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  • France. Construire un rapport de force pour remettre la lutte et la solidarité à l’agenda

    En juin, les élections départementales et régionales françaises ont été marquées par une abstention historique : 68% des électeurs ont boudé les urnes. Dans la catégorie des 18-24 ans, cette abstention grimpe même à 87% ! C’est bien entendu une illustration de la crise de légitimité qui frappe le monde politique français. Et un moment riche en leçons dans la perspective des élections présidentielles de 2022.
    Les sondages ont systématiquement été interprétés comme les signes annonciateurs de l’inévitable duel Macron / Le Pen, cette dernière arrivant première au premier tour pour être battue au second. Les résultats des élections régionales viennent temporiser cette analyse. En tête dans 6 des 13 régions métropolitaines au premier tour de ces mêmes élections il y a six ans, le Rassemblement national ne l’a plus été que dans une cette fois-ci, passant de 28% à 19% à l’échelle nationale. Pourtant, ce sont ses thèmes favoris qui ont dominé la campagne : la sécurité et l’immigration.

    Le contexte de ces derniers mois en France a été celui du débat sur le « séparatisme » très franchement teinté d’islamophobie et de la campagne contre « l’islamo-gauchisme » qui a atteint des proportions ridicules. La droite et l’extrême droite ont monopolisé le temps de parole dans les médias. On se souvient du débat nauséabond entre Marine Le Pen et le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin (qui n’a pas hésité à dire que Marine Le Pen faiblissait sur la question de l’Islam), mais les médias sont quotidiennement abreuvés de propos de ce type. Le chroniqueur d’extrême droite Eric Zemmour peut ainsi déverser toute sa haine plusieurs fois par semaine sur la chaine TV CNEWS et participer à la normalisation du discours raciste, sexiste et LGBTQI+phobe. Celui-ci laisse d’ailleurs planer le doute quant à une éventuelle candidature pour les présidentielles (il est actuellement crédité de 5,5% des intentions de vote).

    Cet entretien d’un climat aussi ouvertement dégueulasse n’est pas dû au hasard ou au « racisme du Français moyen ». Macron n’a jamais fait mystère de sa stratégie pour être réélu : profiter du discrédit total du monde politique pour grimper au second tour aux côtés de Marine Le Pen et ainsi être élu au nom du « front républicain » contre l’extrême droite. C’est un jeu dangereux à la suite d’un quinquennat marqué par la répression brutale et sanglante des mouvements sociaux et l’accroissement des inégalités. Et la grande leçon qui s’impose à la suite de ces élections régionales et départementales, c’est que rien n’est écrit à l’avance dans une telle instabilité. Le second tour Macron-Le Pen n’est pas inéluctable.

    Quel rôle peut jouer la France Insoumise ?

    Entre 2009 et 2020, le patrimoine des milliardaires français a augmenté de… 439 % ! La France est ainsi le deuxième pays où cet essor a été le plus important, juste après la Chine et loin devant d’autres Etats comme les Etats-Unis (170 %) ou le Royaume-Uni (168 %). Si le SMIC (salaire minimum) avait augmenté aussi vite, il serait à 4.805 euros net aujourd’hui.

    Sans surprise, 9 Français sur 10 sont favorables à l’augmentation du SMIC. 8 sur 10 sont favorables au rétablissement de l’impôt sur la fortune supprimé par Macron, à une taxe sur les profiteurs de crise, à un grand plan d’investissement dans les services publics (en particulier la santé), à la gratuité des premières quantités d’eau, à la reconnaissance du burn-out comme maladie professionnelle. 7 Français sur 10 sont favorables à la retraite à 60 ans. 6 Français sur 10 sont favorables à la semaine de 4 jours. Ces mesures sont défendues par l’Avenir en commun, le programme de la France Insoumise.

    Aujourd’hui, Mélenchon est à 12% dans les sondages, il devance largement le PS, Europe-Ecologie Les Verts et le PCF qui a décidé de présenter une candidature de son côté cette fois-ci. En 2012, Jean-Luc Mélenchon est passé de 3% à un an du scrutin, à 11% dans les urnes ; en 2017, de 11% à un an de l’échéance, à près de 20% et 600.000 voix du second tour. Ces percées ont été obtenues sur base d’une dynamique de campagne qui est parvenue à transformer de nombreux électeurs en militants. Ce n’est pas impossible ici non plus, même si le bashing médiatique intense anti-Mélenchon atteint des sommets, que Mélenchon lui-même a perdu du crédit parmi une partie de son électorat, notamment à cause de certaines mauvaises prises de position et que la France Insoumise est beaucoup plus considérée comme un groupe parlementaire que comme un véritable parti de lutte démocratique, après avoir pourtant mené un travail dynamique de stimulation de la lutte syndicale et sociale en début de mandat de Macron.

    Le programme de la France Insoumise comporte plusieurs limites, notamment la volonté de rester dans le cadre d’un système capitaliste réformé grâce à la 6e République. Il représente toutefois un bon socle sur base duquel discuter de ce qui est nécessaire pour les travailleurs et leurs familles. Mais pour contrer l’abstention et mobiliser autour d’un projet de changement social, la France Insoumise devra absolument se lier aux mouvements sociaux, et s’y impliquer activement en tant qu’organisation. Selon nous, les élections de 2022 et les luttes qui à n’en pas douter jalonneront la prochaine période devraient être considérées comme un tremplin vers la constitution d’un parti large des travailleurs et des mobilisations sociales qui pourra s’impliquer de manière continue dans l’organisation de la lutte contre la classe capitaliste. Ce sera crucial pour tenter d’inverser le rapport de force, de restaurer la confiance dans la force collective de la majorité sociale et de donner la perspective pour un véritable changement sociétal, solidaire et inclusif, et qui réponde réellement aux besoins.

  • France : Le mouvement ouvrier doit s’engager de tout son poids dans la bataille contre la répression et le racisme

    Manifestation à Paris du 28 novembre 2020. Photo : Wikimedia

    Ce samedi 12 décembre, pour la troisième semaine consécutive, des milliers de personnes ont à nouveau défilé dans divers villes françaises pour dénoncer la proposition de loi Sécurité globale et le projet de loi sur le séparatisme. En pleine pandémie, les priorités du gouvernement du président Macron visent à renforcer l’arsenal répressif de l’Etat et à tenter de diviser la population sur une base raciste.

    Par Nicolas Croes

    Cette proposition de loi vise clairement à limiter les libertés de la presse, d’expression et de manifester, notamment son article 24 qui pénalise la diffusion malveillante d’images des forces de l’ordre. Elle prévoit de pénaliser d’un an de prison et 45.000 euros d’amende la diffusion de « l’image du visage ou tout autre élément d’identification » des forces de l’ordre en intervention quand elle porte « atteinte » à leur « intégrité physique ou psychique ». Comme La France Insoumise l’a dénoncé, il s’agit d’une « entreprise de dissuasion massive d’aller manifester et filmer ce qu’il se passe en manifestation ».

    L’approche du gouvernement et de ses alliés face aux violences policières est limpide : les cacher et non les combattre. Mais alors que la loi était discutée à l’Assemblée Nationale (où elle a été adoptée le 24 novembre), une série de d’événements ont transformé l’affaire en véritable fiasco.

    Le lundi 23 novembre au soir, des centaines de migrants accompagnés d’associations, d’élus et de partis de gauche ont été brutalement chassés par la police de la place de la République à Paris, à coups de matraques et de gaz lacrymogène. Parmi les images qui ont choqué figuraient celles d’un commissaire divisionnaire faisant un croche-pied à un homme qui tentait de fuir les coups de matraque. Quelques jours plus tard, le 26 novembre, les images du tabassage d’un homme noir, Michel Zecler, ont été divulguées. La victime avait dans un premier temps été placée en garde à vue pour « violences sur personne dépositaire de l’autorité publique » et « rébellion », pendant deux jours, avant que l’enquête ne soit classée sans suite grâce à la vidéo des événements. Sans celle-ci, il serait très certainement en prison.

    Les comparaisons avec l’explosion du mouvement Black Lives Matter suite au meurtre de George Floyd aux Etats-Unis n’ont pas manqué. Le samedi 28 novembre, environ 500.000 personnes ont manifesté dans le pays en répondant à l’appel de nombreuses organisations de journalistes, de syndicats et d’associations diverses réunies dans la « coordination #StopLoiSécuritéGlobale ». Sous la pression de cette impressionnante mobilisation, tout particulièrement dans cette période de confinement brutalement appliquée en France, le gouvernement a annoncé deux jours plus tard la « réécriture totale » de l’article 24, le plus polémique, qui concerne l’image des policiers. Cette déclaration sentait clairement la panique, puisque le texte est déjà voté à l’Assemblée nationale et est maintenant dans les mains du Sénat, où la question devrait être tranchée en janvier. La coordination réclame du reste à juste titre le retrait pur et simple du projet de loi.

    Les mobilisations se sont poursuivies le samedi 5 décembre : près de 90 rassemblements étaient annoncés dans le pays. Le premier samedi de décembre est traditionnellement une journée de mobilisation contre la précarité à l’initiative du syndicat CGT, la lutte contre les violences policières et la loi Sécurité globale y a été liée cette année comme une évidence. Comme pour jeter encore un peu plus d’huile sur le feu, la veille, trois décrets élargissant les possibilités de fichage de la population sont venus enrichir les textes sécuritaires

    Arsenal répressif et résistance sociale

    Le projet de loi Sécurité globale s’inscrit dans un contexte plus profond. Les législations ou les procédures qui visent à étouffer ou à intimider la contestation se multiplient en France, tout particulièrement depuis 2016 et la contestation de la loi Travail sous la présidence de François Hollande (PS), puis avec le mouvement des Gilets jaunes en 2018 sous la présidence de Macron, et enfin les manifestations contre la réforme des retraites en décembre et janvier 2019-20. Ainsi, ce 3 décembre, un membre du collectif « Désarmons-les » (qui documente les violences policières) a été condamné à 8 mois de prison ferme suite à son interpellation par des policiers durant le mouvement des Gilets jaunes en septembre 2019. On lui reprochait notamment d’avoir porté un coup à un bouclier de la police lors de son interpellation…

    Parallèlement, les violences policières au cours des manifestations sont devenues la norme. Celles-ci visent un double objectif. Premièrement, il s’agit d’intimider les manifestants et de faire passer le message que même en se tenant à l’écart de la confrontation, on peut être gravement blessé et pris pour cible par les tirs d’armes telles que les LBD et les grenades de désencerclement. Parmi les victimes de la répression policière se trouve par exemple Zineb Redouane, une marseillaise de 80 ans décédée le 2 décembre 2018 après avoir été blessée au visage par un tir de grenade lacrymogène alors qu’elle fermait les volets de son appartement… situé au 4e étage !

    Deuxièmement, les autorités cherchent à diviser le mouvement sur base des réactions face aux violences policières, avec l’aide des médias dominants qui font tout pour grossir jusqu’au ridicule les incidents en marge des manifestations et présenter ses participants comme un ramassis de casseurs. Cette stratégie de la violence est parfaitement consciente de la part des autorités.

    Violences policières et racisme systémique

    Les violences policières affectent depuis longtemps les quartiers populaires. Ce n’est pas un hasard si, quand le mouvement Black Lives Matter a repris son envol au printemps dernier, il a tout particulièrement trouvé une résonance en France. Face au Tribunal de Paris, le comité « La vérité pour Adama » avait réussi le tour de force de rassembler plusieurs dizaines de milliers de manifestants malgré l’interdiction de se rassembler. Au côté de George Floyd figuraient les noms d’Adama Traoré (décédé lors d’une interpellation par les gendarmes dans le Val-d’Oise), Lamine Dieng (mort dans un fourgon de police à Paris), Amadou Koumé (mort dans un commissariat à Paris),… Il n’est pas rare que de jeunes hommes meurent suite à une intervention policière dans des circonstances suspectes et que leurs proches doivent lancer des comités et mener de longs combats pour que justice soit faite.

