistes dans leur pensée mécanique, quelques uns ont même dit que comme cela ne se produisait pas, c’était la preuve de la faillite de Marx (entre autre Frank Vandenbroucke!) Les marxistes ont toutefois une vision plus développée à ce sujet. Ils apprennent de l’histoire que les crises peuvent aussi avoir un effet paralysant sur la classe ouvrière et qu’il est possible que les travailleurs se réactive massivement seulement aux premiers signes de relance économique. Aujourd’hui, le mot paralysie est une expression trop forte, mais il y a néanmoins un élément de cela renforcé par la démotivation consciemment organisée par la direction syndicale.

    Mais les grandes claques reçues par la social-démocratie dans différents pays européens dans ces élections n’ont, en soi, rien à voir avec cela. Ces claques sont arrivées dans les pays où les partis sociaux-démocrates bourgeoisifiés ont été les architectes d’un grand nombre d’attaques contre le mouvement ouvrier au cours des dix dernières années. Le fait de gérer le capitalisme, dans une période de détérioration systématique des conditions de vie de la classe ouvrière depuis le début de la période de dépression en 1974, a de plus en plus vidé ces partis. Le Labour en Grande-Bretagne, le SPD en Allemagne, le PvdA aux Pays-Bas,… sont, tout comme le SP.a en Flandre, sanctionnés pour leur politique. Il reste à peine de quoi se souvenir encore des partis ouvriers qu’ils ont été jadis. Certains partis sociaux-démocrates échappent à une telle punition brutale dont le PSOE en Espagne et le PS en Belgique francophone.

    Dans un certain nombre de pays, la crise s’exprime dans un vote de protestation élevé, le plus souvent sous la forme de votes pour des formations populistes de droite, plus ou moins euro-sceptiques, comme l’expriment la montée de Wilders aux Pays-Bas ou celle de l’UKIP en Grande-Bretagne. Ces formations récoltent un pourcentage de voix plus important que la social-démocratie. Là où ils l’ont pu, ces populistes ont utilisé le large mécontentement qui existe contre l’Europe. Cela n’est en soi pas un nouveau phénomène: depuis le milieu des années ’80 déjà, nous observons la montée de partis (souvent néo-fascistes) qui se servent du populisme et qui se construisent sur le mécontentement social en se basant sur la dégradation générale du standard de vie et des conditions de travail – notamment des salaires, de la pression au travail,… – qui se poursuit systématiquement, y compris en période de croissance économique.

    Aujourd’hui, la palette des partis populistes est plus variée qu’il y a vingt ans. Ce sont toutes des formations petite-bourgeoises qui vivent du vide créé par la disparition des partis ouvriers en tant qu’organisations ouvrières. Le manque de luttes collectives qui stimulent la conscience de classe et qui peuvent offrir de véritables perspectives conduit à la recherche de solutions individuelles ainsi qu’à des éléments de division qui semblent d’autant plus importants que la division de la société en classes a disparu de la scène politique. Dans certains pays, les partis d’extrême-droite et néofascistes ont eu à faire face à une perte de voix comme en Flandre (le FN en France n’est également plus que l’ombre de ce qu’il a été à son sommet). Le Vlaams Belang a perdu des votes car les populistes plus «modérés» ont commencé à viser son électorat. Ces formations n’ont pas l’étiquette du fascisme et d’un racisme «indécent» et ont, à première vue, plus de chance d’être un jour réellement présentes au pouvoir. Pour la même raison, il a perdu une partie de ses votes flamingants au profit de la NVA.

    Mais cela ne doit pas nous tromper. Il est probable que le Vlaams Belang ne chute pas plus profondément. Des trois partis de la petite-bourgeoisie de droite, le Vlaams Belang est celui qui a les structures les plus fortes, le cadre le plus grand et l’implantation la plus large. Des partis comme la LDD, qui dépendent d’un dirigeant charismatique, peuvent disparaître aussi rapidement qu’ils sont arrivés comme la LPF l’a démontré aux Pays-Bas (mais la base sous-jacente à leur montée peut conduire ensuite à ce que de nouveaux phénomènes semblables arrivent). Et des partis flamingants comme la NVA ont dans le passé souvent été mis hors jeu suite à leur participation au pouvoir, quand ils se brulent les ailes avec des compromis.

    Une autre tendance importante de ces élections européennes est la victoire de partis conservateurs de centre-droit ou de droite qui sont, avec plus ou moins d’écart, redevenus les plus grands: les Tories en Grande-Bretagne, le CDU/CSU en Allemagne, l’UMP en France, le PP en Espagne, Berlusconi en Italie, le CD&V en Flandre. L’insécurité créée par la crise peut mener à la polarisation et à l’éparpillement politique (cela se développe presque partout) mais peut également pousser certaines couches de la population (y compris dans une partie de la classe ouvrière) à un désir de stabilité, de vieilles recettes, de politiciens de qui «émane la confiance». Il y a une peur des «aventures» qui se développe maintenant que les choses ne vont pas bien. Ce n’est qu’une phase, vu que ces partis n’ont pas de réponse à offrir face à la crise si ce n’est, au mieux, un accompagnement de la dégradation sociale. Mais la profondeur de la crise a comme conséquence de limiter les moyens pour un tel «accompagnement». Une fois que cela se clarifiera aux yeux de larges couches, le centre politique recommencera à se déplacer.

    Cette tendance a sans doute aussi fait des dégâts parmi les formations et les listes de gauche dans différents pays. Aussi bien en Allemagne qu’aux Pays-Bas, Die Linke et le SP ont fait des scores en-dessous des attentes. En nombre de voix, le SP se fait même dépasser par la formation de «gauche modérée» Groen-Links. En France, la percée attendue du NPA ne s’est pas produite, le NPA obtenant moins de votes que le Front de Gauche (autour le PC) et aucun élu. En Italie, où les dernières élections nationales ont mis fin à la présence conséquente de la gauche radicale au parlement depuis la Deuxième Guerre Mondiale, il n’y a cette fois-ci non plus pas eu d’élu pour la gauche radicale au Parlement Européen. A côté de cet élément objectif, il y a aussi dans ce processus des éléments subjectifs forts sur lesquels on ne peut pas s’étendre dans ce texte. L’élection de Joe Higgins en République Irlandaise – frappée par le développement rapide d’une crise économique profonde après une longue période de croissance élevée – montre qu’un parti de lutte réellement impliqué dans la directions de luttes et de mouvement de la classe ouvrière, armé d’un programme correct et socialiste conséquent, avec des revendications et des campagnes qui rejoignent la conscience et qui met une perspective en avant,… peut obtenir des victoires dans une période de crise.

    En Belgique, la bourgeoisie reçoit un puzzle compliqué

    En Flandre

    La première réaction de la presse – remarquablement unanime dans les différentes parties du pays – était claire: «La Flandre a voté flamand et à droite». Ce discours a un air de déjà-vu: cela semble être une réédition des dernières élections fédérales de 2007. Le PSL/LSP y a déjà répondu à l’époque. Tout comme en 2007 les sondages à la sortie des urnes et autres recherches sur les élections montrent que la question communautaire n’est pas vue comme un thème important par les électeurs (selon une recherche inter-universitaire faite pendant la campagne, il semble que seulement moins de 10% des électeurs flamands choisissent leur vote pour des raisons communautaires). Tout comme en 2007, ce thème était à peine présent et même encore moins durant la campagne proprement dite. Le CD&V a obtenu sa victoire en 2007 avec son image de «bon père de famille» dans un moment de recherche de stabilité et de repos après une coalition violette agitée. Il avait notamment convaincu sa base CSC avec des promesses de 2 milliards d’investissements en plus dans la politique sociale, avec une rhétorique qui tournait autour des soins de santé, de l’aide aux familles, etc. Le CD&V, aidé par son passage dans l’opposition, a beaucoup moins un profil néolibéral que les partis libéraux. Il se profile plus sur la «vieille» politique de conciliation de classes qui était dominante dans la période de croissance des années ’50-’75. Bien que ses liens avec le mouvement ouvrier chrétien soient devenus bien plus faibles et que ce dernier opère de manière indépendante beaucoup plus que par le passée, l’absence d’un vrai parti ouvrier (et donc avec la bourgeoisification de la social-démocratie) défendant réellement les intérêts de la classe ouvrière a pour conséquence que ces liens ne sont pas réellement cassés. La victoire du CD&V ne représente pas dans le paysage politique actuel un vote à droite, mais bien un vote pour un parti qui se profile au centre et lance un message «social».

