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Tag: États-Unis
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La politique étrangère des États-Unis : le retour à l’impérialisme normal ?

L’administration Biden va-t-elle, comme ce dernier l’a déclaré, “réparer les dégâts causés par le président Trump et tracer une voie fondamentalement différente pour la politique étrangère américaine dans le monde tel que nous le connaissons aujourd’hui” ?
Par George Martin Fell Brown, Socialist Alternative (partisans d’Alternative Socialiste Internationale aux Etats-Unis)
Avec Trump, la politique étrangère américaine a pris la forme d’un nationalisme erratique. Sous le slogan “America First”, Trump s’est éloigné des alliés traditionnels de l’impérialisme américain, a déclenché des conflits commerciaux et tarifaires et a promis de nous sortir des “guerres sans fin”. Parallèlement, Trump a défendu les intérêts de l’impérialisme américain de manière encore plus nue, en livrant à de dangereux coups de sabre en Chine et en Iran, tout en défendant les politiques les plus réactionnaires d’Israël et de l’Arabie Saoudite.
On peut s’attendre à ce qu’une administration Biden prenne rapidement des mesures qui distingueront nettement la nouvelle administration, au moins au niveau de la rhétorique, par rapport à celle de Trump. Cependant, tout espoir de “remise à zéro” pose problème. La tendance au protectionnisme, les guerres commerciales, la mondialisation et la rivalité entre les États-Unis et la Chine ne sont pas le fruit de la personnalité d’un seul homme. Cela résulte de la profonde crise du capitalisme mondial et l’administration Biden sera incapable de la résoudre.
Le statu quo que Biden veut rétablir ne mérite pas d’être célébré. Alors qu’il était au Sénat, Biden fut un ardent défenseur de l’impérialisme américain, de la “guerre contre la drogue” en Amérique latine à la “guerre contre le terrorisme” au Moyen-Orient. Il a soutenu avec enthousiasme l’invasion de l’Irak et de l’Afghanistan. Toutes ces guerres ont été menées dans l’intérêt des grandes entreprises américaines. Cela s’est poursuivi pendant son mandat de vice-président d’Obama. Voilà l’approche que Biden promet de reprendre. Toute “réinitialisation” des relations mondiales avec l’administration Biden ne représentera pas les intérêts des travailleurs, ni à aux Etats-Unis, ni à l’étranger.
Rétablir les relations
L’un des principaux slogans de politique étrangère de la campagne électorale de Biden était de “renforcer la coalition des démocraties qui nous soutiennent”. Pour ce faire, il faut reconstruire les relations entre les États-Unis et leurs alliés traditionnels mis à mal par l’administration Trump. Biden cherchera à réintégrer l’Accord de Paris sur le climat et l’Organisation mondiale de la santé, que les États-Unis ont quitté avec Trump. Plus largement, l’administration Biden va renouer avec les institutions capitalistes mondiales, telles que l’OTAN et l’Union européenne, dont Trump avait cherché à s’éloigner ou dont il avait activement cherché à saper l’autorité.
Mais les capacités de Biden de “tracer une voie fondamentalement différente” ont leurs limites. L’Accord de Paris sur le climat, par exemple, est extrêmement limité. Le retour des États-Unis ne signifiera pas en soi un changement sérieux dans la course effrénée vers la catastrophe climatique. Le capitalisme européen sera heureux que Biden s’appuie davantage sur l’UE et l’OTAN, adopte une approche plus antagoniste à l’égard de la Russie et s’oppose au Brexit. Mais la crise politique et économique en Europe ne saurait être résolue par une reconstruction des alliances. Le Brexit est considéré comme une affaire réglée et d’autres crises menacent l’unité du capitalisme européen.
La fin de la rhétorique “America First” de Trump peut ralentir la croissance du protectionnisme. Mais si tout cela représente un certain changement et sera perçu, au moins pendant un certain temps, comme faisant partie d’un retour à la “normale” dans les relations mondiales, l’énorme affaiblissement des institutions capitalistes mondiales ne sera pas fondamentalement inversé. La tendance à la déglobalisation ne sera pas non plus inversée.
“Chine. Chine. Chine. Russie.”
Un des conseillers de Biden a été cité dans le Financial Times, décrivant la politique étrangère de Biden comme “Chine. Chine. Chine. Russie”. L’administration Trump était dominée par une guerre tarifaire croissante avec la Chine qui allait à l’encontre de l’orthodoxie néolibérale que Biden représente. Mais il y a des limites à ce que Biden peut, ou même veut, pour changer la dynamique de ce conflit.
Biden peut chercher à conclure un accord avec la Chine pour réduire les droits de douane, mais la politique américaine d’”engagement” avec la Chine, qui a commencé avec la visite de Nixon en 1972 et a conduit à l’adhésion de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2000, est maintenant définitivement terminée. L’idée que la Chine puisse être réformée pour devenir un “partenaire” des États-Unis et des puissances occidentales a été remplacée par la crainte de sa montée en puissance. Une partie de la classe dirigeante américaine souhaite maintenant un changement de régime en Chine. Cela se reflète dans la rhétorique grossière de Mike Pompeo qui a récemment déclaré que les pays étaient confrontés à un choix entre “la barbarie d’un côté et la liberté de l’autre… Nous les avons réveillés à la menace posée par ce monstre marxiste-léniniste”. La rhétorique des Démocrates sera différente, sans pour autant désamorcer le conflit.
Même avant Trump, l’objectif d’Obama avec l’alliance commerciale du Partenariat Trans Pacifique (TPP) dont Trump s’est retiré, était d’”encercler” la Chine et de contenir son développement. Bien que l’administration Obama se soit abstenue de mener une guerre commerciale de grande envergure, il a déclaré dans une récente interview accordée à The Atlantic que “si nous n’avions pas traversé de crise financière, ma position envers la Chine aurait été plus explicitement litigieuse sur les questions commerciales”. Michèle Flournoy, le choix proposé par Biden pour le poste de ministre de la défense, a également adopté une ligne dure en faveur du renforcement de la présence militaire américaine dans la mer de Chine méridionale.
Le refroidissement de la rivalité américano-chinoise n’est pas simplement une question de ce que le gouvernement américain est prêt à offrir. C’est aussi une question de ce que le gouvernement chinois est prêt à accepter. En outre, on peut s’attendre à ce qu’une administration Biden adopte une ligne plus dure que Trump à l’égard de la Russie.
On peut s’attendre à ce que Biden et l’impérialisme américain insistent sur les “droits humains” dans une bien plus large mesure que Trump. Nous pouvons également nous attendre à une diminution des propos sinophobes comme les références de Trump au “virus chinois”. Par contre, il ne faut pas s’attendre à un changement sérieux dans le conflit sur la technologie, y compris l’exclusion par les États-Unis du réseau 5G de Huawei. Nous ne devons pas non plus nous attendre à un renversement de la tendance en cours vers le découplage des économies américaine et chinoise, avec des entreprises qui réduisent ou retirent leurs activités en Chine et l’éclatement de la chaîne d’approvisionnement mondiale en chaînes d’approvisionnement régionales. Mais si l’impérialisme américain peut être en mesure de constituer un front commun contre la Chine parmi un certain nombre de pays capitalistes clés, il le fera dans une position de faiblesse significative par rapport à il y a même une décennie. En réalité, le conflit a affaibli et continuera d’affaiblir les deux puissances.
Les attaques de Biden contre la Chine mettront en lumière la répression du régime du parti “communiste” à Hong Kong et la détention de près d’un million de musulmans ouïgours dans la région du Xinjiang. Le régime du PCC est en effet une dictature brutale et chauvine. Mais les crimes de l’impérialisme américain sont encore pires. Du Vietnam à l’Irak, les Etats-Unis ont massacré des millions de personnes dans le but de défendre le système de profit. En tant que socialistes, nous nous opposons à tout impérialisme, y compris et surtout au “nôtre”.
Le Moyen-Orient
Au Moyen-Orient, une “réinitialisation” des relations mondiales ne serait pas une bonne chose. Biden était un fervent partisan de la “guerre contre le terrorisme” de Bush et de sa poursuite sous l’administration Obama. Pendant l’élection, Biden a consciemment courtisé des personnalités de l’administration Bush comme Colin Powell. Les membres du cabinet qu’il a proposés comme responsables des relations mondiales – Michèle Flournoy pour la défense et Anthony Blinken pour la secrétaire d’État – sont tous de fervents représentants de l’approche impérialiste pourrie vis-à-vis du Moyen-Orient, qui repose sur le soutien aux dictateurs et la conduite de guerres pour maintenir le contrôle du pétrole.
Biden et son équipe vont certainement essayer de poursuivre une approche différente de celle de Trump vis-à-vis du régime iranien. Ils sont certainement déterminés à essayer de relancer l’accord nucléaire iranien dont Trump s’est retiré mais, en pratique, cela pourrait s’avérer impossible. L’Iran exigera la fin des sanctions imposées par Trump, ce qui serait probablement politiquement impossible à accepter pour Biden. Même dans ce cas, l’administration n’aura pas les coudées franches pour relancer l’accord nucléaire. Blinken a assuré que “nous poursuivrons les sanctions non nucléaires contre la mauvaise conduite iranienne dans d’autres domaines”. Sur les dernières semaines de l’administration Trump, Trump et son allié Netanyahu, le premier ministre israélien, ont tenté de provoquer l’Iran dans un conflit direct pour rendre la tâche de Biden encore plus difficile. La dernière action en date est l’assassinat du principal scientifique nucléaire iranien, Mohsen Fakhrizadeh, très probablement par Israël.
Certains éléments indiquent que Biden adoptera une attitude moins amicale à l’égard du régime saoudien. La relation avec Nétanyahou sera tout aussi glaciale. Mais cela en dit plus long sur l’amitié que Trump avait avec les gouvernements saoudien et israélien que sur l’hostilité de Biden. Sous l’administration Obama, Biden, Blinken et Flournoy ont maintenu des liens étroits avec les deux pays, soutenant l’invasion saoudienne du Yémen et augmentant le financement du programme de défense israélien.
L’engagement de Biden en faveur d’une “coalition des démocraties” sera sérieusement mis à l’épreuve au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. L’approche de Biden et d’autres a été remise en question lors du processus de révolution et de contre-révolution au Moyen Orient et en Afrique du Nord il y a dix ans, lors des soulèvements de masse dirigés contre les alliés traditionnels des États-Unis en Égypte et en Tunisie. La dictature d’Abel el-Sisi en Égypte, qui est arrivée au pouvoir par un coup d’État contre-révolutionnaire, servira de test pour déterminer l’engagement de Biden en faveur de la démocratie. Trump était un fervent admirateur de Sisi et Obama, tout en critiquant Sisi, a néanmoins rétabli les relations entre les États-Unis et l’Égypte.
L’Amérique latine
Sous l’administration Clinton, Biden a été l’un des principaux architectes du “Plan Colombie”, une réponse fortement militarisée au commerce de la drogue, axée sur des aides militaires massives au gouvernement de droite en Colombie. Ce plan était accompagné d’une aide économique à la Colombie liée à un engagement de privatisations, de libre-échange et d’austérité. Cela a entraîné des violations massives des droits humains et une pauvreté croissante. Néanmoins, Biden a présenté le Plan Colombie comme l’une de ses principales réalisations en matière de politique étrangère pendant les élections.
Sous l’administration Obama, Biden a supervisé l’Alliance pour la prospérité et le Programma Frontera Sur en Amérique centrale et au Mexique. Ces programmes visaient à stopper l’immigration à la source en fournissant une aide financière pour soutenir les forces de police hautement militarisées dans la région. En pratique, cela a permis de renforcer la répression et la corruption que les gens fuyaient au départ.
Comme pour la politique chinoise, Biden évitera le racisme flagrant mis en avant par Trump. Mais il poursuivra sa propre politique passée de soutien aux gouvernements de droite favorables aux États-Unis dans la région.
L’Amérique latine a connu récemment une recrudescence des luttes de masse. Des manifestations de masse ont eu lieu en Équateur et au Chili en 2019. En Bolivie, le Mouvement vers le socialisme a obtenu une victoire en octobre et a renversé le coup d’État de droite qui avait déposé Evo Morales en 2019. Actuellement, nous assistons à de nouvelles luttes de masse au Pérou et au Guatemala. Toutes ces luttes sont dirigées contre les politiques et les gouvernements que Biden a encouragés par le passé. Une administration Biden ne sera qu’un obstacle à ces luttes et à celles à venir.
La nouvelle vague de luttes en Amérique latine constitue une alternative aux approches de l’impérialisme américain, qu’il soit dirigé par Trump ou Biden. La lutte ouvrière internationale et la solidarité peuvent ouvrir la voie à une véritable “autre voie” pour la politique mondiale.
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Chaos au Capitole : Il faut construire un mouvement pour vaincre l’extrême droite

Nous avons d’abord reçu la notification : “La foule pro-Trump s’introduit dans le bâtiment du Capitole.” Ensuite, “Les membres du Congrès sont priés de se cacher sous leurs chaises”, puis “Ils ont tiré dans les salles”.
Par Keely Mullen, Socialist Alternative
La prise d’assaut du Capitole a choqué des centaines de millions de personnes aux États-Unis et dans le monde entier. Le chaos qui a eu lieu à l’intérieur de l’un des piliers de la puissance américaine est à bien des égards une incarnation des crises à multiples facettes qui ont englouti le pays. Pendant des heures, le Capitole a été occupé par une foule, dirigée par des éléments d’extrême droite et fascistes, déterminés à renverser les résultats des élections de novembre.
Peu après la percée du Capitole, les membres du Congrès ont été déplacés dans un “lieu sûr” alors que l’extrême droite prenait d’assaut les salles de la Chambre et du Sénat. Ils ont erré dans les couloirs du Congrès, volant le courrier de Nancy Pelosi, démolissant des tableaux. Un homme est même sorti par la porte d’entrée en tenant un podium entier.
