Your cart is currently empty!
Tag: États-Unis
-
Non à la guerre en Ukraine ! Construisons un mouvement de masse anti-guerre et anti-impérialiste

Alternative Socialiste Internationale (ASI) exprime sa pleine et entière solidarité avec le peuple ukrainien qui souffre déjà de l’exploitation, de l’oppression, de la corruption et de conditions de pauvreté croissantes, et qui est maintenant confronté à l’horreur de la guerre et du bain de sang.
Par Социалистическая Aльтернатива (CA, Socialist Alternative, section russe d’ASI)
Alors que les troupes et les chars russes ont franchi la frontière de l’Ukraine, les premières personnes ont déjà été tuées. Des missiles ont frappé des bases militaires et des aérodromes, notamment à Kiev. Des tirs ont déjà été signalés dans des quartiers résidentiels de Kharkiv, la deuxième ville d’Ukraine, située dans le nord-est du pays.
Les troupes russes doivent être immédiatement retirées d’Ukraine.
La reconnaissance des républiques populaires de Louhansk et de Donetsk par la Douma russe et son approbation ultérieure par Poutine, suivie de leur appel à l’aide russe ont créé le prétexte immédiat pour l’invasion. Les hostilités ont atteint un nouveau et horrible sommet après des semaines d’escalade de la guerre des nerfs entre la Russie d’une part et l’OTAN et les États-Unis d’autre part.
L’Europe est confrontée à un conflit armé majeur, qui est lié aux multiples contradictions géopolitiques de la nouvelle ère de désordre. Les socialistes internationaux doivent intensifier leur travail et se préparer à prendre position contre les guerres impérialistes et pour l’internationalisme de la classe ouvrière, en opposition de principe à toutes les formes d’impérialisme.
Les intérêts impérialistes
La Russie a prétendu que sa sécurité était menacée par l’expansion vers l’Est de l’OTAN avec des armes et des troupes le long de ses frontières. Mais maintenant, le président Poutine prétend que la tâche de l’attaque russe est de “démilitariser” et de “dénazifier” l’Ukraine. Mais ses attaques ne feront qu’accroître la colère du peuple ukrainien. Beaucoup prendront les armes pour s’opposer à ses troupes.
Poutine a justifié son attaque en affirmant que l’indépendance de l’Ukraine n’était que le résultat de la révolution russe et de la politique bolchevique consistant à accorder le droit à l’autodétermination aux nations opprimées, une politique à laquelle s’opposaient Staline et le régime bureaucratique dont Poutine lui-même est issu. C’est une leçon importante. L’indépendance ne peut être atteinte en faisant appel à l’OTAN ou à l’Union européenne, mais seulement dans une lutte commune contre le nouveau tsar et sa guerre.
La population qui souffrira le plus d’une guerre, ceux qui risqueront leur vie et leurs membres, la vie de leurs fils et de leurs filles, de leurs mères et de leurs pères, leurs maisons et leurs revenus – ces gens ordinaires de la classe ouvrière qui vivent en Ukraine – ont été réduits à de simples spectateurs dont le sort est décidé par des forces qui échappent à leur contrôle.
Les dirigeants ukrainiens d’aujourd’hui, l’establishment capitaliste, dont la seule préoccupation a toujours été la défense des intérêts des oligarques et qui ont conduit le pays de crise en crise depuis son indépendance, se sont vendus à l’Ouest au cours de la décennie précédente. Ils espéraient ainsi bénéficier de la protection de l’OTAN, et gagner économiquement en se rapprochant de l’Europe. Ils ont échoué sur tous les plans : le revenu familial moyen est aujourd’hui inférieur de 20% à celui de 2013 et la protection de l’OTAN ne dépendra pas de l’intérêt du peuple ukrainien mais des intérêts économiques et géopolitiques des États-Unis et des alliés de l’OTAN.
Les chocs économiques de la guerre seront également ressentis dans le monde entier – les marchés boursiers réagissent déjà – le marché russe a chuté de 40% avant d’être suspendu. Les prix de l’énergie et des denrées alimentaires vont grimper, ajoutant aux pressions inflationnistes déjà fortes dans l’économie mondiale. Et les générations futures en Ukraine et en Russie, qui vivent déjà avec de faibles revenus, avec des soins de santé médiocres, devront payer le coût de la guerre.
Cette guerre porte les empreintes du conflit entre les États-Unis et la Chine pour la domination mondiale. L’administration Biden a déclaré ouvertement que la Chine est son “principal concurrent” et la Russie “le plus dangereux”. Au sein de l’OTAN, les États-Unis poussent depuis des années leurs alliés européens à augmenter leurs budgets de guerre. La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens. Parmi les motivations actuelles des États-Unis, il y a le renforcement des liens entre l’impérialisme américain et européen, prétexte à de futurs conflits avec la Chine – le tout aux dépens du peuple ukrainien.
L’OTAN a renforcé sa présence en Europe de l’Est avec des bases en Pologne, en Roumanie et dans les trois États baltes, qui sont tous limitrophes de l’ancienne Union soviétique. Les pays de l’OTAN ont armé l’Ukraine jusqu’aux dents. Après avoir crié au loup pendant des semaines, prédisant une opération sous faux drapeau de la part des Russes, Biden et ses alliés bellicistes ont créé une prophétie qui se réalise d’elle-même. Indépendamment du degré d’implication directe de l’OTAN dans la guerre en cours, l’impérialisme occidental partage la responsabilité d’attiser un conflit qui verra les familles ouvrières pleurer leurs proches tombés au combat et payer le prix le plus lourd pour l’effort de guerre et ses retombées économiques.
L’impérialisme russe, faible, passe à l’offensive
L’impérialisme russe a calculé que le moment était venu de faire un geste décisif pour servir ses intérêts. L’impérialisme américain est affaibli, l’Union européenne est aux prises avec des divisions internes et la Chine devient la principale préoccupation des États-Unis dans le remodelage de l’ordre mondial. Poutine viole le droit à l’autodétermination des Ukrainiens, il considère l’Ukraine comme une partie intégrante de la Russie, à l’instar des revendications de Xi Jinping sur Taïwan.
L’importance de ce qui se passe en Ukraine va bien au-delà des frontières de ce pays. La crise économique, les vagues de nationalisme réactionnaire et les millions de réfugiés potentiels vont créer d’autres crises mondiales, au moment même où il semblait que la pandémie entrait dans une nouvelle phase, plus gérable.
Bien qu’il s’agisse d’un régime autoritaire brutal, le Kremlin doit encore tenir compte du fait que les Russes accepteront ou non une guerre majeure pour l’Ukraine. 2022 n’est pas 2014, lorsqu’une vague patriotique massive a résulté de la prise de contrôle de la Crimée. La plupart des Russes, qui n’ont pas le cœur à la guerre contre l’Ukraine, sont déjà aux prises avec la baisse du niveau de vie, l’inflation galopante et, pendant la pandémie, plus d’un million de “morts en trop”. Un sondage d’opinion (23/02/2022) suggère que 40% de la population russe, principalement les jeunes et la population urbaine, sont contre la reconnaissance des républiques, qui a été utilisée comme prétexte pour lancer la guerre.
La Russie est un géant militaire, mais son économie ne représente qu’environ 6 % des économies de l’OTAN prises ensemble. Son PIB est inférieur à celui de l’Italie. De lourdes sanctions et un effort de guerre pourraient nuire gravement à l’économie et, avec les victimes russes de la guerre, renforcer encore la méfiance croissante à l’égard de tout ce que dit le gouvernement. Poutine peut être heureux d’avoir le soutien de Pékin, mais si une guerre prolongée épuise les ressources économiques, il pourrait bien devoir demander à Xi de le renflouer.
C’est la classe ouvrière et les pauvres qui paient. Lorsque les 500 premiers oligarques de Russie ont vu leur richesse augmenter de 45 % pendant la pandémie pour atteindre 640 milliards de dollars, la perte de quelques milliards provenant de comptes bancaires gelés ne va pas faire une grande différence.
Cette guerre n’a rien ou presque à voir avec la protection des populations concernées. L’OTAN n’avait et n’a aucun problème avec les dictateurs quand cela l’arrange, et Poutine soutient les partis les plus à droite d’Europe – autant dire “l’antifascisme” ou “la défense des droits démocratiques”. La guerre entraînera de terribles souffrances humaines, se paiera en vies gâchées, en difficultés économiques, en davantage de réfugiés et ne résoudra aucun des problèmes existants et des tensions inter-impérialistes. Malgré les affirmations contraires, ce n’est pas dans l’intérêt de la classe ouvrière et des populations ordinaires des nations concernées.
Nous ne pouvons compter sur aucune des institutions impérialistes ou des machines de guerre impliquées pour créer la paix, et encore moins la prospérité. En effet, depuis des années, l’Ukraine demande une aide réelle de la part de l’OTAN et de l’Occident, mais elle se heurte à un refus. Nous ne devrions avoir aucune confiance dans ces organes impérialistes. Toute “solution diplomatique” convenue entre eux, même si elle serait initialement bien accueillie par les populations du monde entier, se fera en fin de compte aux dépens des gens ordinaires et ne fera que préparer le terrain pour de nouvelles tensions et confrontations. Ces puissances se sont montrées incapables de s’attaquer à la crise sanitaire et climatique dont elles sont responsables, elles ne veulent pas lutter contre l’augmentation du coût de la vie pour les gens ordinaires et maintenant leur guerre va encore aggraver les choses.
La seule force capable d’arrêter la guerre et la destruction est la classe ouvrière unie. ASI appelle le mouvement des travailleurs du monde entier à lancer une mobilisation internationale massive contre la guerre et l’impérialisme, comprenant le refus de la production et du transport d’armes ainsi que des grèves, tout en soulevant des revendications sociales capables d’offrir une véritable issue à la majorité sociale. Cela pourrait inclure une action unie des travailleurs des entreprises multinationales opérant dans les différents pays directement concernés.
Ce ne sera pas une entreprise facile. Nous devrons faire face à des machines de propagande massive de toutes parts, et il faudra du temps et malheureusement de la souffrance, avant que les conditions ne mettent à nu la propagande et ne fassent ressortir les véritables problèmes. La guerre est cependant l’accoucheuse de la révolution, elle expose les contradictions de la manière la plus visible et la plus tangible possible. Des initiatives opportunes et audacieuses aux premiers stades des guerres sont cruciales pour déterminer la nature et le programme adoptés lorsqu’un mouvement gagne en force.
Cette guerre n’est pas dans l’intérêt des travailleurs et des jeunes, où qu’ils vivent. Il s’agit d’ambitions géopolitiques et économiques impérialistes. ASI s’opposera à cette guerre partout où nous sommes présents, en Russie, aux États-Unis, en Ukraine et ailleurs. En particulier, nous soutenons les jeunes et les travailleurs en Russie dans leurs appels à combattre la guerre en construisant un mouvement anti-guerre sur les lieux de travail et dans les universités, pour la solidarité contre les fauteurs de guerre, et pour une guerre contre la pauvreté, et non contre les autres peuples.
- Non à la guerre en Ukraine ! Pour le droit des Ukrainiens à décider de leur propre avenir, y compris le droit à l’autodétermination des minorités !
- Pour le retour des troupes russes dans leurs casernes en Russie et le retrait de toutes les troupes de l’OTAN d’Europe de l’Est !
- Aucune confiance dans les forces impérialistes de “maintien de la paix” impliquées !
- N’entretenons aucune illusion dans la diplomatie des fauteurs de guerre : construisons un mouvement anti-guerre et anti-impérialiste massif unifiant les travailleurs et les jeunes par-delà des frontières !
- Pour une alternative socialiste et internationaliste reposant sur la classe ouvrière contre les conflits capitalistes qui conduisent à la guerre et à la destruction !
-
Nouvelle guerre froide | Quelles perspectives pour le conflit ukrainien?

La Russie reconnaîtra l’indépendance des deux régions contestées d’Ukraine – Donetsk et Louhansk. Les troupes russes agiront en tant que «gardiens de la paix». C’est une nouvelle étape extrêmement dangereuse de ce qui pourrait devenir la pire guerre que l’Europe ait connue depuis la Seconde Guerre mondiale.
Par Sotsialisticheskaya Alternativa (section russe d’ASI)
Les bellicistes attisent la folie guerrière depuis plus de trois mois maintenant. Les puissances occidentales ont annoncé que l’occupation russe de l’Ukraine commencerait le 16 février à 3 heures du matin, heure locale. À mesure que l’échéance approchait, les cris des bellicistes se faisaient de plus en plus forts et un certain degré de panique s’est installé en Ukraine. Le gouvernement a annoncé la mobilisation des troupes et des réservistes. Les compagnies aériennes ont cessé de voler, tandis que les places sur les vols encore actifs ont été multipliées par cinq – après tout, la guerre est toujours rentable pour certains ! 40 pays ont annoncé qu’ils évacuaient les familles des diplomates de Kiev – certains vers la ville de Lviv, en Ukraine occidentale. Vingt vols affrétés ont été organisés pour permettre aux VIP, aux oligarques et à leurs familles de fuir, tandis que l’aide et les équipements militaires affluaient en Ukraine.
Pendant ce temps, la population était invitée à «ne pas paniquer» !
À l’approche de l’échéance, un journal russe a commenté avec cynisme que «la guerre a été reportée». Plusieurs Ukrainien·nes ont sans doute soupiré de soulagement à leur réveil mercredi. La porte-parole du ministère russe des affaires étrangères, Maria Zakharova, a qualifié de «honteuses» les affirmations américaines concernant une attaque imminente. Elle a demandé aux médias de l’informer des futures dates d’une attaque russe contre l’Ukraine afin qu’elle puisse planifier ses vacances. Le 16 février, le Kremlin a déclaré avoir vaincu «l’hystérie suscitée dans le monde entier, qui n’est rien d’autre qu’une campagne d’information absolument sans précédent visant à provoquer et à alimenter les tensions en Europe».
Pourtant, les tensions continuent de s’intensifier. La Maison Blanche affirme que l’invasion de l’Ukraine est imminente. Boris Johnson déclare que le Kremlin va s’emparer de tout le pays, et la ministre britannique des affaires étrangères, Liz Truss, parle d’une prise de contrôle de l’Europe de l’Est par la Russie.
Le Kremlin a contredit ces affirmations, niant tout projet d’invasion. Le ministère russe de la défense a diffusé des vidéos montrant des troupes et des équipements rentrant dans les casernes. Mais au lieu de renvoyer les troupes russes en Biélorussie «pour des exercices conjoints», il a été annoncé qu’elles resteraient pour de bon. La Russie a poursuivi ses manœuvres en organisant de nouveaux exercices de guerre au cours du week-end pour tester des missiles balistiques hypersoniques.
Les combats s’intensifient dans l’est de l’Ukraine
Le week-end a été marqué par de nouveaux signes inquiétants. La matinée de vendredi a commencé par des échanges d’artillerie le long de la frontière entre le territoire contrôlé par Kiev et les républiques contestées de l’est de l’Ukraine – les républiques populaires de Donetsk et Louhansk (RPD/RNL). Comme le soulignent les résidents locaux, il ne s’agit pas d’une nouveauté puisque la guerre se poursuit depuis 8 ans et que plus de 14 000 personnes ont perdu la vie, mais cette augmentation est spectaculaire. Les observateurs de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) rapportent qu’ils ont eu lieu dans plus de 30 endroits. Plus tard dans la journée, la jeep du chef de la police de Donetsk a explosé devant son bureau, bien qu’un résident local ait fait remarquer qu’il n’avait jamais vu des officiers aussi haut placés conduire une voiture aussi bon marché.
