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Tag: Espagne
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Suivi des élections espagnoles: Rapport de la soirée du García Lorca
Izquierda Unida Belgique, Podemos Belgique, Equo Bruxelles et ICV Bruxelles ont organisé une soirée électorale au centre culturel García Lorca à Bruxelles pour suivre les résultats des élections municipales et régionales du 24 mai en Espagne. La décision de différentes formations de se rassembler pour suivre les résultats et la bonne ambiance de la soirée sont une indication du processus de confluence parmi les forces de gauche en Espagne. Le sentiment général par rapport aux résultats était qu’ils étaient bons, mais insuffisants.Par Marisa (Bruxelles)
Le bipartisme de deux partis traditionnels, PP (droite) et PSOE (social-démocratie), a reculé de 65% en 2011 à 52% aux municipales. Le PP continue à être la plus grande force électorale, mais avec une perte de 10% (2,4 millions des voix). Le PSOE perd 3% des voix mais aspire à récupérer de nombreuses régions et mairies. Les candidatures de confluence contre l’austérité ont la possibilité de gouverner dans 7 villes. «Barcelona en Comú» dépasse CIU (droite nationaliste catalane) et devient la liste plus soutenue à Barcelone. «Ahora Madrid» est la deuxième force avec 20 conseillers, juste en dessous du PP qui en obtient 21.
Podemos se présentait comme liste unitaire aux élections des autonomies et n’est arrivée ni première ni deuxième force électorale. Elle se place troisième aux régions de Madrid, Aragon et Asturies. Izquierda Unida maintient un nombre d’élus aux municipales comparable à 2011. Néanmoins, elle perd 277.000 voix aux régionales et 25 élus régionaux, notamment à Madrid et Valence, et perd ainsi sa représentation dans quatre de huit régions. Ciudadanos (nouvelle formation populiste de droite) rentre aussi dans 10 de 13 parlements régionaux.Socialismo Revolucionario (SR), la section sœur du PSL-LSP en Espagne, a joué un rôle dans le processus de formation de la liste «Badalona en Comú», une ville voisine à Barcelone, qui a obtenu 17,54% des voix et devient la deuxième force avec 5 élus. SR appelle à un front uni de la gauche et des mouvements sociaux qui s’oppose à l’austérité et lutte pour des autorités qui refusent les coupes budgétaires imposées par le gouvernement central et qui osent mener une véritable politique de rupture, de non-paiement de la dette et de nationalisation des banques et des secteurs clés de l’économie sous contrôle et gestion démocratiques.
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Crise politique et candidatures de gauche au menu des élections espagnoles
L’espoir d’une politique de rupture anti-austérité en Espagne se traduit par la recherche d’un débouché politique en cette période d’échéances électorales. Les élections municipales et celles de nombreuses communautés autonomes (équivalant à nos Régions) prennent place ce 24 mai. C’est le premier grand test pour Podemos avant les élections générales de cette fin d’année.Par Boris Malarme
Discrédit des partis traditionnels et fragmentation de la carte politique
Les derniers sondages donnent l’impression que la croissance électorale explosive de Podemos a atteint son apogée, temporairement du moins. Au lieu d’un scénario d’une croissance ininterrompue de Podemos brisant la domination bipartite du PP (droite conservatrice) et du PSOE (social-démocratie) jusqu’à la victoire électorale aux élections générales, on assiste à un morcèlement de la carte électorale. De celui-ci a pu, entre autre, émerger la formation populiste de droite Ciudadanos (parti des citoyens) surfant sur un discours anti-corruption, dans un contexte de scandales incessants. Cette situation de crise et d’instabilité politique rend compliquée la formation des futurs gouvernements locaux et régionaux.
L’approche politique de Pablo Iglesias et de la direction de Podemos consiste à modérer le programme politique, en renonçant entre autres au non-paiement de la dette et à l’introduction d’un revenu de base pour tous, afin de paraitre plus ‘‘réaliste’’. Cette attitude est remise en question. Ce débat doit être initié et mené parmi les membres et sympathisants de Podemos via des assemblées. Il est nécessaire de présenter une perspective audacieuse de gauche radicale, en ligne avec le programme initial de la formation. La leçon de la débâcle électorale d’Izquierda Unida (Gauche Unie) en Andalousie – en grande partie due à sa participation à un gouvernement d’austérité avec le PSOE sous le prétexte de faire barrage à la droite – doit également être tirée.
Notre section-sœur en Espagne, Socialismo Revolutionario (SR), qui travaille au sein d’Izquierda Unida comme au sein de Podemos, appelle à voter en faveur de candidats qui s’opposent à l’austérité. SR lutte pour des autorités qui osent mener une véritable politique de rupture, de non-paiement de la dette et de nationalisation des banques et des secteurs clés de l’économie sous contrôle et gestion démocratique.
Les listes de confluence de gauche aux municipales
Dans certaines villes, les listes de confluence de gauche permettent une candidature anti-austérité unifiée pour les municipales avec la participation entre autres de Podemos, d’Izquierda Unida, d’écologistes de gauche, de nationalistes de gauche, de syndicalistes, d’activistes des mouvements sociaux, etc. C’est le cas par exemple avec Zaragoza en Común, Marea Atlántica à A Coruña, Barcelona en Comú (malgré l’absence de la CUP, parti nationaliste de gauche catalan). Dans toutes ces grandes villes, les listes de confluence de gauche sont deuxièmes dans les sondages. Barcelona en Comú est même donnée gagnante dans certains sondages, ouvrant la possibilité d’une mairie anti-austérité tirée par Ada Colau, porte-parole de la plate-forme contre les expulsions des logements. Toutefois, dans de nombreuses villes, ce processus a été chaotique, comme à Madrid où la direction locale d’Izquierda Unida a décidé de se présenter à côté de la liste Ahora Madrid.
Socialismo Revolutionario a joué un certain rôle dans ce processus de confluence de gauche à Badalona, une municipalité voisine de Barcelone, en défendant un front uni de gauche et des mouvements sociaux. La liste Guanyem Badalona en Comú est soutenue par Podemos, la CUP, Procés Constituent, SR et les secteurs critiques d’IU et des Verts. Le secteur critique d’IU – l’aile gauche à laquelle participe SR – s’est opposé à la direction qui a renoué avec la vieille coalition entre IU et les Verts. Ceux-ci ont été rejoints par les perdants des primaires de Podemos. Cet exemple est indicatif de la situation dans de nombreuses villes en Espagne où l’obstacle principal était incarné par certaines directions d’IU qui ont considéré les listes de confluence de gauche comme une atteinte à leur petite part de pouvoir. Il est urgent d’unir les secteurs critiques autour d’un programme de virage à gauche et en faveur d’un front uni à la base, au sein ou en dehors d’IU.
Des mairies de gauche ou des élus de gauche pourraient être utilisés pour aider à stimuler la résistance active des travailleurs contre l’austérité autour d’un programme qui désobéit à l’imposition de coupes budgétaires par le gouvernement national.
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MEETING Syriza, Podemos et perspectives de luttes en Belgique
Quelles sont les perspectives de luttes sociales en Europe et en Belgique ? Comment renforcer la solidarité européenne et internationale pour les soutenir ?« En janvier 2015, un évènement d’une portée politique historique s’est déroulé en Europe. En portant au pouvoir un parti qui refuse le discours néolibéral, le mouvement ouvrier grec a ébranlé la classe dominante grecque et européenne. »
MEETING en présence d’orateurs de SYRIZA, mais aussi d’orateurs belges comme JEAN-FRANÇOIS TAMELLINI (secrétaire fédéral de la FGTB) et BART VANDERSTEENE (porte-parole national du PSL).
Ce samedi 30 mai, 15h, à La Maison Des Huit Heures à Charleroi, 23 Place Charles II.
La crise économique qui a éclaté en 2008 a déclenché une vague de politique d’austérité. Après avoir sauvé le système bancaire mondial à coup de milliers de milliards, les gouvernants ont présenté la note à la population. Celle-ci n’est pas restée sans réaction. De par le monde des vagues de femmes et d’hommes se sont levé-e-s : révolutions en Afrique du Nord et au Moyen Orient, luttes des étudiants aux Chili et au Québec, luttes aux USA, combat autour de la question salariale à Seattle, luttes des enseignants et dans les transports au Brésil, mais aussi à Shanghai, en Afrique du Sud, au Burkina Faso, au Sénégal,…
L’Europe n’est pas restée à l’écart de ce processus. En Europe du Sud, les luttes énormes de la classe ouvrière ont conduit à l’émergence de partis politiques à gauche des partis traditionnels. En Belgique, le plan d’action syndical de l’automne 2014 a démontré le potentiel du mouvement des travailleurs.
Venez en débattre avec nous le 30 MAI à 15H à la « Maison des 8h » à CHARLEROI.
Entrée à PRIX LIBRE. -
Après la Grèce, les regards se portent vers l’Espagne
L’imposition des politiques d’austérité a entraîné des millions des Grecs et d’Espagnols à sortir dans la rue pour protester contre la diminution des salaires, les coupes budgétaires et les privatisations. En Espagne, les manifestations ont abouti à des mouvements de masse contre l’austérité à l’instar de celui des Indignés et des marches de la dignité. L’apparition de Podemos a donné une expression politique à ces mouvements et, depuis son irruption aux élections européennes, a changé la donne politique espagnole. La nouvelle vague d’élections offre des opportunités aux forces de gauche alternatives: élections en Andalousie en mars, aux parlements des communautés autonomes et aux conseils municipaux en mai, en Catalogne en septembre et générales en novembre.Par Marisa (Bruxelles), article tiré de l’édition d’avril de Lutte Socialiste
Crise des partis traditionnels et opportunités pour la gauche
Selon les premiers sondages de 2015, Podemos se situerait autour des 27% pour les prochaines élections générales, ce qui en ferait la première force politique du pays. Le Parti Populaire (PP, droite) actuellement au pouvoir diminuerait de 44,6% (élections générales de 2011) à 20%. Les sociaux-démocrates du PSOE, en pleine chute eux aussi, se retrouveraient autour des 18%. Cela confirme la crise politique dans laquelle sont plongés les instruments politiques de la classe dominante, la bourgeoisie. L’autorité du ‘‘régime de transition’’, né autour de l’année 1978 après la mort du dictateur Franco, est aujourd’hui discréditée : le système bipartite espagnol construit autour des faux rivaux du Parti Populaire et du PSOE, la monarchie, la Constitution et le système des communautés autonomes sont en crise. Le discrédit est encore plus accentué par les multiples cas de corruption inhérents à ce système capitaliste pourri où les inégalités ne cessent d’augmenter (1). On assiste parallèlement à la montée dans les sondages de la formation populiste de droite Ciudadanos, dont la rhétorique repose sur un renouvellement démocratique et la lutte anti-corruption, ce qui sert à masquer leur programme de destruction de la sécurité sociale.