L’impréparation totale de la police du Capitole face à l’attaque du Capitole contrastait fortement avec la façon dont la police a répondu aux manifestations de Black Lives Matter l’été dernier. Des milliers de gardes nationaux ont été mobilisés pour “protéger le Capitole” lors des manifestations du 1er juin, tandis que des tactiques brutales étaient utilisées dans les villes. Il a été révélé que l’extrême droite planifiait ouvertement cette opération sur les médias sociaux depuis des semaines, et même cela n’a pas déclenché une réponse des forces de l’ordre.
Dans les semaines et les mois qui ont précédé “l’insurrection”, M. Trump n’a pas tenté de cacher ses ambitions de coup d’État. Jusqu’à hier soir, il a déclaré à plusieurs reprises qu’il ne concéderait ni ne respecterait les résultats de l’élection. Il a préparé le terrain pour les événements de ce 6 janvier tout au long de sa campagne électorale. Il a mis en garde contre la fraude électorale généralisée et l’escroquerie aux bulletins de vote par correspondance. Trump a clairement indiqué que tout ce qui aurait été moins qu’une victoire éclatante ne serait qu’une élection volée.
Après l’élection, Trump, en plus d’avoir intenté 60 procès, a cherché à contraindre les responsables républicains des principaux États à annuler les résultats. Plus récemment, il a cherché à intimider le secrétaire d’État géorgien, Brad Raffensperger, pour “trouver” 11.000 votes lors d’un appel téléphonique qui a fait l’objet d’une fuite. Il a engagé des discussions avec des théoriciens du complot sur la déclaration de la loi martiale. Enfin, il a tenté d’obtenir du vice-président, Mike Pence, qu’il accepte d’annuler unilatéralement les résultats des élections lors de la certification par le Congrès.
“Détruisez le GOP !”
Avant de se rendre au Capitole hier, Trump a tenu un rassemblement “Sauvez l’Amérique” où il a dénoncé les républicains déloyaux comme Mike Pence et Mitch McConnell, qui allaient de l’avant en certifiant la victoire de Joe Biden. Trump a appelé ses partisans à se rendre au Capitole et à cibler les “républicains faibles”.
Lors d’un rassemblement pro-Trump en décembre à Washington pour “stopper le vol”, Nick Fuentes, figure de proue d’extrême droite et avoué suprémaciste blanc, a crié : “Nous avons promis que si le GOP (Grand Old Party, le Parti républicain, NdT) ne faisait pas tout ce qui est en son pouvoir pour garder Trump au pouvoir, alors nous détruirions le GOP.” Cette déclaration a été suivie d’un chant enthousiaste de la foule : “Détruisez le GOP !” Trump lui-même a demandé l’emprisonnement du gouverneur républicain de Géorgie et a dénoncé les républicains qui s’opposaient à lui comme des “RINO” (Repubican in Name Only).
Comme nous l’avons constamment averti, malgré la défaite électorale de Trump et la probabilité que ses tentatives de renverser l’élection échouent en raison de l’opposition de l’élite pro-entreprises et des éléments clés de l’appareil d’État, l’extrême droite progresse. Avec l’administration Biden et dans le cadre de la crise capitaliste actuelle, elle est prête à se développer encore davantage.
Si les groupes fascistes et quasi-fascistes actuels restent relativement petits, il est fort possible que nous assistions aujourd’hui aux premiers stades d’une scission du Parti républicain et au développement d’un nouveau parti populiste de droite composé du noyau dur autour de Trump.
Les lignes de division au sein du Parti républicain ont été illustrées de façon frappante lors des débats au Congrès avant-hier. Lorsque le Sénat s’est réuni à nouveau après que les forces d’extrême droite aient finalement été éliminées, la plupart des Républicains qui allaient soutenir les “objections” aux résultats ont fait marche arrière.
Le débat a montré à quel point les événements d’avant-hier ont ébranlé l’establishment et la classe dirigeante – ce que le Sénat reflète plus fidèlement. L’accent a été mis en particulier sur les dommages que cela causerait à la “position des États-Unis dans le monde” (c’est-à-dire à la capacité de l’impérialisme à utiliser ses références “démocratiques” pour protéger ses intérêts). Les objections à la ratification des élections par le Sénat ont été balayées de 96 voix contre 3 et de 93 contre 6. À la Chambre, en revanche, la majorité des républicains (plus de 120) ont refusé de reculer, même face à des attaques cinglantes, y compris de la part d’une minorité de membres républicains du Congrès.
Dans l’ensemble, les événements de ce 6 janvier ont été une défaite pour Trump. Il a formellement dû céder face à l’énorme pression de la classe dirigeante. Il n’avait pas l’intention de le faire au début de la journée. Il est bien sûr possible qu’il change à nouveau de cap dans les jours à venir, mais l’ensemble de l’establishment politique, y compris des éléments clés de la direction républicaine, se prépare à l’expulser de la Maison Blanche s’il tente de rester après le 20 janvier.
Les divisions républicaines sont également une des raisons principales pour lesquelles les Républicains en place ont perdu leurs sièges au Sénat pour la Géorgie. Une partie de la base de Trump a refusé de voter pour Loeffler et Purdue, en partie à cause du sentiment général parmi les partisans de Trump que l’élection serait truquée. L’ancien avocat de Trump, Lin Wood, a pris la parole lors de plusieurs rassemblements pour décourager les partisans de Trump en Géorgie de voter pour Loeffler ou Perdue parce qu’ils n’ont pas été suffisamment fidèles à Trump. Il a déclaré “Ils n’ont pas mérité votre vote. Ne le leur donnez pas”.
Après la tempête
Alors que la poussière commence à se dissiper, des millions de personnes se demandent : que diable va-t-il se passer ensuite ?
L’establishment politique des deux partis de Wall Street – Républicains et Démocrates – fait entendre sa voix au sujet de la nécessité de reconquérir l’âme du peuple américain. Il veut un retour à la normale. Biden a d’ailleurs derrière lui une longue histoire de collaboration avec les républicains réactionnaires. Il pourrait considérer dans le fait que des figures de premier plan du Parti républicain comme McConnell s’éloignent de Trump comme un signal pour aller encore plus loin dans cette voie.
Face à la crainte de la croissance des forces d’extrême droite, la gauche et le mouvement ouvrier sont confrontés à une tâche urgente. L’histoire nous enseigne que la seule véritable riposte contre l’extrême droite – qui est un produit de la décadence du capitalisme – est un mouvement de masse de la classe ouvrière, au-delà de la couleur de peau. C’est encore ce que nous avons constaté il y a quelques années à Boston, quand 40.000 personnes avaient manifesté contre l’extrême droite dans le sillage des événements de Charlottesville (où une antifasciste avait été tuée). Celle-ci s’était retrouvée sur la défensive pendant toute une période.
Mais au lieu de saisir les événements du 6 janvier comme une occasion d’appeler à une action de masse contre la tentative de coup d’État, les dirigeants de gauche comme Alexandria Ocasio-Cortez ont été dans la mauvaise direction. Plutôt que de lancer un appel à des manifestations de masse, ou même d’exhorter vaguement la gauche et le mouvement ouvrier à s’organiser, elle a tweeté : “Impeach” (en référence à une procédure de destitution). Les membres The Squad (La Brigade, un groupe d’élues progressistes) ont ensuite travaillé dans la précipitation pour rédiger de nouveaux articles de mise en accusation. Dans la même veine, Cori Bush, membre nouvellement élue de cette équipe, a présenté une résolution visant à expulser les membres du Congrès qui ont “incité à cette attaque terroriste intérieure”.
Ces tactiques légales seraient très positives si elles accompagnaient une stratégie de mobilisation plus large des travailleurs, mais ce n’est pas ce que font ces dirigeants de gauche. Ils ne vont pas plus loin que les Démocrates établis comme Chuck Schumer qui demande d’invoquer le 25ème amendement et de démettre Trump de ses fonctions.
AOC et The Squad devraient appeler à des manifestations de masse et à une organisation soutenue contre l’extrême droite. Elles devraient souligner que c’est précisément le programme néolibéral des deux partis de Wall Street qui a fertilisé le sol pour l’extrême droite. Les élus de gauche doivent défendre l’ensemble des réformes nécessaires pour réduire cette polarisation vers la droite, y compris des chèques de relance de 2 000 dollars pour la population, l’assurance maladie pour tous, un Green New Deal et un impôt important sur les riches.
Le développement de la droite est très dangereux pour les travailleurs, les opprimés et toute la gauche. Nous avons besoin d’une direction de gauche décisive et audacieuse pour y faire face.
Et maintenant ?
Les Démocrates contrôlent maintenant les deux chambres du Congrès et la Maison Blanche. De nombreux Américains, dont le loyer est dû et les factures s’accumulent, seront heureux de voir partir Mitch McConnel qui a bloqué les chèques de relance de 2.000 dollars par ménage que même Trump soutenait.
Ce sera un grand soulagement de voir que Trump et Mitch McConnel ont tous deux été éliminés comme obstacles immédiats à la résolution de cette crise. Les Démocrates seront probablement obligés d’envoyer des chèques de relance de 2.000 dollars et de fournir une aide substantielle aux États. Biden pourrait être prêt à prendre des mesures décisives pour renforcer les infrastructures de vaccination, par exemple en utilisant la loi sur la production de défense pour stimuler la production d’équipements de vaccination.
Cela pourrait bien offrir à Biden et aux Démocrates une certaine lune de miel temporaire, mais leur victoire en Géorgie (qui leur offre la majorité au Sénat) est par ailleurs une mauvaise nouvelle pour l’establishment capitaliste. Cela signifie qu’ils n’ont aucune excuse et aucun croque-mitaine républicain à blâmer pour délivrer une assurance maladie pour tous, un Green New Deal, une taxe sur les riches et les grandes entreprises.
Les deux prochaines années vont probablement permettre de clarifier pour des millions de personnes que les démocrates ne sont généralement pas dignes de confiance lorsqu’il s’agit de se battre pour les travailleurs. Cela mettra clairement sur la table la nécessité de l’indépendance politique de la classe ouvrière vis-à-vis des démocrates.
L’establishment s’opposera résolument à des mesures progressistes largement populaires comme l’assurance maladie pour tous, qui sont un anathème pour les responsables des finances de leurs entreprises. Sans un républicain à blâmer, ils seront obligés d’expliquer leur hostilité à la politique progressiste. La façon dont l’équipe et Bernie Sanders s’y prendront dans les deux prochaines années aura des conséquences dramatiques pour la gauche.
Battre la droite, construire la gauche
C’est comme si un siècle entier était condensé dans le cycle des actualités d’avant hier. Il est tout à fait possible que dans les deux prochaines semaines, d’autres manifestations d’extrême droite tentent d’empêcher un transfert de pouvoir, des manifestations ayant déjà été organisées dans un certain nombre d’États. L’extrême-droite a peut-être été un peu calmée par les concessions de Trump, bien que des manifestations aient déjà été organisées dans plusieurs villes et semblent se poursuivre.
Nous ne croyons pas que l’establishment démocrate ou l’État lui-même puisse ou veuille neutraliser cette menace, et il est crucial que la gauche et le mouvement ouvrier prennent l’initiative d’organiser des manifestations de masse pour faire taire l’extrême droite et unir la classe ouvrière au-delà de la couleur de peau autour d’un programme de changement réel. Partout où ils tentent de se tailler une place, nous devons nous y opposer en faisant preuve d’une grande unité de la classe ouvrière. Les dirigeants de la gauche et des syndicats ont un rôle énorme à jouer dans la popularisation de ce message, mais nous devons également poser rapidement les bases d’un parti indépendant qui représente les intérêts des travailleurs et des opprimés.
Nous devons rompre avec la politique de l’establishment capitaliste et nous organiser maintenant pour vaincre la droite et gagner les réformes cruciales nécessaires pour les travailleurs, sur la voie de la fin du système capitaliste qui engendre l’inégalité, le racisme, le sexisme et le fascisme.
Manifestation antifasciste à New York ce 7 janvier
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A peine élu, Joe Biden trahit les écologistes qui l’ont soutenu

Lors de sa campagne, le démocrate Joe Biden avait promis le retour immédiat des États-Unis dans l’Accord de Paris, assorti d’un plan climatique. Après les années Trump, grand partisan des énergies fossiles et responsable de la réduction des budgets de l’United States Environmental Protection Agency (EPA), on peut comprendre celles et ceux qui ont poussé un soupir de soulagement.
« La victoire historique de Joe Biden est la première étape pour éviter la catastrophe climatique », a ainsi commenté sur Twitter la directrice exécutive de Greenpeace, Jennifer Morgan. Elle espère qu’il sera « le champion » de la cause environnementale. Durant sa campagne, Biden a promis un plan à hauteur de 1.700 milliards de dollars pour lutter pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2035. Il a déclaré que la cause écologiste est l’une de ses principales priorités.
Dis-moi qui sont tes amis et je te dirai qui tu es
Il faut toutefois rester prudent vis-à-vis de ses annonces électorales conçues pour plaire aux électeurs alors qu’au cours de l’année 2019, des millions de personnes ont été évacuées et des centaines de milliers ont perdu leur maison à cause d’incendies et d’inondations. Le thème du changement climatique s’est invité de force dans le débat électoral.
Durant la campagne électorale déjà, de nombreuses voix ont souligné l’impossibilité d’obtenir la neutralité carbone en refusant de s’en prendre à la fracturation hydraulique (méthode d’extraction de pétrole et de gaz emprisonnés dans le sous-sol en y injectant des fluides à forte pression). Biden ne souhaite pas l’arrêt de cette technique très controversée qui représente pas moins de 35% de la production énergétique des États-Unis.