Lundi, une réunion télévisée du Conseil de sécurité russe, clairement mise en scène, a eu lieu. L’un après l’autre, les hauts responsables ont appelé à la reconnaissance des deux républiques contestées, la RPD et la RPL. Lorsque le Procureur général a dépassé les bornes en déclarant qu’il soutenait l’appel à l’adhésion de la RPD et de la RPL à la Fédération de Russie, il a été corrigé par Poutine, qui a déclaré qu’il n’en était pas question : nous discutons simplement de la reconnaissance de l’indépendance des deux républiques.
Plus tard dans la soirée, Poutine est apparu à la télévision pour «s’adresser à la nation». Au cours d’une excursion historique d’une demi-heure remontant au 9e siècle, il a expliqué comment l’Ukraine faisait partie de la Russie. Dans une partie importante de son discours, il a attaqué Lénine et les bolcheviks qui, a-t-il dit, «ont créé l’Ukraine moderne en utilisant des méthodes très brutales par rapport à la Russie elle-même en la séparant, en lui arrachant une partie de son territoire historique.» Staline, cependant, selon Poutine, «à la veille et après la “Grande guerre patriotique” [Seconde Guerre mondiale], l’a ramenée dans l’URSS…». Il a ensuite soutenu l’approche stalinienne de la question nationale après la révolution, lorsque Staline a tenté de mettre en place la Fédération socialiste de Russie avec une Ukraine subordonnée à la Russie, en opposition à la formation de l’URSS par Lénine avec l’Ukraine comme partenaire égal.
Il a ensuite décrit la vague de corruption qui s’est emparée de l’Ukraine, l’absence de démocratie, et ce qu’il a appelé le coup d’État d’inspiration occidentale qui a pris le pouvoir en 2014. Il s’est plaint que les personnes au pouvoir organisent un harcèlement, une véritable terreur contre ceux qui s’opposent à ces «actions anticonstitutionnelles». Les politiciens, les journalistes, les militants sociaux sont moqués et humiliés publiquement. Les villes ukrainiennes sont frappées par une vague de pogroms et de violence, une série de meurtres ouverts et impunis. Beaucoup de gens, en regardant ce discours, se demanderont s’il ne parlait pas plutôt de la Russie elle-même !
Il termine en annonçant que la Russie reconnaît désormais officiellement l’indépendance et la souveraineté de la RPD et de la RPL. Les troupes russes ont reçu l’ordre de se rendre dans les deux républiques en tant que «gardiens de la paix». En quelques heures, il a été signalé que des chars russes étaient déjà à Donetsk.
Il s’agit d’un développement extrêmement dangereux. Un haut diplomate américain a suggéré hier que «l’arrivée de troupes russes dans la région du Donbass ne serait pas nouvelle». Mais c’est remarquablement naïf. Il est déjà clair qu’il y aura un conflit sur les frontières des «républiques indépendantes».
Ni la RPD ni la RPL n’occupent l’ensemble des anciennes régions de Donetsk et de Louhansk, des parties importantes de la région, dans le cas de Donetsk, plus de 40 % des 4 millions d’habitants et deux tiers de la zone restent sous le contrôle de Kiev. Leonid Kalashnikov, haut responsable de la Douma russe et membre du parti communiste, a appelé les troupes à prendre le contrôle de l’ensemble des deux régions. Si le rôle des «gardiens de la paix» est de confronter les troupes ukrainiennes à la ligne de front actuelle pour qu’elles s’emparent de ces régions au complet, le risque d’une escalade dramatique de la guerre est bien réel.
Reste-t-il un espoir pour la diplomatie ?
Après la conférence de Munich sur la sécurité qui s’est tenue en fin de semaine, les négociations diplomatiques peuvent se poursuivre, mais il est presque certain qu’il est maintenant trop tard pour faire une différence. La première réaction de Macron et Scholz à l’annonce de Poutine a été d’exprimer leur déception, tout en espérant que les négociations pourraient se poursuivre.
Pendant la conférence de Munich, le président ukrainien Zelensky a exprimé un réel mécontentement face à l’inaction occidentale. Depuis le début, les États-Unis ont essayé de présenter un front uni avec l’UE contre la Russie. Ils ont dû surmonter la résistance allemande à la menace de sanctions contre le gazoduc Nord Stream 2. Lors de la rencontre, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a félicité la ministre allemande des affaires étrangères et membre du parti vert Annalena Baerbock pour avoir agi de manière coordonnée et complémentaire, tandis que le chancelier Scholz a promis que l’Allemagne avait besoin
d’avions qui volent, de navires qui peuvent prendre la mer, de soldats qui sont équipés de manière optimale pour leurs tâches dangereuses – ce sont des choses qu’un pays de notre taille, qui porte une responsabilité très spéciale en Europe, doit pouvoir se permettre. Nous le devons aussi à nos alliés de l’OTAN.Mais derrière les discours sanguinaires de personnalités comme Johnston, les appels de Zelensky à lancer des «sanctions préventives» contre la Russie sont restés lettre morte.
L’attention s’est ensuite portée sur le président français Emmanuel Macron. Pendant la conférence de Munich, il a annoncé qu’il avait reçu des «assurances personnelles» du président Poutine. Ce n’est pas la première fois, bien sûr, qu’un dirigeant mondial revient d’une conférence à Munich en revendiquant de telles assurances, comme l’a fait l’ancien Premier ministre britannique Neville Chamberlain en 1938 après avoir rencontré Hitler. Le ministre britannique de la défense a parlé de «l’odeur de Munich», laissant entendre que le résultat était une répétition de l’«apaisement» d’avant la Seconde Guerre mondiale. Au moins, Macron n’a pas brandi un morceau de papier. Néanmoins, la prochaine étape prévue devait être un retour au «format Normandie» – des négociations entre la France, l’Allemagne, l’Ukraine et la Russie sur la mise en œuvre de Minsk 2 et le statut de la RPD/RPL. S’il existe aujourd’hui la moindre possibilité d’un accord diplomatique, ce sera dans ce sens.
Il sera loin d’être facile de parvenir à un accord. La Russie utilisera l’occupation effective des deux républiques pour exercer une pression énorme sur Kiev, même si elle n’empiète pas davantage sur le pays. Zelensky, quant à lui, subira d’énormes pressions pour ne pas céder. Mais l’existence même de la RPD et de la RPL empêchera l’Ukraine de rejoindre l’OTAN ou l’UE, les États qui ne peuvent garantir leurs propres frontières n’étant pas acceptés.
Souffrances en Ukraine orientale
Les personnes vivant en RPD et en RPL sont actuellement les plus touchées par la crise. Au cours du week-end, les chefs de guerre pro-russes ont annoncé la mobilisation de leurs forces de défense et l’évacuation des femmes, des enfants et des personnes âgées vers la Russie. Des dizaines de milliers de personnes ont fui pendant la nuit mais ont dû dormir dans des bus vétustes par des températures négatives. Plusieurs ont le sentiment d’avoir été poussé·es par la panique à partir inutilement – une mère de famille a raconté qu’on l’avait persuadée de partir avec ses enfants, sans même avoir le temps d’en parler à son mari.
Pendant ce temps, les politiciens russes sont cyniquement déconnectés de la réalité. Alors que la télévision russe couvre l’arrivée de bus remplis d’enfants réfugiés et de grands-mères en larmes en provenance de l’Est de l’Ukraine, des députés suggèrent qu’ils soient logés dans les appartements de ceux qui sont morts de la covid. D’autres proposent que les employé·es de l’État perdent leur 13e salaire mensuel (une prime de fin d’année destinée à compenser les mauvais salaires) pour payer cette mesure. Les patients qui se remettent de maladies graves sont renvoyés des hôpitaux et les foyers d’étudiants sont repris pour accueillir les réfugié·es.
De nombreux rapports émanant de la RPD/RPL suggèrent un grand scepticisme à l’égard des autorités. Des personnes s’adressant anonymement à la presse affirment que les attaques sont exagérées et se plaignent de ne pas pouvoir parler ouvertement par téléphone, sachant qu’elles sont écoutées. L’un d’entre eux a fait le commentaire suivant : «Les nantis, les hommes d’affaires, les banquiers et les bandits – ils ont tous fui en 2014». D’autres parlent d’une guerre attisée par les politiciens.
Les intérêts des Ukrainiennes et des Ukrainiens ordinaires sacrifiés
L’Ukraine risque d’en subir les conséquences pendant des mois, voire des années. Les entreprises étrangères ont fui et la fièvre de la guerre a entraîné une fuite de capitaux de 15 milliards de dollars, une somme qui fait oublier l’aide financière d’un peu plus de 2 milliards de dollars promise par les États-Unis et l’UE la semaine dernière.
C’est ce qu’a reflété le discours de Volodymyr Zelensky lors de la Conférence sur la sécurité de Munich ce week-end. Il a parlé de l’Ukraine comme du «bouclier de l’Europe», mais s’est plaint que depuis 2014, l’OTAN et l’UE refusent de l’accepter comme membre. Il a averti que le «format Budapest» (l’accord de 1994 en vertu duquel l’Ukraine a renoncé aux armes nucléaires en échange de garanties de sécurité) avait laissé le pays sans armes et sans sécurité. Dans ce cas, a-t-il dit, «nous serons libérés de nos obligations». Il poursuit : « Si on nous dit tous les jours qu’il y aura une guerre demain, que se passera-t-il dans le pays à part la panique ? Qu’adviendra-t-il de notre économie ? Vous nous dites : réalisez des réformes, améliorez votre gestion, luttez contre la corruption – et alors nous vous aiderons. Mais à nos frontières, il y a 150 000 soldats. Peut-être devriez-vous faire quelque chose à ce sujet avant d’exiger que nous fassions quelque chose ? »
Une nouvelle guerre froide
La situation actuelle s’inscrit dans le cadre de la polarisation et du réalignement croissants du monde entre les intérêts impérialistes américains et chinois. L’OTAN a renforcé sa présence en Europe de l’Est, avec des bases en Pologne, en Roumanie et dans les trois États baltes, qui ont tous une frontière avec l’ancienne Union soviétique. 12 000 soldats de l’OTAN soutiennent le quart de million de personnel local dans ces pays. Depuis 2016, le ministère américain de la défense a envoyé une aide militaire d’une valeur de 1,65 milliard de dollars à l’Ukraine, tandis que le Royaume-Uni a envoyé 1,7 milliard de dollars depuis 2020. D’autres puissances de l’OTAN, comme le Canada, la France et la Turquie, ainsi que les pays baltes, ont également apporté leur aide, mais à une échelle bien moindre. Pendant les tensions actuelles, l’OTAN a rapidement envoyé davantage d’unités et d’équipements en Ukraine et chez ses voisins. Il s’agit d’une conséquence réelle de la politique intransigeante de l’administration Biden, qui désigne la Chine comme le «principal concurrent» et la Russie comme «le plus dangereux».
Les efforts de Biden pour persuader l’Allemagne et la France de présenter un front uni se heurtent à leurs intérêts. En effet, si une guerre totale se développe, il y aura une crise économique et une vague massive de réfugié·es. L’Allemagne dépend de la Russie pour son approvisionnement en énergie, notamment en gaz. Des sanctions entraîneront des pénuries d’énergie et une hausse massive des prix pour les consommateurs européens. C’est en partie pour cette raison que les États-Unis ont poussé l’UE à diversifier ses fournisseurs d’énergie, afin qu’elle ne soit pas aussi dépendante de la Russie. L’Allemagne a subi des pressions pour qu’elle retire son soutien à Nord Stream 2, qui attend la certification finale pour commencer à fonctionner.
Dans ce contexte, les États-Unis ont retiré de manière inattendue leur soutien au gazoduc de la Méditerranée orientale, qui aurait permis le transit direct de l’énergie d’Israël et du Moyen-Orient vers l’Europe. Il semble que cela ait été fait pour apaiser la Turquie, car Erdogan a exprimé son soutien ouvert à l’Ukraine dans cette crise, et offre une voie détournée pour transférer des armes à Kiev. Une usine de fabrication de drones turcs a déjà été construite à Kiev.
Après avoir crié au loup pendant des semaines, la Maison Blanche a doublé la mise, prédisant des opérations sous faux drapeau par les Russes comme prétexte pour envahir. La stratégie militaire du Kremlin comprend la conduite d’une «guerre hybride» – l’utilisation combinée de la guerre électronique, de mercenaires (Moscou pourrait faire valoir l’ignorance et nier sa responsabilité de façon plausible), de l’ingérence politique et des provocations. Il n’est pas le seul à le faire. Les forces impérialistes américaines, britanniques, françaises et autres pratiquent depuis longtemps de telles méthodes. Leur utilisation, cependant, dans les coulisses, rend difficile l’analyse de qui a fait quoi, quand et où. Le dangereux mélange de bellicisme occidental et de cyberguerre russe a créé une situation qui sera bientôt impossible à contrôler.
L’impérialisme russe
Les politiques du Kremlin se sont également durcies au cours de la dernière décennie. Lorsqu’il se plaint aujourd’hui de l’expansion de l’OTAN en Europe de l’Est, il oublie que pendant la première décennie du mandat de Poutine, il a «coopéré» avec l’OTAN, l’autorisant même à utiliser une base aérienne en Russie comme point de passage vers l’Afghanistan. Lors de sa première élection, Poutine a même évoqué la possibilité que la Russie rejoigne l’OTAN ! En 2019, cependant, la Russie est entrée en concurrence directe avec l’OTAN. Après avoir renforcé sa position au niveau mondial en Syrie et en Afrique centrale, elle a accru son influence en Biélorussie et au Kazakhstan. Le plus inquiétant pour l’impérialisme américain est que la coopération sino-russe s’intensifie. Pendant les jeux d’hiver de Pékin, Xi et Poutine ont signé un nouvel accord pour que la Russie augmente ses exportations d’énergie à la Chine en échange d’une opposition commune à de nouvelles «révolutions de couleur».
Les photos des longues discussions à la table de Poutine, d’abord avec Macron, puis avec le ministre des affaires étrangères Sergey Lavrov et le ministre de la défense Sergey Shoigu au bout d’une table encore plus longue, sont révélatrices de l’atmosphère dans laquelle le Kremlin prend désormais ses décisions ! Depuis le début de la pandémie, Poutine est isolé de la société et les conseils qu’il reçoit sont de plus en plus déséquilibrés. Lavrov, lors de sa rencontre, a rendu compte des discussions avec Macron et d’autres. Il a déclaré que, bien qu’aucun progrès n’ait été réalisé sur les principales demandes de la Russie, notamment le retrait de l’OTAN aux frontières de 1997, il y a eu des développements intéressants dans d’autres domaines. M. Lavrov a déclaré qu’il y avait encore de la place pour la diplomatie, mais que si Poutine le voulait, il devrait aller de l’avant avec la reconnaissance de la RPD et de la RPL.
Une décision formelle de reconnaître les deux républiques a été adoptée par la Douma d’État, à l’initiative du parti communiste réactionnaire. Alors que de nombreux députés du parti au pouvoir ont voté en faveur de la résolution, la position du Kremlin a été de prendre note de la décision, de suggérer que les députés de la Douma reflètent l’opinion publique et de laisser à Poutine le soin de décider de la date de signature de la proposition.
Malgré son caractère autoritaire, le régime doit tout de même tenir compte du fait que les Russes accepteront ou non une guerre pour l’Ukraine. 2022 n’est pas 2014, lorsqu’une vague patriotique massive a résulté de la prise de contrôle de la Crimée. Aujourd’hui, la plupart des Russes n’a pas le cœur à une guerre contre l’Ukraine : ils sont aux prises avec une baisse du niveau de vie, une inflation galopante et, pendant la pandémie, plus d’un million de «morts en trop» en Europe de l’Est. La méfiance à l’égard de tout ce que dit le gouvernement s’accroît. Des rapports font état d’une opposition à une invasion totale, même dans les rangs de l’armée et des services spéciaux.