Pour les élections municipales, les initiatives de convergence des forces alternatives de gauche anti-austérité peuvent devenir les exemples de ce qu’il est possible de réaliser à l’avenir au niveau de l’État. Même si les initiatives sont assez variées et connaissent différents stades de développement, elles ouvrent la possibilité de réaliser des majorités de gauche dans certaines municipalités. A Barcelone par exemple, l’initiative a été impulsée par Guanyem (“Gagnons”), une plateforme de militants et d’activistes des mouvements sociaux sur base d’un accord entre plusieurs formations: Podemos, ICV-Esquerra Unida (alliance entre écologistes de gauche et la formation ‘‘Gauche Unie’’ en Catalogne), Equo (autres écologistes de gauche) et Procés Constituent. Des listes unitaires, généralement sous le sigle de ‘‘Ganemos’’, auxquelles participent notamment Podemos, Izquierda Unida (‘‘Gauche Unie’’) et Equo, se sont aussi constituées à Córdoba, Zaragoza, Palma de Mallorca, Burgos, Bilbao, etc. Dans d’autres villes, pareille alliance a été plus difficile à concrétiser, comme à Madrid où Izquierda Unida n’a pas intégré l’initiative et à Seville où Podemos présente sa propre initiative séparée.
La ‘‘casta’’ et le ‘‘peuple’’
Podemos a illustré que la possibilité de vaincre est bien réelle. Son succès a quelque chose à voir avec la vision défaitiste des directions syndicales et de la direction d’Izquierda Unida, formation qui participe même à certaines majorités avec la social-démocratie. Une victoire de Podemos, après celle de Syriza en Grèce, livrerait une grande occasion de briser l’austérité au niveau européen. Mais tant en Grèce qu’en Espagne, la question qui se pose n’est pas seulement de gagner mais aussi de comment gagner, avec quel programme et quelle stratégie. Le discours de Podemos surfe sur un certain sentiment anti-parti présent dans les mouvements de masse. Pablo Iglesias et d’autres dirigeants de l’initiative proclament que Podemos n’a pas un profil idéologique, que la formation n’est ‘‘ni de gauche ni de droite’’. Ils soulignent l’existence de ‘‘la casta’’, une caste corrompue de patrons et de politiciens capitalistes. Ils disent que ‘‘Podemos est le peuple’’ parce qu’il reflète sa volonté et parce que c’est la base qui se prononce concernant les décisions internes.
Podemos représente bien la volonté d’une majorité des gens de punir les politiciens vendus et d’en finir avec l’austérité. Le peuple avec lequel les activistes des mouvements sociaux s’identifient est la partie du peuple qui subit l’impact de la crise (les travailleurs avec ou sans emplois, les jeunes, les pensionnés,…) et pas la partie qui en bénéficie (les capitalistes). Le phénomène de Podemos est l’expression d’un mouvement de classe sceptique vis-à-vis des partis et des syndicats, qui s’organise à l’extérieur des organisations traditionnelles des travailleurs. Cette ambiguïté et ce manque de clarté de Podemos par rapport à la classe sociale qu’il représente peut devenir un élément décisif entre la poursuite d’une ligne de rupture avec le capitalisme ou un ‘‘capitalisme à visage plus humain’’.
Après un processus de formalisation de sa structure, une “assemblée citoyenne” (en ligne) s’est consolidée comme organe où les adhérents à Podemos peuvent choisir leur direction et se prononcer sur des décisions importantes. Le pouvoir réel de décision réside néanmoins au sein du noyau central de la direction, autour de Pablo Iglesias (secrétaire général) et de son équipe. Toute l’attention médiatique s’est concentrée sur lui ces derniers mois. Les ‘‘cercles’’, ou assemblées démocratiques locales, auraient pu servir de piliers fondamentaux à Podemos dans les quartiers et les lieux de travail. Cela aurait constitué une occasion précieuse d’impliquer activement les travailleurs à tous les niveaux de la formation. Par contre, les cercles limitent leur activité à voter pour des candidats et à lancer des idées pour le programme. Cette culture politique perpétue la vision de représentant faisant de la politique au nom du peuple.
Un programme pour s’adapter au contexte ou pour le changer ?
La Grèce illustre jusqu’où la classe dominante peut aller pour faire pression afin d’éliminer les points de programme les plus radicaux. Un processus similaire est à l’œuvre en Espagne avec Podemos. En 2014, Podemos est sorti des élections européennes avec un programme intégrant les revendications de divers mouvements sociaux. Mais dans le dernier document de discussion sur le programme économique, certains points du programme de base sont tombés ou ont été modérés. L’âge de la pension est ainsi passé de 60 à 65 ans, le droit à un revenu de base pour tous est devenu un plan d’urgence pour les familles et les personnes en exclusion, la position adoptée vis-à-vis de la dette publique est passée d’un audit citoyen destiné à délimiter la partie illégitime de la dette à ne pas rembourser à une restructuration de la dette coordonnée avec l’establishment et à une révision des conditions de payement, etc.
L’argument en faveur de ces concessions programmatiques est qu’il faut être plus réaliste face au contexte actuel. Il est vrai qu’un programme doit tenir compte du contexte et des ressources disponibles. Le contexte actuel est celui de la crise capitaliste, de l’austérité, du remboursement de la dette et des diktats de la Troika. Ce contexte ne laisse aucune marge pour appliquer un programme basé sur les besoins de la majorité, il faut donc le changer afin de rendre possible les politiques nécessaires. Continuer à rembourser la dette signifie que l’argent dépensé ne sera pas investi dans la création d’emplois et dans le développement des conditions matérielles permettant une vie digne. Refuser de nationaliser les banques et les secteurs stratégiques de l’économie sous contrôle démocratique signifie que l’économie reste aux mains du marché et non au service de la population.
Mariano Rajoy, le chef du gouvernement espagnol, a fortement réagi contre Alexis Tsipras durant les réunions de l’Euro-groupe dans le but de discréditer les revendications anti-austéritaires grecques, car il voit en Syriza ce que Podemos pourrait devenir en Espagne. La peur de la classe dominante face à cette contagion anti-austéritaire à d’autres pays d’Europe est énorme. La victoire de Syriza en Grèce a été précédée par de nombreuses années de néolibéralisme et par plus de 30 grèves générales. En février, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté pour soutenir le gouvernement Syriza et exiger une attitude ferme face à l’Euro-groupe.Grâce à la pression et à la mobilisation de la base, les politiques de rupture peuvent gagner le soutien large de la majorité. Le plan électoral n’est qu’une expression de la lutte des classes. Ne cédons pas à la pression pour limiter nos mouvements. Plus de 100.000 personnes ont participé à la ‘‘marche pour le changement’’ le 31 janvier dernier à Madrid à l’appel de Podemos. Son message était que : ‘‘Le changement qui semblait impossible auparavant est aujourd’hui de plus en plus proche. Il faut expulser la caste et récupérer les institutions pour le bien-être des gens ordinaires.’’ Une nouvelle vague de lutte intense en Espagne pourrait pousser Podemos vers la gauche et créer de nouvelles opportunités pour la résistance en Europe contre l’austérité. Socialismo Revolucionario (section espagnole du Comité pour une Internationale Ouvrière et organisation-sœur du PSL) défend un programme de transformation socialiste de la société et souligne le besoin de la mobilisation et de l’organisation des travailleurs, avec leurs propres outils politiques basés sur la démocratie ouvrière.
(1) L’Espagne est le pays de l’OCDE où les inégalités ont le plus augmenté depuis le debut de la crise http://www.huffingtonpost.es/2014/03/18/espana-ocde-desigualdades_n_4984228.html
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Podemos, le Syriza espagnol ?
L’élection d’un gouvernement dominé par Syriza en Grèce a encouragé les forces de gauche anti-austérité à travers toute cette Europe ravagée par la crise, et même bien au-delà. Mais ce n’est nulle part plus le cas qu’en Espagne, là où Podemos, une force considérée comme le « Syriza espagnol », prend de plus en plus d’ampleur.Par Danny Byrne, Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO)
Les sondages mettent régulièrement Podemos en première ou deuxième position avec plus de 20% de soutien, menaçant la survie du système bipartite espagnol construit autour du Parti Populaire et du PSOE. Plus de 100.000 personnes ont encore tout récemment participé à la « marche pour le changement » qui a eu lieu à Madrid à l’appel de Podemos le 31 janvier dernier. L’année 2015 verra de nombreuses élections dans l’Etat Espagnol et Podemos sera à n’en pas douter une force avec laquelle il faudra compter.
Podemos prévoit que son score va inexorablement augmenter dans ces élections jusqu’au point culminant de la prise du pouvoir. Même si la possibilité d’une majorité absolue paraît très mince, du moins à ce stade, les deux principaux partis capitalistes espagnols – le PP conservateur et le PSOE ex-social démocrate – pourraient être forcés de former une « grande coalition » destinée à freiner l’avance de Podemos. Une telle manœuvre ne ferait qu’accélérer la spirale mortelle de ces deux partis, tout particulièrement concernant le PSOE.
