Tag: Grande-Bretagne

  • Le droit de choisir… pour le patron

    Immigration économique choisie

    Le gouvernement fédéral vient de décider de créer un « service pour la migration économique » au sein de l’Office des Étrangers. Ce « nouveau service » a vu le jour cet été, alors que la ministre de l’Immigration n’a toujours pas présenté une « circulaire de régularisation » malgré les mobilisations répétées des sans-papiers. Cette évolution de la politique d’immigration dans notre pays ne laisse rien présager de bon ni pour les sans-papiers ni pour les travailleurs belges.

    Par Jean Peltier (MAS-Liège) et Pablo (MAS-BXL)

    Pourquoi donc le gouvernement souhaite-t-il tellement stimuler une « immigration économique » alors qu’il passe son temps à organiser depuis des années un tri impitoyable entre « vrais » réfugiés politiques – qu’il accepte d’accueillir au compte-goutte – et « mauvais « réfugiés économiques » qu’il fait réexpédier vers leur pays toutes affaires cessantes ? Sont-ils devenus fous au 16, rue de la Loi ? Pas du tout. C’est juste que, pour les patrons et les politiciens, les immigrés qui arrivent chez nous ne sont pas les bons !

    Les « choisis » et les autres

    Les patrons ne sont pas xénophobes : ils aiment bien certains étrangers. Ce n’est pas une question de couleur ou de religion. Ceux qu’ils aiment, ce sont ceux qui peuvent venir boucher les trous dans l’économie. Et ceux-là sont de deux types.

    Il y a d’abord les travailleurs qualifiés qui peuvent venir combler des manques dans des secteurs en manque de main d’œuvre qualifiée (comme la santé) et très qualifiée (comme l’informatique de pointe). A ceux-là, gouvernement et patronat sont prêts à donner des papiers – provisoires – et un salaire décent. Il s’agit en effet de faire la chasse à des « cerveaux » qui, sans cela, pourraient être tentés plus facilement par des grands pays comme la France, la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis qui appliquent cette politique depuis plus longtemps.

    Si cette immigration est « choisie », c’est surtout par le pays d’ « accueil » qui ne doit pas assurer la formation de base du travailleur (c’est un pays du monde néocolonial qui en a payé le haut coût), qui en retire le bénéfice immédiat et qui renvoie le colis au pays d’origine quand la pénurie est comblée. L’ « immigration choisie », c’est le contraire de la bien connue délocalisation d’entreprise – dans ce cas-ci, on délocalise la main d’œuvre pour permettre aux entreprises belges de rester dans le pays – mais le but est le même : faire un max de profit en payant le moins possible.

    Il y a aussi une autre catégorie d’étrangers que les patrons aiment bien : ceux qu’ils peuvent faire travailler en noir, à bas salaires et sans sécurité sociale et d’emploi dans les jobs peu ou pas qualifiés de certains secteurs (bâtiment, horeca). Mais qu’est-ce qui peut bien forcer un étranger de travailler dans de telles conditions ? Mais simplement le fait de ne pas avoir de papiers et de vivre dans la peur d’un contrôle de police, prélude à l’expulsion du pays. C’est pourquoi le patronat et les libéraux sont tellement opposés à une régularisation générale des sans-papiers : parce qu’elle les priverait rapidement d’une main d’œuvre qu’ils peuvent exploiter si facilement dans les conditions actuelles.

    Et pour les autres, ceux qui ne sont ni des « cerveaux » ni des « petites mains » ? Et bien, comme personne ne les a appelés ici, il n’y a aucune raison de se gêner pour les renvoyer chez eux… ce qui est en plus un excellent moyen de rappeler aux « privilégiés » qu’ils ont intérêt à se tenir à carreau.

    Echec assuré

    Cette politique d’immigration sélective pose – au moins – deux questions. Est-elle tenable (pour les patrons et leurs politiciens) ? Est-elle acceptable (pour tous les autres) ? La réponse est deux fois non.

    L’Europe et les USA peuvent blinder leurs législations contre l’immigration clandestine, construire des murs et des camps de détention aux frontières et bourrer les charters de retour, ils n’arriveront jamais à contenir la pression de l’immigration. Parce que les problèmes du monde néocolonial (créés par le pillage colonial, puis par l’exploitation forcenée de ces pays au profit des multinationales et des Etats occidentaux) sont colossaux : sous-développement économique, surpopulation, pauvreté massive,… Parce que la croissance que connaissent une partie de ces pays est tellement inégalitaire qu’elle ne permet pas ni de rattraper le retard sur les puissances capitalistes développées ni de résoudre les problèmes sociaux dans ces pays. Parce qu’au cours de ces derniers mois, la crise économique et la spéculation sur les produits alimentaires ont aggravé la situation pour des centaines de millions de gens (1). Et parce que tout cela n’offre souvent comme perspective à des dizaines de millions de jeunes que de tenter de gagner le Nord afin d’y trouver un boulot et un salaire pour vivre et pour faire vivre leur famille restée au pays. Les lois et les murs pourront peut-être freiner ce processus mais certainement pas l’arrêter.

    D’autre part, cette politique est inacceptable à tous points de vue. L’application d’une immigration « choisie » – c’est-à-dire sélective en fonction des besoins du patronat – transforme les travailleurs « sélectionnés » en simples pions que les capitalistes déplacent à leur gré d’un pays à l’autre et elle contraint les « non choisis » à la clandestinité et au travail en noir. Elle crée chez nous une concurrence « légale » entre les travailleurs qualifiés du pays et ceux qui sont importés d’ailleurs et une concurrence « sauvage » parce que non réglementée (vu la clandestinité de certains) entre travailleurs non qualifiés. Et elle prive les pays du Tiers-Monde de travailleurs qualifiés qui pourraient être utiles à son développement… après avoir fait payer à ces pays le coût de la formation de leurs travailleurs.

    C’est pourquoi, à l’immense hypocrisie de cette « immigration choisie » nous défendons une politique complètement opposée. Le droit des travailleurs à chercher librement dans un autre pays un emploi et une vie décente pour eux et leur famille s’ils estiment ne pas pouvoir en trouver chez eux. La régularisation des sans-papiers parce que c’est une condition indispensable pour unir les travailleurs locaux et immigrés dans nos pays. La défense intransigeante des conditions de salaires et de travail conquises par le mouvement ouvrier dans nos pays pour éviter que l’arrivée de travailleurs étrangers ne permette aux patrons de casser le marché du travail et la protection sociale. L’aide aux syndicats et aux organisations populaires dans le monde néocolonial pour qu’ils puissent améliorer eux aussi les conditions de vie des populations locales. La solidarité entre travailleurs partout dans le monde. L’expropriation des multinationales afin de dégager les moyens pour mener une réelle politique de développement. Et une réorganisation de la production au niveau mondial sous le contrôle des travailleurs, de manière à pouvoir trouver des solutions économiques et écologiques durables au bénéfice de l’écrasante majorité des populations. En bref, une politique réellement socialiste.


    1. Voir le dossier sur la crise alimentaire dans l’AS n° 132 de juin 2008


    > Dossier "Sans-papiers" de ce site

  • Crise économique, chômage et pauvreté

    La Banque Mondiale a récemment adapté ses données sur la pauvreté dans le monde. En 2000, elle estimait que 985 millions de personnes vivaient sous le seuil d’extrême pauvreté de 1 dollar par jour. Maintenant, il est question de 1,4 milliard de personnes qui vivent sous un seuil relevé à 1,25 dollar par jour… pour l’année 2005, il y a trois ans déjà.

    Par Emiel, MAS-Anvers

    Depuis lors s’est déclenchée la crise alimentaire, avec au bas mot 100 millions de personnes qui ont rejoint l’extrême pauvreté. Près d’un quart de la population mondiale risque donc de ne plus pouvoir se nourrir. Dans des dizaines de pays, des émeutes de la faim ont déjà éclaté.

    Selon les Nations Unies, il y aurait pourtant suffisamment de stocks sur la terre pour nourrir 12 milliards de personnes, deux fois la population mondiale. Où est donc le problème ? Une partie de la population mange trop et l’autre pas assez ? La prospérité grandissante (d’une petite minorité) de Chinois en est-elle la cause ? Ou alors la consommation de viande en Occident ? Sans vanter pour autant les habitudes alimentaires occidentales, nous pensons que ces raisons sont très insuffisantes.

    La distribution inégale des richesses découle de la manière dont est orientée la production, où les profits passent bien avant les besoins. Ainsi, l’université d’Arizona a-t-elle calculé qu’aux Etats-Unis, près de la moitié de la nourriture produite est jetée, notamment parce que la date de péremption a été dépassée (1).

    Autrement dit, la nourriture excédentaire attend d’être périmée et jetée plutôt que d’être mise à disposition de ceux qui ont faim. L’exemple le plus pervers de la course aux profits en matière d’alimentation est la spéculation sur les céréales et les matières premières qui fait exploser les prix.

    L’économie entre en récession

    Aux Etats-Unis, la récession signifie une hausse de la pauvreté, du chômage, des expulsions et des saisies de logements. L’effondrement du marché immobilier américain a donné naissance à des nouveaux quartiers de tentes et de taudis. Les occupants de 2 millions de logements ont été expulsés et, selon les économistes, ce chiffre peut encore grimper jusqu’à 10 millions. L’an dernier, il y avait 37,3 millions de pauvres aux USA, soit 1 million de plus que l’année précédente. 18% des Américains de moins de dix-huit ans vivent dans la pauvreté.

    Le capitalisme américain n’est pas encore sorti d’affaire. Son secteur financier est évidemment le plus atteint. Mais la crise a déjà commencé à se développer dans l’économie réelle, aux Etats-Unis, mais aussi en Europe et en Asie. Les travailleurs du secteur financier ont été les premiers touchés, plus de 60.000 emplois ont déjà disparu essentiellement à New York et à Londres. En Grande-Bretagne, on estime que le chômage va augmenter d’un demi-million. C’est une condamnation sans appel du capitalisme et du néolibéralisme. La domination du marché à seulement conduit à ce qu’une poignée de milliardaires soit responsable de la misère de millions de personnes.

    En Europe, les perspectives de croissance sont mois après mois revues à la baisse et plusieurs pays sont déjà entrée en récession, ce qui signifie pour les salariés une baisse du pouvoir d’achat et des pertes d’emplois. Les travailleurs n’ont pas la chance de recevoir autant d’attention de la part des gouvernements que les grandes banques en crise. Car, si besoin est, celles-ci peuvent même être nationalisées pour éviter une faillite, comme ce fut le cas pour la Northern Rock Bank en Grande Bretagne ou encore pour les sociétés de crédit hypothécaires Freddie Mac et Fannie Mae aux USA. Pour sécuriser les bénéfices des actionnaires, la collectivité doit payer – ce que certains économistes bourgeois ont appelé sans rire « le socialisme pour les riches ». Mais, pour nos revendications salariales, il paraît qu’il n’y a pas de moyens…


    1. Humo, 09/09/08

  • 20 ans après le meurtre de trois volontaires de l’IRA par les SAS

    De la répression de l’Etat britannique, du terrorisme et du mouvement ouvrier

    20 ans après le meurtre de trois volontaires de l’IRA par les SAS

    Vingt ans ont maintenant passé depuis le meurtre à Gibraltar de trois membres de l’IRA (Irish Republican Army – Armée Républicaine Irlandaise, groupe paramilitaire indépendantiste) par les SAS (Special Air Service – Service Spécial Aérien, forces d’élite britanniques, notamment utilisées dans la lutte antiterroriste). En Irlande du Nord, ces morts avaient été le détonateur d’une nouvelle explosion de violence, brève mais particulièrement sanglante. Au cours des treize jours qui ont suivit, huit personnes ont perdu la vie et soixante-huit autres ont été blessées à travers toute une série d’attaques impliquant l’armée, l’IRA, et les milices loyalistes.

    Peter Hadden, Socialist Party (CIO-Irlande), Belfast, 7 avril 2008

    C’est surtout de deux de ces incidents que se rappelleront le plus vivement ceux qui ont connu ces événements, même si ce n’est que parce qu’ils ont eu la chance d’être pris en direct par les caméras qui se trouvaient sur place.

    L’un de ces incidents était l’attaque d’un fusilier loyaliste, Micahel Stone, contre la foule rassemblée aux funérailles des victimes de Gibraltar, qui a fait trois morts et de nombreux blessés. Les images diffusées à plusieurs reprises dans les nouvelles du jour montraient Stone fuyant à travers le cimetière Milltown de Belfast-Ouest en direction de l’autoroute M1, tentant de distancer la foule enragée lancée à sa poursuite en les arrosant de tirs de pistolet et de grenades, fournissant par là-même une illustration frappante de la brutale réalité qui était celle des « Troubles » en Irlande du Nord.

    Il y a aussi eu le film réalisé trois jours plus tard sur la Route d’Andersonstown, aux funérailles d’une des victimes de Stone à Milltown. Cette vidéo montrait deux soldats anglais en civil qui avaient brutalement foncé avec leur voiture dans le cortège funèbre et s’étaient fait tirer hors de leurs véhicule par la foule, l’un d’entre eux brandissant un fusil. Peu après cela, ils ont été remis à l’IRA qui les a conduits dans une décharge derrière des magasins du coin avant de les abattre.

    Aujourd’hui, vingt ans plus tard, le Sinn Féin (« Nous-mêmes », le principal parti indépendantiste, lié à l’IRA) est en train de faire de gros efforts pour organiser toute une série de grands événements afin de commémorer les victimes de Gibraltar. Il y a eu des assemblées et un grand meeting public à Belfast-Ouest. Une brochure spéciale de douze pages retraçant l’histoire de Gibraltar et ses conséquences sanglantes a été produit et distribué en porte-à-porte dans les zones catholiques de la ville.

    La controverse publique s’est rapidement développée au sujet de ces commémorations, surtout au sujet de la proposition d’organiser, dans la Longue Gallerie du Parlement à Stormont, une célébration de la vie de Mairéad Farrell – une des trois personnes abattues par les SAS à Gibraltar. Ce débat a, comme il fallait s’y attendre, produit une réaction immédiate de la part du Parti Démocrate Unioniste (DUP), qui a annoncé fort logiquement qu’il allait organiser un événement, au même endroit et au même moment, afin de commémorer le rôle des SAS dans cette affaire. Au final, aucun des partis n’a obtenu l’autorisation de faire quoi que ce soit – un nouveau règlement a été voté en toute hâte pour rendre la location de la Longue Gallerie plus difficile – et le Sinn Féin s’est donc rabattu sur un petit meeting consacré à la vie de Mairéad Farrell dans leurs propres bureaux, à Stormont.

    Réveiller le passé

    Pour le Sinn Féin comme pour le DUP, tout ce battage autour de vieilles rancœurs, aussi sectaire que rituel, a en fait bien plus à voir avec les événements qui se déroulent maintenant qu’avec ce qui s’est passé vingt ans plus tôt. Les partis sectaires d’Irlande du Nord ont toujours suivi cette simple règle : à chaque fois que quelque chose ne va pas, on ressort les vieilles histoires.

    Et effectivement, le Sinn Féin comme le DUP s’attendent à ce que les choses n’aillent pas si bien dans le futur proche. Tout au long des dernières décennies, ces deux partis ont représenté les deux pôles extrêmes opposés sur l’échelle de la politique sectaire. Et maintenant, ils participent ensemble au gouvernement. Pour un nombre croissant des partisans de ces deux partis, la relation entre leurs dirigeants et ces ex-ennemis jurés qu’ils injuriaient autrefois publiquement, est devenue bien trop amicale ces derniers temps, et ce sans qu’ils en aient retiré quoi que ce soit de concret.

    L’Exécutif de coalition, mis en place il y a tout juste un an, n’a fait que continuer la politique précédente des Ministres du New Labour : la bonne vieille recette pro-big business, mais avec une petite pincée en plus de népotisme et de corruption.

    Les Ministres Sinn Féin et DUP ne sont visiblement pas très à leur aise lorsque l’on mentionne avec eux des enjeux tels que les privatisations, les coupures budgétaires dans l’éducation, les soins de santé et, bien entendu, la compagnie des eaux. Il est évident qu’ils préfèrent rester en terrain connu, dans le domaine des attaques sectaires qui leur sont bien plus familières. Ces deux partis seraient bien contents de pouvoir se chamailler toute la journée afin de savoir qui l’on doit commémorer, des glorieux martyrs de l’IRA ou des vaillants soldats SAS, sachant que sur cette question ils sont sur leur terrain, avec une base solide parmi la population pour les soutenir. Ils se tournent délibérément vers de telles « problématiques » afin de lancer de la poudre aux yeux des travailleurs pour détourner l’attention de ce qu’ils sont réellement en train de faire au gouvernement. Ces partis sont eux-mêmes bien rôdés en ce qui concerne l’usage de la vieille tactique de l’impérialisme : diviser pour régner.

    Et quand ils se réfèrent au passé, c’est toujours leur version de l’histoire qui est présentée. A tous les coups, c’est une version à une seule facette : l’image tronquée qui apparaît lorsqu’on observe tout à travers le prisme du sectarisme. Ainsi, aucun de ces partis ne peut nous raconter ce qui s’est réellement passé à Gibraltar et après.

    Un récit à une seule facette

    Dans la période qui a directement suivi la tuerie de Gibraltar, le gouvernement Thatcher et ses chefs de la sécurité avait délibérément publié un nuage de mensonges pour tenter de couvrir ce qui s’était réellement passé. La presse britannique a régurgité ce tissu de mensonges de la manière la plus fidèle et non-critique qui soit. Le journal télévisé et la presse racontaient la même histoire : les trois victimes, Sean Savage, Dan McCann et Mairéad Farrell, avaient été tuées par la police de Gibraltar après qu’ils y aient implanté une énorme bombe ; le trio était armé, avait ignoré les avertissements qui leur avaient été donnés et des tirs avaient été échangés jusqu’à la mort des trois terroristes. L’armée était ensuite intervenue pour désamorcer la bombe.

    La brochure commémorative du Sinn Féin réfute correctement cette version de l’histoire dans sa totalité. Au lieu de cela, ils disent que :

    « Toute cette histoire n’est que mensonges. La vérité est que :

    • Les Britanniques ont suivi le moindre mouvement des trois volontaires dès leur traversée de la frontière espagnole avec Gibraltar.
    • Il n’y avait pas de bombe
    • Il n’y a pas eu d’échange de coups de feu
    • Le trio n’était pas armé
    • Ce n’est pas la police de Gibraltar qui est intervenue, mais bel et bien les SAS. »

    La brochure reprend également une déclaration que l’IRA avait faite à l’époque : « les principes militaires du gouvernement britannique incluent l’exécution de volontaires désarmés. »

    Les autres articles dans cette brochure continuent avec le récit des violences qui ont suivi Gibraltar – les tentatives de la RUC (Royal Ulster Constabulary – la police nord-irlandaise, maintenant rebatpisée PSNI – Police Service of Northern Ireland), à peine une semaine plus tard, de détourner de force les corbillards transportant les restes des trois victimes à Belfast-Ouest, de sorte à ce qu’ils ne parviennent pas à la foule qui attendait ; le meurtre, la même nuit, d’un volontaire de l’IRA, Kevin McCracken, tandis qu’il se préparait lui-même à ouvrir le feu sur des soldats dans le quartier de Turf Lodge, où avait vécu Sean Savage ; l’attaque de Michael Stone à Milltown, deux jours plus tard ; et, enfin, l’exécution des deux soldats « sous couverture » qui avaient foncé avec leur voiture dans la procession funéraire de Kevin Brandy, une des victimes de Milltown.