    En juillet dernier, le média indépendant en ligne Basta ! révélait qu’en 43 ans, sur 213 interventions létales ayant impliqué les forces de l’ordre, seuls dix officiers ont été condamnés à un emprisonnement ferme pour homicide. La dernière condamnation remonte à 1999. Une analyse de StreetPress montre qu’entre 2007 et 2017, 47 hommes désarmés sont morts à la suite d’interventions des forces de l’ordre. Aucun des policiers ou gendarmes impliqués n’a fini en prison. Plus d’un tiers des procédures ont abouti à un classement sans-suite, un non-lieu ou un acquittement des fonctionnaires. La majorité des affaires sont encore en cours.

    Le plan contre le séparatisme

    La volonté de faire taire la résistance sociale est couplée à la stigmatisation des musulmans. Le contexte actuel est celui de campagnes électorales : d’abord régionale et départementale (en mars 2021), mais surtout présidentielle et législatives (en 2022). C’est dans cet optique que le gouvernement a été remanié cet été, un remaniement clairement marqué à droite et qui visait à se préserver un socle d’électeurs de droite dans un contexte politique marqué par une profonde instabilité.

    Lors de son entrée en fonction, le nouveau ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin (par ailleurs visé par une plainte pour viol) n’avait pas hésité à nier les violences policières en France en disant : « Quand j’entends le mot ‘violences policières’, personnellement je m’étouffe ». Une expression très choquante quelques semaines après le meurtre de George Floyd et alors qu’un livreur, Cédric Chouviat, est mort en janvier après avoir été plaqué au sol par la police et avoir crié à plusieurs reprises « j’étouffe ».

    Puis, le 2 octobre, le « plan contre le séparatisme » de Macron a été présenté, un projet de loi contre l’islam politique et radical destiné à être discuté au Parlement début 2021 qui va étendre encore l’interdiction des signes et pratiques religieuses sur les lieux de travail du secteur public. L’idée était très clairement d’utiliser l’émotion liée à l’ouverture du procès des attentats de Charlie Hebdo. C’était le contexte derrière l’assassinat de Samuel Paty et l’attaque de la Basilique de Nice qui a fait 3 victimes le 29 octobre. [LIRE NOTRE ANALYSE]

    Christian Estrosi, le maire de Nice (Les Républicains), a de suite déclaré qu’il souhaitait « modifier la Constitution » pour pouvoir « mener la guerre » contre une idéologie qu’il qualifie « d’islamo-fascisme ». Eric Ciotti, député du même parti, a appelé à la création « d’un Guantanamo à la Française ». Le ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer a dénoncé le 22 octobre « l’islamo-gauchisme » qui fait selon lui « des ravages à l’université ». Un amendement adopté ensuite au Sénat stipule que la recherche universitaire devra désormais « s’exprimer dans le cadre des valeurs de la République », une formulation ambiguë qui fait craindre une tentative de mise au pas politique.

    Ce climat va évidemment donner confiance à l’extrême droite, y compris à ses franges les plus radicales. Quelques heures après l’attentat de Nice un jeune lié au groupe d’extrême droite Génération Identitaire a d’ailleurs été abattu par la police après avoir menacé des maghrébins au revolver. D’autre part, le 14 novembre, à Cholet, un homme est descendu dans la rue « guidé par Dieu pour agir », a grièvement blessé sa femme et tué deux personnes. Les médias nationaux ont ignoré l’affaire et la presse locale s’est bien gardée de parler d’attentat terroriste. Mais cette fois-ci, le meurtrier qui voulait punir les incroyants était catholique.

    Le mouvement ouvrier doit prendre l’initiative

    A la veille des mobilisations contre le loi Sécurité globale, un sondage de l’institut Ifop révélait que 85% des Français s’attendent à une explosion sociale dans les prochains mois dans le pays. C’est 13 points de plus que la dernière mesure réalisée en janvier 2020, alors que le mouvement contre la réforme des retraites battait encore son plein.

    La mobilisation actuelle est surtout partie des journalistes et des associations des droits humains et a rencontré un écho particulier parmi la jeunesse. Mais il est évident que la question concerne les travailleuses et travailleurs au premier plan. Les ravages sociaux de la crise économique n’en sont encore qu’à leurs débuts – et 700.000 emplois ont déjà été détruits en France au cours des six premiers mois de l’année 2020 – le renforcement de la police et de l’arsenal législatif ne vont pas tarder à viser celles et ceux qui vont entrer en lutte sur leur lieu de travail.

    Le mouvement ouvrier doit clairement imprimer la contestation sociale de sa marque, et ne pas hésiter à recourir à son arme la plus efficace : celle de la grève. Violences policières, manquements criminels dans les soins de santé et l’accueil aux personnes âgées, précarité, racisme systémique,… Les sources de colères ne manquent pas et doivent être réunies autour d’un programme qui répond au cimetière social et à la crise du système. C’est aussi la meilleure manière de combattre l’extrême droite et les fondamentalistes de toutes sortes.

    Mais il faut également développer une alternative politique. Fin octobre, l’indicateur de protestation électorale Fondapol-«Le Figaro» indiquait que 79% des électeurs envisagent un vote antisystème en 2022. Saisir ce potentiel exige de rassembler la colère autour du mouvement ouvrier en défendant un programme qui combat l’austérité et le racisme par la solidarité. La candidature de Jean-Luc Mélenchon qui vient d’être annoncée pour les présidentielles pourrait jouer un rôle dans cette direction. Sa campagne a besoin d’un programme offensif. Celui défendu par la France Insoumise en 2017 représentait une excellente tentative de souligner la nécessité d’une planification écologique et de la nationalisation de certaines parties de l’économie. Mais les défis posés par la crise économique actuelle (la pire depuis les année 1930), la crise sanitaire et la crise écologiques ne laissent pas d’autre choix que d’aller plus loin et de défendre le reversement du capitalisme.

    Tant dans la rue et les entreprises que dans les urnes, il faut s’attaquer au système capitaliste en tant que tel et populariser son remplacement par un système basé sur la satisfaction des besoins sociaux et non sur la soif de profits : une société socialiste démocratiquement planifiée.

  • Bruxelles. Rassemblement contre la Loi de Sécurité Globale

    Quelque 200 personnes ont répondu hier à un appel sur Facebook visant à se réunir à Bruxelles suite à la Loi de Sécurité globale votée en France ce 24 novembre. Au même moment, des centaines de milliers de manifestants déferlaient dans différentes rue de France pour le second week-end consécutif. C’est la lutte de masse qui a arraché nos conquêtes démocratiques, c’est par la lutte de masse que nous devons les défendre !

    Bien entendu, il n’est pas possible de parler des violences policières, de la répression et du racisme en France sans tracer le parallèle avec la situation en Belgique. C’est ce que nos militantes et militants ont fait notamment au travers du tract que nous avons distribué : Contre le racisme et les violences policières : c’est tout le système qui est coupable !

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  • Colère suite au meurtre de Samuel Paty : combattons le terrorisme par la solidarité, pas par la haine

    Ce 16 octobre, la France a été horrifiée par l’assassinat de Samuel Paty, un enseignant décapité en pleine rue par un Tchétchène de 18 ans pour avoir montré des caricatures du prophète Mohamed lors d’un cours d’éducation civique sur le thème de la liberté d’expression. En réaction, des manifestations ont eu lieu contre la haine et en solidarité avec les enseignants un peu partout en France, mais le discours raciste et islamophobe qui domine la politique française depuis des décennies profite de ce drame pour se renforcer.

    Par Tiphaine (Pologne) et Brune (Bruxelles)

    Nous partageons l’horreur ressentie en France et ailleurs à la suite de ce terrible assassinat. Cet acte immonde ne se distingue pas des attaques de drones impérialistes qui font tomber des bombes sur des familles en Afghanistan. Nous sommes en colère contre ce terroriste mais aussi contre les crapules d’extrême droite salafistes ou de l’extrême droite traditionnelle. Les salafistes veulent répandre leur idéologie de haine en instrumentalisant le racisme et l’islamophobie. De la même manière, Le Pen – mais aussi Macron – vont utiliser ce tragique événement pour répandre leur haine au sein du mouvement ouvrier.

    Une situation envenimée par les politiciens bourgeois

    Depuis des années, d’un gouvernement à l’autre, le discours officiel et les mesures racistes et islamophobes s’intensifient. Dans les médias, tout est prétexte à jeter de l’huile sur le feu, burkinis, menus à la cantine et même les prénoms des gens. Récemment, des députés ont quitté l’assemblée nationale pour protester contre la présence de la vice-présidente du syndicat étudiant UNEF Maryam Pougetoux parce qu’elle porte un voile. Pour encore envenimer les choses, le 2 octobre, Macron a annoncé un projet de loi pour “renforcer la laïcité” qui va étendre encore l’interdiction des signes et pratiques religieuses sur les lieux de travail du secteur public.

    En un sens, cela va complètement à l’encontre de l’esprit de la séparation de l’Eglise et de l’Etat et de la liberté confessionnelle. C’est à l’Etat d’être laïc, pas aux usagers et aux fonctionnaires à titre individuel. Selon le principe de laïcité, l’Etat doit garantir à chacun la liberté de conscience et de religion. Mais cela fait des années que, dans la bouche des politiciens bourgeois, “laïcité” veut tout simplement dire “anti-islam”.

    De même, on peut s’interroger sur leur notion de “liberté d’expression”, alors que la France n’est que 34ème au classement mondial de la liberté de presse par Reporter Sans Frontière. Les militants savent également ce qu’il en est de la liberté politique et de manifestation sous Macron, entre gilets jaunes éborgnés et perquisitions à la la France Insoumise.

    Les profs en première ligne

    En organisant ce cours sur la liberté d’expression et en utilisant ces caricatures comme matériel, Samuel Paty n’a fait que suivre le programme déterminé par l’Education Nationale. Le gouvernement demande aux professeurs d’aborder dans leurs cours des sujets certes essentiels, mais qu’il a préalablement minés.

    Les témoignages sont nombreux de professeurs qui se retrouvent dans des situations tendues et où la direction ne leur apporte aucune aide, si elle ne se positionne pas carrément contre eux (souvent pour les culpabiliser individuellement). Ainsi, lorsque Samuel Paty a signalé le harcèlement et les menaces dont il était victime, sa direction lui a demandé de présenter des excuses (pour avoir fait son travail comme demandé!) et n’a rien fait pour sa protection.

    Ceci est d’autant plus hypocrite que les profs sont soumis à un devoir de réserve et peuvent encourir des sanctions s’ils parlent de politique dans le cadre de leur travail. Là encore, il s’agit d’empêcher les professeurs de tenir un autre discours que celui du gouvernement, tandis qu’on leur demande de se faire le relais de la propagande officielle lors des cours d’éducation civique.

    La dégradation des conditions d’études n’est pas étrangère au désarroi et au danger physique auxquels les professeurs font face. A cause de la mise en concurrence des établissements, les directions ont intérêt à ne pas signaler les incidents pour ne pas être déclassés. Les suppressions de poste font que les enseignants ont peu de temps à consacrer à chaque élève et à établir une relation de confiance avec eux, ce qui permettrait aussi d’aider lors de situations tendues.

    Cette situation est générale dans le service public. Dans ce climat, les travailleurs du public se retrouvent exposés à des insultes et violences, voire risquent leur vie – tout ça pour être constamment traités de fainéants toujours en grève et de voir leurs salaires et emplois gelés.

    Alors qu’un travailleur vient de payer de sa vie les tensions attisées par les politiciens bourgeois, ceux-ci sautent sur l’occasion d’aller dans la surenchère. Ils imposent une narration qui veut diviser en deux camps sans nuance : soit celui de la république telles qu’ils la conçoivent, soit celui du terrorisme islamique.

    Dans les rassemblements qui ont eu lieu suite à l’assassinat de Samuel Paty, en plusieurs occasion des militants se sont fait insulter parce qu’ils représentent une position plus nuancée. La présidente de l’UNEF Mélanie Luce s’est fait traiter de “collabo” et de “traitre à la laïcité”. A Anger, une professeure membre de la CGT s’est fait huer parce qu’elle est intervenue sur la façon dont le gouvernement sous-finance les écoles publiques, ce qui favorise les écoles privées catholiques.