A l’instar de Syriza, Podemos a frappé les esprits de millions de personnes qui l’ont considéré comme un outil potentiel pour en finir avec le cauchemar de l’austérité en Espagne et réclamer une vie digne après des années de déchéance. Podemos pourra-t-il tenir ses promesses et satisfaire ces aspirations ?
Podemos était au devant de la scène lors du rassemblement de clôture de la campagne de Syriza, son dirigeant Pablo Iglesias rejoignant Alexis Tsipras dans son discours final aux cris de « Syriza, Podemos, Venceremos » (« nous allons gagner » en espagnol). Cependant, alors que Syriza provient d’une alliance de groupes de gauche, Podemos a émergé en tant que nouveau mouvement, séparé des partis de gauche traditionnels.
A bien des égards, le succès de Podemos est un produit de l’échec des organisations traditionnelles de la gauche et du mouvement des travailleurs. Alors qu’une nouvelle période de lutte des classes intense et de changement radical survenait, les directions de ces organisations – en particulier Izquierda Unida (Izquierda Unida, IU) – ont continué les vieilles politiques de collaboration et d’accords avec le système et les partis du patronat. Ainsi, pour les millions de personnes en lutte contre l’austérité (en particulier ceux qui viennent du mouvement d’occupations Indignados), la gauche traditionnelle et les syndicats paraissent plus comme étant une partie du système que comme une force qui mène la lutte contre celui-ci.
Podemos est apparu comme une alternative avec un programme de gauche anti-austerité et un programme pour annuler la dette illégitime. Il a employé beaucoup de la phraséologie et des revendications des Indignados et d’autres mouvements sociaux et ne traîne pas la casserole d’avoir géré le système dans le passé, ce qui le rend attractif pour la nouvelle génération.
« Le peuple »
Centré autour de Pablo Iglesias et d’autres universitaires de gauche, Podemos a insisté sur l’existence de « la casta » – une caste politique corrompue de politiciens capitalistes. Cela a exploité le sentiment massif de rejet du capitalisme, exprimé par les Indignados dans un sentiment anti-parti. Podemos déclare représenter l’entrée « du peuple » dans la politique, par-dessus la tête des politiciens discrédités.
Ses dirigeants ont mis Podemos en avant non pas comme un parti dans le sens traditionnel du terme, mais comme un « espace participatif » par lequel le peuple d’Espagne peut faire entendre sa voix politique dans son ensemble. Son fondement organisationnel n’est pas un réseau de sections ou de comités de la base, mais des « assemblées citoyennes » ouvertes à tous les citoyens espagnols. La direction de Podemos est élue par des primaires sur internet. Plus tard, des votes seront organisés concernant les questions politiques importantes sur base de consultations en ligne. Plus de 300.000 personnes se sont inscrites pour y participer.
D’après ses dirigeants, cela signifie que « Podemos est le peuple ». Certaines contradictions sont toutefois présentes. N’y a-t-il pas une partie du peuple qui, plutôt que de vouloir en finir avec l’austérité, veut au contraire la défendre ? Il y a assurément des gens qui en bénéficient, comme les grands banquiers et les actionnaires à qui l’odieuse dette publique est payée, et qui font aprtie du « peuple ». Il est crucial pour le mouvement anti-austérité de comprendre que le peuple qui a besoin d’une voix politique, ce sont les travailleurs, les chômeurs, les jeunes, les pensionnés, etc. En d’autres termes, la classe des travailleurs prise au sens large, dont les intérêts vont à l’encontre de ceux d’un autre « peuple » : la classe capitaliste.
Pour les révolutionnaires socialistes, impliquer la classe des travailleurs dans la politique signifie de les rendre actifs au sein de structures démocratiques qui permettent la discussion, le débat et la prise de décision collectifs concernant la politique et la stratégie du mouvement. Cela signifie bien plus qu’un simple clic occasionnel dans une élection ou un référendum en ligne.
Podemos a des centaines de « cercles », ou sections, dans tout le pays, mais elles ont un rôle symbolique en ce qui concerne son fonctionnement. L’absence de cercles de masse dans les quartiers et les lieux de travail pour servir de briques à la construction de Podemos signifie qu’en pratique, il fonctionne vraiment du haut vers le bas. Podemos a une direction très restreinte – autour du secrétaire général Iglesias – qui décide de tout.
Démocratie ?
Cette manière de fonctionner, tout en se parant de phraséologie démocratique, assigne à la masse du peuple un rôle passif. Il s’agit d’un obstacle à la construction d’une force politique véritablement démocratique et massive pour la classe des travailleurs espagnole.
Des dizaines de milliers de personnes sont sorties en rue pour « la marche pour le changement » pour finalement être simplement renvoyées chez elles après qu’on leur ait dit de voter pour Podemos quand le temps serait venu ! Une telle mobilisation aurait dû servir de point de départ pour un mouvement de masse durable de manifestations et de grèves destiné à renverser le gouvernement et à mettre fin à l’austérité. Une potentielle victoire électorale ne représente qu’un épisode de ce processus.
La question est loin d’être académique étant donné les affrontements avec le big business et la Troika que provoqueraient l’adoption de mesures anti-austérité (comme cela s’est vu en Grèce). Tout gouvernement de gauche ne peut appliquer que les politiques qu’il est capable de défendre dans la rue et sur les lieux de travail. La mobilisation et l’auto-organisation de la classe des travailleurs est une préparation précieuse pour une telle éventualité.
Les dirigeants de Podemos, reflétant d’une certaine façon ceux de Syriza, ont également viré vers la droite à mesure que leur soutien montait. Le programme initial de Podemos était un programme radical de gauche, qui promettait un revenu décent universel pour tous, le droit au logement et la nationalisation des secteurs stratégiques de l’économie. Cependant, au cours de ces derniers mois, les dirigeants ont modéré leur rhétorique, laissant tomber des promesses-clé comme la retraite à 60 ans et le non-paiement de la dette au nom du « réalisme » et du « contexte » international qui rend ces projets impossibles.
Il est vrai qu’il existe un « contexte » qui agit contre les mesures nécessaires pour en finir avec la misère des travailleurs. Ce contexte, c’est celui de la domination continue des multinationales et des banquiers. Les marchés et les institutions (nationales comme européennes) vont agir contre tout gouvernement qui essaie de gouverner en faveur du peuple. Cependant, au lieu d’accepter cela et d’adapter son programme à ce qui est possible dans ce cadre, les mouvements de masse de la classe des travailleurs contre l’austérité ont besoin de lutter pour transformer ce contexte et briser ce cadre !
Des politiques socialistes
Seule l’organisation et la mobilisation de la classe des travailleurs et l’arrivée d’un gouvernement de gauche armé d’une politique révolutionnaire socialiste visant à remplacer la dictature des marchés par une démocratie des travailleurs basée sur la propriété publique démocratique des richesses peut faire face à cette tâche. Un tel gouvernement se lierait à la classe ouvrière de Grèce, d’Irlande, du Portugal et de toute l’Europe pour construire une fédération socialiste sur les cendres de UE capitaliste.
Socialisme Revolucionario, l’organisation sœur du Parti Socialiste de Lutte dans l’Etat espagnol, lutte pour organiser un pôle révolutionnaire de la gauche, des travailleurs et des mouvements sociaux en défense d’une telle stratégie.
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Espagne : La mort annoncée du régime de “Transition”
La Catalogne, Podemos et la gauche
En Espagne, le status quo social et politique existant a toujours été condamné à être balayé par la crise. L’Espagne n’est pas un pays avec un régime politique et des institutions apparemment éternelles et immuables, mais un pays où la révolution et les soulèvements ont régulièrement et répétitivement donné le ton du changement au cours de ces derniers siècles. La constitution espagnole actuelle, l’arrangement territorial, le système de partis politiques est la Monarchie sont des produits de la « transition » des années 1970, un processus de sabotage paniqué pour en finir avec le régime de Franco tout en parant la menace de la révolution. Ce que nous voyons maintenant est le commencement de la décomposition inévitable de ce régime de « transition », souvent appelé le « régime de 78 » (en référence à la constitution de 1978).
Danny Byrne, Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO)
Sur presque tous les fronts, la crédibilité du « régime de 78 » est en loques. Ses deux principaux partis ont échoué à rassembler plus de 50% de soutien à eux deux, alors que les partis qui appellent à la « rupture » avec le régime (en particulier Podemos) sont en progrès constants. Sa monarchie est en crise, comme le montre l’abdication paniquée de Juan Carlos et son remplacement par Philippe VI. Le peuple catalan réclame un référendum sur l’indépendance, avec une majorité pour la séparation dans les sondages.
Aucune de ces contradictions fondamentales qui ont toujours été la plaie du capitalisme espagnol n’ont été résolues par la « Transition ». Elles ont été à peine masquées, et sont à nouveau dévoilées sous nos yeux. La crise actuelle offre cependant une nouvelle opportunité à la classe ouvrière et aux opprimés de faire ce qu’ils ont essayé de faire et ont tragiquement échoué à la fois pendant les années 1930 et 1970 : surmonter de façon permanente ces contradictions par un changement révolutionnaire.
Catalogne: Plébiscite suspendu, puis annulé
Suite à la courte victoire du « Non » dans le référendum pour l’Indépendance de l’Écosse, les principaux membres du gouvernement du PP ont admis leur soulagement. Les travailleurs et les jeunes ont failli marquer un dangereux précédent, que les Catalans et les Basques seraient plus que prêts à suivre. Rajoy et ses amis – soutenus sans conditions par le PSOE, ex-social-démocrate – se sont rassurés en se disant que les Catalans n’auraient pas la chance de créer une telle agitation. Il ne devait pas être question pour eux de voter. Des millions de Catalans sont descendus en rue pendant 3 ans d’affilée en faveur de l’indépendance, dernièrement le 11 septembre.