    Toute cette version de la part du Sinn Féin est totalement véridique… mais ne raconte pas tout. Le seul but recherché avec cette publication était de rappeler aux gens dans les bastions du Sinn Féin, tels que Belfast-Ouest, toute la répression qu’ils subissaient aux mains de l’armée, de la RUC et des loyalistes, et ceci afin de renforcer l’autorité vacillante de leur parti, en réaffirmant les sacrifices faits par les républicains dans leur résistance face à l’oppression. Tout élément qui ne rentre pas parfaitement dans ce scénario est tout bonnement ignoré. Ce qui en ressort, est un tableau inachevé, unilatéral, présenté sans aucune tentative d’analyser ce qu’il s’est passé ni d’en tirer quelque leçon.

    « Shoot to kill »

    Ceux qui sont incapables de tirer les leçons du passé, surtout lorsqu’il s’agit d’erreurs passées et d’actions qui n’eurent pas l’effet escompté, sont d’office condamnés par l’Histoire à répéter les mêmes erreurs. Gibraltar et ses conséquences sanglantes ont été une version condensée des « Troubles », riche en leçons. Deux décennies plus tard, il est important que la nouvelle génération, se tenant sur le seuil d’une nouvelle vague d’importants bouleversements sociaux, puisse passer au-dessus de cette version unilatérale de l’Histoire que nous fournit le Sinn Féin – ainsi que les autres forces sectaires – et se basent sur la compréhension la plus complète d’événements aussi importants que celui-ci.

    Avant toute chose, Gibraltar a exposé la nature impitoyable de la classe dirigeante britannique. Gibraltar a arraché le voile démocratique tendu sur l’establishment britannique pour nous donner un aperçu des méthodes que ces gens sont préparés à employer afin de protéger leurs intérêts.

    Pendant les années ‘80, le gouvernement Thatcher a adopté une politique consciente de « tirer pour tuer », utilisant en Irlande du Nord les SAS et des unités de police spécialement entraînées afin d’éliminer systématiquement tous les membres de l’IRA et des autres groupes républicains. Dix mois avant Gibraltar, un petit village du Conté d’Armagh était le témoin d’un exemple cinglant de cette cruauté militaire. Une embuscade tendue par les SAS y extermina une unité de l’IRA qui se préparait à attaquer le commissariat de Loughgall. Huit membres de l’unité furent abattus tandis qu’ils descendaient de leur camionnette pour plonger dans un barrage de tirs de fusils. Un automobiliste de passage, qui avait le malheur de suivre le combi de l’IRA d’un peu trop près, fut lui aussi pris dans le nuage des balles des SAS et tué.

    Ce sont exactement les mêmes méthodes qui ont été mises en œuvre à Gibraltar. Les intentions des trois membres de l’IRA étaient bien connues des polices espagnole et britannique qui, depuis des mois déjà, avaient enregistré leurs moindres faits et gestes. Les services de renseignement de l’Etat savaient également qu’aucune attaque n’avait été planifiée par l’IRA le jour de la fusillade ; leur objectif était la cérémonie du changement de garde devant les bureaux du Gouverneur, deux jours plus tard, le huit mars.

    Le but recherché, en envoyant une unité spéciale des SAS expédiée par avion juste à temps pour l’attaque et rapatriée par avion immédiatement après, n’était pas d’empêcher l’attaque – ce qui aurait pu être fait par la police de Gibraltar ou la police espagnole – et n’était certainement pas non plus d’arrêter qui que ce soit. L’objectif était simplement de s’assurer que Mairéad Farrell, Dan McCann et Sean Savage ne quitteraient pas Gibraltar vivants. Les ordres des SAS furent signés par les plus hauts étages du gouvernement Tory. Thatcher elle-même était parfaitement au courant de toute l’opération, et n’hésita pas à la moindre seconde à mettre de côté toutes les politesses démocratiques.

    Désinformation britannique

    L’histoire, nulle doute concoctée à l’avance, immédiatement diffusée via les médias par le gouvernement Tory était un véritable chef-d’œuvre de désinformation qui n’avait absolument aucun lien avec ce qui s’était réellement passé. C’était une pure invention qui n’aurait pu tenir très longtemps – même Thatcher ne pouvait plus maintenir l’idée qu’une bombe avait été enclenchée puis désamorcée lorsqu’il devint clair qu’il n’y avait aucune bombe dans la voiture que Sean Savage venait de garer avant d’être tué.

    Par conséquent, de nouveaux mensonges sont arrivés pour raccommoder les trous qui commençaient à apparaître dans la première version de l’histoire. Les SAS, dirent-ils, avaient ouvert le feu parce qu’ils « pensaient qu’il y avait une bombe », et parce que leurs trois victimes avaient eu des gestes « menaçants lorsqu’ils furent interpelés », ce qui les avait fait croire qu’ils tentaient d’enclencher la bombe au moyen d’une télécommande.

    D’une manière plutôt inhabituelle pour une force aussi secrète, les membres des SAS ont témoigné lors de l’enquête, cachés derrière des écrans pour garder leur identité secrète tandis qu’ils répondaient aux questions. Un des membres de l’escouade SAS expliqua ainsi qu’il avait vu Sean Savage parquer la voiture, qui, supposait-il, contenait une bombe. Savage rejoignit alors les deux autres membres de l’IRA, et ils se dirigèrent vers la frontière espagnole. Ce membre des SAS affirma qu’il avait alors inspecté la voiture mais n’avait pas pu s’assurer qu’elle ne contenait aucune bombe.

    Mais si la version des SAS avait été véridique et qu’ils s’étaient réellement souciés de savoir si oui ou non il se trouvait dans la voiture une bombe qui aurait pu être enclenchée à distance, la première chose qu’ils auraient dû faire aurait été d’installer des barrages de sécurité autour de la zone contenant la voiture. Rien de tel ne fut entrepris, et aucune explication n’a été donnée pour expliquer cette erreur.

    La seule conclusion qui peut être tirée est que les SAS savaient qu’il n’y avait pas de bombe et, de toutes manières, savaient que les trois membres de l’IRA n’auraient pas utilisé une télécommande pour déclencher un tel attentat. L’usage d’une télécommande aurait effectivement impliqué qu’ils auraient dû rester à Gibraltar pour déclencher l’explosion, sachant fort bien que la frontière aurait été immédiatement fermée, ce qui aurait signifié une capture quasi-certaine.

    Les comptes-rendus donnés par les quelques témoins oculaires de l’évènement ont confirmé ceci. Selon leur témoignage, il n’y eut aucun avertissement, aucun geste menaçant : juste une averse de balles délivrée par les pistolets automatiques des SAS. Un de ces témoins a vu Sean Savage, déjà à terre, avec un des SAS lui tirant des balles dans sa tête à bout portant.

    Les expertises scientifiques et médicales ont confirmé ces témoignages. Les trois corps avaient été touchés à vingt-sept reprises, au niveau du corps, puis de la tête, une exécution conduite de manière extrêmement professionnelle. Sean Savage avait été touché seize fois, dont quatre balles dans la tête. Même le pathologiste d’Etat, le Professeur Alan Watson, a décrit cette attaque comme « un acte de sauvagerie incontrôlée ».

    La seule raison qui faisait que l’Etat pouvait utiliser de telles méthodes en toute impunité, était le fait que la plupart des gens étaient prêts à simplement hausser les épaules tant que les victimes étaient de l’IRA ou d’autres groupes terroristes du même genre. Ce n’est là qu’un des nombreux exemples de situations où les méthodes du terrorisme individuel, tel que pratiqué par l’IRA entre autres, ont joué en dernier recours un rôle réactionnaire.

    Terrorisme individuel

    Le terrorisme individuel, tel que les récents phénomènes de terrorisme de masse pratiqués par des groupes comme Al Qaeda, désoriente la classe ouvrière et est source de confusion. En tentant d’affaiblir le pouvoir de l’Etat, il ne fait à chaque fois que produire l’effet inverse : il fournit à l’Etat une excuse afin d’instaurer toute une batterie de mesures répressives qui, dans d’autres circonstances, ne seraient pas passées sans une résistance généralisée.

    Plus que cela, l’exécution de membres de l’IRA, désarmés, en plein jour dans les rues, le blocage des aéroports avec des véhicules blindés, et d’autres mesures du même acabit, toutes mises en œuvre sous le prétexte de « menace terroriste », permettent à la classe dirigeante de préparer psychologiquement la population à l’éventualité d’une généralisation de telles mesures dans le futur.

    Les lois et les méthodes répressives, quel que soit le contexte dans lequel elles sont d’abord introduites, sont toujours, en dernier recours, une arme qui sera conservée dans le futur, afin d’être utilisée contre la classe ouvrière, et en particulier contre tous ceux qui se battent pour un avenir socialiste. C’est une des raisons qui explique pourquoi les socialistes ont à la fois une responsabilité et un intérêt dans l’organisation d’une opposition rigoureuse face à toute forme de répression – sans pour autant adopter le point de vue des dirigeants sociaux-démocrates d’Irlande du Nord qui préféraient ignorer ou, pire encore, soutenir les mesures répressives introduites par les différents gouvernements britanniques depuis le commencement des Troubles.

    Pendant des décennies, l’Irlande du Nord a été utilisée par la classe dirigeante britannique comme un laboratoire à ciel ouvert dans lequel elle pouvait perfectionner ses méthodes de surveillance et de contrôle de foule, en vue de les utiliser contre la classe ouvrière britannique. En 1984 et 85, les mineurs britanniques ont d’ailleurs pu goûter aux méthodes de police militaire qui avaient d’abord été affûtées jusqu’à la perfection dans les rues de Belfast et de Derry.

    Contre-productif

    C’est le terrorisme individuel qui crée un climat dans lequel une telle répression peut être employée. Tout récit de la tuerie de Gibraltar qui ne ferait que discuter du rôle de l’Etat, sans aborder le moins du monde la question de ce qu’était allée y faire l’unité de l’IRA, est par conséquent déformée et unilatérale. Ce n’est qu’une fois qu’on a rempli les trous dans l’histoire que l’ensemble du tableau émerge, ce qui, en plus de démontrer la brutalité de l’Etat, nous montre aussi la futilité et, du point de vue de la classe ouvrière, la nature totalement contre-productive de la campagne de l’IRA.

    La brochure commémorative du Sinn Féin dit que les trois volontaires étaient « en service », mais sans nous fournir le moindre mot d’explication quant à la nature de leur mission. On peut effectivement affirmer, comme le fait cette brochure, qu’il n’y avait « pas de bombe », mais cela revient à s’interrompre à la moitié de la phrase. Pour que cette affirmation soit totalement véridique, il faudrait dire qu’il n’y avait « pas de bombe à Gibraltar ». Mais, cependant, sur la côte espagnole, juste à côté, dans la station balnéaire de Marbella, se trouvait une deuxième voiture remplie de 63kg de plastic accompagnés d’une minuterie, à l’horloge programmée pour 11h20, mais qui n’avait pas encore été activée.

    Il est évident que la cible intentionnelle était la cérémonie du changement de garde qui devait se produire deux jours plus tard. L’automobile garée par Sean Savage à Gibraltar avait été parquée là afin de réserver un emplacement de parking et, si le plan s’était déroulé comme prévu, aurait été remplacée, peu avant la cérémonie – qui devait prendre fin à 11h20 – par la voiture contenant la bombe.

    Il n’y aurait eu aucun avertissement. Si tout s’était déroulé selon le plan établi, les trois membres de l’IRA se seraient déjà trouvés en Espagne au moment de l’explosion, sans avoir la moindre idée du nombre de gens qui auraient pu se trouver à proximité de la voiture.

    La conséquence la plus probable aurait été un carnage horrible, qui aurait tué ou mutilé, sans aucune distinction, les membres de la fanfare militaire, mais aussi les passants et les spectateurs (hommes, femmes et enfants). Cet acte aurait été un désastre pour la propagande du mouvement républicain. Les images des civils morts ou blessés auraient été utilisées pour justifier une grande campagne anti-IRA, pas seulement en Irlande du Nord et en Grande-Bretagne, mais à travers toute l’Europe. Nous pouvons être certains que, si les trois volontaires de l’IRA avaient pu rentrer en Irlande comme si de rien n’était, nous n’aurions droit aujourd’hui à aucune brochure commémorative, aucun défilé ni meeting.

    Le bombardement d’Enniskillen

    Quatre mois avant Gibraltar, le huit novembre 1987, l’IRA avait mit en œuvre une opération qui, si l’on parle de ses objectifs immédiats, a été un succès total. Une bombe explosa à l’endroit prévu, tuant onze personnes et en blessant soixante-trois autres, gravement pour plusieurs d’entre elles. Une de ces personnes est décédée après treize jours de coma. Ceux qui avaient organisé cet attentat ont pu s’échapper sans problème. A ce jour, ils n’ont toujours pas été arrêtés.

    Lors de cet incident, appelé par la suite « l’atrocité de l’Armistice », une bombe, placée près du cénotaphe d’Enniskillen, avait été programmée pour exploser au moment où la foule se rassemblait pour commémorer les victimes de la guerre. Pour ceux qui avaient placé cette bombe, cette opération fut une grande réussite ; mais pour qui que ce soit d’autre, Enniskillen fut un désastre, pas seulement pour les familles qui en ont souffert, mais aussi un désastre pour le mouvement républicain, ouvrant même des divisions au sein de l’IRA. Sans aucune surprise, le vingtième anniversaire de l’atrocité d’Enniskillen, en novembre dernier, est passé sans que le Sinn Féin n’organise quoi que ce soit.

    Enniskillen, tout comme Gibraltar, a montré comment, après presque deux décennies de lutte armée, l’IRA considérait toute chose comme sens dessus-dessous : un « succès » à la Enniskillen signifiait une défaite et une perte de soutien, tandis qu’un échec à la Gibraltar devenait une réussite. La « lutte armée » était dans l’impasse.

    Même des événements inhabituels comme l’incident d’Andersonstown, lorsque les deux caporaux de l’armée ont foncé avec leur voiture dans le cortège funèbre de Kevin Brady, une des victimes de Milltown, ont montré comment, dans la plupart des cas, les actions de l’IRA étaient devenues contre-productives. Avec le souvenir de ce qui s’était passé à Milltown bien présent dans l’esprit de tous, les personnes présentes aux funérailles étaient déjà sur leurs gardes. Lorsque la voiture des deux soldats est passée devant la procession, a tourné dans une ruelle adjacente (pour se rendre compte que c’était un cul-de-sac…) et est revenue à toute vitesse en marche arrière en plein milieu du cortège, tout le monde a naturellement supposé que c’était une nouvelle attaque. Ils ont donc agi en conséquence. Leur suspicion a été confirmée lorsque l’un des soldats a sorti son pistolet pour tirer en l’air en guise d’avertissement. Rapidement débordés et désarmés, les soldats ont été arrachés de leur véhicule.

    S’ils avaient été emmenés, interrogés puis relâchés, toute l’attention des médias en Irlande et en Grande-Bretagne se serait penchée sur la question de savoir ce que ces soldats faisaient là et aurait vérifié la véracité de l’explication fournie par l’armée : qu’ils s’étaient trompés de rue et s’étaient retrouvés à Andersonstown par accident.

    Que s’est-il passé à Andersonstown ?

    A moins que les soldats britanniques, comme le prétendit l’IRA, se trouvaient là en mission secrète ? Et est-ce que Milltown, trois jours auparavant, n’avait pas été le résultat d’une opération similaire ? N’y avait-il pas eu un accord entre l’armée et les loyalistes afin de cibler les dirigeants républicains ? Ce ne sont là que quelques-unes des questions auxquelles les caporaux auraient été confrontés, et leurs réponses auraient permis de lever un peu le voile au sujet de la sale guerre que l’Etat était en train de mener en coulisses.

    A quoi jouaient donc ces soldats, en ce jour de funérailles ? Cela n’a jamais été réellement expliqué, et certainement pas par l’armée. Nous ne connaîtrons sans doute jamais la vérité, parce que l’IRA est vite intervenue, et que quelques minutes après avoir trouvé leur carte de militaire sur eux, l’IRA a conduit les deux soldats dans une décharge pour les exécuter.

    Cette « exécution » a en fait octroyé un énorme bénéfice à l’armée britannique. Toute l’attention a été dirigée non pas sur la raison de la présence des deux soldats au cortège, ni sur les causes de la bourde qui les a fait détecter et arrêter par la foule, mais elle se focalisa au contraire fermement sur la brutalité de l’IRA, qui avait exécuté des prisonniers alors que ceux-ci n’étaient pas seulement désarmés, mais avaient également été battus jusqu’à en perdre conscience.

    Dans une déclaration de l’époque, l’IRA, de manière incroyable, a tenté de s’affirmer sur le plan moral en se distanciant des coups que les caporaux avaient reçus. Mais ce qu’ils ont offert n’était qu’une succincte « justification » de leurs actes qui, loin d’être rassurante, était effrayante tant elle rappelait l’approche clinique des SAS dans leur fonctionnement. Leur déclaration se terminait par : « Malgré ce qu’en disent les médias, nous sommes satisfaits du fait qu’à aucun moment, nos Volontaires n’ont physiquement attaqué les soldats. Une fois leur identité confirmée, ils furent immédiatement exécutés ».

    La campagne de l’IRA s’essouffle

    A ce stade, la campagne militaire de l’IRA avait déjà bien perdu de sa vigueur. Pendant les années ‘80, l’IRA avait reçu quatre grosses cargaisons d’armes et d’explosifs en provenance de Libye – donc le plastic qui fut retrouvé à Malaga. L’IRA était armée jusqu’aux dents avec tout un arsenal d’armes qui troqué par la suite en échange d’avantages politiques. Mais, bien avant que l’IRA ne décide de rendre « hors d’usage » ces stocks d’armes, elle n’avait déjà plus du tout la possibilité de les utiliser.

    Sur le plan militaire, l’IRA était contenue. L’idée qui était fournie aux Volontaires de l’IRA au début des années ‘80 était que les armes libyennes leur permettraient de mener une offensive majeure ; mais cette idée n’a jamais été mise en pratique, et n’aurait d’ailleurs jamais pu l’être. Toute escalade de la violence aurait signifié une plus grande exposition et un plus grand risque. A ce stade, l’armée britannique avait à la fois les moyens militaires et les services de renseignement appropriés pour contrer toute action que l’IRA aurait pu entreprendre. La « grosse poussée » (« big push ») de l’IRA s’est terminée avant d’avoir pu commencer – dans le champ de tir des SAS à Loughgall.

    Au moment de Girbaltar, la direction de l’IRA n’était que trop bien consciente que leur campagne militaire ne pourrait jamais parvenir à vaincre l’Etat britannique. Le discours qu’ils employaient dans les années ’70, qui parlait d’un « retrait imminent des troupes britanniques » avait été abandonné depuis belle lurette. La direction républicaine s’était déjà repliée sur une stratégie politique ; de plus en plus d’efforts étaient investis dans la construction de leur aile politique, le Sinn Féin, et par là-même, bon gré mal gré, ils se voyaient contraints de donner moins d’importance à la lutte armée.