    Quant à Mélenchon, pour avoir participé l’année dernière à la marche contre l’islamophobie, accusé carrément de complicité de l’assassinat par Manuel Valls. Il se fait taxer d’ “islamo-gauchiste” – un terme qui montre la façon dont la droite compte utiliser cette vision binaire de la situation pour son propre agenda politique.

    Sur les plateaux télés, les politiciens de droite rivalisent d’idées pour augmenter la répression, comme de rétablir le bagne ou le service militaire. Darmarin, ministre de l’intérieur, a annoncé vouloir expulser “231 personnes en situation irrégulière et suivies pour soupçon de radicalisation” – mais il ne va pas s’arrêter là; ce prétexte va servir à mieux faire accepter les expulsions en général.

    Tout cela ne fera qu’empirer encore la situation dans les classes. Les professeurs continueront à subir des tensions sociales exacerbées, mais également les effets des politiques d’austérité sur leurs conditions de travail. Les deux phénomènes sont les deux face de la médaille de la politique française de toute cette période : l’appauvrissement des services publics et le chômage de masse crée le terreau de la haine et des discriminations, qui en retour permettent de faire accepter des années d’austérité par le jeu du “diviser pour mieux régner”.

    C’est pourquoi nous pensons qu’il est important que l’élan de solidarité des professeurs pour leur collègue assassiné et de la classe ouvrière solidaire se distingue du discours du gouvernement et de l’élite en appelant à l’unité des travailleurs contre le terrorisme, le racisme et l’austérité. Il est regrettable que Jean-Luc Mélenchon se soit prononcé pour “l’unité nationale” avec la droite. Il a été jusqu’à appeler à davantage de répression, et à davantage de contrôle et des expulsions dans la communauté tchétchène. Même Darmarin a dit que Mélenchon était trop à droite!

    La sécurité est illusoire dans un cimetière social

    Le cimetière social est présent dans un contexte de précarité grandissante, de crise économique, sociale, environnementale – aggravé avec la période covid – et ne permet pas de donner les opportunités à chacun, dans une société en paix. Les tensions augmentent avec l’aggravation des crises. L’exclusion sociale est ainsi de plus en plus visible.

    L’assassin de Samuel Paty, Abdoullakh Anzorov, était arrivé en France il y a 10 ans à l’âge de 8 ans. Au lieu de se demander si son père aurait dû obtenir ou non le statut de réfugié, on pourrait se demander comment en 10 ans, la France, 6ème puissance économique mondiale, qui se vante de son école républicaine soi-disant égalitaire, n’a pas réussi à convaincre un adolescent qu’il y avait de meilleures perspectives dans cette société que cette attaque aussi horrible que suicidaire.

    Quelques jours avant les attentats de Bruxelles, la sociologue Sarah Bracke a, dans les pages du quotidien flamand De Standaard (le 19/09), abordé la marginalisation et la déshumanisation systématiques de groupes de la population dans les quartiers pauvres du pays, des quartiers qui comprennent de nombreux migrants : «Et la déshumanisation porte en elle la violence. En premier instance une violence symbolique, mais qui peut rapidement devenir une violence physique.»

    Le gouvernement français – mais aussi belge – mine notre sécurité en économisant sur la sécurité sociale, les conditions de travail et les salaires. Cela conduit à la multiplication des conflits et des tensions sociales dans la société. Les réactionnaires de tous poils – populistes, salafistes, racistes, fascistes… – y trouvent un terrain fertile. Tout comme le gouvernement, ils veulent eux aussi étrangler notre opposition politique et syndicale collective.

    Ainsi, ’idée d’être en ‘sécurité’ devient de plus en plus illusoire avec la destruction des services publics, les coupes budgétaires, le gel des salaires, justifiés par les gouvernements comme des économies nécessaires afin de relancer l’économie.

    Chaque travailleur sait pertinemment que la sécurité en milieu de travail exige d’investir dans l’infrastructure et les conditions générales de travail pour prévenir le stress et d’autres problèmes de santé. Nos quartiers et la société ne sont pas différents.
    Impérialisme

    Samuel Paty, mais aussi les victimes des attentats en France, en Belgique, et ailleurs n’ont en réalité pas été protégé par l’Etat, qui déploie pourtant des ressources considérables pour sa ‘guerre contre la Terreur’. C’est pourtant par la “protection des concitoyens” que sont justifiées les interventions impérialistes en Afghanistan, en Lybie, en Irak, en Syrie, au Sahel…

    Ces interventions sont également des points de ‘radicalisation’. Les interventions des impérialismes américain et britannique ont joué un rôle décisif dans le développement des organisations fondamentalistes, dont Al-Qaïda et l’Etat Islamique. Ces organisations ont prospéré dans la destruction des infrastructures des pays attaqués. Le vide social, l’absence de réponse du mouvement ouvrier atomisé dans ces pays a été comblé par les forces fondamentalistes.

    Les tensions sociales et l’extrême droite en augmentation, mais la résistance sociale aussi

    La crise covid, la crise économique, les guerres…Toutes ces tensions ne vont pas s’améliorer dans la période à venir. Les discours islamophobes de soi-disant experts ne vont que renforcer ces tensions, et provoquer des attaques à caractères racistes. On a très vite vu suite à l’assassinat de Samuel Paty des exemples de cela, notamment l’attaque de deux femmes qui se sont fait poignarder et on subi des insultes racistes alors qu’elle se promenaient dans le quartier de la Tour Eiffel.

    On va également voir l’extrême-droite, et notamment le Rassemblement National de Marine Le Pen se frotter les mains et capitaliser un maximum sur l’affaire de Samuel Paty.

    Le mouvement des travailleurs, les syndicats, les organisations de la classe des travailleurs doit se préparer dès maintenant à une montée des idées d’extrême-droite et une normalisation toujours plus poussée de ce genre d’idées nauséabondes. Ce n’est qu’en proposant un vrai programme face au cimetière social et à la crise du système que l’on pourra empêcher l’extrême droite et les fondamentalistes de toutes sortes de prospérer.

    Ces dernières années en France la mobilisation sociale a été massive, gilets jaunes, lutte contre la réforme de retraite, la santé en lutte, lutte des sans-papiers… Tous ces exemples montrent le potentiel incroyable de luttes sociales qui existe en France.

    C’est dans la rue, et tous unis contre les divisions de la classe dominante que nous pourrons remplacer la haine et la division par la solidarité. Mais à terme, c’est tout ce système capitaliste qui est coupable. Coupable des oppressions qu’il génère, coupable des crises économiques et sociales, et un terreau qui voit l’extrême droite et sa pourriture y croître, et des attaques terribles comme celle qu’a subi Samuel Paty. Il est plus que temps de le remplacer par un système reposant sur la satisfaction des besoins sociaux et non sur la soif de profits; une société socialiste démocratique.

  • France : Une victime d’abus sexuels s’exprime

    Déclaration introductive de l’Exécutif International d’ASI

    Au cours des dix dernières années, des mouvements massifs contre la violence sexiste et le harcèlement des femmes ont ébranlé le monde. #Metoo a participé à cette évolution en mettant en lumière la façon dont les hommes au pouvoir, quelle que soit leur position, utilisent leur pouvoir pour s’imposer aux femmes et la façon dont les femmes doivent souvent l’accepter pour conserver leur emploi, leur position et leurs opportunités de carrière. Ce n’est pas nouveau, cela fait partie inhérente de toute société de classe. Mais le mouvement des femmes qui vient de se réveiller montre à quel point la conscience a changé, la nouvelle génération de femmes disant ou plutôt criant : nous n’acceptons plus cela !

    Avec les années 80 a commencé une période où le post-féminisme était dominant, où l’on disait que l’oppression structurelle et la discrimination des femmes n’existaient plus. Si les femmes ne “réussissaient” pas dans la société, c’était à cause des choix qu’elles faisaient. Les bas salaires étaient dus à de mauvais choix d’études. Le travail à temps partiel était dû au fait que certaines femmes choisissaient de faire passer leur famille avant leur carrière, ce qui entraînait alors de faibles retraites. La violence conjugale existait, mais les femmes “n’avaient qu’à s’en aller”. Le sexisme était un sujet de plaisanterie, et si vous ne trouviez pas cela drôle, vous étiez un rabat-joie. Dans cette période de post-féminisme, la lutte féministe a beaucoup ralenti, il ne restait plus que la lutte de quelques femmes pour obtenir des postes élevés en politique, dans les entreprises, dans toutes sortes d’organisations.

    Ce tableau a heureusement été brisé par une décennie de lutte des femmes, qui a eu de plus en plus d’effet sur toutes les luttes dans la société et a contribué à faire avancer la conscience de la classe ouvrière sur la nécessité de lutter contre l’oppression des femmes. Il n’est pas étonnant que les femmes, et surtout les jeunes femmes, soient à l’origine d’un grand nombre des révoltes que nous avons connues ces dernières années. De nombreuses sections de l’ancien Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO, aujourd’hui Alternative Socialiste Internationale – ASI) ont pris part à ces mouvements de femmes, ont souvent été parmi les plus actives dans la rue, toujours avec un programme qui remettait en cause le système capitaliste en tant que coupable du sexisme structurel dans tous les aspects de la vie.

    Mais alors que ces sections ont mis sur pied des campagnes impressionnantes – en Irlande, au Brésil, en Russie, en Belgique – et que de nombreuses autres sections ont fait d’excellentes interventions chaque fois que ces questions se sont posées dans leur pays, la direction quotidienne du CIO, le Secrétariat International, ne s’est jamais impliquée. Au mieux, ils n’étaient pas intéressés, au pire, ils conseillaient activement aux sections de se tenir à l’écart de ces mouvements. Il n’y a pas eu de coordination internationale du travail sur les questions féminines, aucune tentative n’a été faite pour élever les expériences des sections qui ont développé une approche féministe socialiste au niveau international. Absente du nouveau mouvement des femmes, le SI a développé une vision politique de plus en plus “économiste” des questions du sexisme ou d’autres formes d’oppression. L’économisme signifie que vous défendez les luttes des femmes sur les salaires, les conditions de travail, les services publics, etc, mais que vous ne faites pas campagne contre le sexisme dans la société car cela serait “diviseur pour la classe ouvrière”.

    Ce concept est totalement faux. L’oppression des femmes et l’oppression de classe sont liées. Le sexisme divise la classe ouvrière. Le féminisme bourgeois ou institutionnel est également source de division car sa “solution” n’est que la féminisation de l’élite, ne changeant rien ou presque pour les couches plus larges de la société, demandant souvent aux hommes travailleurs de renoncer à leurs “privilèges”, c’est-à-dire un emploi à plein temps avec un contrat stable, des pensions décentes, etc. non pas pour améliorer la situation des travailleuses mais pour aligner les conditions vers le bas. Une véritable réponse socialiste à cette situation n’est cependant pas d’ignorer le sexisme, mais de le combattre avec une approche féministe socialiste, en exigeant que ces droits deviennent des droits pour tous les travailleurs et en luttant contre toute forme d’oppression. C’est l’approche développée par nombre de nos sections au cours de la dernière décennie, une approche qui s’inscrit dans les meilleures traditions du mouvement ouvrier et qu’ASI s’efforce de faire revivre. Pour ce faire, au sein même de l’Internationale, une rupture avec l’ancienne direction du CIO s’est avérée nécessaire. Cela s’est manifesté ouvertement dans la lutte de fraction, dans laquelle la question du mouvement des femmes et d’autres mouvements contre l’oppression était une question centrale, qui a conduit à la scission d’une minorité autour de l’ancienne direction en 2019. Cette dernière est partie et nous avons renommé l’Internationale “Alternative Socialiste Internationale” (ASI). Depuis la scission, un Bureau Femmes International a été créé et élu lors du Congrès mondial. Ce Bureau a joué un rôle essentiel dans le lancement de Rosa – International Socialist Feminists comme campagne internationale, en organisant une première grande réunion internationale des femmes en avril et quatre sessions sur les questions de l’oppression des femmes et des LGBTQI+ lors de notre Université Marxiste Virtuelle en juillet.