Les choses sont devenues critiques fin septembre. Plus de 80% des membres du parlement catalan ont voté une loi autorisant l’appel à un plébiscite Catalan (il ne s’agit donc pas d’un référendum contraignant) sur l’indépendance. Le président Catalan, Artur Mas, a ensuite signé un décret y appelant, pour le 9 novembre. Rajoy et son cabinet ont convoqué une réunion d’urgence et, de manière prévisible, ont appelé le Tribunal Constitutionnel à interdire le plébiscite, ce qu’ils ont fait quelques heures plus tard.
L’interdiction du plébiscite par le gouvernement central n’a surpris personne, et était en fait annoncée des moins à l’avance. La constitution de 1978 a été conçue pour bannir le droit à l’auto-détermination. La question-clé pour ceux qui sont déterminés à exercer le droit de décider (en fait, le droit à l’auto-détermination) est : comment construire un mouvement capable de briser les limites « légales » du régime de 1978 ?
Aucune confiance pour les partis capitalistes dans la lutte pour l’auto-détermination
L’action du gouvernement Catalan d’Artur Mas (parti CiU) ces derniers jours a partiellement répondu à cette question, dans le sens qu’il est maintenant très clair que ce parti ne va jamais construire ni diriger un tel mouvement. La capitulation et la résiliation de CiU était aussi inéluctable que l’interdiction du plébiscite par le PP. Socialismo Revolucionario (SR, section-soeur du PSL dans l’Etat espagnol) l’avait expliqué clairement à plusieurs reprise depuis que le projet de plébiscite avait été annoncé.
Il semblerait que le gouvernement Catalan va maintenant essayer de sauver la face en remplaçant le plébiscite prévu par un plébiscite « officieux » organisé par des volontaires, qui ne sera pas contraignant. Cela est largement perçu comme une trahison.
CiU (une coalition de 2 partis, dont l’un est ouvertement contre l’indépendance) est le parti traditionnel de la classe des hommes d’affaires nationaliste Catalane. Avant son tournant vers le mouvement pro-indépendance, il était le colleur d’affiches des gouvernements d’austérité en Espagne, et s’est engagé dans de nombreux pactes avec le PP pour soutenir la casse des services publics et des droits sociaux. Faut-il s’étonner qu’un tel parti ne veuille pas aller jusqu’au bout et s’opposer à la légalité du régime de 1978 ? Après tout, ses prédécesseurs faisaient partie de ceux qui ont signé et étaient d’accord avec cette même constitution espagnole qui interdit les référendums.
ERC (Gauche Républicaine, un parti social-démocrate pro-indépendance) d’un autre côté met en avant une position apparemment plus combative et est maintenant devant CiU dans les sondages. Ils appellent abstraitement à la « désobéissance », et même à la déclaration d’indépendance unilatérale par le gouvernement Catalan. Cependant, ils n’ont pas proposé d’étapes concrètes pour traduire la rhétorique en action. En pratique, ils ne sont pas allés au-delà des propositions timides de CiU d’Artur Mas, dont ils maintiennent le gouvernement minoritaire au pouvoir. ERC n’est pas non plus étranger à l’austérité et sa position pro-indépendance radicale est relativement récente.
La tendance des partis pro-capitalistes à refuser de lutter contre le capitalisme espagnol n’est pas seulement une question de détermination ou de fibre morale ; elle reflète des contradictions de classe. Le milieu des affaires et les riches Catalans ne voient pas de futur viable au-delà des limites du capitaliste espagnol, dans lequel ils sont intégrés. Seule la classe ouvrière majoritaire – et les couches intermédiaires dévastées de la société Catalane – a intérêt à lutter pour les pleins droits démocratiques et nationaux. Par conséquent, la classe ouvrière doit prendre la direction de la lutte.
La classe des travailleurs doit prendre la direction du mouvement
Comme le disait la déclaration de SR suite à l’annulation : « une déclaration d’indépendance de la part du parlement semble très radicale et militante, mais si elle n’est pas accompagnée d’un processus de mobilisation de masse des travailleurs et des pauvres pour la réaliser, elle représenterait seulement de la phraséologie. Dans ce processus, nous avons vu beaucoup de déclarations parlementaires radicales, mais très peu dans la voie d’un réel changement ».
« Si nous voulons nous opposer au Tribunal Constitutionnel et au PP, nous ne pouvons nous baser que sur notre propre pouvoir, le pouvoir de la classe ouvrière, des 99% mobilisés et organisés. Les organisations ouvrières, les mouvements sociaux, EuiA (Izquierda Unida en Catalogne), le CUP (les nationalistes de gauche), Podemos et les syndicats devraient former un front uni et commencer une campagne de mobilisations – dans la rue et les lieux de travail – pour s’opposer au Tribunal Constitutionnel.
« l’idée d’un front uni « national » avec les partis de l’austérité capitaliste devrait être immédiatement abandonnée par la gauche. Ce dont nous avons besoin, c’est d’un front uni des 99%, armés d’une alternative politique, et d’un plan pour lutter pour le mettre en œuvre. L’allié clé des travailleurs Catalans dans cette lutte ne peut pas être le capital catalan, mais les travailleurs du reste de l’État espagnol, unis dans la lutte pour une solution socialiste internationaliste à la misère de la crise capitaliste.
La seule solution authentique à cette question requiert un mouvement uni des travailleurs et des jeunes de tout l’État espagnol, avec la lutte pour l’auto-détermination et le socialisme imprimée sur sa bannière, au sein d’une lutte internationale pour une nouvelle société.
Le système des deux partis en crise
La décomposition du régime de 1978 se reflète aussi dans la crise historique de son système de deux partis. Durant les années de boom économique et de stabilité, le PP et le PSOE ex-social-démocratique ont joui d’un soutien combiné de plus de 80%. Au élections européennes de mai, ils n’ont pas atteint 50% à eux deux. Depuis, les sondages ont même situé leur soutien total à un peu plus de 40%. C’est peut-être la plus inquiétante des crises auxquels le capitalisme fait actuellement face.
L’alternance de pouvoir de ces deux partis a été un outil-clé pour le maintien de la classe ouvrière sous sa domination politique durant la période historique depuis les années 1970. Peu importe à quel point un de ses partis se faisait haïr, l’autre prenait la relève. Cependant, cette stabilité appartient au passé. Si les élections avaient lieu demain, aucun de ces partis ne serait près de former son propre gouvernement – ils pourraient même devoir gouverner ensemble dans une « grande coalition. C’est en raison de cette nouvelle incertitude et de cette menace à l’hégémonie politique capitaliste que Podemos, le nouveau parti lancé juste avant les élections européennes, représente un tel casse-tête pour la classe ouvrière aujourd’hui.
D’où vient ’Podemos’?
L’énorme déconnexion entre les masses et le système biparti s’est d’abord exprimé d’une façon explosive en mai 2011, avec le mouvement « Indignados ». 4 ans plus tard, Podemos a surgi sur scène en tant qu’expression politique de cette déconnexion. Il combine un programme similaire à celui de Gauche Unie (Izquierda Unida) avec une dénonciation virulente de « la casta », la « caste » politique qui domine tous les partis dominants, qui servent tous les mêmes intérêts. Mais comment Podemos a-t-il grandi si rapidement, si on prend en compte l’existence et la croissance jusqu’ici prometteuse d’Izquierda Unida ?
Avec la nouvelle période ouverte par le mouvement Indignados, les partis de gauche alternatifs, en particulier IU, avaient une opportunité en or de traduire cela en la construction d’une alternative politique révolutionnaire de masse. Le CIO et SR l’ont souligné de nombreuses fois que cela serait possible uniquement sur base d’une « refondation », en rompant avec les pratiques passées qui ont associé Izquierda Unida au régime de 78 aux yeux de millions de gens.
Cela signifiait ouvrir ses structures, mettre en place la démocratie des Indignados et des mouvements sociaux basée sur les assemblées – qui en réalité reflétait les meilleures traditions du mouvement ouvrier et communiste espagnol. Cela signifiait aussi rompre avec la politique de coalition et défendre un défi de gauche indépendant à l’establishment et au système politiques.
Tout en n’ayant pas un programme à gauche de Izquierda Unida , Podemos n’a aucun de ses « bagages ». Tout en n’ayant pas germé organiquement du mouvement des Indignados, Podemos parle son langage, et lui a donné une expression politique, qui en elle-même représente un pas en avant par rapport au sentiment « anti-parti » qui a marqué ces manifestations. Il est organisé sur base de « cercles » et « d’assemblées citoyennes », ce qui fait écho aux revendications de plus de participation démocratique directe, présentes dans toutes les luttes les plus importantes ces dernières années en Espagne.
Débat sur les structures démocratiques
Cependant, les propositions de la direction de Podemos sur la façon d’organiser ne satisfont pas la revendication de structures réellement démocratiques, et ont provoqué des débats et divergences importantes. 3 des 5 parlementaires de Podemos ont soutenu une proposition alternative à celle de Pablo Iglesias, le principal fondateur et dirigeant de Podemos, sur ses structures. Sa proposition contient l’élection directe du secrétaire général tous les 3 ans, qui nommerait personnellement un exécutif, que l’assemblée ne ferait que ratifier ou approuver automatiquement. Il ne donnerait aucun rôle concret aux « cercles » de Podemos (les sections/assemblées de Podemos) dans les prises de décisions, avec des référendums en ligne comme substitut.
Cette proposition tient plus de l’approche « de bas en haut » que du discours « par en-bas » qui attire les masses vers Podemos. La clé pour un Podemos « par en-bas » vraiment démocratique est la construction d’une masse de membres actifs, et le rôle des « cercles » démocratiques qui fonctionne comme un contrôle démocratique sur une direction collective élue et révocable.