Lors d’un des débats télévisés avec Donald Trump, Biden a déclaré qu’il était pour une « transition » de l’industrie pétrolière vers des énergies renouvelables, avant de se reprendre et de dire qu’il se limiterait à empêcher que des fonds gouvernementaux soient versés à l’industrie pétrolière. « Nous n’allons pas nous débarrasser des énergies fossiles. Nous allons nous débarrasser des subventions pour les énergies fossiles », a-t-il précisé. Dire le contraire aurait signifié se retourner contre des personnes telles qu’Andrew Goldman, co-fondateur de la société de production de gaz naturel Western LNG, qui a co-organisé diverses activités de levées de fonds à la faveur du candidat démocrate.
Autre élément inquiétant, l’une des premières personnes désignées pour faire partie de son administration est l’actuel député Cédric Richmond, qui servira de liaison entre la Maison Blanche et le mouvement pour le climat. Au cours des dix ans qu’il a passés au Congrès, Richmond a reçu environ 341.000 dollars de donateurs de l’industrie du pétrole et du gaz. Richmond est d’ailleurs connu pour avoir a rompu à plusieurs reprises avec son propre parti dès lors qu’il s’agissait de votes sur le climat et l’environnement. Il s’est ainsi joint aux républicains pour voter en faveur de l’augmentation des exportations de combustibles fossiles et de la promotion du développement des pipelines, s’est opposé à une législation démocrate visant à (très peu) limiter la pollution due à la fracturation hydraulique,…
La nomination a un goût de trahison pour des activistes comme Varshini Prakash, directeur exécutif du mouvement écologiste Sunrise Movement qui a fait partie du groupe de travail politique de Biden durant la campagne électorale. Cette nomination est « un affront aux jeunes qui ont rendu la victoire du president-élu possible. »L’écologie, mauvaise pour l’emploi ?
Les États-Unis constituent le premier producteur mondial de pétrole et de gaz. Ce secteur emploie 10 millions de personnes. Trump n’a d’ailleurs pas hésité à jouer sur les craintes de pertes d’emplois causées par une transition verte pour s’attirer les votes de travailleurs. Et il faut dire que Biden n’avait rien à répondre… Pourtant, pour chaque emploi perdu dans les énergies fossiles, une réelle transition écologique en créerait au moins 10.
La catastrophe climatique n’arrive pas, elle est déjà là. Si les émissions de carbone continuent d’augmenter comme elles le font actuellement, dans 30 ans, un demi-million de foyers américains seront inondés chaque année. D’ici 2070, 28 millions de personnes seront touchées par des méga-feux d’une taille équivalente à Manhattan.
Les services d’incendie et de secours en général ainsi que de protection de la nature nécessitent de toute urgence une injection massive de personnel. Pour répondre à la crise du logement aux États-Unis et assurer que les infrastructures puissent résister aux conditions climatiques extrêmes qui deviennent hélas la norme, il faut un programme public massif de construction et de rénovation. Des millions d’emplois verts, socialement utiles et bien payés pourraient être créés ainsi. La reconversion des travailleuses et travailleurs des entreprises polluantes ne pose aucun problème.
Mais on ne contrôle pas ce que l’on ne possède pas. Un véritable plan pour le climat devra s’appuyer sur l’expropriation des multinationales pétrolières afin de les empêcher de nuire et d’utiliser leurs fonds dans la réparation des dégâts qu’elles ont causés. La seule issue qui nous permettra d’échapper à l’enfer sur terre est la planification écologique socialiste.
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Après Trump… La menace de l’extrême droite n’a pas disparu, au contraire !

Le 14 novembre, 10.000 partisans de Trump ont traversé Washington DC pour protester contre ce qu’ils estiment être une fraude électorale. Parmi les manifestants, tout un patchwork de groupes d’extrême droite et de partisans des théories du complot, avec notamment le groupe QAnon.
Article de Geert Cool
Polarisation et radicalisation
Le changement d’atmosphère aux États-Unis se fait essentiellement vers la gauche. Le mouvement Black Lives Matter de l’été dernier l’a illustré, tout comme le soutien populaire de revendications telles qu’un système universel de soins de santé ou le flot de nouvelles affiliations syndicales. Mais à l’autre bout de cette polarisation, les idées réactionnaires s’enracinent dans une partie de la société. Une couche beaucoup plus restreinte, mais croissante, de la population est attirée par l’extrême droite. Les forces de l’extrême droite aux États-Unis sont plus importantes, plus visibles et plus sûres d’elles qu’elles ne l’ont été depuis de nombreuses décennies. Alors que le système s’enfonce dans la crise, l’extrême droite peut se développer encore plus. C’est certainement le cas si aucune alternative de gauche ne lui est opposée.
Trump a réussi à remporter les élections de 2016 grâce à l’aversion pour la politique d’Obama et de Biden. Malgré une façade progressiste d’”espoir et de changement”, ce régime suivait servilement le programme des grandes entreprises. La “reprise” économique après 2008 n’a été ressentie que par les milliardaires et les grandes entreprises. Les banques ont été sauvées, mais les gens ont été expulsés de leur logement. La poursuite des guerres au Proche-Orient continue d’alimenter l’islamophobie. Face à Trump, les Démocrates ont placé Hillary Clinton en 2016, l’une des figures de proue de l’establishment.
L’extrême droite s’est développée aux États-Unis ces dernières années. Le Southern Poverty Law Center a dressé la carte des groupes suprémacistes blancs : leur nombre a augmenté de 55 %, passant de 100 en 2017 à 155 en 2019. La violence de l’extrême droite a cru et provoqué des dizaines de morts. En même temps, il faut noter que l’extrême droite américaine est loin d’atteindre la force que le Ku Klux Klan avait à son apogée. Dans les années 1920, le KKK comptait entre trois et six millions de membres !
Face à la violence de l’extrême droite, la riposte a souvent été massive. Après l’assassinat d’une antifasciste à Charlottesville en 2017, de grandes manifestations ont eu lieu. Un cortège de 40.000 personnes a empêché une manifestation d’extrême droite de se dérouler. Si l’extrême droite n’a pas pu dominer les rues après les élections de novembre 2020, c’est aussi en raison des mobilisations de masse pour exiger que tous les votes soient comptés et pour empêcher que Trump ne vole les élections. Dans toutes ces mobilisations, on a pu constater que non seulement le Parti démocrate ne prenait pas l’initiative, mais qu’il lui était souvent hostile.
QAnon et les Proud Boys
Trump a utilisé la désinformation et l’a amplifiée. C’est allé si loin que des médias sociaux comme Twitter et Facebook ont publié des alertes sur les messages du président. La méfiance à l’égard des médias établis (qui est justifiée) a été instrumentalisée pour renforcer la campagne de Trump, non seulement par le biais de médias “alternatifs” de droite comme Breitbart, qui était dirigé par Steve Bannon, mais aussi par toutes sortes de réseaux sociaux.
QAnon est une mouvance populaire reposant sur les théories conspirationnistes populaires. Le nom fait référence à un compte anonyme “Q” selon lequel une guerre secrète a lieu entre Donald Trump et les élites de “l’État profond” qui commettraient des crimes pédophiles et sataniques. Cette mouvance a également des partisans en Belgique, notamment Eva Rollier, du Vlaams Belang à Zoutleeuw. Même des figures dirigeantes du VB comme le député européen Gerolf Annemans et le président du VB Van Grieken y ont fait référence dans leurs tweets. A Liège, des drapeaux QAnon ont été vus à un petit rassemblement anti-masques.
Certains vont plus loin et s’organisent en milices d’extrême droite, comme les “Proud Boys”. Cette milice, dont seuls les hommes peuvent devenir membres, a été impliquée dans des actes de violence et d’intimidation contre des opposants de Trump, qui leur a en retour offert un soutien explicite. La violence de l’extrême droite aux États-Unis pose un problème plus large. En 2018, les violences commises par les extrémistes ont tué au moins 50 personnes ; dans la grande majorité des cas, les auteurs étaient des militants d’extrême droite. Selon le Comité antiterroriste du Conseil de sécurité des Nations unies, le terrorisme d’extrême droite a augmenté de 320 % dans le monde entier au cours des cinq années précédant 2020. En Europe, l’extrême droite est responsable du plus grand nombre d’attentats (ou de tentatives d’attentats). Dans notre pays, 3.000 personnes sont connues de la police en raison de leur extrémisme de droite.
Comment riposter ?
La crise du système capitaliste ouvre un espace à l’extrême droite. La meilleure manière de l’empêcher de dominer les rues, c’est la mobilisation de masse. Quand l’extrême droite a les coudées franches, ses premières victimes sont ses opposants, au premier rang desquels le mouvement ouvrier. Nous ne devons ni compter ni nous reposer sur l’establishment capitaliste ou l’État. Nous devons organiser les travailleurs et les jeunes et faire usage de notre force collective. Cela ne suffira toutefois pas à stopper l’extrême droite : dans nos actions, nous devons défendre une alternative au capitalisme, afin que la méfiance et l’aversion justifiées envers le capitalisme ne soient pas instrumentalisées par des forces de droite réactionnaires. La seule solution à long terme est de mettre un terme à ce système insensé.
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« Normalisation » Soudan / Israël : au lieu de la paix, l’extorsion impérialiste et l’oppression nationale

Stop à l’extorsion impérialiste du peuple soudanais ! Stop à l’occupation et à l’oppression des Palestiniens ! Pour la solidarité internationale et la lutte commune de la classe ouvrière et des pauvres contre le système capitaliste qui perpétue la pauvreté, l’oppression et les conflits nationaux ! Luttons pour une alternative socialiste !
Déclaration conjointe de “Socialist Struggle” (section d’Alternative Socialiste Internationale en Israël-Palestine) et des partisans d’ASI au Soudan // Vous pouvez également accéder à cette déclaration en arabe et en hébreu.
Le vendredi 23 octobre, une déclaration commune au nom des gouvernements des États-Unis, du Soudan et d’Israël a commencé par des éloges cyniques sur la façon dont “après des décennies de vie sous une dictature brutale, le peuple soudanais prend enfin les choses en main”. Suite à la décision de Trump de retirer le Soudan de la liste américaine des “États qui parrainent le terrorisme”, les États-Unis et Israël “ont convenu de s’associer au Soudan dans son nouveau départ”, et le Soudan et Israël ont déclaré entamer une “normalisation” progressive de leurs relations, en commençant par le plan économique. Les nouveaux alliés promettent également de faire progresser la “l’abandon de la dette” et “l’amélioration de la sécurité alimentaire” pour le Soudan. La déclaration se termine par les félicitations des signataires des trois pays pour leur “approche audacieuse et visionnaire”, et en particulier l’approche pragmatique et unique de Trump pour mettre fin à un vieux conflit et construire un avenir de paix et d’opportunités pour tous les peuples de la région.
En réalité, ces représentants impopulaires d’oligarchies corrompues et oppressives enveloppent leur nouvelle alliance officielle d’une propagande de “paix” visant à renforcer leurs positions et à surmonter l’opposition populaire à leurs gouvernements. Dans le contexte de la pandémie, de la récession mondiale et des conflits mondiaux et régionaux qui font rage, ce nouvel accord est le produit d’un chantage impérialiste pur et simple de la part des gouvernements capitalistes américain et israélien. Ils ont profité de la fragilité de la situation politique au Soudan et de l’état calamiteux de son économie pour satisfaire leurs propres intérêts géopolitiques – ainsi que du besoin de Trump de réaliser un nouveau coup de publicité à l’approche des prochaines élections présidentielles.
L’extorsion impérialiste du Soudan
L’annonce de Trump sur le retrait du Soudan de la liste des “États qui parrainent le terrorisme” a été utilisée comme l’instrument ultime de cette opération de chantage. Cette décision est censée permettre au Soudan d’accéder pleinement aux prêts des agences financières internationales comme le FMI et la Banque mondiale. Il a été convenu en échange d’une compensation de 335 millions de dollars, par le gouvernement soudanais, aux familles des victimes américaines des attaques terroristes qui ont eu lieu dans les années 1990 sous la supervision du régime dictatorial d’Omar al-Bashir.
Les travailleurs et les pauvres du Soudan ont souffert pendant de nombreuses années des sanctions américaines punitives en plus de la misère et de la tyrannie infligées par le régime d’Omar el-Béchir. Mais le gouvernement américain, bien sûr, n’offre aucune compensation pour les années de délabrement économique, ni pour le bombardement de l’usine a-Shifa en 1998. Pourtant, même l’accord de compensation n’a pas été suffisant pour l’administration Trump, qui a également posé comme condition l’établissement de relations officielles avec l’Etat israélien, révélant sans vergogne la manipulation de cette question pour imposer un accord par-dessus de la tête du peuple soudanais. Ce chantage ne cessera pas après cet accord de normalisation, car il implique des relations néocoloniales de soumission vis-à-vis de l’agenda des puissances impérialistes mondiales et régionales, les États-Unis et Israël, en plus de l’intervention en cours de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis.
L’idée selon laquelle cet accord livrerait des avantages économiques substantiels aux travailleurs et aux pauvres soudanais n’est que poudre aux yeux. Ces arguments sont utilisés par la même élite politique et militaire qui a présidé à l’appauvrissement continuel de la société soudanaise au cours de l’année écoulée, marquée par une inflation record, un chômage en hausse, des pénuries croissantes de produits de base essentiels et une série de mesures anti-pauvres, telles que la suppression des subventions aux carburants. Ces politiques ont été encouragées par le FMI. Aujourd’hui, emprunter de l’argent sur les marchés internationaux ne fera qu’aggraver les problèmes, car cela est assorti de “conditions”. Malgré la suppression des sanctions internationales, le nouvel accord avec l’impérialisme américain facilitera l’exploitation économique du Soudan par les multinationales ainsi que l’extorsion financière par les spéculateurs étrangers.
