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Tag: Europe de l’Est
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Industrie automobile européenne : Une autre crise est en cours…
Il faut une stratégie syndicale européenne et internationale pour défendre les usines, les emplois et les conditions de travail
‘‘C’est un bain de sang’’, a déclaré Sergio Marchione, le patron de Fiat (une entreprise aujourd’hui en difficulté) et également président du comité des constructeurs européens d’automobiles, en se lamentant de l’état du marché européen. De son côté, le New York Times a titré: ”L’industrie automobile européenne a atteint le jour du jugement dernier”.
Stephan Kimmerle, Comité pour une Internationale Ouvrière
Avec le ralentissement de la croissance en Chine, l’industrie automobile internationale est confrontée à des temps difficiles. Mais en Europe, c’est un véritable désastre. Les ventes en Europe ont baissé d’un nombre total de plus de 15 millions en 2007 à environ 12,4 millions en 2012. Un nouvelle diminution des exportations vers les marchés chinois va noyer les usines européennes dans la surcapacité.
Étant donné le fait que d’énormes surcapacités existaient déjà avant même le déclenchement de la crise, le coût constant de maintenir les usines instaure une énorme pression pour la fermeture d’environ 8 à 10 sites, aux dires des commentateurs capitalistes. Cela implique de se débarrasser de la capacité à produire au moins 3 millions de véhicules en Europe – l’équivalent de près de 250.000 emplois. Selon les analystes, les usines doivent fonctionner à 75% de leurs capacités de production au moins pour rester rentables.
La destruction de cette capacité de production – et pas automatiquement une production automobile – et la mise à la porte d’une main-d’œuvre très qualifiée venant ainsi grossir les rangs des chômeurs, voilà la ”solution” capitaliste pour ce problème. Cependant, jusqu’à présent, au cours de cette crise, seuls quelques très rares sites ont été fermés en Europe (Opel à Anvers et Fiat en Sicile par exemple) et, en même temps, de nouvelles entreprises ont été installées en Europe de l’Est et à l’étranger.
Gagnants et Perdants
La crise automobile actuelle est en train de frapper les divers producteurs de masse de manières très différentes. Alors que Volkswagen semble avoir augmenté sa part de marché (en dépit de quelques problèmes avec sa filiale Seat), les groupes Peugeot (PSA) et General Motors en Europe (Opel, Vauxhall) semblent avoir le plus souffert. Opel accuse des pertes de l’ordre de 938€ par voiture vendue, Peugeot-Citroën, de 789€. Opel parle de fermer des usines, soit à Eisenach (Est de l’Allemagne) ou à Bochum (Ouest de l’Allemagne). Ford envisage la fermeture de son usine de Genk, en Belgique. Peugeot a annoncé une réduction de 8.000 travailleurs de sa main-d’œuvre en France (100.000 au total), la fermeture de son usine d’Aulnay-sous-Bois près de Paris comprise (au total, 14.000 emplois seront perdus sur 210.000 de la main-d’œuvre mondiale selon ce plan).
Alors que les travailleurs d’Aulnay sont descendus dans les rues pour protester et exiger que leurs emplois soient protégés, un soi-disant expert, au nom du gouvernement français, a proposé de fermer l’usine de Peugeot de Madrid à la place et de licencier les travailleurs là-bas.
L’annonce de licencier les travailleurs dans les usines Peugeot de France en Juin a immédiatement déclenché de vives actions de protestation dans tout le pays. Le 9 octobre, la CGT a appelé à une manifestation des travailleurs de l’automobile à Paris, en affrontant les patrons présentant les nouveaux modèles le même jour. La réunion de délégués originaires de différentes usines de Peugeot, les dirigeants syndicaux a forcé d’organiser cette action ainsi que d’autres, plus décisives, mais aucune stratégie n’existe pour utiliser pleinement la puissance de l’effectif total à Aulnay et dans les autres sites. Alors que les ouvriers d’Aulnay se sont mis en grève, d’autres n’ont pas été appelés à les rejoindre.
Les différences entre sociétés reflètent également les effets inégaux de la crise économique en Europe et les effets dévastateurs des mesures d’austérité imposées à l’Europe du Sud. Alors que les ventes de voitures allemandes stagnent, la France a connu une baisse de 14%, l’Italie de 20%, tandis que le nombre d’achats a baissé de plus de 40% en Grèce et au Portugal. La baisse des ventes en Europe du Sud a eu un effet beaucoup plus important sur les achats de Peugeot et Ford compte tenu de leur parc automobile et de leurs marchés traditionnels. Ford a réduit le temps de travail, par exemple, dans son usine de Cologne, en Allemagne, qui produit pour ces marchés.
Dans le même temps, les travailleurs sont soumis à un chantage qui les force à accepter la dégradation des conditions de travail. Les problèmes actuels de Bochum reflètent la décision de GM en mai en faveur de leur usine Vauxhall d’Ellesmere Port, en Grande-Bretagne. Ils ont forcé les travailleurs à accepter de plus longues heures, des pertes de salaire net et une plus grande flexibilité, avec des temps de travail même le week-end afin que la production ne discontinue pas. Avec cela, la concurrence interne entre les usines Opel en Allemagne (Rüsselsheim, Bochum) et Vauxhall à Ellesmere Port a été à nouveau utilisée avec succès par les patrons contre les travailleurs.
Toute une série d’accords impliquant des travailleurs donnant des concessions pour sauver leurs emplois ont été mises en œuvre dans le passé. Or, malgré les ”garanties” accordées aux travailleurs concernant la sauvegarde de leurs emplois jusqu’en 2016, l’usine de Bochum fait face au danger d’une fermeture, et Rüsselsheim verra une énorme surcapacité dès que les prochains changements de modèles seront entièrement mis en place.
Malheureusement, au lieu de développer une riposte commune, les dirigeants syndicaux en Grande-Bretagne et en Allemagne ont toujours justifié les concessions, partageant une vision très étroite de la défense de l’emploi, dans le seul cadre de leur État-nation ou même en cherchant à sauver un site et pas l’autre.
Une stratégie patronale calquée sur l’exemple américain?
Les tentatives patronales visant à faire payer la crise aux travailleurs sont évidentes. Mais quel est leur plan pour organiser une sortie ? Des milliards d’euros ont été dépensés après la crise de 2009 pour renflouer l’industrie automobile en Europe. A partir d’un point de vue très américain, le New York Times a commenté : >"Mais au lieu d’avoir utiliser cet argent pour faciliter la douloureuse réduction des effectifs des sites et des fiches de paie, les gouvernements ont fourni des subsides pour que les gens échangent leur ancien modèle pour un nouveau, ont subsidié les salaires des travailleurs afin de dissuader les entreprises d’effectuer des coupes dans les emplois." (New York Times, 26 Juillet)
C’est aussi ce qui s’est passé aux États-Unis. L’administration Obama a pris le contrôle effectif de GM et Chrysler, deux des trois grandes entreprises automobiles américaines, et a organisé une restructuration massive dans le but de restaurer la rentabilité pour les actionnaires. Cette restructuration a impliqué la fermeture de dizaines d’usines à travers tout le Midwest, la perte de milliers d’emplois et la disparition de gains historiques pour les travailleurs en termes de salaires, de pensions et de soins de santé. Les salaires des nouvelles recrues représentent désormais la moitié de ceux des plus anciens! Cette ”restructuration”, faite au détriment des travailleurs du secteur automobile, n’a été possible qu’avec la coopération active de la direction de l’United Auto Workers (UAW), le syndicat autrefois puissant des travailleurs automobiles américains.
Une partie de la bureaucratie syndicale participe à la gestion des entreprises par l’intermédiaire des actions contrôlées par l’UAW à GM et Chrysler. Elle doit aussi gérer leur ”fonds de grève” d’1 milliard de dollars placé à Wall Street et le plan de santé pour les retraités contrôlé par l’UAW.
Dans le cadre du processus de réorganisation des modalités d’exploitation, une forte baisse des salaires des travailleurs de l’automobile aux États-Unis a été mise en œuvre. Les bases industrielles traditionnelles au nord des États-Unis, où existe un niveau élevé d’organisation et de traditions syndicales, ont été défavorisées et la production a été déplacée au sud des États-Unis, là où les syndicats sont peu présents dans l’industrie automobile. Plusieurs sociétés japonaises et allemandes ont maintenant des usines de fabrication automobile à bas salaires aux États-Unis, un pays constamment plus considéré comme un centre de fabrication à bas salaires.
Voilà le plan de restructuration sous l’administration Obama : un coup dévastateur pour le niveau de vie et les conditions de travail des travailleurs américains de l’automobile sous prétexte de ”sauver des emplois”. Mais l’objectif principal est en réalité de réduire les coûts afin de restaurer les profits des actionnaires.
Compte tenu de l’énorme surcapacité du secteur en Europe, Sergio Marchione, patron de Fiat et actuel président de l’association des constructeurs automobiles européens, a appelé à l’application de cette méthode à l’américaine à l’échelle de l’Union Européenne. ”[L’Europe] doit fournir un système unifié, une feuille de route concertée pour y parvenir", a-t-il dit . ”Regardez ce qui s’est passé avec les aciéries dans les années ’90, il faut copier cet exemple.” Cela signifie fermetures d’usines, licenciements et détérioration des conditions de travail pour ceux qui conservent leur emploi, tout cela organisé par les gouvernements européens.
Les capitalistes européens vont-ils mettre en œuvre un plan à l’américaine ?
Incapables de résoudre la crise fondamentale de l’industrie automobile, les patrons européens seront-ils en mesure de suivre la voie américaine ? Les différents États-nations vont essayer d’agir comme en 2009. Mais il est plus qu’improbable que les capitalistes européens parviennent à trouver une approche commune. En 2009, les différents États-nations ont avancé des mesures comme les ”prime à la casse” pour pousser à acheter de nouvelles voitures. Formellement, ils ont traité avec les différents producteurs de manière neutre, mais la conception des différentes mesures est basée sur des intérêts nationaux concurrents.
Si Fiat et Peugeot sont les grands perdants de cette crise, l’Etat allemand, d’un point de vue capitaliste, ne doit pas s’inquiéter de trop. De nouvelles opportunités pourraient même apparaître pour Volkswagen. Dans la logique du capitalisme, les tensions et les différences entre les Etats-nations et les entreprises basées sur ces Etats-nations augmentent. Cela n’exclut toutefois pas que des actions communes puissent voir le jour sous la pression de l’intérêt commun de stabiliser l’économie ou pour empêcher une remontée des luttes et des protestations. Mais, comme le montre la crise de la zone euro, les Etats-nations européens sont les instruments des différentes classes capitalistes. Les diverses bourgeoisies nationales sont capables de coopérer tant que cela sert leurs intérêts, mais les contradictions se multiplient aujourd’hui.
L’utilisation de leur État-nation est une voie à sens unique pour les capitalistes, qui ne les oblige pas à faire quoi que ce soit. Deux ans et demi plus tôt, le patron de Fiat, Marchione, a plaidé en faveur de ce qu’il appelle un ”plan d’investissements” dans les usines italiennes de Fiat sous le nom de ”Fabbrica Italia” (Usine Italie). (A l’origine, ”Fiat” signifie Fabbrica Italiana Automobili – Torino). En jouant la carte italienne, il a plaidé pour une aide de l’État et des concessions massives de la part des travailleurs au niveau de leurs conditions de travail et de leurs salaires. Les travailleurs des usines italiennes ont déjà été forcés d’adopter une diminution de leur temps de travail avec perte de salaire. Il s’agit parfois même de moins de 4 jours de travail par mois.
Perspectives
Cependant, il est loin d’être certain que les gagnants actuels, les constructeurs automobiles allemands par exemple, puissent tout simplement continuer à l’emporter. Après la crise de 2009, ce sont surtout les marchés chinois qui ont aidé les constructeurs automobiles européens à surmonter leurs problèmes. Compte tenu de ces ventes opérées en Asie, les voitures de gamme supérieure – les allemands Daimler, BMW et Audi – n’ont toujours pas été blessées par une nouvelle crise, mais un ralentissement est bel et bien présent.
Même en plein essor, Volkswagen a annoncé à ses fournisseurs en Allemagne la possibilité d’une baisse de 10% de la production. Daimler a annoncé de nouveaux programmes pour réduire les coûts. Les tentatives de renforcement de la coopération entre les entreprises ont augmenté (par exemple Opel avec PSA, Daimler avec Nissan). L’échec de la fusion Daimler-Chrysler constitue toujours un bon avertissement. Mais la pression sur les entreprises est immense, des fusions supplémentaires ainsi que l’effondrement de sociétés entières sont envisageables.
L’option espérée par les diverses entreprises est que le déclin de l’Europe puisse être amorti par le reste du marché mondial. Il est difficile de savoir dans quelle mesure ce scénario se concrétisera. Même dans ce cas, cela ne pourrait se faire qu’avec de nouvelles réductions de sites et du nombre d’emplois. Une situation bien plus sévère encore ne peut pas être exclue du fait d’un ralentissement brutal de l’économie chinoise (un taux de croissance tombant à 5%) et d’autres marchés émergents touchés par le ralentissement économique mondial.
Quelle stratégie syndicale?
Durant les premières journées d’horreur qui ont accueilli la crise automobile en 2009, la crainte de perdre des emplois et des usines a renforcé le débat sur une reconversion de l’ensemble de l’industrie vers des voitures électriques et la ”mobilité verte”. Cela a très vite été oublié dès lors que les ventes en Chine ont augmenté, et c’est le schéma des primes à la casse qui a été favorisé.
Les syndicats, tel le puissant syndicat allemand IG Metall, ont signé des accords stipulant que les travailleurs acceptent un travail de durée moindre ainsi que de graves pertes de salaire. Les travailleurs contractuels ont perdu leur emploi et l’effectif de base a payé un lourd tribut. Les dirigeants syndicaux ont accepté le ”système à deux vitesses” où les travailleurs les plus récents sont employés à des salaires beaucoup plus bas et des conditions de travail bien plus mauvaises. Les bureaucraties syndicales allemandes du secteur ont joué un rôle identique à celui de leurs homologues à l’époque du déclin de la sidérurgie et des charbonnages en Allemagne : organiser la fin de l’emploi et des entreprises avec quelques concessions mineures, en évitant ainsi de grands bouleversements sociaux.
La crise est en train de mordre à nouveau les travailleurs des usines automobiles. Il est urgent d’éviter une répétition de ces événements sur une base économique encore pire qu’en 2009. Il nous faut une véritable stratégie syndicale capable de coordonner la résistance des travailleurs à travers toute l’Europe et ailleurs pour défendre l’emploi et les usines, et mettre fin au jeu qui consiste à monter les travailleurs d’une usine contre ceux d’une autre, ou ceux d’un pays donné contre ceux d’un autre.
Une lutte unifiée est nécessaire pour lutter contre toutes les attaques antisociales, contre toutes les concessions, toutes les pertes d’emplois et toutes les fermetures. Toutes les usines où les travailleurs sont menacés de licenciements doivent être collectivisées par les autorités et fonctionner sous le contrôle et la gestion des travailleurs. Mais, étant donné les liens existants entre les diverses usines, les différentes interdépendances et la surcapacité de production dans l’industrie en général, la lutte pour la nationalisation ne peut se limiter aux usines dont les patrons n’ont plus besoin. L’ensemble de l’industrie a besoin d’être placée sous la propriété de l’Etat et sous la gestion démocratique des travailleurs, des syndicats et de l’Etat.