    Mécontentement au sein de l’IRA

    Au sein de l’IRA, les membres commençaient à soupçonner les dirigeants de s’être « attendris » au sujet de la « lutte armée », et étaient mécontents de l’attention grandissante portée à la politique. Dan McCann était un de ceux qui participaient à l’opposition à la direction d’Adams sur ce sujet. Il avait quitté l’IRA pendant un certain temps, et n’avait été persuadé de rejoindre à nouveau que quelque temps avant sa mission infortunée à Gibraltar.

    En public, la direction républicaine devait maintenir un discours affirmant que la victoire serait au final obtenue par les moyens militaires, mais en combinaison de moyens politiques. Ce n’était là qu’un message prononcé à contrecœur. Le langage déterminé des années ‘70, parlant d’un « retrait imminent des troupes britanniques », sonnait faux par rapport aux nouvelles circonstances, et avait depuis longtemps été abandonné.

    Lorsque Martin McGuinness, le Chef du Personnel de l’IRA, a pris la parole à l’anniversaire du massacre de Loughgall, il parlait toujours d’une défaite des forces britanniques par des moyens « militaires » et « politiques ». Mais les tombes au-dessus desquelles il se tenait, celles de l’unité de l’IRA oblitérée par les SAS, renvoyait un message somme toute différent. McGuinness ajouta ceci : « Mais en disant cela, je ne veux pas dire que l’IRA a la capacité de chasser chaque soldat britannique de Derry, Armagh, Down ou où que ce soit d’autre. Mais ils ont toujours la possibilité d’écœurer les forces d’occupation britanniques. » Mais il aurait été plus juste de reconnaître que, à ce stade, que l’IRA n’avait même plus la possibilité d’irriter l’armée britannique, sans même parler de « l’écœurer ».

    « Ulstérisation »

    La nature changeante du conflit a eu un autre aspect malvenu pour les républicains. La politique britannique, pendant quelque temps, avait consisté en une « ulstérisation » des forces de sécurité, semblable à la politique de « les Irakiens aux commandes » poursuivie par les Etats-Unis en Irak, mais en bien plus fructueux. La plupart de l’activité militaire du front en Irlande du Nord avait donc été confiée à des locaux, en grande majorité des protestants, regroupés dans le Régiment de Défense de l’Ulster (Ulster Defence Regiment – UDR).

    A cause de cette ulstérisation et, en général, de leur avantage militaire, le nombre de soldats britanniques tués en Irlande du Nord était retombé à un niveau qui aurait eu bien du mal à ne fût-ce qu’inquiéter l’état-major. Les pertes de l’armée britannique s’élevaient à neuf hommes en 1984, deux en 1985 et quatre en 1986. Ceci, ajouté à la baisse du bilan général depuis la fin des Troubles, signifiait que les objectifs des britanniques, définis lors d’une conférence de presse en 1971 par Reginald Maudling, Secrétaire de l’Intérieur Tory, et qui consistaient à réduire le taux de violence à un « niveau acceptable », avaient dans l’ensemble été accomplis.

    Pour les républicains, l’effet indésiré de l’ulstérisation était que c’étaient maintenant des membres de l’UDR, en plus de ceux de la RUC, qui se trouvaient en tête de la liste de l’IRA. Ce facteur accrut inévitablement le caractère sectaire de la campagne de l’IRA.

    En fait, la campagne avait été sectaire dans les faits, mais aussi parfois dans l’intention, dès son commencement. Par exemple, parmi la première vague d’attentats au début des années ‘70, il y avait des attaques sans avertissement sur des pubs protestants dans des quartiers ouvriers. Pourtant, la grande majorité des jeunes qui, à l’époque, accouraient à l’IRA la rejoignaient parce qu’ils voyaient la lutte comme une lutte contre l’Etat, et ne voulaient pas se retrouver mêlés à un conflit sectaire.

    La politique d’ulstérisation a signifié que, à partir des années ‘80, au lieu de tuer des soldats « trangers » britanniques, c’était surtout des soldats irlandais protestants qui se retrouvaient visés. Beaucoup d’entre eux étaient des volontaires à mi-temps qui se faisaient tuer en-dehors du service, souvent pendant qu’ils étaient au boulot ou sur le chemin du boulot. Quel qu’en ait été l’objectif, aux yeux de la majorité des protestants, on avait là affaire à des attaques sectaires. Dans les zones rurales, où beaucoup de victimes étaient des fermiers locaux, ces attaques furent perçues comme une preuve que l’IRA menait une campagne génocidaire, afin de chasser les protestants de leurs terres.

    Les protestants pris pour cibles

    Il y eut deux morts, après Gibraltar, qui n’ont pas été mentionnés dans la brochure commémorative du Sinn Féin. Dans un des cas, c’était parce qu’il s’agissait d’une affaire que les républicains préféreraient ne pas voir refaire surface.

    Le 18 mars, la veille de l’exécution des deux caporaux britanniques à Andersonstown, Gillian Johnston, une jeune protestante âgée de 21 ans, était assise avec son fiancé dans sa voiture, dans le petit village de Belleek, dans le Conté de Fermanagh, lorsque l’IRA a ouvert le feu sur eux. Elle fut tuée et son fiancé blessé. L’IRA a alors immédiatement publié une déclaration disant que ce meurtre était une erreur et que la cible était son frère, supposé être membre de l’UDR. La famille a très vite contredit cette affirmation, signalant qu’il n’y avait personne chez eux qui faisait partie de l’UDR.

    Pour la communauté protestante locale, c’était là une nouvelle preuve des doubles mesures employées par les républicains. L’IRA condamnait le gouvernement britannique pour ses mensonges et sa tentative d’étouffer l’affaire de Gibraltar. Mais leur propre réaction après ce meurtre a pourtant été de diffuser une déclaration qui était tout aussi mensongère.

    L’IRA condamnait les « lois martiales » qui permettaient aux SAS d’exécuter des « volontaires désarmés » à Gibraltar. Mais leur propre justification de la mort de Gillian Johnston était qu’ils cherchaient à tuer un membre de l’UDR qui, selon toute probabilité, aurait été désarmé lui aussi. Plus que ça, les trois personnes tuées à Gibralatar étaient « en service », ce qui n’aurait pas été le cas de la cible de Belleek.

    Une guerre d’usure sectaire

    Les Troubles, au milieu des années ‘80, n’étaient de plus en plus rien d’autre qu’une petite guéguerre sectaire, une guerre d’usure, dans laquelle le conflit entre les républicains et l’Etat était de plus en plus reléguée à l’arrière-plan. La contribution des milices loyalistes, dont la tâche principale consistait à effectuer des tueries sectaires perpétrées au hasard, au bilan des morts augmentait de plus en plus. Au début des années ‘90, leur action commençait à dépasser celle des républicains ; ils en arrivaient au point de se vanter du fait que plus de personnes perdaient la vie par leur action que par celle des républicains…

    Dans les jours qui ont suivit Gibraltar, on a eu droit à un exemple typique de ceci : c’est là la deuxième victime qui n’est pas mentionnée dans le matériel du Sinn Féin. Le 15 mars, le jour même où les corps des trois « martyrs » de l’IRA étaient rapatriés à Belfast, la veille de l’attaque de Michael Stone à Milltown, un jeune employé de magasin catholique a été par balle à Belfast Sud. Charles McGrillen, âgé de 25 ans, fut abattu par les Combattants pour la Liberté de l’Ulster (UFF – Ulster Freedom Fighters), un autre nom de l’Association pour la Défense de l’Ulster (UDA – Ulster Defence Association), à la succursale de Dunnes Stores où il travaillait.

    Sa mort met en lumière une autre facette des Troubles qui est systématiquement laissée de côté par tous les commentateurs ou historiens, sans même parler des propagandistes sectaires – l’importance du mouvement ouvrier. Charles McGrillen était militant syndical et délégué T&GWU (Transport and General Workers Union – Syndicat Général des Transports et des Travailleurs). Son assassinat n’était pas seulement une attaque contre les catholiques, mais aussi une attaque contre les syndicalistes et leur capacité à s’organiser sans danger.

    Il faut une réponse des syndicats

    Cette attaque demandait une réponse de la part des syndicats, dans leur ensemble. Mais à la place, les dirigeants syndicaux, y compris ceux de la T&GWU, le syndicat auquel avait appartenu Charles McGrillen, préférèrent s’asseoir sur leurs mains et maintenir un silence indigné. Cette réaction est typique du rôle – ou de l’absence de rôle – des dirigeants syndicaux tout au long des Troubles.

    La paralysie du sommet des syndicats signifiait que les membres à la base se sentaient incapables de faire quoi que ce soit face aux forces sectaires qui paraissaient invincibles. Pourtant, l’immense pouvoir détenu par la classe ouvrière avait été démontré à travers toute l’Irlande du Nord, à peine vingt-quatre heures avant la mort de Charkes McGrillen.

    Alors que les corps des victimes de Gibraltar étaient en route pour Belfast, des dizaines de milliers de travailleurs, catholiques comme protestants, s’étaient rassemblés à l’Hôtel de Ville de Belfast et devant d’autres institutions un peu partout dans le Nord, afin de protester contre les attaques du gouvernement sur les services des soins de santé. Même sans un appel clair de la part des dirigeants syndicaux à aller vers une action de grève, cette manifestation s’est dans les faits transformée en une grève générale partielle, avec plusieurs entreprises contraintes de fermer tandis que leur main d’œuvre quittait le lieu de travail pour rejoindre les travailleurs de la santé et des autres services publics à la manifestation. A Belfast, les ouvriers des chantiers navals ont défilé hors de l’usine Harland and Wolff, rencontrant en chemin les travailleurs du port de Belfast Est. Ils ont marché ensemble sur l’Hôtel de Ville. Les employés de l’Hôpital Royal Victoria et d’autres lieux de travail de Belfast Ouest les ont rejoints en cours de route. Il en était ainsi à travers toute la ville.

    Unité de la classe ouvrière

    On ne trouve aucune mention de cette manifestation dans aucune chronique des Troubles écrite par qui que ce soit. Pourtant, même lors de cette période de soulèvements de masse, de funérailles gigantesques et de défilés de milliers de personnes dans les rues, la plus grande de toutes les manifestations a bel et bien été celle-là, cet exemple éclatant d’unité de classe.

    C’était une puissante démonstration du pouvoir de la classe ouvrière mais, lorsqu’il s’agit de combattre le sectarisme ou de résister à la répression de l’Etat, l’absence de direction donnée par les responsables syndicaux a fait en sorte que ce pouvoir restait surtout un pouvoir latent.

    Les délégués et les militants de base, et surtout les membres de Militant (le prédécesseur du Socialist Party, notre section irlandaise), commençaient à organiser des grèves et des manifestations contre les tueries, mais la pression exercée sur les dirigeants syndicaux était encore trop faible que pour les forcer à appeler aux grèves et aux rassemblements de masse qui, à peine quelques années plus tard, amèneraient des dizaines de milliers de personnes dans les rues revendiquant le retrait des milices paramilitaires et qui seraient une des principales raisons à leur faire abandonner leurs campagnes.

    Du point de vue de la classe ouvrière, la véritable histoire des Troubles jusqu’alors avait été celle d’innombrables occasions perdues qui se sont transformées en défaites, toutes dues au total manque de réponse de la part des dirigeants syndicaux face aux grands événements qui allaient chambouler toute l’histoire d’Irlande du Nord. Après Gibraltar, ils ont encore laissé passer une autre occasion de se confronter aux forces sectaires.

    Ils n’avaient rien à dire au sujet des meurtres perpétrés par le gouvernement Thatcher à Gibraltar. Leur silence a donné le champ libre au Sinn Féin et au mouvement républicain pour puiser dans la colère qui soufflait sur les communautés catholiques afin de s’assurer que l’opposition à ces morts demeurait unilatérale, confinée à leur communauté.

    Car s’il est une chose dont on ne peut accuser le mouvement républicain, c’est d’inertie. Ils ont répondu de manière rapide et énergique à la nouvelle de la mort de leurs trois camarades à Gibraltar. Ils s’en sont servi pour mobiliser leur base et en ont tiré autant de capital politique que possible.

    Responsabilité des dirigeants syndicaux

    Comparons ceci avec une direction syndicale capable de faire sortir dans les rues des dizaines de milliers de personnes pour protester contre les coupes budgétaires dans les soins de santé, mais qui, un jour plus tard, n’ont absolument rien fait lorsqu’un de ses propres militants s’est fait tuer par la section Belfast Sud de l’UDA, une force notoirement meurtrière et sectaire. S’ils avaient répondu avec même seulement un dixième de l’énergie et de l’initiative dont les républicains avaient fait preuve pour promouvoir leur propre cause, ils auraient pu, par exemple, faire fermer les supermarchés et organiser une manifestation massive de pure colère ouvrière, le jour des funérailles de Charles McGrillen.

    Et, s’ils l’avaient fait, ils auraient été capables, mais aussi forcés, d’organiser une manifestation de même envergure trois jours plus tard, lorsque l’IRA a assassiné Gillian Johnson. La classe ouvrière aurait pu émerger renforcée de tous ces troubles, ayant porté un grand coup aux forces sectaires des deux camps. Mais au lieu de ça, les dirigeants syndicaux ont gâché cette occasion qui leur était offerte, et le mouvement républicain a été, et est toujours, capable de tirer profit d’événements qui, lorsqu’on les analyse correctement, révélaient la faillite de leurs méthodes.

    Ce qui s’est passé après Gibraltar, c’était cela la véritable histoire des Troubles jusque là ; une longue litanie d’occasions manquées à cause de l’attitude d’autruche adoptée par la direction syndicale. Vingt ans plus tôt, le mouvement ouvrier aurait pu diriger l’Histoire dans une toute autre direction s’il s’était placé à la tête de la campagne pour les droits civiques, s’était courageusement opposé à la réaction oppressante de l’Etat unioniste et avait lié cette lutte à celle pour des emplois, des logements décents, des salaires adéquats et des services publics pour tous les travailleurs, catholiques comme protestants. S’il avait fait cela, le mouvement ouvrier aurait offert une organisation plus accueillante et une meilleure méthode de lutte pour la génération de jeunes catholiques qui, poussés par la colère et la frustration, se sont alignés derrière l’IRA.

    Au lieu de cela, la direction syndicale a choisi de rester en-dehors de tous ces enjeux, se contentant d’appeler au calme, ce qui, dans les faits, consistait plus en un soutien tacite aux sections « modérées » ou « réformistes » du gouvernement. Et c’est sans mentionner le Parti Travailliste d’Irlande du Nord, vacillant, alors qu’il avait eu le potentiel pendant les années ‘60 de se développer en une force politique de masse, mais qui avait rapidement adopté une position sectaire pro-unioniste. En conséquence de cela, il a totalement été désintégré.

    Les conséquences de la faillite des dirigeants sociaux-démocrates

    La conséquence de tout ceci a été que la couche la plus radicalisée des jeunes ouvriers catholiques a été perdue au profit du républicanisme. La plupart se sont tournés vers l’IRA Provisoire (une scission de l’IRA « officielle »), malgré sa direction extrêmement sectaire et très à droite, en croyant erronément que ses méthodes apparemment plus militantes étaient la meilleure manière de résister et de faire avancer la lutte pour une Irlande socialiste. De son côté, afin de temporairement satisfaire la nouvelle génération de jeunes recrues, les vieux dirigeants républicains ont du tenter d’aromatiser leur nationalisme de droite avec une rhétorique populiste de gauche, y compris, de temps à autre, des références au socialisme.

    Mais leur véritable message n’était jamais rien de plus qu’une version réchauffée de la vieille idée qui empoisonne la politique irlandaise depuis la Guerre d’Indépendance, l’idée que « le Travail doit attendre ». D’abord, tous les nationalistes, de gauche comme de droite, patrons et employés, fermiers et ouvriers agricoles, doivent s’unir pour mettre un terme à la séparation et pour réunifier le pays ; ensuite seulement, la lutte pour le socialisme pourra-t-elle commencer. Mais puisqu’il n’y a jamais eu la possibilité de passer outre la résistance protestante, et en particulier la résistance de la classe ouvrière protestante, à l’idée d’une Irlande capitaliste unifiée, le socialisme est resté un idéal pour un futur que l’on n’atteindrait jamais. Ceux qui ont rejoint l’IRA ont non seulement signé pour une campagne militaire vouée à l’échec mais aussi pour une idéologie politique qui, au fond, n’était rien de plus que le même vieux nationalisme de droite, sous un emballage différemment.

    Au moins, l’ancienne direction de droite, basée dans le Sud pendant les années ‘60 et ‘70 rendait parfois un hommage à l’objectif socialiste. Mais on ne peut certainement pas en dire autant des dirigeants d’aujourd’hui. La vitesse à laquelle la direction républicaine actuelle a viré à droite aurait laissé bouche bée même la vieille garde. Tout comme leurs frères d’idéologie à la tête du « New Labour », Adams (Gerry Adams, président du Sinn Féin) et sa bande ne se soucient même plus de ne fût-ce que mentionner le socialisme de temps en temps, soucieux qu’ils sont d’éviter tout propos qui pourrait diminuer leurs chances de se faire accepter comme partie prenante de l’establishment politique.

    Le Sinn Féin passe au capitalisme

    Ils adoptent maintenant le marché et le capitalisme de manière ouverte, enthousiaste, énergique. Ils nous l’ont encore rappelé via leur brochure commémorative. Sur la première page du journal qui accompagnait la brochure, à côté d’une photo de Gerry Adams, il y a un article qui reprend un discours que le sieur a donné à une réunion d’entrepreneurs à Belfast-Ouest, le 14 février : « Je veux être bien clair sur le fait que le Sinn Féin n’est pas anti-business. Nous sommes pro-business. Le Sinn Féin veut voir les affaires de tout le monde prospérer. Nous voulons voir des investissements dans des zones telles que Belfast-Ouest, qui ont été délibérément négligées pendant si longtemps. » Voilà le Sinn Féin relooké, version 2008. On est bien, bien loin de l’image de lutte qu’ils ne peuvent maintenant plus se donner qu’en rappelant aux gens la manière dont les choses tournaient il y a une vingtaine d’années.

    Avant qu’ils aient proposé d’organiser une célébration de la vie de Mairéad Farrell dans la Longue Gallerie à Stromont, il y a une question que le Sinn Féin aurait du se poser. Non pas la question de savoir si leurs amis de coalition du DUP se seraient sentis offensés par cette idée. Non, la vraie question qu’il aurait fallu se poser était celle-ci : Mairéad Farrell aurait-elle souhaité que sa vie fût célébrée dans cette salle ? Ou, posée différemment : aurait-elle considéré la présence des Ministres Sinn Féin dans une institution de droite de l’Irlande du Nord, aux côtés de leurs ex-ennemis jurés du DUP, valait la peine de tous ces sacrifices, de la prison, de la grève de la faim, de Gibraltar ?