Nourrir les conflits régionaux et l’oppression
Cette fausse paix de Trump ne représente qu’une couverture marketing pour des politiques visant à alimenter les conflits régionaux de ces dernières années par l’ingérence impérialiste, dont l’escalade délibérée du conflit avec l’Iran, le soutien à l’agression saoudienne et israélienne, et le lancement d’attaques contre les Palestiniens. Ce dernier point n’est même pas mentionné dans la déclaration conjointe signée par les dirigeants des Etats-Unis, d’Israël et du Soudan.
Le nouvel ami des généraux soudanais, Netanyahu, a été le fer de lance d’innombrables attaques militaires contre la population de Gaza. Il porte la responsabilité du meurtre de manifestants et de civils palestiniens de tous âges. Il a poursuivi l’expansion des colonies israéliennes en Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est. Il est responsable de politiques racistes à l’encontre des citoyens arabo-palestiniens d’Israël. Nétanyahou n’a accepté que de “reporter” sa récente menace d’annexer officiellement de larges parties de la Cisjordanie à l’État israélien, tout en se vantant que son régime n’avait pas à faire de réelles concessions aux Palestiniens.
Du côté soudanais, Al-Burhan est l’homme qui dirigeait le Conseil militaire l’année dernière lors du massacre de juin, lorsque des dizaines de manifestants révolutionnaires ont été impitoyablement assassinés, torturés et violés par les milices des Forces de soutien rapide (FRS), elles-mêmes héritières des Janjawids, tristement célèbres pour les crimes de génocide au Darfour (dans lesquels Al-Burhan lui-même était impliqué). Ces forces sont maintenant intégrées dans le “nouvel” appareil d’État prétendument “réformé”. Sous le régime d’al-Burhan et de ses partenaires civils au pouvoir, les FSR et d’autres mercenaires soudanais continuent également d’intervenir dans les guerres civiles du Yémen et de Libye, en accord avec les intérêts de l’Arabie saoudite et de ses alliés.
Les “Accords d’Abraham” dirigés par Trump (une série d’accords de normalisation, à des degrés divers, entre le capitalisme israélien et les États arabes) sont conformes aux politiques réactionnaires de Trump, Netanyahu et des dirigeants arabes qui sapent la paix et les moyens de subsistance des masses pauvres et ouvrières du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. L’irruption soudaine de ce processus régional a suivi le “deal of the century” (accord du siècle) de Trump. Ce prétendu “plan de paix” visant à résoudre le conflit israélo-palestinien revient à renforcer l’occupation israélienne et à couvrir les mouvements officiels de “normalisation” entre Israël et les États arabes.
Ces nouveaux accords représentent une nouvelle étape dans un long processus de convergence stratégique entre les régimes capitalistes pro-américains israéliens et arabes, notamment autour de la rivalité commune avec le régime iranien. Ce processus est impopulaire parmi les masses arabes, principalement en raison de la solidarité massive contre l’oppression des Palestiniens. Mais les crises profondes et l’instabilité régionale auxquelles les régimes arabes sont confrontés ont poussé deux monarchies du Golfe, et maintenant le Soudan en tant que “maillon faible”, à saisir cette opportunité politique en échange d’avantages économiques et militaires promis par les États-Unis et Israël.
La contre-révolution piétine des millions de Palestiniens
Ainsi, la prétendue condition préalable essentielle à la normalisation fixée par la soi-disant “Initiative de paix arabe” de 2002 – le retrait israélien de la Cisjordanie et de Gaza, et la création d’un État palestinien avec sa capitale à Jérusalem-Est – est révoquée. C’est à Khartoum que la Ligue arabe a déclaré, après l’occupation impérialiste lors de la guerre israélo-arabe de 1967, “pas de réconciliation, pas de reconnaissance, pas de négociation” avec Israël. Même cette rhétorique anti-impérialiste ne visait pas à répondre aux intérêts des masses opprimées de la région, et les dirigeants de la Ligue arabe eux-mêmes n’y ont même pas pleinement cru. Le sort des masses palestiniennes a finalement été cyniquement exploité par les régimes réactionnaires arabes pour détourner et canaliser le mécontentement des masses arabes. Aujourd’hui, même cette prétention est abandonnée.
La propagande impérialiste présente la nouvelle donne comme faisant partie d’un processus progressiste réalisé par la révolution soudanaise. Ce changement d’alliance a toutefois débuté il y a longtemps, sous le règne d’Al-Bachir. Le bilan de l’intervention israélienne dans les guerres civiles soudanaises et, plus tard, les frappes aériennes militaires attribuées à Israël sur le sol soudanais, n’ont pas dérangé l’ancien régime d’al-Bashir lorsqu’il a précisé, dès janvier 2016, qu’il souhaitait une normalisation avec Israël. Cela s’est fait dans le contexte d’un changement d’alliance avec l’Iran pour s’aligner sur l’axe régional dirigé par les Saoudiens. Le régime a alors cherché à surmonter les sanctions impérialistes internationales et américaines, et à obtenir un meilleur accès aux armes et aux technologies de sécurité israéliennes, tout comme son homologue du Sud-Soudan. Le régime de Netanyahou, pour sa part, a fait pression pour le régime d’al-Bashir à Washington et ailleurs.
Après le renversement d’Al-Bachir, les généraux soudanais qui ont détourné la révolution, soutenus par l’Arabie Saoudite et les UAE, ont continué à examiner une alliance officielle avec Israël, dans le cadre d’un accord plus large avec l’impérialisme américain. Ainsi, le général al-Burhan a rencontré Netanyahu en février dernier, avec la participation des UAE. Ce n’est que la crainte d’une opposition populaire de la part de la branche civile du gouvernement soudanais qui a bloqué le mouvement. Mais à la fin, ils ont capitulé.
Le nouvel accord signifie que le gouvernement soudanais fermera les yeux sur l’occupation israélienne et les crimes commis contre la population palestinienne en échange de faveurs économiques et politiques discutables. Nous n’avons jamais eu d’illusions envers le gouvernement antidémocratique soudanais concernant sa participation à la solidarité vis-à-vis de la lutte du peuple palestinien contre l’occupation. Avec cet accord, la classe dirigeante soudanaise a ouvertement exposé son véritable rôle contre-révolutionnaire. Elle a ouvertement rejoint la contre-révolution régionale en tant qu’ennemie de la lutte de libération palestinienne et de la lutte des masses de toute la région.
Le danger pour les demandeurs d’asile
Le gouvernement capitaliste israélien fait maintenant pression pour un accord visant à transférer au Soudan 6.285 demandeurs d’asile qui ont fui le Soudan vers Israël. Nombre d’entre eux ont été persécutés et ont subi un génocide durant les années du règne d’Al-Bachir. Ils ont été victimes de racisme de la part du régime de droite israélien qui utilise la logique de “diviser pour régner” envers les communautés locales appauvries. Pendant plus d’une décennie, une seule (!) de leurs 4.500 demandes individuelles d’asile politique a été approuvée. Des milliers d’autres ont été contraints par le régime israélien de quitter le pays sous la pression des emprisonnements, de la persécution et de la pauvreté, prétendument “volontairement”. Beaucoup ont fini par retourner au Soudan. Certains y ont été torturés, assassinés ou ont trouvé la mort en essayant à nouveau de fuir le pays.
Malgré l’accord de paix officiel déclaré en août et finalisé en octobre entre le gouvernement de transition du Soudan et le “Front révolutionnaire soudanais” (SRF), une guerre civile fait toujours rage dans la région du Darfour, des attaques meurtrières contre des civils ayant été enregistrées ces dernières semaines. Tout retour forcé des demandeurs d’asile, y compris des enfants nés et élevés dans la société israélienne, ne ferait qu’infliger de nouveaux traumatismes et mettre davantage de vies en danger.
Pas de mandat pour les généraux soudanais
Cet accord de normalisation avec Israël ne fait que souligner davantage le fait que le gouvernement “transitoire” de Hamdok au Soudan ne parle pas au nom de la majorité du peuple soudanais, qui rejette massivement une telle démarche. Le processus de “normalisation” doit se traduire à ce stade par des relations officielles de faible niveau entre les deux États précisément en raison du manque de soutien démocratique au Soudan. Selon l’”Arab Opinion Index” 2019-2020, seuls 13 % des Soudanais interrogés sont favorables à la normalisation des relations entre le Soudan et le régime d’occupation israélien. Quelques heures après l’annonce de l’accord, des protestations spontanées ont éclaté dans plusieurs localités du Soudan, et d’autres ont suivi depuis lors.
Cet accord fait suite à l’annonce du gouvernement soudanais selon laquelle la normalisation était du ressort du “Conseil législatif” (qui n’a pas encore été mis en place) et que, par conséquent, il n’irait pas de l’avant, selon le porte-parole officiel du gouvernement. L’accord expose complètement les manœuvres du gouvernement et ses mensonges continuels aux masses soudanaises.
La confusion et l’apparente volte-face dans la prise d’une telle décision illustrent également les tensions entre les deux ailes du conseil de souveraineté conjoint, et l’équilibre des pouvoirs entre elles. L’accord de partage du pouvoir signé l’année dernière entre le Conseil militaire et les “Forces de la Déclaration de liberté et de changement”, auquel les partisans d’Alternative Socialiste Internationale au Soudan se sont fermement opposés dès le début, était un accord permettant aux militaires contre-révolutionnaires, liés aux crimes et aux guerres de l’ancien régime, de participer directement au gouvernement, de prendre des décisions politiques et de maintenir leur emprise sur la façon dont le pays est dirigé après le renversement d’Al-Bachir.
Le fait que la timide “résistance” au processus de normalisation initialement affichée par l’aile civile du gouvernement ait été si rapidement contournée permet de savoir clairement qui détient réellement le pouvoir dans le pays. Le Premier ministre Hamdok, qui n’a cessé d’insister sur le fait que les autorités de transition n’avaient pas le “mandat populaire” pour mener à bien une telle décision, a complètement capitulé devant les généraux.
Le gouvernement de Hamdok lui-même n’a jamais reçu de “mandat populaire” pour commencer. Certains des dirigeants des “Forces de la liberté et du changement” ont rejeté la décision de normalisation, menaçant même de mettre fin à l’arrangement gouvernemental actuel si l’accord se concrétisait. À vrai dire, cette décision n’aurait jamais dû être prise au départ ! Alors qu’ils ont apporté leur soutien aux politiques pro-capitalistes du gouvernement pendant plus d’un an, ces dirigeants craignent maintenant, pour de bonnes raisons, la réaction de la rue. Ils craignent que cet accord pourri ne jette une allumette sur les flammes de la révolte contre ce même gouvernement de plus en plus impopulaire, qui doit faire face à une opposition et une colère croissantes dans les rues pour son incapacité à répondre aux aspirations et aux exigences de la révolution de décembre.
L’alternative internationaliste et socialiste
Toutes celles et ceux qui aspirent à s’attaquer aux difficultés économiques des masses et aux schismes et conflits nationaux, ethniques et religieux dans la région doivent s’opposer à la campagne de “paix” régionale frauduleuse menée par Trump et l’impérialisme américain. Qu’est-ce que ce processus “normalise” ? Les relations entre un camp des classes dominantes qui défend ses propres intérêts étroits alors qu’il repose sur l’extorsion impérialiste, nourrit les conflits régionaux et renforce l’oppression des masses palestiniennes.
La diplomatie secrète antidémocratique, les intrigues impérialistes et les régimes oligarchiques corrompus constituent une menace quotidienne pour la vie, la santé, les revenus, le bien-être et l’avenir des masses dans toute la région. Aux alliances entre les oligarchies de la région devrait s’opposer la solidarité inter-communautaire et internationale des mouvements de la classe ouvrière, des opprimés et des jeunes de toute la région.
Les socialistes se battent pour les intérêts de la classe ouvrière et des masses opprimées de toutes les nations, pour un bon niveau de vie, des droits démocratiques pleins et égaux et la paix. Nous sommes favorables à la poursuite de la révolution au Soudan sur la base des aspirations des masses à un changement réel. Nous appelons à s’opposer sans relâche à l’oppression des masses palestiniennes et à soutenir leurs aspirations démocratiques à la libération nationale de l’occupation militaire, du siège et de l’agression, des colonies de peuplement, de l’asservissement économique et de la suppression des droits par le capitalisme israélien. C’est aussi la seule façon pour les travailleurs et les pauvres israéliens – qui ont lutté face à la crise capitaliste actuelle – de trouver une issue à un conflit sanglant, pour le remplacer finalement par une paix véritable, sur base de droits égaux à l’existence, du droit à l’autodétermination, à la démocratie et à un niveau de vie élevé. En outre, nous sommes solidaires des demandeurs d’asile qui ont fui le Soudan et nous demandons la reconnaissance de leurs droits, y compris un retour au Soudan uniquement sur une base volontaire.
La transformation globale et urgente de la vie de centaines de millions de personnes dans la région ne peut être réalisée sur la base du système d’exploitation en crise du capitalisme, des grands propriétaires et de l’impérialisme. Il appartient à la classe ouvrière et aux opprimés de la région de s’organiser en partis politiques indépendants de lutte autour d’une stratégie socialiste de sortie de la crise, du conflit et de la misère de masse du capitalisme. En tant que membre d’Alternative Socialiste Internationale, nous nous engageons à faire avancer la lutte pour renverser les oligarchies corrompues. Le contrôle de toutes les ressources naturelles, des banques et des principales méga-corporations locales et impérialistes doit être pris en main par le secteur public, pour permettre une transition vers le contrôle démocratique, la planification et l’exploitation des ressources, des richesses et des technologies au service de tous, plutôt que pour l’enrichissement et les luttes de pouvoir et les guerres des élites de la région.