Encore plus inquiétant, Iglesias et son cercle dirigeant proposent de bannir les membres d’autres organisations et partis politiques de toute position ou responsabilité dans Podemos. Alors que les membres des partis des patrons ne peuvent pas être autorisés à participer, ceux impliqués dans Podemos qui appartiennent aux partis ou tendances impliquées dans la lutte contre l’austérité et le système biparti doivent avoir le droit démocratique d’organiser et de participer à Podemos, tout en défendant leur propre point de vue.
« Ni de droite ni de gauche ? » Nécessité d’un programme socialiste révolutionnaire
L’approche audacieuse de Podemos, « Nous sommes là pour gagner », est aussi une bouffée d’air frais pour ceux qui sont malades du manque d’ambition montré par ces dirigeants d’ Izquierda Unida, dont l’ambition est de servir de partenaires minoritaires aux gouvernements du PSOE. La question est de savoir comment un mouvement peut être construit pour vraiment gagner, changer le gouvernement et le système. C’est la question-clé qui doit être débattue à la fois dans Podemos, Izquierda Unida et partout ailleurs.
La perspective d’un gouvernement dirigé par Podemos gagne de l’élan dans la société espagnole. Podemos a atteint plus de 20% dans beaucoup de sondages, menaçant à la fois PP et le PSOE. Le soutien total de Podemos, Izquierda Unida et des autres forces de gauche dans les sondages monte jusqu’à 30%. C’est un développement extrêmement important, mettant à portée de la classe ouvrière et des jeunes la perspective d’un gouvernement pour retourner la situation.
Cependant – de la même façon que pour Syriza en Grève – comme Podemos est monté dans les sondages, il subit une pression inévitable pour « modérer » ses perspectives et sa politique, à laquelle ses dirigeant on malheureusement concédé. Ils ont assuré aux médias que leurs intentions « n’étaient pas de rompre avec le capitalisme » dans le gouvernement, et ont expliqué que ce mouvement « n’est ni de gauche ni de droite ». Le ton auparavant radical des dirigeants sur le paiement de la dette a été aténué, remplacé par un message « responsable », que la dette doit être payée, mais d’abord « auditée et ré-négociée » avec la Troïka. Le récent pillage de l’Argentine par les créditeurs-vautours – plus de 10 ans après sa « restructuration modèle » de la dette – montre les limites de cette politique et ses conséquences désastreuses.
Le programme de Podemos, avec celui d’ Izquierda Unida et des autres forces de gauche, inclut des revendications et politiques-clé comme l’interdiction des expulsions et la garantie du droit à un revenu, que les socialistes révolutionnaires soutiennent et pour lesquelles ils luttent sans hésitations. Cependant, dans le contexte de la crise actuelle et des recettes d’austérité imposées par l’UE, un gouvernement élu sur un tel programme n’aurait pas de marge de manœuvre pour le mettre en œuvre, dans le carcan d’austérité de la Troïka. Il serait forcé de choisir entre ces politiques et son appartenance à l’euro-zone, et menacé de l’Armageddon, de la fuite des capitaux etc.
On ne peut répondre à ce chantage que sur base d’une politique socialiste révolutionnaire. La nationalisation sous contrôle démocratique des banques et l’imposition d’un monopole d’État sur le commerce étranger pourrait prévenir la fuite des capitaux et permettre le non-paiement de la dette pour investir des dizaines de milliards dans le financement d’une réelle relance des emplois et des conditions de vie. L’imposition d’un plan de production basé sur la propriété publique démocratique des principales industries pourrait ramener des millions de personnes au travail avec des conditions et un salaire décents. Cela pourrait être un flambeau pour les travailleurs de toute l’Europe – en particulier le Sud et l’Irlande. Ces derniers pourraient entrer en lutte et poser les bases d’une confédération alternative socialiste en Europe.
La propagation de ces idées révolutionnaires par la gauche, les mouvements sociaux et du mouvement des travailleurs en Espagne est la tâche fondamentale des révolutionnaires aujourd’hui. Socialismo Revolucionario (CIO en Espagne) lutte pour remplir cette tâche, dans IU, Podemos, et au-delà. Un front uni de ces organisations, organisées dans des assemblées sur les lieux de travail et dans les communautés, armées d’un programme socialiste, pourrait ouvrir la voie à une lutte pour un gouvernement des travailleurs. Cela poserait les fondations d’une nouvelle démocratie socialiste qui émergerait des cendres du régime pourri de 78. Si cette voie était adoptée, alors rien ne pourrait arrêter la révolution espagnole.
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Etat espagnol : un référendum pour la république !
Socialismo Revolucionario (section du Comité pour une Internationale Ouvrière dans l’État espagnol) a appelé à massivement participé aux manifestations du lundi 2 juin pour la république.
L’abdication de Juan Carlos Ier accentue davantage l’effondrement du régime du de 1978 (date de l’approbation de la nouvelle Constitution dans le processus dit de la “Transition démocratique” qui a mis fin au franquisme, NDT). Cette abdication n’est pas du tout fortuite. Elle fait partie d’une tentative de “deuxième transition” contrôlée par les élites et qui vise à contrôler et contenir les aspirations de tous ceux qui sont à la recherche d’une solution face à la situation de crise subie par la majorité de la classe des travailleurs.
Socialismo Revolucionario lance un appel à paralyser ce processus, pour occuper toutes les places autour des bâtiments de l’État en une grande clameur pour la tenue d’un référendum sur la monarchie et le modèle de l’État, en tant que point de départ vers la construction d’une république socialiste reconnaissant et respectant la volonté de tous les peuples de l’État espagnol actuel.
Nous appelons les organisations de la classe de travailleurs, les partis de gauche, les syndicats et les mouvements sociaux à se joindre à l’appel pour ce référendum, en utilisant tout leur pouvoir de mobilisation dans ce sens.
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Espagne : Izquierda Unida et les élections européennes
Pour un virage à gauche et un programme de rupture avec la Troika et le régime 78
À bas les manœuvres bureaucratiques! Luttons pour la démocratie ouvrière dans les organisations!
Par Socialismo Revolucionario (CIO-Etat espagnol)
Ces derniers mois, le débat a été vif dans les rangs d’Izquierda Unida (Gauche Unie), des syndicats et des mouvements sociaux en général au sujet de la campagne électorale d’IU pour les élections européennes. Ce débat a eu une large portée et a touché à la fois la façon de choisir les candidats et de composer la liste et le contenu politique de la campagne. Dans les dernières semaines du processus, surtout, la question qui a fait débat était de savoir si oui ou non Willy Meyer, actuel eurodéputé d’IU, allait à nouveau être tête de liste.
La récente décision du Conseil Politique Fédéral d’IU a clôturé le débat, pour le moment, avec l’approbation de la majorité d’une liste convenue avec Willy Meyer en tête de liste mais qui comprend également de nouveaux candidats remarquables (et critiques) à des postes importants. Socialismo Revolucionario (section du Comité pour une Internationale Ouvrière dans l’État Espagnol) est partisan de la lutte politique révolutionnaire au sein d’IU, et nous pensons que les marxistes peuvent tirer d’importantes leçons de cet épisode.
Une bureaucratie qui passe par dessus la volonté de ses membres
Ce débat a produit un changement important dans la façon dont IU met au point des listes électorales. Un processus de consultations et de référendums dans différentes fédérations a ouvert la voie à des discussions sur la composition des listes. Il s’agit bien sûr d’un changement bienvenu vers une plus grande démocratisation de l’organisation. Mais, cela a clairement été le fruit non d’un changement de conviction au sein de la direction d’IU mais bien de la pression de la base. C’est un reflet au sein d’IU des revendications et des méthodes de la démocratie ouvrière et du contrôle de la base de travailleurs qui ont caractérisé d’ailleurs les luttes ouvrières et sociales significatives de la dernière période (la lutte des balayeurs de la ville de Madrid, la grève des travailleurs de Panrico à Barcelona, la résistance des habitants du quartier de Gamonal à Burgos contre le plan de “développement” du gouvernement, etc). Au cours des dernières années, nous avons vu l’esprit des assemblées se répandre de plus en plus dans la société. Mais surtout le résultat du processus – la liste agréée par le CPF – nous montre que ce changement a été insuffisant.
Dans ce processus de consultations et référendums parmi les membres (et également ouvert aux sympathisants dans certaines fédérations) s’est révélée l’expression d’une large opposition au renouvellement de Willy Meyers comme tête de liste. Cette opposition – très positive selon nous – est due au fait que Willy Meyer, militant historique du Parti Communiste Espagnol, depuis des décennies à la direction du PCE et d’IU, représente pour bon nombre de gens le pire d’IU. Collaborateur du pactisme et du bureaucratisme, il est l’un des grands défenseurs du pacte entre IU et la social démocratie (PSOE) en Andalousie. Dans cette ligne, les propositions de candidatures alternatives – parmi lesquelles se distinguent la députée Valencienne Marina Albiol et l’activiste bien connu Javier Couso de Madrid – ont été remarquables de par leur défense d’une position clairement anticapitaliste avec une orientation vers la lutte de la classe ouvrière et populaire dans les rues et les entreprises.
Le débat a révélé plus précisément révélé le désir existant parmi de nombreux membres d’IU et de nombreux activistes autour d’eux d’un virage à gauche et vers la rue à l’intérieur d’IU. Comment est-ce malgré tout possible que Willy Meyer soit à nouveau tête de liste ? Cela s’explique par le poids de l’appareil d’IU, notamment dans les fédérations en Andalousie et à Madrid, et de l’appareil du PCE au niveau de l’État. Cela illustre l’existence d’une bureaucratie qui passe au-dessus de la volonté des membres et sympathisants d’IU et qui, à l’heure actuelle, se croit capable de déterminer la direction des événements dans l’organisation.