    Le commentaire qu’a fait Mairéad Farrell lorsqu’elle a été libérée de la prison pour femmes d’Armagh en 1986 suggère qu’elle aurait répondu par la négative. Décrivant ce que la lutte signifiait pour elle, elle a déclaré: « Je suis socialiste, définitivement, et je suis républicaine. Je crois en une Irlande unie : une Irlande unie et socialiste, définitivement socialiste. Le capitalisme ne fournit aucune solution du tout pour notre peuple, et je pense que c’est là le principal intérêt des Brit’s en Irlande. »

    Bien entendu, Mairéad Farrell, si elle avait vécu, aurait pu elle aussi suivre le virage à droite effectué par Adams et le reste de la direction actuelle du Sinn Féin. Mais nous ne sommes pas en droit de supposer quoi que ce soit – elle est morte, détentrice d’une vision bien différente de celle adoptée de nos jours par Adams et compagnie – et n’ils n’ont pas ce droit non plus.

    Vingt ans plus tard, la véritable leçon de tout ce qui s’est passé à Gibraltar et après, est qu’il est nécessaire de construire une alternative socialiste combative face au sectarisme et au capitalisme, de sorte que les énergies de la nouvelle génération ne soient pas gâchées par des idées et des méthodes qui sont d’avance vouées à la défaite.

  • Néolibéralisme en crise – la fin d’une époque

    Crise économique, politique et sociale

    Plus aucun économiste digne de ce nom ne se permet de nier l’existence d’une crise économique, même si, afin de ne pas effrayer la population, certains (comme le candidat républicain à la présidentielle US John McCain) osent encore affirmer que « les fondamentaux de notre économie sont forts ». Cette crise, qui est sans doute loin d’avoir atteint son pic et dont nous ne ressentons encore que partiellement les effets, aura inévitablement des répercussions sur la gestion du capitalisme et sur les conditions de vie de milliards de travailleurs.

    Dossier de Stéphane, MAS Liège

    Subprimes et pouvoir d’achat: la crise à tous les étages!

    Cette crise a débuté il y a un an comme une crise purement financière à partir de la crise des subprimes, ces prêts hypothécaires à grands risques réalisés par des sociétés de crédit US. Dans l’incapacité de rembourser leurs prêts, des centaines de milliers de familles américaines se sont retrouvées à la rue. Mais, plus grave pour les capitalistes, de nombreuses banques se sont ainsi retrouvées avec un sérieux manque à gagner.

    Cette crise financière n’est évidemment pas restée sans conséquence sur l’économie réelle et ce sont les travailleurs qui ont une fois de plus payé pour l’incapacité du capitalisme à gérer l’économie correctement. Ainsi, la crise financière s’est rapidement propagée à d’autres secteurs comme l’alimentation ou l’énergie (qui a attiré beaucoup de capitaux spéculatifs : 81% des contrats pétroliers au Nymex, la bourse des matières premières à New York, sont aux mains de spéculateurs) provoquant ainsi l’inflation que nous connaissons depuis maintenant plusieurs mois.

    Ensuite, la crise s’est étendue à la production en tant que telle; plongées dans la tourmente, une série d’entreprises publiques et privées ont dû « assainir » ou « restructurer » (cochez le mot le moins choquant) comme en Espagne où 300.000 postes ont été supprimés, surtout dans la construction, ou en Californie où 22.000 fonctionnaires ont été licenciés. Une entreprise comme General Motors (Opel, Saab, Daewoo, Cadillac, etc.) qui a connu une perte de 15 milliards de dollars ne va sans doute pas se tourner les pouces en voyant ses profits baisser mais elle va tenter de réduire ses coûts en attaquant les salaires et/ou en licenciant.

    Cette crise que nous ressentons déjà avec vigueur en Europe et dans le monde occidental est sûrement encore plus dure à vivre dans les pays néo-coloniaux comme l’Afrique par exemple où les émeutes de la faim de succèdent.

    Et alors que le tableau semble déjà plus que sombre, le FMI annonce que si, pour l’instant, les pertes sont estimées à 400 milliards de dollars, une seconde vague de crise est possible et que les pertes finales devraient se situer autour de 1.000 milliards de dollars. Bref, c’est la crise à tous les étages!

    Les vieilles tactiques ne fonctionnent plus…

    Au cours des « trente glorieuses » (de1945 à 1975), la croissance avait été très forte et les avantages sociaux acquis par les travailleurs avaient considérablement augmenté. Quand la crise a éclaté, au milieu des années ‘70, les capitalistes ont expliqué aux travailleurs qu’il fallait limiter ces acquis pour la survie de l’économie. Au cours des trente dernières années, à chaque fois qu’une crise a pointé le bout du nez à la porte de l’économie et que l’ombre de la diminution des profits s’est profilée, les capitalistes ont toujours mis en avant que les travailleurs devaient faire des sacrifices, qu’il fallait se serrer la ceinture tous ensemble, etc.

    Aujourd’hui ce n’est plus possible : la croissance bancale des années ‘90 et 2000 n’a aucunement profité aux travailleurs. Celle-ci s’est en effet réalisée non par un progrès général de la société mais par la surexploitation des travailleurs, assurée tant par la précarisation du travail que par l’arrivée d’une nouvelle main d’oeuvre bon marché désormais disponible dans les anciens pays à régime stalinien nouvellement entrés dans le jeu capitaliste.

    Les riches et leurs enfants d’abord !

    Depuis la fin des années ‘70 jusqu’à aujourd’hui, le dogme néo-libéral a régné en maître sur la planète et parmi les penseurs du capitalisme. Suivant ses théoriciens Milton Friedman et Friedrich Hayek, la non-intervention de l’État dans l’économie était la règle d’or. On a alors procédé à des privatisations à tour de bras.

    Aujourd’hui, l’immeuble est en feu et les capitalistes coincés à l’intérieur appellent l’État à la rescousse. Celui-ci, après maintes hésitations par peur que le mythe du néo-libéralisme ne s’effondre, a répondu favorablement et a clairement fait passé le message : ça sera les riches et leurs enfants d’abord !

    Ainsi par exemple, la banque britannique Northern Rock, qui avait joué avec le feu en investissant dans les subprimes et qui s’y étaient brûlée, a été nationalisée par le gouvernement travailliste afin d’éviter la faillite. Celui-ci a donc fait sienne la devise de « privatisation des bénéfices et collectivisation des pertes ». De leur côté, les pouvoirs publics US ont injecté des sommes faramineuses pour sauver les grandes sociétés de crédit Fanny Mae et Freddie Mac.

    Dans le même temps, ces mêmes gouvernements qui n’hésitent pas à dépenser des millions de dollars pour sauver des entreprises et le portefeuille de leurs actionnaires continuent d’affirmer que les caisses sont vides et que, malgré la baisse du pouvoir d’achat, des augmentations salariales sont impossibles. Pourtant, comme le dit le dicton « qui veut, peut ». En réalité, les gouvernements – qu’ils soient « sociaux-démocrates » comme c’est le cas en Grande-Bretagne ou « libéraux » comme aux Etats-Unis – ont bien montré qui ils souhaitaient sauver : l’État-pompier vient tirer des flammes les multinationales et leurs actionnaires et laisse les travailleurs sur le carreau.

    La Chine pour sauver la baraque ?

    Certains économistes capitalistes rêvent que la Chine vienne sauver le monde de la crise et/ou qu’elle prenne le relais des États-Unis comme leader économique mondial. Mais ne nous y trompons pas, la structure économique de la Chine est complètement différente de celle des États-Unis. Le marché US est depuis longtemps le marché d’écoulement en dernier ressort de la production mondiale. Depuis le début de la crise, la production trouve de moins en moins de débouchés. La Chine, elle, a une économie principalement dirigée vers l’exportation et, malgré les dires de tous les admirateurs de la « république populaire », le niveau de vie des Chinois n’augmente que très peu. De plus, la Chine n’a pas été non plus épargnée par la crise et les entreprises chinoises procèdent elles aussi à des licenciements.

    Certains estiment que les capitaux chinois et asiatiques pourraient sauver les entreprises occidentales et il est vrai qu’ils font actuellement tout pour ce qu’ils peuvent pour sauver le marché occidental sans lequel ils ne trouveraient plus de débouchés pour leurs produits.

    Ainsi les investissements des fonds souverains en Occident vont en augmentant. Ces « fonds souverains » sont des capitaux appartenant à un État ou dépendant fortement de celui-ci., comme par exemple l’Abu Dhabi Investment Authority qui investit à travers le monde les revenus pétroliers des Émirats Arabes Unis ou encore la China Investment Corporation qui gère des capitaux de l’État chinois.

    Ces capitaux ont, selon certains économistes, l’avantage d’être plus stables et, à l’inverse des capitaux purement privés, de moins chercher le profit à court terme en ayant une vision à plus long terme.

    La fin d’une époque

    Même si ces capitaux peuvent avoir un effet bénéfique pour l’économie, les investissements de ces fonds souverains ne sont pas nécessairement bien accueillis, les États voyant avec peu d’enthousiasme leurs entreprises passer sous le contrôle de fonds d’Etat étrangers. Il est en effet inévitable qu’entrent en contradiction les intérêts du pays dans lequel les capitaux sont investis et les intérêts du pays investisseur. Ainsi par exemple, l’acquisition de ports US par un fonds d’investissement de Dubaï, petite monarchie arabe du Golfe pourtant grand alliée des Etats-Unis, n’a pas plu au gouvernement de George Bush qui a immédiatement forcé celui-ci à les revendre.

    Nous voyons ici comment le néo-libéralisme, fondé sur le désinvestissement de l’État et le libre-échange absolu, peut être mis de côté en cas de crise et de menace pour « les intérêts stratégiques » du gouvernement US.

    Cette méfiance vis-à-vis de ces fonds avait été bien résumée par un journaliste financier américain qui déclarait il y a quelques mois « Voulons-nous que les communistes (la Chine) ou les terroristes (Abu Dhabi, Qatar) possèdent nos banques ? Je prendrai n’importe lequel, je pense, parce que nous sommes tellement désespérés » ou encore par le chef du fonds souverain d’investissement norvégien qui disait « Ils ne nous aiment pas mais ils veulent notre argent ».

    La crise augmentant, on voit de plus en plus clairement comment le libre-échangisme et la globalisation font place au « chacun pour sa pomme ».

    Quelles conséquences pour les travailleurs?

    La crise, en définitive, devrait donc créer des tensions fortes entre États, entre impérialismes mais aussi entre classes sociales.

    En s’approfondissant, la crise intensifiera aussi la lutte pour le contrôle des ressources essentielles car un retour du protectionnisme signifie que chaque État devra plus que jamais compter uniquement sur lui-même et devra donc contrôler de manière sûre des ressources comme le pétrole ou le gaz. On vient d’en voir un exemple avec la récente guerre entre la Russie et la Géorgie qui n’est pas sans rapport avec le fait que la Russie voit l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan passer à travers le territoire de la Géorgie (l’allié privilégié des États-Unis dans le Caucase).pour transporter le pétrole de la Mer Caspienne et de l’Asie centrale en contournant la Russie.

    Mais la crise économique et un retour en grâce de méthodes protectionnistes risquent aussi de stimuler la colère de millions de travailleurs. Si l’État est capable de nationaliser pour préserver les profits des actionnaires, pourquoi ne peut-il pas nationaliser pour préserver les emplois des travailleurs?

    Il est clair que les premières conclusions tirées par les travailleurs seront de demander à l’Etat des réponses concrètes à leurs problèmes concrets. Mais l’expérience et l’intervention des marxistes seront décisives pour démontrer aux travailleurs que l’État est par nature un État au service des capitalistes et qu’il défend les intérêts de ceux-ci et non ceux de la majorité de la population. Seule une société où la production serait orientée et gérée par les travailleurs peut permettre de répondre aux besoins profonds de ceux-ci. Seul le socialisme peut sortir l’humanité des crises, des guerres et de la misère.


    1. Jim Cramer, CNBC Finance News Network, NY Times, 20/01/2008

    Liens:

  • ISLAM & SOCIALISME

    Dans cet article, Hannah SELL explique l’approche des marxistes pour combattre l’islamophobie en tirant les leçons de la politique des bolcheviks dans le sillage de la révolution russe. Si beaucoup de données ne concernent que la Grande-Bretagne et sont un peu datées, la situation n’est pas fondamentalement différente actuellement en Belgique. L’approche adoptée dans cet article reste une aide d’importance.

    Publié en octobre 2004 dans « Socialism Today », revue du Socialist Party, section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre et pays de Galles.

    Entre un et demi et deux millions de musulmans vivent aujourd’hui en Grande-Bretagne. Rien qu’à Londres, ils sont issus de 50 groupes ethniques différents. Ils représentent une des sections les plus pauvres de la société britannique : un musulman économiquement actif sur sept est au chômage, comparé à 1 sur 20 pour le reste de la population. Les deux communautés musulmanes les plus importantes de Grande-Bretagne, originaires du Pakistan et du Bangladesh, sont particulièrement appauvries. En 1999 par exemple, 28% des familles blanches vivaient en dessous du seuil de pauvreté comparé aux 41% d’Afro-Caribéens et aux 84% de familles bengalaises (une étude de l’université d’Anvers a récemment mis en lumière le fait que 58% de la population d’origine marocaine vit en Belgique sous le seuil de pauvreté, pour 15% de la population globale, NDT)

    L’histoire des musulmans de Grande Bretagne est une histoire de pauvreté et de discrimination. Historiquement, la discrimination contre les musulmans en Grande-Bretagne a été un des nombreux aspects du racisme de la société capitaliste. Sous différentes formes, le racisme a été un élément intrinsèque du capitalisme depuis son origine. Lors de la dernière décennie et en particulier depuis l’horreur du 11 septembre 2001, il n’y a aucun doute que les préjugés anti-musulmans – l’islamophobie – ont augmenté de façon dramatique. Alors que d’autres aspects du racisme sont déjà présents, les musulmans sont confrontés aux manifestations les plus aigües de discriminations. Le gouvernement verse des larmes de crocodile sur cette hausse du racisme contre les musulmans et ceux que les gens «perçoivent» comme étant des musulmans. Mais c’est la politique gouvernementale qui est responsable d’une augmentation de 41% du nombre d’arrestations et de fouilles contre les populations asiatiques. Plus fondamentalement, la participation du gouvernement aux guerres brutales contre l’Irak et l’Afghanistan (deux pays à majorité musulmane), avec toute la propagande qui accompagne ces interventions et qui dénigre les populations de ces deux pays, a inévitablement fait monter l’islamophobie.

    L’ancien ministre de l’intérieur David Blunkett a suggéré que les minorités ethniques devaient faire de plus grands efforts pour «s’intégrer» à la société britannique, en blâmant les musulmans et les autres communautés pour la montée du racisme. En réalité, c’est le contraire qui est exact. Plus la société est hostile envers eux, plus les minorités ethniques et religieuses vont s’identifier uniquement à leurs propres communautés. Le renforcement de l’identification de beaucoup de musulmans à leur religion et à leur culture a ainsi nettement augmenté. Selon une étude récente, 74% des musulmans britanniques considèrent que leur religion a une influence importante sur leur vie quotidienne, contre 43% chez les Hindous et 46% chez les Sikhs. Nombreuses sont les raisons qui expliquent cela, mais il ne fait aucun doute que la montée des préjugés contre l’Islam a conduit beaucoup de jeunes à défendre leur religion en renforçant leur identification à celle-ci.

    Cependant il n’est pas vrai de dire que les jeunes musulmans de Grande-Bretagne s’identifient seulement ou premièrement au pays d’où ils, ou plus souvent leurs parents ou grands parents, sont originaires. Les deux tiers de tous les musulmans de Grande-Bretagne ont moins de 25 ans. Ayant été élevés en Grande-Bretagne, la plupart d’entre eux ont une double identité, à la fois partie intégrante de la Grande-Bretagne et aliénés par celle-ci. Ces jeunes ont grandi dans une société où ils se sentent sous la menace constante d’une arrestation à cause de leur couleur ou de leur religion. Ils sont confrontés aux discriminations dans l’enseignement et sur le lieu de travail et ont été enragés par la propagande de guerre impérialiste du gouvernement. Mais seule une petite minorité a tiré la conclusion erronée que le barbare terrorisme de masse de la part d’organisations islamiques réactionnaires comme Al Qaïda offre une alternative. Contrairement à ce qu’affirme la presse à scandales, 73% des musulmans de Grande-Bretagne sont fortement opposés aux attaques terroristes. En même temps, le potentiel qui existe pour un mouvement unifié capable d’impliquer les musulmans a été illustré par les centaines de milliers de musulmans qui ont participé, avec d’autres sections de la population, au mouvement anti-guerre durant les plus grandes manifestations qui se sont jamais déroulées en Grande-Bretagne.

    Comment les marxistes doivent-ils aborder la question des communautés musulmanes vivant en Grande-Bretagne? Notre point de départ est d’être fermement opposés aux discriminations anti-musulmanes en défendant le droit de chaque musulman à pouvoir vivre sans subir l’islamophobie, indépendamment de sa classe ou de sa conception de la religion. Concrètement, cela signifie de lutter pour le droit des musulmans à pratiquer librement leur religion, y compris en choisissant librement de porter ce qu’ils veulent. Le véritable marxisme n’a rien à voir avec ceux de l’extrême gauche française qui ont refusé de s’opposer aux exclusions des jeunes femmes musulmanes qui portaient un voile à l’école. Nous devons activement défendre le droit de chacun de pratiquer la religion qu’il choisit (ou de n’en pratiquer aucune) sans avoir à subir de discrimination ou de préjugés.

    Cela ne signifie cependant pas que nous percevons la population musulmane dans sa totalité comme un bloc homogène et progressiste. Au contraire. Plusieurs facteurs, comme la classe, l’origine ethnique et la conception de la religion divisent la population musulmane. Il y a en Grande Bretagne 5.400 musulmans millionnaires, dont la plupart ont fait leur fortune en exploitant d’autres musulmans, et de petites communautés musulmanes sont très riches. Ainsi, 88 Koweïtiens, dont la plupart résident en Grande Bretagne, ont investi 55 milliards de Livres Sterling dans l’économie britannique. Alors que nous avons à défendre les droit de ces milliardaires de pratiquer leur religion sans répression, nous avons aussi à convaincre les travailleurs musulmans qu’ils ont des intérêts diamétralement opposés à ces individus et que la voie vers la libération se trouve dans la cause commune avec les autres sections de la classe ouvrière à travers le monde mais, comme ils vivent en Grande Bretagne, en premier lieu avec la classe ouvrière britannique.

    En tant que révolutionnaires socialistes, le programme que nous mettons en avant doit toujours avoir pour objectif d’encourager l’unité de la classe ouvrière en tant qu’élément du processus d’élévation de sa confiance et de son niveau de compréhension. C’est la raison pour laquelle notre organisation sœur en Irlande du Nord a toujours lutté pour l’unité des travailleurs catholiques et protestants. Dans la Grande-Bretagne d’aujourd’hui, les politiques réactionnaires de Tony Blair et du New Labour (le Parti Travailliste) créent des divisions que nous devons tenter de surmonter.