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USA. Trump ? Plus jamais ! Il nous faut un parti de la classe ouvrière
Aux États-Unis, les travailleuses et travailleurs sont confrontés à une crise de grande ampleur. Des décennies d’attaques néolibérales contre les syndicats et les conquêtes sociales ont engendré le plus haut niveau d’inégalité en un siècle ainsi qu’une précarité massive. Les coupes budgétaires drastiques opérées dans les hôpitaux publics ces dernières années, auxquelles s’ajoute le fait que des millions de personnes sont privées d’assurance maladie, ont laissé le pays dans un dangereux état d’impréparation face à cette pandémie, tout particulièrement pour les pauvres.Par Tom Crean, Socialist Alternative (partisans d’Alternative Socialiste Internationale aux USA)
Dans l’immédiat, il n’existe aucun plan national pour faire face à la pandémie. Le nombre de nouveaux cas de contamination atteint des records et les hôpitaux de nombreuses régions du Midwest se dirigeant vers l’effondrement total. Le fait que les Républicains et les Démocrates n’aient pas accepté de prolonger l’allocation exceptionnelle de chômage de 600 dollars signifie que des millions de personnes vivent sur leur carte de crédit et ne peuvent rester chez elles qu’en raison du moratoire fédéral sur les expulsions. Sans assistance supplémentaire, des centaines de milliers de petites entreprises vont faire faillite.
Entre-temps, l’épidémie de brutalité policière a déclenché une rébellion antiraciste de masse qui transcende la couleur de peau. A cela s’ajoute le plus grand défi auquel nous sommes confrontés : celui du désastre climatique, illustré aux Etats-Unis par la saison des feux de forêt dévastateurs dans les États de l’Ouest.
Toutes ces catastrophes sont des sous-produits du capitalisme en déclin de cette période. Donald Trump est également un sous-produit du capitalisme en déclin et, pendant ses quatre années de mandat, il s’est efforcé d’aggraver presque tous les problèmes auxquels les travailleuses et travailleurs sont confrontés. Mais il n’a certainement pas créé ces problèmes. Si des dizaines de millions de personnes ici et dans le monde entier se réjouissent, à juste titre, de la fin de son règne, il nous faut aller plus loin que son éviction pour résoudre ces problèmes. Pour cela, il faut analysé la manière dont le système politique pro-entreprises à deux partis – et en particulier le Parti démocratique – a travaillé sans relâche afin de maintenir la domination de l’élite milliardaire.
Les Démocrates, le parti du capitalisme néolibéral
Les Démocrates, l’un des deux principaux partis capitalistes aux États-Unis depuis le XIXe siècle, ont derrière eux une histoire longue et complexe. Le parti de l’après-Seconde Guerre mondiale reposait sur une alliance entre les ségrégationnistes du Sud (les “Dixiecrat” ) et une coalition de travailleurs, d’immigrés blancs et de noirs du Nord. Dans le sillage du mouvement des droits civiques, les blancs conservateurs du Sud ont commencé à se rapprocher des Républicains.
Cela a été suivi par le changement d’orientation de la classe dirigeante vers ce que l’on appelle aujourd’hui le néolibéralisme, à la fin des années ’70. Les Démocrates ont adopté le programme néolibéral de déréglementation, de réduction du rôle des autorités, de promotion du libre-échange et de recul des syndicats (tout en acceptant des dizaines de millions de dollars de contributions des syndicats à leurs campagnes électorales). Cela représentait l’abandon de la prétention de représenter les intérêts des travailleuses et des travailleurs, une prétention qui remonte au New Deal. Au lieu de cela, le parti a prétendu se soucier des discriminations racistes et sexistes afin de se distinguer des Républicains qui, de leur côté, ont de plus en plus utilisé des sujets tels que les armes à feu, l’avortement et la discrimination positive pour mobiliser leur base.
Au cours des huit années de mandat de Bill Clinton, de 1992 à 2000, les Démocrates se sont appuyés sur ce que les régimes réactionnaires de Ronald Reagan et George Bush « père » avaient accompli au cours des douze années précédentes. Ils ont entrepris de « mettre fin à l’assistance sociale telle que nous la connaissons », en vidant de leur substance les programmes de lutte contre la pauvreté qui avaient été adoptés sous pression de la lutte de masse dans les années ’60 et ’70. Ils ont adopté la Crime Bill de 1994, une législation qui a accéléré l’incarcération de masse visant la population noire. Ils ont adopté le plus grand accord commercial néo-libéral, l’ALENA (Accord de Libre Échange Nord Atlantique), qui a entraîné la perte de centaines de milliers d’emplois industriels. A la demande de Wall Street, ils ont même abrogé la loi Glass Steagall des années 1930 qui avait imposé une réglementation de base aux banques. Cela a contribué à alimenter le casino financier qui a déclenché la crise économique de 2008-2009.
Après l’arrivée au pouvoir de George W. Bush en 2000 au cours d’une élection volée, les Démocrates ont capitulé, une question après l’autre. Après le 11 septembre 2001, ils ont voté pour le Patriot Act qui a massivement augmenté les pouvoirs de surveillance du gouvernement. La plupart des Démocrates ont soutenu avec enthousiasme la désastreuse invasion de l’Irak deux ans plus tard. Un grand nombre d’entre eux ont également soutenu les réductions d’impôts pour les riches et la réduction de l’impôt sur les sociétés de Bush, ce qui a contribué à accroître encore les inégalités.
Les Démocrates sont revenus à la Maison Blanche en 2008 avec la victoire d’Obama, alors que l’économie était au milieu de sa crise la plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale. L’élection du premier président noir avait suscité un immense espoir, mais la rhétorique d’Obama ne contenait aucun engagement à changer de cap par rapport au néolibéralisme de Bill Clinton. Une fois au pouvoir, la solution de son administration à l’effondrement économique a été de renflouer les banques à hauteur de milliers de milliards de dollars tout en restant sourds aux millions de personnes qui perdaient leur maison.
Entre 2008 et 2010, les Démocrates contrôlaient les deux chambres du Congrès. Pendant cette période, ils ont prolongé les réductions d’impôts de Bush et ont renié leurs engagements pour faciliter l’organisation des syndicats. Ils ont rejoint les Républicains dans une campagne acharnée pour privatiser et détruire l’enseignement public. Pour couronner le tout, la réponse d’Obama à l’immigration à travers la frontière sud a été d’expulser plus de personnes que tout autre président précédent.
Les dirigeants des syndicats et d’autres organisations progressistes ont refusé de résister à ces attaques en raison de leur totale soumission à l’establishment démocrate. L’aile populiste du Parti républicain a saisi ce vide pour exploiter le mécontentement économique, ce qui a conduit à la naissance du Tea Party en 2009, qui à son tour a préparé le terrain pour Donald Trump. De même, sous une présidence Biden, la menace de l’extrême droite pourrait bien s’accroître, les Démocrates supervisant une crise massive sans indiquer aucune issue.
Voilà le bilan désastreux du Parti démocrate au cours des quarante dernières années. Ils défendent des politiques rejetées par leur base au niveau local et national, comme le fait de donner à la police et à l’armée toujours plus de moyens. En même temps, ils refusent de soutenir des politiques comme l’assurance maladie pour tous et la taxation des riches, mesures soutenues par des majorités importantes de toute la population, tout simplement parce que cela s’oppose aux grandes entreprises qui sont les bailleurs de fonds des Démocrates.
Au cours des dix dernières années, d’énormes luttes ont contribué à reconstruire la gauche aux États-Unis, du mouvement Occupy à la révolte des enseignants de 2018 en passant par le mouvement Black Lives Matter. En 2016 et de nouveau en 2020, les campagnes présidentielles de Bernie Sanders ont démontré le potentiel dont dispose une alternative de gauche de masse construite autour d’un programme de lutte pro-travailleurs. Sanders était le défenseur de l’assurance maladie pour tous, d’un New Deal vert, de la fin des incarcérations de masse, d’un salaire minimum fédéral de 15 dollars et d’un enseignement gratuit.
Mais malgré la radicalisation massive de ces dernières années, en particulier parmi la jeunesse, le changement que les gens veulent réellement n’était pas au programme lors des élections de novembre. De façon incroyable, nous avons eu Joe Biden, le pire représentant du néolibéralisme démocrate à l’exception peut-être d’Hillary Clinton. Joe Biden, qui a été au Sénat ou à la Maison Blanche (comme vice-président) pendant 44 années consécutives, a été l’architecte du projet de loi sur la criminalité de 1994 et un ardent partisan de l’ALENA et de la guerre en Irak. Cette situation s’explique par le fait que le Parti démocrate est fermement détenu par les grandes entreprises américaines. Et tant que Sanders, AOC, les syndicats et les forces progressistes accepteront le cadre des Démocrates, ce genre de résultat se produira encore. Il est aujourd’hui bien tragique de voir Sanders briguer un poste dans le cabinet de Biden.
Faut-il s’attendre à une différence ?
A quoi ressembleront les Démocrates au pouvoir cette fois-ci ? Ils ont promis de “dépenser de l’argent”. Cela peut sembler être un mouvement vers la gauche par rapport à leur soutien passé aux coupes budgétaires dans les services sociaux. Cependant, ce n’est pas du tout radical dans le contexte de la crise économique mondiale actuelle. Toutes les principales institutions financières capitalistes du monde, y compris le FMI, la Banque mondiale et la Réserve fédérale américaine, préconisent des mesures de relance budgétaire massives en plus de ce qui a déjà été dépensé (bien plus que les années 2008-09). Elles craignent à juste titre que l’économie ne soit au bord d’un profond marasme si elles ne continuent pas à injecter de l’argent.
Mais il y a une grande différence entre “dépenser de l’argent” pour une extension temporaire des allocations de chômage et de l’aide aux petites entreprises – ce qui est tout à fait nécessaire – et s’engager réellement dans des programmes à plus long terme. Biden et Harris ont clairement indiqué qu’ils s’opposeraient activement à l’assurance maladie pour tous malgré sa grande popularité. Au cours de la campagne, ils ont renouvelé leur opposition à l’interdiction de la fracturation hydraulique et, tout en affirmant qu’il faudrait s’éloigner des combustibles fossiles, ils se sont catégoriquement opposés à un Green New Deal, qui créerait pourtant des millions d’emplois décents. Ils ont même déclaré qu’ils seraient favorables à un financement accru de la police !
Dans les jours qui ont suivi l’élection, la députée Abigail Spanberger s’est exclamée avec insistance que la raison pour laquelle le parti a perdu des sièges à la Chambre est qu’il s’est associé à la politique progressiste. La conclusion de Spanberger à l’intention du parti est la suivante : “Ne dites plus jamais ‘socialisme’.”
Les Démocrates chercheront à la première occasion à mettre en œuvre des coupes d’austérité sauvages pour faire payer à la classe ouvrière le coût de la crise. Ils résisteront à toute proposition sérieuse de taxation des riches et des grandes entreprises et ils chercheront à maintenir autant que possible le programme néolibéral. Mais ils seront confrontés à d’énormes problèmes parce que la masse de la population rejettera l’austérité et la poursuite des politiques des dernières décennies.
Construire un nouveau parti
Si les Démocrates ne sont pas le véhicule qui nous permettra d’arracher le changement dont nous avons besoin, comment gagner l’assurance maladie pour tous, le Green New Deal, et placer la police sous un véritable contrôle démocratique ? L’histoire de ce pays montre que les gains réels pour les travailleuses et les travailleurs ne sont obtenus que par des mouvements de masse et la lutte sociale. Citons par exemple la campagne de syndicalisation de masse et la vague de grèves des années 30 ou encore le mouvement des droits civiques des années 50 et 60.
Face à une classe de milliardaires qui a amassé près d’un trillion de dollars supplémentaires au cours de cette pandémie, il est clair que nous devons de toute urgence reconstruire un mouvement ouvrier combatif. Les enseignants, les travailleurs de l’hôtellerie et de l’automobile ont montré la voie en 2018-19.
Mais pour prendre en charge les intérêts bien ancrés de la classe des milliardaires, nous avons également besoin d’un parti politique qui représente nos intérêts. Les deux campagnes présidentielles de Bernie Sanders ont montré non seulement le niveau de soutien potentiel pour une alternative politique de gauche, mais aussi concrètement comment des centaines de millions de dollars pourraient être récoltés auprès des gens ordinaires sans accepter un centime de l’argent des entreprises. Depuis des décennies, on nous dit qu’il est impossible de mener des campagnes sérieuses sans l’argent des entreprises. Si les campagnes de Sanders n’ont rien fait d’autre que de détruire ce mythe, elles ont fait une chose très précieuse.
À quoi devrait ressembler un nouveau parti de gauche basé sur les intérêts des travailleuses et des travailleurs ? Avant tout, ce devrait être un parti de lutte, et non pas simplement une machine électorale. Comme Socialist Alternative l’a démontré en organisant des campagnes victorieuses à Seattle qui ont permis d’élire Kshama Sawant au conseil de ville à trois reprises, la clé est de construire des mouvements dans la rue et d’imposer ces mouvements dans les couloirs du pouvoir. C’est ainsi que nous avons gagné pour la première fois les 15 dollars de l’heure de salaire minimum dans une grande ville et que nous avons gagné la Taxe Amazon, qui permettra de récolter des centaines de millions de dollars auprès des grandes entreprises pour construire des logements abordables et répondre à d’autres besoins essentiels à Seattle.
Un parti national de travailleuses et de travailleurs devrait représenter toutes les luttes de la classe ouvrière, de plus en plus multiraciale et multigenre, y compris la lutte pour mettre fin aux politiques d’expulsion massive et pour les droits de citoyenneté des travailleurs immigrés ; pour défendre le droit à l’avortement et les droits des personnes LGBTQI contre les attaques de la droite réactionnaire enhardie ; pour mettre fin à toutes les politiques de “gerrymandering” (découpage électorale des quartiers pour noyer le vote progressiste) et de suppression des électeurs.