    En tournant la page, ASI fonde son approche sur les meilleures expériences et pratiques des sections qui ont fait un travail considérable contre le sexisme et l’oppression des femmes et qui ont mis en place des pratiques internes de lutte contre le sexisme dans leurs rangs. Nous comprenons que le sexisme fait partie intégrante de la société capitaliste dans laquelle nous vivons. En créant des organisations qui luttent contre le système à tous les niveaux et en adoptant une approche de tolérance zéro à l’égard des comportements discriminatoires, nous comprenons que nous ne pouvons pas exclure que les membres puissent avoir des attitudes sexistes, car nous avons tous grandi avec ces attitudes. Mais si nous ne pouvons pas être responsables de chaque acte de chaque membre, nous sommes responsables de l’éducation donnée à nos membres sur ces questions et de l’atmosphère dans nos partis. Nous sommes également responsables de la manière dont nous traitons les plaintes pour comportement sexiste à l’encontre de nos membres. C’est pourquoi le Bureau International Femmes travaille actuellement sur une proposition de lignes directrices internationales pour la lutte contre le sexisme dans nos propres rangs, qui sera discutée dans les organes dirigeants d’ASI et dans toutes les sections, afin d’utiliser pleinement les nombreuses bonnes pratiques et politiques développées dans nos sections pour adopter une approche commune.

    C’est dans ce cadre que nous avons discuté d’un cas horriblement mal géré, remontant à 2012 – 2013, de harcèlements et de violences sexuelles graves qui se sont produits dans la section française du CIO de l’époque, aujourd’hui une section du “CIO refondé”, en fait la minorité qui s’est séparée de ce qui est maintenant ASI. Dans le même temps, un ancien membre du CIO a lancé une campagne individuelle en France afin de dénoncer et de faire honte à l’auteur de ces actes, une figure dirigeante de la section d’alors et d’aujourd’hui.

    Malheureusement, cet ancien membre a porté cette affaire dans le domaine public contre les souhaits exprimés par la principale victime. Cela met une pression insupportable sur la victime qui n’a aucun contrôle sur ce qui est dit publiquement de son affaire. Bien que nous traitions ces affaires avec la plus grande discrétion, en protégeant la vie privée des victimes, dans ce cas, nous sommes d’accord avec la victime pour dire qu’une réponse politique, non pas de la part de tiers, mais de la part de la victime elle-même, est plus que justifiée.

    Nous sommes honorés du fait que T, la principale victime de ces abus, reste une membre actif d’ASI. Sa déclaration suit ci-dessous.

    L’exécutif international de l’Alternative socialiste internationale (ASI)

    Depuis mi-juillet 2020, une campagne publique (“ARV Justice”) de dénonciation de viol et harcèlement sexuel survenus à la Gauche Révolutionnaire (GR), la section française du CIO de l’époque des faits et du “CIO refondé” d’aujourd’hui, a été lancée par un ancien membre de cette organisation. En tant que principale victime des actes dénoncés, je me trouve dans le droit, mais aussi malgré moi dans l’obligation, de réagir publiquement.

    Tout d’abord, je tiens à souligner que je ne suis pas à l’origine de cette campagne, et que la personne qui la mène ne m’a demandé ni mon accord ni mon avis, ni sur le fond de la campagne ni sur sa forme. J’ai explicitement demandé à cet ex-membre d’arrêter, mais il a refusé.

    Il s’agit d’actes commis entre 2008 et 2012 par A, un dirigeant de la GR. Lors d’une commission d’enquête interne, il a reconnu les faits décrits par différentes jeunes femmes, tout en niant que son attitude posait problème et en refusant le terme “viol”. Suite au rapport d’enquête, et après une longue discussion, la direction de la GR a voté d’accepter le terme de “viol” pour qualifier ce qui s’est passé et a exclu A. pendant un an. Cette durée est ridicule par rapport aux actes commis et les demandes des victimes n’ont jamais été prises en compte. Cela a été rendu possible par un énorme manque de conscience féministe au sein de la GR, grâce au soutien du Secrétariat International du CIO, en cachant la nature des faits au reste de l’Internationale, et par des méthodes d’intimidation et de démoralisation de la part des alliés de A. envers les victimes et ceux qui les soutenaient, ce qu’on appelle souvent le “second viol”.

    Il y a quelques années, le mouvement #MeToo a vu de nombreuses femmes dénoncer publiquement les viols, le harcèlement et autres actes sexistes dont elles sont victimes. Comme la majorité du mouvement ouvrier, je me suis réjouie de ce que ce mouvement permettait : que la honte change de camp, que les femmes réalisent qu’elles ne sont pas seules face à ce genre de problèmes, mais que ceux-ci soient discutés collectivement.

    La tâche des socialistes, à mon avis, est de politiser cette question, de montrer le lien entre le sexisme et la société de classe, d’amener cette question sur les lieux de travail et d’utiliser Metoo pour combattre le sexisme au sein des organisations du mouvement ouvrier. Car le mouvement ouvrier n’existe pas en dehors de la société. Il est soumis à la pression de la société capitaliste et si nous ne combattons pas activement le sexisme, le racisme, l’homophobie et d’autres formes d’oppression, ceux-ci existeront au sein de nos organisations et seront non seulement un danger pour les membres qui en sont victimes, mais aussi un frein à la lutte contre le capitalisme.

    Pour les marxistes, l’oppression des femmes trouve son origine dans la division de la société en classes et n’est pas séparée de l’oppression des travailleurs en général. Le capitalisme a hérité l’oppression des femmes des anciens systèmes de classe et l’a accommodée dans son propre intérêt : les femmes constituent un réservoir de travailleurs moins bien payés parce que leur salaire était souvent considéré comme un revenu supplémentaire dans la famille, et elles effectuent des travaux domestiques non rémunérés mais essentiels pour la société. La classe capitaliste utilise le sexisme pour “diviser pour régner” et maintenir sa domination. Il n’est pas possible pour la classe ouvrière de gagner sa bataille historique contre la classe capitaliste si elle se laisse infecter par le sexisme. L’émancipation des femmes et celle de la classe ouvrière font donc partie du même processus.

    Une erreur cruciale du “CIO refondé”, dont fait partie la GR, est de considérer que ce sont précisément les luttes féministes, et non le sexisme, qui divisent la classe ouvrière. Pour eux, les femmes devraient se taire sur le sujet de l’oppression, à moins qu’elle ne puisse être très directement liée aux intérêts évidents des capitalistes, comme l’écart salarial entre les sexes ou les coupes dans les services publiques. D’après eux, une femme qui se plaint du sexisme s’aliène la solidarité des hommes de la classe ouvrière. Sans qu’ils s’en rendent compte, c’est en fait une insulte à la classe ouvrière, qu’ils considèrent comme sexiste par essence et incapable d’évoluer sur ce point (ils ont une attitude similaire et encore plus flagrante sur la question de la transphobie).

    À l’époque de Metoo, j’ai choisi de ne pas dénoncer publiquement les actes dont j’ai été victime au sein de la GR. L’important pour moi était de changer les choses au sein du CIO afin qu’une telle chose ne puisse plus se produire. J’étais convaincue que les choses allaient dans la bonne direction avec les campagnes féministes socialistes de ROSA en Irlande et en Belgique et le travail féministe qui se développait dans de nombreuses autres sections. Je pensais qu’à mesure que les débats sur la lutte contre le sexisme progresseraient, la conscience féministe changerait au sein du CIO au point que la GR, une secte sexiste irrécupérable à mon avis, disparaîtrait de l’Internationale.

    Ces dernières années, la direction du CIO n’a pas compris l’importance du mouvement féministe et de ses nouveaux enjeux, et n’a pas été en mesure de faire face aux tâches qui auraient dû être celles d’une direction révolutionnaire. Au contraire, le Secrétariat International du CIO et une minorité de ses membres se sont enfermés dans une approche économiste du féminisme et ont rejeté toutes les nouvelles questions relatives au féminisme en les qualifiant de « politique d’identité ». C’est l’un des aspects qui a conduit à la scission du CIO en 2019, entre Alternative socialiste internationale (ASI) dont je suis membre, d’une part, et le CIO refondé (regroupement autour de l’ancien Secrétariat International, dont la GR fait maintenant partie), d’autre part.

    En tant que membre d’ASI, je salue le travail qui a été accompli par ASI depuis la scission pour construire la campagne ROSA, pour la création d’un Bureau Femmes International et pour le développement d’une politique internationale contre le sexisme au sein de l’organisation. L’affaire de la GR a depuis lors été rediscutée et la direction internationale d’ASI a invalidé la décision de réintégrer A. prise par le CIO à l’époque.

    Si je suis satisfaite des mesures prises par ASI, il est vrai que je n’ai pas eu gain de cause devant la justice française. Mais de quelle “justice” parlons-nous ?

    En septembre 2019, Sandra Muller, l’initiatrice du hashtag balancetonporc, a été condamnée à verser 20 000 euros à la personne qu’elle avait accusée publiquement de harcèlement, Eric Brion, alors même que celui-ci avait reconnu les faits reprochés.

    Sandra Muller a été condamnée à verser bien plus que les dédommagements qu’une femme peut obtenir en portant plainte pour des faits de sexisme, et on n’a encore vu aucune condamnation pour les insultes et menaces de morts reçues par les femmes qui ont utilisé les hashtags metoo et balancetonporc.

    Il est complètement illusoire de penser que le système judiciaire actuel a pour mission d’apporter justice aux personnes victimes d’oppressions spécifiques. C’est un système où une élite applique les lois élaborées par une autre couche de l’élite. Par les luttes féministes (et contre les autres formes d’oppression), nous pouvons faire évoluer ces lois en faveur des opprimés. Mais leur application restera sujette à une interprétation teintée des préjugés dominants, qui vont jouer en faveur de l’oppresseur, et par des magistrats issus et représentants de la couche dominante (à de rares exceptions).

    De plus, tout l’enjeu des procès est de savoir si l’accusé est coupable ou non et ce que la société va faire de cette personne. Les victimes n’obtiendront une réparation que dans de très rares cas et après une procédure longue et éprouvante. Le manque de moyens dans les services publiques rend difficile l’obtention d’une aide psychologique gratuite. Ce sont les proches ou des associations de victimes qui les aideront tant bien que mal à se reconstruire.

    Il faut rompre avec cette “justice” pour en instaurer une dont la mission première serait la lutte contre l’oppression et l’exploitation, avec des magistrats élus et formés à reconnaître et combattre les violences faites aux femmes mais aussi les violences racistes et homophobes.

    Nous avons également besoin d’embauches et de financement dans les services publiques pour entre autre l’accès gratuit à une aide psychologique, des infirmièr(e)s scolaires accessibles dans chaque école et des cours d’éducation sexuelle incluant la notion de consentement. Les revendications d’un emploi et d’un logement pour tous sont aussi essentielles pour permettre aux femmes de ne pas rester coincées dans des relations abusives pour des raisons économiques.

    Peu après avoir dénoncé AR dans la GR, j’ai porté plainte sans grand espoir qu’il y ait une condamnation, puisque je n’avais pas de preuves matérielles, que plusieurs années s’étaient écoulées, et à cause du caractère même du système judiciaire développé plus haut. Je l’ai fait avant tout pour que d’éventuelles futures victimes puissent s’appuyer sur cette première plainte.

    Le procureur a décidé de ne pas engager de poursuites et je n’ai pas pris l’initiative de me constituer partie civile. Cela aurait demandé énormément de temps, d’énergie et de moyens que je préfère consacrer à la lutte féministe socialiste collective qu’à une bataille juridique individuelle.

    Néanmoins, la personne derrière “ARV justice” a intentionnellement provoqué AR et ses alliés à le poursuivre en diffamation, ce qu’ils ont fait – comment auraient-ils pu ne pas le faire sachant qu’une de ces personnes est une élue locale? Ce qui veut dire que mon affaire de viol va effectivement être discutée au tribunal, mais avec le violeur dans le rôle de plaignant !