Il nous faut un plan de réorganisation de l’industrie automobile afin d’utiliser cette main-d’œuvre instruite et qualifiée en fonction de la satisfaction des intérêts des travailleurs en Europe et dans le monde. Si nécessaire, cela pourrait nécessiter de convertir cette production en d’autres produits socialement nécessaires. Une telle gestion permettrait de diminuer le temps de travail sans perte de salaire dans le cadre d’un plan de relance socialiste destiner à vaincre la crise économique capitaliste, non avec le développement du chômage et de la pauvreté, mais en réorganisant la production en fonction des besoins des travailleurs.
Marchione appelle à une ”feuille de route unifiée et concertée” en vue d’abattre l’emploi et les sites, la réponse des travailleurs et des syndicats doit elle aussi être unifiée et concertée. Pour ouvrir ce chemin, les syndicats doivent devenir de réelles organisations de combat, basées sur la démocratie interne, en construisant des liens étroits entre les travailleurs à l’échelle européenne et internationale. Il nous faut un mouvement militant sur les lieux de travail et dans les syndicats afin de lutter pour ces changements, en développant ainsi des liens directs entre les représentants des travailleurs de différentes usines et de différents pays, pour surmonter les obstacles qui se présentent sur la voie d’une lutte menée de concert.
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NON à la violence homophobe ! De nouveaux incidents en Grèce et en Ukraine
En Ukraine, on s’apprêtait à célébrer la Gay Pride ce dimanche 20 mai. C’était sans compter sur la présence de 400 néonazis prêts à en découdre (voir la photo ci-contre), sans que la police ne protège les participants à la Gay Pride. Celle-ci a donc dû être annulée sous la pression de ces brutes bavant de rage. En Grèce, l’organisation néonazie Aube Dorée s’en ait physiquement pris à des immigrés et a prévenu la communauté homosexuelle : ‘‘vous êtes les suivants’’.
- Rubrique LGBT de ce site
Le 12 mai dernier, notre pays a connu une Belgian Lesbian and Gay Pride particulièrement suivie, avec des dizaines de milliers de participants. Après celles-ci, quelques critiques se sont faites entendre concernant le caractère commercial de l’évènement, ou son côté quasiment unilatéralement festif. Le PSL est intervenu à cette occasion en voulant souligner un autre aspect de la Gay Pride : celui de la lutte contre les discriminations et la violence homophobe, son aspect revendicatif. Le récent meurtre du jeune homosexuel Ihsane Jarfi à Liège a encore tout récemment clarifié que cette lute est loin d’être terminée dans notre pays également. Nous avons besoin d’un programme politique qui couple la lutte pour des droits égaux à la lutte du mouvement des travailleurs contre chaque forme de discrimination. Tout ce qui nous divise nous affaiblit ! Nous plaidons pour des manifestations combatives sur ces questions, ce qui peut en outre être un encouragement pour les luttes dans les pays où il est moins évident de défendre son orientation sexuelle.
Homophobie en Ukraine
Deux projets de lois sont actuellement en discussion en Ukraine pour interdire le travail des associations LGBT (Lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels) ou la publication d’articles à ce sujet dans la presse. De lourdes amendes et des peines de prison pouvant atteindre les 5 ans sanctionneront bientôt les militants LGBT.
L’homophobie reste bien ancrée en Europe de l’Est de manière générale. La Russie, la Hongrie, la Moldavie, la Lituanie, et la Lettonie ont déjà instauré des lois homophobes, poussant les LGBT à vivre dans la crainte, à vivre dans la haine. Ces lois contre la "propagande" homosexuelle empêchent tout débat public sur l’homophobie, interdisent les gay pride, et rendent illégale l’éducation sexuelle dans les écoles.
Grèce : les néonazis passent à l’action
En Grèce, dans le contexte actuelle de crise, les militants du parti néo-nazi "Aube dorée" (qui vient de faire son entrée au Parlement) ont distribué des tracts homophobes à Gazi, le quartier gay d’Athènes, sur lesquels on pouvait lire : "Après les immigrés, vous êtes les suivants!" Une menace qui inquiète sérieusement la communauté LGBT puisque le parti néo-nazi est coutumier des ratonnades, et propose par ailleurs avec beaucoup de sérieux la mise en place de champs de mines autours des frontières pour empêcher l’immigration !
La violence contre les militants de l’égalité des droits est aussi en augmentation. En Russie, à Saint-Pétersbourg, le bus des militants gays et lesbiennes qui se rendaient à la Journée Mondiale de lutte contre l’Homophobie a été sauvagement prit d’assaut par des skinheads armés de bâtons. Après avoir brisé les vitres du bus en marche, ces brutes épaisses se sont jetées sur les gays et les lesbiennes piégés à l’intérieur du véhicule. "Nous allons tous vous pendre et vous enterrer", beuglaient-ils alors (voir la vidéo sur le site du Standaard).
Dans ce cadre, le fait que le Parlement européen ait, pour la première fois de son histoire, appelé les pays européens à légaliser la cohabitation et le mariage entre personnes de même sexe est un élément positif. Mais il s’agit d’une résolution non-contraignante, qui sont très très loin de compenser les dégâts de la machine d’austérité européenne, y compris sur le plan des droits des personnes LGBT. Face à la pénurie de moyens pour satisfaire les besoins de la collectivité (en termes d’emplois, de logements, d’accès à l’enseignement,…), et faute de riposte collective face à l’austérité, des organisations d’extrême-droite peuvent se développer en pointant des boucs émissaires. L’exemple de la Grèce indique très clairement que ce danger n’est pas un fantasme.
No passaran !
Chez nous, l’homophobie est largement sous-estimée, notamment dans le monde du travail (voir le tract de la commission LGTB du PSL distribué le premier mai), mais pas seulement. L’horreur de Liège nous le rappelle cruellement (tract du PSL distribué lors de la Belgian Gay and Lesbian Pride). La marche vers l’égalité réelle est encore longue. Les discours de haine et les agressions contribuent a créer une climat de haine, d’intolérance et de violence. Nous revendiquons :
- Pour une éducation sexuelle digne de ce nom (dans les écoles et au travers des médias)
- Pour une réelle égalité des droits.
- Les injures homophobes doivent être combattues au même titre que le racisme ou le sexisme
- Pour une lutte commune des différentes minorités dans le cadre de la lutte globale du mouvement des travailleurs : tout ce qui nous divise nous affaiblit !
- Pour une alternative socialiste démocratique qui assure à chacun un bon avenir, un emploi décent, un logement abordable et des services publics conséquents et gratuits face au capitalisme et sa logique de chômage, de pauvreté, de racisme, de sexisme, d’homophobie et d’exploitation.
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Russie : Anatomie de l'“orangisme”
Les révolutions oranges – ou “colorées” – tirent leur nom de la couleur des drapeaux de l’opposition ukrainienne qui est descendue dans les rues en 2004 contre le régime de Koutchma et la fraude organisée par ce dernier lors des élections présidentielles. Depuis lors, le “péril orange” est devenu le cauchemar de tous les régimes autoritaires de l’espace post-soviétique.
Lev Sosnovski, CIO-Russie
Nous ne partageons pas la position de ceux qui, dans les meilleures traditions conspirationnistes, cherchent les ennemis parmi de puissants services spéciaux étrangers, oubliant au passage le vieux dicton révolutionnaire : ”Le plus grand ennemi est celui qui se trouve dans ton propre pays” ; ni celle de ceux qui tentent d’esquiver l’importance de ces événements via des raisonnements selon lesquels ce qui serait en cours est une révolution “démocratique” ou “démocratique-bourgeoise”.
La parade des dictateurs
Le terme de “révolution démocratique-bourgeoise”, s’il signifie quelque chose, s’emploie essentiellement lorsque l’on parle de la période où la bourgeoisie jouait – ou estimait pouvoir jouer – un rôle, même partiellement progressiste, dans la lutte contre le féodalisme ou ses survivances sous la forme des représentants de la classe féodale qui se trouvaient au pouvoir et de leur bureaucratie qui y était liée. Il va de soi que politiquement parlant, il n’existe plus aujourd’hui dans les pays ex-soviétiques la moindre classe féodale, ni le moindre de ses vestiges. Toutes les révolutions et mouvements de masse de la dernière période – en Géorgie, en Moldavie, en Ukraine, en Kirghizie (deux fois), en Serbie, etc. – se sont développés entièrement et pleinement sur le champ des relations bourgeoises.
La crise de l’économie planifiée bureaucratique et de l’appauvrissement de masse qui en a découlé, qui a amené la “nécessité” de diviser la propriété d’État entre les capitalistes naissants et l’ex-bureaucratie des soviets et du Parti, a engendré un tel flot de conflits économiques, politiques et internationaux que dans l’espace “post-soviétique” – y compris les anciens pays staliniens d’Europe de l’Est – les “fusibles de la démocratie”, pour reprendre les mots de L. Trotski, ont tout simplement brûlé. C’est alors qu’est survenue une demande pour des Bonaparte de divers niveaux de dureté, que la bourgeoisie et la bureaucratie d’État, ayant une riche expérience en la matière, s’est dépêchée de satisfaire en abondance.
C’est ainsi qu’au cours des 15-20 dernières années, nous avons vu défiler la longue série des Milosevic, Shevardnadze, Koutchma, Loukachenko, Akayev, Eltsine, Poutine, etc. Si leur nationalité et leur mode d’arrivée au pouvoir – coup d’État ou élections – varient, leur rôle social est le même : atomiser la classe ouvrière et les “nouveaux pauvres”, tout en expropriant politiquement la bourgeoisie grâce à l’usurpation du mécontentement des masses larges vis-à-vis des actions de la “première vague de privatisateurs”. Ainsi a vu le jour toute une pléiade de dictateurs et de demi-dictateurs, qui présentent aux travailleurs, au lieu de la “thérapie de choc”, un capitalisme “modéré”.
Mais les relations sociales du capitalisme ont leur propre logique. Le bien-être des travailleurs ne croit pas, ou croit trop lentement et de manière disproportionnée par rapport à la croissance économique. Écartés du processus de redistribution des richesses, souffrant de la corruption et perdant la main dans la bagarre avec leurs concurrents plus proches de la bureaucratie, certains groupes de la bourgeoisie commencent à former une Fronde et à exiger la justice, des élections honnêtes et la démocratie. Le pouvoir, après avoir recouvert la société d’une chape de plomb, accumule sous lui-même un matériau si explosif qu’il est capable d’emporter en un clin d’œil toute la vieille superstructure. Et après ?
Le vide à gauche
Constatant la participation au mouvement en Ukraine en 2004 de divers groupes sociaux et politiques – de la bourgeoisie, de la petite-bourgeoisie, de l’intelligentsia, des nationalistes – chacun avec ses propres buts et intérêts – nous tirions néanmoins la conclusion suivante :
« Mais aucune de ces parties, ni séparément, ni tous ensemble, ne sont en mesure de rassembler un demi-million de manifestants dans le centre de Kiev. Il existe encore […] la partie la plus importante – la jeunesse – les lycéens, les étudiants, les jeunes travailleurs. La majorité, si pas l’entièreté, d’entre eux participe pour la première fois à une telle action. Ils n’étaient pas des bourgeois, ni des petits-bourgeois, ni même des nationalistes. Et s’ils crient : « Gloire aux héros ! », c’est seulement pour pouvoir s’identifier en tant que groupe de référence ; personne à aucun moment ne leur a donné d’autres slogans.
Un mouvement de masse aussi soudain de la part de la jeunesse kiévienne démontre toute la profondeur de la crise sociale en Ukraine. La jeunesse ukrainienne voit très bien la vie de galère qui l’attend demain. Sa protestation est strictement sociale, mais pas pleinement consciente, et c’est pourquoi elle prend la forme d’un soutien à Viktor Youchtchenko. Cette protestation tire sa source en premier lieu de la non-reconnaissance de la réalité et d’une volonté de changement. Et deuxièmement, de l’absence de toutes sortes de peurs face aux changements. Mieux vaut n’importe quel changement, que la stagnation actuelle, ça ne pourra de toute manière pas aller pire.
Les masses de leur côté ont fait tout ce que peuvent faire des travailleurs non-organisés – dépourvues de leurs propres slogans, programme et direction. Elles ont fait irruption au parlement, ont bloqué les routes, se sont bagarrées avec les policiers, ont fait dégager les dictateurs putréfiés. Mais à leur place tout de suite sont arrivés des représentants de cette même classe, qui déjà le lendemain avaient oublié toutes leurs promesses aux participants de base au mouvement, laissant de ce fait aux travailleurs un sentiment persistant de désenchantement par rapport à “la politique”. »
Le rôle dirigeant des libéraux dans ces événements est compréhensible et explicable – ils ont assez d’argent pour pouvoir louer des propagandistes, soutenir leurs propres médias, imprimer à des centaines de milliers d’exemplaires leurs brochures et affiches, c-à-d. insister par tous les moyens le fait que ce sont eux et eux seuls qui sont à la tête du mouvement et qui représentent tous les espoirs et attentes des manifestants. Et dans cette situation, il est tout à fait logique que se forment des blocs de prime abord contre toute nature. C’est ainsi qu’on voit aujourd’hui “Solidarnost” et “Yabloko” reproduire la coalition “orange” du modèle ukrainien – le bloc des ultra-libéraux et de l’extrême-droite.
Que de la tribune les discours se succèdent à qui mieux-mieux sur le caractère “national” et “russe” de la révolution – tant qu’elle n’est pas sociale. Que la jeunesse se batte avec l’OMON en tant que hooligans, pas en tant que travailleurs en grève. Il faut à tout prix récupérer le mouvement atomisé, l’empêcher de créer ses propres structures à la base.
La classe ouvrière, de son côté, ne peut contrer cette comédie de fraternisation universelle que grâce à sa propre organisation. Mais là où devraient se trouver des organisations qui proposent aux masses insurgées un programme clair et un plan d’action, afin de ne pas laisser se disséminer l’énergie du mouvement et de faire passer la révolution du plan politique au plan social, régnait et règne toujours un vide béant. Les monstres en putréfaction des partis “communistes” post-soviétiques exhalent autour d’eux une puanteur de conformisme et de corruption. Et les formations plus petites, au lieu d’aller vers les masses avec leurs propres slogans et programme, soit se métamorphosent en suppôts des libéraux, répétant leurs slogans et symboles, soit attendent que les étudiants, les travailleurs et les petits fonctionnaires arrivent d’eux-mêmes en disant : « Bonjour, nous voulons le socialisme ! ». À moins qu’elles ne se débarrassent des événements par une analyse “profonde” du style “Que la peste soit sur vos deux maisons”. Mais une telle position est stérile.
Aller sur les places !
Nous proposons de construire notre propre participation aux actions de masse sur base de quelques principes simples et clairs :
- L’isolation dans le temps des actions de masse inévitablement démoralise le mouvement et le repousse en arrière.
- Nous devons absolument soutenir le droit démocratique du peuple aux élections, y compris le droit d’information sur le résultat véritable. Il est tout à fait évident que les résultats finaux sont truqués. Et pour cela, pas même besoin de recompter les bulletins : si la majorité est convaincue qu’il y a eu falsification, cela signifie que ç’a été le cas. Aujourd’hui c’est la rue qui décide, et pas la Commission électorale centrale. En fait, nous avons vu se produire devant nous le “deuxième tour des élections”, dans lequel les masses prolongent le vote, mais cette fois-ci selon leurs propres règles.