Nous avons besoin d’un parti où nos représentants élus sont responsables devant les membres et où ils sont tenus de voter pour les revendications figurant dans le programme du parti. La responsabilité signifie également que les représentants publics du parti ne gagnent pas plus que le salaire moyen des travailleurs, à l’instar de Kshama Sawant.
Dans un tel parti, les marxistes se battraient pour une plate-forme anticapitaliste claire qui préconise de faire entrer dans le giron de l’État des secteurs clés de l’économie, notamment les banques, les soins de santé, les grandes entreprises ainsi que les secteurs de l’énergie, de la logistique et des transports. C’est la seule façon de commencer à orienter les ressources de la société vers l’élimination des inégalités massives et du racisme structurel, ainsi que vers une transition rapide des combustibles fossiles vers les énergies renouvelables.
Une question qui est souvent posée est de savoir d’où viendront les forces de ce nouveau parti. Notre réponse est qu’il existe un énorme potentiel de soutien de la part de ceux qui ont soutenu les campagnes de Sanders, de syndicalistes progressistes et de jeunes gens actifs dans la lutte contre le racisme, le sexisme et les catastrophes climatiques. Mais il est absolument vrai qu’il faudra d’importantes organisations importants pour lancer ce parti.
La gauche américaine compte des personnalités de premier plan comme Sanders, AOC et la nouvelle élue Cori Bush, membre du Congrès du Missouri. Nous avons besoin qu’ils entendent leurs partisans qui ont tiré la conclusion que le Parti démocrate ne peut pas être réformé. Nous applaudissons des personnalités comme Cornel West, Nina Turner (présidente de Our Revolution) et Roseann De Moro (ancienne présidente de National Nurses United), qui vont déjà dans cette direction. Nous avons besoin que les démocrates-socialistes d’Amérique (DSA), qui ont atteint les 70.000 membres ces dernières années et se sont formellement engagés à soutenir la formation d’un parti ouvrier, fassent réellement de cet effort une priorité. Une mesure immédiate pourrait consister à commencer à présenter des candidats socialistes pour les postes locaux sur une base indépendante du Parti démocrate, avec une plate-forme commune et un objectif de construction du mouvement.
Plus jamais de Trump
Nous devons être très clairs sur le fait que, si nous ne commençons pas à prendre des mesures plus sérieuses pour construire une nouvelle force politique basée sur la classe ouvrière multiraciale et multigenre, nous serons confrontés à de sérieux dangers dans les années à venir. Donald Trump et la droite populiste ont construit une base politique massive, qui comprend une aile d’extrême droite croissante.
Si la situation de 2008-10 se répète, avec des travailleurs et des sections de la classe moyenne qui souffrent du fait que les banques et les entreprises sont dirigées par une administration démocrate, l’extrême droite aura la possibilité de se développer davantage.
Aux États-Unis, il aurait été possible de créer un parti des travailleurs dans les années 1930, 1970 et 1990. Pour diverses raisons, ces possibilités ont été dilapidées. Aujourd’hui, il est plus clair que jamais pour des millions de personnes, en particulier les jeunes, que le capitalisme est un système en faillite. Le temps est venu de construire un puissant mouvement, organisé sur les lieux de travail, dans les quartiers et les universités et reflété dans les urnes, qui peut remettre en cause de manière décisive le règne des milliardaires. Ce mouvement ne doit s’arrêter à rien pour mettre fin à la domination destructrice et parasitaire du capital en Amérique et s’unir aux travailleuses et travailleurs du monde entier pour construire un avenir socialiste pacifique, prospère et égalitaire.
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Trump est battu : analyse socialiste et prochaines étapes de la lutte

Joe Biden supervisera l’une des crises les plus profondes de l’histoire du capitalisme américain. Il s’efforcera de servir les intérêts de la classe des milliardaires, comme il l’a fait tout au long de sa carrière politique. Cela conduira des millions de personnes à chercher une alternative à la direction du Parti démocrate et plus généralement.
Déclaration de Socialist Alternative (partisans d’Alternative Socialiste Internationale aux USA)
Les célébrations ont commencé. Trump a clairement perdu, et il quittera la Maison Blanche au début de l’année prochaine. Des dizaines de millions de personnes dans tout le pays et des centaines de millions dans le monde entier poussent un soupir de soulagement. Pourtant, nous devons reconnaître que la pandémie, le changement climatique, la crise économique et le racisme institutionnel ne disparaîtront pas lorsque Trump quittera ses fonctions. Biden lui-même a déclaré qu’il ne souhaitait pas de changement fondamental et qu’il “tendrait la main” aux républicains. Nous aurons encore besoin de mouvements de masse déterminés pour arracher des conquêtes sociales pour les travailleurs, pour lutter contre l’extrême droite et pour contester le règne désastreux de la classe des milliardaires.
Bien entendu, Trump continue de prétendre que les résultats sont frauduleux et que l’élection lui a été volée. On ne peut pas exclure que certaines parties de ses partisans se mobilisent pour s’opposer à ce qu’il quitte ses fonctions. Si Trump tente de rester, il faudra organiser des mobilisations de masse pour le chasser.
Mais il est également assez évident que la classe dirigeante ne veut pas de nouveau chaos. Les médias et même certaines sections de l’establishment républicain ont eu du mal à souligner que la démocratie capitaliste “fonctionne”. Même les tribunaux, dont Trump espérait qu’ils interviendraient pour arrêter le comptage des voix totalement ou en partie, ont jusqu’à présent refusé de le faire. Il est également peu probable que les comptages effectués dans plusieurs États modifient le résultat.
Pourquoi Trump était-il si proche de la victoire ?
Les sondages et les experts se sont encore trompés. Il n’y a eu ni large percée de Biden ou de vague démocrate prenant une majorité au Sénat. Les Démocrates ont également perdu un certain nombre de sièges à la Chambre et subi des pertes au niveau des États. Quelques victoires progressistes ont toutefois eu lieu à la Chambre avec l’élection de Cori Bush et de Jamaal Bowman qui vont maintenant rejoindre “The Squad” aux côtés d’Alexandria Ocasio-Cortez, Rashida Tlaib et d’autres.
Durant la campagne électorale, la répression des électeurs (décourager les électeurs d’aller voter, une spécialité républicaine) a atteint des niveaux inédits dans le contexte de la pandémie. De plus, le collège électoral figure parmi les institutions les plus antidémocratiques (avec la Cour suprême) dans un système politique américain déjà conçu à la base pour masquer la domination de la classe des milliardaires. Cette répression des électeurs a eu un effet mais, en réalité, les propos incessants de Trump sur la fraude du vote par correspondance et l’état du service postal n’ont fait que rendre les gens plus déterminés à venir voter. C’est ce qui a conduit à une participation électorale vraiment remarquable, le plus haut pourcentage d’électeurs inscrits depuis 1908.
Les experts libéraux supposaient que cette participation massive favoriserait fortement les Démocrates. Mais l’issue fut loin d’être décisive. En fait, Trump aurait facilement pu être battu, surtout si Bernie Sanders avait été le candidat démocrate. Trump a l’un des taux d’approbation les plus faibles de tous les candidats présidentiels en exercice, et les Démocrates ont mené une très faible campagne contre lui avec un candidat pro-entreprise horriblement peu inspirant.
Dans un sondage de Fox News, 72% des électeurs se sont déclarés en faveur d’un programme de santé géré par le gouvernement. En Floride, où Trump l’a emporté, 61% des électeurs ont également voté pour une mesure en faveur d’un salaire minimum de 15 dollars de l’heure dans tout l’État. Cela illustre qu’un appel clair aux électeurs de la classe ouvrière, ce que Bernie Sanders aurait pu faire efficacement, aurait probablement battu Trump d’une manière écrasante.
Trump a mal géré la pandémie de COVID-19 (qui a fait des centaines de milliers de morts aux États-Unis) et a supervisé le développement d’un chômage de masse tandis que des millions d’Américains sombraient dans la pauvreté. Et pourtant, les Démocrates ont quasiment fait tout ce qu’ils pouvaient pour perdre.
Ils ont présenté un candidat gênant au point qu’il a été tenu à l’écart du public. Ils n’ont pas mené de campagne de terrain dans les principaux États charnières. Ils ont refusé de défendre des politiques très populaires comme l’assurance maladie pour tous et la taxation des riches. Ils n’ont pas mené de campagne d’inscription massive sur les listes d’électeurs afin de gagner des millions de nouveaux électeurs qui méprisent Trump. Pourtant, les plus grands échecs des Démocrates n’étaient en aucun cas des “erreurs” : il s’agit plutôt d’une expression de leur nature fondamentale de parti pro-entreprises contrôlé par des bailleurs de fonds milliardaires.
Les sondages de sortie des urnes montrent que les électeurs qui ont considéré la pandémie comme l’enjeu principal ont voté pour Biden avec une marge de 82 %, tandis que ceux qui considéraient l’économie comme l’enjeu principal ont voté pour Trump avec une marge tout aussi importante. Ces chiffres montrent que le Parti démocrate n’a littéralement rien eu à dire aux travailleurs ou même à une grande partie de la classe moyenne, qui a extrêmement peur de l’avenir ou qui est déjà aux prises avec des dettes, des pertes d’emploi, etc. Le message de Trump “d’ouvrir l’économie” a résonné chez beaucoup de personnes inquiètes pour leur avenir. Il n’est pas exagéré de dire que sans la pandémie et la mauvaise gestion criminelle de Trump – ou s’il avait été un peu plus compétent – il aurait facilement vaincu Biden.

L’hostilité des Démocrates à l’égard de la politique progressiste
Au cours des derniers jours de la campagne, Biden a clairement fait savoir qu’il n’interdirait jamais la fracturation hydraulique, qu’il ne réduirait jamais le financement de la police et qu’il accepterait un nouvel ajout de droite à la Cour suprême. En réponse aux meurtres racistes de la police, il a (encore !) déclaré que les flics devraient plutôt tirer dans la jambe des suspects ! Il a refusé de soutenir le principe d’une assurance-maladie pour tous alors que ces élections prenaient place au plus fort de la pandémie. Il n’est pas surprenant qu’un sondage Axios ait montré que plus de 58% des électeurs démocrates étaient été motivés à voter “contre Trump” plutôt que “pour Biden”.
Tout cela a laissé de la place à Trump pour se présenter comme un “outsider” malgré sa présence à la Maison Blanche ! Trump a critiqué Biden de la “gauche” au sujet de son projet de loi raciste de 1994 concernant la criminalité, ainsi que pour son soutien aux guerres en cours et aux accords commerciaux favorables aux entreprises. Il a combiné ces attaques à un cocktail de racisme, de sexisme, d’autoritarisme, d’appels à l’extrême droite, de théories du complot et de rhétorique de maintien de l’ordre qui a permis à Trump de trouver un écho auprès d’une certaine partie des électeurs blancs conservateurs.
Dans sa déclaration aux médias du 4 novembre, Trump est allé jusqu’à dire que “les Démocrates sont le parti des grands donateurs, des grands médias, de la grande technologie, semble-t-il. Et les Républicains sont devenus le parti du travailleur américain“. Bien sûr, pour un milliardaire qui a rempli son cabinet d’autres super riches, dire cela est très absurde. En fait, les électeurs qui gagnent moins de 100.000 $ par an ont voté pour Biden plutôt que pour Trump avec une marge importante. Mais le fait que cela puisse trouver un écho nous en dit beaucoup sur l’establishment démocrate.
Pourtant, les experts libéraux chercheront à prétendre que cette situation est due à des personnes qui n’ont pas voté (surtout les personnes de couleur), à des électeurs qui ont voté pour des candidats indépendants, aux idées racistes dans la classe ouvrière blanche (ce qui est un facteur réel que nous abordons plus bas), ou à l’association des Démocrates avec la “gauche radicale”. La direction du Parti démocrate doit plutôt se regarder dans le miroir pour constater qui a offert à Trump la possibilité de tenter de voler ces élections. Sanders lui-même n’aurait pas dû capituler devant Biden. Il n’aurait pas dû s’autocensurer au sujet de ses précédentes critiques du Parti démocrate. Cela a permis à Trump de se présenter comme un candidat anti-establishment.
Le jeu des reproches
Les experts libéraux et certains activistes de gauche minimisent la nature peu inspirante et pro-entreprises de la campagne de Biden. Ils affirment que l’augmentation du vote de Trump à partir de 2016 n’est due qu’au racisme de la classe ouvrière blanche. Bien sûr, la société aux États-Unis est profondément raciste. L’extrême droite s’est développée et continuera à constituer une menace contre laquelle les socialistes et le mouvement ouvrier doivent lutter.Mais cela seul n’explique pas les gains réalisés par Trump lors de cette élection et ce serait une très grave erreur de passer cela sous silence en considérant que ses partisans ne sont qu’un seul bloc monolithique d’électeurs blancs racistes. En fait, le seul segment de la population où son pourcentage de soutien a diminué est celui des électeurs blancs non diplômés de l’enseignement supérieur. Cela ne change rien au fait que les deux tiers de cette population ont soutenu Trump, mais cela montre que c’est loin d’être monolithique.
Le soutien de Trump s’est par contre accru parmi les électeurs noirs et latinos, des votes considérés comme acquis aux Démocrates depuis longtemps. En fait, il a remporté le plus grand nombre de voix parmi les personnes de couleur de tous les candidats républicains à la présidence en 60 ans ! Un certain nombre de facteurs entrent en jeu, mais un élément important qui explique pourquoi une partie des électeurs noirs et latinos de la classe ouvrière a choisi Trump est à nouveau dû à l’économie et à l’échec complet des Démocrates à parler de la crise à laquelle les travailleurs sont confrontés en ce moment.