    Historiquement, il y a de fortes traditions d’unité entre les travailleurs musulmans et les autres sections de la classe ouvrière en Grande-Bretagne. Elles proviennent du rôle important joué par les meilleurs éléments du mouvement ouvrier dans la lutte contre le racisme. Par conséquent, les travailleurs noirs et asiatiques, y compris les musulmans, ont tissé un lien fort avec le mouvement ouvrier, bien que la majorité d’entre eux ne provenait pas initialement d’un milieu urbain dans leur pays d’origine. Dans les années ‘70, les travailleurs noirs et asiatiques ont joué un rôle clé dans plusieurs luttes industrielles. En 1976, la grève de Grunwicks contre les bas salaires, qui a largement impliqué des femmes asiatiques, a été une des batailles cruciales de cette décennie.

    Un des résultats de ces traditions positives a été que, jusqu’à récemment, les musulmans de Grande-Bretagne ont eu tendance à soutenir le Labour Party. Une étude réalisée en 1992 a par exemple conclu que «les musulmans sont loyaux envers le Parti Travailliste car ils le voient comme un parti qui œuvre pour la classe ouvrière et aussi parce que le Parti Travailliste est de loin le moins raciste à la fois dans son attitude et dans sa pratique comparé aux autres partis, en particulier face au Parti Conservateur». Un sondage de l’institut MORI réalisé après les élections de 1997 a démontré que 66% des électeurs asiatiques et 82% des électeurs noirs ont voté pour le Parti Travailliste, un taux beaucoup plus élevé que la moyenne nationale de 44%. En comparaison, les Conservateurs ont obtenu seulement 22% du vote asiatique.

    Cependant, le New Labour d’aujourd’hui ne représente en aucune façon les intérêts des travailleurs. Au contraire, le Parti Travailliste est maintenant un parti favorable à la classe dirigeante dans lequel les syndicats sont sans pouvoir. Il n’est donc pas étonnant que non seulement les musulmans mais aussi la majorité des travailleurs ne croient plus que le Labour Party est «pour eux». La désillusion est particulièrement profonde parmi les électeurs musulmans issus de la classe ouvrière. Les politiques racistes du New Labour, malgré qu’elles aient un vernis plus sophistiqué que celles des Tories, ont profondément désillusionné la plupart des musulmans. Mais c’est la guerre en Irak qui a agi de façon à rompre de façon décisive le soutien que beaucoup de musulmans accordaient encore au Labour Party. Un sondage d’opinions réalisé avant les élections Européennes a rapporté que le soutien au Labour Party a chuté de 75% chez les électeurs musulmans à seulement 38% lors des élections générales.

    Le mouvement anti-guerre a donné un aperçu du potentiel de ce que signifie gagner les travailleurs musulmans désillusionnés par le Labour à une alternative de classe. Ce processus n’est cependant pas automatique. Une condition vitale est qu’après la trahison complète du New Labour, le mouvement ouvrier prouve encore et encore dans la pratique qu’il est déterminé à combattre le racisme et l’islamophobie. Mais les marxistes doivent aussi défendre une approche de classe et socialiste concernant les musulmans. Le fait que les musulmans et les révolutionnaires socialistes marchent ensemble dans le mouvement anti-guerre constitue un véritable pas en avant. Mais nous ne devons pas laisser nos discussions avec les musulmans anti-guerre au niveau de notre opposition commune à l’occupation impérialiste de l’Irak. Nous devons étendre les discussions à des questions de classe ici, en Grande-Bretagne, y compris sur la question d’un programme et d’une stratégie aptes à combattre les privatisations et les coupes budgétaires du New Labour. Nous devons aussi soulever la nécessité d’une alternative politique au New Labour – un nouveau parti de masse qui rassemble le mouvement anti-guerre, les syndicalistes et les militants contre la casse sociale – un parti qui représente et organise toutes les sections de la classe ouvrière.

    Au cours de ces discussions, il sera parfois nécessaire de soulever des questions sur lesquelles il n’y a pas d’accord complet entre les marxistes et certains musulmans. Par exemple, face au racisme qui existe dans la société capitaliste, un nombre croissant de musulmans revendiquent de façon compréhensible des écoles musulmanes séparées. Nous devons d’une part lutter contre le racisme et la discrimination à l’école, ainsi que pour le droit de tous les étudiants d’avoir les commodités pour pratiquer leur religion, mais, d’autre part, cela n’implique pas le soutien à la création d’écoles musulmanes séparées, pas plus que nous ne soutenons d’autres écoles religieuses. Nous devons patiemment expliquer que cette voie amènera à une plus grande ségrégation et à une plus grande isolation des communautés musulmanes qui, en retour, mèneront à faire croître le racisme contre eux.

    De même que nous luttons pour le droit des jeunes musulmanes à choisir de porter le voile, il est aussi clair que nous soutenons le droit de celles qui choisissent de ne pas le porter, même lorsque cela signifie d’entrer en conflit avec d’autres musulmans.

    L’approche erronée de RESPECT

    Malheureusement, cette approche de classe n’a pas été adoptée par le Socialist Workers Party (SWP). RESPECT, la nouvelle coalition électorale qu’il a formé avec le député George Galloway a obtenu quelques succès électoraux, largement grâce à l’appel lancé aux musulmans. Lors des élections européennes, RESPECT a tiré un tract spécifique destiné aux musulmans qui présentait RESPECT comme «le parti des musulmans». George Galloway a été présenté comme un combattant pour les musulmans et décrit de cette manière : «Marié à une doctoresse palestinienne, il a de forts principes religieux concernant la lutte contre l’injustice. Il a été exclu par Blair parce qu’il a refusé de s’excuser pour son attitude anti-guerre. Nos députés musulmans soit sont restés silencieux, soit ont soutenu la guerre. De qui voulez vous pour être votre voix ?»

    Alors qu’il est juste de présenter les références anti-guerre de Galloway et de dénoncer les députés musulmans qui ont refusé de s’opposer à la guerre, le reste de sa déclaration est une tentative hautement opportuniste de faire appel aux musulmans sur base de leur religion. Au lieu de cela, les véritables socialistes doivent tenter de convaincre les musulmans qu’ils peuvent atteindre par les idées socialistes, et parmi eux plus spécifiquement les jeunes musulmans issus de la classe ouvrière (la majorité de la population musulmane de Grande-Bretagne).

    Si RESPECT avait profité de cette situation pour gagner des musulmans ainsi que d’autres sections de la classe ouvrière au véritable socialisme, cela aurait été louable. Mais au lieu de cela, ils ont fait appel aux musulmans en tant que bloc dans l’espoir d’obtenir des gains électoraux à court terme. En fait, l’histoire de l’engagement des musulmans en politique a démontré que cette approche ne marche pas. Il n’y a aucun doute à avoir sur le fait que quelques politiciens musulmans du New Labour se sont engagés en politique dans l’intention d’aider leur communauté. Cependant, à moins d’avoir eu une approche socialiste, ils ont échoué à le faire. C’est par exemple une position complètement erronée de la part de Galloway d’expliquer qu’il ne se présente pas contre Mohamed Sawar, député de Glasgow Govan, parce qu’il est musulman. Sawar a constamment voté avec le New Labour sur toutes les questions. Bien qu’il ait voté contre la guerre, il a depuis lors voté avec le reste de son parti à chaque occasion, même sur la question de l’Irak. Le fait qu’il soit musulman ne signifie pas qu’il défende les intérêts des musulmans ordinaires. Au niveau local, les conseillers musulmans tendent à être issus des petites élites musulmanes plutôt que d’être issus de la classe ouvrière. Mais le plus important, c’est que la majorité d’entre eux a adopté les politiques blairistes du New Labour.

    Mais RESPECT ne fait pas qu’échouer à élever la conscience de classe parmi les musulmans. Si elle continue sur cette voie, la coalition peut entretenir des divisions dangereuses parmi la classe ouvrière entre les musulmans et les autres communautés. Si RESPECT a des succès en étant vu comme un parti musulman qui ne s’adresse pas aux autres sections de la classe ouvrière, il peut éloigner les autres sections de la classe ouvrière et renforcer les idées racistes.

    Malheureusement, cela semble être la voie que Respect a prise. Lors des récentes élections au Sud de Leicester, RESPECT a obtenu un résultat électoral non négligeable. Sa candidate était Yvonne Ridley, la journaliste qui s’est convertie à l’islam après avoir été capturée par les talibans en Afghanistan. Encore une fois, RESPECT a fait appel à la communauté musulmane sur une base purement religieuse. Le tract spécial qu’elle a destiné à la communauté musulmane faisait référence à un dirigeant local de la communauté qui a dit que Ridley était «la seule candidate MUSULMANE» et que «les musulmans vont jouer un rôle clé lors de l’élection». Le tract n’indiquait pas d’autres raisons de voter pour RESPECT.

    La révolution russe comme justification

    En vue de justifier aujourd’hui son opportunisme politique en Grande-Bretagne, le SWP a cherché dans l’histoire de quoi appuyer son approche avec un exemple. C’est dans ce cadre que Socialist Review, publication du SWP, a publié un article de Dave Crouch avec lequel le SWP a crû justifié sa position en se basant sur l’attitude des bolcheviks après la révolution.

    Alors que l’article de Crouch donne un compte-rendu intéressant des évènements qui se sont produits, en utilisant un ton inégal et une emphase clairement façonnée pour justifier l’attitude du SWP envers RESPECT, il désinforme ses lecteurs. Dans un article beaucoup plus long sur le même sujet, publié en 2002 dans le journal théorique du SWP International Socialism, Crouch démontre pourtant qu’il est capable d’adopter une approche un peu plus objective. Ironiquement, dans cet article là, il critiquait un auteur au sujet de «la politique nationale [des bolcheviks qui s’est développée] dans un isolement presque hermétique de la société pré-révolutionnaire à la contre-révolution stalinienne». Mais dans Socialist Review il a reproduit l’erreur qu’il critiquait en ne voyant pas les différences énormes existant entre la situation des marxistes aujourd’hui en Grande-Bretagne et celle de la Russie durant les années qui ont immédiatement suivi la Révolution de 1917. Il a alors simplement déclaré que «nous pouvons apprendre des bolcheviks et nous inspirer des réalisations faites par les bolcheviks».

    Par exemple, l’Armée Rouge a participé à de nombreuses alliances militaires avec des forces pan-islamiques. Cependant, il s’agissait d’une situation de guerre civile et de nombreuses armées capitalistes attaquaient et essayaient d’écraser la première révolution victorieuse en collaboration avec les classes dirigeantes locales, dominées par les grands propriétaires terriens. La guerre civile était particulièrement intense dans les zones à prédominante musulmane d’Asie Centrale. Les comparaisons directes à faire avec la Grande-Bretagne actuelle sont évidemment très limitées…

    Cela ne signifie aucunement qu’il n’y a pas de leçons à tirer du travail de pionniers des bolcheviks. Mais l’article de Crouch ne dévoile que la moitié de l’histoire. Il se concentre presque exclusivement sur des points tels que l’union entre les dirigeants musulmans et les bolcheviks sans expliquer les divergences politiques, les conflits et les complications qui ont existé ou encore comment les bolcheviks ont essayé de gagner les masses musulmanes au programme marxiste. Sans toutefois le dire explicitement, l’article donne aussi l’impression complètement incorrecte selon laquelle l’islam était intrinsèquement plus progressiste que les autres religions parce que c’était la religion des peuples opprimés et colonisés et encore que les bolcheviks avaient traité les populations musulmanes d’une façon fondamentalement différente des autres religions.

    En fait, Vladimir Lénine et Léon Trotsky ont correctement traité les droits religieux de toutes les minorités opprimées avec une attention et une sensibilité extrême, consécutive de leur approche sur la question nationale. Leur objectif était de minimiser systématiquement les divisions et les différences entre les sections de la classe ouvrière. Ils avaient compris que, pour la réalisation de cet objectif, il était nécessaire de démontrer encore et encore que le pouvoir des Soviets était la seule voie vers la libération nationale pour les nationalités opprimées par ce qui avait été l’empire russe des Tsars (que Lénine appelait la «prison des peuples»). Mais jamais ils n’ont cependant baissé la bannière de l’unité internationale de la classe ouvrière. Quand des concessions étaient faites à des forces nationalistes, il était ouvertement et honnêtement expliqué pourquoi de telles concessions étaient nécessaires, et en même temps les bolcheviks continuaient à argumenter clairement en faveur d’un programme marxiste parmi les masses des territoires opprimés.

    Le contexte de l’époque doit être soigneusement regardé. Les bolcheviks agissaient dans des circonstances de difficultés phénoménales. Par la suite, malgré le potentiel existant dans d’autres pays pour des révolutions victorieuses, ces dernières n’ont pas pu aboutir et le premier Etat ouvrier s’est retrouvé isolé dans une situation d’arriération économique avec une domination paysanne. Finalement, ces facteurs ont permis l’émergence du stalinisme ainsi que l’écrasement de la démocratie ouvrière par le fait d’une hideuse bureaucratie.

    Ces conditions extrêmes, la survie de la révolution ne tenait alors qu’à un fil, ont forcé l’Etat ouvrier à faire des concessions à tous les niveaux. En 1921 – alors qu’il était clair qu’on ne pouvait pas compter sur une révolution victorieuse dans un autre pays à court terme – Lénine a été forcé de proposer la Nouvelle Politique Economique (NEP) pour éviter un retour aux privations et aux famines de masse. Cela impliquait des concessions envers le marché. Ces difficultés matérielles écrasantes ont inévitablement eu un effet sur la capacité de l’Etat ouvrier à appliquer ses politiques dans de nombreux domaines.

    Néanmoins, l’approche de Lénine et Trotsky vis-à-vis des droits nationaux, religieux et ethniques en particulier a constitué un modèle dans le sens où elle a combiné la sensibilité envers les aspirations nationales à une approche de principe. Cela n’a rien de commun ni avec l’opportunisme du SWP, ni avec l’approche rigide et étroite de quelques autres parmi la gauche.

    Le droit des nations à l’autodétermination

    L’approche utilisée par les bolcheviks vis-à-vis des populations musulmanes ne découle pas en première instance de la question de la religion en elle-même, mais plutôt de la manière dont la religion était en rapport avec le droit des nations à l’autodétermination. L’unification des pays et la solution à la question nationale est une des tâches clés de la révolution démocratique bourgeoise, ce qui inclut l’élimination des rapports terriens féodaux et semi-féodaux ainsi que l’instauration de la démocratie bourgeoise. Ces tâches n’ont jamais été achevées dans la Russie tsariste qui était en fait une monarchie absolue semi-féodale. Les bolcheviks avaient compris qu’étant donné le développement tardif de la bourgeoisie en tant que classe en Russie et sa crainte mortelle des mouvements révolutionnaires de la classe ouvrière, la bourgeoisie russe était incapable de réaliser les tâches de sa propre révolution.

    C’est Trotsky, avec sa théorie de la révolution permanente, qui a été le premier à tirer la conclusion que ces tâches devaient être l’œuvre de la classe ouvrière à la tête des masses paysannes. Trotsky a expliqué que, aussi important que pouvait être le rôle de la paysannerie, elle ne pouvait être capable d’agir de façon indépendante à cause de son caractère hétérogène et dispersé. La paysannerie est toujours à la suite soit de la classe dirigeante, soit de la classe ouvrière.

    Trotsky a continué à expliquer que la classe ouvrière ne se limiterait pas à l’accomplissement des tâches de la révolution démocratique bourgeoise mais passerait ensuite aux tâches de la révolution socialiste de façon «ininterrompue». Lénine avait tiré la même conclusion plus tard, dans ses «Thèses d’Avril» de 1917. Et effectivement, lors de la Révolution d’Octobre 1917, la classe ouvrière a dépassé les tâches de la révolution démocratique bourgeoise pour commencer à effectuer celles de la révolution socialiste.

    Ces tâches étaient de loin plus grandes dans les territoires de l’empire russe que dans la Russie elle-même. Les différentes régions avaient des caractéristiques différentes, mais l’image générale était celle d’économies extrêmement sous-développées et de populations constituées de façon écrasantes de paysans pauvres. Si la bourgeoisie libérale était faible et lâche en Russie, elle n’existait tout simplement pas dans la plupart de ces territoires. La classe ouvrière y était surtout constituée d’émigrés russes et les quelques bolcheviks présents avant la révolution étaient issus de cette couche de la population. Tous ces facteurs étaient particulièrement aigus en Asie centrale, région à dominante musulmane. Il est toutefois faux de conclure que les caractéristiques d’arriération d’Asie centrale avaient un lien avec cette dominante musulmane. Ces caractéristiques étaient le résultat des relations économiques et sociales féodales et la situation était peu différente dans des régions similairement sous-développées mais à dominante chrétienne.

    Lénine et Trotsky ont compris quelles étaient les énormes difficultés auxquelles le nouvel Etat ouvrier devait faire face pour résoudre la question nationale dans ces régions. La domination impérialiste par le tsarisme russe s’était profondément fait sentir et des luttes déterminées et sanglantes s’étaient déroulées contre cette oppression aussi récemment qu’en 1916. Il était donc vital de démontrer encore et encore aux nationalités qui avaient été opprimées par le tsarisme que le pouvoir soviétique n’était pas une nouvelle forme d’impérialisme, mais bien la seule voie par laquelle ils pouvaient obtenir leur libération.

    En conséquence, la constitution adoptée en juillet 1918 affirmait clairement que les soviets régionaux basés sur «un mode de vie et une composition nationale particuliers» pouvaient décider s’ils voulaient intégrer la République Socialiste Fédérale de Russie et sur quelle base. Cependant, les constitutions seules ne suffisent pas. La réalisation des tâches de la révolution démocratique bourgeoise signifiait d’assister le développement d’une culture nationale qui n’avait pas eu d’espace pour se développer auparavant. Par exemple, après des décennies de «russification», l’utilisation des langues locales a été encouragé, ce qui a aussi signifié dans plusieurs cas de développer pour la toute première fois une forme écrite de l’une ou l’autre langue.

    Il n’y a là aucune contradiction entre cette approche et l’internationalisme des bolcheviks. Ce n’est qu’en se révélant être la meilleure combattante pour la libération nationale des opprimés que la Russie des soviets pouvait montrer que la voie de la libération était liée à la classe ouvrière mondiale, et plus spécifiquement à la classe ouvrière de Russie. Cependant, cette approche n’a pas été comprise par tous les bolcheviks. Une certaine couche d’entre eux a vu dans le droit à l’autodétermination des nations quelque chose de contraire à leur internationalisme. Cette analyse a en réalité joué le jeu du nationalisme Grand Russe. Mais c’est au contraire l’approche extrêmement habile et sensible de Lénine qui a eu pour effet que la République Socialiste Fédérale de Russie a réussi à intégrer sur une base libre et volontaire beaucoup de nationalités auparavant opprimées par le tsarisme.

    L’approche des bolcheviks envers l’islam

    Comme l’islam avait été réprimé par le tsarisme, et était aussi réprimé par les impérialismes français et britanniques à travers le monde, il était inévitable que le droit des musulmans à pratiquer leur religion devienne un élément central des revendications des masses musulmanes. Les bolcheviks ont reconnu ce droit et ils étaient extrêmement sensibles sur ce point, de la même manière qu’ils l’avaient été avec les autres religions opprimées comme le bouddhisme et le christianisme non orthodoxe.