Poutine peut être heureux d’avoir le soutien de Pékin, mais si une guerre prolongée épuise les ressources économiques, il pourrait bien devoir demander à Xi de le renflouer.
La position des socialistes sur l’Ukraine
Cette situation démontre ce que nous disions il y a 30 ans, à savoir que lorsque l’Union soviétique s’est effondrée, ni les économies, ni les droits nationaux et démocratiques des habitants de la région ne seraient protégés par la restauration du capitalisme.
Les socialistes ne doivent pas prendre parti entre les différentes puissances impérialistes. Il ne nous appartient pas de juger les affirmations des Russes selon lesquelles c’est l’armée ukrainienne qui a déclenché les tirs d’artillerie, ou encore celles de Kiev (reprises par la Maison Blanche) selon lesquelles les forces des républiques contestées sont responsables, que ce sont des opérations sous faux drapeau pour justifier une invasion russe. Il est également possible que les attaques n’aient pas été sanctionnées par le Kremlin, mais que les dirigeants réactionnaires des deux républiques les ont organisées pour pousser la Russie à intervenir.
Ce qui est important, c’est le droit de l’Ukraine d’être un État indépendant. L’Alternative socialiste internationale défend ce droit de manière inconditionnelle. Toutes les troupes impérialistes, qu’elles viennent de Russie ou de l’OTAN, doivent être retirées immédiatement d’Ukraine et d’Europe de l’Est. Pour réduire la tension, les troupes russes qui se trouvent actuellement le long de la frontière devraient retourner dans leurs casernes.
Depuis que l’Ukraine est devenue indépendante (soit depuis l’effondrement de l’Union soviétique), son élite dirigeante et les oligarques qui la soutiennent ont entraîné le pays dans le conflit entre les puissances économiques mondiales. Les ressources naturelles du pays, les banques et les grandes entreprises doivent être retirées des mains des oligarques et des multinationales et devenir propriété publique sous le contrôle démocratique des travailleuses et des travailleurs.
Dans le même temps, l’Ukraine doit respecter les droits de ses propres minorités et régions. Il convient de rappeler que ce sont les tentatives du gouvernement de l’après-Euromaïdan (mouvement qui a mené à la chute du président pro-russe Ianoukovytch en 2014) de restreindre les droits de la langue russe ainsi que la crainte d’une partie de la population face à la croissance de l’influence de l’extrême droite qui ont créé le mécontentement initial que le régime russe a ensuite exploité. Les droits linguistiques doivent être respectés. Si une minorité ou une région souhaite l’autonomie, voire la sécession, elle doit avoir le droit de le faire. Mais toute décision doit être prise sans aucune présence militaire, et lors de votes démocratiques, contrôlés par la population locale.
Nous ne pouvons faire confiance à aucune des puissances impérialistes. L’Occident a démontré à maintes reprises – en Irak, en Syrie, en Serbie, en Libye et ailleurs – qu’il n’est pas le garant de la démocratie ou de la souveraineté. Il défend les intérêts de la classe capitaliste qu’il représente. La Russie non plus n’est certainement pas un défenseur du peuple «slave» qu’elle prétend soutenir – ses propres actions contre le peuple russe lui-même le démontrent. L’État russe agit pour soutenir les intérêts de l’oligarchie russe, tout comme l’Occident. Ses «troupes de maintien de la paix» ne sont pas en Ukraine pour «maintenir la paix» mais pour défendre les intérêts économiques et politiques de l’élite dirigeante russe.
Les socialistes doivent s’exprimer et appeler à un mouvement de masse anti-guerre et anti-impérialiste. Ce n’est peut-être pas la tâche la plus facile, car beaucoup de militant·es qui se seraient opposé·es aux attaques impérialistes contre des pays comme l’Irak sont maintenant divisé·es. Certains soutiennent la Russie et la Chine dans leur opposition à l’impérialisme américain, d’autres s’opposent à l’agression russe et soutiennent pleinement l’Ukraine et ses bailleurs de fonds impérialistes.
Cependant, en tant que socialistes, nous ne pouvons pas soutenir l’une ou l’autre des puissances impérialistes qui se disputent le sort de l’Ukraine. Son destin en tant que pays indépendant, libre de toute intervention extérieure, ne peut être confié à l’élite dirigeante du capital occidental ou russe. Seule une lutte unie de la classe ouvrière contre les bellicistes dans chaque pays peut créer la situation dans laquelle l’Ukraine peut être véritablement indépendante.
La classe ouvrière ukrainienne devrait jouer un rôle majeur à cet égard. Si elle s’organise pour défendre les foyers et les emplois contre les attaques militaires, si elle veille à ce que la lutte ne soit pas détournée vers des lignes nationalistes ou pro-capitalistes en menant une lutte unie de tous les travailleurs d’Ukraine, indépendamment de leur nationalité ou de leur langue, elle pourrait lancer un puissant appel à la solidarité aux travailleuses et aux travailleurs de Russie, d’Europe et des Etats-Unis. Ainsi unis, la classe ouvrière et la jeunesse peuvent mettre fin au cauchemar de la guerre, garantir le droit à l’autodétermination et ouvrir la voie à une société nouvelle, démocratique et socialiste.
-
Non à la guerre en Ukraine ! L’unité des travailleurs est la clé

Les représentants politiques de la classe capitaliste sont incapables de trouver une issue à la crise sanitaire. Mais pour faire la guerre, pas de souci. Le gouvernement fédéral veut dégager 14 milliards d’euros pour la Défense… et quasiment rien pour nos factures d’énergie ou nos soins de santé. Entretemps, 100.000 soldats russes sont massés près de la frontière ukrainienne et le Pentagone prévoit d’envoyer jusqu’à 50.000 soldats en Europe de l’Est.
- Tract en version PDF
- Dossier de Социалистическая Aльтернатива (Sotsialisticheskaya Alternativa, ASI-Russie) “Nouvelle guerre froide : non à la guerre en Ukraine!”
Tout en expliquant ne pas vouloir de conflit, les deux systèmes impérialistes – les États-Unis à travers l’OTAN et la Russie – s’affrontent, attisant la folie guerrière à un niveau tel qu’un léger accident pourrait déclencher une guerre à l’ampleur inédite en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.
L’enjeu impérialiste
Le régime de Poutine menace d’une réponse militaire non précisée à moins qu’il ne soit garanti que l’OTAN ne s’étende plus davantage à travers l’Europe de l’Est et retire ses armes aux frontières russes. Les États-Unis, pour leur part, insistent avec arrogance sur le fait que tout pays qui le souhaite peut adhérer à l’OTAN.
Le monde est de plus en plus polarisé entre intérêts impérialistes divergents. Biden considère la Chine comme le principal concurrent des États-Unis, mais qualifie en même temps la Russie de « plus grande menace » en raison de la manière dont celle-ci utilise sa puissance militaire. Elle a perturbé les projets américains pour l’éviction de Bachar el-Assad en Syrie et est intervenue en Libye. Les intérêts occidentaux ont reculé en République centrafricaine et au Mali, où sont arrivés des mercenaires russes. En 2014, le Kremlin a exploité les événements autour de « l’Euromaïdan » pour prendre le contrôle de la Crimée et consolider sa position à l’Est de l’Ukraine. Depuis lors, malgré les cessez-le-feu négociés à Minsk, le conflit militaire s’est poursuivi et a fait 14.000 victimes.
Le peuple ukrainien, lui, est traité comme un pion. Son destin est décidé par des forces qui échappent à son contrôle. Ce sont les travailleurs et les pauvres d’Ukraine et des pays impérialistes qui perdront leurs vies et leurs foyers en raison de cette guerre inutile, tandis qu’une nouvelle vague de réfugiés sera traitée de manière inhumaine. Les menaces de sanctions n’ont pour effet que d’augmenter les tensions et les factures d’énergie tout en faisant craindre des troubles de livraison de gaz.
Stopper la guerre
Le conflit entre puissances impérialistes aux intérêts divergents crée les conditions du développement des guerres. Aucune confiance ne doit donc leur être accordée pour négocier. Les Nations Unies, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe ou encore l’OTAN n’ont jamais été capables de stopper une guerre sans en faire payer le prix aux travailleurs et aux pauvres. Les forces et le matériel militaire de toutes les puissances impérialistes – celles de la Russie et celles de l’OTAN – doivent être retirés d’Ukraine et d’Europe de l’Est.
L’Ukraine a le droit de se défendre, mais dans quel intérêt et de quelle manière ? L’élite ukrainienne appelle à « l’unité nationale ». Concrètement, cela signifie la défense du règne des oligarques qui, depuis l’indépendance, ont laissé l’Ukraine sauter d’une crise à l’autre. Alors qu’ils n’ont cessé de s’enrichir, le revenu moyen des ménages est désormais inférieur de 20 % à ce qu’il était en 2013.
Une attaque contre l’un d’entre nous est une attaque contre nous tous
Un puissant mouvement anti-guerre reposant sur l’unité de la classe ouvrière dans la défense de ses foyers et de ses lieux de travail pourrait lancer un appel de classe retentissant aux travailleurs en Ukraine, en Russie, aux États-Unis et ailleurs pour favoriser leur entrée en action afin de stopper la guerre. Cela exige un mouvement international, des manifestations de masse et même des grèves aux États-Unis, en Russie et dans les pays de l’OTAN. Le mouvement ouvrier a un rôle crucial à jouer pour s’opposer à quiconque tenterait de déclencher une guerre entre les peuples, non pas par pacifisme abstrait, mais dans le cadre du combat pour le renversement du système qui cause la guerre : le capitalisme.
- Non à la guerre en Ukraine !
- Impérialismes russe et américain : bas les pattes de l’Ukraine !
- Belgique hors de l’OTAN, l’OTAN hors de Belgique.
- Pas de militarisation de l’énergie : nationalisation du secteur sous contrôle ouvrier, dans toute la chaîne d’approvisionnement.
- Pour la construction d’un mouvement anti-guerre qui force les gouvernements impérialistes à :
◊ Stopper la course à l’armement et le transport de troupes et de matériel militaire vers l’Europe de l’Est.
◊ Stopper la surenchère de provocations et de menaces. - Pour un avenir débarrassé des guerres, du terrorisme, de l’oppression et de l’exploitation : un avenir socialiste démocratique.
-
États-Unis. Un an plus tard, les travailleurs ne sont pas mieux lotis avec Joe Biden

Plus d’un an après avoir voté dans l’espoir d’éloigner le pays de la droite, des millions de personnes sont confrontées à la menace imminente d’un raz-de-marée républicain lors des élections de mi-mandat, les midterms.Par Grace Fors, Socialist Alternative (section d’ASI aux États-Unis)
Lors d’une conférence de presse marquant la première année de mandat du président démocrate Joe Biden, un journaliste a demandé : « L’inflation est en hausse, votre législation nationale phare est bloquée au Congrès et, dans quelques heures, un effort au Sénat pour traiter de la législation sur la réforme électorale va échouer. Le COVID-19 continue de coûter la vie à 1.500 Américains chaque jour et les divisions de la nation sont aussi vives qu’il y a un an. Avez-vous fait des promesses excessives au public américain ? » Joe Biden a simplement répondu : « Je n’ai pas fait de promesses excessives. »
C’est très loin de l’état d’esprit de la plupart des Américains. La moitié des Américains déclarent se sentir « frustrés » et « déçus » par la présidence de Biden. Si l’élection de 2024 avait lieu aujourd’hui, 60 % des Américains ne voteraient pas pour Biden. Plus d’un an après avoir voté dans l’espoir de détourner le pays de la droite, des millions d’Américains sont confrontés à la menace imminente d’un raz-de-marée du GOP (Grand Old Party, surnom du parti républicain) lors des élections de mi-mandat.
Joe Biden a été élu par des électeurs qui avaient davantage confiance en lui que dans Trump pour gérer la pandémie de manière adéquate. Pourtant, durant l’année 2021, il y a eu plus de cas de COVID, plus de décès et moins d’aide pour faire face à la pandémie qu’en 2020. Aujourd’hui, selon le fameux institut de sondage Gallup, l’inquiétude face à la pandémie n’a jamais été aussi forte qu’avant le déploiement des vaccins : 58 % des personnes interrogées estiment que la situation s’aggrave. Au cours de la troisième année de la pandémie, l’aide fédérale s’épuise, ce qui, ajouté à la pression d’une inflation record depuis 40 ans, crée un stress économique insoutenable pour les travailleurs. En fait, l’inflation a dépassé le COVID-19 en tant que principale préoccupation des Américains. L’augmentation des prix des denrées alimentaires et de l’essence fait un trou dans le portefeuille des gens, mais Biden refuse de prendre le problème au sérieux.
Une femme du Nevada interrogée par CNN a résumé les sentiments de beaucoup : « Je ne veux pas dire ça, mais quand Donald Trump était là, ce n’était pas du tout comme ça. »
L’incrédulité de Biden face à cette situation est encore plus exaspérante que ses échecs. Nouveaux variants, obstruction au Congrès et inflation : qui donc aurait pu prévoir tout ça ? Quasiment tous ceux qui font attention.
Le plan de sauvetage américain de 1.900 milliards de dollars adopté en mars 2021 a apporté un soulagement crucial aux travailleurs et aux familles. Des millions de personnes ont pu se faire vacciner au début de 2021. Mais au moment du barbecue du 4 juillet organisé par la Maison Blanche pour célébrer l’indépendance du Covid, il manquait 7,4 millions de vaccins à l’objectif de Biden. À ce moment-là, le variant Delta était déjà en route, et il n’a pas fallu longtemps pour que la « lune de miel Biden » s’arrête net.
Parallèlement, les États-Unis ont refusé de s’attaquer sérieusement à la distribution de vaccins de qualité à l’échelle mondiale, ce qui, si rien n’était fait, n’allait faire qu’accroître le nombre de variants. Au lieu d’utiliser le Defense Production Act comme il l’avait promis pour produire des tests en masse, Biden a déclaré la guerre aux non-vaccinés. Alors que les personnes vaccinées et non vaccinées attendaient dans les files d’attente pendant des heures et parcouraient les étagères vides pour trouver des kits de test, l’attachée de presse de la Maison Blanche, Jen Psaki, a ridiculisé l’idée d’envoyer les tests directement dans les foyers.
Le chômage et les différentes aides sociales sont à sec tandis que Joe Biden a renoncé à sa promesse d’annuler une partie de la dette étudiante, déclarant au contraire que la reprise du remboursement de la dette était une priorité absolue de son administration (41 millions de personnes bénéficient actuellement d’un moratoire sur le remboursement de leur dette étudiante, NdT).
Le programme « Build Back Better » de Joe Biden proposait des programmes sociaux extrêmement populaires devant être financés par l’imposition des riches. Pourtant, en octobre, seuls 10 % des personnes interrogées déclaraient connaître les détails de ce plan, qui aurait pu inclure des congés payés parentaux, des programmes d’éducation préscolaire universels, des collèges communautaires gratuits, un élargissement de l’éligibilité à Medicare et des mesures pour le climat. Suite à l’opposition des sénateurs démocrates conservateurs de Virginie-Occidentale Joe Manchin et de l’Arizona Kyrsten Sinema, en novembre, la grande majorité des programmes qui auraient aidé les travailleurs avaient été supprimés. Aujourd’hui, Biden et la direction du parti démocrate parlent de réduire encore plus le paquet de mesures et d’en supprimer jusqu’au nom. L’objectif est de créer une nouvelle législation qui réponde à toutes les exigences du baron du charbon Joe Manchin : avant tout, « pas d’assistanat ».