- Nous disons aux gens qui sont sortis sur les places : « Nous sommes contre l’opposition qui récupère le mouvement. Ils représentent la bourgeoisie, nombre d’entre eux étaient d’anciens hauts fonctionnaires, et nous nous sommes toujours battus contre eux. Mais si la majorité vote pour eux, alors ainsi soit-il. Les autorités officielles qui tentent de contester ce choix sont nos ennemis, tout comme les vôtres. Vous êtes venus ici spontanément sans objectif politique clair, sans programme, sans organisation. Vous avez reçu tout cela déjà préparé ici de la part de Nemtsov, Kassianov, Navalny, de la part des nationalistes, de la part de tous ces gens qui avaient une organisation et un programme. N’est-ce pas ? Mais s’il existait une organisation politique qui représente vos propres intérêts, les intérêts des simples travailleurs, alors tout serait différent. Imaginez seulement qu’il existe de puissants syndicats regroupant des millions de travailleurs, avec une direction résolue. Est-ce que dans cette atmosphère turbulente, ils ne pourraient pas à leur tour dicter leur propre volonté ? »
- Il ne faut pas attendre que vienne le grand soir. À un moment donné les groupes marxistes doivent être avec les masses et lutter avec elles, et doivent tout faire pour être entendus. Et même si aujourd’hui nous n’obtenons aucune réponse, demain, quand notre pronostic s’avérera justifié, beaucoup de gens se rappelleront de nos tracts et de nos discussions. Ceux qui viendront à nous à partir des manifestations d’aujourd’hui, arriveront à nous pour longtemps.
L’opposition voudrait bien la richesse et la propriété, c’est pourquoi elle a besoin de sa propre Douma et de son Président. Mais ça, c’est son affaire. Ce qu’il nous faut, c’est une agitation et une propagande marxistes, des contacts, une organisation. Ils veulent s’emparer de la machine de répression d’État pour la repeindre, la régler sur le ton “démocratique” nécessaire, la contraindre à œuvrer pour leurs propres objectifs – c-à-d., défendre les 1% de capitalistes contre les 99% de travailleurs. Mais notre but – c’est de la détruire. Voilà toute la différence.
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Grèce : Le premier ministre George Papandreou chassé du pouvoir
Nouveau gouvernement d’“unité nationale” = “coalition d’austérité”
Le premier ministre grec George Papandreou s’est vu contraint de quitter le pouvoir le week-end passé, et de remplacer son gouvernement PASOK (parti “social-démocrate” au pouvoir) par un gouvernement de coalition d’“unité nationale”. Cette nouvelle “coalition de l’austérité” PASOK/Nouvelle Démocratie va signer un plan de sauvetage qui impliquera encore plus d’austérité punitive, telle que celle qui a déjà poussé des millions de Grecs dans la misère.
Andreas Payiatsos, Xekinima (CIO-Grèce) et Niall Mulholland, CIO
Papandréou a été forcé de quitter le pouvoir après plusieurs jours de troubles civils qui ont suivi sa décision – maintenant annulée – d’organiser un référendum sur le plan de sauvetage prévu par l’UE pour renflouer la Grèce, percluse de dettes.
Les nouveaux premiers ministres potentiels incluent des candidats à la réputation de maitres de l’austérité prouvée : il s’agit de Lukas Papademos, ancien vice-président de la Banque centrale européenne (BCE), et du ministre des Finances Evangelos Venizelos. Le nouveau gouvernement de coalition démissionnera après de nouvelles élections, attendues en février prochain.
L’accord conclu le mois passé entre la BCE, l’UE et le FMI (la fameuse “Troïka”), accorderait au gouvernement grec la somme de 130 milliards d’euros, effacerait la moitié des dettes grecs dues à des détenteurs privés, et inclurait une nouvelle série de mesures d’austérité profondément impopulaires.
L’économe réduite de -15%
La politique de la Troïka a déjà poussé l’économie grecque à se contracter de 15% au cours des trois dernières années. Le gouvernement PASOK a voté toute une série de lois dictées par la Troïka, qui ont poussé dans la misère les deux-tiers de la population grecque. Les salaires des travailleurs du secteur public ont été tranchés de 50% (par rapport à ce qu’ils gagnaient début 2010), et le salaire minimum “légal” baissera à 500€ par mois (mais même cela, vu que les “négociations collectives” ont été abolies, n’est plus contraignant pour les employeurs). Plus de 40% de la jeunesse est au chômage. La Troïka exige que 250 000 personnes soient virées du secteur public – plus du tiers du personnel total. Les services publics sont pilonnés. Dans les hôpitaux, le nombre de lits a déjà été réduit de 30%, et une nouvelle réduction de 20% est prévue (pour une réduction totale de 50%, donc). Les nouvelles taxes, couplées aux coupes dans les salaires et les allocations, signifient la perte de centaines d’euros par mois par travailleur et par famille. Les enfants vont à l’école le ventre vide, certains allant jusqu’à s’évanouir en classe. Même les “classes moyennes”, qui auparavant vivaient relativement bien, se voient maintenant poussées vers une vie de privations.
Si Papandréou a fait sa proposition désespérée de référendum, c’est parce que la résistance de la population grecque à sa politique d’austérité s’est avérée absolument insurmontable. Il a réalisé que son gouvernement PASOK menaçait d’un effondrement total. Le 19 octobre, la Grèce a connu sa plus grande grève générale de 48 heures et manifestation syndicale de toute son histoire d’après-guerre. Le 28 octobre, qui est la journée annuelle de “fierté nationale” et de parades destinées à commémorer l’occupation de la Grèce durant la Seconde Guerre mondiale, s’est cette année mué en une journée de colère et de manifestations antigouvernementales.
Chantage
Le référendum de l’ex-premier ministre était une tentative de faire chanter la population grecque, en la plaçant devant l’alternative : « Soit vous votez pour le plan de “sauvetage” du 26 octobre, soit la Grèce fait faillite, quitte la zone euro, et vous crevez tous de faim ».
Mais le projet de référendum de l’ex-premier ministre grec se sont rapidement vus mis sous une énorme pression de la part des dirigeants européens, en particulier de l’Allemagne et de la France, qui ont vivement critiqué ce référendum, sous prétexte que cela causerait l’extension de la crise grecque aux autres pays européens, en particulier au pays vulnérable qu’est l’Italie.
Démontrant qu’eux aussi s’y connaissent en matière de chantage, la Chancelière allemande Merkel et le président français Sarkozy ont exigé que ce référendum porte sur la question de savoir si la Grèce devrait rester membre de l’UE ou non. La tranche suivante du plan de sauvetage actuellement en train d’être administré à la Grèce, d’une valeur de 8 milliards d’euros, a elle aussi été suspendue afin d’ajouter à la pression sur Papandréou pour qu’il retire sa proposition.
D’immenses divisions se sont ouvertes au sein du PASOK autour du projet de référendum : le ministre des Finances Evangelos Venizelos et d’autres figures cruciales du gouvernement s’y sont ainsi publiquement opposées, déclarant le 4 novembre que ce projet devait être annulé. Certains membres du cabinet ont exigé la démission de Papandréou en faveur d’un gouvernement d’“unité nationale”.
Après ces coups politiques fatals, Papandréou a survécu à un vote de défiance au Parlement le 4 novembre, mais seulement à condition qu’il visite le Président de l’État grec le lendemain pour lui remettre sa démission, en faveur d’un gouvernement de coalition dirigé par un nouveau premier ministre (non-élu). Papandréou a donc comme promis démissionné le 5 novembre. Cela démontre une nouvelle fois l’existence d’une crise politique extrêmement profonde au sommet de la “classe politique” et de l’establishment grecs.
Dimanche soir (6 novembre), le PASOK et l’opposition de la Nouvelle Démocratie (qui avait précédemment refusé toutes les offres de former un gouvernement de coalition avec le PASOK) se sont mis d’accord pour former un gouvernement de coalition, dirigé par une tierce “personnalité”, pour une période de quelques mois jusqu’à la tenue de nouvelles élections. Le gouvernement de coalition sera composé des deux principaux partis pro-capitalistes du pays et de deux plus petits partis, dont l’extrême-droite populiste du LAOS (Aube dorée).
Une propagande impitoyable
Les travailleurs et classes moyennes grecs se sont également retrouvés bombardés par une propagande impitoyable de la part de l’UE, des patrons et des médias grecs autour de la question du référendum. On leur a dit qu’à moins d’accepter encore plus d’austérité, la Grèce serait forcée de quitter la zone euro et l’UE, et subirait une chute encore plus grande du niveau de vie.
Les principaux partis de gauche, tels que le KKE (Parti communiste grec) et Syriza (une alliance de gauche large) n’ont mis en avant aucune alternative à cette brutale offensive de propagande pro-capitaliste.
Tout cela a eu un impact sur la perception de la population grecque. Des sondages d’opinion ont montré qu’une large majorité des Grecs était contre l’idée d’un référendum. Ce sentiment a changé après la propagande massive de la part de la classe dirigeante et des médias. Une large majorité, de plus de deux tiers, était également en faveur du maintien de l’appartenance à la zone euro, et pas plus de 15% se disaient en faveur du départ de celle-ci (ces données proviennent de divers sondages d’opinion réalisés par téléphone au même moment, de sorte qu’il n’y a pas de chiffre exact, bien que la tendance soit la même dans chacun de ces sondages).
Les résultats de ces sondages sont une réelle expression du désespoir qui vit en cette époque désespérée – il vit encore “un espoir contre toute attente” que d’une certaine manière le gouvernement de coalition parvienne à trouver une solution à la crise économique profonde de la Grèce. En réalité, la plupart des travailleurs ne voient aucune issue à la crise ni à l’austérité, et toute illusion qu’une certaine section de la population détient dans la nouvelle coalition ne sera certainement que de courte durée. Des sondages plus récents ont tous montré qu’un bon 90% de la population grecque est contre les coupes d’austérité du PASOK – la même politique qui sera poursuivie par le gouvernement d’“unité nationale”.
Depuis le début de la crise en 2008-9, les travailleurs grecs ont démontré à maintes reprises qu’ils sont prêts à riposter contre l’austérité et pour une alternative à ce système perclu de crises. Pas moins de quinze journées de grève nationale (dont deux grèves de 48 heures) ont été organisées en moins de deux ans, sans compter les grèves étudiantes, les sit-ins et les occupations de bâtiments publics et d’écoles, en plus de la campagne de non-paiement contre les taxes iniques. Les actions industrielles et les mouvements de masse ont culminé avec la magnifique grève générale de 48 heures des 19-20 octobre. Entre 500 000 et 800 000 personnes sont descendues dans la rue à Athènes ce jour-là – formant ainsi la plus grande manifestation syndicale de toute l’histoire d’après-guerre en Grèce.
Mais les dirigeants bureaucratiques et conservateurs des syndicats n’ont pas utilisé l’immense puissance de la classe ouvrière organisée pour intensifier la résistance de masse afin d’en finir une fois pour toute avec le gouvernement PASOK, afin de mettre un terme à la politique d’austérité et d’aller vers la mise sur pied d’un gouvernement des travailleurs. Tout au long des 18 derniers mois, la direction syndicale n’a appelé à des actions que parce qu’elle y était contrainte par l’immense pression des masses – elle n’a aucun plan ni stratégie pour gagner quoi que ce soit, sans même mentionner un programme politique alternatif.
Les occupations et l’action industrielle
Depuis la grève de 48 heures des 19-20 octobre, les occupations et grèves sectorielles se sont fait moins fréquentes. Mais cela ne veut pas dire que la lutte industrielle de masse est terminée : il ne s’agit que d’une pause temporaire après des mois de grève frénétique et autres activités de masse. Il est possible que les jeunes et les travailleurs se tournent maintenant vers d’autres formes de résistance de masse. Des campagnes de non-paiement de masse pourraient ressurgir, de même que des actions de masse autour de thèmes environnementaux. La nouvelle vague de coupes budgétaires promise par la “coalition d’austérité” signifie que la lutte de classe est inévitable, de même que de nouvelles vagues d’action industrielle.
Certains syndicats, comme le syndicat du personnel communal, celui des instituteurs/trices, celui des travailleurs du rail et celui des télécoms, se sont battus de manière plus déterminée, et ont rompu leurs connexions avec le PASOK. Toute une section du mouvement ouvrier est en train de virer dans une direction plus radicale et plus combative. Bien que ces syndicats aient rompu avec le PASOK, leur direction se refuse toujours à donner à sa base un plan d’action clair et résolu. Xekinima, la section grecque du CIO, appelle la base de ces syndicats à rompre de manière définitive avec le PASOK et à contribuer à la construction d’un nouveau parti ouvrier, armé d’un programme socialiste radical.
Xekinima s’oppose au nouveau gouvernement d’“unité nationale” du PASOK et de Nouvelle Démocratie. Cette coalition présidera à encore plus d’austérité qui mènera à une misère encore plus profonde. La politique qui sera appliquée par le nouveau gouvernement de coalition sera la même que celle qui a été appliquée jusqu’ici. Le nouveau gouvernement suivra à la lettre les dictats de Merkel et de Sarkozy. Il n’y a absolument rien de “positif” dans ce gouvernement, mis à part, si l’on peut dire, le fait que Nouvelle Démocratie (ND) sera maintenant lui aussi mouillé devant tous les Grecs en tant que responsable de la politique d’austérité. Jusqu’à présent, le dirigeant de ND, Samaras, a de la manière la plus cynique qui soit joué un rôle populiste en critiquant la politique du gouvernement et en accusant le PASOK de trop se laisser faire par les dictats de l’UE.
Un espace politique pour la Gauche
Les illusions parmi certaines sections de la population que les choses pourraient aller “un peu mieux” sous la coalition d’“unité nationale” ne vont guère durer. Dans la situation politique qui s’ouvre à présent, les partis de la Gauche auront une opportunité unique et historique de croitre et de jouer un rôle décisif. Mais pour pouvoir concrétiser le type de changements fondamentaux qui sont requis pour apporter des solutions réelles et durables aux immenses problèmes auxquels sont confrontés les travailleurs grecs et l’ensemble de la société, il est nécessaire que la Gauche adopte un programme socialiste et se batte de manière décisive pour un changement de système. Jusqu’à présent, les principaux partis traditionnels de la Gauche grecque que sont le KKE (Parti communiste) et SYN (Synaspismos, une coalition de mouvements de gauche et écologiques) – refusent de faire le moindre pas dans cette direction. La nécessité de bâtir et de développer les mouvements de masse, et de construire de nouvelles forces de Gauche, armées d’un programme radical et socialiste, se pose aujourd’hui plus que jamais.
Xekinima met en avant une perspective et un programme socialistes. Xekinima dit : Nous ne paierons pas la dette, non à l’austérité ! Xekinima appelle à la formation d’un gouvernement qui représente les travailleurs, la classe moyenne appauvrie, les pauvres et les jeunes. Un gouvernement ouvrier signifierait un emploi, un logement à prix abordable, un enseignement et des soins de santé correctement financés. Un tel gouvernement ferait passer au domaine public les secteurs-clés de l’économie, sous contrôle démocratique, pour le bénéfice de la majorité et non de l’élite de riches.
Xekinima rejette l’argument selon lequel les Grecs doivent subir la destruction de leur niveau de vie afin de pouvoir rester dans la zone euro. Xekinima explique aussi que personne ne doit semer la moindre illusion dans une éventuelle “nouvelle politique monétaire souveraine et progressiste”, comme certaines sections de la Gauche grecque le mettent en avant. Sous le capitalisme, et dans le cadre national, il n’y a aucune solution. Xekinima appelle à un véritable internationalisme – pour une alternative ouvrière à la crise et à l’austérité capitaliste qui s’étend à toute l’Europe. Ce n’est qu’avec la perspective d’une lutte commune avec les travailleurs de tout le reste de l’Europe que nous pourrons trouver une alternative à l’Europe du Capital, des banquiers et du FMI, et nous battre pour une Europe socialiste !