    Mais Dave Crouch va trop loin quand il affirme que «les bolcheviks ont eu une attitude très différente (envers l’islam) comparé au christianisme orthodoxe, la religion des brutaux colonisateurs et missionnaires russes». Il ajoute que «1.500 russes ont été chassés du parti communiste du Turkestan à cause de leurs convictions religieuses, mais pas un seul Turkestani». C’est une simplification excessive. Les russes ont été exclus pour avoir poursuivi l’oppression de la Russie impériale sous le nom de la révolution, et non simplement à cause de leur religion.

    Bien sûr, les bolcheviks avaient compris le rôle profondément réactionnaire du christianisme orthodoxe dans les territoires de l’empire tsariste en tant qu’instrument de l’oppression grand russe. Néanmoins, en particulier en Russie même, le christianisme orthodoxe avait une double nature. C’était à la fois la religion oppressive des tsars ainsi que ce que Marx appelait «le soupir de la créature opprimée» des masses russes. Lénine pensait aussi aux millions de travailleurs, en particuliers paysans, qui croyaient toujours en la foi chrétienne orthodoxe en disait que «nous sommes absolument opposés à offenser les convictions religieuses».

    Le véritable marxisme de Lénine et des bolcheviks n’a aucune ressemblance avec les crimes ultérieurs de Staline. A partir d’un point de vue matérialiste, et donc athée, les bolcheviks ont de façon correcte été favorables au droit de chacun à suivre la religion qu’il souhaitait, ou de n’en suivre aucune. Ils avaient compris que cela signifiait la séparation complète de la religion et de l’Etat. La religion d’Etat a été un des piliers majeurs de l’oppression dans la société féodale et, avec quelques modifications, le capitalisme continue d’ailleurs toujours à l’utiliser. Dans la Russie semi-féodale, le mécanisme du christianisme orthodoxe (la religion d’Etat) était une force aux mains de la réaction. Mais, bien que de façon différente, cela était aussi le cas de l’islam dans les républiques à dominante musulmane. Alors que le christianisme orthodoxe était la religion de l’oppression coloniale et l’islam une religion opprimée qui avait un soutien écrasant de la part des masses pauvres, l’élite indigène a tenté d’utiliser l’islam comme outil pour la contre-révolution. La séparation de l’église et de l’Etat en Asie centrale n’a pas seulement concerné le christianisme orthodoxe, mais aussi l’islam. Les bolcheviks avaient adopté cette approche au risque d’obtenir des conflits avec certaines sections de musulmans. Par exemple, en résultat de cette politique, des parents musulmans ont dans certaines régions refusé d’envoyer leurs enfants à l’école.

    Mais, tout en argumentant en faveur de la séparation de la religion et de l’Etat, les bolcheviks étaient très prudents pour éviter de donner l’impression qu’ils imposaient d’en haut la société «russe» à l’Asie centrale. Là où la population était en faveur de la Charia (loi islamique) et des tribunaux islamiques, les bolcheviks avaient compris que s’y opposer aurait été vu comme de l’impérialisme russe. Cela n’a cependant pas voulu dire que les bolcheviks acceptaient les politiques féodales réactionnaires menées par les tribunaux de la charia, pas plus qu’ils n’acceptaient les attitudes féodales qui existaient dans différents aspects de la société de l’ancien empire russe. Ils avaient simplement compris que les attitudes réactionnaires ne pouvaient pas être abolies, mais devaient changer avec le temps. C’est pourquoi ils avaient établi un système légal parallèle en Asie centrale, pour tenter de prouver en pratique que les soviets pouvaient apporter la justice. Pour sauvegarder les droits des femmes, en particulier, l’usage des tribunaux islamiques n’était permis que si les deux parties étaient d’accord. Et si l’une des parties n’était pas satisfaite du jugement, elle pouvait encore avoir recours à un tribunal soviétique.

    L’islam divisé

    Sur cette question et sur d’autres, Crouch donne une impression inégale. En lisant son article, on peut s’imaginer que la population musulmane entière d’Asie centrale était progressiste et alliée aux Bolcheviks. Dans un article de deux pages contenant de nombreux exemples sur la relation positive entre les forces musulmanes et les bolcheviks, seulement deux courtes références illustrent que ce n’était pas le cas dans toutes les circonstances. La première est quand Crouch déclare «en même temps, les dirigeants musulmans conservateurs étaient hostiles au changement révolutionnaire», mais aucune autre explication n’est donnée sur le rôle de ces «dirigeants musulmans conservateurs». La deuxième référence consiste à déclarer que «le mouvement Basmachi (une révolte islamique armée) a éclaté». Cependant, la responsabilité de cette révolte contre-révolutionnaire est exclusivement liée à la politique coloniale du soviet de Tashkent durant la guerre civile.

    Il est vrai que, durant la guerre civile russe, lorsque des larges parties de l’Est étaient détachées de la Russie, certains émigrés russes chauvins ont soutenu la révolution parce qu’ils la considéraient comme le meilleur moyen d’assurer la continuité de la domination russe. Les politiques qu’ils avaient décrétées soi-disant au nom de la révolution ont perpétué l’oppression tsariste des musulmans. A Tachkent, ville musulmane à plus de 90%, le soviet, sous la direction des Socialistes-Révolutionnaires et des Mencheviks, a utilisé la langue russe dans toutes ses procédures et a exclu les dirigeants locaux sans principes et de façon complètement chauviniste. Ces politiques réactionnaires ont joué un rôle majeur dans la constitution du mouvement Basmachi par des bandes de guérilleros islamiques. Mais, en Octobre 1919, la direction bolchevik a rétabli le contact avec Tachkent et a alors inversé les politiques du soviet de Tachkent. En Avril 1918, 40% des délégués du soviet de Tachkent étaient musulmans.

    Alors que les préjugés grand-russes ont sans aucun doute persisté, les bolcheviks se sont donnés une peine considérable pour montrer que le pouvoir des soviets signifiait la liberté nationale et culturelle. Comme Crouch le décrit, «des monuments sacrés islamiques, des livres et des objets pillés par les tsars ont été remis aux mosquées. Le vendredi – jour de célébration musulman – a été déclaré jour férié pour le reste de l’Asie centrale». Mais aucune de ces mesures n’a empêché le nationaliste turc Enver Pasha de venir en Asie Centrale en 1921 et de se joindre immédiatement à la révolte Basmachi, en transformant ainsi des fractions tribales en une force unifiée pour la réaction islamique. Une partie des musulmans avaient rejoint la contre-révolution, non pas à cause des crimes du soviet de Tachkent, mais pour gagner un territoire sur lequel ils pourraient exploiter d’autres musulmans. En d’autres mots, c’était pour défendre et pousser de l’avant leurs propres intérêts de classe.

    Les bolcheviks ont toujours compris que leur tâche était de créer le maximum d’unité entre les travailleurs et d’amener derrière eux les masses paysannes. Cela signifiait de convaincre les masses musulmanes pauvres que leur cause était celle de la révolution, et non pas celle des dirigeants islamiques réactionnaires. Contrairement au SWP aujourd’hui, ils ont toujours déployé leurs efforts dans ce but.

    Les dirigeants autochtones

    Dave Crouch parle des peines que se sont donnés les bolcheviks pour essayer de développer des directions nationales autochtones dans les soviets des Etats autonomes nouvellement formés. La politique des soviets a compris l’instauration d’un commissariat musulman (Muskom), dont la direction était en grande partie composée de musulmans non bolcheviks. En même temps, un effort particulier a été fait pour recruter des autochtones au Parti Communiste (PC – nouveau nom des bolcheviks), ce qui a conduit à une sérieuse augmentation du nombre de membres musulmans.

    Dave Crouch déclare dans son texte : «Il y avait des discussions sérieuses parmi des musulmans sur les similitudes entre les valeurs islamiques et les principes socialistes. Les slogans populaires de l’époque comprenaient : «Vive le pouvoir des soviets, vive à la charia!»; «Religion, liberté et indépendance nationale». Des partisans du «socialisme islamique» ont appelé les musulmans à établir des soviets ».

    De nouveau, ceci cache une réalité plus complexe – aucune mention n’est faite de l’attitude des bolcheviks envers ce «socialisme islamique». Il est naturellement vrai que, alors que le PC était marxiste et donc athée, la croyance religieuse ne représentait pas en soi un obstacle pour rejoindre le parti, et beaucoup de musulmans ont été recrutés. Cependant, cela ne signifiait aucunement qu’il suffisait d’être musulman et de soutenir la révolution pour rejoindre le Parti Communiste. Bien que des alliances militaires à court terme aient été formées avec toutes sortes de forces, il n’y a seulement eu qu’une organisation musulmane sur le territoire soviétique qui ait été reconnue par les bolcheviks comme un véritable parti socialiste (sur la base de son programme) – Azerbaidjani Hummet, qui devait plus tard devenir le noyau du PC de l’Azerbaïdjan. D’autres, comme le parti nationaliste libéral kazakh, Alash Orda, ont été écartés, en dépit de leurs déclarations en faveur de la révolution, et ce en raison de leur programme et de leur base de classe.

    Néanmoins, telle était l’importance de développer des directions autochtones pour le Parti Communiste que des individus qui avaient une approche totalement différente de celle de Lénine et Trotski ont pu rejoindre le PC. Parmi eux, le cas de Mirsaid Sultangaliev, devenu ensuite président du commissariat central musulman après avoir rejoint le PC en novembre 1917, est révélateur. Il affirmait que: «Tous les musulmans colonisés sont des prolétaires et comme presque toutes les classes dans la société musulmane ont été opprimées par les colonialistes, toutes les classes ont le droit d’être désignées «prolétariennes».

    Sur cette base il argumentait qu’il ne pouvait pas y avoir de lutte des classes au sein des nations opprimées. En réalité, ces idées étaient une couverture pour les intérêts de l’élite dirigeante locale. D’ailleurs, ces idées étaient constamment et publiquement contre-argumentées par la direction du Parti Communiste. Par exemple, les Thèses sur la question nationale et coloniale, adoptées par le deuxième congrès de la Comintern (l’Internationale Communiste) disent clairement: «La lutte est nécessaire contre le panislamisme, le mouvement panasiatique et les courants similaires qui lient la lutte de libération contre l’impérialisme européen et américain au renforcement du pouvoir des impérialismes turcs et japonais, de la noblesse, des grands propriétaires terriens, du clergé, etc.»

    Elles ajoutaient: «Une lutte déterminée est nécessaire contre les tentatives de mettre une couverture communiste aux mouvements révolutionnaires de libération qui ne sont pas réellement communistes dans les pays [économiquement] arriérés. L’Internationale Communiste a le devoir de soutenir le mouvement révolutionnaire dans les colonies seulement dans l’optique de rassembler les éléments des futurs partis prolétariens – communistes dans les faits et pas seulement de nom – dans tous les pays arriérés et de les former à être conscients de leurs tâches particulières, c’est-à-dire de lutter contre les tendances démocratiques bourgeoises de leur propre nation».

    Cet exemple illustre à quel point l’approche des bolcheviks est complètement différente de celle du SWP aujourd’hui. Il est vrai que le Manifeste du Congrès des Peuples de l’Est a, comme l’a fait remarquer Crouch, appelé à une guerre sainte, à laquelle les marxistes d’aujourd’hui ne doivent accorder de l’attention que dans son contexte. Ce qui a réellement été dit comprenait un clair contenu de classe: «Vous avez souvent entendu l’appel à la guerre sainte, de la part de vos gouvernements, vous avez marché sous la bannière verte du prophète, mais toutes ces guerres saintes étaient fausses, car elles ont seulement servi les intérêts de vos dirigeants égoïstes et vous, travailleurs et paysans, êtes resté dans l’esclavage et le manque après ces guerres… Maintenant, nous vous appelons à la première véritable guerre sainte pour votre propre bien-être, pour votre propre liberté, votre propre vie !»

    Lors de ce Congrès, il a été souligné encore et encore que la lutte devait être menée contre «les mollahs réactionnaires de notre propre entourage» et que les intérêts des pauvres à l’Est étaient liés à ceux de la classe ouvrière à l’Ouest.

    La Révolution de 1917 a inspiré des millions de personnes à travers le monde. D’immenses couches de pauvres des nations opprimées se sont rassemblés derrière la bannière du premier Etat ouvrier, y compris beaucoup de musulmans. L’attitude de Lénine et de Trotsky consistait à insister sur le point que rejoindre le pouvoir des soviets signifiait la libération nationale et la liberté religieuse. C’était le point le plus crucial étant donné l’histoire répugnante de la Deuxième Internationale social-démocrate qui a soutenu l’oppression coloniale et en déclarant cela, Lénine et Trostky n’ont pas affaibli leur programme socialiste. Au lieu de cela, ils ont insisté sur le fait que la voie vers la liberté ne se trouvait pas dans l’unité avec sa propre bourgeoisie nationale mais au contraire avec la classe ouvrière mondiale dans la lutte contre l’impérialisme mais aussi contre leurs «propres» propriétaires terriens féodaux et contre les mollahs réactionnaires qui avaient ces derniers.

    Quelles leçons pour aujourd’hui?

    En Asie centrale, Lénine et Trotsky ont tenté de gagner une population paysanne à prédominante musulmane qui luttait pour ses droits nationaux, à la bannière de la révolution mondiale, sur un fond de lutte désespérée pour la survie du premier Etat Ouvrier. En Grande-Bretagne aujourd’hui nous tentons de gagner une minorité opprimée de la classe ouvrière à la bannière du socialisme.

    Dans bien des sens, notre tâche est de loin plus facile. La grande majorité des musulmans en Grande-Bretagne est issue de la classe ouvrière et beaucoup d’entre eux travaillent dans des lieux de travail ethniquement mixtes, particulièrement dans le secteur public. Le massif mouvement anti-guerre a donné un aperçu du potentiel qui est présent pour un mouvement unifié de la classe ouvrière, avec des musulmans intégralement englobés dans ce processus. La création d’un nouveau parti de masse des travailleurs qui mènerait campagne sur une base de classe à la fois sur les questions générales ainsi que contre le racisme et l’islamophobie constituerait un énorme pôle d’attraction pour les travailleurs musulmans tout en commençant à détruire les préjugés et le racisme.

    Cependant, l’absence d’un tel parti actuellement amplifie les difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Dans les années ‘90, l’effondrement des régimes d’Europe de l’Est et d’Union Soviétique a fourni au capitalisme mondial une opportunité pour écarter la question du socialisme en présentant le socialisme comme un échec en mettant faussement sur un pied d’égalité le socialisme et les régimes staliniens. Cela a permis aux classes dirigeantes de mener un assaut idéologique contre les idées du socialisme. L’aile droite du Parti Travailliste, comme de la social-démocratie partout à travers le monde, s’est servie de cette occasion pour abandonner toute référence au socialisme dans leur programme et pour devenir des partis clairement capitalistes.

    Plus d’une décennie après l’effondrement du stalinisme, une nouvelle génération tire la conclusion que le capitalisme est incapable de satisfaire les besoins de l’humanité et parmi elle une minorité en arrive à des conclusions socialistes. Néanmoins, la conscience reste en recul derrière la réalité objective, et le socialisme n’est pas encore devenu une force de masse.

    Etant donné le vide qui existe par conséquent, des jeunes radicalisés recherchent une alternative politique. Une petite minorité de jeunes musulmans en Grande Bretagne regarde vers des organisations de l’islam politique de droite telles que Al-Muhajiroun. L’absence d’alternative offerte par de telles organisations est démontrée par leur opposition au mouvement anti-guerre, sous le prétexte qu’il engage les musulmans à manifester à côté de non-musulmans. La majorité des jeunes musulmans radicaux ont été dégoûtés par des organisations comme Al-Muhajiroun et ont compris la nécessité d’un mouvement anti-guerre unifié. Le potentiel pour construire une base forte pour les socialistes parmi les musulmans existe sans aucun doute, mais seulement si notre engagement à leur côté se fait avec une argumentation pour le socialisme.

    Il y a partout à travers le monde de grands parallèles à faire avec la situation à laquelle les bolcheviks ont été confrontés, bien que les différences restent grandes. En Irak aujourd’hui, par exemple, les marxistes sont confrontés à la tâche difficile de reconstruire des organisations ouvrières indépendantes et de mobiliser les travailleurs et les masses pauvres en défense de leurs droits, y compris le droit de s’organiser indépendamment des organisations islamiques dont le programme n’offre pas d’alternative aux masses irakiennes. Les leçons du 20ème siècle soulignent les dangers qu’encourent les socialistes s’ils renoncent à leur programme indépendant. Au Moyen Orient en particulier, c’est l’échec des Parti Communistes de masse à conduire la classe ouvrière au pouvoir qui a permis à l’islam politique de droite de l’emporter. Lors de la Révolution iranienne de 1978-79, la classe ouvrière a dirigé un mouvement qui a renversé la monarchie brutale et soumise à l’impérialisme. Le Parti Communiste Tudeh était la plus grande force de gauche en Iran, mais il n’a pas poursuivi une politique ouvrière indépendante. Au lieu de cela, il s’est lié à l’Ayatollah Khomeini malgré les tentatives du clergé pour étouffer le mouvement ouvrier indépendant. Le résultat a été l’arrivée au pouvoir du régime de Khomeini qui a écrasé le Toudeh et a assassiné les éléments les plus conscients de la classe ouvrière.

    D’un autre côté, malgré les difficultés énormes auxquelles ils ont été confrontés, les bolcheviks ont donné un aperçu de la seule voie vers la libération (que ce soit la libération nationale ou encore religieuse) : la classe ouvrière mondiale unifiée autour d’un programme socialiste.

    Les 80 années qui ont suivi ont été un cauchemar d’oppression nationale pour les mêmes minorités qui avaient goûté à la libération durant les années qui ont directement suivi la révolution. Le stalinisme d’abord et maintenant le capitalisme ont signifié l’oppression brutale pour les minorités de la région. Après l’horreur de Beslan, le danger d’une nouvelle guerre caucasienne est présent. La cruauté des preneurs d’otages à Beslan a très justement choqué le monde, et nulle cause ne peut justifier de telles actions inhumaines. Néanmoins, les origines de la situation actuelle sont liées à l’horrible assujettissement du peuple tchétchène par les gouvernements russes successifs, avec 250.000 tués et la capitale Grozny rasée. C’est l’incapacité complète du capitalisme au 21ème siècle de résoudre la question nationale qui va mener une nouvelle génération à redécouvrir le véritable héritage des bolcheviks.

    Les bolcheviks et les musulmanes.

    Le JENOTDEL (Le bureau des ouvrières et des paysannes) a mené une campagne pour aller vers les paysannes opprimées du monde soviétique, souvent en prenant un grand risque. En Asie Centrale, les militants du Jenotdel ont organisé des «yourtes rouges» («tentes rouges») où les femmes de la région se voyaient offrir une formation pour différents métiers, l’alphabétisation, une formation politique et ainsi de suite.

    Cependant, comme la révolution est restée isolée, cette démarche n’a pas pu pleinement réussir (ni dans les régions musulmanes, ni dans l’Union Soviétique) parce que la révolution, dans un pays économiquement arriéré, était incapable de fournir les moyens économiques et culturels pour libérer les femmes. Trotsky avait décrit comment la nouvelle société envisageait de fournir des maternités, des crèches, des jardins d’enfants, des écoles, des cantines sociales, des laveries collectives, des stations de premiers secours, des hôpitaux, des sanatoriums, des organisations athlétiques, des théâtres, tous gratuits et de haute qualité pour donner à la femme et ainsi au couple amoureux une véritable libération des chaînes d’oppression millénaires.