    Outre de ne pas avoir demandé l’accord des victimes pour utiliser leur histoire publiquement, sorte de metoo-forcé, et de n’être d’aucune utilité à la lutte féministe socialiste, la campagne de dénonciation ARV donne des munitions aux ennemis du mouvement ouvrier. Ils peuvent très bien s’emparer de cette histoire et la généraliser à toutes les organisations de gauche, y-compris celles qui se battent activement et sincèrement contre le sexisme.

    Depuis des années, je lutte pour surmonter la démoralisation et le dégoût que m’inspirent la GR et le Secrétariat International du CIO-refondé, pour continuer à construire une internationale socialiste où défendre mes idées et militer pour le socialisme et pour la fin de toutes les formes d’oppression. Loin de m’apporter la moindre « justice », cette campagne foule au pied mes efforts en permettant que mon histoire soit utilisée contre le mouvement ouvrier socialiste dont je fais partie, au lieu que celle-ci, comme je le souhaite, soit utilisée pour tirer des leçons pour l’avenir.

    J’appelle toutes les personnes qui ont été alarmées par cette campagne à lutter contre le sexisme dans les organisations politiques et syndicales dont elles font partie, sur leurs lieux de travail et dans leurs écoles, et à toujours être vigilants à ce que les cas de sexisme ne soient pas utilisées à l’encontre de ce pour quoi luttent les victimes sans leur consentement, ce qui constitue un « troisième viol ».

    T, principale victime

  • Crise du coronavirus : Macron et la guerre… des classes

    Le 16 mars dernier, le président de la République française, Emmanuel Macron, déclarait, lors de son allocution télévisée que la France était «?en guerre?» contre le coronavirus (Covid-19). C’était la deuxième fois en cinq jours que Macron prenait la parole sur ce sujet. Le 12 mars, il avait énoncé la nécessité d’«?interroger le modèle dans lequel s’est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses failles au grand jour?». On aimerait pouvoir dire que nous sommes d’accord avec le président. Mais encore faut-il s’entendre sur le modèle dont il est question et sur ce qu’il faut améliorer. Dans la suite de son allocution, il a également évoqué l’importance de la solidarité nationale pour défendre l’État providence «?quoiqu’il en coûte?», car, nous dit-il, «?il est des biens trop précieux pour les soumettre à la logique des marchés?»… Macron a-t-il eu une révélation soudaine?? Rien n’est moins sûr.

    Par Jeremy (Namur)

    Avec de telles prises de parole publiques, le président se croit peut-être en campagne pour le plébiscite des Français. Mais comme pour tous les aspects de la gestion de la crise, il est en retard. La campagne présidentielle qui l’a porté au pouvoir est en effet arrivée à son terme voilà près de 3 ans. Si l’on ajoute ses années passées à la tête du ministère de l’Économie sous la présidence de François Hollande, Macron a largement eu le temps de donner à voir les effets de son programme politique. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il ne va pas dans le sens de la défense de l’État providence?!

    Une gestion de la crise sanitaire désastreuse

    Peu de temps après la dernière allocution de Macron, le gouvernement Philippe a mis en place une série de mesures sanitaires pour limiter la propagation de l’épidémie. D’abord limitées, ces mesures ont ensuite été durcies au motif que les gens ne respectaient pas suffisamment les consignes. Désormais, toute personne qui quitte son domicile doit être munie d’une attestation adéquate imprimée et complétée au préalable. Dans les jours qui ont suivi cette mesure, on a immédiatement pu observer une différence significative dans l’attitude des policiers chargés de contrôler ces attestations suivant que les contrôles se tenaient dans des banlieues populaires ou dans les quartiers huppés de la capitale. Les contrevenants étant gratifiés d’une amende de 135 €. Les médias ont alors beaucoup écrit sur l’indiscipline des Français et leur manque d’obéissance aux règles sanitaires. On évoque à présent un nouveau durcissement de ces règles avec des amendes alourdies et de possibles peines de prison pour les contrevenants.

    Mais les raisons de ce manque de discipline sont très certainement à trouver dans les messages contradictoires adressés par l’exécutif. En effet, le 7 mars dernier à peine, le président Macron et sa femme passaient la soirée au théâtre pour «?inciter les Français à sortir malgré le coronavirus?». Le 11 mars, le même déclarait, à l’occasion de la première journée nationale d’hommage aux victimes du terrorisme, «?nous ne renoncerons à rien […] surtout pas aux terrasses, aux salles de concert, aux fêtes de soir d’été.?» S’il est vrai que ces propos ont été depuis sortis de leur contexte, on a déjà pu voir meilleur sens du timing… Mais le fiasco ne s’arrête pas là, car malgré la mise en place des premières mesures de confinement et contre l’avis de nombreux experts de la santé et administrations locales, l’exécutif a décidé de maintenir les élections municipales du 15 mars. Et il faut encore ajouter à toute cette cacophonie le manque de coordination entre la communication du président et celle de ses ministres, qui ont égrené les chaînes d’infos à coup d’annonces souvent contradictoires entre elles. Comme lorsque le ministre de l’Éducation Blanquer affirmait que les écoles resteraient ouvertes avant d’être contredit le soir même par Macron lors de son allocution. Sans oublier la contradiction la plus importante : la décision de maintenir le travail dans les secteurs non essentiels de la production. Le comble du ridicule a certainement été atteint ce 24 mars quand le ministre de l’Agriculture a invité les «?inactifs?» à se rendre utiles directement dans les champs auprès des agriculteurs.

    Le plus gros aveu de la désorganisation au sommet de l’État français est venu des déclarations de l’ex-ministre de la Santé, Agnès Buzyn, ayant remplacé depuis au pied levé le candidat macroniste Benjamin Griveaux dans la course à la mairie de Paris. Après son abandon au terme du premier tour des élections municipales, Buzyn s’est confiée au quotidien Le Monde auquel elle a déclaré « J’ai alerté le directeur général de la santé. Le 11 janvier, j’ai envoyé un message au Président sur la situation. Le 30 janvier, j’ai averti Édouard Philippe que les élections ne pourraient sans doute pas se tenir. » Ses collègues de la majorité ont depuis tenté de nuancer ses propos. Reste qu’une ministre de la Santé qui quitte son poste en pleine épidémie pour briguer un mandat électoral local ne correspond pas exactement au niveau de sérieux qu’on est en droit d’attendre en temps de crise. Surtout quand cette ministre a passé l’essentiel de son temps à casser l’hôpital public.

    Un autre grand objet de scandale concerne l’approvisionnement en masques de protections. La communication de l’exécutif sur ce sujet a été catastrophique?! On a d’abord entendu que les masques ne servaient à rien, une affirmation rapidement démentie par les statistiques d’endiguement de la Chine, de la Corée qui ont montré leur utilité lorsque leur usage était généralisé. La porte-parole du gouvernement et le Premier ministre ont alors prétendu que leur port n’avait pas été recommandé par la population, car, compliqué à comprendre par les non-médecins… Après investigations, il s’est en réalité avéré que cette série de déclarations officielles visait à cacher une vérité un peu plus honteuse pour l’exécutif, à savoir le fait que la France avait abandonné la pratique du stockage préventif de masques héritée de l’épidémie de grippe H1N1, après avoir estimé, en 2013, qu’il était préférable d’avoir recours à la production chinoise… qui est très rapidement et assez logiquement arrivée à saturation au début de l’épidémie de Covid-19. Une amère leçon d’(in)efficacité du marché donnée au très libéral gouvernement Macron dont on aurait préféré qu’il fasse ses classes à un moment moins critique. Mais là où ce gouvernement n’a pas l’excuse de l’ignorance, c’est dans son retard de plus d’un mois pris pour relancer la production de masques sur le territoire national quand il s’est rapidement avéré que l’achat à l’étranger ne serait pas possible.

    Mais le manque de préparation et l’amateurisme dans la classe dominante française ont des origines encore bien plus sérieuses dont les conséquences pourraient s’avérer tragiques dans les jours à venir.

    Un lourd passif : la destruction du système de santé publique

    Parmi les pays ayant eu droit à leur cure d’austérité lors de ces dernières années, la France ne fait certainement pas exception. Dans la déclaration de l’Exécutif international d’Alternative Socialiste Internationale (ASI) « La Récession Coronavirus a commencé » (19 mars 2020), nous indiquions que le nombre de lits d’hôpitaux par 10 000 habitants en France était passé de 110 à 65 entre 1981 et 2013 alors que la demande de soins de santé n’a cessé de croître dans l’intervalle. Comme l’ont répété certains commentateurs bourgeois, cette diminution est en partie explicable par l’évolution des techniques de médecine avancée qui impliquent des séjours en hospitalisation plus courts (ce qui est heureux). Néanmoins, si l’on regarde plus précisément l’évolution depuis 2003 représentée sur le graphique repris ci-dessous basé sur les données de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES, organisme d’État), on peut observer une nette diminution de la capacité de soins de longue durée autour de 2007-2010 qui n’est pas explicable par la seule évolution des techniques de soin. En revanche, cette chute coïncide parfaitement avec la crise financière de 2007-2008 et l’introduction des politiques de «?rationalisation des coûts?» (sic) qui a suivi. Cette tendance a été encore renforcée par la suite avec pour résultat une privatisation accrue du système de santé français et pour objectif de faire du secteur privé «?la locomotive du virage ambulatoire?» (1). La mise en place des mesures d’austérité a également eu un effet explosif sur la dette de l’hôpital public qui a triplé entre 2008 et 2018 pour atteindre 30 milliards d’euros?! Un montant gigantesque qui étouffe les possibilités de réaliser les investissements nécessaires dans ce secteur et qui est employé par la bourgeoisie comme un argument supplémentaire pour poursuivre sa politique de réduction des dépenses. Cette logique mortifère est sans fin… jusqu’à l’entrée en lutte des travailleurs et des travailleuses de la santé?!

    Au-delà des statistiques, la meilleure façon pour l’exécutif français de mesurer les effets de cette casse de l’hôpital public eut encore été de prêter l’oreille aux mouvements de masse qui ont explosé dans tout le secteur depuis des années?! En 2019, des membres du personnel de santé ont totalisé jusqu’à 9 mois de grève avec près de 300 services d’urgence mobilisés au plus fort du mouvement rejoint par tous les syndicats du service public (CGT, FO, CFDT…). Ils protestaient contre l’assèchement des finances et leurs effets au cri de : «?L’État compte ses sous, bientôt on va compter nos morts?», un slogan qui se révèle cruellement prophétique aujourd’hui. De nombreux médecins sont allés jusqu’à démissionner par protestation en indiquant qu’ils ne voulaient pas être rendus complices de la mort de patients qui aurait pu être évitée s’ils avaient pu recevoir les moyens de faire correctement leur travail. On a pu entendre ces médecins démissionnaires décrire l’aliénation qu’ils subissaient dans leur métier à se voir transformés progressivement de soignants en «?bed-managers?» chargés non plus de prendre soin de leurs patients, mais de «?vendre du lit?». L’introduction de cette logique managériale néo-libérale a aussi eu des conséquences dramatiques sur la santé de l’ensemble du personnel soignant chez qui on a pu constater une forte hausse du taux de suicide ces dernières années. En 2017, une enquête de l’association Soins au personnel de Santé (SPS) révélait qu’un soignant sur quatre avait déjà pensé sérieusement au suicide, toutes activités confondues (2). En moyenne, chaque professionnel de santé rapporte environ 2,5 tentatives dans son entourage, dont la moitié a abouti à un décès. Rappelons également que la France est un des rares pays développés où le salaire des infirmiers est inférieur au salaire moyen de la population et en dessous de la moyenne de l’OCDE (27ème place au classement).

    Le gouvernement a beau jeu de se joindre aux témoignages de solidarités qui ont éclos spontanément dans la population, alors qu’en 2018 Macron répondait aux demandes de moyens du personnel de santé en déclarant qu’il n’y a «?pas d’argent magique?» avant que son ministère de la santé supprime plus de 4.000 lits supplémentaires la même année.

    Et maintenant??