    Vu l’attitude “réaliste” et plus modérée prise par le CD&V au sujet de la question communautaire, sa volonté publique d’arriver à un accord par les négociations, il est difficile de prétendre que le vote pour le CD&V ait pu être attirant pour les flamingants les plus durs. Dans ces élections, le vote flamingant – les sondages montrent depuis déjà quelque temps qu’un pourcentage stable de plus ou moins 11% de la population se déclare pour l’indépendance de la Flandre – s’est surtout dirigé vers la NVA. Même pour le Vlaams Belang, qui vient historiquement de l’aile d’extrême-droite du Mouvement flamand, le flamingantisme ne constitue pas la raison principale de sa progression électorale. Sa rhétorique anti-establishment et surtout le thème de l’immigration ont joué un rôle beaucoup plus important. Des recherches ont déjà montré que le Vlaams Belang avait même le public électoral le plus monarchiste de tous les partis flamands. Pour la LDD, le communautaire est un élément utilisé de temps à autre, mais ce n’est pas non plus le thème principal sur lequel elle cherche à gagner des votes.

    Après presque trois années de constante surenchère communautaire, la NVA – le seul parti flamand qui a un public électoral attiré par ses positions communautaires de façon si dominante – a réussi à canaliser ce vote flamand au cours de ces élections et à le tirer hors des eaux dangereuses du «flamingantisme antidémocratique», comme la presse bourgeoise l’a écrit. La NVA s’est même fait féliciter pour cela par, entre autres, Patrick Janssens et Caroline Genez (du SPa). La presse bourgeoise dit que la NVA commence à «regagner la position qu’avait la Volksunie dans le temps». La NVA se retrouve néanmoins encore bien loin de cette position: la VU a obtenu 20% des votes à son apogée et était capable de construire une stabilité relative. La NVA n’a pas pu obtenir un tel résultat après trois années de surenchère communautaire, trois années qui pourtant pouvaient faire rêver les partis de la petite-bourgeoisie de «solutions faciles». Le parti a reçu un soutien pour être soi-disant sans concession et en évitant (provisoirement) un deuxième scénario d’Egmont (compromis accepté par la VU qui lui avait fait perdre son soutien) en retirant à temps son soutien aux gouvernements fédéral et flamand. De cette manière, la NVA a retiré à la LDD l’image de «mains propres» que cette dernière ne pouvait de toute façon plus maintenir à cause de l’affaire Vijnck et des bagarres publiques autour de la formations de ses listes. Des recherches sur les élections montrent que, sur base d’une image de «politicien pur», la NVA a obtenu des postes qui n’ont rien a voir avec leur flamingantisme. La grande personnalisation de la politique dans les médias, y compris sur les chaînes publiques, et l’absence de débats vraiment contradictoires conduisent à faire des jeux tels que «l’homme le plus intelligent» (un jeu sur la chaîne publique qui s’est déroulé juste avant la campagne électorale officielle et dans lequel Bart De Wever est apparu comme une star). Cela a donné un énorme forum à des hommes comme De Wever et Dedecker. Comme Dedecker a déjà pu le voir, cet effet peu rapidement diminuer dès qu’une meilleure «figure» est trouvée. La NVA a eu une victoire électorale importante, mais un passage dans le gouvernement, où un compromis sur une réforme d’Etat doit être conclu, ou encore un scénario dans lequel la NVA est mise en avant comme responsable de l’instabilité, peuvent briser ce soutien, dont une partie reviendra alors au Vlaams Belang.

    En ce qui concerne le Mouvement flamand, il faut en plus observer la disparition du SLP (ancien Spirit). Cela confirme notre analyse du nationalisme flamand «progressiste» ou «de gauche», qui n’a plus de base dans la situation objective présente. Les figures provenant de Spirit qui se trouvaient sur d’autres listes ont à peine pu compter sur des partisans à l’exception de Bert Anciaux, qui a finalement pu encore rassembler un nombre raisonnable de votes de préférence. Dans la région de Bruxelles il a une certaine popularité malgré ses nombreux zigzags politiques. C’est d’ailleurs la seule région de Flandre où un certain sentiment d’oppression des flamands demeure, essentiellement à cause de l’expulsion sociale engendrée par les hauts prix des logements. 16. Ce qui a également été remarquable dans ces élections, c’est le sprint très tardif du SP.a pour sortir de la zone de danger de moins de 15% pour les élections régionales. Tout comme le PS en Wallonie, le SP.a a reçu l’aide consciente de la presse bourgeoise. La peur d’un «gouvernement de droite» a été mise en avant avec l’élément de «rien ne va plus aller» ni sur le plan social ni sur le plan de la réforme d’Etat. Au dernier moment, une partie de son public électoral a finalement et par désespoir accordé son vote à se parti qui s’est compromis à mort aux gouvernements. Cela a certainement joué un rôle dans le résultat plus bas que prévu de Groen (qui, contrairement au SP.a, a plus de voix au Parlement Européen comparé aux élections régionales). Groen n’a pas réussi à se présenter comme une force crédible avec de vraies réponses. Cela a peut-être aussi joué un rôle dans le fait que le PvdA n’a même pas fait un semblant de percée. Nos militants avaient fait état de discussions dans le cadre syndical inférieur, où certains pensaient cette fois-ci voter pour le PvdA (mais il était clair que cette tendance ne descendait pas parmi la base et était limité à des individus spécifiques dans l’appareil).

    Mais le parti qui a probablement le plus souffert du sprint final du SP.a au niveau régional est l’Open VLD. Alors que le «VLD flamand» maintenait un profil néolibéral bien dur, Verhofstadt a réussi à se donner une image plus social-libérale pour les européennes. Le SP.a n’a en effet réussi à sortir de la «zone de danger» des 15% qu’au niveau régional puisque sur le plan européen il fait 13,23%. Le VLD a obtenu plus de 5% de plus sur sa liste européenne que sur sa liste régionale. Il y a – sous l’influence de la bourgeoisification totale du SP.a et de l’épisode des gouvernements violets – un certain public qui vacille au niveau électoral entre le VLD et le SP.a. Une partie de cette couche que Verhofstadt a pu convaincre sur le plan européen a finalement voté pour le SP.a à cause du profil de la liste flamande et de la peur, stimulée par les médias, d’un gouvernement totalement de droite sans le SP.a. C’est un élément de plus qui illustre la bourgeoisification totale de ce parti: une bonne part des votes qui l’ont sauvé au dernier moment d’une chute totale ne provient pas du tout de la classe ouvrière. Plus de précisions sur l’analyse du VLD suivra dans la partie du texte consacrée aux résultats du MR.

    Wallonie et Bruxelles

    A la différence de Groen, en Belgique francophone, Ecolo a réussi à faire une très grande percée. Cela a constitué le phénomène le plus important de ces élections, avec le fait que la lourde punition annoncée du PS n’a pas eu lieu, surtout en Wallonie. Mais pour pouvoir estimer correctement le nouveau phénomène – la percée d’Ecolo – il faut premièrement analyser le «vieux» – la puissance durable du PS wallon. Les différences régionales pour les deux phénomènes sont d’importance.

    Malgré toute une série de scandales sur lesquels le MR a beaucoup joué et malgré des sondages terribles, le PS est redevenu le plus grand parti de Wallonie. Il a obtenu 32,77% des votes, ce qui signifie un recul de 4,14% par rapport aux élections régionales précédentes de 2004 et une légère progression par rapport à ses votes aux élections fédérales de 2007. Il faut donc replacer le combat du MR pour faire changer le «centre de gravité de la Wallonie» dans une perspective correcte: le MR n’a obtenu que 23,41%. En sièges, c’est 29 pour le PS et 19 pour le MR.

    Une des raisons de ces résultats est le fait que le MR de Reynders est puni pour son profil néolibéral dur. Des discussions à ce sujet se développent dans le MR également. C’est ce qui est ressorti de la brève période où Aernoudt pouvait se dire membre du MR. Ce n’était pas seulement Deprez (MCC, ex-PSC) mais également le FDF qui voulaient à ce moment-là une rhétorique «social-libérale». Il est probable que le MR commence à réaranger certaines choses après les élections. Le double mandat de Reynders et sa stratégie d’attaque dure contre le PS vont certainement être remis en question. Il va falloir laisser un espace pour que l’aile plus «social-libérale» puisse venir à l’avant du parti. Le très bon résultat de Louis Michel sur la liste européenne face au très mauvais résultat de Reynders à Liège en donne également l’occasion. Nous avons dit en 2007 que les ambitions de Reynders en Wallonie arrivaient trop tard, le néolibéralisme en tant qu’idée étant totalement discrédité par la crise bancaire. Aujourd’hui, ce constat reste correct et joue aussi dans la punition que le VLD a reçu. Celle-ci n’avait pas comme première base «l’affaire Vijnck», mais surtout le maintien d’une rhétorique de diminution des charges et d’autres cadeaux au patronat. «L’affaire Vijnck» n’a été que la dernière goutte qui a montré que dans ce parti, ce sont les postes qui comptent et non pas les idées. Plus important que cela, les plaidoyers du VLD pour la privatisation de De Lijn et pour la commercialisation d’une partie du secteur des soins de santé notamment étaient en retard par rapport à la conscience existante parmi les couches larges, qui ne croient plus aux recettes néolibérales d’hier.