    Mais il continuait d’expliquer «il s’avérait impossible de prendre d’assaut la vieille famille, non pas parce que la volonté manquait, ou parce que la famille était si fermement ancrée dans les cœurs des hommes. Au contraire, après une courte période de méfiance envers le gouvernement et ses crèches, jardins d’enfants et institutions comme celles-ci, les ouvrières et après elles les paysannes les plus avancées ont apprécié les avantages infinis de la prise en charge collective des enfants ainsi que de la socialisation de toute l’économie familiale. Malheureusement, la société était trop pauvre et trop peu cultivée. Les véritables ressources de l’Etat ne correspondaient pas aux plans et aux objectifs du Parti Communiste. On ne peut pas «abolir» la famille, il faut la remplacer. La véritable libération des femmes est irréalisable sur la base de la «pénurie généralisée». L’expérience prouvera bientôt cette austère vérité que Marx avait formulé 80 ans auparavant» (La Révolution trahie).

    La «pénurie généralisée» était particulièrement aiguë en Asie Centrale. Pratiquement, cela signifiait que les femmes qui s’évadaient des situations familiales répressives étaient confrontées à la famine comme elles n’avaient littéralement pas de moyens de soutien alternatifs. Même si les moyens économiques avaient existé pour libérer les femmes du fardeau domestique et leur permettre d’avoir un rôle économique indépendant, il n’y a pas de doute que le nouvel Etat ouvrier aurait toujours été confronté à de la résistance, particulièrement dans les régions économiquement arriérées où la classe ouvrière n’existait pas encore. Cependant, comme Trotsky l’a décrit, après une période, sur la base des ressources fournies, l’écrasante majorité en serait venue à comprendre les avantages de la libération des femmes.


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  • Appel international à protester contre le “Congrès anti-islam” à Cologne le 20 septembre

    Le conseiller municipal de gauche Claus Ludwig lance un appel international pour participer aux actions de protestation contre un “congrès anti-islam” qui se tiendra à Cologne le 20 septembre 2008. Résistance Internationale et Blokbuster ont répondu positivement à cet appel. Nous publions ici l’appel de Claus, qui siège au conseil communal de Cologne en tant que membre de Die Linke, une nouvelle formation qui obtient actuellement en Allemagne 15% dans les sondages.

    Appel de Claus Ludwig

    Contre le racisme et les néonazis internationalement. Stop au «congrès anti-islam» du 20 septembre à Cologne !

    Chers camarades, amis, combattants,

    Le groupe d’extrême droite Pro Köln, qui a cinq élus au conseil communal de Cologne, veut organiser les 19 et 20 septembre un « congrès contre l’islamisation» raciste dans la ville de Cologne. Des racistes issus de l’Europe entière sont attendus.

    Parmi les orateurs, il y aura entre autres HC Strache, président du FPÖ autrichien, Jean-Marie Le Pen, dirigeant du Front National en France, et Filip Dewinter, du Vlaams Belang. Nick Griffin du BNP de Grande-Bretagne, condamné pour négationnisme, avait été invité dans un premier temps, mais n’est plus le bienvenu après des protestations.

    Nous pouvons également attendre des militants de groupuscules de droite comme du HVIM de Hongrie ou même de l’Alliance Nationale Américaine, tout comme ces groupes ont participé à la “Journée européenne des jeunesses de droite ” le 3 mai dernier à Anvers.

    Cette propagande raciste de figures en vue de la droite radicale offre aussi de l’oxygène pour les militants ouvertement néonazis qui ont ces derniers temps intensifié leur offensive contre la gauche et les immigrés en Rhénanie du Nord – Westphalie.

    Le noyau de la politique de ces personnages est identique : espéré monter les autochtones et les immigrés les uns contre les autres avec le racisme. Ils usent de la propagande des gouvernements occidentaux et de personnes comme le politicien néerlandais Geert Wilders pour diffuser l’idée que tous ceux qui viennent de « pays islamiques » sont des ennemis.

    A Cologne, Die Linke fait partie d’une coalition de plusieurs organisations et individus de gauche, antifascistes et antiracistes, qui veulent empêcher ce congrès de nazis européen. Les syndicats de Cologne appellent aussi à empêcher cette provocation. Die Linke et son organisation de jeunes Linksjugend [solid] mobilisent à travers toutes les régions contre ce congrès.

    Face à ce racisme et au nationalisme, nous opposons la solidarité internationale. Pour cette raison, nous appelons les groupes antifascistes des pays voisins à soutenir et mobiliser pour les actions à Cologne.

    Nous espérons que le mouvement ouvrier et en particulier les syndicats et les formations de gauche comme le SP des Pays-Bas participeront activement étant donné que nous devons offrir aussi une alternative face à la discrimination, au chômage, à la démolition de l’enseignement et à la pauvreté. Tout cela est un terreau pour la croissance de l’extrême droite.

    Opposons nous de pleine force à l’extrême-droite ces 19 et 20 septembre et faisons comprendre qu’ils ne peuvent pas comme ça faire ce qu’ils veulent. No Pasarán !

    Contre l’alliance internationale des racistes et des fascistes, opposons la véritable solidarité internationale !

    Salutations amicales, Claus Ludwig, conseiller municipal à Cologne pour le groupe Die Linke


    CALENDRIER de nos campagnes:

    • De la colère à l’action organisée: Résistance Internationale!
    • 20 septembre: Manifestation contre un Congrès anti-islam organisé avec la participation du Vlaams Belang
    • 25 octobre: Festival "Environnement" de Résistance Internationale à Anvers
    • 6 décembre: Action pour le Climat à Bruxelles
    • 5 mars 2009: Manifestation anti-NSV à Louvain
    • 8 mars 2009: Action dans le cadre de la Journée Internationale des Femmes

    Liens:

  • Le malheur des uns fait le bonheur des autres !

    Crise internationale du pouvoir d’achat, crise alimentaire,…

    Une crise alimentaire aux conséquences effrayantes se développe à l’échelle mondiale. De nombreux observateurs et économistes l’affirment “Dans les mois à venir, des millions de gens vont mourir de faim”. Tous pointent du doigt les immenses dangers de cette crise.

    Els Deschoemacker

    Cette crise n’est pas l’effet temporaire de l’un ou l’autre désastre naturel. Une intervention humanitaire à grande échelle ne suffira pas à faire face à la crise alimentaire actuelle, qui touche des centaines de millions de pauvres pour qui les produits de base deviennent bien trop cher.

    Le débat concernant les causes de cette crise et les mesures à prendre est intense. Pour les uns, la réponse réside dans le « libre marché » et toute mesure de limitation des prix ou de contrôle des exportations est donc à proscrire. Pour les autres, c’est au contraire dans la limitation et la correction de ce “libre marché” que se trouve la solution.

    Les raisons pour lesquelles plus de 100 millions de personnes sont venues – en quelques mois ! -grossir les rangs du milliard de pauvres (ceux qui vivent avec moins de 1 dollar par jour) qui existait déjà sont les mêmes que celles qui sont à la base des profits record de bon nombre de grandes sociétés agroalimentaires. Des mastodontes comme Monsanto, Cargill, Mosaic, Syngenta, Unilever, Nestlé, Wal-mart et autres producteurs de graines génétiquement modifiées, de produits agricoles, d’autres produits à base de soja, de maïs ou de blé, d’engrais,… ont augmenté leurs profits jusqu’à parfois 70% !

    Les pauvres et les classes moyennes du monde néocolonial ne sont pas les seuls à subir les conséquences désastreuses de l’augmentation des prix. Chez nous aussi, la crise du pouvoir d’achat fait exploser la part du budget des familles consacrée à la nourriture et à l’énergie.

    Quelles sont les causes de ce “choc des prix alimentaires” ?

    Une demande qui augmente…

    Plusieurs spécialistes parlent de l’augmentation de la demande des pays dits “émergents” comme le Brésil, l’Inde, la Chine,… Ces pays ont connu une croissance économique allant de 5 à plus de 10% sur base de la croissance de l’économie mondiale. Jusqu’au milieu de l’année 2007, l’euphorie était générale vis-à-vis de cette croissance et du développement des classes “moyennes” qui promettaient, à terme, l’abolition de la pauvreté.

    Durant ces années, des centaines de millions de gens ont ainsi pu augmenter un peu leur consommation alimentaire. Mais l’impact de cette augmentation ne doit pas être surestimé. D’abord, parce que la pauvreté est loin d’avoir disparu. Trois milliards de gens vivent avec moins de 2 dollars par jours, dont un milliard (une personne sur six) avec 1 dollar ou moins par jour ! Ensuite, parce qu’au cours des quatre premiers mois de 2008, ils ont déjà perdu en moyenne 0,20 dollar, une bouche en moins dans une famille de cinq (De Morgen, 26/04/08) et que la crise économique qui se développe risque de doubler ce nombre et d’effacer l’essentiel des gains des dernières années !

    … et une offre limitée

    Au cours des 20 dernières années, les investissements dans l’agriculture ont chuté vertigineusement et la productivité a suivi. L’hebdomadaire britannique The Economist (19/04/08) a ainsi écrit que “les investissements publics dans l’agriculture du monde néocolonial ont diminué de moitié entre 1980 et 2004. (…) Nous payons le prix de 15 années de négligence”.

    Mais il ne s’agit nullement de négli-gence mais au contraire d’une politique consciente aux conséquences catastrophiques. Le néolibéralisme a transformé des pays producteurs de nourriture en pays importateurs et a mené en général au sous-emploi et au sous-investissement dans l’agriculture pour la simple raison que ce n’était pas assez rentable. Le commerce dans les pays du Tiers-Monde a été « libéralisé » sous les pressions du FMI et de la Banque Mondiale pour favoriser les importations provenant des Etats-Unis et de l’Europe alors que ces derniers ont continué à protéger leurs propres marchés. Résultat: la production locale a été balayée. Les progrès technologiques (meilleurs engrais, graines,…) ne sont accessibles qu’à ceux qui disposent de gros capitaux. Les petits paysans du monde néocolonial sont donc privés de ces progrès.

    Des pays qui étaient hier auto-suffisants en termes de production de nourriture sont devenus dépendants de l’importation et en paient aujourd’hui le lourd prix. La nourriture importée est devenue inabordable pour des millions de personnes sans qu’une production de nourriture locale puisse la remplacer. De plus, les stocks mondiaux de nourriture ont baissé jusqu’au minimum absolu, ce qui est très attractif pour les spéculateurs !

    Agrocarburants: une solution face au prix du pétrole ou un crime contre l’humanité ?

    Les prix toujours plus élevés de l’énergie, la très grande instabilité politique et sociale dans les pays producteurs de pétrole ainsi que les conséquences dramatiques du réchauffement climatique – pas seulement dans le monde néocolonial (qui n’a jamais eu d’intérêt décisif pour le capitalisme mondial) mais ici aussi, dans le monde industrialisé – ont obligé les gouvernements et les grands groupes capitalistes à porter leur attention sur des formes “alternatives” ou “vertes” d’énergie.

    Aux Etats-Unis, la production alimentaire laisse une place grandissante à celle d’agrocarburants, comme c’est déjà le cas au Brésil depuis longtemps. L’Europe suit une pente identique. Fidel Castro a été l’un des premiers à montrer du doigt les conséquences perverses de cette politique mais aujourd’hui, même un rapporteur de l’Organisation des Nations-Unies parle des subventions accordées aux agrocarburants comme “d’un crime contre l’humanité”. Le problème, c’est qu’il n’existe tout simplement pas de solution écologique et humaine dans le cadre du capitalisme. Les agrocarburants sont aujourd’hui plus lucratifs et plus attractifs pour le capital, et tant pis si cela engendre de nouveaux problèmes. Le bonheur des uns fait la mort des autres !

    L’élément déterminant: la spéculation

    La fuite des capitaux du marché immobilier vers celui des matières premières, c’est-à-dire d’une bulle spéculative à une autre, est d’une importance décisive dans les augmentations de prix. Le capital, uniquement intéressé dans un maximum de retour sur investissement, s’est trouvé un nouveau “refuge”.

    La patronne de la société ADM (multinationale spécialisée dans la vente et la transformation de grains) a déclaré: “la volatilité sur le marché des matières premières présente des opportunités sans précédent”. Ce n’est pas du cynisme, c’est de l’économie. De l’économie de marché, plus précisément.

    Les crises récentes du marché immobilier, du crédit et de l’alimentation font chanceler les économies, créent de l’instabilité et mettent en danger les gouvernements. L’euphorie qui régnait encore au début de l’an dernier a totalement disparu. Aux Etats-Unis, où la crise est plus avancée, des centaines de milliers de gens ont perdu leur maison ou leur emploi, voire les deux. Un sérieux ralentissement de la croissance mondiale arrive à grands pas. Bien que des milliards de dollars et d’euros se soient évaporés, la recherche de profits continue et le pétrole, l’or et les matières premières sont devenu le nouvel eldorado. Personne ne va investir dans la production dans une période de déclin du pouvoir d’achat.

    L’économie mondiale est prise dans une spirale descendante et nous allons en subir les conséquences.

    Un monde politique sous pression et profondément divisé

    Des protestations massives autour du pouvoir d’achat et de l’alimentation (les fameuses émeutes de la faim) se sont développées partout à travers le monde depuis le début de l’année. Dans beaucoup de pays, les travailleurs sont passés à la lutte collective et des victoires ont été obtenues, comme les fonctionnaires en Syrie et en Egypte qui ont obtenu jusqu’à 30% d’augmentation salariale.

    La peur s’est installée. Des insti-tutions internationales comme la Banque Mondiale, le FMI ou l’ONU organisent des réunions, discutent,… mais ne trouvent pas de solutions viables. Bien entendu, il subsiste encore des fous libéraux qui appellent à plus de libre marché et à l’abolition des subventions et des limitations commerciales. Mais, sous la pression, la politique dominante des 20 dernières années commence à être mise en question et une tendance vers le protectionnisme et les interventions de l’Etat se développe. Des mouvements de masse, ou même parfois seulement la crainte de protestation, ont déjà forcé des gouvernements à prendre des mesures précédemment considérées comme hérétiques. Plus de 30 pays ont pris des mesures de limitation des exportations, de contrôle des prix, de subvention alimentaire,… pour tenter de contrer la spéculation.

    Tout cela peut temporairement et localement atténuer les problèmes. Nous sommes évidemment favorables à chaque amélioration à court terme et nous luttons pour en obtenir mais nous devons aussi prévenir des limites de ce type de mesures, et particulièrement du protectionnisme. Un contrôle des prix sans contrôle de la production et de la distribution conduit à des étagères vides dans les supermarchés et à la pénurie parce qu’il est plus avantageux pour les producteurs de se diriger vers le marché noir. Une augmentation des taxes pour les multinationales mène à une fuite des capitaux et de la production. Limiter les exportations alors qu’il n’y a pas assez de consommation locale peut pousser les paysans contre les autres travailleurs et le gouvernement local.

    En fait, œuvrer pour le bien des masses de pauvres et de travailleurs tout en essayant de donner un os à ronger aux propriétaires du capital est un grand écart impossible à réaliser.

    Une soi-disant « troisième voie » qui prétende sauvegarder à la fois les intérêts du travail et ceux du capital est un cul-de-sac.

    Food, not profit !

    Un programme socialiste contre le “libre” marché capitaliste

    Des protestations massives peuvent temporairement obliger les gouvernements et les entreprises à investir dans l’approvisionnement alimentaire ou les services publics, à produire en respectant mieux l’environnement, à payer des salaires qui suivent le coût réel de la vie,… à céder, donc, une part plus grande de leurs profits aux travailleurs et à leurs familles. Mais pour réaliser des changements fondamentaux, nous devrons nous en prendre au système de profit en lui-même.

    Cette crise alimentaire ne se solution-nera pas avec des sparadraps, il faut une approche mondiale, une planification de la production et de la distribution de nourriture sous le contrôle de la collectivité. Seule la classe ouvrière peut l’imposer en s’organisant, en luttant pour conquérir des droits syndicaux et politiques, en construisant des partis politiques qui défendent réellement ses intérêts et enfin en prenant elle-même le contrôle de la société.

    Les banques et le système financier jouent un rôle important dans cette crise. Nationaliser ce secteur et en utiliser les moyens pour le bien commun permettrait des investissements énormes dans une production de nourriture efficace, planifiée et respectueuse de l’environnement.

    Les nationalisations ont longtemps été considérées comme irréalisables, mais la crise du crédit a mis une fin à cette idée. Ces derniers mois, aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne, de grandes banques et institutions financières ont été nationalisées pour éviter des faillites qui auraient pu causer de grands problèmes au système financier et à toute l’économie.

    Partout, les banques ont reçu des garanties que leurs dettes seraient si nécessaire reprises par l’Etat, ce qui a incité les marchés à calmement continuer comme avant : la collectivité payera bien pour la spéculation quand ça tournera mal…

    Les travailleurs et les pauvres, où que ce soit, ne reçoivent pas ces garanties. Pourtant, ce sont eux qui produisent la richesse. Si les grandes banques peuvent être « sauvées » avec de l’argent public, pourquoi ne pas les nationaliser pour assurer à chacun assez de nourriture variée ou pour garantir l’emploi et les revenus ainsi que des services publics de qualité, notamment dans des secteurs comme l’enseignement et les soins de santé ? Ces idées ne sont pas neuves. L’expérience du mouvement ouvrier nous apprend qu’un programme de nationalisations ne peut être une solution que dans un système démocratique où le contrôle et la gestion sont assurés par les travailleurs.

    Cela est nécessaire tant pour assurer que des gouvernements corrompus et les riches élites n’accaparent les profits que pour garantir une efficacité et une planification à l’échelle nationale et internationale.

    L’augmentation des prix et la pénurie alimentaire peuvent conduire à de grands mouvements révolutionnaires qui, faute de solution dans le système de profit, chercheront nécessairement une solution au-delà les limites du capitalisme. Des gouvernements de gauche en Amérique Latine, comme au Chili au début des années ’70 et au Venezuela aujourd’hui, illustrent ce qui est possible, même si une fraction seulement de la richesse est utilisée dans l’intérêt commun. Mais ce type de mesures est insuffisant pour abolir la pauvreté et la misère.

    Les moyens de production doivent être dans les mains des travailleurs pour pouvoir utiliser la richesse, la technique et la nature dans les intérêts de l’homme et de l’environnement. Le vieux slogan “socialisme ou barbarie” est aujourd’hui plus actuel que jamais.


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  • Birmanie : Le désastre du cyclone. Les richesses et les privilèges passent avant l’aide.

    Birmanie : Le désastre du cyclone.

    Les effets effroyables du cyclone qui a frappé le vaste delta du fleuve Irrawaddy ont choqué partout à travers le monde. Mais le régime militaire s’avère incapable d’aider les victimes. La dévastation ainsi que le nombre de décès et de blessés sont probablement plus grands que ceux qui ont été entraînés par le tsunami de 2004.

    Keith Dickinson, Socialist Party (section de notre internationale en Angleterre et Pays de galles).