    La grande majorité de la population a très bien compris les causes profondes de la crise sanitaire que nous traversons actuellement. Lors du rendez-vous désormais quotidien, des Français à leurs fenêtres pour applaudir les soignants à 20 h, on a pu entendre parfois le slogan «?Du fric pour l’hôpital public?!?»

    L’opposition parlementaire, emmenée notamment par le mouvement La France Insoumise (LFI) et le Parti communiste Français (PCF), appelle à présent le gouvernement à prendre les mesures qui s’imposent et lancer un «?plan de mobilisation sanitaire?» incluant notamment la réquisition des entreprises qui ont la capacité de produire des respirateurs pour les personnes en soins intensifs et des masques en quantité suffisante. Un exemple faisant écho à cette demande : les anciens salariés de l’entreprise Luxfer, près de Clermont-Ferrand, qui fabriquait jusqu’en 2018 des bonbonnes d’oxygène pour l’usage médical avant d’être délocalisée pour motifs économiques, sont déjà prêts pour relancer la production. Devant l’urgence, les travailleurs et les travailleuses du secteur privé de la santé ont également réclamé que leurs cliniques soient réquisitionnées. Les exemples de telles mobilisations de la classe ouvrière ne manquent pas.

    La planification de la production est évidemment la meilleure chose à faire. Mais le gouvernement vivote, tergiverse et perd du temps. Au lieu de prendre les choses en main, celui-ci met en avant les initiatives du secteur privé, comme celle du groupe LVMH de Bernard Arnault qui a réorienté une partie de sa chaîne de fabrication de parfums de luxe vers la production de gel hydroalcoolique en quasi-pénurie dans tout le pays s’offrant au passage un joli coup de pub en échange du travail de ses salariés qui sont la seule vraie force à l’œuvre derrière cette démonstration de «?philanthropie?» de la première fortune de France. C’est que de son côté, le gouvernement est déjà occupé à gérer une autre urgence.

    Pour Macron et sa clique, l’urgence est avant tout économique

    Parmi les directions évoquées lors des prises de parole publiques de Macron et de son gouvernement dans les premiers temps de la crise, on a d’abord pu voir une tentative de séduction de l’opinion, comme dans l’appel repris plus haut à «?revoir le modèle social?». On s’est immédiatement mis à parler de (re) nationalisations de grandes entreprises (mais où il est question de socialiser les pertes d’entreprises en difficultés en les rachetant pour les privatiser ultérieurement), la dernière réforme des retraites, passée en force dans ces dernières semaines, a été suspendue jusqu’à nouvel ordre, ainsi que la dernière réforme de l’assurance chômage.

    Par la suite, l’exécutif français a largement démontré que sa première priorité n’était pas la santé de sa population en s’empressant de voter une loi baptisée «?urgence coronavirus?». Cette loi scélérate votée définitivement le 20 mars dernier entend revenir sur des conquêtes sociales majeures comme la semaine de 35 heures et les congés payés en autorisant le gouvernement à légiférer par ordonnance directement en ce qui concerne le droit du travail. Alors que le nom de cette mesure vise à la présenter comme un outil de gestion exceptionnel de l’urgence sanitaire, il n’a été inscrit aucun délai permettant de la limiter dans le temps?! La ministre du Travail, Muriel Pénicaud a indiqué que cette nouvelle loi avait essentiellement pour but de permettre au gouvernement d’imposer aux salariés de prendre une partie de leurs congés pendant la période de confinement. Renseignements pris, il est apparu que cette décision avait pour origine une proposition du MEDEF, le principal syndicat patronal. Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, interrogé sur cet appel à l’effort de la classe ouvrière par les journalistes de LCI a simplement déclaré «?Arrêtons de parler d’efforts et parlons déjà plutôt de solidarité?»… Pour les capitalistes, la solidarité ne signifie rien d’autre que de pouvoir rendre corvéable qui ils souhaitent pour sauver leurs profits.

    Le même Bruno Le Maire a déclaré sur les réseaux sociaux : «?Je demande à toutes les entreprises, notamment les plus grandes, de faire preuve de la plus grande modération sur le versement de dividendes. C’est un moment où tout l’argent doit être employé pour faire tourner les entreprises.?» Comme nous l’enseigne toute l’histoire du mouvement ouvrier, rien n’a jamais été obtenu de la part des capitalistes en leur demandant gentiment. Naïveté de sa part ? Plutôt peut-être une sage mise en garde à destination de ses maîtres : faites bien attention, la révolte gronde ! Cela nous rappelle les déclarations grandiloquentes qui avaient suivi la crise de 2007-2008. Le président d’alors, Nicolas Sarkozy, en appelait à «?moraliser le capitalisme?» (sic.) On a vu ce que ça a donné par la suite…

    Se donner les moyens d’agir

    Les mesures prises par le gouvernement de Macron sont très insuffisantes pour gérer l’urgence sanitaire à laquelle le pays est confronté. Nous évoquions plus haut certaines positions du mouvement LFI. Celle-ci a établi une série de 11 mesures d’urgence pour faire face à la crise (3), dont un financement immédiat à hauteur de 10 milliards pour les infrastructures de santé, l’obligation de fournir un masque à chaque salarié qui travaille pendant l’épidémie, la gratuité de l’électricité, du gaz et de l’eau dans les quantités nécessaires, le maintien du salaire y compris pour les personnes au chômage technique et l’interdiction des licenciements, l’arrêt du décompte des jours pour le droit au chômage et des radiations et la réquisition immédiate des entreprises dont l’activité est essentielle à la population : nourriture, électricité, etc. ainsi que des logements vacants pour l’hébergement en urgence des personnes sans-abris.

    Les propositions de la LFI vont dans le bon sens, très certainement en soulignant la nécessité de procéder à des réquisitions pour assurer l’approvisionnement de matériel de protection ou d’autres nécessités. Nous l’appuyons également quand elle affirme que l’état d’urgence n’est pas incompatible avec la démocratie. Bien au contraire?! Et celle-ci doit s’étendre bien au-delà de son terrain habituel. Nous avons plus que jamais besoin de la délibération et de l’intelligence de groupe dans cette situation. Et la meilleure façon d’y parvenir est d’assurer que les secteurs clés de l’économie soient retirés du monde des actionnaires pour être contrôlés et gérés démocratiquement par les travailleurs. Ce sont en effet les travailleurs et les travailleuses qui savent le mieux organiser la production des entreprises essentielles. C’est à eux et pas aux patrons que doit revenir la gestion de la production. Les exemples d’entreprises productrices de masques et de bonbonnes d’oxygène citées plus haut ainsi que toutes les initiatives citoyennes qui ont fleuri un peu partout donnent une illustration parfaite que c’est la classe ouvrière qui est la plus à même de gérer la crise. Sur une telle base, il serait possible de planifier démocratiquement la production économique pour satisfaire les besoins de toutes et tous dans le respect de l’environnement.

    S’organiser dès aujourd’hui

    Les revendications énoncées plus haut pour faire face à la crise relèvent en réalité du bon sens, y compris hors temps de crise. Elles n’ont en revanche aucune chance d’être mises en pratiques par la classe dominante sans un puissant mouvement des masses pour lui imposer. Un tel mouvement est rendu difficile sur le plan pratique par les mesures de confinement à respecter pour ne pas aggraver l’épidémie. Mais ça n’empêche pas aux esprits de s’échauffer et la classe ouvrière de s’organiser. La CGT services publics a déposé un préavis de grève pour tout le mois d’avril pour dénoncer la mise en danger des travailleuses et des travailleurs de leur secteur contraints d’aller travailler sans un équipement de protection adéquat et pour s’opposer aux attaques contre le droit du travail (4). Une initiative citoyenne a également vu le jour pour que les instances de Justice fassent la lumière sur les manquements du gouvernement dans l’anticipation de la crise (5). L’exécutif essaie tant bien que mal de se défendre contre ces remises en cause en appelant à l’unité nationale et en dénonçant toute opposition démocratique comme contre-productive. Une position qu’il veut appuyer avec un recours constant au vocabulaire guerrier où Macron se rêve en général auto proclamée. Mais la tâche s’avère extrêmement difficile pour ce gouvernement qui était déjà largement décrédibilisé dans l’opinion avant la crise.

    Même si le confinement marque un temps d’arrêt dans l’organisation des protestations dans la rue, elle se poursuit dans les consciences.

    Note :
    1) http://www.leparisien.fr/economie/hopital-17-500-lits-de-nuit-fermes-en-six-ans-17-10-2019-8174565.php
    2) https://www.legeneraliste.fr/actualites/article/2017/12/05/un-medecin-sur-quatre-a-deja-eu-des-idees-suicidaires-une-enquete-appelle-les-soignants-a-sortir-du-silence_312997
    3) https://lafranceinsoumise.fr/2020/03/20/coronavirus-11-mesures-durgence/
    4) https://www.cgtservicespublics.fr/les-luttes/actualites-des-luttes-2020/preavis-de-greve-2020/article/preavis-de-greve-du-1er-au-30-avril-2020
    5) https://plaintecovid.fr/

  • [VIDEO] La France en révolte

    A l’occasion du 12e Congrès mondial du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) qui se tient actuellement, la section grecque du CIO a demandé à notre camarade Nicolas Croes de dire quelques mots au sujet de la lutte qui se déroule en France contre la réforme des retraites antisociale.

  • France : le soulèvement se poursuit contre Macron et la réforme des retraites

    Construire la grève générale reconductible sur tous les lieux de travail par des assemblées générales des travailleurs et travailleuses

    Du jamais vu depuis mai 68 ! Au moment d’écrire ces lignes, le mouvement contre la réforme des retraites a dépassé la barre des 40 jours sans signe d’essoufflement et en dépit de la période des fêtes ! Combien de journalistes et de chroniqueurs ne nous ont pas rebattu les oreilles ces dernières années sur le thème des syndicats en perte de vitesse ou d’un autre âge ? Qu’ils et elles aillent se rhabiller : le mouvement ouvrier est toujours capable de mettre un pays à l’arrêt. Et, plus de 6 semaines après le début du mouvement, 60% de la population le soutenait toujours (baromètre Harris Interactive du 14 janvier).

    Nicolas Croes, Parti Socialiste de Lutte (CIO Belgique)

    Rendons à César ce qui lui appartient : Macron et le gouvernement ont tout fait pour mettre de l’huile sur le feu. Au 12e jour de lutte, le haut-commissaire aux retraites Jean-Paul Delevoye a dû présenter sa démission pour avoir oublié de déclarer ses liens avec les entreprises privées du secteur de l’assurance. Peu après, l’ancien dirigeant de GDF-Suez Jean-François Cirelli a été promu au rang d’officier de la Légion d’honneur… alors qu’il dirige aujourd’hui la branche française du géant américain de la finance BlackRock ! Pour ce fonds de pension, le plus grand au monde, ce projet de réforme des retraites représente une juteuse opportunité. A cela s’ajoutent les violences policières quotidiennes, perçues par de plus en plus de gens comme une politique délibérée de la part des autorités.

    Ça craque de partout

    Le climat qui s’est développé est inédit. Si les travailleurs et travailleuses de la RATP (transports en commun parisiens) et du rail ont été les premiers en entrer en grève, ils et elles sont loin d’être isolés et se retrouvent aux côtés des enseignants, des raffineurs, des dockers, des avocats, etc.

    En plus des secteurs en grève au quotidien, il y a les journées nationales de manifestations et de grèves, et aussi une multitude d’actes de résistance collective. Des avocats ont jeté leur robe à la figure de la ministre de la Justice avant de partir en grève reconductible. Des pompiers en tenue ont repoussé les rangs des policiers. Les vœux de la directrice de France Inter Sibyle Veil ont été interrompus par les salariés (dont 299 emplois sont menacés) qui ont entonné le Chœur des esclaves de Verdi. Des grévistes de la CGT Energie ont fait basculer des centaines de milliers de foyers en heures creuses. A Bordeaux, les grévistes ont coupé l’électricité à Cdiscount (entreprise française de commerce en ligne) et la mairie pour la redistribuer : “On prend les kilowatts des plus riches et on les redonne aux plus pauvres”. Pas mal de ces initiatives ont pu donner un aperçu de ce qui serait possible une fois que les travailleurs et travailleuses seront aux commandes de la société à la place des patrons et des actionnaires.