    Pour “changer le centre de gravité en Wallonie”, une campagne anticorruption ne suffit pas. La population part de l’idée – au vu de la confiance très basse accordée aux politiciens montrée par des sondages d’opinion (seulement 17% de confiance) – que chaque personne au pouvoir magouille d’une manière ou d’une autre. Des populistes partout dans le monde se basent sur cette idée. Le scandale des remboursements de frais des parlementaires en Grande-Bretagne a ainsi été la base pour une défaite si humiliante et si profonde pour le Labour. Mais le PS échappe à ce sort. Pourquoi? Premièrement parce que l’alternative du MR fait plus peur qu’elle n’attire. Deuxièmement parce que le PS, grâce au soutien dans les journaux par des messages de panique au sujet des gouvernements sans le PS en pleine crise économique profonde, a de nouveau pu faire appel à tous ses réseaux. Dans ses bastions – où le PS fait localement des scores jusqu’à et même au-dessus de 40% (scores obtenus en Flandre uniquement par le CD&V), toutes les structures et les réseaux qui tournent autour du PS (et comme pour le CD&V en Flandre, cela représente beaucoup) ont été mis en jeu dans un dernier rush avant les élections. Le PS n’a pas obtenu une punition comme la plupart des partis sociaux-démocrates. Il y a même eu un certain élément de «bonus de chancelier» comme pour le CDU en Allemagne ou le CD&V en Flandre. La peur d’un bain de sang social sous un possible gouvernement du MR a toutefois été l’élément dominant pour le score élevé du PS.

    Cela ne change en soi rien dans notre analyse de la bourgeoisification du PS. Il est clair que, de nouveau, beaucoup de gens n’ont pas voté pour ce parti par enthousiasme, mais seulement contre une alternative de droite face au PS. Les médias ont exprimé que le PS avait du soutien parmi la population mais surtout parmi une couche importante de la bourgeoisie elle-même qui reconnaît au PS le mérite de savoir imposer l’austérité à la base de la FGTB et qui craint l’attitude provocatrice du MR contre le mouvement ouvrier. Le PS a joué de façon habile sur cette bipolarisation durant les dernières semaines avec la déclaration de Di Rupo de refuser de gouverner avec le MR. De cette manière, il a clarifié que la seule manière de garantir que le MR reste en dehors du pouvoir était un vote PS. Une autre raison est qu’avec sa campagne «antilibérale», le PS a pu mettre au travail – pour une dernière fois? – tout son réseau de maisons du peuple, etc. La FGTB a joué un rôle dans ce processus avec sa campagne «le capitalisme nuit gravement à la santé». C’était clairement une campagne de soutien à la campagne «antilibérale» de Di Rupo. Cela montre l’importance de notre revendication de «cassez les liens» entre les syndicats et les partis traditionnels. Dans les dernières deux semaines de campagne, ce ne sont d’ailleurs pas seulement la FGTB et l’ABVV qui ont exprimé la nécessité que la social-démocratie soit dans le gouvernement, mais également la CSC/MOC et l’ACV/ACW.

    A Bruxelles, le PS tient une place raisonnable par rapport à la punition annoncée dans les sondages. Il perd quand même la première place au profit du MR. Le VLD devient, lui, le plus grand parti flamand à Bruxelles. La tradition libérale est très forte à Bruxelles. Le pouvoir y était, dans le passé, occupé alternativement par les libéraux et les socialistes. Les scandales du PS ont joué, mais aussi le fait que le MR de Bruxelles a, par son lien avec le FDF, un visage plus «social». D’autre part, le fait que la coalition Olivier sortante n’a pas eu de solution pour les grands problèmes de Bruxelles – un chômage et une pauvreté colossale – a très certainement joué un rôle dans ce résultat.

    La grande percée d’Ecolo ne peut, selon nous, pas être vue comme un «virage à gauche». Ecolo est, en effet, dans son programme et sa rhétorique clairement moins «à gauche» que le PS, certainement en ce qui concerne les thèmes sociaux-économiques classiques. Ecolo profite partiellement de l’acceptation grandissante que quelque chose doit être fait face à la crise environnementale, y compris parmi les cercles gouvernementaux et dans toute sorte d’institutions internationales. Cela rend le message des verts moins utopique et plus crédible. Mais Ecolo n’a pu faire ce score que parce qu’il a pu se profiler comme la seule «alternative sociale et pas de droite» au PS. Les différences régionales sont importantes aussi dans ce processus : les résultats d’Ecolo étaient les plus forts dans le «nouvel axe économique» Bruxelles-Namur-Luxembourg, régions dans lesquelles un tas de nouveaux emplois ont été créés essentiellement dans des entreprises de haute technologie. La population y est moyenne bien plus aisée que dans les bastions du PS, souvent de vieux bassins industriels.

    Il faut aussi remarquer que le nombre de votes pour les partis flamands dans la région de Bruxelles-Capitale a encore diminué. En 2004, il y en avait encore 62.516. Aujourd’hui, cela a diminué jusqu’à 51.811. Dans les médias, notamment sur la chaîne locale flamande-bruxelloise, ils parlent de la fuite de la ville. Mais la raison principale est selon nous le fait que les flamands de Bruxelles se sentent mal à l’aise avec la rhétorique flamingante dure de tous les partis flamands. Cet élément joue aussi dans la victoire du VLD à Bruxelles, un parti qui joue relativement peu sur l’élément communautaire. Le SP.a fait mieux qu’espéré à cause de cela, tout comme Groen.

    Perspectives pour les gouvernements

    Aujourd’hui, il est difficile d’opter avec certitude pour l’un ou l’autre scénario. Il y a maintenant, dans les coulisses, des négociations animées pour mettre en place le puzzle que la classe dirigeante a reçu de la population. Comme nous l’avons dit avant les élections, il est presque exclu qu’un des partis syndicaux (sociaux- et chrétiens-démocrates) tombe dans l’opposition. La nécessité d’un sévère plan d’austérité dans le budget de 2010 et 2011 au niveau fédéral, mais certainement aussi au niveau régional, oblige au maintien de cet axe dans le gouvernement. C’est important également pour réussir une réforme de l’Etat – qui sera surtout financière, avec un changement de la loi de financement qui permettra qu’une bonne part des assainissements puissent être délégués au niveau des régions et des communautés, même si la question plus symbolique de BHV doit aussi être réglée. Cette réforme est considérée comme nécessaire par tous les partis bourgeois pour sortir du blocage actuel et de l’impasse dans laquelle se trouve tout un tas de dossiers sociaux-économiques, mais il faut au moins aussi l’axe libéral. Néanmoins, avoir un partenaire fiable dans le MR au niveau fédéral n’est pas du tout évident si ce parti ne se retrouve dans aucun pouvoir régional.

    Si, en Flandre, une tripartite est mise sur pied, cela sera probablement sans la NVA. Il y a alors la possibilité que le SP.a entre aussi au gouvernement fédéral. Pour cela, il faut premièrement obtenir un score crédible dans les élections mais surtout être préparé et avoir la capacité d’appliquer le programme de la bourgeoisie. Les deux grands syndicats et l’ACW ont déjà dit qu’ils n’accepteraient pas une tripartite de droite (CD&V, VLD, NVA), mathématiquement possible. La nécessité d’assainissements lourds au niveau régional (notamment en transférant des compétences sans transférer de moyens supplémentaires, en diminuant le nombre de fonctionnaires régionaux, en démantelant des services publics, en augmentant les revenus des régions par toutes formes de TVA,…) semble exclure une telle coalition. Seule l’idée d’arriver dans l’opposition en Flandre a poussé certaines grosses têtes du VLD à dire qu’ils se retireraient alors aussi du gouvernement fédéral. Verhofstadt, qui, à cause du grave manque de personnel politique chez les libéraux flamands, doit à nouveau jouer le «numéro un», a déjà corrigé cela. Cependant, il est clair que la stabilité du gouvernement est menacée par la punition des libéraux partout dans le pays (sauf à Bruxelles, où la première position du MR est plus la conséquence d’une punition plus forte du PS que d’une victoire électorale remarquable de la droite).

    La tripartite classique en Flandre va donc le plus probablement survivre bien que les médias mettent maintenant aussi en avant «la grande coalition» : la tripartite classique, complétée de la NVA. De cette manière, le CD&V pourrait se couvrir sur son aile flamingante et tirer la NVA avec lui. Il mettrait ainsi sous pression de façon relativement plus subtile la Belgique francophone pour arriver à un compromis au lieu d’une guerre ouverte et constante, qui n’a rien donné ces dernières années. La faisabilité de ce scénario dépend totalement de la volonté de la NVA d’appliquer le programme de la bourgeoisie (belge): une réforme d’Etat afin que les régions soient responsables du démantèlement social. Pour cela, il va falloir laisser des os à ronger à la NVA, au minimum la scission de BHV sur base négociée (c’est-à-dire avec des concessions aux francophones dans la périphérie).