Les organes capitalistes comme le New York Times voient un avantage à résumer cette élection de cette manière, puisque cela peut ébranler la foi dans le potentiel de solidarité multiraciale de la classe ouvrière tout en détournant l’attention des échecs des démocrates. Bien qu’ils ne le disent pas ouvertement, ils s’opposent activement à l’émergence d’un mouvement de masse multiracial centré sur la classe ouvrière qui prendrait le pouvoir de la classe des milliardaires qu’ils défendent. Quand les grandes entreprises se saisissent de la question du racisme, ce n’est que dans le but de défendre la domination capitaliste.
Là encore, il est cependant indéniable que Trump a profité des sections de la société américaine ayant les idées les plus arriérées concernant le racisme en utilisant une rhétorique de maintien de l’ordre.
Le besoin d’une véritable unité de la classe ouvrière face au racisme est crucial. Mais par quels moyens réaliser cette unité dans une société aussi extrêmement polarisée ? La réponse est complexe. Nous estimons que c’est possible sur base d’un programme de lutte qui comprend à la fois des revendications qui améliorent la vie des travailleurs dans leur ensemble et une position claire en faveur de la libération des Noirs et des droits des immigrants.
Le soulèvement multiracial massif de cet été – et le large soutien au soulèvement dans la société – à la suite du meurtre de George Floyd par la police a précisément illustré le potentiel d’une lutte unie contre le racisme et les inégalités économiques. Mais le manque de leadership, d’organisation et de stratégie claire a donné à la classe dirigeante l’occasion de se ressaisir. Cela a également donné à Trump et à l’extrême droite une possibilité d’exploiter les craintes des gens vis-à-vis du chaos. La réaction contre le soulèvement (en particulier dans les zones rurales) est réelle mais ne doit pas être exagérée.
À quoi ressemblera cette présidence ?
Il est clair qu’une administration Biden/Harris ne résoudra aucun des problèmes clés auxquels sont confrontés les travailleurs. Il est prévisible qu’ils se cacheront derrière le contrôle républicain potentiel du Sénat pour justifier l’impossibilité d’apporter des changements. Même pendant la campagne, alors que les Démocrates essayaient de gagner le contrôle du Sénat, Biden a déclaré qu’il “travaillerait avec les républicains”, l’excuse éternelle pour accepter des attaques massives contre les intérêts des travailleurs. Il y a plus de chances de voir de riches républicains dans le cabinet de Biden que Bernie Sanders.Dès le départ, ce sera une administration faible qui supervisera la crise profonde de la pandémie et la dévastation économique. La Réserve fédérale et les économistes capitalistes sont presque unanimes pour dire qu’il faut beaucoup plus de mesures de relance budgétaire pour éviter un effondrement encore plus important. Mais si le complément de 600 dollars aux allocations de chômage doit être rétabli d’urgence, ce n’est pas du tout la même chose que d’apporter des changements fondamentaux dont nous avons besoin comme le New Deal vert et l’assurance maladie pour tous. Malheureusement, les dirigeants démocrates sont très clairement opposés à ces deux programmes pourtant très populaires.
Une victoire finale
Nous devons de toute urgence construire un mouvement de masse pour lutter en faveur d’un plan de relance d’urgence pour les travailleurs, d’un Green New Deal socialiste, d’un contrôle communautaire de la police, d’un système de santé pour tous, et bien plus encore.Nous ne pouvons pas compter sur les Démocrates contrôlés par les entreprises pour changer fondamentalement la situation. Biden a répété à maintes reprises qu’il ne proposera pas les politiques dont nous avons si désespérément besoin.
Biden supervisera l’une des crises les plus profondes de l’histoire du capitalisme américain. Il s’efforcera de servir les intérêts de la classe des milliardaires, comme il l’a fait tout au long de sa carrière politique. Cela conduira des millions de personnes à chercher une alternative à la direction du Parti démocrate et à la politique mainstream en général.
Dans ce contexte, l’extrême droite pourrait se développer encore plus sous une présidence Biden. Afin de lutter efficacement contre les racistes, nous avons besoin d’un programme qui puisse mobiliser les travailleurs dans l’action. Nous ne pouvons pas limiter nos exigences à ce qui est acceptable pour la direction du parti Démocrate et ses bailleurs de fonds milliardaires. Nous devons plutôt nous battre pour les besoins de milliards de personnes dans le monde entier plutôt que pour les milliardaires. Ce type de lutte entrerait inévitablement en conflit avec le système capitaliste lui-même.
Cette élection montre que les Démocrates ne peuvent pas vaincre l’extrême droite de manière décisive. Socialist Alternative estime que nous avons besoin d’un nouveau parti reposant sur la classe ouvrière. Nous préconisons que ce nouveau parti s’empare des richesses des grandes entreprises et les place sous le contrôle et la gestion démocratiques des travailleurs. Trump n’est qu’un symptôme. La maladie, c’est le capitalisme et le remède : le socialisme.

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Élections aux États-Unis : Dégageons Trump et bloquons le système !

Cette élection montre que les Démocrates sont incapable de vaincre l’extrême droite de manière décisive. Socialist Alternative estime pense que nous avons besoin d’un nouveau parti reposant sur la classe ouvrière, un parti qui a l’ambition de saisir les richesses des grandes entreprises pour les placer sous contrôle et gestion démocratiques des travailleurs.
Bryan Koulouris, Socialist Alternative (partisans d’Alternative Socialiste Internationale aux USA)
Entrons en action pour empêcher Trump de voler les élections !
Afin de chasser Trump de la Maison Blanche, nous devons entrer dans une désobéissance civile de masse et des actions de grève étudiantes et de travailleurs. Nous ne pouvons pas simplement attendre et voir ce qui se passera ; Trump fait tout ce qu’il peut pour voler l’élection, et nous devons agir rapidement et de manière décisive. Les manifestations qui ont eu lieu aujourd’hui (le 4 novembre) ne doivent être qu’un début. Des réunions d’urgence sur les lieux de travail, sur les campus, dans les syndicats et dans les communautés doivent être organisées pour discuter de la voie à suivre pour construire une lutte de masse visant à forcer Trump à céder. De nombreux syndicats ont déclaré leur intention de faire la grève si Trump tente de voler les élections, et maintenant nous devons agir ! Le mouvement ouvrier doit prendre l’initiative de mobiliser un mouvement pour le chasser.
Au milieu de la nuit précédant la rédaction de cet article, Trump a déclaré sa victoire malgré le fait que des millions de votes n’aient pas encore été comptabilisés. Il a qualifié la poursuite du comptage de “fraude envers le peuple américain”. Il peut tenter d’utiliser les assemblées législatives des États républicains et les tribunaux, y compris la Cour suprême, pour tenter d’empêcher le comptage des votes. Nous devons nous organiser et riposter en exigeant que chaque vote soit compté !
Le rapport de forces
L’administration Trump s’est préparée à cela, et elle met en mouvement les forces réactionnaires de droite. Ce n’est pas le moment d’être paralysés par la peur. Nous ne pouvons pas non plus compter sur la direction du Parti démocrate pour combattre Trump à notre place ; les Démocrates ont laissé Bush voler les élections en 2000 et, plus récemment, ils ont laissé la fondamentaliste chrétienne Amy Coney Barrett être confirmée juge de la Cour suprême sans la moindre protestation.
Nous devons compter sur la force des jeunes, des opprimés et des travailleurs. Ce sont les travailleurs sont essentiels à notre économie, et non les rapaces et les pillards milliardaires. Nous avons le pouvoir de bloquer ce système et nous devons préparer d’urgence une grève générale des travailleurs et des étudiants combinée à une désobéissance civile de masse pour forcer Trump à céder.
Une grève de masse, soutenue par un soulèvement généralisé, ébranlerait la classe des milliardaires jusqu’à son noyau, les forçant potentiellement à essayer de prendre enfin des mesures contre l’autoritarisme de Trump. Si nous nous organisons et nous nous mobilisons, nous pouvons gagner bien plus que simplement repousser Trump ; nous pouvons nous battre pour les politiques socialistes dont les travailleurs ont besoin pour faire face à la pandémie, au changement climatique, au racisme institutionnel et aux inégalités.
Comment en sommes-nous arrivés là ?
La répression des électeurs – une spécialité républicaine – a été intensifiée cette année dans le contexte de la pandémie. De plus, le collège électoral est l’une des institutions les plus antidémocratiques (avec la Cour suprême) dans un système politique américain conçu pour masquer la domination de la classe des milliardaires. Malgré tout cela, Trump aurait facilement pu être battu, surtout si Bernie Sanders avait été le candidat. Trump a l’un des taux d’approbation les plus bas de tous les candidats présidentiels en exercice, et les Démocrates ont mené une campagne très faible autour d’un candidat capitaliste horriblement faible.
Dans un sondage de FoxNews hier, 72% des électeurs se sont déclarés en faveur d’un programme de santé géré par le gouvernement. En Floride, où Trump l’a emporté, 61% des gens ont également voté en faveur d’un salaire minimum de 15 dollars de l’heure dans tout l’état. Cela montre qu’un appel clair aux électeurs de la classe ouvrière, ce que Bernie Sanders aurait pu faire efficacement, aurait probablement battu Trump d’une manière écrasante.
Trump a très mal géré la pandémie – qui a fait des centaines de milliers de morts aux États-Unis -, a supervisé le chômage de masse et a fait sombrer des millions d’Américains dans la pauvreté, et pourtant les Démocrates ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour perdre ces élections. Ils ont présenté un candidat gênant qui a été tenu à l’écart du public, n’ont pas mené de campagne de terrain dans les principaux États charnières, ont refusé d’adopter des politiques très populaires comme l’assurance maladie pour tous et la taxation des riches, et n’ont pas mené de campagne d’inscription massive des électeurs pour obtenir le vote de millions de nouveaux électeurs qui méprisent Trump. Les plus grands échecs des Démocrates n’étaient pas seulement des “erreurs”, mais plutôt une expression de leur nature de parti pro-entreprises contrôlé par des bailleurs de fonds milliardaires.
Dans les derniers jours de la campagne, Biden a clairement fait savoir qu’il n’interdirait jamais la fracturation hydraulique, qu’il ne réduirait jamais le financement de la police et qu’il accepterait un autre membre de droite à la Cour suprême. Il a (encore !) déclaré que les flics devraient tirer sur les suspects “dans la jambe” comme solution aux meurtres racistes de la police, et il a refusé de soutenir l’assurance-maladie pour tous alors que l’élection prenait place au plus fort de la pandémie. Il n’est pas surprenant qu’un sondage Axios ait montré que plus de 58% des électeurs démocrates étaient motivés à voter “contre Trump” plutôt que “pour Biden”.
Tout cela a permis à Trump de se présenter comme un “outsider” malgré sa présence à la Maison Blanche ! Trump a critiqué Biden de la “gauche” sur le projet de loi raciste de 1994 sur la criminalité, ainsi que son soutien aux guerres en cours et aux accords commerciaux favorables aux entreprises. Cette approche s’est combinée à un cocktail vicieux de racisme, de sexisme, d’autoritarisme, d’appels à l’extrême droite, de théories du complot et de rhétorique du maintien de l’ordre.
La direction du Parti démocrate a lutté plus durement et plus efficacement contre Bernie Sanders lors des primaires que contre Trump lors des élections générales. Pourtant, les experts libéraux chercheront à prétendre que cette situation est due aux personnes qui n’ont pas voté (surtout les personnes de couleur), aux électeurs indépendants, aux idées racistes de la classe ouvrière blanche (ce qui est un facteur réel), ou au fait que les démocrates sont associés à la “gauche radicale”. Mais c’est la direction du Parti démocrate qui a donné à Trump l’espace de voler cette élection. De plus, Sanders lui-même n’aurait pas dû capituler devant Biden, et il n’aurait pas dû s’autocensurer pour ses précédentes critiques du Parti démocrate. Cela a permis à Trump de se présenter comme un candidat anti-establishment.
La direction du Parti démocrate n’a rien fait pour préparer les gens à ce résultat tout à fait prévisible d’un vote contesté. Des millions d’entre nous savaient que Trump allait essayer de voler cette élection si on lui en donnait l’occasion. Ils n’ont pas préparé de mobilisations parce que les Démocrates sont un parti du capitalisme qui privilégie la stabilité à la vie des travailleurs. Alors que de nombreux dirigeants syndicaux ont adopté des résolutions appelant à des grèves générales, ils n’ont pas fait grand-chose pour préparer leurs membres à agir. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons besoin de réunions de masse sur les lieux de travail, dans les communautés et les campus pour discuter de la manière d’intensifier nos la lutte.
La victoire finale
Si nous sommes capables de construire une forte rébellion qui renverse le régime de Trump, alors nous ne devrions pas nous arrêter là. Nous devons organiser le mouvement pour lutter en faveur d’un plan de relance d’urgence pour les travailleurs, d’un Green New Deal socialiste, d’un contrôle communautaire de la police, d’une assurance maladie pour tous, et bien plus encore. La pandémie, le changement climatique, la crise économique et le racisme institutionnel ne disparaîtront pas lorsque Trump quittera la Maison Blanche. Nous ne pouvons pas compter sur les démocrates contrôlés par les entreprises pour changer fondamentalement la situation, et Biden a répété à maintes reprises qu’il ne proposera pas les politiques dont nous avons si désespérément besoin.
Si nous forçons Trump à céder, alors Biden supervisera l’une des crises les plus profondes de l’histoire du capitalisme américain. Biden s’efforcera de servir les intérêts de la classe des milliardaires, comme il l’a fait tout au long de sa carrière politique. Cela conduira des millions de personnes à chercher une alternative à la direction du Parti démocrate et à la politique générale en général.
Dans ce contexte, l’extrême droite pourrait se développer encore plus sous une présidence Biden. Afin de lutter efficacement contre les racistes de droite, nous avons besoin d’un programme qui puisse mobiliser les travailleurs dans l’action. Nous ne pouvons pas limiter nos exigences à ce qui est acceptable pour la direction du parti démocratique et ses bailleurs de fonds milliardaires. Nous devons plutôt nous battre pour les besoins de milliards de personnes dans le monde entier plutôt que pour les milliardaires. Ce type de lutte entrerait inévitablement en conflit avec le système capitaliste lui-même.