Extrait de l’interview de notre camarade Andreas Payiatsos, de Xekinima, publiée sur socialistworld.net :
La presse internationale insiste sur le fait que la Grèce est minée par la taille de son secteur public et par la corruption – quelle est la situation reélle ?
Les travailleurs grecs sont confrontés à une incroyable campagne de diffamation dans la presse internationale et de la part des représentants de la classe dirigeante en Europe et dans le monde. C’est révoltant !
Le cout des salaires dans le secteur public en Grèce est inférieur à la moyenne européenne de ces couts comparés au PIB (en Grèce, les couts salariaux du secteur public représentent 9% du PIB, contre 10% en moyenne en Europe-27). Les salaires du public coutent à peine la moitié de ce que coutent les salaires du public en Scandinavie, ce qui est encore bien inférieur à la situation en France, Allemagne, etc., en termes de part du PIB toujours. C’est un secteur public “bon marché”. Mais cela, ils ne le disent jamais, malgré le fait que ces chiffres soient tirés de leurs propres statistiques européennes !
À propos de la “paresse” et de l’évasion fiscale, les travailleurs grecs, selon une recherche organisée par l’UE en juillet dernier, sont les plus laborieux de toute l’Europe, avec 108 heures de travail par an en plus que la moyenne européenne – plus que les travailleurs d’Europe de l’Est par exemple qui ne travaillent “que” 103 heures par en plus que la moyenne européenne.
La presse pro-capitaliste ne dira jamais la vérité. Ces gens vont toujours tout déformer afin de pouvoir mieux faire passer leur propre politique.
L’évasion fiscale en Grèce n’est pas quelque chose qui est perpétré par les travailleurs, qu’ils soient du public ou du privé. Leurs revenus sont déclarés à l’Etat, qui est responsable de les taxer. L’évasion fiscale est le fait des strates les plus riches de la société, de professionnels qui sont capable d’organiser la fraude et de s’en tirer. Pourquoi alors faire payer les travailleurs ? À part l’évasion fiscale illégale, il y a aussi toutes les procédures légales mises en place par le gouvernement et votées au Parlement. Par exemple, la couche la plus riche de la classe dirigeante grecque, qui sont les armateurs (propriétaires de compagnies de navires marchands), bénéficie de 58 lois d’exemption fiscale différentes (aucune ne concerne le personnel de ces compagnies, bien entendu). Voilà en réalité le nœud du problème : non pas la fraude fiscale illégale (sans vouloir sous-estimer son rôle bien réel), mais tous ces transferts légaux de richesses prises aux travailleurs pour les donner aux riches, afin soi-disant de “promouvoir l’investissement” et autres balivernes. C’est là le facteur décisif qui explique tout le bordel dans lequel l’économie se retrouve en ce moment.
Pourquoi la dette atteignait-elle déjà les 120% du PIB avant la crise ?
La dette grecque a toujours été relativement élevée, à un niveau de 100-110% du PIB, comme celle de la Belgique ou de l’Italie. La raison pour laquelle elle reste élevée est le fait que tous les revenus “supplémentaires” de l’État grec ont été utilisé pour “soutenir” les capitalistes, banquiers, armateurs, constructeurs, etc. grecs afin qu’ils puissent accroitre leurs profits, faire face à la concurrence internationale et, surtout, s’étendre aux Balkans et à l’Europe de l’Est dans les années ’90… Cette politique s’est poursuivie jusqu’en 2007.
Ce qui a déclenché tout le chaos a été la crise économique qui a frappé la Grèce en 2009 en tant que répercussion de la crise mondiale, poussant l’économie dans la récession, rendant impossible le paiement de la dette. Les banques ont été menacées et, afin de sauver les banques, les divers gouvernements ont suivi une politique d’immenses plans de renflouement, ce qui a forcé l’État à emprunter de colossales sommes d’argent, comme nous le savons tous. Puis il s’en est “logiquement” suivi une austérité terrible pour les travailleurs, afin de pouvoir donner l’argent aux grands banquiers.
En 2009, la dette se tenait à près de 115-120% du PIB. Au printemps 2010, elle avait grimpé à 140-160% du PIB. Le gouvernement grec se voyait alors demander un taux d’intérêt de 7% de la part des “marchés” pour pouvoir emprunter de l’argent auprès d’eux, argent qui était prêté à ces mêmes “marchés” par la BCE à un taux de 1% ! C’est carrément du vol ! Et aujourd’hui, ce serait à nous de payer pour ce pillage !
C’est alors qu’est arrivée la fameuse Troïka pour nous “sauver”. La politique du FMI et de l’UE a fait chuter l’économie grecque de 15% en trois ans. Sous cette politique, la dette a bondi à 170% du PIB aujourd’hui, et on prévoit qu’elle atteigne les 198% du PIB d’ici la fin de l’an prochain – et encore, selon les statistiques officielles ! C’est ce qui les a forcé à lui donner une “coupe de cheveux”. Comme les médias internationaux l’ont répété encore et encore, un tel effondrement du PIB ne s’est auparavant jamais produit en temps de paix dans aucun pays “développé” (je rappelle au passage qu’avant la crise, la population grecque était considérée comme faisant partie des 8% les plus riches de la planète – bien qu’elle était perçue comme relativement pauvre selon les standards européens). L’économie ne pouvait plus générer plus d’argent, et il n’était plus possible non plus d’en presser plus d’argent. Du coup, la dette a continué à monter et monter. En d’autres termes, la hausse de la dette au cours des deux dernières années est un résultat direct de l’intervention du FMI et de l’UE.
La soi-disant “coupe de cheveux” de la dette grecque s’élève-t-elle réellement à 50% de sa valeur ? Quels sont les termes exacts ?
La “coupe de cheveux” de 50% de la dette étatique grecque ne concerne que la partie privée de cette dette. La dette grecque est en effet divisée en deux parts : le montant total actuel est de 360-370 milliards d’euros. De cette somme, 200 milliards proviennent d’institutions et banques privées ; le reste, qui vaut 160-170 milliards d’euros, provient essentiellement de la BCE et du FMI. L’argent qui a été prêté par la Troïka ne sera pas concerné par la coupe. Lorsqu’ils parlent de cette coupe, ils ne se réfèrent qu’aux 200 milliards dûs au privé, ce qui touchera des bons d’État détenus par des particuliers qui expireront d’ici une décennie, càd en 2020. Les 160 milliards restant sont des bons d’État à long terme – 15-30 ans – ou de l’argent prêté par le FMI et qui ne sont soumis à aucune réduction.
Tout ceci signifie que la dette grecque diminuera d’environ 100 milliards d’euros sur les 360 milliards (pour peu que les banquiers acceptent cette coupe – parce qu’elle est censée être une coupe “volontaire” !..).
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Le gouvernement grec va économiser 100 milliards, mais devra emprunter 130 milliards d’euros en plus afin de pouvoir rembourser la dette restante et de couvrir les pertes des banques grecques. Donc, on coupe la dette grecque pour pouvoir lui permettre de monter encore !
Pour résumer, la fameuse “coupe de cheveux” permet au gouvernement grec d’économiser 100 milliards, et nous force à de nouveau emprunter 130 milliards ! Ces 130 milliards d’euros proviendront de la Troïka et seront versés au cours des deux prochaines annéees (et cet emprunt, évidemment, ne sera pas non plus soumis à la moindre “coupe de cheveux”). La dette sera réduite pour passer de 170% du PIB à l’heure actuelle, à 150%, puis elle va recommencer à croitre à nouveau. En théorie, après avoir monté, elle commencera à décliner, tandis que l’économie reprendra petit à petit. L’objectif officiel est d’arriver à une dette valant 120% du PIB d’ici 2020, c’est à dire, son montant de 2009. Pour le dire plus simplement donc : ils veulent passer une décennie entière à démolir l’ensemble de la société grecque, uniquement dans le but de ramener la dette au niveau qu’elle avait déjà atteint en 2009.
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10e Congrès Mondial du Comité pour une Internationale Ouvrière
Relations mondiales : ‘‘Tout est changé, complètement changé’’
Rapport de la discussion sur les relations mondiales au 10ème Congrès mondal du CIO
Le 10e Congrès Mondial du Comité pour une International Ouvrière (CIO) a commencé la semaine dernière en Belgique. Ont participé à cet événement entre autres des délégués et des visiteurs en provenance d’Afrique du Sud, d’Allemagne, d’Angleterre et du pays de Galles, d’Argentine, d’Australie, d’Autriche, de Belgique, du Chili, de Chypre, d’Écosse, d’Espagne, des États-Unis, de France, de Grèce, de Hong Kong, d’Inde, d’Irlande, d’Israël, d’Italie, du Kazakhstan, de Malaisie, des Pays-Bas, du Nigéria, de Pologne, du Portugal, du Québec, de Russie, du Sri Lanka, de Suède, de Taïwan, de Tchéquie, et du Venezuela. Malheureusement, les délégués de Bolivie et du Pakistan n’ont pas pu venir, à cause du refus de leur visa.
Sarah Sachs-Eldridge, délégation du Socialist Party (CIO – Angleterre et pays de Galles)
Ce Congrès a duré une semaine et a discuté des principaux enjeux auxquels est confrontée la classe ouvrière internationalement dans cette période d’attaques d’austérité sauvages ainsi que des tâches du CIO.
Les principales discussions lors du Congrès ont porté sur les relations mondiales, sur l’économie mondiale, sur l’Europe, l’Asie, l’Amérique latine, l’Afrique, et sur la construction du CIO.
Le CIO est une organisation internationale socialiste et démocratique. Au cours du Congrès, les documents et les résolutions ont été discutés, amendés, puis soumis au vote. Un nouveau Comité Exécutif International a également été élu.
Nous publierons les versions finales des principaux textes du Congrès. Notre site international (www.socialistworld.net) a déjà publié le projet initial de document de Congrès concernant les relations mondiales. Une version mise à jour de ce document sera publiée par la suite, avec les documents concernant l’Europe, le Moyen-Orient, l’Asie, la Russie et l’Europe de l’Est, de même qu’un document sur la situation en Afrique.
Ci-dessous, nous publions un rapport de la première discussion du Congrès, celle sur les relations mondiales, rédigé par Sarah Sachs-Eldridge, de la délégation d’Angleterre et Pays de Galles (Socialist Party). D’autres rapports des principales discussions qui ont eu lieu tout au long du 10e Congrès suivront au cours des prochains jours.
Des millions de personnes ont participé aux manifestations et aux grèves en France. Il y a eu des grèves générales en Grèce, au Portugal – la plus grande depuis la révolution de 1974 -, en Espagne et en Inde où une grève générale a impliqué 100 millions de travailleurs. Un immense mouvement partiellement victorieux s’est développé en Afrique du Sud et de nombreuses autres expressions de colère ont éclaté face à la crise la plus dévastatrice depuis les années ’30.
Dans son introduction à la discussion, Peter Taaffe du Secrétariat international (SI) du CIO a cité William Butler Yeats, un célèbre poète nationaliste irlandais, qui avait dit : ‘‘Tout est changé, complètement changé’’ à propos des évènements d’Irlande. Pour décrire les événements de ces derniers mois, cette phrase reste d’actualité. Les contributions au débat portant sur les pays d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine, d’Amérique du Nord, du Moyen-Orient, d’Europe et d’Europe de l’Est ont bien démontré que pas un pays au monde n’a été épargné par la crise économique mondiale.
Une crise prolongée
Les gouvernements de plusieurs pays et régions peuvent bien clamer haut et fort que leurs économies sont à l’abri de tout danger et sur la voie de la reprise, il existe un potentiel pour une nouvelle chute de l’économie mondiale, ou en tous cas pour une stagnation prolongée avec une croissance faible. En fait, il n’y a aucun “remède” clair à appliquer pour la bourgeoisie, et des divisions existent entre et à l’intérieur des différentes classes dirigeantes quant à savoir quelles mesures devraient être prises.
En cette époque de changements rapides, les gouvernements peuvent être enclins à des revirements soudains. La situation est lourde de troubles sociaux et politiques d’une ampleur tragique.
Les relations mondiales sont dans un état d’instabilité croissante. Nous ne vivons plus dans un monde “unipolaire” où le pouvoir ultime des États-Unis, en tant que plus grande économie au monde, est accepté. Ceci peut mener à une hausse des frictions et des conflits.
L’impression prédominante est que nous sommes dans une période de flux. Des luttes de la classe ouvrière ont lieu ou sont à l’ordre du jour dans chaque région du monde. Les socialistes doivent être prêts à ajuster leur tactique et leurs méthodes organisationnelles au fur et à mesure que la lutte de classe se développe et que les conditions objectives changent. De nouveaux mots d’ordre et revendications seront lancés lorsque cela sera requis.
Des changements soudains
Dans son introduction, Peter Taaffe a décrit comment, au cours d’un intervalle relativement court, l’économie irlandaise a été noyée, passant d’une des économies les plus prospères au monde à, non pas la récession, mais la dépression. Dans un sondage effectué il y a six ans auprès de 100 pays, on avait révélé que le peuple irlandais était le plus heureux au monde, sur base de la hausse des salaires et d’une phase de croissance apparemment sans fin. Mais ce 27 novembre, 100.000 manifestants sont descendus à Dublin malgré le froid polaire pour y exprimer leur rage, leur dégout et leur amertume face à la situation complètement différente, dans laquelle la majorité de la population est maintenant confrontée à des coupes sévères dans leur niveau de vie.
La classe ouvrière irlandaise a montré qu’elle était capable de trouver par elle-même le chemin de la lutte, même lorsque les dirigeants syndicaux ont abandonné de la manière la plus poltronne qu’il soit leur responsabilité qui était de mener celle-ci. La survie du gouvernement, élu il y a moins de deux ans, ne tient plus qu’à un fil.
La présence en Irlande du CIO et de Joe Higgins, l’eurodéputé socialiste de Dublin, signifie qu’il existe une voix qui est présente afin d’articuler l’opposition à la politique pro-marché, et qu’il existe le potentiel pour défier cette politique lors des élections générales de 2011, autour de l’Alliance de la Gauche Unie (United Left Alliance) récemment établie.
L’ampleur de la crise économique mondiale, qui a commencé avec la crise des subprimes aux États-Unis en 2007, s’est largement fait ressentie lors de la crise bancaire de 2008. Le CIO a averti du fait que les patrons, dont la rapacité et le système du “tout pour le profit” sont responsables de la crise, ne seraient pas capables de trouver une issue facile pour sortir de cette crise, et qu’ils chercheraient à en faire payer le cout par les travailleurs.
Cette crise a été si grave que, au départ, il n’était pas évident de voir comment une dépression de l’ampleur de celle des années ′30 pouvait être évitée. Toutefois, de nombreux gouvernements, après avoir jeté un œil par-dessus le gouffre et ayant aperçu le danger de la répétition d’une dépression qui durerait une décennie entière, ont pris peur et ont mis en place de grands plans d’urgence de relance de l’économie afin d’amortir les pires effets de la crise.
Les travailleurs payent la facture
De nombreuses contributions ont illustré à quel point les dirigeants ne sont pas parvenus à protéger les travailleurs et les pauvres. Par exemple, depuis le début de la crise, les plans de relance aux États-Unis ont empêché un million de pertes d’emplois, mais huit millions d’autres emplois ont été perdus depuis 2007. Dans les pays de l’OCDE, c’est 17 millions de travailleurs qui ont été virés des usines. On ne tient pas compte ici des travailleurs qui subissent le travail temporaire et/ou précaire, ce qu’on a commencé à appeler aux États-Unis des “jobs de survie”.