L’abyssale stratégie des démocrates
Au beau milieu d’une poussée du variant Omicron et alors que sa cote de popularité n’a jamais été aussi basse, la vice-présidente Kamala Harris a déclaré lors d’une interview : « Il est temps pour nous de faire ce que nous avons fait, et ce temps, c’est tous les jours. » Elle a raison – dans le sens où chaque jour, les démocrates se tirent une balle dans le pied. Il n’est pas difficile de voir où les choses pourraient aller à partir de là. Vingt-six démocrates se retirent de la Chambre. Alors que les démocrates se dirigent vers un désastre de mi-mandat avec pratiquement rien à montrer comme concrétisation de leurs grandes promesses, ils feront probablement campagne sur des proclamations alarmistes concernant les « menaces existentielles pour notre démocratie ». Il est absolument vrai que les droits démocratiques sont attaqués dans les États dirigés par les Républicains. Mais si c’est tout ce que les Démocrates ont à dire, ce sera assez difficile à vendre.
L’ère Trump a montré l’ampleur des dégâts que le parti républicain peut faire avec ne serait-ce qu’un pouce de pouvoir pour faire passer en force des réductions d’impôts pour les riches, publier des décrets de droite, remplir la Cour suprême de cinglés ultraconservateurs. Et depuis que les démocrates sont au pouvoir, les plus grandes menaces pour les travailleurs proviennent des législatures d’État de droite.
Pourquoi ne déclarent-ils pas la guerre à Sinema et Manchin ?
Nous sommes censés croire que l’invincibilité divine des sénateurs démocrates conservateurs Sinema et Manchin est la seule raison pour laquelle nous ne pouvons espérer aucun gain législatif de cette administration. Plus récemment, l’incapacité à faire avancer la réforme cruciale du droit de vote a donné un ton lugubre à la Journée Martin Luther King. Les Démocrates ont utilisé une discipline de parti rigoureuse pour réprimer la gauche. Les menaces que les dirigeants de la Chambre des représentants ont proférées à l’encontre d’Alexandria Ocasio-Cortez pour qu’elle change son vote négatif en vote positif concernant le financement du Dôme de fer israélien pourraient être également appliquées à Sinema et Manchin. La campagne qui a poussé les élus de gauche réunis dans « The Squad » (la brigade) à faire l’éloge de l’administration Biden et à s’aligner sur la direction du parti pourrait être reproduite.
Il serait également possible d’utiliser l’autorité des structures du parti. Tous ces textos et courriels ennuyeux du Comité national démocrate demandant de l’argent pourraient plutôt être des appels à la pression publique sur Manchin et Sinema pour qu’ils adoptent le programme des Démocrates. Plusieurs budgets de plusieurs millions (DSCC, Senate Majority PAC) pourraient faire de même. D’innombrables outils existent, mais les Démocrates ne les utilisent pas. Pourquoi ? parce qu’ils ne le veulent pas.
Les progressistes comme Bernie Sanders ont commencé à parler des défis que représentent Sinema et Manchin. Mais même avec ces deux-là hors du chemin, qu’est-ce qui empêcherait un autre élu de devenir le nouveau « méchant » ? Il suffit que le lobby des entreprises les courtise et que les dirigeants démocrates tendent l’autre joue. Quoi qu’il en soit, ni l’un ni l’autre ne se présente aux élections avant 2024, alors que, pour autant que nous sachions, nous pourrions être sous une majorité républicaine et cela ne ferait guère de différence.
Une alternative de gauche audacieuse est la seule issue possible
Dire que le bilan des démocrates « ouvre la porte » au populisme de droite est un euphémisme. Les échecs de l’administration Biden sont une marque géante et clignotante pour les populistes de droite et l’extrême droite que les travailleurs ont désespérément besoin de changement. Pour la gauche, il s’agit soit de sombrer avec le navire en perdition des Démocrates, soit de se réunir et de se soulever pour offrir une alternative. Si nous ne sommes pas honnêtes sur la dure réalité de ce que le leadership démocrate a signifié pour les travailleurs, et sur la futilité du vote de « moindre mal », la frustration et la déception ne feront qu’exacerber la menace de la droite, et non alimenter le mouvement pour ce dont nous avons vraiment besoin.
Il ne pourrait être plus clair que pour réformer le parti démocrate, il faudrait le transformer à un niveau fondamental par une révolte de la base au sommet. Les candidats qui refusent l’argent des entreprises et s’engagent à adopter une approche combative pour les revendications de la classe ouvrière devraient défier les démocrates capitalistes à tous les niveaux, parallèlement à une révision complète des structures antidémocratiques du parti. Si la “réforme du parti” nécessite une telle bataille acharnée, pourquoi le faire au sein du parti démocrate, qui dispose d’outils intégrés pour saboter les campagnes de gauche comme celle de Bernie et punir son flanc gauche ? Construire notre propre parti de gauche est la seule voie rationnelle à suivre.
Alors que la cote de popularité de Biden a baissé dans tous les domaines, les frustrations des jeunes et des travailleurs ont été les plus prononcées. C’est à eux que la gauche peut s’adresser en proposant une alternative politique. La formation d’un large parti de gauche pour sauver les travailleurs de l’échec de la stratégie démocrate et de la droite n’a jamais été aussi urgente.
-
Nouvelle guerre froide : Non à la guerre en Ukraine !

L’unité des travailleurs est essentielle pour lutter contre la menace de guerre
Des tremblements de terre politiques et économiques se préparent à l’échelle mondiale alors que les forces de l’impérialisme américain et chinois passent d’un état de coopération à une concurrence ouverte. Alors que ces forces entrent en collision, l’onde de choc se propage dans le monde entier et désorganise, perturbe et réorganise les relations entre différentes puissances impérialistes. L’épicentre de cette perturbation est actuellement l’Ukraine.
Par Социалистическая Aльтернатива (Sotsialisticheskaya Alternativa, ASI-Russie)
Bien que les deux parties affirment ne pas vouloir de conflit, les impérialismes américain et russe s’affrontent, attisant la folie guerrière à un tel point que la loi des conséquences involontaires pourrait déclencher une guerre chaude, dont l’ampleur potentielle n’aura pas été vue en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Au milieu de tout cela, le peuple ukrainien est traité comme un pion, son destin étant décidé par des forces indépendantes de sa volonté. Ce sont les travailleurs et les pauvres d’Ukraine, et des pays impérialistes qui perdront leurs vies, leurs maisons et leurs moyens de subsistance en conséquence de cette guerre inutile.
Alternative Socialiste Internationale (ASI, dont le PSL/LSP est la section belge) s’oppose totalement aux plans des vautours impérialistes et appelle à la construction d’un mouvement anti-guerre de masse reposant sur la solidarité entre travailleurs d’Ukraine, des Etats-Unis et de Russie.
En Ukraine, les bellicistes soulignent que l’invasion est imminente. L’ancien chef des forces spéciales ukrainiennes, Sergey Krivonos, a affirmé à la télévision centrale que des plans sont en cours d’élaboration pour faire venir des milliers de parachutistes russes dans les aéroports autour de Kiev afin de s’emparer de la ville. L’ancien président Porochenko estime que l’attaque consistera en des missiles balistiques “Iskander” tirés depuis la mer et au-delà de la frontière pour détruire les principaux actifs ukrainiens. Le président Zelensky voit les envahisseurs faire entrer les chars par Kharkov. Des témoins oculaires rapportent que les aéroports de fret ukrainiens connaissent une augmentation massive des vols, tandis que dans les parcs des villes, des forces volontaires sont entraînées au combat.
Ces derniers jours, peut-être pour calmer la population, des voix plus sobres se sont élevées à Kiev. Après l’évacuation largement médiatisée des familles des diplomates américains, britanniques et australiens de Kiev, une réunion d’urgence du “Conseil pour la sécurité nationale et la défense” de l’Ukraine a été convoquée. Lors du point de presse, son secrétaire Aleksey Danilov a déclaré : « Nous ne voyons aujourd’hui aucune base pour confirmer une invasion à grande échelle. Il est impossible que cela se produise, même physiquement (…) Aujourd’hui, nous pouvons voir (aux frontières de l’Ukraine) environ 109.000 soldats. Nous voyons environ 10 à 11 000 “convois”, des forces d’escorte. Si nos partenaires pensent qu’il s’agit d’une forte augmentation du nombre de troupes, pour nous, ce n’est pas nouveau. Une augmentation de 2 à 3.000 hommes n’est pas critique. »
Sur ICTV également, le ministre ukrainien de la Défense, Aleksey Reznikov, a déclaré : « Aujourd’hui, à l’heure actuelle, pas une seule force de frappe des forces armées de la Fédération de Russie n’a été formée, ce qui confirme qu’elles ne préparent pas une attaque imminente. » Il a comparé la situation à celle d’avril dernier, ajoutant qu’il n’accordait pas une grande importance à l’idée qu’une attaque aurait lieu le 20 février.
Non à l’intervention impérialiste
Les puissances étrangères continuent cependant à faire monter la température. À l’ouest, les États baltes, la Grande-Bretagne, le Canada et la Turquie envoient des armes et de petits contingents de troupes « pour s’entraîner ». Le Pentagone, selon le New York Times, a préparé des plans pour envoyer jusqu’à 50.000 soldats en Europe de l’Est, et on rapporte aujourd’hui que 8.500 d’entre eux ont été placés en « alerte renforcée ».
En Russie, les informations sont plus difficiles à obtenir. Il est clair qu’il y a une augmentation significative des activités militaires. L’arsenal est déplacé, des exercices conjoints Russie-Biélorussie avec utilisation d’artillerie réelle sont menés à 40 kilomètres de la frontière ukrainienne. Des exercices navals impliquant 140 navires ont été annoncés dans toutes les mers entourant la Russie, du Pacifique à la mer Noire. Des navires des puissances occidentales et de la Russie se déplacent en Méditerranée et en mer Noire.
Les pourparlers se poursuivent sous toutes sortes de formes, mais aucune avancée n’a encore été réalisée.
Les scénarios possibles
Une invasion complète de l’Ukraine par la Russie est l’option la moins probable dans cette situation. Cela n’empêche pas les bellicistes occidentaux de parler comme si elle était déjà imminente. L’Institute for the Study of War, qui se présente comme une « organisation de recherche sur les politiques publiques, non partisane et à but non lucratif », engagée à aider les États-Unis à atteindre leurs objectifs stratégiques, a largement diffusé sa carte des « plans potentiels pour une invasion complète de l’Ukraine ».
Selon cette carte, la Russie attaquera à partir de la Crimée et des républiques non reconnues de Donetsk et de Lugansk (DNR/LNR) pour détourner les forces ukrainiennes. Des forces mécanisées descendront ensuite du nord-est pour encercler Kiev, Dnipro et Kharkiv – 3 villes dont la population combinée dépasse les 5 millions d’habitants. Ensuite, des forces navales ou des troupes envoyées par avion dans la république moldave sécessionniste de Transnistrie envahiront l’ouest pour s’emparer d’Odessa et de la côte de la mer Noire. D’autres troupes entreront par la Biélorussie au nord, traversant au passage les terrains radioactifs autour de Tchernobyl.
Si la Russie devait envahir de cette manière, le coût humanitaire serait impensable. Avec une population deux fois plus nombreuse que celle de l’ex-Yougoslavie, qui a éclaté en guerres interethniques au début des années 1990, faisant 140.000 morts et 4 millions de réfugiés, une occupation de l’Ukraine pourrait faire des centaines de milliers de morts et plusieurs millions de réfugiés. Selon toute probabilité, un tel conflit entraînerait les États baltes voisins et la Pologne.
S’agit-il d’un scénario probable ?
Compte tenu de la volatilité de la région, avec les récents soulèvements populaires au Bélarus et au Kazakhstan, la guerre au Nagorny-Karabakh et les manifestations de masse en Russie, en Géorgie et en Arménie, la politique étrangère agressive de l’administration Biden et les politiques autoritaires et expansionnistes du Kremlin, rien ne peut être exclu. Mais comme le soulignait Clausewitz, « la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens ». Ce qui déterminera les événements sera l’issue de la lutte politique entre les puissances impérialistes, ainsi qu’au sein des pays impliqués.
Le conflit porte peut-être sur le sort de l’Ukraine, mais le fait qu’au cours de la première semaine de négociations, qui a débuté par un dîner entre diplomates américains et russes à Genève, l’Ukraine n’ait même pas été invitée témoigne du cynisme extrême des puissances impérialistes. Bien que nous soyons maintenant dans la troisième semaine, aucune solution n’a été trouvée jusqu’à présent au cours de ces pourparlers.
La Fédération de Russie s’en tient à ce qu’elle appelle ses lignes rouges : L’OTAN ne doit pas s’étendre davantage en Europe de l’Est, l’Ukraine et la Géorgie ne doivent jamais être autorisées à y adhérer, et les armes de l’OTAN ne doivent pas se trouver aux frontières russes.
Les États-Unis, pour leur part, insistent avec arrogance sur le fait que tout pays qui le souhaite peut adhérer. Depuis lors, plusieurs pays de l’OTAN ont envoyé des armes à l’Ukraine, tandis que l’OTAN elle-même envoie des navires et des avions de chasse supplémentaires en Europe orientale. L’Ukraine est sacrifiée pour être le théâtre d’une guerre par procuration entre les puissances impérialistes.
L’ensemble du processus s’accompagne de dangereuses manœuvres. L’impérialisme occidental, fidèlement rapporté par les médias grand public, ne connaît aucune limite. Le secrétaire d’État américain Anthony Blinken, avant sa rencontre avec le ministre russe des affaires étrangères Sergei Lavrov, a déclaré que la Russie avait derrière elle une « longue histoire de comportement agressif ». « Cela inclut l’attaque de la Géorgie en 2008 et l’annexion de la Crimée en 2014, ainsi que « l’entraînement, l’armement et la direction » d’une rébellion séparatiste dans l’est de l’Ukraine. » Il a omis, bien sûr, de mentionner qu’au cours des deux dernières décennies, les États-Unis ont bombardé Belgrade, envahi l’Afghanistan et l’Irak, mené de nombreuses interventions en Syrie, en Libye, au Yémen et dans de nombreuses régions d’Afrique.
Bien que relativement discrets par rapport à la propagande extrême menée lors de la prise de contrôle de la Crimée il y a huit ans, les médias russes diffusent régulièrement des informations sur les provocations prévues par les forces ukrainiennes contre la République populaire de Donetsk et la République populaire de Lougansk (RPD/RPL). Fidèle à ses habitudes, c’est le parti communiste qui chante le plus fort dans le chœur des bellicistes. Il appelle la Douma d’État à reconnaître officiellement la RPD/RPL. Même le porte-parole du Kremlin prévient que cela serait perçu comme l’agression contre laquelle l’Occident met en garde. Joe Biden a affirmé que toute tentative des forces russes de franchir la frontière serait considérée comme « une invasion ». En retardant l’adoption de la proposition, les personnalités pro-Kremlin suggèrent que cela compromet leur « plan B ». Ils ne précisent pas en quoi consiste le « plan A », mais il est suggéré que cela signifie l’aboutissement des négociations.
L’expansion de l’OTAN
Poutine fait souvent référence à la promesse faite par l’impérialisme américain à l’ancien dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev en février 1990 selon laquelle si l’armée soviétique se retirait d’Allemagne de l’Est, et qu’elle devenait de facto membre de l’OTAN dans la nouvelle Allemagne unifiée, l’OTAN ne s’étendrait pas davantage à l’Est. Depuis lors, l’OTAN s’est étendue de plus de 800 km jusqu’à la frontière entre la Russie et les États baltes. Partie intégrante de la Russie, l’enclave de Kaliningrad est entourée sur toutes ses frontières terrestres par des États de l’OTAN. En 2008, lors du sommet de Bucarest, l’OTAN a conclu une alliance avec la Géorgie et l’Ukraine, dans le but de les faire adhérer à terme. En cas d’adhésion, les forces de l’OTAN s’étendraient sur plus de 4.000 kilomètres de frontière russe.