S’organiser pour réclamer la démocratie ouvrière
Il s’agit clairement d’une situation insupportable qui doit être combattue par la base et par l’aile gauche du mouvement. Nous devons exiger que les processus de consultations et référendums des militants soient contraignants et surveillés par des organismes indépendants et représentatifs des membres.
En outre, étant donné le contexte social d’augmentation de luttes combatives ouvrières et sociales, luttes que nous voulons aider à organiser tout en leur offrant une voix politique, ces processus devraient être ouverts à la périphérie sociale d’IU pour renforcer les liens entre l’organisation et les couches avancées de notre classe dans la lutte. Cette participation impliquerait la convocation d’assemblées ouvertes aux membres et aux sympathisants afin de débattre et de voter, et devrait être approchée du point de vue d’une lutte pour affilier aux rangs d’IU toute une couche de milliers de militants.
Pour organiser la mise en oeuvre de cette méthode, une unité de coordination du “secteur critique” d’IU au niveau de l’État est indispensable, afin de mener à la fois la lutte pour une démocratie ouvrière dans l’organisation, pour un fort virage à gauche et pour un programme de rupture avec le régime du 78 (le régime politique de développement capitaliste en Espagne après la dictature) et la Troika.
Bien que l’inclusion de Marina Albiol et Javier Couso dans la liste représente une percée pour les secteurs les plus critiques et combatifs de l’organisation, nous croyons que le fait de ne pas avoir présenté une liste alternative au CPF à celle conduite par Willy Meyer dès le début du débat est un erreur, car une liste alternative aurait servi de premier pas vers le développement d’un large secteur à gauche au sein d’IU. La feuille de route pour mettre clairement des politiques révolutionnaires en première ligne du mouvement ouvrier ne passe pas toujours par des consensus, mais parfois par la lutte entre deux camps opposés.
Pour une aile gauche critique armée d’une perspective révolutionnaire
Pour Socialismo Revolucionario, les discussions sur les questions organisationnelles – même si elles peuvent dévoiler beaucoup de l’orientation politique de chacun – sont secondaires face aux débats politiques concernant le programme et les perspectives politiques.
Dans ce sens, la perspective politique de l’appareil d’IU déterminé à imposer la candidature de Meyer – celle d’un gouvernement de coalition avec le PSOE – est celle contre laquelle il faut lutter, le plus largement possible, avec une aile critique à l’échelle de l’État capable de rassembler tous ceux qui veulent lutter contre cette perspective et pour une perspective d’indépendance de classe dans la lutte pour renverser le PP et imposer une alternative ouvrière.
Nous soutenons que cela ne pourra seulement avoir lieu qu’en lien avec une perspective révolutionnaire de lutte pour un gouvernement des travailleurs de rupture anticapitaliste qui appliquera des politiques socialistes, notamment l’instauration de la propriété publique des secteurs clés de l’économie, sur un base de démocratie ouvrière.
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Espagne 2014. Une reprise ? Pour qui ?
Que l’année 2014 soit celle de la grève générale politique !
Voici ci-dessous une version légèrement adaptée de l’éditorial de l’édition de février du journal La Brecha, publication de nos camarades de Socialismo Revolucionario, la section du Comité pour une Internationale Ouvrière dans l’Etat espagnol. Si cet article traite de la situation qui prévaut dans l’État espagnol, les leçons tirées des évènements économiques, politiques et sociaux de l’année 2013 sont extrêmement riches pour les travailleurs et les jeunes de toute l’Europe, dans le cadre de leur lutte contre l’austérité.
Pour l’État espagnol, l’année 2013 a représenté une aggravation des principaux processus mis en branle par la crise capitaliste qui a explosé il y a 5 ans de cela. Le naufrage de l’économie a continué à jeter des millions de personnes dans une extrême pauvreté au cours d’une année à nouveau marquée par des licenciements massifs, des attaques contre les salaires et des expulsions de logements. La profonde crise politique du système se poursuit avec un gouvernement en permanence dans les cordes. La crise de légitimité des institutions capitalistes et de l’Etat lui-même a connu de nouveaux épisodes, en particulier autour de la question nationale en Catalogne.
Mais nous avons également assisté à d’importantes avancées réalisées dans le processus parallèle clé qui se développe également et qui constitue une source d’inspiration dans ces moments de crise économique et sociale. Il s’agit du processus de l’activité de la classe ouvrière et de la résistance sociale, ce qui représente en soi les premières ”pousses vertes” de la lutte pour une société nouvelle. Dans l’ensemble, 2014 nous offre la promesse de puissants événements et de grandes opportunités. Tous ces processus vont se poursuivre et s’approfondir.
L’année 2014, une année de reprise ? Pour qui ?
Tout au long de l’année 2014, nous allons assister à la constante tentative de la classe dirigeante, avec la collaboration active du gouvernement et des médias dominants, ”d’élever l’atmosphère générale” dans la société. Il s’agit essentiellement d’une tentative visant à diluer la colère des masses et de la résistance en nous assurant que la reprise économique a commencé et que des temps meilleurs sont à venir. Ils promettent d’ailleurs que cette année, l’économie va croitre de… 0,6% !
Pour les marxistes et pour la classe des travailleurs, la question clé est de savoir quel sera le caractère de cette croissance. Cela va-t-il changer le cours de la crise ? Cela va-t-il provoquer une hausse de notre niveau de vie ? Si les réponses à ces questions sont négatives, nous sommes en droit de légitimement nous demander : quelle valeur peut donc bien avoir ce qu’on qualifie de croissance à nos yeux ?
Tout d’abord, nous devons expliquer que pour atténuer la brutalité de la crise – un chômage de masse qui couvre plus d’un quart de la main-d’œuvre – presque tous les économistes (même capitalistes) conviennent que la croissance doit être supérieure à 2% au moins. Aucun économiste sérieux ne prédit un tel niveau de croissance pour cette année ou celles à venir. La quantité infime d’emplois en cours de création nous donne un aperçu du type de reprise que le capitalisme espagnol nous réserve : l’extinction des contrats à durée indéterminée et des bonnes conditions de travail. Les patrons profitent de la crise pour réaliser une contre-révolution sur le marché du travail et pour imposer un nouveau modèle basé sur la précarité et des conditions de vie misérables.
Ensuite, cette situation cauchemardesque est combinée avec toute une vague d’attaques contre nos conquêtes sociales et nos droits démocratiques, la classe dirigeante tirant également parti de la crise pour éliminer les conquêtes historiques du mouvement ouvrier, comme le droit de manifester et de faire grève, ou encore de librement décider de son propre corps et de sa maternité. Cette réalité – qui comprend également la destruction de l’État-providence et des services publics – dévoile la base dont ils ont besoin pour leur prétendue ”reprise” : une destruction constante de notre niveau de vie pour finalement imposer en Espagne et au continent des normes issues du “tiers monde”.
Pour une année 2014 combative avec une lutte constante et généralisée ! Pour une grève générale politique !
Le prix du plus grand obstacle au développement de la lutte en 2013 doit être accordé aux dirigeants des principaux syndicats. Comme nous l’avons expliqué à plusieurs reprises dans les pages de La Brecha, ils ont joué un rôle-clé dans le maintien en place du gouvernement, malgré les crises profondes dans lesquelles il est empêtré.
Mais malgré ce rôle de frein qu’ils ont joué, nous avons pu voir tout au long de l’année 2013 que les travailleurs ont continué leur lutte et l’ont intensifiée, en recourant à des méthodes de plus en plus militantes. 2013 a été l’année de la grève illimitée, à partir du secteur de l’éducation dans la région des Baléares jusqu’à la grève héroïque de plus de 100 jours de l’usine Panrico. Ces exemples se distinguent très nettement de la politique que les dirigeants syndicaux continuent à défendre, faite de grèves purement symboliques et insuffisantes d’une journée, sans intensification de la lutte et sans la moindre continuité, ce qu’exige pourtant la situation actuelle.
Ce fut encore l’année de victoires importantes, en particulier celle des nettoyeurs de rue de Madrid [qui sont parvenus à repousser les menaces de licenciement et de réduction de leurs salaires de 40% grâce à l’action de la grève illimitée, NDLR] qui ont ainsi montré la voie que doit prendre l’ensemble des travailleurs. Une fois de plus cependant, le rôle de frein joué par les dirigeants syndicaux a empêché pareils exemples de militantisme d’obtenir une expression généralisée au niveau de l’État.
Le récent mouvement de lutte qui s’est développé dans le quartier de Gamonal, à Burgos [où des mobilisations de masse répétées ont attiré l’attention à l’échelle nationale et ont paralysé un important projet spéculatif, NDLR] est un autre exemple de la façon dont la lutte peut obtenir des résultats pour peu qu’elle soit menée de façon déterminée et militante et qu’elle soit basée sur un soutien de masse.
Dans la perspective des nouvelles attaques auxquelles les travailleurs, les jeunes et les pauvres auront à faire face en 2014 – notamment avec les contre-réformes sur les retraites et sur le droit à l’avortement – il est essentiel que ce militantisme soit exprimé à une échelle toujours plus grande. Il est urgent de mettre sur table la question d’une action généralisée, et en particulier de l’unification de la force et des luttes de la classe des travailleurs au sein d’une nouvelle grève générale.
Cependant, il est tout aussi essentiel que les grèves générales qui seront nécessaires en 2014 se différencient fondamentalement de celles établies sous le modèle des dirigeants syndicaux en 2012, c’est-à-dire uniquement organisées sous une pression insupportable de la base, de façon symbolique et isolée, seulement suivies de longues périodes de démobilisation.