À la grand’ messe du G20 à Toronto, il y a eu un accord général pour cesser l’intervention politique et financière et les plans de relance, et pour passer à des plans d’austérité, destinés à satisfaire les marchés. Il n’y a pas une confiance totale dans cette politique, qui a eu pour conséquence des coupes énormes dans de nombreux pays, suscitant déjà la colère et l’action de la classe ouvrière.
Mais la colère, la frustration et l’opposition n’ont pas encore trouvé une expression dans la formation de nouveaux partis de masse de la classe ouvrière. Ce facteur représente un grand obstacle dans la lutte. Comme le document sur les relations mondiales l’a fait remarquer : ‘‘S’il existait des partis de masse de la classe ouvrière – même à l’image des partis ouvrier-bourgeois du passé – alors, en toute probabilité, les idées réformistes de gauche, centristes et révolutionnaires seraient en ce moment en train d’être largement discutées dans la société, et en particulier dans les rangs du mouvement ouvrier organisé.’’
La Chine
Un aspect important de la discussion a été le rôle de l’énorme plan de relance en Chine. Celui-ci a été combiné à une expansion massive du crédit, principalement de la part des banques d’État. L’investissement dans la construction de routes, de bâtiments et d’autres projets d’infrastructure a été une tentative de focaliser les mesures d’incitation sur la hausse de la demande intérieure.
Un impact très important de ce plan a été de donner aux travailleurs la confiance de lutter. L’année 2010 a vu une nouvelle vague de grèves balayer la Chine, d’une nature en grande partie offensive, dans le but d’obtenir de meilleurs salaires. Les travailleurs ont vu l’économie s’accroitre, et en ont réclamé leur part. La croissance de ce mouvement et son développement va être crucial dans le développement de la lutte des travailleurs partout dans le monde.
Dans sa réponse lors de la discussion, Robert, du Secrétariat International du CIO, a souligné les questions importantes qui sont posées : quel est l’attitude de ces travailleurs par rapport à la lutte pour les droits démocratiques, et syndicaux, par rapport aux syndicats officiels, à l’État et au gouvernement ?
Toutefois, la discussion a bien clarifié le fait que les conséquences du plan de relance en Chine se sont fait ressentir dans de nombreux domaines. La croissance économique dans toute une série de pays, tel qu’en Allemagne, est liée au plan de relance chinois.
Anthony, d’Australie, a expliqué le fait qu’une des raisons pour lesquelles l’économie australienne est jusqu’à présent parvenue à éviter les pires effets de la crise qui a touché les autres pays est la force du secteur minier et l’exportation massive de matières premières vers la Chine. Tout ralentissement de la croissance de l’économie chinoise aurait des répercussions désastreuses.
Après être sortis de 30 ans de guerre civile, la classe ouvrière et les pauvres du Sri Lanka sont confrontés aux conditions les plus difficiles. Siritunga, du Sri Lanka, qui a passé la moitié de sa vie dans cette guerre, a décrit comment les “retombées de la paix” tant promises ne se sont absolument pas concrétisées. Au lieu de cela, le budget de 2010 a vu une hausse des dépenses militaires, qui constituent maintenant près du quart des dépenses de l’État, ce qui illustre la montée de la répression employée par le régime Rajapakse.
Les puissances régionales, telles que l’Inde et la Chine qui ont soutenu l’effort de guerre, continuent à intervenir au Sri Lanka dans leur propres intérêts économiques et stratégiques, sans que cela ne profite le moins du monde aux populations laborieuses de la région.
Toute une série de personnes ont pris la parole au sujet de la lutte d’influence entre les États-Unis et la Chine, en particulier dans certaines régions comme l’Asie-Pacifique.
Derrière les statistiques qui montrent une croissance économique, la Chine est en train d’exporter son modèle de production basé sur la surexploitation de la main d’œuvre, avec des bas salaires et sans aucun droit syndical ou autre pour le personnel.
André du Brésil et Patricio du Chili ont tous les deux expliqué comment l’exportation de matières premières vers la Chine a eu un effet d’amortir la crise économique mondiale dans toute une série de pays d’Amérique latine. Au Brésil, un processus de “reprimairisation” de l’économie est en cours (un développement du rôle de la place de l’extraction de matières premières), avec une désindustrialisation de plus en plus grande. Si cette tendance venait à se confirmer, elle sera accompagnée d’attaques sur les droits des travailleurs, d’une dégradation de l’environnement, et de traitements horribles pour les peuples indigènes.
Des mouvements de masse
Lors des précédents Congrès du CIO, au début des années ′2000, c’était le processus révolutionnaire en cours en Amérique latine qui se trouvait à l’avant-plan de la lutte. Tandis que ce processus s’est pour le moment temporairement ralenti, c’est la classe ouvrière européenne qui est aujourd’hui entrée en action.
Là, même en l’absence de leurs propres partis de masse ou même semi-de masse, les travailleurs ont entrepris une action extrêmement audacieuse, et développent d’instinct leurs propres revendications. Andros de Grèce a expliqué comment l’expérience du mouvement de masse en Grèce a mené à ce qu’aujourd’hui, un Grec sur deux est en faveur de la nationalisation des banques, et un sur trois est pour le non-payement de la dette de l’État, pour laquelle on demande à la classe ouvrière de payer la facture. De telles idées ont été capables de se développer même sans que la plupart des partis d’une certaine taille ne les aient mises en avant, à l’exception de la section grecque du CIO, Xekinima.
Rob de Russie a décrit le massacre affligeant des services publics, des salaires et des pensions qui s’est produit à travers toute l’Europe de l’Est. Dans toute une série de pays, les mouvements de protestation ont été énormes, avec par exemple le mouvement de masse dans les rues de la Lettonie qui a fait tomber le gouvernement. Mais en l’absence de tout parti ouvrier capable de prendre le pouvoir, c’est tout simplement une autre version de l’ancien gouvernement qui a été mise en place.
La présence du CIO au Kazakhstan signifie qu’il existe le potentiel pour construire un nouveau parti des travailleurs de masse. La campagne ‘Kazakhstan 2012’, dans laquelle sont actifs les membres du CIO, a lancé plusieurs campagnes visant à défendre la population contre les expulsions de domicile, et à construire des syndicats indépendants. Elle se déclare en faveur de la ‘‘renationalisation de tout ce qui a été privatisé, sous le contrôle des travailleurs.’’ 2012 sera la date des prochaines élections présidentielles, où l’on espère que le régime répressif au pouvoir en ce moment sera remplacé. Un nouveau centre syndical y a aussi été récemment fondé.
Le Moyen-Orient
Les dernières fuites organisées par Wikileaks ont brutalement mis au grand jour les frictions qui existent entre les différents régimes du Moyen-Orient, comme le CIO l’avait fait remarquer auparavant.
Yasha d’Israël a expliqué que les derniers documents suggèrent le fait que le régime israélien est sérieusement en train de se préparer à une attaque contre l’Iran, même si ce scénario est improbable. Robert a décrit comment l’intervention américaine en Irak a mené au renforcement du rôle régional de l’Iran. Mais le régime iranien n’est pas stable, comme l’a bien montré le mouvement de 2009.
La classe ouvrière égyptienne a trouvé sa force dans le nombre de luttes qui se sont déroulées au cours des dernières années. Le taux de participation de 15% à peine lors des dernières élections montre à quel point aucun des partis politiques ne parvient à susciter le moindre enthousiasme parmi les travailleurs et les jeunes. Mais comme l’a fait remarquer Igor de Russie, une fois qu’un mouvement va commencer à se développer contre le régime détesté de Moubarak, la classe ouvrière pourrait jouer un rôle très important.
Avec la “contagion” de la crise économique qui s’étend à partir de la Grèce jusqu’en Irlande, et maintenant potentiellement à l’Espagne, au Portugal, à la Belgique et au Royaume-Uni, c’est la question de la survie même de l’euro qui est posée.
Illustrant les tours de passe-passe financiers qui ont conduit à la crise économique, Robin d’Angleterre a décrit comment la valeur notionnelle de tous les “dérivatifs” est équivalente à onze fois la valeur de production annuelle mondiale ! Il a expliqué que la crise économique mondiale en cours en ce moment n’est pas juste une crise cyclique faisant partie du cycle normal de croissance et décroissance du système capitaliste, mais que c’est une crise basée sur l’absence de demande. Les plans d’austérité massifs ont réduit le pouvoir d’achat des travailleurs.
Aron d’Allemagne a fait une contribution au sujet de la tendance vers des mesures protectionnistes, dans la lutte pour une plus grande part du marché mondial. C’est là la trame de fond derrière la “guerre des devises” qui se déroule en ce moment. Les États-Unis ont lancé un autre tour massif de “facilitation quantitative” (c’est à dire, la création d’argent à partir de rien) et tentent d’inonder le monde de dollars afin d’améliorer leurs opportunités d’exportation. Paraphrasant un politicien américain, Aron a résumé ainsi l’attitude de l’administration américaine : ‘‘C’est notre monnaie, mais c’est votre problème’’.
Cependant, les États-Unis ne peuvent pas simplement claquer des doigts et s’attendre à ce que le reste du monde accoure se mettre en rang. Peter a expliqué que l’État chinois est loin de se porter volontaire pour prendre les coups, et a exprimé la menace comme quoi si la Chine devait réévaluer sa monnaie, le monde assisterait à la fermeture de 40 millions d’usines chinoises, ce qui pourrait entrainer un mouvement de masse de la classe ouvrière chinoise, une perspective qui suscite des sueurs froides chez les gouvernements de tous les pays.
Les conflits
Mais la guerre des monnaies n’est pas le seul conflit qui menace le monde. La friction entre les Corées du Nord et du Sud pourrait se développer. L’Irak est une plaie béante et Judy d’Angleterre a montré que la guerre d’Afghanistan, qui est maintenant perçu comme la guerre d’Obama, est impossible à remporter pour l’impérialisme.
Ceci sape le soutien en faveur d’Obama mais, comme Philip des États-Unis l’a dit, ce n’est pas le seul facteur de mécontentement : il y a aussi la colère croissante de la classe ouvrière et de la classe moyenne face au chômage, aux expulsions de domicile, et à d’autres effets de la crise sur leur vie de tous les jours.
Sur base de cette expérience, c’est un sentiment anti-establishment qui a dominé les élections de novembre aux États-Unis. Le Tea Party, qui cherche à se faire passer comme l’alternative au statut quo tout en étant en réalité lié à des personnes telles que les dirigeants de la chaine Fox News, chaine droitière et pro-capitaliste, pourrait bien tirer profit de ce sentiment et de l’absence d’une alternative ouvrière de gauche. Toutefois, un sondage a révélé la nécessité urgente et le potentiel pour un tel parti, puisque plus de la moitié des personnes qui y ont répondu déclaraient avoir une mauvaise image du Parti démocrate tout comme du Parti républicain. En fait, le Tea Party a lui-même provoqué deux contre-manifestations à Washington.
La riposte de la jeunesse
Ty, des États-Unis, a décrit les batailles héroïques qui se sont déroulées dans le secteur de l’éducation. Des étudiants, des enseignants et des parents se sont organisés contre les coupes budgétaires et contre les attaques brutales contenues dans le programme scolaire Charter.
Même alors qu’ils sont en train de mettre en place des plans de relance pour les grandes boites, les gouvernements vont tenter de forcer leur agenda néolibéral qui consiste à reprendre l’ensemble des précédents acquis de la classe ouvrière, tels que l’éducation, la santé et les pensions.
Mais l’action estudiantine aux États-Unis n’est qu’un exemple parmi une nouvelle vague de mouvements de la jeunesse qui est en train de se développer. Vincent de Hong Kong a raconté comment 2.000 étudiants chinois ont démoli la cafétéria privatisée de leur campus lors d’une bataille autour de l’augmentation du prix des bouteilles d’eau. Au Royaume-Uni, les étudiants et les lycéens sont en marche en ce moment-même. En Grèce, en Malaisie, en Italie et en Irlande, les étudiants se battent pour leur avenir.
Au Nigéria, où l’âge moyen est de 19 ans, la lutte pour l’avenir fait partie de la vie de tous les jours. Segun du Nigéria a dépeint l’horreur de la vie des travailleurs sous le capitalisme dans le monde néocolonial. Toutes les promesses rompues en terme de route, d’écoles, etc. a mené certains vieux travailleurs à commencer à penser que la vie était peut-être meilleure du temps de la colonie. Il a décrit à quel point la privatisation et la soif de profit peuvent devenir extrêmes, avec l’exemple d’une route privatisée de 6 km mais qui compte trois péages !
Cependant, la classe ouvrière a montré sa force potentielle dans les huit fantastiques grèves générales de la dernière décennie. Le défi est maintenant de mobiliser ce potentiel dans une lutte pour changer la société.
La crise environnementale
La crise du changement climatique et la destruction de l’environnement ne sont qu’une des nombreuses preuves qui toutes démontrent à quel point l’idée du capitalisme en tant que système progressiste a été discréditée. Bart de Belgique a proposé des mots d’ordre qui puissent trancher à travers le scepticisme qui peut se développer face à des mesures soi-disant “vertes” telles que les taxes environnementales. Les socialistes doivent lier ce problème à celui de la crise générale, en remettant en question le droit à la propriété privée de la recherche scientifique, et avec des revendications telles que des emplois écologiques et la reconversion des usines.
La discussion a bien confirmé que le sentiment et la compréhension de la classe ouvrière, de la jeunesse et de certaines couches de la classe moyenne est en train de changer et d’évoluer à travers l’expérience de la crise économique, politique et sociale, et surtout l’expérience des luttes émergentes.
Le sentiment parmi les travailleurs et la jeunesse
Les sentiments anti-banquiers, anti-establishment et anti-politiciens sont très vivaces. Sascha d’Allemagne a expliqué qu’il y a un potentiel pour un développement très rapide de ce sentiment, et que parmi certaines couches, il a acquis un caractère anticapitaliste plus prononcé. Au fur et à mesure que s’accentue l’expérience de la pire crise depuis les années ′30 et que pleuvent les coupes budgétaires qui s’abattent sur la classe ouvrière, il va y avoir une mise en question de plus en plus grande de la manière dont ces coupes peuvent être combattues et de quelle est l’alternative.
Mais cela ne veut pas dire que les attaques violentes sur le niveau de vie vont automatiquement conduire à une plus grande volonté de se battre et une plus grande ouverture aux idées socialistes. Il peut y avoir un effet d’hébétement sous le choc de la crise, comme on l’a vu en Grèce au début de la crise. La question de la direction de la classe ouvrière va également jouer un rôle dans l’évolution d’une conscience combative et socialiste.
Ce qui est propre à cette situation, c’est le potentiel qu’a la classe ouvrière d’infliger des défaites aux gouvernements, divisés et hésitants. Des revirements soudains de tactique de la part de la bourgeoisie peuvent se produire. Tout en essayant de forcer la mise en œuvre de leur agenda néolibéral, ils peuvent passer en un tour de main de la hache de l’austérité à la planche à billets virtuelle afin de se lancer dans de nouveaux plans de relance. Lynn a souligné le fait que toute une série d’économistes qui naguère prêchaient le monétarisme sont maintenant en train d’appeler à de nouvelles mesures de relance.
Kevin d’Irlande a décrit la situation du sud de l’Irlande comme étant “en gestation d’une révolte”, et la discussion a amené à la conclusion que, en ce qui concerne l’Irlande comme en ce qui concerne les relations mondiales, nous sommes véritablement entrés dans une période différente.
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Nigéria : le secteur de l’énergie doit rester public !