Cette élection montre que les Démocrates ne peuvent pas vaincre l’extrême droite de manière décisive. SSocialist Alternative estime pense que nous avons besoin d’un nouveau parti reposant sur la classe ouvrière, un parti qui a l’ambition de saisir les richesses des grandes entreprises pour les placer sous contrôle et gestion démocratiques des travailleurs.
Nous faisons partie d’un mouvement international présent sur tous les continents visant à lutter contre les injustices du capitalisme dans le monde entier. Cela pourrait constituer la base pour mettre fin à toute exploitation et oppression. Organisez-vous et rejoignez-nous dès aujourd’hui !
Trump n’est qu’un symptôme, c’est le capitalisme la maladie, et le socialisme démocratique est le remède. Ensemble, nous pouvons construire un puissant mouvement pour renverser Trump. Cela peut contribuer à accroître la confiance, l’organisation et l’éducation des travailleurs en lutte. Les manifestations d’aujourd’hui ne sont que le début, et nous avons besoin qu’elles soient une rampe de lancement pour lutter pour un avenir socialiste !
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Joe Biden ne représente pas la solution contre Trump, il faut construire un nouveau parti !

À l’approche de l’élection présidentielle américaine, la pression monte pour nous faire voter pour Joe Biden afin de mettre Trump à l’écart. Même le New York Times a publié un éditorial intitulé « Pourquoi les socialistes devraient soutenir Joe Biden ». Mais les véritables socialistes ne doivent pas abandonner leur lutte et se soumettre à un “moindre mal” électoral.
Par Keely Mullen, Socialist Alternative (partisans d’Alternative Socialiste Internationale aux USA)
J’habite New-york, et au cours du dernier mois, et dans pratiquement chaque conversation que j’ai eu à propos des élections, j’ai entendu le même son de cloche : « Trump c’est une catastrophe, et Biden ne vaut pas beaucoup mieux. Mais je voterai pour Biden parce que je déteste Trump ». Je comprends cette logique. Elle vient de l’envie irrépressible des gens de résoudre le chaos qui nous entoure et de mettre un terme à la croissance de la droite. Mais cette position, bien que tout à fait compréhensible, laisse de côté la situation d’ensemble que les socialistes ont pour obligation d’expliquer. Les médias institutionnels et l’establishment Démocrate affirment religieusement que « revenir à la normale » et combattre la droite signifie qu’il faut donner sa voix au « Démocrate du jour ». Les organisations de gauche, les organisations socialistes et des figures socialistes importantes comme Alexandria Ocasio-Cortez et Bernier Sanders ne devraient pas reprendre docilement cette logique.
Aussi lamentable que soit Trump et malgré ce que sa réelection signifierait pour les travailleurs, des millions d’Américains n’éprouvent absolument aucun enthousiasme à l’idée de voter pour Biden. Dans une telle situation, imaginez qu’au lieu d’avoir cédé et plié le genou devant l’establishment, Bernie Sanders soit en train de faire campagne pour un nouveau parti des travailleurs ! Dans le contexte d’une pandémie globale, d’un soulèvement contre les violences policières racistes, du soutien écrasant pour la revendication d’un système universel de soins de santé (Medicare for All) et une taxe sur les fortunes, cela aurait pu galvaniser des millions de jeunes et de travailleurs. Ça aurait représenté une opportunité historique de briser le carcan qu’est le Parti Démocrate.
A cause du refus de Sanders de poser ces pas en avant, nous assistons impuissants à une compétition entre deux mauvaises options pour les travailleurs, sans nulle part vers où tourner le regard. Les socialistes ont la responsabilité de clarifier les raisons pour lesquelles nous en sommes là et quelles sont les opportunités qui ont été manquées.
Les débats dans la gauche
Dans un article, deux figures majeures des Democratic Socialists of America (DSA) Eric Blanc et Neal Meyer écrivent : « Les socialistes ne peuvent pas empêcher ce cauchemar d’eux-mêmes. Mais nous pouvons – et nous devons – faire partie du mouvement plus large qui peut le faire. Oui, malheureusement, cela signifie de voter pour Joe Biden et de faire le maximum pour convaincre nos amis, nos collègues, nos voisins, nos camarades et notre famille de faire de même – et cela indépendamment de l’endroit où l’on vit. »
Il s’agit d’une rupture par rapport à l’approche pourtant déjà conservatrice adoptée par un certain nombre de personnalités des DSA qui ont signé une promesse appelant à un « vote anti-Trump » sans jamais mentionner le nom de Biden. Les DSA sont une organisation qui n’est pas loin de rassembler 80.000 membres, avec des positions élues dans des gouvernements locaux et d’Etat, mais aussi dans les syndicats ; une telle organisation à l’obligation de diriger la lutte contre l’extrême droite, plutôt que d’y renoncer au simple prétexte qu’il y a une élection qui se prépare.
Il existe des millions de personnes qui en ont ras-le-bol que le Parti Démocrate tienne leur vote pour acquis et qui sont mûrs pour suivre une direction de gauche audacieuse. A ces personnes, Blanc et Meyer répondent que s’organiser pour le compte de Joe Biden est la manière la plus efficace de combattre la droite. Il s’agit d’une tragique capitulation.
Des centaines de millions de dollars se déversent sur les comptes de campagne de Biden, des milliers d’ONG travaillent à convaincre les gens d’aller voter, et des personnalités comme Obama et même Bernie Sanders courent aux quatre coins du pays pour appeler à voter Biden. Et ce serait de la responsabilité de travailleurs désillusionnés, qui ont été abandonnés et méprisés par le Parti Démocrate de faire campagne pour appeler à voter Biden ?
Des centaines de milliers de combattants de la classe ouvrière pourraient être attirés au sein du mouvement socialiste si ce dernier était audacieux et décomplexé. Mais ce qu’ils ne peuvent que constater chez certains membres dirigeants des DSA et même chez Bernie Sanders, c’est encore et toujours la vielle rengaine.
Nous espérons que les membres du rang des DSA écarteront respectueusement les conseils de Blanc et Meyer, et appelleront plutôt à voter pour Howie Hawkins, le candidat socialiste du Parti Vert, afin de montrer concrètement une voie pour sortir du Parti Démocrate. Même si nous ne sommes pas d’accord avec tout ce qu’il dit, la réponse de Jérémy Gong, membre des DSA, à l’article de Blanc et Meyer est dans son ensemble très positive et nous encourageons les membres des DSA à la lire. Nous accueillerions avec enthousiasme que les sections des DSA se joignent à Socialist Alternative dans nos efforts pour rassembler des coalitions dans nos villes afin de préparer des manifestations de masse et de désobéissance civile si Trump tente de voler les élections.
Si Trump gagne, ce ne sera pas à cause de travailleurs qui ne se sont sentis représentés par aucun candidat et qui ont choisi de ne pas voter. Ce ne sera pas non plus la faute des gens qui auront fait un vote de protestation contre les deux candidats. Ce sera la faute du Parti Démocrate qui, pour vaincre Trump, a choisi comme candidat un représentant des entreprises parfois mentalement confus, alors qu’un candidat capable de galvaniser des millions de personnes était disponible en la personne de Bernie Sanders.
L’élite démocrate a crée Trump
Dans leur article, Blanc et Meyer ne consacrent pas une seule phrase à l’explication du rôle que le Parti Démocrate a joué pour créer l’espace dans lequel Trump et le trumpisme ont pu s’épanouir. Il ne s’agit pas d’un accident : toute investigation poussée sur la logique du « moindre mal » finira par prouver que les décennies d’attaques impitoyables des Démocrates sur les travailleurs ont fertilisé le sol dont on a vu Trump émerger. C’est une leçon historique cruciale que les activistes de la classe des travailleurs se doivent de tirer.
Le 8 novembre 2016, la victoire électorale de Trump sur Clinton et son accession à la présidence a laissé tout le monde bouche bée. Les experts libéraux et leurs instituts de sondage étaient sous le choc, totalement incapables d’expliquer comment leur candidate parfaite, avec des décennies d’expérience à Washington, avait perdu face à un homme d’affaires milliardaire et une star de la télé-réalité. Ils n’ont pas pu comprendre que la montée de Donald Trump, tout comme celle du Tea Party avant lui, reposait sur leur propre incompétence et leur soumission à la classe des milliardaires.
Les démocrates contrôlaient la Maison Blanche et les deux branches du Congrès pendant la pire crise financière que les États-Unis aient connue depuis la Grande Dépression (jusqu’à présent). Avec leur supermajorité, ils ont trouvé toutes les raisons de donner des milliards de dollars aux grandes banques de Wall Street, mais ont haussé les épaules face aux neuf millions d’emplois perdus et aux quatre millions de maisons saisies.
Au cours des huit années qui ont suivi, alors qu’Obama et Biden étaient confortablement installés au pouvoir, la richesse des milliardaires a explosé et les classes ouvrières et moyennes sont restées sur les genoux. Certes, le chômage a diminué – mais la grande majorité des emplois créés sous l’administration Obama étaient des emplois de l’industrie des services, à bas salaire. Les mêmes emplois qui ont maintenant disparu avec l’arrivée du Covid-19 en 2020
L’abandon prévisible des travailleurs par les démocrates sous l’administration Obama/Biden (qui a poursuivi les imprudentes politiques de prêt, de déréglementation et de financiarisation, ainsi que les attaques incessantes contre les acquis des travailleurs qui avaient marqué les présidences Clinton et Bush) a posé les bases de la victoire surprise de Trump en 2016. Ils n’ont pas été capables de motiver les travailleurs à voter pour Hillary Clinton, dont l’élection comme présidente n’aurait signifié que la poursuite des mêmes politiques. Plus de 200 comtés (communes) qui avaient voté pour Obama en 2012 ont voté pour Trump quatre ans plus tard !
Durant sa campagne de 2016, M. Trump a également élaboré le programme xénophobe et réactionnaire qu’il n’a cessé de développer depuis. Les démocrates n’ont pas été en mesure de contester de manière crédible ses idées réactionnaires.
Ainsi, non seulement les démocrates ont déroulé un tapis rouge allant de l’appartement de Manhattan de Trump jusqu’aux marches de la Maison Blanche, mais en plus ils n’ont absolument rien fait pour le combattre pendant les quatre années qu’il a passées là-bas !
Ils ont littéralement déversé l’équivalent d’années d’attention et d’énergie dans le scandale du « Russiagate » et dans des absurdités comme l’Impeachment – se soustrayant ainsi aux véritables combats qui touchent les travailleurs. Ils ont substitué à toute lutte réelle contre Trump des actes symboliques de « résistance » et des tweets impertinents. La nomination sans heurt d’Amy Coney Barret à la Cour suprême, que les démocrates n’ont même pas prétendu combattre, en témoigne de façon déprimante.
Si la gauche veut avoir l’oreille des gens, elle ne peut pas s’aligner derrière le premier cadavre que le Parti démocrate exhibe aux élections. Ce ne ferait que préparer la voie à quelque chose de pire encore que Trump en alimentant les forces qui lui ont donné le micro en premier lieu.
Au vu de l’ampleur de la crise économique en cours, une administration dirigée par Biden pourrait bien être prête à dépenser des sommes significatives d’argent, mais il ne doit y avoir aucune illusion sur le fait qu’il puisse défendre ne serait-ce qu’un semblant d’agenda progressistes. Son administration, ainsi que la plupart des démocrates au Congrès, s’attaquera sans relâche aux travailleurs tout en renflouant les grandes entreprises, en octroyant des subventions aux grandes compagnies d’assurance et en s’opposant à des politiques populaires comme l’assurance maladie pour tous. L’espace pour l’extrême droite s’élargirait très probablement sous une administration Biden, et Trump pourrait très bien continuer à gagner du soutien pour ses idées même s’il perd les élections. En fait, une situation où Trump se déchaînerait en étant libre de rallier sa base en dehors des limites d’une fonction élue pourrait conduire à la création d’un parti d’extrême droite.
Défaire la droite par une vraie politique indépendante des Démocrates
Un véritable combat contre Trump, et les forces réactionnaires qui gravitent dans son orbite, nécessite des mesures décisives. Nous avons besoin que la gauche au sens large s’engage avec audace dans la campagne en faveur de l’assurance maladie pour tous, d’un New Deal vert, d’un soutien covid pour les travailleurs et du définancement de la police. Dans le cadre de la construction de ces mouvements, il est crucial que nous commencions à prendre des mesures pour construire une alternative politique indépendante de gauche en dehors du Parti démocratique.
La véritable « réduction des risques » dans laquelle les organisations et les personnalités de gauche devraient s’engager consiste à mobiliser les rangs les plus larges de la classe ouvrière dans des mouvements de masse et à créer d’urgence un nouveau parti politique avec un programme de défense de la classe ouvrière et une stratégie basée sur la lutte de classe. Un parti qui puisse être un foyer politique pour les millions de gens ordinaires qui ont soutenu Bernie Sanders.
Les organisations et les personnalités de gauche ne doivent pas mener les travailleurs désabusés dans le piège du Parti démocrate. Ils doivent mener, depuis le front, une marche directement vers l’extérieur du Parti démocrate et vers quelque chose de nouveau. Nous devons combattre la droite et la classe des milliardaires, et il n’y a pas de temps à perdre.
Meeting en ligne ce 3 novembre : USA, quelle alternative ?
Venez discuter de quelle alternative nous avons besoin avec les Étudiants de Gauche Actifs – EGA et son organisation sœur aux États-Unis Socialist Alternative. We Won’t Die For Wall Street !Discussion en FR, NL et EN (sous-titres et traduction prévus)[button link=”https://www.facebook.com/events/842674049877137″ type=”big” color=”red”] => Facebook evenement[/button]