    Une telle “grande coalition” serait difficilement gérable mais offre en même temps l’avantage que la chute du gouvernement fédéral devient presque impossible. Cela offre au CD&V un énorme avantage face à ses plus petits partenaires : chacun d’eux peut sortir sans que le gouvernement perde sa majorité. Que tous les partenaires soient préparés à y entrer n’est absolument pas certain, mais les avantages du pouvoir sont attractifs, également pour la NVA et certainement pour le SP.a et le VLD qui s’y sont déjà bien habitués.

    Tout compte fait, la formation d’un gouvernement régional en Belgique francophone semble plus difficile. Bien qu’une coalition avec seulement deux partis soit mathématiquement possible (ce qui est totalement exclu en Flandre par l’effritement de tous les partis traditionnels au profit des partis moyens-grands, le CD&V étant le plus grand parti avec 22%), l’éparpillement y est aussi présent mais dans un stade moins avancé. En Wallonie, le marché politique se compose aujourd’hui d’un axe fondamental, le PS, à côté duquel il y a trois partis moyens-grands dont un a voulu lancer défi au PS et le pousser de son trône, mais a échoué. Toutes les petits listes – également celles qui jouaient entièrement sur la question nationale comme des listes régionalistes en Wallonie ou Pro-Bruxsel à Bruxelles – ont fait des scores négligeables et le FN a été totalement écarté de la carte. Mais la percée d’Ecolo montre que le processus d’éparpillement a clairement bien commencé – en Flandre aussi, la montée d’Agalev (l’ancien Groen, après la Volksunie qui a précédé le Vlaams Blok) a été un des premiers signes de l’éparpillement du soutien pour les partis traditionnels.

    La formation des gouvernements à Bruxelles et en Wallonie n’est pas difficile à cause des niveaux régionaux mêmes – Ecolo et CDH, qui font maintenant une tentative de lier leur sort et leurs revendications pour être plus forts dans leurs négociations avec aussi bien le PS que le MR, se sont déclarés en faveur de formules symétriques dans toute la Belgique francophone. Mathématiquement, cela est possible avec une coalition Olivier mais également avec une coalition jamaïcaine. Mais l’entrée du MR dans le gouvernement wallon semble cependant totalement exclu. Derrière les écrans, on cherche sans doute désespérément une possibilité de lier quand même le MR, mais cela semble très difficile. Théoriquement, il serait excellent pour la bourgeoisie qu’Ecolo et le CDH se déclare d’accord de gouverner à Bruxelles avec le MR et en Wallonie et dans la Communauté francophone avec le PS. On va voir si ce scénario est possible, mais cela ne semble pas, à première vue, vraiment probable.

    Si ce sont des coalitions Oliviers sur tous les niveaux (et donc pour un développement où le «centre-gauche» va prendre toute la responsabilité du recul social en Belgique francophone, avec plus tard une punition des électeurs), la question de garantir la stabilité du gouvernement fédéral se pose. Le MR n’a pas déclaré qu’il quitterait le gouvernement fédéral s’il ne peut pas arriver au pouvoir au niveau régional – aujourd’hui aucun parti ne veut être vu comme le responsable de l’instabilité fédérale – mais il est évident que la coopération devient dès lors très difficile et que le menace que le MR s’en aille à un moment qui lui va bien serait fortement présente.

    Écarter les libéraux de tous les niveaux de pouvoir a comme seul avantage le fait qu’un des grands partis traditionnels peut potentiellement se renforcer dans l’opposition. Les désavantages à court terme semblent néanmoins plus grands. En réalité, la nécessité d’une réforme financière de l’Etat comme méthode d’assainissement fait que la disparition d’un des axes fait revenir le spectre du «malgoverno» de la fin des années ’70 – début des années ’80, avec des gouvernements qui tombent tout le temps alors que la bourgeoisie essaie de s’adapter à une nouvelle situation économique et cherche une nouvelle stratégie pour pouvoir imposer son programme. Cette période d’adaptation nécessaire mène à des divisions dans les forces bourgeoises elle-même par rapport à la stratégie à suivre. L’instabilité politique est alors inévitable, mais cela peut alors être l’occasion pour la population, qui a peur des conséquences de la crise, d’attaquer toute la caste politique.

    Nous allons probablement vers une période de formation de gouvernements régionaux un peu plus longue que d’habitude. En Flandre, il n’y a que deux coalitions qui sont mathématiquement possible: la tripartite classique ou une «grande coalition» avec la NVA (comme partenaire non-nécessaire et donc faible). En Belgique francophone, Ecolo va très probablement être présent au pouvoir à tous les niveaux, ce qui amène le risque de brûler rapidement leur soutien (cfr son passage précédent au gouvernement). Il va recevoir un tas de petites concessions sur le plan de l’économie durable, ce marché devenant potentiellement très rentable; des assainissements et l’augmentation de moyens pour l’Etat vont recevoir une couleur verte; sur la question du droit d’asile, les libéraux vont faire les difficiles après leur forte défaite, mais l’élaboration des nouveaux critères plus clairs pour les régularisations semble difficilement évitable à plus long terme,… Mais Ecolo va aussi devoir avaler des concessions dont la plus grande pour elle va être l’ajournement de la fermeture des centrales nucléaires. Peut-être que cela ne va pas se passer explicitement: les dates actuelles de fermetures peuvent être utilisées par le gouvernement belge pour avoir encore une carte en main contre Suez français. Mais en réalité, la dépendance énergétique de la Belgique et l’impossibilité en temps de crise (et donc un Etat avec des moyens limités) de construire un secteur assez fort pour les énergies alternatives vont conduire à l’ajournement de la fermeture.

    En Flandre, notre parti va devoir offrir une réponse aux thèses selon lesquelles la Flandre a voté “à droite et flamand”. La disparition des contradictions de classes sur la scène politique fait qu’il n’y a, en Flandre – par son développement historique spécifique – aucun parti qui n’est pas de droite et flamingant. La rhétorique plus modérée de la NVA, maintenant que la participation gouvernementale est en vue, ne diffère pas fondamentalement de la pratique dans laquelle tous les partis traditionnels flamands ont été impliqués dans la dernière période: utiliser de façon maximale ses propres compétences (comme par exemple une allocation familiale supplémentaire du gouvernement flamand, partie intégrante de l’idée d’une assurance de soins flamande), utiliser la dominance flamande comme un instrument dans les conflits d’intérêts pour forcer l’Etat fédéral ou encore l’imposition de conditions linguistiques, etc. Vandenbroucke (Spa), après les élections, a déclaré à propos de Bart De Wever que c’était comme s’il «s’entendait parler lui-même». La NVA va devoir se plier à moins de violences verbales et à un flamingantisme très modéré pour gagner sa place dans le gouvernement et la garder. Un scénario-Egmont reste alors une menace constante. Mais le parti peut aussi se retirer sans être vu comme le responsable de l’instabilité, comme le gouvernement flamand n’a pas mathématiquement besoin de la NVA.

    En Wallonie et ç Bruxelles, si l’Olivier devient partout la réalité, notre parti va certainement devoir offrir une réponse sur le caractère soi-disant “de gauche” des gouvernements. Nous allons devoir avertir que les résultats d’une tentative de gestion d’un capitalisme en crise sont qu’il est impossible de défendre les intérêts de la classe ouvrière. Nous devons dénoncer le rôle du PS comme la formation la plus importante pour la bourgeoisie – et le fait qu’elle utilise cyniquement les votes de la classe ouvrière. Nous devons aussi dénoncer Ecolo, formation petite-bourgeoise qui, avec sa soif de pouvoir, est une fausse alternative, et – comme en Flandre – mener la propagande autour de l’idée d’un nouveau parti des travailleurs. La seule chose que l’on peut attendre des «coalitions de gauche» est une détérioration emballée, masquée et accompagnée des conditions de vie et de travail de la majorité de la population.

    Partout, nous devons montrer l’éparpillement causé par la détérioration économique qui se développe depuis déjà le début de la dépression de ’74. Tous les partis traditionnels ont perdu une grande partie de leur crédibilité dans ce processus. La crise actuelle de l’économie mondiale a aussi mis en question le néolibéralisme comme stratégie pour la bourgeoisie ce qui cause une division dans les forces bourgeoises. Mais l’éparpillement à gauche a surtout comme base la bourgeoisification de la social-démocratie. La construction d’un vrai parti de gauche, qui défend bec et ongles les intérêts du mouvement ouvrier est la seule solution permanente face à cet éparpillement. Le discrédit ultérieur de chaque parti impliqué dans le pouvoir, combiné au développement des licenciements massifs, des faillites, du chômage structurel massif etc – et au fait que les dirigeants politiques ne savent rien y changer – vont préparer le chemin pour la pénétration de l’idée de la nécessité d’un nouveau parti des travailleurs dans des couches encore plus larges de la population.