Au Nigéria, le président Goodluck Jonathan a récemment lancé une “feuille de route pour la réforme du secteur de l’énergie”, dont le but est de privatiser la Power Holding Company of Nigeria (PHCN – Compagnie électrique du Nigéria). Comme condition pour cela, le gouvernement a augmenté le tarif de l’électricité d’environ 4 naïras du kilowattheure à 18 naïras du kilowattheure (0,02€ à 0,09€).
Socialist Democratic Movment
C’est là une tentative cynique d’exploiter la faillite de la PHCN à fournir de l’électricité en tant que couverture pour un agenda anti-pauvres visant à transférer les entreprises publiques vers les mains des capitalistes locaux ou étrangers et ce aux dépens des besoins économiques et de la fourniture de services.
C’est là un véritable revirement dans la tactique de ces bandits, plutôt que de piller la PHCN, l’élite dirigeante, avec leurs alliés étrangers, cherche une nouvelle manière de se faire de l’argent facile. Selon leur plan, après que le secteur privé ait acheté 51% de parts dans la PHCN, qui inclut les 6 compagnies génératrices d’État et 11 compagnies de distribution, le secteur privé sera également responsable de gérer le réseau de transmission “selon un contrat de gestion de cinq ans”.
Afin d’encore bien insister sur le caractère antisocial de leur “réforme du secteur de l’énergie”, le gouvernement a d’emblée annoncé que 50.000 travailleurs seront licenciés en 2011 suite à la privatisation de la PHCN. Ce chiffre, bien qu’il soit en lui-même assez alarmant, pourrait bien n’être en réalité qu’une sous-estimation du nombre réel de licenciements qui surviendront suite à la privatisation de la PHCN. Selon le Conseiller présidentiel pour l’énergie, le Professeur Barth Nnaji, « Il y a un coût de fonctionnement élevé pour la compagnie, qui engouffre chaque année 8 milliards de naïras (39 millions €), et qui se composent à 80% des salaires et des pensions du personnel, tandis que 70% des coûts se produisent au niveau de la distribution, c’est donc l’idée du groupe d’action de couper une grosse partie de ces frais salariaux afin de garantir un approvisionnement en électricité plus efficient pour le pays. Une fois que ces travailleurs auront été licenciés, nous signerons un accord avec les nouveaux propriétaires de ces compagnies afin qu’ils les réengagent ». C’est un mensonge. La plupart de ces travailleurs ne seront jamais réembauchés, et le paquet de primes de licenciements d’un montant de 135 milliards de naïras (650 millions €) qui a été promis mettra des années avant d’être payé, comme l’a clairement démontré l’expérience des travailleurs et des pensionnés de la Nitel (société des télécoms du Nigeria).
La vérité est que le gouvernement adore cette tactique du chantage selon laquelle le salaire des travailleurs est un énorme fardeau pour le revenu public, alors que la réalité montre le contraire. Par exemple, les 17.474 cadres et législateurs aux niveaux fédéral, étatique et local coûtent chaque année plus de 1,3 milliards de naïras (6,3 millions €) au pays. Le professeur Itse Sagay, dans une étude fort détaillée parue dans le Punch du 8 août 2010, a montré que cinq pourcent du budget annuel du Nigéria est dépensé chaque année uniquement pour payer “nos” 109 sénateurs et 360 députés.
En d’autres termes, 469 Nigérians mangent 5% du budget national, laissant les 150 millions d’autres Nigérians avec 1000 naïras (5€) chacun. Ce professeur a encore révélé que « En 2009, un sénateur gagnait sur l’année 240 millions de naïras en terme de salaire et de notes de frais, un député touchait 204 millions. Autrement dit, un sénateur gagnait en un an environ 1,2 millions d’euros, un député gagnait 1 million d’euro. Comparons ceci avec un sénateur américain qui gagne 174.000 dollars par an (127.000€) ou avec un député britannique qui gagne 64.000 livres sterling par an (77.000€).
En outre, le gouvernement tente à présent de criminaliser le salaire annuel des travailleurs de la PHCN qui s’élève au total à 8 milliards de naïras (39 millions €), comme si leur salaire était responsable de l’inaptitude du gouvernement à fournir un approvisionnement électrique suffisant pour la population. Mais on ne nous fera pas démordre du fait que c’est pour nous les pratiques corrompues des hauts fonctionnaires gouvernementaux, des gérants de la PHCN (qui incluent des personnes appointées par le gouvernement et des contractuels du gouvernement tels que Barth Nnaji) qui sont responsables de l’inefficacité et de l’insuffisance de la fourniture en électricité publique. Il faut se rappeler que le gouvernement Obasanjo aurait investi la somme mirobolante de 2400 milliards de naïras (12 milliards €) dans le secteur énergétique, mais pourtant de cette somme, on n’en a pas vu le moindre watt. De fait, ces 2400 milliards de naïras qui ont disparu quelque part auraient permis de payer le salaire du personnel de la PHCN pour les prochains 300 ans ! Il est grand que le Labour révèle ce qu’il est advenu de ces 12 milliards d’euro, et entame une action sérieuse contre tous les bandits impliqués.
Il est important ici de souligner que la véritable raison du non-fonctionnement des entreprises publiques est l’absence de démocratie dans la manière dont sont gérées ces entreprises, et la corruption éhontée parmi les hautes couches de l’administration, composées des divers amis politiques des divers régimes qui se sont succédé au pouvoir. Comme les socialistes l’ont toujours défendu, seuls la mise en propriété publique et le contrôle et la gestion démocratiques des entreprises publiques par des comités élus des travailleurs et des consommateurs peut les faire fonctionner de manière efficiente et afin de satisfaire aux besoins du peuple.
Dans une situation où le pouvoir absolu repose uniquement sur quelques bureaucrates au sommet qui prennent eux-mêmes toutes les décisions relatives à la gestion des entreprises publiques, il n’y a aucun moyen de faire cesser la mauvaise gestion et la corruption. Par exemple, pendant les années ′70 et ′80, les entreprises publiques fonctionnaient de manière relativement efficace. Toutefois, avec l’absence continue de démocratie dans la gestion de ces biens publics, ce n’était qu’une question de temps avant que les bureaucrates politiquement cooptés qui étaient aux commandes de la gestion de ces entreprises publiques ne les fassent complètement chavirer par la non gestion et par le pillage de leurs actifs et de leurs finances.
Deuxièmement, l’expérience de privatisations similaires dans d’autres secteurs de l’économie confirme l’échec total de la privatisation en tant que méthode pour fournir des infrastructures efficientes, bon marché et accessibles. Par exemple, comme l’avaient prédit les socialistes, la plupart des 400 entreprises publiques qui ont été privatisées (toutes l’ayant été en échange de prix bradés au profit d’entreprises locales ou étrangères – dont certaines ne sont que des devantures pour de nombreux politiciens corrompus) ne fonctionnent toujours pas aujourd’hui. À la place, la plupart d’ente elles ont été réduites à l’état de cadavres, avec toutes sortes de récits complètement scandaleux de mauvaise gestion par le secteur privé. Christopher Anyanwu, l’ex Directeur général du Bureau pour les entreprises publiques, dans un rare élan d’auto-confession de la part d’un cadre étatique, a confié en septembre 2009 que seules 10% des 400 firmes privatisées fonctionnent aujourd’hui à un niveau optimal. La Nitel par exemple a été dormante depuis sa privatisation, des milliers de membres de son personnel se trouvant en outre à l’agonie suite au non payement de leur salaire depuis plusieurs mois.
En particulier dans le secteur de l’énergie, la privatisation s’est dès le départ révélée n’être qu’une aventure désastreuse. Depuis 2005, lorsque la PHCN a été démantelée en 18 compagnies autonomes, environ 20 compagnies énergétiques qui ont reçu des permis de production et de distribution d’électricité n’ont pas généré le moindre mégawatt ! La réalité est que la classe dirigeante capitaliste nigérianne et leurs comparses étrangers auxquels appartiennent ces entreprises privées n’ont aucune confiance dans l’économie. En conséquence, ils sont bien plus prompts à investir dans la spéculation ou à entasser leur argent dans des banques à l’étranger plutôt que d’engager leur argent dans des investissements dans un secteur aussi intensif en capital que le secteur énergétique ; à la place, ils souhaitent racheter les 3000 mégawatts déjà générés par la PHCN pour pouvoir eux-même la revendre à un prix plus élevé aux consommateurs, tirant de l’affaire un profit facile pour très peu de dépenses en capital.
Et quand bien même ils investissent, ils le font de préférence à l’aide des ressources publiques, comme l’a d’ailleurs clairement démontré l’assurance du Président Goodluck Jonathan et de son Conseiller spécial à l’énergie, le Professeur Barth Nnaji, que « Le gouvernement fournira des rehaussements de crédit qui leur permettront d’investir dans la construction de centrales énergétique » et que « La Banque centrale du Nigéria a établi un fond de 300 milliards de naïras (1,4 milliard €)) qui seront mis à la disposition des investisseurs potentiels pour le secteur de l’énergie ». Ceci les assurera donc sur le fait qu’ils sont bien protégés, puisqu’en cas d’investissement non rentable, seul le gouvernement perdra de l’argent !
En langage courant, tout ce blabla signifie que le gouvernement désire utiliser les ressources publiques afin d’aider des individus et des compagnies privées qui n’ont de compte à rendre qu’à eux-mêmes à reprendre la PHCN. C’est la même chose qui a été faite en 2009 lorsque 620 milliards de naïras des fonds publics ont été utilisés par la Banque centrale du Nigéria pour renflouer 8 banques qui se trouvaient au bord de la faillite à cause de leurs pratiques douteuses, de la corruption de leurs dirigeants et des prêts inconsidérés couplés à l’investissement dans des actions à risque. C’est une chose de soutenir les clients d’une banque, mais c’est quelque chose d’entièrement différent d’en renflouer les propriétaires. La question est : si le secteur privé est si bon à gérer les entreprises publiques qui lui ont été vendues, pourquoi alors le gouvernement doit-il sans arrêt venir à sa rescousse avec l’argent du public et des plans de renflouement irréfléchis ? Les procès scandaleux qui sont en cours en ce moment contre certains dirigeants de banque accusés de pillage, de corruption et de pratiques douteuses démontre bien à quel point on ne peut pas faire confiance au secteur privé pour la gestion des entreprises publiques.
Dans tous les cas, l’objectif premier de tout investisseur privé est de faire du profit et non pas de fournir un service. Par conséquent, même dans la situation peu probable où le secteur de l’énergie serait rénové par une privatisation bien menée, avec un accroissement de la production et un circuit de distribution stable, les vastes masses laborieuses, les artisans, les petits commerçants, les patrons de petites ou moyennes entreprises, etc. devraient s’attendre à ce que la facture augmente jusqu’au point où seule une minorité de la population sera capable de se la payer.
Nous affirmons que la PHCN peut être efficiente si elle demeure publique. Ceci va cependant nécessiter son transfert sous le contrôle et la gestion démocratiques par des comités élus de travailleurs, des consommateurs et de représentants du gouvernement afin d’assurer que les ressources publiques qui auront été dépensées afin d’améliorer le secteur de l’énergie ne soit pas gaspillées ou mangées comme ça s’est produit à chaque tentative précédente du gouvernement pour revigorer le secteur. C’est aussi cela qui est nécessaire pour éviter une débacle comme l’ont connue l’ancienne Union soviétique et les États d’Europe de l’Est, où l’étouffement bureaucratique de l’économie a sapé leurs économies nationalisées. Ce que cela signifie est que, au lieu des quelques bureaucrates désignés par en haut par le gouvernement qui dicte le fonctionnement des entreprises publiques, les décisions doivent être prises par les travailleurs à la base et par les consommateurs, au moyen de représentants élus dans des comités de gestion aux niveau local, étatique et national, avec le mandat de superviser les affaires du secteur de l’énergie en accord avec les besoins du peuple.
Mais un tel système ne pourrait survivre très longtemps en isolation du reste du pays, ce qui est particulièrement vrai au Nigéria où le but premier de l’élite est d’être en position de manger. Voilà pourquoi il nous faut une révolution sociale pour changer de système, car un gouvernement capitaliste ne va jamais de son plein gré remettre le contrôle de l’économie aux travailleurs et à la masse du peuple. Seul un gouvernement socialiste et démocratique des travailleurs et des pauvres peut placer le contrôle des leviers de l’économie entre les mains du peuple. Avec un gouvernement des travailleurs et des pauvres, il serait possible d’utiliser les ressources de la société pour rechercher, développer et découvrir de nouvelles méthodes de génération d’électricité efficientes et écologiques, telles que l’utilisation des énergies éoliennes, solaires et marémotrices afin de progressivement quitter le gaz, le charbon, le pétrole et le nucléaire, qui sont les seules sources d’énergie aujourd’hui acceptées par la classe capitaliste au pouvoir, sans aucune pensée pour la sécurité de l’environnement ni des besoins en énergie de la société.
Malheureusement, aucun des partis politiques qui se présenteront aux élections de l’an prochain ne défendent un tel programme. Par conséquent, quel que soit le vainqueur de ces élections, il n’y aura aucun changement fondamental de la situation au Nigéria en ce qui concerne la plupart d’entre nous. C’est la raison pour laquelle le DSM, tout en soutenant des luttes telles que celles du personnel de la PHCN, appelle à la construction d’un mouvement politique de la population laborieuse afin de se débarrasser de l’élite de bandits capitalistes qui mène le pays au naufrage, et à l’établissement d’un gouvernement des travailleurs et des pauvres qui régnera pour satisfaire aux besoins de la population laborieuse et non pas pour les profits de la classe dominante.
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“Stand alone” pour Opel Anvers: Nationaliser pour sauver les emplois!
Vic Heylen, généralement reconnu comme un brillant analyste automobile, a balayé de la table lundi soir les propositions concernant l’usine d’Opel Anvers, à la fois de la part du gouvernement flamand et des syndicats. Selon lui, l’usine d’Anvers est en soi performante, mais évolue au sein d’une «structure néfaste», celle de GM-Europe, qui est à l’agonie. Si le site était une entité distincte, affirme Heylen, il aurait un brillant avenir.
Heylen prétend que la proposition du gouvernement flamand visant à acheter l’usine d’Anvers et à la relouer à GM, n’est rien de plus qu’un slogan électoral. "GM a déjà laisé entendre qu’ils veulent même donner l’usine gratuitement pour autant que l’on reprenne avec les 3.000 travailleurs et tout le passif social qu’ils représentent. L’essentiel est qu’aucune construction ne peut garantir que les gens puissent continuer à travailler" affirme-t-il. Au lieu de cela, Heylen plaide pour que le gouvernement achète l’entreprise pour offrir des services d’assemblage à tous les constructeurs automobiles qui vendent des voitures sur le marché européen. En bref, que le gouvernement nationalise l’usine et offre lui-même des services d’assemblage. "Mais", ajoute-t-il, "ils n’osent pas." Toutefois, dans quelques années, il y aura peut être des propositions plus intéressantes de la part de quelques acteurs asiatiques, poursuit Heylen. Le Parti Socialiste de Lutte n’est pas d’accord avec Heylen sur ce qu’il voudrait faire d’Opel après un rachat par le gouvernement. Nous sommes en faveur d’une nationalisation du site, et de sa réaffectation vers un plan de mobilité public et innovant (voir ici), et non pas nationaliser aujourd’hui pour revendre plus tard à d’autres parasites capitalistes. Mais nous avons toujours eu des problèmes avec cette structure européenne.
Dès le départ, il était clair qu’une reprise de GM-Europe n’offrait pas une solution face à la crise de surproduction, et entraînerait un massacre social. Tant le Canado-Autrichien Magna-Steyr que Fiat préparent une telle destruction d’emploi. Dans les deux cas, au moins 10.000 emplois devaient disparaître. Aucun gouvernement, ni même, malheureusement, aucun syndicat n’a osé remettre cette option en question.