Nous avons besoin d’une nouvelle grève générale capable d’unir les luttes et d’élever l’atmosphère de combativité et la confiance de la classe ouvrière au sens large. Nous n’avons pas besoin d’une simple grève de protestation, il nous faut une grève générale avec des revendications et des objectifs capables d’unifier les luttes de la classe ouvrière autour de la lutte pour une solution générale aux problèmes qui les provoquent, en commençant par assurer la chute du gouvernement et en initiant la lutte pour une alternative politique favorable aux travailleurs.
Pour l’unité de la classe des travailleurs dans leur lutte pour la liberté de tous les peuples nationaux
En ce qui concerne la question nationale, nous assistons à un nouveau tournant, en particulier en Catalogne (bien que cette question devienne de plus en plus importante également au pays basque).
D’une part, le PP (et le parti social-démocrate PSOE avant lui) ne se lassent pas de parler de“l’unité indiscutable de la patrie”, mais ce politiciens semblent perdre leur ferveur patriotique dès lors qu’il s’agit de s’agenouiller devant les exigences de la troïka. D’autre part, en Catalogne, les partis CiU et ERC prétendent défendre la cause de la lutte pour l’autodétermination et les intérêts du ”peuple”, mais ils n’ont aucun problème à saigner le ”peuple” avec leur politique d’austérité. Ils ont promis la tenue d’un référendum concernant l’indépendance catalane, mais ont admis n’avoir aucune stratégie (ni même de volonté) pour répondre à l’inévitable interdiction de celui-ci par le gouvernement du PP, avec le soutien du PSOE.
La seule force sociale capable de lutter de manière conséquente pour les droits de tous les peuples de la nation afin qu’ils puissent décider de leur propre avenir, c’est la classe des travailleurs. Il s’agit de la seule classe capable de libérer la Catalogne, et la société espagnole, de la misère de la crise du capitalisme. C’est dans la lutte de classe contre les gouvernements soumis au marché, unis au niveau de l’État et au niveau international, que la base d’une véritable solution à la question nationale pourra être trouvée, ce pour quoi le système capitaliste a maintes fois démontré son incapacité.
Cette solution est celle de la lutte pour une confédération libre et volontaire des peuples ibériques, construite sur le ciment du droit universel à l’autodétermination, y compris le droit à l’indépendance. Une telle lutte ne peut être gagnée qu’en menant le combat pour société socialiste, fondée sur la propriété publique démocratique des richesses et des secteurs-clés de l’économie .
Ceci souligne la nécessité de forger et de renforcer l’unité de la classe des travailleurs et de ses organisations, en commençant par un front uni de la gauche, du mouvement ouvrier et des mouvements sociaux, dans la lutte pour faire tomber le PP et disposer enfin d’un gouvernement des travailleurs.
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Bruxelles : Une région marquée par les pénuries et les inégalités (2)
A Bruxelles, le taux de chômage est particulièrement élevé. Un cinquième des habitants de Bruxelles est au chômage, situation qui concerne près d’un tiers des jeunes, des données qui font immédiatement penser à l’Europe du Sud. Les autorités n’ont aucune réponse à offrir. La pauvreté augmente, de même que l’insécurité, et la seule “réponse” de cet establishment se résume à la répression et aux sanctions. Cette seconde partie de notre dossier consacré à Bruxelles est consacré à ce sujet.
Un manque d’emploi structurel
Au mois de juillet, le taux de chômage était de 20,4% pour l’ensemble de la région. Ce taux est stable sur les deux dernières années, tout comme le taux de chômage parmi la jeunesse qui est de 31,2%. Cette stabilisation après plusieurs années d’augmentation due à la crise illustre la catastrophique pénurie d’emplois et que chaque nouvelle perte d’emploi ne fera que consolider un chômage structurel déjà massif. Lorsque Picqué est arrivé au pouvoir à la région bruxelloise en 1989, le taux de chômage n’était encore « que » de 12,4%.
Le chômage de masse à Bruxelles est caractérisé par une prédominance de travailleurs peu ou pas qualifiés, la plupart du temps jeunes. C’est la conséquence inévitable de la désindustrialisation, dont les emplois ne peuvent être comblés par un autre secteur. L’idée selon laquelle le secteur de l’horeca et les commerces pourraient combler l’absence d’emplois dans l’industrie est une illusion qui se confirme chaque jour un peu plus. Le nombre de faillites en Belgique a atteint un record cette année avec 2.011 faillites sur les 9 premiers mois, soit 29% de plus qu’en 2012. Parmi les régions, c’est Bruxelles qui enregistre la plus forte hausse du pays. Les secteurs de l’horeca, la construction, le commerce de détails y sont les secteurs les plus touchés. Ces emplois ne sont donc pas disponibles en quantité suffisante et présentent en outre une précarité accrue des conditions de travail.
Il y a dès lors une inadéquation marquée entre la main d’œuvre peu qualifiée et le marché de l’emploi à Bruxelles, puisque les quelques 714.000 emplois comptabilisés dans la région se retrouvent essentiellement dans les services, dans l’administration publique et dans les secteurs financiers et immobiliers ; bref des emplois qui demandent pour la plupart un diplôme d’études supérieures ou un multilinguisme. Par conséquent, l’argument selon lequel les quelques 350.000 navetteurs quotidiens occupent l’emploi des Bruxellois ne tient pas la route : le nœud du problème est le manque d’emploi colossal.
L’idée de ne pas remplacer un départ sur trois dans la fonction publique s’étend à tous les niveaux de pouvoir. Ainsi après le fédéral, les communautés, et les régions, certaines communes emboitent le pas comme Ixelles. Ces politiques de sacrifice de l’emploi public auront un effet considérable non seulement pour les travailleurs du secteur vu le manque généralisé de personnel déjà existant mais aussi pour l’ensemble des chômeurs bruxellois qui verront leurs perspectives d’avenir encore plus bouchées.
Le secteur des ALR à Bruxelles comptait en 2010 48.966 agents pour 42.227 ETP (équivalent temps plein). Aujourd’hui il n’y a plus que 40% des agents qui sont statutaire pour 58% encore en 1995. La prépondérance des contractuels est fort marquée pour le personnel des communes et CPAS, premier employeur bruxellois avec plus de 27.000 travailleurs, atteignant même près de 80% pour les CPAS. Cela est stimulé par la politique de la région qui se limite à subsidier des ACS engagés par les communes pour 25 millions € par an. Les zones de police sont l’exception, avec un nombre de nommés définitif avoisinant les 95%. Quant aux bas salaires en vigueur dans le secteur des ALR, l’argument des directions syndicales et du gouvernement Picqué face aux actions des travailleurs était qu’il fallait attendre le refinancement de Bruxelles pour une revalorisation salariale. Depuis, il n’y a que des assainissements qui entrainent des pertes d’emplois et une dégradation encore accrue du statut et des conditions de travail.
La croissance annuelle moyenne de dépenses en personnel par habitant pour les communes lors de la dernière législature communale fut de 1,8%, soit sous l’inflation moyenne de 2,4% pour la même période. De 2005 à 2011, le nombre d’ETP est passé de 14.577,33 à 15.056,34 ce qui est loin de répondre à l’augmentation des besoins consécutifs à la croissance démographique. Ainsi Picqué se félicite-t-il que les communes « aient géré efficacement l’emploi » ! Aussi, Saint-Gilles est la seule commune à avoir commencé à couper significativement dans l’emploi communal avant même les élections de 2012 avec une diminution du nombre d’emploi passant de 675 ETP en 2009 à 647 ETP en 2011. En région bruxelloise, 69% des travailleurs des communes sont domiciliés dans la région, et à Saint-Gilles c’est 77%. Parmi ceux-ci, seuls 29% sont statutaires (à Saint-Gilles, c’est à peine 17%).
Que faire de tout ce chômage ?
Selon le ministère bruxellois de l’emploi, environ 50.000 Bruxellois travaillaient en Flandre en mars 2013. Il s’agit d’une hausse de 10% sur les deux dernières années et de 43% en 10 ans. L’augmentation concerne surtout des emplois dans le secteur industriel en périphérie de Bruxelles. Cela est une conséquence du contrôle accru des demandeurs d’emploi bruxellois et de la mise en place d’accords de coopération entre Actiris et le VDAB (office flamand de l’emploi) visant à augmenter la flexibilité d’une région à l’autre pour les chômeurs, notamment moyennant un investissement en cours de langues auprès du VDAB. En 2012, Actiris a ainsi financé 7.143 chèques-langues en 2012, en augmentation de 50% par rapport à 2011 (4.651 chèques, 58,5% pour le néerlandais, 35,1% pour l’anglais, 6,1% pour le français et 0,3% pour l’allemand). Par rapport à 2010, l’augmentation du nombre de chèques-langues est même de 139%. En 2010, seulement 8% des chercheurs d’emplois bruxellois avaient une bonne connaissance de l’autre langue nationale selon le gouvernement bruxellois.
Il serait illusoire de croire que l’ensemble des travailleurs sans emploi Bruxellois trouvent un boulot dans la périphérie en Flandre. La coopération entre les offices de l’emploi de différentes régions ne crée aucun nouvel emploi. En outre, ces emplois nécessitent une facilité de déplacement à la charge des travailleurs et une connaissance minimale du néerlandais. En réalité, cette stratégie a surtout pour objectif de mettre une pression supplémentaire sur les chercheurs d’emploi dans le cadre de la chasse aux chômeurs et de la mise en place de sanctions.
L’actuel patron d’Actiris, Grégor Chapelle (PS), n’hésite pas à clarifier le rôle qu’il veut donner à l’office bruxellois de l’emploi. Dans un entretien au journal « L’Echo », il explique : « le message de propagande est clair, Actiris doit être autant au service des demandeurs d’emploi que des employeurs. Et plus que tout, il faut améliorer les relations avec les employeurs ». Interpellé par la journaliste sur l’importance du taux de chômage à Bruxelles de l’ordre de 20%, le patron d’Actiris estime que c’est un faux problème : « les 20% sont un taux de chômage politique, le taux de chômage réel sur la communauté métropolitaine n’est que de 11%, dans la moyenne des grandes villes européennes ».