  • Différents processus se croisent

    Différents processus se croisent

    Pour le moment, la crise économique continue à s’approfondir, bien que certains commentateurs (de la FEB entre autres) mettent actuellement en avant, de façon prudente, l’idée que le «fond» de la crise serait atteint pendant ou après cet été. Ils ajoutent néanmoins de suite qu’il n’y aura pas d’amélioration rapide du marché du travail et que le chômage va continuer à grimper. La Banque Nationale s’attend à la suppression de 140.000 emplois entre fin 2008 et fin 2010. Combiné à la croissance prévue de la population active de 60.000 personnes (avec notamment deux années de jeunes quittant l’enseignement), cela signifie 200.000 chômeurs en plus. La FEB suit également cette analyse car elle ne s’attend pas une montée rapide du niveau d’investissement. De plus, aucun des optimistes n’attend de relance rapide de l’économie, mais seulement une sortie du rouge.

    1e partie du texte d’évaluation du Comité National du PSL/LSP

    [box type=”shadow” align=”alignright” width=”100″]

    Reste du texte:

    • Flandre: A droite toute?
    • Wallonie et Bruxelles: percée d’Ecolo, mais le PS se maintient
    • Perspectives pour les gouvernements
    • Texte intégral en version PDF
    • [/box]

      Chaque mois arrive un nombre record de faillites. La petite bourgeoisie, mais aussi toute une série de PME’s – qui travaillent surtout comme sous-traitants pour des multinationales et d’autres grandes entreprises – sont fortement touchées par la crise. Le nombre de pertes d’emplois continue à monter et l’angoisse est profonde pour l’avenir d’entreprises comme Opel à Anvers. Quand on regarde les conséquences sur la région qu’a eu la fermeture de Boelwerf à Tamise (1994), conséquences qui perdurent encore aujourd’hui, nous savons déjà quels drames sont provoqués par ce type de fermetures. La direction syndicale ne met aucune stratégie en avant, aucun plan, pour éviter ce à quoi la plupart des travailleurs s’attendent maintenant: des licenciements massifs, une montée du chômage et de la pauvreté,… en d’autres termes; un appauvrissement collectif alors que l’austérité d’Etat supprime encore plus de services et d’interventions sociales.

      La presse bourgeoise parle déjà depuis des mois de l’impasse dans laquelle se trouvent les partis sociaux-démocrates en Europe. «Ils devraient toutefois pouvoir profiter de la crise», ont dit les journalistes dans leur pensée mécanique, quelques uns ont même dit que comme cela ne se produisait pas, c’était la preuve de la faillite de Marx (entre autre Frank Vandenbroucke!) Les marxistes ont toutefois une vision plus développée à ce sujet. Ils apprennent de l’histoire que les crises peuvent aussi avoir un effet paralysant sur la classe ouvrière et qu’il est possible que les travailleurs se réactive massivement seulement aux premiers signes de relance économique. Aujourd’hui, le mot paralysie est une expression trop forte, mais il y a néanmoins un élément de cela renforcé par la démotivation consciemment organisée par la direction syndicale.

      Mais les grandes claques reçues par la social-démocratie dans différents pays européens dans ces élections n’ont, en soi, rien à voir avec cela. Ces claques sont arrivées dans les pays où les partis sociaux-démocrates bourgeoisifiés ont été les architectes d’un grand nombre d’attaques contre le mouvement ouvrier au cours des dix dernières années. Le fait de gérer le capitalisme, dans une période de détérioration systématique des conditions de vie de la classe ouvrière depuis le début de la période de dépression en 1974, a de plus en plus vidé ces partis. Le Labour en Grande-Bretagne, le SPD en Allemagne, le PvdA aux Pays-Bas,… sont, tout comme le SP.a en Flandre, sanctionnés pour leur politique. Il reste à peine de quoi se souvenir encore des partis ouvriers qu’ils ont été jadis. Certains partis sociaux-démocrates échappent à une telle punition brutale dont le PSOE en Espagne et le PS en Belgique francophone.

      Dans un certain nombre de pays, la crise s’exprime dans un vote de protestation élevé, le plus souvent sous la forme de votes pour des formations populistes de droite, plus ou moins euro-sceptiques, comme l’expriment la montée de Wilders aux Pays-Bas ou celle de l’UKIP en Grande-Bretagne. Ces formations récoltent un pourcentage de voix plus important que la social-démocratie. Là où ils l’ont pu, ces populistes ont utilisé le large mécontentement qui existe contre l’Europe. Cela n’est en soi pas un nouveau phénomène: depuis le milieu des années ’80 déjà, nous observons la montée de partis (souvent néo-fascistes) qui se servent du populisme et qui se construisent sur le mécontentement social en se basant sur la dégradation générale du standard de vie et des conditions de travail – notamment des salaires, de la pression au travail,… – qui se poursuit systématiquement, y compris en période de croissance économique.

      Aujourd’hui, la palette des partis populistes est plus variée qu’il y a vingt ans. Ce sont toutes des formations petite-bourgeoises qui vivent du vide créé par la disparition des partis ouvriers en tant qu’organisations ouvrières. Le manque de luttes collectives qui stimulent la conscience de classe et qui peuvent offrir de véritables perspectives conduit à la recherche de solutions individuelles ainsi qu’à des éléments de division qui semblent d’autant plus importants que la division de la société en classes a disparu de la scène politique. Dans certains pays, les partis d’extrême-droite et néofascistes ont eu à faire face à une perte de voix comme en Flandre (le FN en France n’est également plus que l’ombre de ce qu’il a été à son sommet). Le Vlaams Belang a perdu des votes car les populistes plus «modérés» ont commencé à viser son électorat. Ces formations n’ont pas l’étiquette du fascisme et d’un racisme «indécent» et ont, à première vue, plus de chance d’être un jour réellement présentes au pouvoir. Pour la même raison, il a perdu une partie de ses votes flamingants au profit de la NVA.

      Mais cela ne doit pas nous tromper. Il est probable que le Vlaams Belang ne chute pas plus profondément. Des trois partis de la petite-bourgeoisie de droite, le Vlaams Belang est celui qui a les structures les plus fortes, le cadre le plus grand et l’implantation la plus large. Des partis comme la LDD, qui dépendent d’un dirigeant charismatique, peuvent disparaître aussi rapidement qu’ils sont arrivés comme la LPF l’a démontré aux Pays-Bas (mais la base sous-jacente à leur montée peut conduire ensuite à ce que de nouveaux phénomènes semblables arrivent). Et des partis flamingants comme la NVA ont dans le passé souvent été mis hors jeu suite à leur participation au pouvoir, quand ils se brulent les ailes avec des compromis.

      Une autre tendance importante de ces élections européennes est la victoire de partis conservateurs de centre-droit ou de droite qui sont, avec plus ou moins d’écart, redevenus les plus grands: les Tories en Grande-Bretagne, le CDU/CSU en Allemagne, l’UMP en France, le PP en Espagne, Berlusconi en Italie, le CD&V en Flandre. L’insécurité créée par la crise peut mener à la polarisation et à l’éparpillement politique (cela se développe presque partout) mais peut également pousser certaines couches de la population (y compris dans une partie de la classe ouvrière) à un désir de stabilité, de vieilles recettes, de politiciens de qui «émane la confiance». Il y a une peur des «aventures» qui se développe maintenant que les choses ne vont pas bien. Ce n’est qu’une phase, vu que ces partis n’ont pas de réponse à offrir face à la crise si ce n’est, au mieux, un accompagnement de la dégradation sociale. Mais la profondeur de la crise a comme conséquence de limiter les moyens pour un tel «accompagnement». Une fois que cela se clarifiera aux yeux de larges couches, le centre politique recommencera à se déplacer.

      Cette tendance a sans doute aussi fait des dégâts parmi les formations et les listes de gauche dans différents pays. Aussi bien en Allemagne qu’aux Pays-Bas, Die Linke et le SP ont fait des scores en-dessous des attentes. En nombre de voix, le SP se fait même dépasser par la formation de «gauche modérée» Groen-Links. En France, la percée attendue du NPA ne s’est pas produite, le NPA obtenant moins de votes que le Front de Gauche (autour le PC) et aucun élu. En Italie, où les dernières élections nationales ont mis fin à la présence conséquente de la gauche radicale au parlement depuis la Deuxième Guerre Mondiale, il n’y a cette fois-ci non plus pas eu d’élu pour la gauche radicale au Parlement Européen. A côté de cet élément objectif, il y a aussi dans ce processus des éléments subjectifs forts sur lesquels on ne peut pas s’étendre dans ce texte. L’élection de Joe Higgins en République Irlandaise – frappée par le développement rapide d’une crise économique profonde après une longue période de croissance élevée – montre qu’un parti de lutte réellement impliqué dans la directions de luttes et de mouvement de la classe ouvrière, armé d’un programme correct et socialiste conséquent, avec des revendications et des campagnes qui rejoignent la conscience et qui met une perspective en avant,… peut obtenir des victoires dans une période de crise.