Désormais annuels, les exercices « Défendre l’Europe » ont impliqué 28.000 soldats en 2021. Ils ont été mobilisés, selon le chef de l’armée américaine en Europe et en Afrique, le général Chris Cavoli « vers des zones opérationnelles dans toute l’Europe, notamment en Allemagne, en Pologne, dans les États baltes, dans d’autres pays d’Europe de l’Est, dans les pays nordiques et en Géorgie. » Ces exercices ne sont qu’une partie des activités des puissances occidentales dans la région. 5.000 soldats, 32 navires et 40 avions ont participé aux exercices des manœuvres maritimes « Sea Breeze » de l’été dernier en mer Noire.
Cela fait partie de la polarisation continue du monde entre les différents intérêts impérialistes. L’administration Biden considère certainement la Chine comme le principal concurrent des États-Unis, et elle a construit avec détermination des alliances pour la défier au niveau mondial. Dans le même temps, elle considère la Russie comme « la plus grande menace », en raison de la manière dont elle utilise sa puissance militaire pour interférer avec l’expansion des intérêts américains et pour contribuer à diviser les alliés des États-Unis. La Russie a perturbé les plans américains visant à évincer Assad en Syrie et est intervenue en Libye. Les intérêts occidentaux ont été réduits en République centrafricaine et au Mali, où sont arrivés des mercenaires russes.
L’Union européenne mise sur la touche
Ces événements ont marqué une nouvelle étape dans la minimisation par les États-Unis de leurs relations avec l’Europe. La mise en place de l’alliance AUKUS et le départ soudain de l’Afghanistan avaient, comme l’a observé un commentateur, confirmé que : « les Chinois de la Maison Blanche conduisent le bus. Et ils ne considèrent pas l’UE en tant que partenaire utile sur les sujets qui comptent pour les États-Unis ». L’UE n’a pas non plus été invitée aux discussions de la semaine dernière, sauf en tant que membre individuel de l’OTAN.
Cette situation reflète en partie les divisions au sein même de l’UE. Le Kremlin cultive depuis plusieurs années le soutien des forces populistes de droite, notamment en Italie, en France et en Autriche, tandis qu’après la crise de 2014, lorsque la Russie s’est emparée de la Crimée et que le RPD/RPL a été créé, la France et l’Allemagne ont rompu les rangs, intervenant pour tenter de résoudre la question dans ce qui est devenu le Format Normandie, responsable des pourparlers de Minsk. La Pologne aussi, déjà en conflit avec Bruxelles sur la question de savoir si les lois de l’UE l’emportent sur la constitution polonaise, est mécontente que l’UE n’agisse pas fermement sur ce conflit.
Les États-Unis souhaitent une approche unifiée avec l’UE pour appliquer les sanctions. Il semble que les sanctions contre des personnalités du régime russe, y compris, semble-t-il, contre Poutine lui-même, soient acceptées. Mais la France vient de prendre la présidence de l’UE pour six mois. Macron a explicitement déclaré que les sanctions contre la Russie ne fonctionnent pas, tandis que d’autres membres de l’UE ne sont pas d’accord sur ce qui devrait déclencher les sanctions. La sanction qui semble être largement acceptée consiste à couper l’économie russe du système d’information bancaire SWIFT.
Le sort du gazoduc Nord Stream 2 est plus controversé. La production de gaz naturel en provenance de Grande-Bretagne, des Pays-Bas et de Norvège devrait diminuer dans les années à venir, au moment même où la demande devrait exploser, car le gaz naturel est considéré comme une source d’énergie plus propre. Pour remédier à cette situation, la Russie a construit le nouveau gazoduc Nord Stream 2 sous la mer Baltique, qui permettra d’acheminer le gaz directement vers l’Allemagne. Il présente l’avantage supplémentaire de priver l’Ukraine des revenus qu’elle tire du transit du gaz.
Le gazoduc a été rempli à la fin du mois de décembre et attend maintenant que les autorités allemandes délivrent la certification finale pour pouvoir commencer à fonctionner. Un quart du pétrole et plus de 40 % du gaz de l’UE proviennent actuellement de Russie. On estime que Nord Stream 2 a la capacité de répondre à lui seul à un tiers des futurs besoins en gaz de l’UE. Des sanctions contre Nord Stream 2 signifieraient un sérieux affaiblissement de l’économie, en particulier lorsque les prix de l’énergie s’envolent.
C’est pourquoi les États-Unis se sont heurtés à une résistance pour bloquer Nord Stream 2. La nouvelle coalition fédérale allemande a connu sa première crise majeure sur cette question. Le chancelier Olaf Scholz, du parti social-démocrate, s’oppose publiquement aux sanctions contre Nord Stream 2, ce qui reflète les intérêts de l’élite économique allemande. Merkel a soutenu le projet, et l’ancien chancelier Gerhard Schröder est président du comité des actionnaires de Nord Stream 2. La ministre des affaires étrangères Annalena Baerbock, membre des Verts, appelle toutefois à des sanctions. Elle explique qu’il s’agit d’une “politique étrangère féministe”, bien que si des sanctions et une guerre résultent de cette politique, ce serait un revers majeur pour les femmes en Ukraine et en Russie.
La Turquie, également membre de l’OTAN, est un autre acteur de ce dangereux jeu de guerre. Erdogan a suggéré que le pays pourrait servir d’hôte aux négociations entre la Russie et l’Ukraine, manquant manifestement l’ironie lorsqu’il a critiqué la Russie en disant « Vous ne pouvez pas gérer ces choses en disant ‘je vais envahir quelque chose, je vais le prendre’. »
La Turquie et la Russie ont une relation que l’on peut décrire comme une rivalité coopérative, parfois d’accord lorsqu’il s’agit de critiquer les États-Unis, d’autres fois en conflit comme en Syrie. À la suite de la récente guerre du Haut-Karabakh, où l’Azerbaïdjan a bénéficié d’un soutien important de la part de la Turquie, Erdogan a publiquement soutenu la revendication de Kiev sur la Crimée. Une usine proche de Kiev a commencé à produire des drones de conception turque, qui ont déjà été utilisés dans l’est de l’Ukraine.
Les relations américano-turques sont au plus bas. L’achat par Erdogan de missiles à la Russie en 2019 a entraîné des sanctions de la part des États-Unis. Maintenant, le pays veut acheter des chasseurs américains pour moderniser son armée de l’air. Une partie de l’élite américaine considère toujours Ankara comme un allié potentiel contre la Russie, donc ferme les yeux sur le danger d’un effondrement de l’économie turque, la croissance de l’autoritarisme, et les désaccords précédents par peur de couper complètement les relations, et de laisser la Turquie beaucoup plus proche du pivot Chine-Russie en développement.
Les plans du Kremlin
Conscient que le développement de la guerre froide va, selon toute vraisemblance, pousser le Kremlin à se rapprocher du régime chinois, Biden a intérêt à affaiblir une force militaire aussi importante avant qu’une telle union ne gagne trop de terrain. Les affirmations de la Maison Blanche selon lesquelles cette démarche s’inscrit dans le cadre de sa politique de « promotion d’une action collective mondiale pour stimuler la démocratie » ont été balayées par la précipitation à soutenir la répression brutale du régime du Kazakhstan.
Dans un essai extraordinaire publié par le Kremlin à la mi-2019, Poutine justifie sa conviction que l’Ukraine fait partie de la Russie en se référant, entre autres, à : « Le choix spirituel fait par saint Vladimir… le trône de Kiev [qui] occupait une position dominante dans la Rus antique… la coutume depuis la fin du IXe siècle… le conte des années révolues… les paroles d’Oleg le prophète à propos de Kiev : “Qu’elle soit la mère de toutes les villes russes”. »
À l’approche des temps modernes, il s’en prend aux bolcheviks de Lénine pour avoir permis au peuple ukrainien de décider lui-même de son destin, en disant : « Le droit pour les républiques de faire librement sécession de l’Union a été inclus dans le texte de la Déclaration sur la création de l’Union des républiques socialistes soviétiques et, par la suite, dans la Constitution de l’URSS de 1924. Ce faisant, les auteurs ont planté dans les fondations de notre État la bombe à retardement la plus dangereuse, qui a explosé dès que le mécanisme de sécurité fourni par le rôle dirigeant du PCUS a disparu… »
Ces citations à elles seules réfutent toute suggestion selon laquelle Poutine veut restaurer l’URSS ou, comme le font certaines personnalités de gauche, justifier le soutien à la Russie en tant que régime plus progressiste. Il s’inspire de l’ancien empire russe, évoquant systématiquement une union, selon l’ancienne terminologie tsariste, du Bélarus, de la Malorussie (Ukraine du Nord et de l’Ouest), de la Novorossiya (Ukraine du Sud jusqu’à la Moldavie) et de la Crimée.
Ni dans cet article ni dans la “Stratégie de sécurité nationale” récemment publiée, le Kremlin ne propose une intervention directe pour prendre l’une de ces régions. Mais les commentateurs parlent de “cygnes noirs” – des événements inattendus qui offrent des opportunités d’action. En 2014, le Kremlin a profité des événements autour de l’”Euromaïdan” pour s’emparer de la Crimée et établir une position dans l’est de l’Ukraine. Depuis lors, le conflit militaire s’est poursuivi, faisant jusqu’à présent 14.000 victimes.
Au cours des deux dernières années, d’autres “cygnes noirs” sont apparus. Le soulèvement en Biélorussie, dont la défaite a été provoquée par l’opposition libérale, a ramené le régime bélarusse dans l’orbite du Kremlin. La guerre du Haut-Karabakh a vu la Turquie renforcer son influence en Azerbaïdjan aux dépens de la Russie, mais a permis au Kremlin de renforcer son emprise sur l’Arménie. Le soulèvement au Kazakhstan a vu le régime de ce pays s’éloigner de la stratégie “multi-vecteurs” de Nazarbayev, qui consistait à trouver un équilibre entre la Russie, la Chine et les États-Unis, Tokayev étant devenu dépendant des forces russes pour soutenir son régime.
Mais la nouvelle “stratégie de sécurité nationale” publiée l’année dernière est beaucoup plus affirmative. Selon le directeur du Carnegie Moscow Center, la précédente stratégie écrite en 2015 portait sur une autre époque : « À l’époque, les relations avec l’Occident s’étaient déjà fortement détériorées en raison de la crise ukrainienne, mais étaient encore considérées comme récupérables ; une grande partie de la phraséologie libérale héritée des années 1990 était encore utilisée ; et le monde semblait encore plus ou moins unifié. La version actuelle […] est un manifeste pour une ère différente : une ère définie par la confrontation de plus en plus intense avec les États-Unis et leurs alliés ; un retour aux valeurs russes traditionnelles. »
Il est sans doute vrai que le ton et les ultimatums du Kremlin sont devenus beaucoup plus agressifs.
Comment cela va-t-il se concrétiser dans la pratique ? Le “plan A” semble bien être la poursuite des négociations pour limiter l’expansion de l’OTAN vers l’est. Mais la Maison Blanche ne semble pas prête à accepter un compromis sur cette question. Plus le Kremlin fait monter les enchères avec ses mouvements de troupes et ses jeux de guerre pour faire pression sur l’Ouest, plus l’Ouest déplace des armes vers l’Ukraine et brandit la menace d’une guerre, plus le risque d’une escalade accidentelle est grand. Le “plan B” semble se rapprocher alors que les négociations sont au point mort. Une décision officielle du Parlement et du gouvernement russes de reconnaître les deux républiques confirmerait le processus, par lequel la Russie a commencé à délivrer en masse des passeports russes et à ouvrir les relations commerciales. Les troupes russes se déplaceraient alors dans les deux républiques.
Une nouvelle escalade, si des missiles de l’OTAN sont placés en Ukraine, pourrait entraîner le déplacement des missiles russes vers d’autres pays. Cuba et le Venezuela ont été mentionnés. Une autre option serait une intervention rapide dans la partie principale du pays pour porter un coup à l’armée ukrainienne, avant de se retirer comme cela s’est produit lors de la guerre de 2008 contre la Géorgie, lorsque l’armée russe a attaqué la ville de Gori.
Une escalade plus profonde en Ukraine semble problématique. En 2014, d’âpres combats ont empêché le camp pro-russe d’ouvrir le corridor dans le sud autour de la ville de Marioupol. Poutine a dû renoncer à son objectif initial de s’emparer de l’ensemble de la “Novorossiya”. Aujourd’hui, l’armée ukrainienne est mieux entraînée et équipée, mais surtout, la population ukrainienne considérera une telle attaque comme une invasion et y résistera avec acharnement.
Contrairement à cette époque, où une frénésie patriotique après la prise de contrôle de la Crimée s’est installée, la population russe est aujourd’hui beaucoup plus méfiante à l’égard du Kremlin. L’Omicron a frappé la population largement non vaccinée, tandis que la situation économique et le renforcement spectaculaire de l’autoritarisme ont sapé le soutien au régime. Un sondage d’opinion publié cette semaine suggère que la majorité des Russes ne croit toujours pas qu’il y aura une guerre, bien qu’une majorité la craigne, considérant la situation non pas comme un conflit avec l’Ukraine mais avec l’Amérique, dans laquelle : « L’Ukraine – est un simple pion dans le jeu plus vaste joué par l’Amérique… c’est simplement le jeu des États-Unis, avec les pays occidentaux et l’OTAN, qui utilisent l’Ukraine pour faire pression sur la Russie. »
De manière très significative, les grandes entreprises ont elles aussi peu d’enthousiasme pour une guerre. Le récent krach boursier a fait disparaître 150 milliards de dollars de la valeur des grandes entreprises et le rouble est en chute libre. Pour l’instant, les entreprises ne s’expriment pas. Comme le fait remarquer un banquier d’affaires anonyme : « Si personne ne veut la guerre, ne vous attendez pas à ce que les grandes entreprises se lèvent et expriment leur opposition. Nous sommes devenus des passagers. Les milieux d’affaires ne discuteront de la guerre que dans leurs cuisines. Tout le monde restera silencieux en public. »
Ce commentaire expose cependant un réel danger. Depuis 2014, la base sociale de l’autocratie du Kremlin est devenue de plus en plus étroite. Poutine est de plus en plus isolé, ce qui est aggravé par sa peur du coronavirus. Les visiteurs de sa résidence doivent se mettre en quarantaine pendant deux semaines, avant de passer par un “tunnel de désinfection” spécialement fabriqué. La situation est donc très dangereuse, car il n’y a plus de contrôles, plus de mises en garde pour empêcher le Kremlin de prendre des décisions désastreuses.
L’Ukraine en crise
En apparence, et surtout si l’on écoute les discours du président Volodymyr Zelensky, 2021 a été une bonne année pour l’Ukraine. Le PIB a chuté en 2020 de 4 % pendant la pandémie, il a réussi à croître en 2021 de 3,1 %. Le ministère de l’économie, et Zelensky lui-même, se vantent que le PIB du pays a désormais atteint son plus haut niveau post-soviétique, soit 200 milliards de dollars. Pourtant, cette affirmation ne tient pas la route : selon le même ministère, le PIB en 2020 n’était que de 156 milliards de dollars. En 2008, il était de 180 $ et en 2013 de 183 $.