    Parlons-en des actionnaires ! On a appris ce début d’année que le record des dividendes octroyés aux actionnaires datant d’il y a 12 ans (juste avant la crise des subprimes) avait été battu en 2019. Les versements réalisés par les groupes du CAC 40 (l’indice boursier français) ont dépassé les 60 milliards d’euros, sur base de 88,5 milliards d’euros de profits. De ce côté-là, on ne peut que se féliciter de l’action de Macron et sa bande. Pourtant, il en faut plus, encore bien plus pour ne pas nuire à la compétitivité des entreprises.

    Des pensions impayables ?

    Le gouvernement a tenté de faire avaler que son projet de réforme est juste et simple puisqu’il vise à instaurer un système de retraite universel. Mais l’opinion publique a très bien décelé qu’il s’agissait avant tout de faire travailler plus longtemps pour des pensions plus basses. De plus, le système de la pension à points pénalisera plus durement les femmes, qui disposent déjà aujourd’hui de pensions plus basses en moyenne.

    Le gouvernement et ses partisan·es répètent que, puisque l’on vit plus tard, il n’est que logique de travailler plus longtemps. En France comme en Belgique et ailleurs, il est vrai que l’on vit plus tard qu’il y a 40 ans. Mais nous produisons surtout beaucoup plus de richesses qu’il y a 40 ans au cours de notre carrière ! Où est passé cet argent ? Le système de pension serait impayable ? De qui se moque-t-on ? Il a été instauré au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, dans un pays pillé par l’occupation nazie et ravagé par les destructions ! A l’époque, la force du mouvement ouvrier et de la résistance ont contraint la bourgeoisie à devoir lâcher du lest et poser les premiers jalons de la sécurité sociale. Cette force, nous la redécouvrons aujourd’hui.

    Manœuvre grossière et coup dans l’eau

    Le gouvernement a annoncé le retrait d’une des nombreuses mesures de sa réforme, l’âge pivot. Deux syndicats, la CFDT et l’Unsa, en avaient fait une ligne rouge, un préalable pour arrêter le mouvement. L’annonce de ce retrait visait à diviser et affaiblir les syndicats. Mais, sur le terrain, âge pivot ou pas, les grévistes exigent l’abandon pur et simple de la réforme.

    D’autant plus que ce retrait serait provisoire jusqu’à la tenue d’une conférence sur l’équilibre et le financement du système de retraite à laquelle le gouvernement invite les syndicats. Rien ne dit que la mesure ne réapparaîtra pas à ce moment-là. Le but de la manœuvre ? Diviser le front commun syndical, gagner du temps et, surtout, laisser passer les municipales de mi-mars, qui s’annoncent extrêmement délicates pour le parti du gouvernement.

    L’extrême droite démasquée

    La force du mouvement est telle que le Rassemblement national de Marine Le Pen (ex-Front National), s’est senti obligé de le soutenir du bout des lèvres. Cela se comprend aisément : 75% de ses électeurs et électrices soutiennent le mouvement. Mais alors que le mouvement franchissait la barre des 40 jours, elle s’en est prise à Philippe Martinez, le dirigeant de la CGT : On a toutes les raisons de détester la CGT et Martinez.

    Cette lutte qui unit les travailleurs et travailleuses, quelle que soit leur religion ou la couleur de leur peau, est un levier puissant pour combattre l’extrême droite. Le discours raciste de l’extrême droite qui tente de dresser les travailleurs et travailleuses les uns contre les autres ne résiste pas face à une vague de mobilisation sociale unitaire. Par contre si la lutte échoue ou si elle est trahie par les directions syndicales, le découragement et l’amertume ouvriront un boulevard à l’extrême droite.

    L’importance des assemblées générales

    Les autres organisations syndicales de travailleurs et travailleuses et d’étudiants (CFE-CGC, CGT, FO, FSU, Solidaires, UNEF, UNL, MNL, FIDL) ont à juste titre appelé à poursuivre le combat en défendant de réunir des assemblées générales sur les lieux de travail pour continuer et amplifier la mobilisation. Cette dynamique peut servir de levier vers une véritable grève générale démocratiquement reconductible, avec occupation des lieux de travail. Et, soyons clairs, l’objectif du retrait de la loi doit être dépassé. Si le rapport de force continue de s’améliorer, c’est la chute du gouvernement qui sera à l’ordre du jour.

    Avec quelle alternative politique ? Les assemblées générales peuvent devenir autant de forums pour élaborer un ensemble plus large de revendications : augmentation des salaires et des allocations sociales, fin du travail précaire et du chômage par la réduction de la semaine de travail sans perte de salaire et avec embauches compensatoires, investissements massifs pour des services publics accessibles à toutes et tous sur l’ensemble du territoire, expropriation des entreprises qui résisteront à l’instauration d’un tel programme pour les placer sous le contrôle et la gestion démocratiques des travailleurs et travailleuses…

    Certes ce programme est inapplicable en restant prisonnier·ères de la dictature du capital. Ce système doit suivre la même trajectoire que le projet de réforme des retraites et être envoyé dans les poubelles de l’Histoire. Une des tâches les plus fondamentales de ce jour est la naissance d’un véritable parti des travailleurs et travailleuses qui regroupe en son sein les différents sensibilités de la résistance sociales pour se battre en faveur de l’instauration d’un gouvernement du monde du travail.

    Si les secteurs clés de l’économie (finance, pharmaceutique,…) étaient arrachés aux griffes des multinationales et des grandes entreprises et mis à la disposition de la collectivité, il serait alors possible de planifier démocratiquement les ressources de l’économie pour répondre aux besoins de la majorité et non pour les profits de quelques-uns. Cela poserait les premiers jalons vers l’instauration d’une société socialiste. Dans le contexte international actuel, où des luttes de masse se développent sur tous les continents, la France constituerait un exemple inspirant qui ne resterait pas longtemps isolé.

     

  • France. Des journées cruciales pour l’extension et à la généralisation de la grève

    Ce jeudi 9 janvier, le conflit sur les retraites atteint son 36e jour de lutte sans interruption depuis le 5 décembre, avec déjà 4 journée nationales de grève et de manifestation interprofessionnelles tandis que différents secteurs sont en grève par intermittence ou depuis le début du mouvement. Un record jamais vu en France depuis 1968. Après avoir perdu la bataille de l’opinion publique, qui reste résolument du côté du mouvement et des syndicats même après la période des fêtes, Emmanuel Macron et son gouvernement attendent l’épuisement des ressources des grévistes et donc des mobilisations.

    Par Nicolas Croes

    Lors des voeux du président de la république, Macron avait encore confirmé l’obstination du gouvernement concernant son projet de réforme antisocial des retraites et sa stratégie de pourrissement. Les trois journées de mobilisations interprofessionnelles de ces 9, 10 et 11 janvier lancées par les syndicats CGT, FO, Solidaires et FSU visent donc à frapper un grand coup après les deux semaines de fêtes de fin d’année.

    Ces organisations syndicales avaient appelé à « mettre en débat, dès lundi [6 janvier], dans toutes les entreprises, services et lieux d’études en organisant des assemblées générales de salarié.e.s, d’étudiant.e.s et de lycéen.ne.s, les conditions de la réussite du 9 janvier et de ses suites dès le lendemain ». Après le 9 et le 10 janvier, ces syndicats appellent à faire du samedi 11 janvier, « une journée de manifestation dans tout le pays ». Il s’agit d’une première dans l’histoire syndicale de ces quarante dernières années.

    Contrairement à ce qu’affirment les médias et le gouvernement, les travailleurs de la RATP et de la SNCF ne sont pas seuls à poursuivre la lutte. Dans l’énergie, les raffineries, les ports et docks, l’enseignement, la santé, chez les pompiers, à la BNF, à l’Opéra de Paris, dans beaucoup d’entreprises du secteur privé,… la mobilisation est forte et la grève est suivie.

    Des fêtes passée sous le signe de la lutte

    Des centaines d’initiatives combatives se sont tenues un peu partout dans le pays durant la période des fêtes. Dans l’agglomération parisienne, la CGT énergie a fait basculer près de 500 000 foyers au tarif des heures creuses durant la mâtinée du réveillon de Noël. “C’était notre cadeau de Noël”, expliquait le représentant CGT Nicolas Noguès, “Pour l’usager, ça se compte en centimes, mais pour l’entreprise, ça va faire un gros manque à gagner”. A Béziers également, les grévistes se sont introduits dans la centrale d’alimentation électrique afin de basculer l’ensemble des clients du réseau en « heures creuses ».

    Ailleurs, d’autres travailleurs ont coupé l’électricité des riches pour la redistribuer aux pauvres, comme à Bordeaux où les grévistes ont coupé l’électricité à Cdiscount (entreprise française de commerce en ligne) et la mairie pour la redistribuer : “On prend les kilowatts des plus riches et on les redonne aux plus pauvres”

    Ces initiatives ont sans aucun doute permis de continuer à marquer des points auprès de l’opinion. Mais elles ont aussi permis de donner un aperçu de ce qui est possible quand ce sont les travailleurs qui sont aux commandes et non plus les patrons et actionnaires.

    Des travailleurs remotivés par la dynamique en cours

    Depuis que le mouvement en défense des retraite a commencé le 5 décembre dernier, plusieurs raffineries avaient rejoint la lutte, mais sans véritable coordination : certaines n’étaient pas en grève tandis que d’autres ne l’étaient que par intermittence. Cela avait aidé le gouvernement à réorganiser les flux d’approvisionnement en coordination avec les directions d’entreprises pétrolières. Mais, depuis ce mardi 7 janvier, à midi, c’est la totalité des raffineries du pays qui est entrée en grève à l’appel de la CGT Chimie. Cela ne s’était plus produit depuis 2010. En 2016, dans le mouvement contre la Loi travail, une des raffineries n’avait pas suivi, contrairement à aujourd’hui. Cette situation illustre que le mouvement a un impact pour remotiver et remobiliser des travailleurs après la défaite de luttes passées.

    La dynamique de structuration de la lutte touche bien d’autres secteurs, comme celui des avocats, qui sont entrés en grève pour toute la semaine pour dénoncer le projet de réforme des retraites. Ce mercredi matin, ils ont retiré leur robe noire pour la jeter aux pieds de la ministre de la Justice en déplacement à Caen.

    Toute la question est de s’appuyer sur ces 3 jours de mobilisations nationales pour renforcer le mouvement de grève et l’étendre jusqu’à une véritable grève générale reconductible par les assemblées générales des travailleurs.

    C’est tout le système qui doit dégager !

    La productivité au travail a grandement augmenté ces dernières décennies : nous produisons plus, avec moins de travailleurs. Il est faux de dire que les retraites sont impayables : il n’y a jamais eu autant de richesses qu’aujourd’hui. Il y a non seulement moyen de payer nos retraites, mais aussi de répondre aux nombreuses pénuries qui font craquer la société de partout.

    Les assemblées locales de travailleurs et de jeunes (sur les lieux de travail, dans les quartiers,…) peuvent non seulement permettre de démocratiquement décider de la reconduction de la grève et des mesures qui s’imposent pour la renforcer, mais aussi débattre collectivement de l’élaboration d’un cahier de revendications plus large tel que celui-ci :

    • La baisse immédiate et le blocage des prix de l’essence et de l’énergie ;
    • Des revenus pour vivre, pas pour survivre : augmentation des salaires et des allocations sociales et leur indexation sur les prix, y compris du carburant ;
    • Une sécurité d’emploi avec de vrais contrats de travail à durée indéterminée ;
    • C’est au chômage qu’il faut s’en prendre, pas aux chômeurs : réduction du temps de travail à 32 heures par semaine sans perte de salaire et avec embauche compensatoire ;
    • Mettre les besoins au centre de la politique : transports publics gratuits et non polluants, services publics (notamment de proximité : crèches, écoles, maternités, bureaux de poste, logements publics sociaux, …) ;
    • La (re)mise en place de l’impôt sur la fortune, la lutte contre l’évasion fiscale par les ultra-riches et les multinationales, y compris par la réquisition sous contrôle démocratique des entreprises, la fin des taxes indirectes (TVA, etc.) remplacées par une imposition forte des riches et des grandes entreprises ;
    • Un grand service public environnemental pour créer des centaines de milliers d’emplois nécessaires à la transition énergétique et écologique (agriculture écologique, alimentation en circuits courts, énergies renouvelables,…) ;

    Réaliser un tel programme nécessite des mesures réellement socialistes telles que la nationalisation et l’unification de tous le secteur financier dans un service national d’investissement et de financement sous contrôle démocratique de la collectivité, de même que la nationalisation des secteurs-clés de l’économie afin que les grandes entreprises ne puissent continuer à saboter la transition écologique et que la planification démocratique et écologique, basée sur les besoins y compris écologiques, devienne possible.