  • Wallonie et Bruxelles: percée d’Ecolo, mais le PS se maintient

    Wallonie et Bruxelles: percée d’Ecolo, mais le PS se maintient

    A la différence de Groen, en Belgique francophone, Ecolo a réussi à faire une très grande percée. Cela a constitué le phénomène le plus important de ces élections, avec le fait que la lourde punition annoncée du PS n’a pas eu lieu, surtout en Wallonie. Mais pour pouvoir estimer correctement le nouveau phénomène – la percée d’Ecolo – il faut premièrement analyser le «vieux» – la puissance durable du PS wallon. Les différences régionales pour les deux phénomènes sont d’importance.

    3e partie du texte d’évaluation du Comité National du PSL/LSP

    [box type=”shadow” align=”alignright” width=”100″]

    Reste du texte:

    • Différents processus se croisent
    • Flandre: A droite toute?
    • Perspectives pour les gouvernements
    • Texte intégral en version PDF
    • [/box]

      Malgré toute une série de scandales sur lesquels le MR a beaucoup joué et malgré des sondages terribles, le PS est redevenu le plus grand parti de Wallonie. Il a obtenu 32,77% des votes, ce qui signifie un recul de 4,14% par rapport aux élections régionales précédentes de 2004 et une légère progression par rapport à ses votes aux élections fédérales de 2007. Il faut donc replacer le combat du MR pour faire changer le «centre de gravité de la Wallonie» dans une perspective correcte: le MR n’a obtenu que 23,41%. En sièges, c’est 29 pour le PS et 19 pour le MR.

      Une des raisons de ces résultats est le fait que le MR de Reynders est puni pour son profil néolibéral dur. Des discussions à ce sujet se développent dans le MR également. C’est ce qui est ressorti de la brève période où Aernoudt pouvait se dire membre du MR. Ce n’était pas seulement Deprez (MCC, ex-PSC) mais également le FDF qui voulaient à ce moment-là une rhétorique «social-libérale». Il est probable que le MR commence à réaranger certaines choses après les élections. Le double mandat de Reynders et sa stratégie d’attaque dure contre le PS vont certainement être remis en question. Il va falloir laisser un espace pour que l’aile plus «social-libérale» puisse venir à l’avant du parti. Le très bon résultat de Louis Michel sur la liste européenne face au très mauvais résultat de Reynders à Liège en donne également l’occasion. Nous avons dit en 2007 que les ambitions de Reynders en Wallonie arrivaient trop tard, le néolibéralisme en tant qu’idée étant totalement discrédité par la crise bancaire. Aujourd’hui, ce constat reste correct et joue aussi dans la punition que le VLD a reçu. Celle-ci n’avait pas comme première base «l’affaire Vijnck», mais surtout le maintien d’une rhétorique de diminution des charges et d’autres cadeaux au patronat. «L’affaire Vijnck» n’a été que la dernière goutte qui a montré que dans ce parti, ce sont les postes qui comptent et non pas les idées. Plus important que cela, les plaidoyers du VLD pour la privatisation de De Lijn et pour la commercialisation d’une partie du secteur des soins de santé notamment étaient en retard par rapport à la conscience existante parmi les couches larges, qui ne croient plus aux recettes néolibérales d’hier.

      Pour “changer le centre de gravité en Wallonie”, une campagne anticorruption ne suffit pas. La population part de l’idée – au vu de la confiance très basse accordée aux politiciens montrée par des sondages d’opinion (seulement 17% de confiance) – que chaque personne au pouvoir magouille d’une manière ou d’une autre. Des populistes partout dans le monde se basent sur cette idée. Le scandale des remboursements de frais des parlementaires en Grande-Bretagne a ainsi été la base pour une défaite si humiliante et si profonde pour le Labour. Mais le PS échappe à ce sort. Pourquoi? Premièrement parce que l’alternative du MR fait plus peur qu’elle n’attire. Deuxièmement parce que le PS, grâce au soutien dans les journaux par des messages de panique au sujet des gouvernements sans le PS en pleine crise économique profonde, a de nouveau pu faire appel à tous ses réseaux. Dans ses bastions – où le PS fait localement des scores jusqu’à et même au-dessus de 40% (scores obtenus en Flandre uniquement par le CD&V), toutes les structures et les réseaux qui tournent autour du PS (et comme pour le CD&V en Flandre, cela représente beaucoup) ont été mis en jeu dans un dernier rush avant les élections. Le PS n’a pas obtenu une punition comme la plupart des partis sociaux-démocrates. Il y a même eu un certain élément de «bonus de chancelier» comme pour le CDU en Allemagne ou le CD&V en Flandre. La peur d’un bain de sang social sous un possible gouvernement du MR a toutefois été l’élément dominant pour le score élevé du PS.

      Cela ne change en soi rien dans notre analyse de la bourgeoisification du PS. Il est clair que, de nouveau, beaucoup de gens n’ont pas voté pour ce parti par enthousiasme, mais seulement contre une alternative de droite face au PS. Les médias ont exprimé que le PS avait du soutien parmi la population mais surtout parmi une couche importante de la bourgeoisie elle-même qui reconnaît au PS le mérite de savoir imposer l’austérité à la base de la FGTB et qui craint l’attitude provocatrice du MR contre le mouvement ouvrier. Le PS a joué de façon habile sur cette bipolarisation durant les dernières semaines avec la déclaration de Di Rupo de refuser de gouverner avec le MR. De cette manière, il a clarifié que la seule manière de garantir que le MR reste en dehors du pouvoir était un vote PS. Une autre raison est qu’avec sa campagne «antilibérale», le PS a pu mettre au travail – pour une dernière fois? – tout son réseau de maisons du peuple, etc. La FGTB a joué un rôle dans ce processus avec sa campagne «le capitalisme nuit gravement à la santé». C’était clairement une campagne de soutien à la campagne «antilibérale» de Di Rupo. Cela montre l’importance de notre revendication de «cassez les liens» entre les syndicats et les partis traditionnels. Dans les dernières deux semaines de campagne, ce ne sont d’ailleurs pas seulement la FGTB et l’ABVV qui ont exprimé la nécessité que la social-démocratie soit dans le gouvernement, mais également la CSC/MOC et l’ACV/ACW.

      A Bruxelles, le PS tient une place raisonnable par rapport à la punition annoncée dans les sondages. Il perd quand même la première place au profit du MR. Le VLD devient, lui, le plus grand parti flamand à Bruxelles. La tradition libérale est très forte à Bruxelles. Le pouvoir y était, dans le passé, occupé alternativement par les libéraux et les socialistes. Les scandales du PS ont joué, mais aussi le fait que le MR de Bruxelles a, par son lien avec le FDF, un visage plus «social». D’autre part, le fait que la coalition Olivier sortante n’a pas eu de solution pour les grands problèmes de Bruxelles – un chômage et une pauvreté colossale – a très certainement joué un rôle dans ce résultat.

      La grande percée d’Ecolo ne peut, selon nous, pas être vue comme un «virage à gauche». Ecolo est, en effet, dans son programme et sa rhétorique clairement moins «à gauche» que le PS, certainement en ce qui concerne les thèmes sociaux-économiques classiques. Ecolo profite partiellement de l’acceptation grandissante que quelque chose doit être fait face à la crise environnementale, y compris parmi les cercles gouvernementaux et dans toute sorte d’institutions internationales. Cela rend le message des verts moins utopique et plus crédible. Mais Ecolo n’a pu faire ce score que parce qu’il a pu se profiler comme la seule «alternative sociale et pas de droite» au PS. Les différences régionales sont importantes aussi dans ce processus : les résultats d’Ecolo étaient les plus forts dans le «nouvel axe économique» Bruxelles-Namur-Luxembourg, régions dans lesquelles un tas de nouveaux emplois ont été créés essentiellement dans des entreprises de haute technologie. La population y est moyenne bien plus aisée que dans les bastions du PS, souvent de vieux bassins industriels.

      Il faut aussi remarquer que le nombre de votes pour les partis flamands dans la région de Bruxelles-Capitale a encore diminué. En 2004, il y en avait encore 62.516. Aujourd’hui, cela a diminué jusqu’à 51.811. Dans les médias, notamment sur la chaîne locale flamande-bruxelloise, ils parlent de la fuite de la ville. Mais la raison principale est selon nous le fait que les flamands de Bruxelles se sentent mal à l’aise avec la rhétorique flamingante dure de tous les partis flamands. Cet élément joue aussi dans la victoire du VLD à Bruxelles, un parti qui joue relativement peu sur l’élément communautaire. Le SP.a fait mieux qu’espéré à cause de cela, tout comme Groen.

  • Elections européennes de 2009 – Tour d’horizon

    Peu ou pas de confiance dans les gouvernements, mais pas de veritable alternative socialiste

    Ces élections européennes ont donné un instantané de l’atmosphère anxieuse et de la méfiance, ou même de l’hostilité, éprouvée face aux gouvernements. Dans certains pays, comme la Grande-Bretagne, la Grèce, l’Irlande et la Hongrie, les partis au pouvoir ont subi de dramatiques revers. Mais généralement, à quelques exceptions près, cette situation n’a pas bénéficié aux forces de gauche ou même aux verts. Le mécontentement est surtout illustré par une faible participation et un soutien accru pour les nationalistes de droite ou les formations d’extrême-droite.