D’autres statistiques démontrent la situation réelle. Les revenus des ménages sont inférieurs de 20% à ce qu’ils étaient en 2013, l’inflation est officiellement d’environ 10% et le chômage a atteint 9,7%. Lorsqu’il a été élu, Zelensky a promis que le PIB augmenterait de 40% en 5 ans, qu’il ferait pression pour que l’Ukraine rejoigne l’UE et qu’il résoudrait le conflit dans l’Est de l’Ukraine par des négociations avec la Russie. Il a échoué sur tous ces points.
Compte tenu de ces échecs, la cote de Zelensky dans les sondages est en baisse. L’année dernière, dans un élan populiste, il a présenté une loi censée restreindre les droits des oligarques à posséder des entreprises et des médias, ainsi qu’une campagne contre la “corruption”. La première de ces mesures a été considérée comme une attaque contre les oligarques pro-russes, ce qui lui a valu les foudres du Kremlin. Quant aux mesures contre la corruption, comme l’a exprimé un commentateur : « Jusqu’à présent, aucun des principaux corrompus n’a souffert, et il y a une raison concrète à cela : la coopération avec le bureau du président ! »
Alors que les critiques se multipliaient au sein de ses propres cercles, Zelensky a désormais pris des mesures contre certains de ses anciens partisans, limogeant par exemple le président de la Rada, le Parlement, Dmytro Razumkov.
Ces mesures n’ont pas contribué à rétablir sa cote. De fortes augmentations des prix des services publics se profilent également à l’horizon. Selon un sondage d’opinion réalisé en décembre, 67 % de la population estime que le pays va dans la mauvaise direction, contre 36 % il y a deux ans. Seuls 5 % des personnes interrogées ont déclaré que leur situation matérielle s’était améliorée au cours des deux dernières années, tandis que le conflit militaire, la hausse des prix des services publics et les bas salaires ont tous été cités par plus de 60 % des personnes interrogées comme les « problèmes les plus graves ».
C’est dans ce contexte que l’atmosphère guerrière est attisée en Ukraine. En décembre, Zelensky a annoncé qu’un coup d’État pro-russe était sur le point d’avoir lieu. Ce complot semble avoir été régurgité par le Foreign Office de Boris Johnson, qui prétend cette semaine avoir découvert un complot visant à installer un gouvernement pro-russe à Kiev. Cette suggestion est accueillie avec dérision à Kiev. Un ancien porte-parole du ministère ukrainien des affaires étrangères a réagi en déclarant : « Ce scénario ne fonctionnerait que si une véritable invasion prenait le contrôle de Kiev. La ville serait décimée, ses terres brûlées, et un million de personnes fuiraient. Nous avons 100 000 personnes dans la capitale avec des armes, qui se battront… Il y a peut-être un plan, mais ce sont des conneries. »
Cette dernière affirmation du gouvernement de Johnson donne une autre tournure aux divisions en Europe. Essayant sans doute de détourner l’attention de la crise existentielle à laquelle son gouvernement est confronté, Johnson a déclaré que le ministère britannique des Affaires étrangères intensifiait son activité pour faire respecter l’unité de l’OTAN derrière la direction des États-Unis, tout en critiquant la suggestion de Macron selon laquelle il est maintenant temps d’établir une structure de défense européenne, et le flottement du gouvernement allemand sur les sanctions de Nord Stream 2.
En Ukraine, le nombre de personnes qui pensent désormais que la guerre peut être évitée par des négociations est en baisse. Une minorité pense que la Russie prépare une invasion à grande échelle. De l’avis de beaucoup, il est beaucoup plus probable que la Russie fasse une incursion et intensifie son activité militaire dans la zone de conflit entre les républiques non reconnues et le reste de l’Ukraine. Un sondage d’opinion réalisé à la mi-décembre a montré qu’une majorité de personnes vivant en Ukraine résisteraient à une invasion de la Russie, 33 % d’entre elles prenant les armes pour le faire.
La situation est rendue plus complexe par le sentiment d’avoir été abandonnés par l’Occident. Il y a un sentiment croissant d’anti-OTAN avec des commentaires tels que : « C’est comme s’ils nous avaient abandonnés. Seuls la Grande-Bretagne, les pays baltes et la Pologne se portent bien. Et aux États-Unis, le président est mauvais, une loque, mais il y a aussi des gens bien là-bas, qui devraient se lever pour s’opposer au président. »
La polarisation mondiale qui se développe modifie les relations entre la Russie et la Chine. Il n’y a pas si longtemps, elles se disputaient l’influence. Aujourd’hui, elles se rapprochent – toutes deux ont des régimes autoritaires de droite, ont peur de leurs propres peuples et utilisent l’agression américaine dans la guerre froide qui se développe actuellement pour présenter leurs pays comme étant confrontés à une attaque étrangère. Ils ont tous deux soutenu le coup d’État au Myanmar, Lukashenko au Belarus et le régime du Kazakhstan.
La Chine considère la situation en Ukraine comme un autre exemple d’agression américaine. Il y a toutefois une nuance importante. Elle a demandé à Poutine de ne pas déclencher de guerre en Ukraine avant la fin des Jeux olympiques d’hiver. Poutine prévoit d’assister à l’ouverture des jeux et testera sans doute le soutien qu’il peut attendre de Pékin, tandis que si la situation s’envenime en Ukraine, cela créera un précédent pour les actions de la Chine en mer de Chine méridionale et à Taïwan.
La guerre peut-elle être évitée ?
Les différentes parties n’ont peut-être pas l’intention d’intensifier le conflit. Mais avec leur bellicisme et leurs ultimatums, leurs intérêts nationaux/impérialistes, la situation pourrait facilement devenir incontrôlable. Même si une guerre ne se développe pas, étant donné la polarisation croissante du monde entre les différents intérêts impérialistes, ce n’est qu’une question de temps avant que de nouveaux conflits “par procuration” ne se développent ici ou ailleurs. D’où la nécessité de construire un mouvement anti-guerre de masse. Sur quelle base ?
Il ne peut y avoir aucune confiance dans les négociations de paix menées par les puissances impérialistes. C’est le conflit entre les intérêts des différentes puissances impérialistes qui crée les conditions du développement de telles guerres. Les forces et les équipements de toutes les forces impérialistes – Russie et OTAN – doivent être retirés d’Ukraine et d’Europe de l’Est.
L’Ukraine a le droit de se défendre, la question est de savoir dans quel intérêt et de quelle manière. L’élite dirigeante appellera à l’unité nationale, ce qui signifie en réalité la défense du pouvoir des oligarques, qui, depuis l’indépendance, a laissé l’Ukraine sauter d’une crise à l’autre tandis que les riches deviennent tout simplement de plus en plus riches. L’extrême droite et les bellicistes attiseront les humeurs nationalistes réactionnaires, ce qui laissera les Ukrainiens se battre seuls, et plutôt que de mettre fin au conflit, ils augmenteront la haine et prolongeront le conflit.
Mais la guerre n’est pas dans l’intérêt de la classe ouvrière. Une classe ouvrière organisée défendrait ses foyers et ses lieux de travail, et unie dans un mouvement anti-guerre puissant en Ukraine pourrait lancer un appel de classe aux travailleurs de Russie et d’ailleurs pour qu’ils agissent eux-mêmes pour arrêter la guerre.
Pour arrêter réellement la guerre, il faut cependant un mouvement international, des manifestations de masse et même des grèves aux États-Unis, en Russie et dans les pays de l’OTAN. Mais comme l’ont montré les précédents mouvements anti-guerre, même les énormes protestations mondiales contre l’invasion de l’Irak, impliquant des millions de personnes, n’ont pas suffi à arrêter la guerre.
ASI soutient l’appel lancé par nos camarades de Sotsialisticheskaya Alternativa en Russie et en Ukraine pour s’opposer à la guerre : « Les socialistes appellent tous les travailleurs et étudiants conscients à commencer à construire un mouvement anti-guerre fort et international, en le retournant contre quiconque tente d’allumer une guerre entre les peuples. Nous ne nous battons pas pour un pacifisme abstrait, mais pour une lutte unie contre le système qui cause la guerre, la pauvreté, la catastrophe climatique et écologique, les pandémies et l’autoritarisme. »
Pour cela, il faut construire des mouvements politiques puissants pour s’opposer aux élites dirigeantes capitalistes qui profitent de la guerre, pour que les compagnies pétrolières et gazières et les autres ressources détenues par les oligarques deviennent des propriétés publiques démocratiques, et pour mettre fin à la domination des bellicistes impérialistes en garantissant les droits réels à l’autodétermination et la construction d’une fédération socialiste véritablement démocratique en Europe et dans le monde.
-
[VIDEO] : Comment renforcer la gauche américaine ?
“Bad Faith”, le podcast de Briahna Joy Gray, a réuni Kshama Sawant et le célèbre journaliste de gauche Chris Hedges pour une discussion sur la manière dont la gauche peut être renforcée aux États-Unis, y compris pendant les élections. Il s’agit d’une conversation ouverte au cours de laquelle les idées et leurs limites sont longuement abordées. Dans le contexte d’un intérêt croissant pour les idées socialistes aux États-Unis et d’un mouvement ouvrier en plein essor, cette discussion est particulièrement utile.
-
USA. La génération Z embrasse le syndicalisme et l’impose chez Starbucks

Moins d’un mois après avoir imposé la présence syndicale chez Starbucks, les travailleuses et travailleurs de Buffalo (Etat de New York) ont débrayé pour réclamer des conditions de travail sûres dans le contexte de la vague de covid liée au variant Omicron. Ils et elles ont fait grève pendant cinq jours avec pour principale revendication la fermeture du magasin le temps que leurs collègues se remettent de la maladie et que des protocoles de sécurité appropriés soient mis en place. Bien que le débrayage de la semaine dernière ne semble pas encore avoir produit des changements concrets dans la politique du magasin, c’est un premier pas sur lequel il faut s’appuyer. L’inspiration tirée de ces travailleuses et travailleurs se répand dans tout le pays. Alors que leur grève de cinq jours se déroulait, il a été annoncé que les travailleuses et travailleurs des magasins de l’Ohio, de l’Arizona et de l’Illinois avaient officiellement déposé une demande d’élections syndicales.Par Jesse Shussett (ASI-Etats-Unis)
Tout a commencé en décembre, lorsque les travailleuses et travailleurs ont obtenu le statut de syndicat dans un magasin de Buffalo par 19 voix contre 8, et dans un autre par 12 voix contre 8. Un troisième site continue de se battre pour la syndicalisation avec un score actuel de 15-9 en faveur, mais de multiples contestations de la part des syndicats Workers United et de SEIU ainsi que de Starbucks les empêchent d’obtenir une victoire officielle.
Échecs du démantèlement syndical
Bien que ces suffrages à Buffalo ne représentent qu’une centaine d’employés répartis dans trois magasins, les dirigeants de Starbucks, notoirement antisyndicaux, craignent que l’exemple courageux des travailleurs de Buffalo ne se répande ailleurs. C’est pourquoi ils ont inondé la ville de cadres supérieurs, dont Schultz lui-même, pour tenter de les convaincre de ne pas voter “oui”. Ils ont affirmé que “si une partie importante de nos employés devait se syndiquer, nos coûts de main-d’œuvre pourraient augmenter et notre activité pourrait être affectée négativement par d’autres revendications et attentes qui pourraient augmenter nos coûts, changer notre culture d’entreprise, diminuer notre flexibilité et perturber notre activité.”
Il s’agit d’une tactique antisyndicale classique, remplie de fausses vérités. Bien sûr, les coûts de l’entreprise augmenteraient : les travailleurs pourraient se battre plus facilement pour de meilleurs salaires et conditions de travail ! En fin de compte, les seules personnes qui en pâtiront sont les cadres qui gagnent des millions grâce au travail des baristas qu’ils emploient. Soyons honnêtes, de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail ne peuvent que renforcer l’environnement de travail. Si les grandes entreprises comme Starbucks s’opposent aux efforts de syndicalisation, c’est parce qu’elles sont conscientes du pouvoir qu’ont ces travailleurs. Ce sont eux qui sont la source de tous les profits des actionnaires.
Starbucks a également déclaré ceci : « Nos réponses à tout effort de syndicalisation pourraient avoir un impact négatif sur la façon dont notre marque est perçue et avoir des effets négatifs sur nos activités, y compris sur nos résultats financiers. »
Starbucks aime se présenter comme une entreprise progressiste avec des « politiques woke », mais se battre avec véhémence pour empêcher l’organisation des travailleurs a pour effet de fissurer cette façade. Ce que l’entreprise ne réalise pas, c’est qu’elle se fait du mal à elle-même ! Nous sommes au milieu d’une formidable vague de lutte syndicale, de John Deere à la lutte permanente des enseignants pour des écoles sûres en pleine pandémie. Si l’on se fie à aux moins d’octobre et de novembre (marqués par un grand nombre de grèves aux Etats-Unis), les travailleurs découvrent indéniablement leur force collective et les manières de l’utiliser dont pour arracher des conquêtes réelles.
La lutte se répand
Les travailleurs de Starbucks ont obtenu le pouvoir de voter en tant que magasins individuels plutôt qu’en tant que district, ce qui les a aidés à atteindre la majorité nécessaire pour réussir leur campagne de syndicalisation. En soi, il s’agit d’une petite victoire, que le NLRB (National Labor Relations Board, agence indépendante du gouvernement fédéral américain chargée de conduire les élections syndicales et d’enquêter sur les pratiques illégales dans le monde du travail, NdT) n’avait jamais accordée auparavant.
Cependant, cette approche segmentée a ses limites, car elle isole les sites les uns des autres, même s’ils se trouvent dans la même ville, et dans certains cas à quelques pâtés de maisons les uns des autres. Cela permet aux travailleurs d’obtenir les votes nécessaires aux efforts de syndicalisation, mais rend également la communication entre les magasins plus difficile. Le syndicat devra donc travailler activement pour relier les différents magasins. Pour s’attaquer à un mastodonte tel que Starbucks, il faut que tous les travailleurs de Buffalo et, à terme, du pays, soient organisés en un seul syndicat capable d’exercer la pression maximale nécessaire pour obtenir un contrat décent prévoyant des salaires plus élevés et des conditions de travail sûres.
À l’heure actuelle, les travailleurs de nombreux autres sites dans le pays, notamment dans le Massachusetts, à Washington, en Arizona, en Ohio, en Illinois et au Tennessee, font campagne pour se syndiquer. Il s’agit d’une avancée considérable, car le secteur des services à bas salaires s’est longtemps révélé difficile à syndiquer. Seuls six pour cent des travailleurs américains du secteur privé sont actuellement syndiqués. L’organisation des personnes non syndiquées est donc une tâche absolument essentielle et ces travailleurs de Starbucks montrent la voie à suivre pour les travailleurs du monde entier.
La génération Z prend les devants
Il est particulièrement remarquable et impressionnant de constater que la majorité des personnes à la tête des campagnes de syndicalisation ont la vingtaine et s’avèrent être une force sur laquelle il faut compter. Des sondages récents ont montré que les syndicats sont plus populaires qu’ils ne l’ont été en un demi-siècle, 65 % des personnes déclarant approuver les syndicats, et ce chiffre atteint 77 % chez les 18-34 ans !
Les jeunes se radicalisent dans tous les domaines en réaction aux bas salaires, à l’écrasante dette étudiante et aux sombres perspectives d’emploi. Récemment, nous avons également assisté à des débrayages d’étudiants contre la violence sexiste et les systèmes scolaires qui ne les protègent pas, à des dizaines de milliers de jeunes lors de manifestations autour de la COP26 à Glasgow, et à des taux de participation record des électeurs et des bénévoles âgés de 18 à 35 ans lors de la récente victoire contre la tentative raciste et de droite de destituer Kshama Sawant à Seattle.