Il était supposé que la seule possibilité de survie pour Opel-Anvers était un rachat, et de préférence au niveau européen. Pour attirer un repreneur, il y a eu des garanties d’Etat, des crédits supplémentaires, et dans le cas du gouvernement flamand, également une opération sale-and-lease-back (le gouvernement achète l’usine que d’autres louent ensuite). Sur cette base, ils espèrent attirer les acheteurs potentiels pour éviter à tout prix une fermeture pure et simple du site. La filière européenne n’était pas remise en question, tout comme l’appât avec lequel le gouvernement flamand voulait attirer les acheteurs. Seul Dedecker a exprimé des réserves, mais pas dans une optique que l’entreprise soit prise en charge par la collectivité ; dans le but de fermer immédiatement l’ensemble du site. Ainsi va le sens commun. Du côté syndical, on s’est complètement enfermé dans la logique de l’attrait pour le "meilleur acheteur possible" pour la branche européenne de GM. C’est le cas par exemple de ce syndicaliste Rudi Kennes, Vice-président du comité d’entreprise européen, qui, même s’il porte la casquette de "gauchiste" du Spa.Rood (un groupe plus à gauche au sein du SP.a), se profile lui-même comme un fervent partisan d’une acquisition par Magna. Selon lui et son collègue allemand Klaus Franz de IG-Metall, également président du CE européen, cette option offrait de meilleures garanties sur l’emploi que Fiat.
Le fait que Magna veut supprimer 11.000 des 55.000 emplois de GM en Europe, un sur cinq donc, met les syndicats dans l’embarras. Via des pressions à l’encontre des différents gouvernements, ils tentent de déplacer le bain de sang social le plus possible vers d’autres régions. Ce n’est pas un hasard si les syndicats belges ont félicité la minutie avec laquelle le gouvernement flamand pour leur soutien, mais ce soutien n’a aidé en rien. Avec une ligne de crédit d’une valeur de 1,5 milliards d’euros, la moitié est supportée par le gouvernement fédéral, et l’autre moitié par les quatre Lander qui disposent d’usines Opel, et une garantie d’État de 4,5 milliards d’euros, le gouvernement allemand a procédé à un accord de principe. Magna prendrait une participation de 20%, son partenaire russe Sberbank de 35%. GM détiendrait quant à lui un solide pied-à-terre avec 35%, et les employés contribueraient à hauteur de 10%.
Mais par-dessus tout, des 11.000 emplois qui seraient supprimés, 2.500 seulement le seraient dans les entreprises allemandes, c’est-à-dire un emploi sur 10. Ailleurs en Europe au moins un emploi sur 4 disparaîtrait, un total d’environ 8500. De plus, l’accord de principe stipule que le russe GAZ, qui produit encore la Volga, mais bientôt aussi les Opel, serait intégré comme partenaire industriel. En Europe de l’Est et en Russie, les travailleurs de ne doivent pas s’effrayer, car Magna va produire de manière substancielle et l’emploi sera prolongé. Les licenciements seront tous supportés par les quelques 20.000 travailleurs en Espagne, en Grande-Bretagne, en Belgique, en Suède et en France.
Kennes a compris le message. Dans un premier temps, il avait plaidé pour que le Zafira soit produite en Belgique parce que "nous sommes 18% moins cher qu’à Bochum", maintenant, il veut que la Meriva, qui est produite en Espagne, soit localisée à Anvers. Ca ne peut pas fonctionner, on ne sauve pas des emplois par la concurrence entre les travailleurs, mais par l’organisation de la lutte et de la solidarité.
Klaus Franz d’IG-Metall, président du conseil chez Opel et fervent partisan de Magna, a déclaré, à la suite de l’accord de principe, que "les intérêts de tous les travailleurs ont été défendus". "Des méga fusions, dans un marché déjà saturé, ne peuvent pas fonctionner" sont ses arguments. Klaus Kranz n’a jamais proposé qu’Opel devienne un constructeur public qui se concentre sur des investissements inovateurs et écologiques. Combien de temps va encore durer cette compétition, exigeant chaque fois de nouvelles victimes dans une situation de surcapacité? Magna ne va-t-il pas, tout autant que Fiat, pousser dans cette voie? Le Parti Socialiste de Lutte est très sceptique quant à l’attitude des syndicats qui se montrent enthousiastes face à la logique de concurrence.
Les syndicats ont également appelé le gouvernement flamand pour protester auprès de la Commission européenne contre le protectionnisme allemand. Sans beaucoup de succès, d’ailleurs, parce que dans les faits, le gouvernement flamand avec son offre de 300 millions d’euros de prêt et de 200 millions d’euros pour une opération sale-and-lease-back, ne fait rien de différent de ce que fait son homologue allemand.
Des excellences libérales telles que Ceyssens et Van Quickenborne parlent de "critères objectifs". Cela ne signifie pas le bien-être des travailleurs ou le maintien d’un maximum d’emplois, mais la rentabilité! Les syndicats se font entraîner dans une position renégate, dans laquelle ils ne peuvent gagner.
L’Europe n’est pas là pour sauver des emplois, mais pour transférer la richesse des pauvres vers les riches. Combien de fois n’a-t-on pas fait appel à l’Europe pour nous faire abandonner nos acquis? Combien de fois ne nous a-t-on pas dit qu’il n’y avait pas besoin de lutter, car nos exigences ne peuvent être atteintes que dans une Europe “sociale”? Serait-il de bon ton qu’une Europe sociale nationalise “Opel-Europe”? Bien sûr, mais alors est-il encore temps d’attendre avant de procéder à la nationalisation de l’entreprise, qui pourrait servir d’exemple sur la voie à utiliser pour réaliser une autre politique en matière de mobilité ?
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L’histoire du Comité pour une Internationale Ouvrière
Le capitalisme est un système mondial et il doit être combattu à la même échelle. C’est pourquoi le Parti Socialiste de Lutte fait partie d’une organisation marxiste internationale: le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), un parti mondial actif sur tous les continents. Notre lutte en Belgique s’inscrit dans le cadre d’une lutte des travailleurs du monde entier pour un société socialiste car si la révolution socialiste éclate sur le plan national, elle se termine sur l’arène internationale. La démocratie ouvrière et la planification socialiste de la production ne peuvent se limiter à un seul pays. C’est d’ailleurs l’isolement de la Russie soviétique qui a conduit à sa dégénérescence à partir de 1924.
Le CIO est une organisation socialiste internationale qui comprend des sections dans environ quarante pays sur tous les continents.
Lors du Congrès de fondation du CIO en avril 1974, quatre sections existaient alors (Grande-Bretagne, Allemagne, Irlande et Suède) et des membres étaient présents de Belgique, d’Inde, d’Espagne et du Sri Lanka, des pays où aucune section n’existait encore.
Au moment de notre neuvième Congrès Mondial (en janvier 2007), des représentants de sections du CIO de tous les continents étaient là : d’Allemagne, d’Angleterre et Pays de Galles, d’Australie, d’Autriche, de Belgique, du Brésil, du Cachemire, du Chili, de Chypre, d’Ecosse, des Etats-Unis, de France, de Grèce, d’Inde, d’Irlande, d’Israël, d’Italie, du Kazakstan, de Malaisie, du Pakistan, des Pays-Bas, de Pologne, du Portugal, de Russie, du Sri Lanka, de Suède, de Tchéquie, d’Ukraine et du Venezuela.
Les origines du CIO sont ancrées dans la lutte menée par Léon Trotsky contre la progression du Stalinisme. L’isolement de l’Union soviétique combinée à l’arriération du pays héritée du tsarisme a permis l’émergence du régime totalitaire stalinien. La lutte de Trotsky et de ses partisans contre ce régime a conduit à la fondation de la Quatrième Internationale, organisation internationale créée pour la défense de la démocratie ouvrière et du socialisme. Peu de temps après la fondation de la Quatrième Internationale a éclaté la seconde guerre mondiale et de nombreux militants, dont Trotsky lui-même, ont été assassinés tant par les fascistes que par les staliniens.
La dégénérescence de la Quatrième Internationale
Après la guerre, les dirigeants de la Quatrième Internationale survivants ont été confrontés à d’énormes difficultés dans la compréhension des changements qui étaient survenus dans la situation mondiale. Ils n’ont pas réussi à saisir le caractère de la croissance économique d’après-guerre en Occident, ni à comprendre les raisons du renforcement du stalinisme en Russie et en Europe de l’Est. Cette incompréhension s’est également vue dans l’analyse des révolutions du monde néo-colonial ainsi que dans l’analyse du rôle décisif de la classe ouvrière dans le changement de société.
En effet, la longue croissance économique exceptionnelle de l’après-guerre amena de substantielles améliorations dans le niveau de vie de la classe ouvrière, tout au moins dans les pays capitalistes développés. Beaucoup de ‘marxistes’ en tirèrent un peu vite la conclusion que les travailleurs salariés s’étaient ‘embourgeoisés’, et ne pouvaient dès lors plus constituer le moteur d’un changement socialiste de société. Ce fatalisme les poussa vers la recherche de nouvelles forces sociales pouvant se substituer au mouvement ouvrier.
Sous l’impulsion des mouvements de libération nationale qui explosèrent dans le monde colonial et semi-colonial (Asie, Afrique, Amérique Latine) dans les années’50 et ’60, les dirigeants de la Quatrième Internationale glissèrent vers un soutien acritique à la direction – souvent fortement influencée par le stalinisme – de ces mouvements. Les mouvements à prédominance paysanne et les méthodes de guérilla furent ainsi érigés en modèles, tandis que l’épicentre de la révolution mondiale fut déplacé vers le monde colonial et semi-colonial. Mao Zedong (en Chine), Fidel Castro (à Cuba) ou Hô Chi Minh (au Vietnam) furent ainsi présentés comme des «trotskistes inconscients», pendant que le réveil de la classe ouvrière en Europe, exprimé à merveille par l’immense grève générale des travailleurs français en mai’68, prit de court les dirigeants de la Quatrième Internationale, aveuglés par des perspectives erronées.
Une série d’erreurs politiques de ce type eurent comme conséquence l’effondrement de l’organisation et un fractionnement de celle-ci dans des dizaines de groupes différents.
Le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) puise quant à lui ses racines chez des troskistes britanniques qui n’ont pas ignoré la nouvelle situation, mais n’ont pas cherché à l’exploiter de façon opportuniste pour obtenir des succès faciles ou chercher des raccourcis. Nous ne nous sommes pas non plus limités à l’analyse de la situation, mais avons cherché sans cesse à intervenir autant que possible dans les luttes pour diffuser les idées du marxisme parmi les travailleurs et la jeunesse.
Notre organisation a pendant longtemps été très petite et uniquement active en Grande-Bretagne ; pour autant, nous avons toujours conservé et exprimé sur le terrain une attitude internationaliste intransigeante. Dès ses débuts, notre journal anglais «The Militant» consacrait un nombre significatif de ses colonnes à la couverture des luttes au niveau international. Nous avons ainsi gagné davantage de militants, établi des contacts successifs dans d’autres pays, et à la fin des années ‘60, la possibilité de mettre en place les fondations qui ont été à la base de la création et de la croissance ultérieure du Comité pour une Internationale Ouvrière.
L’entrisme
Pour construire ses forces, le CIO a appliqué différentes tactiques à différents stades de son évolution, en fonction des conditions objectives du moment, tout en maintenant à tout moment une orientation consciente vers le mouvement ouvrier, en particulier vers ses couches les plus combatives.
Avant que la vague néo-libérale des années ’80, puis le tournant majeur représenté par la chute du stalinisme dans les années ’90, ne viennent affecter durablement la composition et le programme des partis sociaux-démocrates, ces derniers exerçaient encore une grande attraction sur un nombre important de travailleurs et de jeunes. Les partis sociaux-démocrates correspondaient typiquement à la définition que donnait Lénine de «partis ouvriers bourgeois» : des partis ouvriers de masse, bien que dominés par une direction réformiste et bureaucratique. A la base, les rangs de la social-démocratie comprenaient encore beaucoup de travailleurs activement engagés pour le parti, et étaient encore traversés de vifs débats politiques. Celui qui voulait être actif dans le mouvement ouvrier pouvait difficilement passer à côté de cette réalité.
La tâche des révolutionnaires demande d’être en contact le plus étroit possible avec les travailleurs. Par conséquent, les militants du CIO étaient d’avis qu’il était préférable de militer à l’intérieur même de la social-démocratie, en défendant conséquemment et ouvertement un programme marxiste, plutôt que de s’isoler en dehors de ces partis. A l’inverse d’autres groupes, cette tactique d’«entrisme» dans la social-démocratie n’a jamais été pour nous une panacée, ou un prétexte pour succomber aux idées réformistes et masquer le programme révolutionnaire. Bien au contraire, nous avons toujours mené notre travail drapeau déployé, défendant nos positions marxistes dans le but de combattre l’influence exercée par la direction bureaucratique sur ces partis d’une part, afin de gagner les travailleurs et les jeunes organisés dans ces partis à nos positions d’autre part. C’est ainsi que nous avons par exemple acquis une solide base de soutien au sein des Jeunesses Socialistes du Labour Party en Angleterre dans les années ‘70, ou de celle du SP en Flandre dans les années ‘80.
Pourtant, dès le milieu des années ’80, mais surtout après la chute du mur de Berlin, la situation a commencé à tourner. La chute des régimes staliniens a ouvert la voie à une offensive idéologique majeure de la part des représentants du capitalisme, et a servi d’excuse aux dirigeants des organisations de la social-démocratie pour retourner définitivement leurs vestes. Les idées de lutte, de solidarité et de socialisme furent mises de côté au profit d’une adhésion aux principes du libre-marché. La trahison des directions ouvrières traditionnelles a laissé place à un vide et à la confusion politique.
Dans ces conditions, l’idée selon laquelle les travailleurs et les jeunes en lutte se dirigeraient en premier lieu vers la social-démocratie devenait de plus en plus invraisemblable. C’est pourquoi petit à petit, la plupart des sections du CIO ont opté pour la création d’organisations révolutionnaires indépendantes et ouvertes, tout en appelant, dès le début des années ’90, à la formation de nouveaux partis larges des travailleurs, sur base de l’analyse de cette bourgeoisification des anciens partis ouvriers.
Liverpool et la lutte contre la Poll Tax
Un élément important dans le développement de quasiment toutes nos sections est notre engagement dans les différentes formes de lutte. Notre rôle n’a d’ailleurs pas seulement été limité à une participation active aux luttes car dans beaucoup de cas, notre organisation a su jouer un rôle crucial.
Les mouvements de lutte les plus importants que nous avons eu à diriger jusqu’à présent se sont déroulés en Grande-Bretagne, notamment contre Margaret Thatcher lorsqu’elle était Premier ministre. Au milieu des années ‘80, nos camarades (dont l’organisation s’appelait à ce moment-là Militant) ont dirigé la lutte de la commune de Liverpool contre les plans d’assainissement, une lutte accompagnée d’actions de grève et de manifestations massives. Plus tard, nous avons aussi été fortement impliqués dans la campagne contre la Poll Tax (un impôt introduit par Thatcher mais rejeté en masse par la population). Une campagne massive de désobéissance civile avait été organisée à tel point que 18 millions de personnes n’ont pas payé la Poll Tax. Les manifestations ont rassemblé jusqu’à 250.000 personnes. Grace à cela Thatcher a été contrainte de retirer cette taxe et même de prendre la porte.