    Par Robert Bechert, Comité pour une Intenationale Ouvrière

    L’Europe s’enlise dans une profonde récession, la pire depuis les années ‘30. Juste avant les élections, la Banque Centrale Européenne avait d’ailleurs encore revu à la baisse ses prévisions de croissance pour les 16 pays de la zone euro : une chute de 5.1% pour 2009.

    Voilà le contexte derrière la fonte du soutien de la plupart des partis au pouvoir et la recherche, parmi les électeurs, d’une alternative. Même le faible taux de participation illustre ce rejet des partis établis, au côté d’un rejet de l’Union Européenne et de la parfaite compréhension que le soi-disant Parlement européen est impuissant.

    Mais alors que les nationalistes de droite et l’extrême-droite ont pu capter une bonne partie des voix, la victoire de Joe Higgins, le candidat du Socialist Party (CIO-Irlande), qui a remporté un des sièges d’eurodéputé de Dublin, montre de quelle manière il est possible de construire un soutien conscient de la base profondément enraciné parmi la classe ouvrière, établissant ainsi une tradition de lutte revendiquant des politiques réellement socialistes. Malheureusement, cela ne constitue pas l’expérience générale de ces élections. Seul le Bloc de Gauche au Portugal et le Mouvement des peuples contre l’UE au Danemark, quoique sur base d’un programme politique plus faible, ont remporté des succès significatifs.

    Dès le début de cette crise, il a été absolument clair qu’elle était due au marché capitaliste lui-même. À aucune moment il n’a été possible pour la classe capitaliste de blâmer la classe ouvrière, les syndicats ou le ‘socialisme’. On se serait donc attendu à ce que cela débouche un soutien pour les partis qui se sont opposés au capitalisme, ou qui au moins ont offert une vision différente de la société.

    Nous avons déjà connu des protestations à une large échelle, avec des manifestations et des journées de grève générale ou nationale, dans une série de pays européens. En France, plus particulièrement, elles ont pris le caractère d’une marée croissante d’opposition à toute tentative des capitalistes et des gouvernements de faire payer la crise aux travailleurs et à la classe moyenne. Mais d’autres pays encore, comme la Belgique, la Grèce et le Portugal, ont également connu des actions significatives.

    Cependant, presque tous les dirigeants syndicaux à travers l’Europe n’ont en rien cherché à construire un mouvement plus large sur base de ces premiers pas. Au lieu de cela, les protestations ont été réduites à des actions isolées, employées souvent tout simplement pour laisser sortir la colère, et la pression, ou encore, comme avec certaines manifestations de la Confédération Européenne des Syndicats de ce mois de mai, pour tenter de soutenir les partis sociaux-démocrates.

    L’absence d’alternative pour les travailleurs ouvre la voie à la droite

    Ce frein sur les luttes s’explique par le fait que dans la grande majorité des pays de l’Union Européenne, il n’y a actuellement aucun grand parti ou parti de masse essayant de construire une opposition sérieuse face aux effets de cette crise. Ce fait n’est pas fortuit. Le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO – CWI) a expliqué depuis le début des années ‘90 que la plupart des pays n’ont plus aucun parti de masse ou de parti significatif qui s’oppose au capitalisme. C’est là le résultat d’une combinaison faite de l’offensive idéologique des capitalistes qui a suivi l’effondrement de l’Union soviétique et de la transformation de la plupart des anciens partis ouvriers bourgeois (des partis avec une base de classe ouvrière et une direction pro-capitaliste) en partis complètement capitalistes.

    C’est ce qui a jusqu’ici sauvé les capitalistes et qui a fait qu’il n’y a pas encore eu de d’opposition active à une large échelle contre le capitalisme lui-même en conséquence de la crise. Dans beaucoup de pays européens, les travailleurs, la jeunesse et des sections de la classe moyenne ont clamé : "Nous ne payerons pas votre crise". Cet appel est un bon point de départ pour construire une résistance contre les pertes d’emploi, la baisse du niveau de vie et les coupes dans les budgets sociaux. Mais ce n’est seulement qu’un commencement.

    Cette crise du capitalisme pose clairement la question de l’opposition au système capitaliste lui-même et de la lutte pour une alternative socialiste. Actuellement toutefois, mis à part le CIO, il y a en Europe très peu de forces présentes dans le mouvement des travailleurs qui lient activement la lutte contre l’impact de la crise et la construction d’un soutien pour une société socialiste. Cette lacune a ouvert la voie aux succès électoraux de la droite.

    Dans un certain nombre de pays, mais pas en Belgique, les partis de centre-droit ont gagné, ou ont moins souffert que d’autres partis. Souvent, comme dans le cas de Sarkozy en France, c’était aussi le résultat d’un changement de tactique, avec des critiques contre les excès du capitalisme ou, dans le cas d’Angela Merkel en Allemagne, sous l’effet d’une extension massive des fonds du gouvernement pour le chômage partiel afin de limiter les pertes d’emploi.

    Gains pour l’extrême droite

    Mais à travers l’Union Européenne, des partis plus à droite ont progressé, en pourcentage si ce n’est en nombre de suffrage. L’immigration est devenue une question clé, des partis de droite exploitant les craintes des travailleurs envers les immigrés, qu’ils soient issus de l’intérieur ou de l’extérieur de l’UE, vis-à-vis de l’emploi ou des services publics. Le racisme, l’hostilité contre les musulmans, les gitans et, en Autriche, un antisémitisme semi-voilé, ont été des éléments significatifs dans ces élections. De plus, il n’y avait souvent que les partis d’extrême-droite pour exprimer la colère populaire ressentie contre l’UE elle-même, son essence antidémocratique et la domination des grandes puissances européennes.

    En surface, cette élection semble illustrer une droitisation de l’Europe, et même un déplacement vers l’extrême-droite dans quelques pays. L’exemple le plus saisissant est constitué par les 769.000 voix (17%) remportées par le PVV d’extrême-droite aux Pays Bas, pour sa toute première participation aux élections européennes. Il s’agit maintenant du second parti du Pays. Mais les nationalistes de droite et les partis d’extrême-droite ont également obtenu des gains significatifs en Grande-Bretagne, en Finlande, en Grèce, en Hongrie, en Italie, en Roumanie et dans d’autres pays encore.

    En Allemagne toutefois, où Die Linke, en dépit de ses faiblesses, est encore regardé comme l’adversaire principal des attaques contre le niveau de vie des travailleurs, les suffrages de l’extrême-droite ont à peine changé, malgré quelques augmentations dans certaines élections locales qui ont eu lieu simultanément.

    Les commentateurs capitalistes peuvent partiellement décrire les résultats électoraux comme un décalage vers la droite parce que les ‘socialistes officiels’, qui ont souvent enregistré des pertes, étaient les anciennes partis ouvriers. Ces formations ont appliqué les politiques néolibérales et sont de plus en plus vues comme asssez similaires au centre-droit. Là où ces partis sont au pouvoir, comme en Autriche, en Grande-Bretagne, en Allemagne et en Espagne, ils ont enregistré des pertes. Dans les trois premiers de ces pays, les resultats ont été des baisses record, malgré le fait qu’en Allemagne, le SPD a essayé d’adopter une image légèrement plus ‘amicale’ envers les travailleurs. Dans d’autres pays, où ces partis sont dans l’opposition, les sociaux-démocrates ont gagné, sous l’étiquette du ‘moindre mal’. Ainsi, en Suède, ils ont réussi à obtenir 24.6% et même 36.6% en Grèce. Toutefois, en France, le Parti Socialiste a souffert des souvenirs qu’il a laissé derrière lui après son passage au pouvoir. Avec 16.48%, il n’est plus que 0.20% avant les verts (Europe-Ecologie).

    Dans trois pays, les principaux partis de droite au gouvenrement sont arrivé en tête des votes. En France, Sarkozy parle d’un succès de 28% des voix, ignorant cependant que 72% des électeurs se sont opposés à lui et que l’abstention a atteint des records. En Allemagne, le CDU d’Angela Merkel a reçu 1.343.000 voix de moins qu’en 2004, mais reste n°1. Le gouvernement polonais a reçu le taux le plus élevé, 44%, mais comme seulement 24% des gens se sont déplacés pour voter, cela ne représente qu’un soutien actif de moins de 12% de l’électorat…

    Très peu de gouvernements ont maintenu leur soutien. Le gouvernement italien en fait partie, avec 45% des voix. Le nouveau PdL de Berlusconi a peu gagné comparé à il y a cinq ans, et a perdu quand on regarde les élections générales d’avril 2008, mais la ligue du Nord, d’extrême-droite, a doublé ses voix à plus de 10%. L’Italie illustre bien le thème de cette élection : la faiblesse ou l’absence d’une véritable alternative socialiste, malgré la crise économique capitaliste qui fait rage.