    Jusqu’ici, il est possible que 100.000 personnes aient décédé et 1,5 million de personnes sont en danger. Les travailleurs et les paysans luttaient déjà avant simplement pour survivre sous les privations et la répression du régime militaire, maintenant, dans les secteurs frappés par le cyclone, des millions de personnes souffrent également du manque d’abri, de la famine et de la propagation de maladies.

    Dans ce pays grand producteur de riz, ce sont les principales régions productrices de riz qui ont été frappées. Dans les médias britanniques, il a été dit que certaines des installations gazières et pétrolières en mer d’Andaman pourraient également avoir été endommagées par le cyclone, ce qui pourrait grandement préoccuper les généraux au pouvoir.

    Ces généraux ont principalement été financés par l’exploitation des gisements de gaz naturel et d’autres ressources minérales. L’année dernière, la Thaïlande voisine a importé de Birmanie pour 2,7 milliards de dollars en gaz naturel, ce qui représente 45% de toutes les exportations birmanes. L’investissement thaï en Birmanie s’est élevé à 1,34 milliards de dollars et continue d’augmenter.

    Le militant des droits de l’homme Benedict Rogers a écrit avant l’arrivée du cyclone dans la revue Far East Economic Review que le premier ministre thaï a décrit les généraux, après avoir conclu une nouvelle affaire d’investissement avec eux en mars, comme de « bons bouddhistes » parce qu’ils « ont médité », en dépit de leur massacre de moines bouddhistes en septembre passé.

    En février, le dirigeant de la Karen National Union, le plus grand groupe ethnique armé birman, a été assassiné en Thaïlande sur les ordres du régime birman, probablement avec l’assentiment des autorités thaïes. En mars, la police thaïe a fait des raids contre 14 organisations Karen en exil en Thaïlande.

    Ainsi le gouvernement thaï a « améliorer ses relations » avec les généraux birmans. Les gouvernements occidentaux l’incite maintenant à convaincre les généraux – qui résistent énergiquement à toute intervention extérieure – de permettre à la charité des travailleurs occidentaux d’organiser l’aide et la distribution de vivres désespérément requise.

    Il est intéressant de noter que le ministre des affaires étrangères thaï a déclaré que les généraux birmans sont inquiets de l’aide occidentale après les invasions de l’Irak et de l’Afghanistan. En septembre passé, un des commentateurs du gouvernement birman a condamné les « puissances globales qui pratiquent l’hégémonisme ». La nouvelle prétendue « constitution » birmane, conçue pour préserver la dictature militaire, comprend des clauses qui interdisent le stationnement de troupes étrangères en Birmanie.

    Les gouvernements du monde condamnent le manque de démocratie du régime birman, mais ce ne sont pas les intérêts des birmans qui les préoccupent, mais bien les efforts des généraux birmans pour limiter l’influence et l’exploitation des puissances impérialistes afin de défendre leurs propres richesses et privilèges. Tandis que les différents gouvernements invitent leurs propres travailleurs – déjà frappés par la crise du crédit – à faire des dons pour organiser l’aide après le passage du cyclone, ils courtisent le régime birman.

    La Russie fournit de la formation nucléaire, de la technologie, de l’équipement et des armes à la Birmanie. L’Inde continue à investir et le Japon possède 19,3% du gisement de gaz naturel de Yetagun, entre autres projets importants, alors que Singapour est l’endroit préféré des généraux pour encaisser l’argent, l’investir, faire des achats, obtenir des soins médicaux, instruire leurs enfants et faire leurs accords sur les armes.

    Chine

    Le monde des entreprises de Grande-Bretagne, des USA et de France investissent eux aussi en Birmanie, mais c’est la Chine qui est le principal appui économique des généraux birmans, et le pays leur donne accès à l’Océan Indien.

    Avant le cyclone, le secrétaire général de la fédération birmane des syndicats a déclaré: « Quand le régime était sur ses genoux en 1998, les compagnies Chevron et Total l’ont remis sur pieds. C’est la même situation maintenant. Politiquement, le régime est dans un mauvais état. Mais c’est l’argent de Chevron et de Total qui leur permet de tenir. Ainsi, c’est la politique des multinationales qui soutient le régime. »

    Le peuple birman doit se débarrasser du régime répressif ; il a démontré à de nombreuses reprises, comme en 1988 et l’année dernière, sa capacité et volonté de lutter pour surmonter tous les obstacles afin d’améliorer son sort. Mais il ne peut compter que sur l’action et l’aide internationale des travailleurs et non sur « l’aide » des gouvernements capitalistes.

    Après les dévastations causées par le cyclone, alors qu’il est urgent d’obtenir l’approvisionnement en nécessités de base pour tous ceux qui en ont besoin, il est également nécessaire de reconnaître, comme un auditeur l’a fait remarqué à une radio, que: « la résistance et les ressources des Birmans à travailler en tant que collectivité pour s’entre aider». C’est évident après deux semaines, et cela le sera encore plus en changeant de régime.

    Les profits, pas les droits de l’homme.

    Le pipeline de pétrole et de gaz naturel de Yadana passe à travers la Birmanie du Golfe d’Andaman vers la Thaïlande. Ce pipeline, dont les associés sont Total et Chevron, a entraîné le travail forcé des masses ainsi que d’autres abus des droits de l’homme commis par l’armée sous l’œil bienveillant des multinationales. Durant les protestations pro-démocratiques de l’année dernière sous la conduite des moines bouddhistes et qui ont été brutalement réprimées par les généraux birmans, un porte-parole de PTTEP, un partenaire thaï de Total, a déclaré: « Les affaires continuent comme d’habitude. Je ne vois aucun impact dans un avenir proche » du malaise. « Quand nous avons un contrat avec un gouvernement, il n’importe pas vraiment de savoir quel gouvernement c’est. »


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  • Augmentation des prix, rébellion et pauvreté.

    La flambée des prix de la nourriture a récemment causé une tempête de protestations et ce partout à travers le monde. Ces grèves et manifestations ne sont que la réaction des ouvriers et paysans face à cette envolée des prix.

    Robert Bechert, Comité pour une Internationale Ouvrière, Londres (article publié le 23 avril sur socialistworld.net)

    Haiti, le Cameroun, l’Egypte ou l’Indonésie ne sont que quelques uns des pays qui ont connu récemment des protestations de masses.

    Si les envolées des prix sont choquantes, elles ne donnent qu’un aperçu seulement de ce qui est en train de se passer, des millions de personnes doivent en fait se battre pour arriver à nourrir leurs familles. Les médias ne cessent de nous rapporter ce qui se passe : le riz a augmenté de 75% en deux mois, le blé de 130% durant l’année dernière et en une seule journée, le riz a augmenté& mondialement de 10%.

    Des millions de personnes sont forcées d’économiser simplement sur ce qu’ils consacrent à la nourriture et des millions de personnes ressentent une colère immense. Au Salvador, les pauvres mangent deux fois moins qu’il y a un an. La Banque Mondiale a estimé que 100 millions de personnes en plus ont déjà été poussé dans «l’extrême pauvreté». Même dans les pays « développés », les prix augmentent : en Grande Bretagne, un test comparatif reprenant 24 produits de consommations courants a montré que leurs prix avaient augmenté de 15% en une année.

    Cette crise a même choqué les institutions capitalistes telles que le Fond Monétaire International ou la Banque Mondiale, principalement car elles en craignent les conséquences. Le président de la Banque Mondiale a déclaré que 33 pays étaient en proie à un «malaise social» à cause de la hausse des prix des denrées alimentaires. Le terme «malaise» est une sous estimation grossière de la situation : la pénurie alimentaire et l’inflation peuvent provoquer des révolutions.

    Les travailleurs commettraient une erreur en se reposant sur ces gens, ou sur des philanthropes, pour trouver une solution. Bien sur, ils pourraient organiser une aide d’urgence, mais c’est fondamentalement leur système – l’économie de marché – qui est à l’origine de la crise.

    Les demandes d’actions se multiplient.

    Mais, quelles sont les causes de la crise ?

    Clairement, un grand facteur de la crise est le chaos du marché «libre» et la spéculation qui l’accompagne. Loin d’être le fil conducteur qui guide les progrès humains, le marché aggrave l’inflation du prix de la nourriture. Comme la crise économique mondiale provenant des USA a provoqué un effondrement des possibilités de spéculations financières, les spéculateurs capitalistes se sont reportés sur la nourriture et les matières premières.

    Encore inondés des super profits datant de la dernière période de croissance économique, ils se sont accaparé les stocks de nourriture. Comme les gens sont bien obligés de manger pour vivre, ils pensaient ainsi pouvoir s’enrichir encore plus en spéculant sur les prix de la nourriture et des autres matières premières. Depuis le début de l’année, le nombre d’accords financiers conclus quotidiennement sur le marché CME de Chicago (Chicago Mercantile Exchange – bourse de produits des matières premières, particulièrement au niveau de l’alimentation) a augmenté de 20%. L’Ethiopie a tenté de lutter contre cette spéculation en interdisant les accords dans « le futur » (des paris sur les prix à venir de la nourriture et des matières premières). Mais l’action d’un seul pays, a fortiori s’il est issu du monde néocolonial, n’a qu’un impact limité.

    Cependant, la spéculation n’est pas la seule cause de la hausse des prix. Certaines autres causes telles que la demande croissante de nourriture, le changement climatique ou encore les «bio» carburants ont été très souvent mentionnés. Lester Brown, directeur du Earth Policy Institute à Washington a déclaré, pas plus tard qu’en avril dernier, que la surface utilisée aux USA pour produire des biocarburants ces deux dernières années aurait pu fournir à 250 millions de personnes leurs rations en grain.

    L’hebdomadaire de droite « The Economist » a involontairement mentionné un autre facteur de la hausse des prix : l’offensive néolibérale depuis les années 1980. « The Economist » a expliqué que les rendements des nouvelles récoltes avaient tendance à diminuer naturellement, et que c’était seulement en produisant de nouvelles variétés que l’on pouvait maintenir ou faire progresser les rendements.

    Cependant, « la plupart des recherches agronomiques sont financées par des gouvernements qui, dans les années 1980, ont commencé à réduire (…) les dépenses (…) ils ont préféré faire intervenir le secteur privé. Mais, beaucoup des entreprises privées engagées pour remplacer les chercheurs d’Etats se sont révélé n’être intéressés que par le profit. La part de l’agriculture dans les dépenses publiques dans les pays en voie de développement a chuté de moitié entre 1980 et 2004. Ce déclin a eu un impact inévitable… Entre les années 1960 et 1980, dans les pays en voie de développement, le rendement des céréales principales augmentait de 3 à 6% par année. Maintenant, la croissance annuelle est revenue à 1 à 2%, en dessous de l’augmentation de la demande. « Nous payons le prix de 15 ans de négligence » a déclaré Bob Ziegler, directeur de l’Institut international de recherche sur le riz, basé aux Philippines. » (The Economist, 19 avril 2008).

    En réalité, ce n’est pas de la « négligence » mais le dogme néolibéral et la recherche de nouvelles zones où faire des profits qui s’est ajouté à cette crise alimentaire.

    Qu’est ce qui peut être fait ?

    Dans beaucoup de pays, des voix se font entendre pour instaurer un contrôle du prix de la nourriture, pour introduire ou défendre les subsides pour la nourriture ou encore pour une hausse des salaires. Les syndicats devraient exiger une hausse des salaires qui suit l’inflation. Les salaires devraient être liés à un indice des prix qui correspondrait réellement au coût de la vie. Cependant, de telles mesures, bien que bienvenues, ne seraient que provisoire.

    Le contrôle de l’approvisionnement en nourriture doit être immédiatement retiré des mains des spéculateurs, des négociants internationaux et des grosses compagnies agroalimentaires. Le mouvement ouvrier doit exiger que ces institutions soient nationalisées pour permettre la mise en place d’un plan de distribution de nourriture, à des prix raisonnables, pour tous.

    Mais une telle nationalisation devrait être contrôlée démocratiquement au rique d’être utilisée par les gouvernements pour s’enrichir eux mêmes ainsi que leurs alliés capitalistes.

    Dans beaucoup de pays, le contrôle de l’importation ou de l’exportation a toujours été source de corruption et de mercantilisme. L’argentine, le Vietnam ou l’Inde ont déjà interdit certaines exportations de nourriture ou ont instauré des taxes sur celles-ci. Mais de telles mesures n’abaissent pas automatiquement le coût de la nourriture, et peuvent mener de petits fermiers à la rébellion.

    Seul un contrôle et une gestion des ressources par les travailleurs combinée à une comptabilité ouverte pourra assurer la répartition équitable de la nourriture et ce sans marché noir. Les petits fermiers et les petits commerçants doivent donc se voir attribuer des revenus et une place dans la chaîne de distribution de la nourriture. Si le rationnement doit être imposé, il doit être laissé sous le contrôle démocratique des travailleurs, pas sous celui des gouvernements corrompus servant des élites.

    Des mesures doivent être prises pour « booster » l’approvisionnement en nourriture. Les entreprises produisant les graines, le fertilisant,… doivent également être nationalisées sous le contrôle des travailleurs. Alors, de nouvelles récoltes pourront être développées pour répondre aux besoins et non pas pour réaliser des profits. Les engrais pourront aussi être rendus plus accessibles.

    Les banques, dont beaucoup ne survivent plus que grâce aux aides de l’Etat, devraient également être nationalisées et leurs ressources employées pour fournir aux petits fermiers des crédits bon marchés.

    Les grands producteurs agricoles, eux aussi, devraient encore être nationalisés. Sur cette base, il serait possible de commencer à planifier l’augmentation de la production de nourriture avec l’aide de progrès dans l’irrigation ou dans d’autres techniques, pour répondre aux besoins et non pour s’adapter au marché.

    Pour sauver notre planète, le capitalisme doit être éliminé.

    Fondamentalement, cela signifie contester le système capitaliste en lui-même. La crise financière a vu des banquiers courir auprès des gouvernements pour demander de l’aide. L’argument néo libéral selon lequel l’Etat ne peut intervenir dans le marché s’écroule, poignardé en plein cœur par les capitalistes eux mêmes.

    Cependant, l’Etat n’est pas neutre. Dans les pays capitalistes, l’Etat agit pour protéger les intérêts des capitalistes. La nationalisation d’entreprises, voir même d’un secteur entier de l’économie, n’est pas en soi une cassure vis-à-vis du capitalisme. La propriété publique avec la nationalisation des secteurs clés de l’économie est la vraie alternative au système du marché qui produit régulièrement des convulsions.

    Déjà dans un certain nombre de pays, ce sont les organisations de travailleurs, telles que les syndicats, qui ont été forcées de défendre les « norme de vie ». Le mouvement des travailleurs a la responsabilité d’agir, de prévenir la faim et d’offrir une alternative. Les travailleurs, organisés internationalement, ont la capacité de décider de l’utilisation des ressources du monde.

    Cependant, ce n’est pas juste la question de la popularisation de l’alternative socialiste; c’est un but. Récemment, lors d’un discours aux Nations Unies à New York, le président bolivien, Evo Morales, a déclaré que : « pour sauver la planète, il faut éliminer le capitalisme. » C’est absolument correct, mais de tels appels verbaux doivent mener à des conclusions concrètes à moins de ne rester que du vent. Si Morales est sérieux, son gouvernement peut servir d’exemple en mobilisant les pauvres et les travailleurs pour briser le capitalisme, et montrer que cela peut être fait. Cela sera un appel aux pauvres et aux travailleurs du monde entier pour suivre le même parcours.

    L’impact brutal de l’augmentation des prix de l’alimentation va, comme le craint la Banque Mondiale, ouvrir une nouvelle période de lutes révolutionnaires et de possibilités pour construire une force socialiste de masse capable de mettre fin au capitalisme, capable de mettre fin à la misère, capable de mettre fin à la pauvreté et à la faim.


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  • Capitalisme en crise. En route vers un tsunami économique ?

    L’économie américaine connaît une crise profonde. 86% des Américains sont convaincus que leur pays est déjà maintenant en récession économique. En mars, 80.000 emplois ont été perdus, ce qui porte le total pour les premiers trois mois de l’année à 232.000. Et ce n’est que le début de la crise.

    Le Fonds Monétaire International décrit les problèmes financiers aux Etats-Unis comme “exceptionnellement sérieux”, ce qui fait craindre “la plus grande crise financière depuis la Grande Dépression” (une référence à la crise après 1929). L’économie américaine ne devrait progresser que de 0,5% en 2008 et de 0,6% en 2009. Ces perspectives sont donc basées sur le pronnostic d’une crise de longue durée. La récession aux Etats-Unis va avoir des conséquences internationales. Pour la zone Euro, le FMI prévoit une croissance limitée à 1,4% en 2008 et 1,2% en 2009. La Chine et l’Inde seraient elles aussi touchées.

    Les conséquences de la récession économique aux Etats-Unis ne sont pas minces. 2 millions de gens risquent de perdre leur maison. En un an, le nombre d’Américains dépendant de l’aide alimentaire est monté de 26 à 28 millions. En Europe aussi, les effets de la crise commencent à se faire sentir, même si celle-ci ne touche pas encore tous les pays et ne progresse pas partout au même rythme.

    La situation est tellement grave que les prophètes du libre marché ne croient apparemment plus dans leur propre système. Ainsi, le grand patron de la Deutsche Bank, Joseph Ackerman, a plaidé pour plus d’interventions de l’Etat. En Grande-Bretagne, le gouvernement travailliste a nationalisé la banque Northern Rock afin de lui éviter une banqueroute. Les dettes et les pertes sont ainsi refilées à la collectivité ; mais, dès qu’il y aura à nouveau des parties rentables, celles-ci seront revendues aussi vite que possible au privé. Lorsque les intérêts du patronat (envers le système financier) sont menacés, le gouvernement peut nationaliser. Mais quand la revendication de nationalisation est mise en avant afin de défendre des emplois menacés, ce n’est pas « faisable »… Ici aussi, c’est le règne du « deux poids, deux mesures ». Polarisation croissante

    Le tsunami économique touche surtout les travailleurs et leurs familles. Au cours de la période de croissance économique relative de ces dernières années, le fossé entre riches et pauvres a atteint des proportions jamais connues auparavant. Cela a provoqué récemment des mouvements de résistance importants entres autres en Grèce, au Portugal, en France et en Allemagne. Cette résistance à la politique néolibérale se traduit aussi dans plusieurs pays européens par « un virage marqué à gauche » (suivant l’expression utilisée en Allemagne) avec une forte progression dans les sondages pour des formations de gauche comme Die Linke (Allemagne) ou Syriza (Grèce).

    Dans toute l’Europe, la crise du capitalisme combinée avec des mouvements de lutte massifs vont faire évoluer la conscience des travailleurs. Celle-ci était, ces dernières années, encore fortement influencée par l’effondrement du stalinisme, la campagne idéologique pro-capitaliste menée par la bourgeoisie et par la croissance économique. La radicalisation à gauche risque de ne pas être la seule tendance de la période qui vient. Il existe un grand danger de division dans la classe ouvrière, particulièrement sur base du racisme et du nationalisme.

    En tant que section d’une organisation internationale – le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) – le MAS/LSP est impliqué dans la lutte quotidienne des travailleurs et leurs familles. Nous ferons tout dans la période orageuse qui vient et dans les mouvements de lutte qui vont se produire pour aider à développer le soutien à une alternative socialiste à la misère du capitalisme.


    Pour en savoir plus :

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