Nous avons également vu des travailleurs de Starbucks montrer leur solidarité avec les luttes des travailleurs d’autres industries. Rachel Cohen, employée de Starbucks à Buffalo, a déclaré à Socialist Alternative qu’ils avaient rejoint l’hôpital Mercy dans ses récentes grèves pour de meilleures conditions de travail, et qu’ils étaient en contact avec les travailleurs d’Amazon touchés par le récent effondrement meurtrier d’un entrepôt dans l’Illinois.
“Nous voulons être en mesure d’avoir un impact et d’inspirer d’autres personnes à mener ces combats également”, a déclaré Rachel Cohen à Socialist Alternative. “Le fait que je gagne plus d’argent ne signifie pas que vous en gagnerez moins, cela nous aidera tous les deux”.
Elle a également précisé que si les magasins votent tous séparément, les cellules syndicales ont étroitement collaboré, non seulement à Buffalo mais aussi avec les autres sites qui se battent pour la reconnaissance syndicale.
Un autre membre du comité d’organisation a également mentionné le nombre massif de travailleurs non syndiqués dans le secteur des services aux États-Unis. Il y a plus de 12 millions de travailleurs dans le secteur de la restauration aux États-Unis et ce n’est qu’une partie du vaste secteur des services. Nous voyons de plus en plus de travailleurs du secteur des services se soulever et riposter contre des patrons pourris qui ne voient que les profits. Le fait est que la pandémie a mis à nu les vastes lacunes et le déclin évident du capitalisme, y compris la réalité de la façon dont les travailleurs sont traités, même lorsqu’ils sont étiquetés comme “essentiels”.
La tâche à accomplir
Souvent, les travailleurs ne restent pas plus de 6 à 8 mois dans leur emploi avant de se lasser des mauvaises conditions de travail et de l’exploitation dont ils sont victimes. Sans possibilité de se défendre et sans perspective d’avenir, les travailleurs démissionnent et passent à un autre emploi. Si cela peut leur remonter le moral à court terme, ainsi qu’à d’autres travailleurs, cela constitue en fin de compte un obstacle à une véritable organisation et à l’exploitation du pouvoir des travailleurs. Il est essentiel que les travailleurs considèrent leurs mauvaises conditions de travail comme quelque chose à combattre et à améliorer plutôt qu’à fuir.
Il faudra une mobilisation massive pour parvenir à syndiquer ne serait-ce qu’une majorité des 15 251 établissements de Starbucks, avec des efforts très ciblés des travailleurs au sein de Starbucks et au-delà. La classe dirigeante est très consciente de l’effet d’entraînement qu’une action réussie chez Starbucks aurait sur la restauration rapide, sur l’ensemble du secteur des services et au-delà, et elle tentera de l’étouffer par tous les moyens. Nous aurons besoin de stratégies militantes et de la collaboration des magasins à travers les villes et les régions pour obtenir des concessions, ainsi que de la mobilisation des autres acteurs du secteur en solidarité. La riposte contre les efforts d’éviction syndicale de Starbucks doit être large et s’appuyer sur un ensemble de revendications solides afin de devenir une force capable d’obtenir des gains réels pour les travailleurs.
En novembre prochain, il y aura dix ans que 100 travailleurs de McDonald’s à New York ont débrayé pour réclamer 15 dollars par heure et un syndicat. Malheureusement, malgré les dizaines de millions de dollars dépensés au cours de la dernière décennie par des syndicats tels que le SEIU, aucun syndicat n’a été créé dans les principales méga entreprises de restauration rapide. Cela est dû en grande partie à l’échec de l’approche des dirigeants actuels de ces syndicats, qui se sont concentrés sur des campagnes de pression publique et ont fait appel aux politiciens, au lieu d’adopter une approche de lutte des classes et d’organiser la base de manière militante. Les travailleurs de Starbucks à Buffalo ont montré qu’il est possible de gagner des syndicats dans le secteur de la restauration rapide si l’on s’organise autour de revendications claires et que l’on adopte des tactiques de combat sans ambages. Pour l’avenir, les principaux syndicats du secteur des services, tels que SEIU, UNITE HERE et UFCW, doivent mettre toutes leurs ressources dans cette approche.
Socialist Alternative soutient sans équivoque les travailleurs de Starbucks qui sont à l’avant-garde de ce qui peut devenir une percée du mouvement ouvrier. La victoire exigera la solidarité entre les magasins et entre les autres sections du secteur des services – tout comme une blessure à l’un est une blessure à tous, une victoire pour l’un peut mener à une victoire pour tous !
Les membres du syndicat de Starbucks devront continuer à se battre au-delà de l’obtention de la syndicalisation. À bien des égards, l’obtention d’un premier contrat est encore plus difficile et exigera une lutte déterminée.
Il n’y a jamais eu de meilleur moment ni de moment plus excitant pour les travailleurs des services pour mener ces batailles. Avec la « grande démission » en cours (le nombre inédit de travailleurs qui annoncent sur les réseaux sociaux qu’ils quittent un emploi pour en chercher un meilleur ailleurs) et la pénurie de main-d’œuvre, les travailleurs sont en position de force pour utiliser leur force collective afin d’obtenir des gains non seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour les autres et créer des modèles à suivre. Solidarité avec Starbucks Workers United ! Solidarité avec tous les travailleurs du secteur des services !
-
Wiki-Leaks : Non à l’extradition et à la persécution de Julian Assange

Le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, peut désormais être extradé vers les États-Unis et va probablement l’être suite à une décision de la Haute Cour britannique. S’il perd son appel, son sort sera entre les mains de la ministre de l’Intérieur conservatrice Priti Patel, ce qui signifie dans les faits que son extradition sera assurée.
Par Eddie McCabe, Socialist Party (ASI-Irlande)
Ironiquement, ce jugement, qui concerne une affaire ayant de profondes implications pour la liberté de la presse à travers le monde, a été annoncé lors de la Journée internationale des droits humains. La décision de la Haute Cour a annulé la décision d’un tribunal de première instance de janvier 2020 qui avait rejeté la demande d’extradition des États-Unis en raison de préoccupations relatives au bien-être mental d’Assange et au risque de suicide.
La possibilité d’une peine de 175 ans de prison aux États-Unis pour des accusations de conspiration et de violation de la loi sur l’espionnage – accusations tout à la fois scandaleuses et sans fondement – pourrait pousser n’importe qui au suicide. Et c’est encore plus le cas pour quelqu’un qui a passé sept ans dans les minuscules locaux de l’ambassade d’Équateur avant d’être détenu dans la prison de haute sécurité de Belmarsh à Londres sans avoir été condamné pour quoi que ce soit.
Une condamnation à mort
Malgré tout cela, le Lord juge en chef d’Angleterre et du Pays de Galles a déclaré : « Ce risque [de suicide] est à notre avis exclu par les assurances offertes [par les États-Unis]. » Ces assurances ont été décrites par les avocats d’Assange comme étant « vagues » et « dénuées de sens ». Selon Amnesty International, elles reviennent à dire : « Nous garantissons qu’il ne sera pas détenu dans un établissement de sécurité maximale, qu’il ne sera pas soumis à des mesures administratives spéciales et qu’il bénéficiera de soins de santé. Mais s’il fait quelque chose qui ne nous plaît pas, nous nous réservons le droit de ne pas le garantir, nous nous réservons le droit de le placer dans un centre de sécurité maximale, nous nous réservons le droit de lui proposer des mesures administratives spéciales. Ce ne sont pas du tout des garanties. »
Plus précisément, elles proviennent d’un État américain qui poursuit une vicieuse vendetta politique contre Assange et WikiLeaks depuis la publication en 2010 de centaines de milliers de documents exposant les crimes de guerre commis par les États-Unis en Afghanistan et en Irak.
Pas plus tard qu’en septembre 2021, une importante enquête de Yahoo News a révélé que « des discussions sur l’enlèvement ou le meurtre d’Assange ont eu lieu « au plus haut niveau », entre de hauts responsables de la CIA et de l’administration Trump » jusqu’à demander des « croquis » ou des « options » concernant la manière de l’assassiner. » Bien sûr, aucune de ces preuves documentées n’a été prise en compte par les juges de la Haute Cour, dont la décision équivaut en réalité à une condamnation à mort, d’une manière ou d’une autre.
La vengeance de l’impérialisme
La menace pour la santé d’Assange, voire pour sa vie, est indiscutable et, en ce sens, la décision de la Haute Cour est une parodie. Toutefois, la vérité est qu’Assange devrait être libéré indépendamment de cette menace : les crimes dont il est accusé par les États-Unis constituent une attaque dangereuse contre les droits démocratiques et la liberté journalistique.
L’hypocrisie de l’impérialisme américain (qu’il soit dirigé par Trump ou Biden), qui se présente sans vergogne comme un défenseur de la « démocratie » et de la « liberté », est pleinement exposée dans cette affaire. Il en va de même pour ses homologues britanniques et australiens – tous alliés dans la nouvelle guerre froide avec l’impérialisme chinois – qui sont prêts à réprimer le droit à une presse libre afin d’aider les États-Unis dans leur persécution de WikiLeaks et dans leur bellicisme en général.
Julian Assange et Chelsea Manning ont rendu un précieux service à la classe ouvrière et aux opprimés du monde entier en divulguant des documents qui ont mis à nu la sauvagerie meurtrière de la machine de guerre américaine. Cela mérite d’être soutenu, ainsi que tout travail que WikiLeaks continue de faire pour dévoiler dévoile l’activité criminelle d’États et d’institutions puissants.
Libérez-le !
Assange lui-même a un passé trouble. Il a fait l’objet d’accusations de viol et d’agression sexuelle par deux femmes en Suède. Les poursuites pénales liées à ces accusations ont été abandonnées en raison du temps écoulé. Ces femmes ont été privées de justice et n’ont pas pu aller jusqu’au bout des poursuites qu’elles auraient dû engager contre Assange. Sa politique est également extrêmement douteuse. Il a par exemple soutenu Poutine et Trump à différents moments et a rencontré le populiste d’extrême droite britannique Nigel Farage.
Ce n’est toutefois pas pour ces raisons qu’il est visé par l’État américain, mais pour la menace que WikiLeaks fait peser sur le secret qui entoure ses manœuvres impérialistes. Assange n’est pas un anticapitaliste socialiste, mais nous le défendons contre ces attaques car elles visent toutes celles et ceux qui s’opposent à la corruption et aux guerres capitalistes. Les accusations portées contre Assange doivent être abandonnées et il doit être immédiatement libéré.
-
Nouvelle guerre froide & boycott des Jeux olympiques d’hiver de Pékin

Pourquoi le Comité international olympique (CIO) est-il si étroitement allié à la dictature chinoise ? C’est une question que de plus en plus de personnes se posent à la suite de la disparition de la joueuse de tennis Peng Shuai qui est à l’origine du débat mondial actuel concernant le boycott des Jeux olympiques en février.
Par des reporters d’ASI, Alternative Socialiste Internationale
La joueuse de tennis Peng Shuai a disparu depuis le 2 novembre, suite à sa publication en ligne accusant Zhang Gaoli, haut dirigeant du PCC (le parti soi-disant communiste), d’agression sexuelle. Ce message a été effacé en moins de 30 minutes. Depuis lors, Peng n’a pas été en mesure de contacter ses amis ou de répondre aux appels inquiets de groupes tels que la Women’s Tennis Association.
Le 21 novembre, le président du CIO, Thomas Bach, a annoncé qu’il avait parlé à Peng dans une interview vidéo et qu’elle allait “bien”. Ni la vidéo ni une transcription n’ont été publiées par le CIO. L’interview de Thomas Bach a été largement condamnée pour avoir été mise en scène en collaboration avec le régime chinois dans le but de désamorcer la crise internationale de légitimité qui entoure les Jeux olympiques d’hiver de Pékin, qui s’ouvriront le 4 février.
Le CIO n’a jamais eu de problème à collaborer avec des régimes de droite, racistes et autoritaires, de l’Allemagne nazie des années 1930 à la Corée du Sud sous régime militaire des années 1980. C’est également le cas en Chine aujourd’hui, où les syndicats et les grèves sont interdits et où la classe ouvrière se voit refuser le droit de s’organiser par une répression brutale. La répression policière du régime chinois au Xinjiang et à Hong Kong ont attiré l’attention du monde entier sur son rôle, mais ces exemples ne sont pas exceptionnels. Comme l’a signalé le site Web d’ASI consacré à la Chine, le Xinjiang est un terrain d’entraînement pour les techniques de répression de plus en plus utilisées dans toute la Chine.
Le CIO ne cesse de répéter qu’il faut « laisser la politique en dehors du sport », mais cette institution antidémocratique et corrompue suit un programme nettement politique visant à générer des superprofits pour ses sponsors capitalistes. Elle se moque totalement des préoccupations en matière de démocratie et de droits humains.
C’est dans ce contexte que s’inscrit le débat mondial actuel sur le boycott des Jeux olympiques en février prochain. Cette question est soulevée par des forces différentes et contradictoires. On trouve d’une part les appels au boycott lancés par des groupes de défense des droits humains et des militants impliqués dans la lutte contre la répression des musulmans ouïghours au Xinjiang et la destruction des droits démocratiques à Hong Kong. D’autre part, il y a les gouvernements capitalistes comme l’administration Biden aux Etats-Unis, dont les motivations pour un boycott ne sont pas du tout liées à la défense des droits démocratiques, mais servent plutôt ses intérêts impérialistes pour construire une coalition mondiale contre le capitalisme chinois et l’empêcher de défier ou de détrôner la puissance américaine.
Un boycott diplomatique
Joe Biden et plusieurs alliés des États-Unis ont maintenant lancé l’idée d’un « boycott diplomatique » des Jeux de Pékin. La plupart des observateurs se frottent les yeux à cette idée. Quel en est l’intérêt ? Comme l’a même fait remarquer un porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères : « personne ne se soucie de la présence de vos diplomates ». Avec un geste aussi vide de sens, pourquoi pas un boycott musical (pas de chant) ou un boycott humoristique (pas de blagues) ?
À l’heure où nous écrivons ces lignes, les pays membres de l’alliance de renseignement “Five eyes” (États-Unis, Royaume-Uni, Australie, Canada et Nouvelle-Zélande) ont annoncé qu’ils rejoindraient ce “boycott diplomatique”. L’objectif de ce geste extrêmement limité est de permettre aux gouvernements concernés de prétendre qu’ils prennent position, tout en ne mettant pas en péril les énormes profits que les Jeux vont générer pour leurs propres multinationales et médias de masse. Ils ont également choisi cette stratégie pour éviter un retour de flamme en matière de relations publiques et le risque qu’une véritable campagne de boycott échoue en ne bénéficiant pas d’un soutien international significatif au niveau des gouvernements.
Compte tenu des preuves de plus en plus évidentes de l’horrible répression à l’encontre de la population locale majoritairement musulmane du Xinjiang ainsi que de l’offensive contre les syndicats, les partis d’opposition et la liberté de réunion à Hong Kong, nombreux sont celles et ceux qui comprendront les appels au boycott, c’est-à-dire non pas l’appel hypocrite à un boycott “diplomatique”, mais un retrait total du soutien aux Jeux.
Selon un sondage d’opinion publié dans le journal canadien Toronto Star, 56 % des Canadiens sont favorables à un boycott total. Cette opinion est clairement influencée par l’emprisonnement par la Chine des citoyens canadiens Michael Spavor et Michael Kovrig pendant près de trois ans en représailles à la détention (en résidence surveillée dans son propre manoir de Vancouver) de l’héritière de Huawei, Meng Wanzhou. Tous ont été libérés en septembre. Le sondage canadien révèle un mécontentement généralisé à l’égard du “boycott diplomatique” mené par Biden, considéré comme un geste vide et inadéquat. Un sondage américain réalisé par Morning Consult montre que 24% des sondés sont favorables à un boycott total et 31% à un boycott diplomatique tandis que seulement 12% s’opposent à un boycott.