Cette lutte avait été organisée en opposition à la direction du Labour Party (le parti travailliste) et à la plupart des dirigeants syndicaux. A Liverpool, ils ont même appelé les Conservateurs en soutien pour combattre la protestation. Avec la Poll Tax, ils n’ont pas réussi à en faire autant. Notre lutte contre les dirigeants pro-capitalistes du mouvement ouvrier a toujours été une donnée importante dans le développement de notre organisation.
Mais ce genre de lutte est bien plus difficile dans beaucoup de pays tels que la Grèce, l’Espagne, l’Afrique du Sud et la Suède. La direction des organisations ouvrières établies avait peur d’une répétition du succès rencontré en Grande Bretagne où, durant plus de 15 ans, nous avons pu diriger les sections jeunes du parti travailliste et où, dans les années ’80, nous avons pu faire élire trois camarades au parlement sous le slogan : «un parlementaire ouvrier à un salaire d’ouvrier».
Le Comité pour une Internationale Ouvrière a toujours été impliqué dans différents domaines des luttes. Parfois, nous avons même été les précurseurs autour de nouveaux thèmes, comme pour une campagne contre la violence domestique. D’autres initiatives ont également été très importantes, comme la fondation de «Youth against Racism in Europe» («Jeunes contre le racisme en Europe», en Belgique : «Blobuster» et «Résistance Internationale»), une organisation anti-fasciste internationale qui avait organisé une manifestation européenne à Bruxelles en octobre 1992 à laquelle 40.000 manifestants avaient participé.
À côté de nos campagnes sur les lieux de travail et dans les quartiers, les membres du CIO participent aussi aux élections. Dans se cadre là, nous insistons sur le fait que les élus du CIO participent activement aux mouvements de lutte et gagnent un salaire identique à celui des travailleurs qui les ont élus. En ce moment, différents membres du CIO sont élus dans des conseils communaux en Grande Bretagne, en Irlande, en Suède et en Allemagne. Jusqu’il y a peu, nous avons également eu un député au parlement irlandais, Joe Higgins.
Lutter contre les dictatures et la division de la classe ouvrière
Dans d’autres pays, nous avons activement contribué à la lutte contre les dictatures, comme lorsque nous nous sommes impliqués pour la construction de syndicats combatifs en Afrique du Sud à l’époque du régime de l’apartheid. D’autres camarades ont clandestinement milité au Chili contre le régime de Pinochet. Au Nigéria, après l’annulation des élections présidentielles de 1993 par les généraux, l’opposition démocratique a soutenu l’appel de nos camarades pour une grève générale.
Dans certains pays, nous avons été confrontés à des situations extrêmement difficiles. Ainsi nos camarades d’Irlande du Nord et du Sri Lanka ont dû s’opposer à la division nationale ou religieuse. Nous avons toujours défendu la nécessité de l’unité des travailleurs dans les luttes et la résistance contre la répression d’Etat. Nous avons été les seuls dans la gauche à défendre une position constante et principielle à propos de la question nationale en partant des intérêts de la classe ouvrière dans son ensemble.
La chute de l’Union Soviétique a conduit à une situation mondiale fondamentalement différente et a eu d’énormes répercussions sur toutes les organisations politiques. Face à ces évènements, bon nombre d’organisations et d’individus ont été désorientés, confus, et ont abandonné la lutte pour le socialisme en capitulant face à l’idéologie de la classe dominante. Le CIO a analysé et tenté de comprendre la signification de la chute du bloc de l’Est : entre autres le renforcement de la position de l’impérialisme américain et le virage à droite de nombreuses organisations ouvrières. Mais nous avons toujours défendu la nécessité du socialisme comme seule alternative au capitalisme et avons toujours cherché à l’expliquer le plus largement possible.
Le CIO a utilisé la méthode d’analyse marxiste pour approfondir la compréhension des événements et des processus qui se sont développés depuis les années ‘90. Contrairement à beaucoup d’autres groupes de gauche, nous avons ainsi non seulement pu conserver nos membres au cours des très dures années ’90, mais nous avons en outre beaucoup renforcé nos organisations ainsi que gagné de nouvelles forces dans différentes régions du monde. La nouvelle période qui se trouve face à nous aujourd’hui va nous permettre de mettre bien plus en avant le précieux héritage que nous avons préservé dans ces années bien difficiles.
Rejoignez le CIO !
Mais la construction de nos propres forces ne nous a pas empêché d’avoir des discussions avec d’autres groupes pour, si possible, mener des actions en commun. Si ces discussions conduisent à un accord politique sur les principes fondamentaux, une organisation commune peut alors naître, comme cela s’est passé notamment en Belgique ou en France au cours des années ‘90.
Le CIO est ouvert à toute personne qui veut lutter pour un monde meilleur, un monde socialiste, et qui est ouverte à discuter de nos idées. Nous avons toujours été préparés à discuter avec différents groupes et individus qui ont acquis une autre expérience que la nôtre dans les différentes luttes et qui veulent construire un mouvement socialiste.
Alors si vous êtes intéressés par les idées du CIO, n’hésitez pas à nous contacter et à nous rejoindre!
- Liens vers les différents sites du CIO et de ses sections
- Section de socialisme.be réservée aux nouvelles du CIO
- Site du CIO – socialistworld.net
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Hong Kong: 19 ans après Tiananmen
Rassemblement de 48.000 personnes pour commémorer massacre de Pékin du 4 juin 1989
Dans le contexte du tremblement de terre du Sichuan s’est déroulée la commémoration du 19ème anniversaire du massacre de Tiananmen. Il y a eu à cette occasion un grand intérêt pour l’intervention du Comité pour une Internationale Ouvrière et pour le journal China Worker.
Par nos correspondants de chinaworker.info à Hong Kong, article publié le 6 juin
Près de 50.000 habitants de Hong-Kong se sont réunis en mémoire de la répression brutale de 1989 à Pékin. Mais il ne s’agissait pas simplement de commémorer l’évènement et des revendications comme la fin du régime du parti unique en Chine et à Hong Kong ainsi que l’obtention de droits démocratiques étaient également portées par les participants. De nombreux jeunes ont pris part à la manifestation, avec des vétérans de ces évènements. Beaucoup de jeunes n’étaient d’ailleurs manifestement pas encore nés en 1989, quand la jeunesse et les travailleurs de Pékin ont retenu l’attention du monde entier.
Durant la nuit du 3 au 4 juin 1989, les dirigeants chinois, sous l’autorité du maître des "réformes" capitalistes Deng Xiaoping, ont envoyé les tanks de l’Armée Populaire de Libération écraser les protestations des jeunes et des travailleurs de la capitale. Les principales exigences du mouvement de 1989 concernaient l’instauration de plus grandes libertés démocratiques et la fin de la corruption gouvernementale. Le régime avait pris la décision de réprimer brutalement les protestations après que les rassemblements de masse de la Place Tiananmen à Pékin se soient étendus à 130 villes chinoises et que les travailleurs aient commencé à rejoindre les protestations en construisant les premiers syndicats indépendants et en mettant en avant leurs propres revendications au sein du mouvement. Aucune évaluation précise du nombre de morts n’a jamais été donnée, mais les victimes tuées ont certainement été plusieurs centaines. Quelques sources parlent même de 3.000 décès.
L’écrasement de ce mouvement, qui a coïncidé avec l’effondrement des régimes staliniens à parti unique en Russie et en Europe de l’Est, constitue un point crucial de l’histoire de la Chine. Cela a accéléré le développement de la politique capitaliste néolibérale en Chine, où toute mention de ces événements est aujourd’hui strictement interdite. Une génération de jeunes a grandi dans l’ignorance complète de ce mouvement. Les sites Internet sont contrôlés par 100.000 censeurs qui travaillent à plein temps pour le régime avec l’aide d’équipement spécialement développé pour cet usage par des compagnies américaines de haute technologie comme Cisco et Microsoft, afin d’empêcher toute mention du 4 juin. Cependant, des dizaines de messages cryptés ont été publiés – certains se référant à "notre 19e anniversaire" – mais rapidement enlevés par les autorités.
Le tremblement de terre du Sichuan
Cette année, l’atmosphère autour de la commémoration a été largement influencée par le tremblement de terre de Wenchuan, qui a entraîné jusqu’ici 70.000 décès confirmés et a laissé plus de cinq millions de personnes sans-abri. Les habitants de Hong Kong, comme du reste de la Chine et de beaucoup d’autres pays à travers le monde, ont généreusement contribué aux fonds d’aide. Plus de 43 milliards de yuan ont jusqu’ici été rassemblés en Chine et dans le monde entier. Mais cette atmosphère de solidarité avec les millions de victimes du tremblement de terre coïncide également en Chine avec un raz-de-marée nationaliste à la suite de la révolte de mars au Tibet (dont certaines régions sont dans la zone immédiate du tremblement de terre) ainsi que des polémiques qui entourent les Jeux Olympiques. Le Parti soi-disant "Communiste" au pouvoir a sauté sur l’occasion pour renforcer sa propre position et pour lancer un appel à l’unité nationale sous sa direction. On a pu voir un processus assez similaire dans les pays qui ont été touchés par le tsunami il y a trois ans. En Thaïlande par exemple, Thaksin Shinawatra a été réélu en 2005 avec une majorité écrasante, sous la forte influence de la manipulation réussie par laquelle le gouvernement en place a pu être présenté comme un bon gestionnaire de crise après le tsunami.
En Chine, la vague actuelle d’unité nationale a surtout affecté les couches moyennes de la société chinoise, c.-à-d. ceux qui retirent la plupart des bénéfices de la politique pro-riches du gouvernement. Beaucoup parmi ceux qui se qualifient aujourd’hui eux-mêmes de "démocrates" en Chine et à Hong Kong affirment que le régime chinois "se dirige dans la bonne direction" – même s’il est difficile de trouver n’importe quel soutien effectif venant illustrer cette idée – et déclarent donc que la critique du régime est "décisive". Un commentaire typique à propos du 19e anniversaire de Tienanmen a été publié dans un éditorial du principal quotidien de langue anglaise de Hong Kong, le journal "démocratique" bourgeois South China Morning Post, sous le titre "Il est temps de guérir les blessures de la répression du 4 juin:
"Cependant, il est indéniable que Pékin a gagné depuis une légitimité politique – sérieusement érodée après la répression – pour les réformes économiques qu’il a accompli et pour l’amélioration consécutive du niveau de vie des gens ordinaires… On se rappellera toujours des événements du 4 juin 1989. Mais si nous envisageons l’avenir, il est à espérer qu’ils ne continueront pas à être une source de douleur et de division."
Ce que ce journal et d’autres partisans du capitalisme disent, c’est que tant que les dictateurs "communistes" de Chine continuent d’offrir des profits gigantesques aux capitalistes, ils ne devraient pas être trop fortement critiqués pour le recours à des méthodes dictatoriales. Le président nouvellement élu de Taiwan, Ma Ying-Jeou, a porté la démonstration d’amitié envers le régime de Pékin à de nouveaux niveaux quand il a dit, en référence aux événements de 1989, que le régime chinois devrait "continuer à favoriser la liberté et la démocratie". Le Koumintang, parti de Ma Ying-Jeou (les dirigeants de la Chine avant 1949) a ensuite repris ses négociations ouvertes avec Pékin, négociations par lesquelles il espère renforcer les liens économiques et obtenir une aide non négligeable pour les capitalistes taïwanais.
"Partout, les gouvernements utilisent le tremblement de terre pour faire des excuses et offrir des dédommagements au régime chinois avant les Jeux Olympiques" a expliqué à chinaworker.info l’élu socialiste Leung-“Cheveux longs”-Kwok-hung (il a expliqué qu’il ne couperait ses cheveux que lorsque Pékin aura présenté ses excuses pour le massacre du 4 juin, NDT). "Ils ont besoin de réserves de dollars et du marché de la Chine en raison de la crise dans les banques et l’économie des USA, ils ne peuvent donc pas se permettre de déranger le régime".
« Non au régime du parti unique ! »
Pourtant, en dépit des événements de ces derniers mois, il n’y avait aucune humeur tendant vers le pardon et l’oubli lors de la commémoration de Hong Kong – loin de là. La signification de la manifestation de Hong Kong est que c’est la seule ville en Chine, en raison de son statut juridique spécial qui provient de son histoire coloniale, où de telles démonstrations publiques sont possibles. Les revendications portant sur la fin du règne du parti unique, entendues à de nombreuses reprises à la manifestation, seraient impensables n’importe où ailleurs en Chine. Un récent sondage d’opinion a montré un petit décalage dans l’attitude de la population de Hong Kong par rapport à il y a une année. Le nombre de personnes exigeant de revenir sur la version officielle du mouvement de Tiananmen, qualifié de "criminel" et de "contre-révolutionnaire", est tombé cette année à 49%, contre 55% il y a par an. Mais, toujours selon ce sondage effectué par l’université de Hong Kong, 58% des personnes sondées pensent que le régime de Pékin "a mal agi" le 4 juin.
Certains ont craint que le rassemblement de cette année ne soit affecté par ces facteurs, et particulièrement par la tragédie du tremblement de terre qui domine l’attention des gens. Les organisateurs du rassemblement ont lié les deux thèmes, en transformant la commémoration en nuit de souvenir pour les victimes des deux événements.
L’excellente mobilisation a été extrêmement significative dans ce contexte. Elle illustre à quel point le 4 juin est présent dans les esprits. Les aspirations pour des droits démocratiques et pour la fin de la dictature n’ont pas été atteintes par les catastrophes naturelles ou par le nationalisme pro-régime qui accompagne le projet olympique, qui coûte des milliards de dollars. L’anniversaire de l’année prochaine, symbolique puisqu’il s’agira du 20e, sera une journée de crainte pour le régime chinois.
Lutte pour la démocratie – contre le capitalisme
De plus en plus, même de la zone de tremblement de terre en Chine, des voix critiques s’élèvent au sujet de la corruption des officiels et de la manipulation de la crise par le gouvernement. Les protestations des parents qui ont perdu leurs enfants dans plus de 2.000 écoles effondrées deviennent un sujet particulièrement explosif. Des protestations se sont produites ces derniers jours à ce sujet et le régime – félicité par la presse capitaliste pour son "ouverture" – vient juste de publier des ordres pour interdire tous les rassemblements près des bâtiments scolaires détruits. De nouvelles restrictions pour la presse ont également été imposées et le régime craint que "l’ouverture" ne soit allée trop loin. C’est une chose d’avoir des journaux étrangers et chinois qui montrent des photos des ruines et de la visite de Wen Jiabao; mais c’en est une autre de voir des photos de parents éperdus tenant des photographies de leurs enfants morts ou qui sont traînés per les soldats hors des bureaux du gouvernement local lors d’une protestation. C’est tout autre chose en fait ! Ces voix critiques vont se multiplier dans les prochaines semaines, au fur et à mesure que l’énorme tâche de la reconstruction se précisera. On estime que la reconstruction des maisons effondrées et de l’infrastructure dans la province du Sichuan prendront huit ans. Sans injection de fonds du gouvernement central dans des proportions "Olympiques" – sujet sur lequel règne le silence – des défauts de construction et les retards pour reloger les sans-abris seront inévitables.
Le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO/CWI) et chinaworker.info ont eu une intervention réussie dans la manifestation du 4 juin. C’était la plus grande manifestation de l’Est asiatique à laquelle le CIO a participé. Notre matériel abordait les luttes des travailleurs, la répression d’Etat de Tiananmen au Tibet et la nécessité de syndicats démocratiques et indépendants. En mettant en avant dans nos publications que la lutte pour les droits démocratiques aujourd’hui est aussi une lutte contre le capitalisme en Chine et internationalement, nous avons pu jouer un rôle unique dans cette commémoration du 4 juin.
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