Lors de son entrée en fonction à la présidence du gouvernement bruxellois, Rudy Vervoort avait pourtant tenu à se positionner par rapport à son prédécesseur en assurant qu’avec lui, la priorité serait donnée à l’emploi des jeunes. Pour donner du corps à cette campagne de communication, il a lancé la formule « 30 mesures, 10 millions €, 4.000 emplois ». Le détail est tout de suite moins flatteur : 100 contrats ACS dans les crèches, 4.350 stages en entreprise, selon les besoins du patronat. Bref, pour ce qui est de l’emploi des jeunes à Bruxelles, Vervoort n’en fait que des cadeaux fiscaux aux entreprises comme il l’a appris avec les gouvernements Picqué.
Ces maquillages écœurants des chiffres et autres politiques de cadeaux fiscaux illustrent que le chômage de masse est admis par les politiciens traditionnels comme un phénomène structurel sans solution à Bruxelles. Il ne s’agit dès lors pas de s’attaquer au chômage, mais d’utiliser plus efficacement encore les chômeurs comme armée de réserve pour les entreprises sous peine de sanctions, de sorte à conforter la 5e place de Bruxelles dans le classement des régions les plus attractives d’Europe pour les investisseurs.
Une jeunesse sans perspective d’avenir
La situation précaire de l’emploi se répercute violemment sur les conditions de vie de la jeunesse. Dans les quartiers du croissant pauvre, le taux de chômage dans la jeunesse est de minimum 45%. A Cureghem et à Molenbeek, ce taux est même de plus de 50%. Le travail au noir et les jobs précaires (intérims, temps partiels, titres-services, ACS…) sont les seules perspectives de travail pour la jeunesse, ce qui ne permet évidemment pas de se projeter dans l’avenir.
Les deux prochaines années, la dégressivité accrue des allocations de chômage et la limitation dans le temps des allocations d’insertion devraient encore plus aggraver la situation en augmentant l’appauvrissement et l’exclusion sociale. Selon la FGTB, ce sont environ 30.000 bénéficiaires d’allocations d’insertion qui se verront purement et simplement exclus au 1e janvier 2015. A terme, ce sont plus de 50.000 personnes et leurs familles qui risquent de basculer dans la pauvreté et l’exclusion rien qu’à Bruxelles.
En Espagne, le terme « los ninis » désigne à présent cette couche parmi les 15-29 ans qui n’ont pas d’emplois, sont exclus de formations professionnelles ou sont déscolarisés. Ils représentent 24 % des 15-29 ans en Espagne et 13,9 % en Belgique. Nul doute que ce chiffre est beaucoup plus élevé dans le croissant pauvre à Bruxelles. Selon les termes de l’OCDE, ces « ninis » sont un reflet du déclin économique de la société. La seule thématique liée à l’avenir des jeunes des quartiers pauvres encore discutée par les politiciens traditionnels est de savoir quelle est la répression la plus correcte à mettre en œuvre pour garder un semblant de contrôle social.
La répression et les sanctions comme seule réponse face à la dégradation du tissu social
A Bruxelles, où prennent place la plupart des manifestations de tous types, le phénomène de la répression et des violences policières a été fort exprimé ces dernières années. A plusieurs reprises durant l’été 2012, le quartier Matonge a été le théâtre d’un véritable déchainement raciste de l’appareil répressif vis-à-vis de la communauté africaine dès lors que celle-ci manifestait. De manière plus sporadique, des militants de gauche se sont vus lourdement réprimés à diverses occasions, comme ce fut le cas du jeune Ricardo lors du festival de soutien aux sans-papiers à Steenokkerzeel.
Dans ce contexte-là, les Sanctions Administratives Communales (SAC) sont un outil rêvé pour les partis traditionnels et leur appareil répressif. L’arbitraire de ces sanctions permet une utilisation « à la carte », tantôt pour des incivilités, tantôt pour des faits divers absurdes comme cette personne à Schaerbeek coupable d’avoir déposé un pot de fleur devant chez soi, et très certainement pour des manifestations et protestations, comme celle organisée à l’encontre du « banquet des riches » en octobre 2012.
Les communes d’Ixelles et Bruxelles sont les fers de lance de cette politique. Freddy Thielemans (PS) a rendu le système rentable. Pour la nouvelle législature communale, 1 millions € est prévu pour augmenter le nombre d’agents constatateurs, avec l’objectif que cela rapporte 3 millions €. Ainsi dans son nouveau budget, la commune a scindé les « amendes pour incivilités » et les « taxes pour incivilités » (utilisées pour faire payer le collage d’affiches aux éditeurs responsables). Chacun de ces deux postes devrait rapporter 500.000 € annuellement à la commune. Même politique à Ixelles : des centaines de SAC sont distribuées lors d’opérations « coup de poing », la majorité pour jets de mégots, mais aussi pour avoir promené un chien sans laisse ou avoir mis la musique trop fort en voiture.
En mai 2013, la ministre pour l’égalité des chances Joëlle Milquet (CDH) a fait une proposition de loi visant à utiliser les SAC pour réprimander toute attitude sexiste en rue pour combattre ce fléau. Cette proposition faisait encore écho au reportage « Femme de la rue » qui avait marqué les esprits, en mettant sur le devant de la scène la problématique du sexisme en augmentation dans toute une série de quartiers pauvres à Bruxelles. Milquet va-t-elle s’en prendre aux multinationales véhiculant des publicités à tous les coins de rue et présentant la femme comme un objet ? Va-t-elle combler la différence salariale entre hommes et femmes ? Va-t-elle résoudre la situation de précarité sociale à la base des discriminations ? Non ! Cette loi n’est que de la simple hypocrisie qui sert à sauver l’image « pro-femmes » de Milquet pendant que plusieurs mesures de son gouvernement touchent de manière particulièrement forte les femmes. Les allocations de chômage baissent le plus fortement chez les chômeurs « cohabitant » (surtout des femmes et des jeunes vivant encore chez les parents), poussant ces chômeurs dans la dépendance totale. En même temps, elle met la responsabilité du sexisme inhérent au capitalisme chez des hommes en tant qu’individus, en niant tout lien avec le système qu’elle défend.
D’un autre côté, si la gauche n’arrive pas à progresser et à offrir une perspective viable, des groupuscules d’extrême-droite vont pouvoir se profiler (comme Nation, le FN,…). En mettant en avant des « solutions » qui ne s’attaquent pas aux fondements du système capitaliste et aux responsables de la crise, ils vont dévier l’attention vers des thèmes comme la criminalité. Les résultats que Nation a faits pendant les élections communales de 2012 à Evere (4,47%) et à Forest (1,24%) et l’expérience d’autres pays comme la Grèce montrent que le danger de l’extrême-droite doit être pris au sérieux, surtout dans une période de crise comme celle que nous traversons aujourd’hui.
La pauvreté et l’exclusion sociale comme conséquences de la crise du capitalisme provoque une aliénation accrue parmi une couche de la population. C’est la base à partir de laquelle la criminalité, les tensions et les discriminations peuvent se développer. Les forces réactionnaires de la société (racistes, intégristes religieux,…) sont utilisées dans ce contexte par les classes dominantes pour dévier l’attention des véritables problèmes sociaux sous-jacents. Tout est fait pour instrumentaliser les moindres faits et gestes de groupuscules hystériques de droite islamiste comme Sharia4belgium pour stigmatiser toute une communauté.
Un développement continuel de la précarité et de la pauvreté
Au mois de mai 2013, les CPAS ont compté sur l’ensemble de la Belgique près de 150.000 personnes recevant une aide de leur part, ce qui est un record. A Bruxelles, cela concerne 32.000 personnes, soit 5% des 18-64 ans, et 14% de plus qu’en 2008. C’est 3 fois plus que dans le reste du pays, et au sein du croissant pauvre c’est encore 5 fois plus. La composition des personnes ayant recours au CPAS évolue et reflète la situation de précarité de la société : de plus en plus de jeunes sont concernés (un tiers des bénéficiaires du revenu d’intégration ont moins de 25 ans) et les femmes sont à présent majoritaires, le plus souvent à la tête de familles monoparentales.
Alors que les besoins sociaux auprès des CPAS sont en augmentation, le gouvernement fédéral a entériné une réduction des dépenses sur les CPAS de 37,4 millions € lors de l’ajustement budgétaire de février 2013. Les communes, qui doivent combler les manques dans les budgets de leur CPAS, voient ainsi un surcoût qui leur revient directement. En outre, le service public de l’intégration sociale constate également que l’écart entre communes riches et pauvres s’est creusé au cours des 10 dernières années. Dans les communes à revenu médian élevé, le nombre de bénéficiaires du CPAS pour 1000 habitants est passé de 7,8 à 5,5 alors que dans les communes à revenu médian faible ce chiffre est passé de 19,7 à 29,6. A Bruxelles, tout cela signifie une aggravation des déficits budgétaires et des pénuries pour les communes de la première couronne où se retrouvent concentrés les quartiers pauvres.
Selon le forum bruxellois de lutte contre la pauvreté, il y aurait environ 1900 sans-abris « dénombrables » en 2013 (selon différentes associations d’aide, ce serait même 2500, dont 500 de plus sur la dernière année), dont environ 40% de femmes, une proportion en augmentation. Au Samu Social, leur nombre a triplé entre 2002 et 2011, passant de 300 à 1000. En 1999, les femmes ne représentaient encore que 1% des sans-abris au Samu Social. Dans les maisons d’accueil, 96% des familles monoparentales accueillies sont des mères séparées. Cette représentation accrue des femmes parmi les sans-abris est comme pour le CPAS un reflet de la précarisation des conditions de vie des femmes dans la société en conséquence directe des politiques d’assainissement dans les infrastructures et services collectifs.