La question reflète des courants contradictoires. Les gouvernements capitalistes occidentaux exploitent la question, tout en se méfiant des pertes économiques d’un véritable boycott, pour redorer leur blason “démocratique” dans le cadre de la nouvelle guerre froide visant à faire pression sur Pékin. Mais d’autre part, beaucoup de personnes ordinaires, tout particulièrement les victimes directes de la répression du PCC, soutiennent un boycott pour des raisons authentiques, en croyant que cela pourrait exercer une pression sur le régime chinois afin qu’il change ses méthodes. Malheureusement, ce point de vue sous-estime le type de pression et de lutte nécessaire pour y parvenir. Il est impossible de passer à côté de la solidarité active avec les travailleuses et travailleurs chinois pour les assister dans l’organisation de la lutte pour leurs droits.
Ce n’est pas non plus une coïncidence si les premiers gouvernements à s’engager dans un boycott diplomatique font partie des “Five Eyes”. Trois de ces pays – les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie – ont récemment formé l’alliance AUKUS, afin de fournir une capacité militaire à l’alliance de renseignement des “Five Eyes”. Bien que le gouvernement japonais envisage actuellement de soutenir le boycott diplomatique, d’autres gouvernements, notamment le français, s’y opposent. Cela reflète les tensions et les priorités divergentes des grandes puissances occidentales. Le gouvernement français panse encore ses plaies au sujet d’AUKUS, qui a coûté à Paris un contrat de 66 milliards de dollars pour des sous-marins. En regardant de plus près, on ne peut que constater que pour tous ces gouvernements, la “démocratie” et la “question du Xinjiang” ne sont qu’un paravent pour servir les intérêts des grandes puissances.
Aucun des gouvernements engagés dans le soi-disant boycott n’est lui-même innocent de la répression des minorités et de l’intervention militaire dans d’autres pays. Les crimes historiques contre la population indigène au Canada et en Australie, le traitement des réfugiés au Royaume-Uni et en Australie, le maintien de l’ordre raciste aux États-Unis ainsi que les guerres lancées par l’impérialisme occidental en Irak, en Syrie et ailleurs indiquent clairement que ces gouvernements violent les droits humains de façon répétée. Toute véritable campagne contre la répression de l’État chinois doit prendre soin de se tenir complètement à l’écart de ces gouvernements et de leur hypocrisie.
Le Comité international olympique s’oppose au boycott
Il n’est pas surprenant que le chef du CIO, Thomas Bach, s’oppose à tout boycott. Lors d’une réunion du comité exécutif du CIO, il a déclaré : “Si nous commencions à prendre des positions politiques dans un sens ou dans l’autre, nous n’amènerions jamais les 206 comités olympiques nationaux aux Jeux olympiques. (…) Ce serait la politisation des Jeux olympiques et cela, je le pense encore, pourrait être la fin des Jeux olympiques comme cela fut le cas pour les anciens Jeux olympiques.”
Sans entrer dans l’affirmation de Bach sur la politisation des Jeux antiques (des recherches récentes tendent à démontrer qu’ils ont probablement pris fin en raison de leur coût financier), toute l’histoire des Jeux olympiques modernes a été marquée par la politisation, qui plus est en faveur de régimes autoritaires de droite et des intérêts des grandes entreprises au détriment des travailleurs.
Ce fait est souligné par la politique adoptée par les présidents du CIO, parmi lesquels le baron de Coubertin (1896-1925), qui s’opposait aux sports féminins en les qualifiant de “peu pratiques, inintéressants, inesthétiques, et nous n’avons pas peur d’ajouter : incorrect” ; le comte de Baillet-Latour (1925-1942) qui s’est retrouvé aux côtés d’Adolf Hitler et de Rudolf Hess lors de l’ouverture des jeux de 1936 ; l’industriel suédois antisémite Sigfrid Edström (1942-52) qui a écrit que “aux États-Unis, le jour pourrait venir où il faudra arrêter les Juifs” ; Avery Brundage (1952-72), un antisémite qui admirait l’Allemagne hitlérienne et admirait l’autoritarisme de Staline même s’il pensait que “le communisme était un mal devant lequel tous les autres maux étaient insignifiants” ; et, bien sûr, Juan Samaranch (1980-2001), membre espagnol de la Phalange (fasciste) qui avait occupé de nombreux postes importants dans le gouvernement du dictateur Franco. Bach a été précédé par un autre aristocrate, Jacques Comte Rogge (2001-2013), qui avait conclu un accord secret avec le gouvernement chinois pour permettre la censure des reportages de la presse lors des JO de Pékin en 2008.
Compte tenu de la tradition misogyne et réactionnaire de ses prédécesseurs, il n’est pas surprenant que l’actuel président du CIO, Thomas Bach, semble être complice du PCC pour couvrir les accusations portées contre son ami Zhang Gaoli, que Peng Shuai a accusé d’agression sexuelle. Le groupe de défense des athlètes “Global athlete” a accusé le CIO de faire preuve d’une “odieuse indifférence à l’égard des violences sexuelles et du bien-être des athlètes féminines”.
Le CIO a beau affirmer que les Jeux ne sont pas “politisés”, il ne s’oppose pourtant pas à ce qu’ils soient utilisés par des régimes de droite autoritaires pour asseoir leur autorité… Il y a eu les tristement célèbres Jeux de Berlin en 1936. Ceux de 1968 au Mexique ont eu lieu quelques jours seulement après un massacre d’étudiants de gauche par l’armée mexicaine. L’un des chants des étudiants était : “¡No queremos olimpiadas, queremos revolución !” (Nous ne voulons pas des Jeux olympiques, nous voulons la révolution !). Deux athlètes américains, partisans du mouvement pour les droits civiques, Tommie Smith et John Carlos, ont été expulsés de ces Jeux après avoir fait le salut du “Black Power”. Le régime militaire de Corée du Sud s’est vu attribuer les jeux de 1988 en 1981, un an après avoir massacré plus de 2.000 manifestants pro-démocratie lors du “soulèvement de Gwangju” en 1980. Pour le régime, l’organisation des Jeux servait à redorer son image dans le monde.
Les Jeux de Moscou de 1980 suivaient directement l’invasion soviétique de l’Afghanistan. Malgré le boycott, la bureaucratie stalinienne les a utilisés pour renforcer son soutien dans le pays. Le fait que la campagne de boycott menée par les États-Unis en 1980 ne visait pas vraiment à protéger les droits du peuple afghan, mais plutôt à positionner la puissance américaine est clairement démontré par les actions américaines au cours des quatre décennies qui ont suivi, y compris le retrait chaotique d’Afghanistan de cette année qui a ouvert la voie au retour des talibans.
Les Jeux olympiques d’hiver de 2014 à Sotchi ont contribué à renforcer la position du régime russe réactionnaire et de plus en plus autoritaire. Le prestige du régime ayant été renforcé par ce qui était alors les Jeux les plus chers de tous les temps, deux jours avant la cérémonie de clôture, Poutine a donné l’ordre secret de lancer la prise de contrôle de la Crimée.
Les Jeux olympiques représentent le pire aspect du sport moderne
Le CIO présente le mouvement olympique comme un mouvement où chacun dispose d’une chance égale. Mais tout est corrompu par l’argent. La majorité des athlètes sont issus d’écoles d’élite. Environ un tiers des athlètes de l’équipe britannique de 2012, 2016 et 2021, par exemple, provenaient d’écoles privées, alors que 93 % des enfants britanniques fréquentent des écoles publiques. Les coupes budgétaires dans la fourniture d’installations sportives publiques et le recours croissant au sponsoring commercial aggravent encore cette situation.
Les sites des jeux sont en fait décidés par celles et ceux qui offrent les plus gros pots-de-vin. Les allégations de corruption au sommet du CIO ont fini par déboucher sur un scandale public après le choix de Salt Lake City pour les Jeux d’hiver de 2002. Malgré de nouvelles règles, d’autres allégations ont été formulées après que Londres a remporté la compétition en 2012. Les critères utilisés pour prendre les décisions ne sont pas liés à ce qui est le plus avantageux pour le développement du sport, mais à des considérations liées au monde des affaires, au sponsoring et aux droits de diffusion offerts par le vainqueur.
Une fois les sites sélectionnés, le recours au travail des enfants et à l’esclavage, souvent accompagné de la super-exploitation des migrants, a été signalé pour la construction des sites russes, anglais, brésiliens, japonais et chinois.
Les gouvernements prétendent que les Jeux sont bénéfiques à l’économie. L’expérience concrète démontre le contraire. Des personnes ont été chassées de chez elles pour faire place à des stades. Selon une estimation, 1,25 million de personnes ont été déplacées de chez elles pour les Jeux de Pékin en 2008, 720.000 pour l’événement de Séoul en 1988. Les retombées des Jeux d’Athènes et, plus récemment, des Jeux de Rio, comprennent des dettes énormes, des stades géants aujourd’hui inutilisés et une augmentation spectaculaire des inégalités. Comme l’a fait remarquer un commentateur après les Jeux de Rio : “l’inégalité a été exacerbée dans une ville déjà tristement célèbre pour son inégalité”.
Le sponsoring sportif
Les entreprises aussi prétendent qu’elles ne font pas de politique ! Coca-Cola a utilisé exactement cette excuse lorsque, malgré le boycott américain, elle a sponsorisé les Jeux de Moscou. Aujourd’hui, nous constatons la même situation avec les sponsors officiels des Jeux de Pékin.
Parmi ces sponsors, on trouve Alibaba qui, selon le New York Times, a développé et commercialisé un logiciel de reconnaissance faciale et de surveillance configuré pour détecter les visages ouïghours et ceux d’autres minorités ethniques en Chine. AirBnB a été accusé de coopérer avec des paramilitaires de l’État chinois impliqués dans la répression des Ouïghours.
Parmi ces entreprises figure Samsung, impliquée dans le recours au travail des enfants, le démantèlement de syndicats, la corruption, la prostitution et le soutien à des groupes d’extrême droite. Ensuite, il y a ATOS, fabricant de systèmes de “gestion des combats” et de systèmes de surveillance. Le parrainage des Jeux paralympiques par ATOS a particulièrement indigné les défenseurs des droits des personnes handicapées, car sa gestion du programme de “capacité de travail” du gouvernement britannique a privé des milliers de personnes d’allocations d’invalidité. Il n’est pas surprenant qu’aucune des sociétés qui parrainent les jeux d’hiver de Pékin ne soutienne l’appel au boycott. Elles perdront trop de bénéfices.
Les boycotts précédents ont-ils fonctionné ?
Les Jeux de Pékin de 2008 ont été précédés d’une répression brutale au Tibet. Pourtant, la « communauté internationale » n’a pas soutenu l’appel au boycott des Jeux, malgré la sympathie généralisée des gens ordinaires pour cette proposition. Le président Bush figurait parmi les dirigeants du monde qui ont accueilli ces Jeux, tout comme les dirigeants de l’Australie, de la France et du Japon, ce qui montre à quel point les relations mondiales ont changé. À cette époque, la dictature chinoise était accueillie partout dans le monde occidental avec des tapis rouges, tandis que les “droits humains” étaient un sujet tabou, le capitalisme occidental ne pouvant tout simplement pas signer suffisamment d’accords avec Pékin.
Dans les décennies qui ont suivi la révolution russe, les bolcheviks n’ont pas participé aux Jeux olympiques. Ils préféraient une culture physique coopérative plutôt que de participer à ce qui était une approche capitaliste et élitiste du sport. L’Union soviétique n’a commencé à participer qu’en 1952, après que la bureaucratie stalinienne se soit complètement consolidée. Les Jeux olympiques sont alors devenus une arène où se jouait la guerre froide. En 1936, une “Olympiade du peuple” alternative était prévue à Barcelone en guise de protestation contre les Jeux olympiques nazis de Berlin. Cette “Olympiade du peuple” n’a jamais eu lieu en raison du déclenchement de la guerre civile espagnole.
Le boycott des Jeux olympiques de Moscou en 1980 n’a pas eu pour effet de forcer l’Union soviétique à quitter l’Afghanistan, mais il a permis à la bureaucratie soviétique de présenter les Jeux comme une grande victoire, malgré le boycott, car les athlètes soviétiques avaient remporté un nombre record de médailles.
Avec la nouvelle période de néolibéralisme qui s’est ouverte dans les années 1980, les Jeux olympiques ont eux aussi été néolibéralisés – devenant encore plus commerciaux et élitistes.
Aujourd’hui, lorsque la question du boycott des jeux de Pékin est soulevée, nous adoptons une attitude compréhensive à l’égard de cette idée lorsqu’elle est soulevée par des travailleurs et des jeunes du monde entier qui cherchent sincèrement des moyens de protester contre la répression d’État en Chine. Mais nous mettons également en garde contre toute illusion à l’égard du CIO – qui devrait être la première cible de toute campagne de boycott – et nous mettons surtout en garde contre toute illusion à l’égard des gouvernements capitalistes qui exploitent cette question pour leurs propres intérêts. De même, lorsque différents groupes d’activistes soulèvent cette question, nous faisons la distinction entre les véritables campagnes indépendantes et celles qui sont financées ou sponsorisées par diverses autorités impliquées dans la nouvelle guerre froide.
Les boycotts peuvent-ils fonctionner ?
Un boycott international du régime raciste d’apartheid sud-africain a été lancé en 1959. Il impliquait le boycott d’événements sportifs et universitaires, avec le soutien des Nations unies et des gouvernements. Mais les grandes entreprises ont continué à commercer avec le pays. Ce qui a changé, c’est que la classe ouvrière sud-africaine s’est héroïquement soulevée et organisée. 1,5 million de personnes ont participé à la grève du 1er mai 1986, de nouveaux syndicats ont vu le jour et se sont unis pour former une force puissante, gagnant la solidarité des travailleurs d’autres pays. Cela a marqué le début de l’effondrement du régime d’apartheid.
Plus récemment, lorsque les grandes entreprises du football ont tenté de créer une “super ligue” européenne, un soulèvement des supporters a anéanti l’idée en quelques jours.
Que défendent les marxistes ?
Les socialistes condamnent la répression à grande échelle du régime chinois et soutiennent les droits démocratiques complets et immédiats qui ne peuvent être obtenus que par une lutte de masse, par la classe ouvrière et les pauvres.
Nous mettons en garde contre toute confiance dans les boycotts organisés par les gouvernements capitalistes et les institutions capitalistes qui sont utilisés pour tromper le public, soit par une posture théâtrale mais vide (“boycott diplomatique”), soit en cachant leurs intentions réelles qui sont de plus en plus liées à l’évolution de la guerre froide entre les Etats-Unis et la Chine.
Nous sommes opposés à la commercialisation du sport et à son utilisation pour promouvoir des régimes autoritaires de droite, comme nous le verrons à nouveau avec la Coupe du monde de football de l’année prochaine au Qatar. Les grandes entreprises devraient être chassées du sport et remplacées par une grande expansion des installations sportives publiques et des programmes fournis à toutes et tous sous le contrôle démocratique des athlètes et des fans.
L’unité de la classe ouvrière et la solidarité internationale liées à des politiques démocratiques et socialistes révolutionnaires sont la clé pour renverser les dictatures. Le capitalisme en tant que système mondial est une menace pour tous nos droits démocratiques et seul un mouvement ouvrier indépendant de tous les gouvernements et agences capitalistes peut le combattre avec succès.