    La force de Berlusconi est fondamentalement basée sur la déception éprouvée avec les gouvernements de centre-gauche, comme récemment la coalition Olivier, et sur l’échec du PRC (Parti de la refondation communiste). Fondé en 1991, le PRC avait précédemment reçu un soutien important, pas simplement du point de vue électoral mais aussi dans les lieux de travail et dans la société, mais cela a été gaspillé quand les dirigeants du PRC ont rejoint les gouvernements capitalistes au lieu de combattre pour gagner du soutien en faveur de politiques socialistes. En conséquence, le PRC est proche de l’extinction. Comparé à 2004, le suffrage ‘communiste’ est tombé de 2.757.000 voix à 1.032.000 (soit de 8.47% à 3.37%), alors que le suffrage ‘gauche/vert’ (une opposition très douce…) est tombé de 1.467.000 voix à 955.000 (soit de 4.51% à 3.12%). Mais un bloc de gauche significatif existe toujours en Italie. Le RPC lui-même, en alliance avec les Communistes Italiens et la Gauche Européenne, a gagné 1.032.000 voix alors que les Travailleurs Communistes en ont remporté 166.000. Ce soutien constitue toujours une base puissante pour un parti basé sur les idées véritables du marxisme en Italie.

    Des gains pour la gauche dans quelques pays

    A contre-courant de ce contexte général, la victoire du Socialist Party (CIO-Irlande) de Joe Higgins en Irlande a été un contraste marqué face à ce qui s’est produit dans le reste de l’Europe. Le SP a gagné 50.510 voix de préférence à Dublin (12.4%), plus DU double de ses 23.218 voix de 2004. C’était un vote conscient pour le SP basé sur son programme. Le SP était en concurrence avec les parti travailliste irlandais? dans l’opposition, dont la première voix de préférence à Dublin a également monté de 54.344 à 83.741 et avec le Sinn Fein dont le soutien au député sortant est tombé de 60.395 à 47.928 voix.

    Le résultat de Joe est seulement comparable au Bloc de Gauche au Portugal, qui a plus que doublé ses voix pour en atteindre 381.000 (10.7%), rattrapant tout juste le CDU, l’alliance menée par le Parti Communiste et ses 379.500 voix. Le "Mouvement des peuples contre l’UE", au Danemark, a augmenté ses voix de 97.986 à 168.035 (7.18%).

    Nouvelles formations de gauche

    Depuis le début des années ’90, le CIO a expliqué que la transformation des anciens partis sociaux-démocrates et ‘communistes’ faisait que, en même temps que la construction des forces en défense du socialisme véritable, il fallait argumenter que des étapes seraient nécessaires par la construction de partis indépendants de la classe ouvrière. De tels partis indépendants pour les travailleurs pourraient fournir à la fois un point de ralliement pour s’opposer à l’offensive capitaliste et un endroit où les idées socialistes pourraient être discutées.

    Ces dernières années, nous avons assisté à différentes tentatives de construire de nouveaux partis de gauche. Ces élections européennes ont d’ailleurs connu le passage d’une étape importante en Grande-Bretagne quand le principal syndicat des transports a lancé une initiative électorale, "No2EU, Yes to Democracy", à laquelle ont notamment participé le Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles) et le Parti Communiste de Grande-Bretagne (PCGB). Cette liste a remporté 1% des suffrages.

    Mais plusieurs de ces nouvelles formations n’ont pas combiné une activité sérieuse et les revendications politiques claires nécessaires pour construire de vraies forces durables. C’est une véritable lutte que de construire de nouveaux partis, en particulier quand l’habitude de voter pour les anciens partis ouvriers existe toujours et quand joue l’effet du ‘moindre mal’ ou le fait que quelques petites concessions peuvent être gagnées. Toutefois, la combinaison de certains événements, d’expérience et de nouvelles activités pour ces partis peut élargir la base pour l’établissement d’une nouvelle force significative, ce que Dublin a illustré.

    Mais, de façon générale, les nouveaux partis de gauche n’ont pas connu de résultat dramatique. Les mauvais résultats peuvent s’expliquer en partie par le fait que beaucoup ont viré vers la droite, en refusant de faire campagne comme des socialistes et en ne présentant pas leur programme et leurs revendications de façon claire et déterminée.

    En Allemagne, Die Linke, en comparaison avec l’ancien PDS en 2004, a gagné 390.000 voix et a reçu un pourcentage de 7.5%, mais ce chiffre est autour de la moitié de ce qu’il avait dans les sondages d’opinion, et sous son objectif de "10 + X %". De même, en Grèce, l’alliance de gauche Syriza a obtenu 4.7%, comparé à 4.16% en 2004, mais des sondages d’opinion avaient parlé de 18% en 2008.

    Malheureusement, une situation semblable s’est développée avec le Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) en France, qui a reçu 4.8% des voix, chiffre qu’il faut comparer aux 9% des sondages lors du lancement de la formation en janvier 2009. Une force clé derrière le NPA est l’ancienne LCR, et les suffrages du NPA sont une augmentation par rapport aux 2.56% gagnés en 2004 en alliance avec LO (LO a remporté 1.2% dans ces élections). Mais ces 4.8% sont une déception comparés aux 4.25% que le porte-parole du NPA, Olivier Besancenot, avaient gagné pour la LCR aux élections présidentielles de 2002, élections auxquelles LO avait reçu 5.72%.

    Une partie des ‘anciennes’ nouvelles formations stagne, comme le Socialistische Partij aux Pays Bas, dans ce cas-ci partiellement en raison du mouvement vers la droite de la direction du parti, avec une opposition de type nationaliste face à l’UE et une participation aux coalitions gouvernementales locales avec des partis capitalistes. De tels développements peuvent handicaper l’avenir de ces nouvelles formations, soit en termes d’effondrement, comme cela semble se produire avec le PRC en Italie, soit en termes de transformation en petits partis avec peu de perspective de se développer en tant que forces de masse.

    Dans quelques pays, la faiblesse de ces nouveaux partis a donné un espace pour le développement de partis ‘verts’, particulièrement en France, où Europe-Ecologie a gagné 16.2%, mais également en Grande-Bretagne, aux Pays Bas et dans la région francophone de Belgique. Les 7.1% gagnés par le parti pirate en Suède, un parti contre la surveillance d’Etat et pour le téléchargment libre d’internet, est une indication de l’atmosphère anti-éstablishment, particulièrement parmi les jeunes.

    Des opportunité à venir pour les véritables socialistes

    De façon générale, ces élections donnent une indication de l’instabilité qui se développe en Europe. La victoire du Socialist Party à Dublin et le doublement des voix du Bloc de Gauche au Portugal, avec ailleurs des augmentations plus modestes de voix à gauche, donnent une idée du potentiel qui est actuellement présent. Le résultat du SP à Dublin prouve qu’il est possible de gagner du soutien pour des idées socialistes même lorsque beaucoup de travailleurs et de jeunes votent pour le ‘moindre mal’, tandis que le résultat du Bloc de Gauche montre ce qui est possible quand un ‘moindre mal’, le Parti Socialiste Portugais dans ce cas-ci, est au pouvoir et applique des politiques capitalistes.

    Beaucoup de travailleurs européens, de jeunes et de membres de la classe moyenne craignent pour leur avenir et espèrent que cette crise économique sera bientôt terminée. Malheureusement, ce ne sera pas le cas.

    Au fur et à mesure qu’il sera compris qu’un retour des hauts taux de croissance économique n’arrivera pas, que le chômage de masse demeurera et que les capitalistes exigeront d’autres coupes dans les budgets sociaux et le niveau de vie de la majorité, la nécessité de lutter commencera à être comprise. Cela donnera l’opportunité à l’établissement de forces significatives capables de lutter pour le socialisme. Mais ce ne sera pas automatique. Cela exigera un programme clair et une stratégie consciente. Les voix pour l’extrême-droite lors de ces élections sont un avertissement : les forces réactionnaires peuvent gagner du soutien sur base de l’agitation sociale faute d’alternative pour les travailleurs.


    Le Comité pour une Internationale Ouvrière, CIO

    Cette évaluation a été rédigée par le CIO.

    Le capitalisme est un système mondial et il doit être combattu à la même échelle. C’est pourquoi le Parti Socialiste de Lutte fait partie d’une organisation marxiste internationale: le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), un parti mondial actif sur tous les continents. Notre lutte en Belgique s’inscrit dans le cadre d’une lutte des travailleurs du monde entier pour un société socialiste car si la révolution socialiste éclate sur le plan national, elle se termine sur l’arène internationale. La démocratie ouvrière et la planification socialiste de la production ne peuvent se limiter à un seul pays. C’est d’ailleurs l’isolement de la Russie soviétique qui a conduit à sa dégénérescence à partir de 1924.

0
    0
    Your Cart
    Your cart is emptyReturn to Shop