    Si la France se soulève aujourd’hui, elle est loin d’être la seule. Depuis les premiers pas de la révolte des Gilets jaunes, le développement des luttes de masse et des grèves générales aux caractéristiques révolutionnaires fut puissant à travers le monde. Et la liste des pays aux prises avec un soulèvement de masse n’est pas encore terminée. Engageons-nous avec confiance dans cette nouvelle ère de lutte avec l’ambition de conduire les travailleurs et les masses à renverser le système d’exploitation capitaliste pour que l’humanité toute entière puisse accéder à une véritable émancipation au travers de la construction d’une société socialiste démocratique.

  • France. Après le succès du 5 décembre, construire partout la grève générale reconductible

    Photo : Wikipedia

    Ce jeudi 5 décembre, la première journée de grève et de manifestation contre le projet de réforme des retraites a rencontré un succès éclatant et historique. Selon les syndicats, pas moins de 1,5 million de personnes ont participé aux près de 250 cortèges dans tout le pays. A titre de comparaison, la première journée de grève et de manifestation contre le projet de loi travail en 2016 avait réuni 500.000 personnes selon les estimations des mêmes syndicats ! Une nouvelle journée de lutte a été annoncée pour ce 10 décembre tandis que la grève a été reconduite dès ce vendredi dans plusieurs secteurs et que le 12 devrait également être une nouvelle date de mobilisation générale.

    Par Nicolas Croes 

    Avant même que la journée du 5 ne commence, il était évident que ce mouvement allait connaître une affluence de masse. La veille, un sondage Harris Interactive pour RTL et AEF Info indiquait encore que 69% des Français soutenaient le mouvement de grève contre la réforme des retraites. L’affluence aux manifestations n’a pas démenti ces chiffres, même si de nombreux manifestants se sont rendus aux points de rendez-vous la peur au ventre après une année marquée par la violence policière et les milliers de blessés du mouvement des Gilets jaunes.

    Les manifestations ont réuni des cheminots, des agents de la RATP (le service de transports en commun parisien), des travailleurs du secteur de la santé, des enseignants, des retraités, des travailleurs d’entreprises privées, des Gilets jaunes,… Les syndicats affirment que 70 % des enseignants étaient en grève, une partie d’entre eux l’ont à nouveau été le vendredi. La CGT estime à 45 % le taux de grévistes dans la seule fonction publique d’Etat. A EDF (Électricité de France), la CGT fait état de 50 % à 60 % des salariés en grève. A la SNCF, 61,4 % des cheminots étaient en grève selon la CGT, qui y a appelé à une grève illimitée aux côtés de l’UNSA-Ferroviaire et de SUD-Rail. A la RATP, dix lignes de métro sont restées fermées, plus que lors de la précédente grève, qui avait quasiment paralysé la capitale le 13 septembre. Même dans des entreprises aux traditions syndicales moins fortes, comme à Orange, les syndicats ont estimé la proportion de grévistes à 15 %, soit l’un des taux les plus élevés depuis les années 2000.

    Les ports et les docks étaient également à l’arrêt tandis que des chauffeurs routiers ont organisé des opérations de blocage. Sept des huit raffineries françaises étaient en grève, du «jamais vu » selon le syndicaliste CGT Emmanuel Lépine, en comparaison des précédents mouvements dans les raffineries (2018 sur les salaires, 2016 contre la loi El Khomri, 2010 contre la réforme Sarkozy des retraites). Quatre d’entre elles étaient encore en grève le vendredi. Même la police a été touchée par la grève, alors que le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner avait tenté de rassurer les policiers en affirmant que leur régime particulier de retraite sera « maintenu ».

    Elargir la lutte

    Personne ne pensait qu’une seule mobilisation, aussi impressionnante soit-elle, parviendrait à faire reculer le gouvernement. Dans plusieurs endroits, les grèves ont été reconduites (SNCF, RATP, certains enseignants,…) avant même d’attendre la réunion de l’intersyndicale CGT-FO-Solidaires-FSU et des quatre organisations de jeunesse qui se sont réunies le vendredi 6 au matin. De cette rencontre est sortie une nouvelle journée de grèves et de manifestations : ce mardi 10 décembre.

    Des assemblées générales ont déjà eu lieu à différents lieux de travail, le tout est maintenant de les développer et d’ancrer le mouvement le plus fortement possible auprès des collègues, en les impliquant démocratiquement dans l’organisation de la lutte, notamment dans la reconduction de la grève.

    Sur la chaine LCI, le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez expliquait : « Il faut généraliser les grèves dans toutes les entreprises (…) Il faut reconduire (la grève) jusqu’à avoir satisfaction sur le principe que cette réforme va générer de la misère et qu’il faut donc s’appuyer sur notre socle social qui est un des meilleurs au monde et l’améliorer pour les jeunes, les femmes, les précaires ».

    Le spectre qui plane sur l’administration Macron est celui du mouvement de grève contre la réforme des retraites en 1995, qui avait paralysé les transports publics pendant trois semaines et qui avait bénéficié d’un soutien populaire massif, forçant le gouvernement à revenir en arrière. Il s’agissait des plus importantes grèves depuis celles de Mai 68. C’est de ce type de potentiel dont nous parlons aujourd’hui.

    La puissance du mouvement actuel est telle que le parti le plus anti-grève qui soit, le Rassemblement national de Marine Lepen (ex-Front National), s’est senti obligé de soutenir le mouvement du bout des lèvres. Selon le sondage Harris Interactive dont il est question plus haut, pas moins de 75% des électeurs de Marine Le Pen soutiennent le mouvement. Cette lutte peut donc également jouer un grand rôle pour combattre l’extrême droite en soulignant ce qui unit les travailleurs quelle que soit leur religion ou la couleur de leur peau. La rhétorique de division de l’extrême droite ne tient pas face à une mobilisation sociale conséquente. Mais si le mouvement abouti à un échec ou s’il est trahis par les directions syndicales, le cynisme et la désillusion ouvriront un boulevard à l’extrême droite.

    La France Insoumise et les Gilets jaunes

    En France, le potentiel d’une lutte réunissant les différents mouvements sociaux contre Macron et le monde de l’argent qu’il représente n’a pas manqué d’illustrations. Déjà durant la campagne électorale, la campagne de la France Insoumise (FI) et son programme, notamment autour de la « planification écologique », avait élevé le débat sur le type de riposte nécessaire contre l’austérité et la destruction de notre environnement.

    Au début de la présidence de Macron, la FI a pris de très bonnes initiatives pour appuyer la lutte syndicale et tenter d’aider à surpasser l’indécision qui régnait aux sommets syndicaux. Les directions syndicales, avec des nuances, ont hélas bloqué toute tentative allant vers un mouvement de lutte national appuyé par la grève générale. La FI a poursuivi ses initiatives, mais peut-être avec davantage d’accent sur le combat parlementaire. Avec la fin des initiatives dans la rue, et confrontés aussi à une structuration du mouvement qui ne permettait pas la meilleure implication de la base, beaucoup de partisans ont pu se demander ce qu’il leur restait à faire au-delà d’applaudir le travail des élus. C’est certain, la campagne médiatique qui s’est déchaînée contre la FI n’a pas aidé. Ces mêmes médias n’ont d’ailleurs pas manqué par la suite de s’en prendre brutalement au mouvement des Gilets Jaunes, comme c’est également chaque fois le cas quand les travailleurs relèvent la tête.

    Quand le mouvement des Gilets jaunes a surgi il y a un an, il fut le plus fort là où une convergence a pu être trouvée avec le mouvement des travailleurs, en dépit des réticences de certaines directions syndicales, comme à Toulouse où le blocage a été massif à plusieurs reprises, aussi grâce au renfort des syndicats de routiers.

    Aujourd’hui, alors que le mouvement des travailleurs utilise son outil de travail comme outil de combat grâce à la grève, une puissante convergence des luttes est possible autour de lui. Comme à chaque mouvement social d’ampleur, les références à Mai 68 ne manquent pas dans la presse ou sur les réseaux sociaux. Au plus fort de ce véritable mois de révolution, la combinaison de la jeunesse en lutte et d’une grève générale forte de 10 millions de travailleurs a failli renverser le système. La colère sociale atteint actuellement un point d’ébullition similaire à celui de l’époque. Avec un tel type de lutte, une véritable grève générale reconductible reposant sur des assemblées des travailleurs et de la jeunesse en lutte, nous pourrions arracher nos revendications.

    C’est tout le système qui doit dégager !

    La productivité au travail a grandement augmenté ces dernières décennies : nous produisons plus, avec moins de travailleurs. Il est faux de dire que les retraites sont impayables : il n’y a jamais eu autant de richesses qu’aujourd’hui. Il y a non seulement moyen de payer nos retraites, mais aussi de répondre aux nombreuses pénuries qui font craquer la société de partout.

    Les assemblées locales de travailleurs et de jeunes (sur les lieux de travail, dans les quartiers,…) peuvent non seulement permettre de démocratiquement décider de la reconduction de la grève et des mesures qui s’imposent pour la renforcer, mais aussi débattre collectivement de l’élaboration d’un cahier de revendications plus large tel que celui-ci :

    • La baisse immédiate et le blocage des prix de l’essence et de l’énergie ;
    • Des revenus pour vivre, pas pour survivre : augmentation des salaires et des allocations sociales et leur indexation sur les prix, y compris du carburant ;
    • Une sécurité d’emploi avec de vrais contrats de travail à durée indéterminée ;
    • C’est au chômage qu’il faut s’en prendre, pas aux chômeurs : réduction du temps de travail à 32 heures par semaine sans perte de salaire et avec embauche compensatoire ;
    • Mettre les besoins au centre de la politique : transports publics gratuits et non polluants, services publics (notamment de proximité : crèches, écoles, maternités, bureaux de poste, logements publics sociaux, …) ;
    • La (re)mise en place de l’impôt sur la fortune, la lutte contre l’évasion fiscale par les ultra-riches et les multinationales, y compris par la réquisition sous contrôle démocratique des entreprises, la fin des taxes indirectes (TVA, etc.) remplacées par une imposition forte des riches et des grandes entreprises ;
    • Un grand service public environnemental pour créer des centaines de milliers d’emplois nécessaires à la transition énergétique et écologique (agriculture écologique, alimentation en circuits courts, énergies renouvelables,…) ;

    Réaliser un tel programme nécessite des mesures réellement socialistes telles que la nationalisation et l’unification de tous le secteur financier dans un service national d’investissement et de financement sous contrôle démocratique de la collectivité, de même que la nationalisation des secteurs-clés de l’économie afin que les grandes entreprises ne puissent continuer à saboter la transition écologique et que la planification démocratique et écologique, basée sur les besoins y compris écologiques, devienne possible.

    Si la France se soulève aujourd’hui, elle est loin d’être la seule. Depuis les premiers pas de la révolte des Gilets jaunes, le développement des luttes de masse et des grèves générales aux caractéristiques révolutionnaires fut puissant à travers le monde. Et la liste des pays aux prises avec un soulèvement de masse n’est pas encore terminée. Engageons-nous avec confiance dans cette nouvelle ère de lutte avec l’ambition de conduire les travailleurs et les masses à renverser le système d’exploitation capitaliste pour que l’humanité toute entière puisse accéder à une véritable émancipation au travers de la construction d’une société socialiste démocratique.

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