Tag: Espagne

  • Unidos Podemos: des résultats en dessous des espérances mais qui confirment le potentiel à gauche

    espagne26J

    Dimanche 26 juin, les Espagnols se sont à nouveau rendus aux urnes, six mois après les élections de décembre 2015. L’instabilité politique consécutive au discrédit croissant des deux partis traditionnels qui ont appliqué l’austérité a rendu caduques les tentatives de formation d’un gouvernement. Même si on est encore loin du record de la Belgique de 541 jours sans gouvernement, pour l’Espagne c’est une première.

    Par Boris (Bruxelles)

    Pas de restauration du bipartisme

    Les élections de décembre 2015 ont été marquées par la fin du bipartisme du PP (Parti Populaire, droite) et du PSOE (social-démocratie) et par un tournant à gauche avec la percée de Podemos (20,7 %). Il faut y voir l’expression de la radicalisation d’une large couche de la population et de l’essor de divers mouvements de masse. Les résultats de ces nouvelles élections confirment généralement ce processus, malgré un électorat et une campagne très volatiles.

    En juin, le PP a consolidé sa position de premier parti malgré les multiples scandales de corruption qui l’éclaboussent. En décembre, il avait perdu plus de 3,6 millions de voix tandis que le PSOE obtenait le pire résultat de son histoire. La bourgeoise espagnole et l’establishment européen ont prôné un gouvernement de grande coalition PP et PSOE, éventuellement élargi au petit parti populiste de droite émergeant Ciudadanos, pour fidèlement continuer sur le chemin de l’austérité.

    Avec ces nouvelles élections, ils espéraient quelque peu restaurer leur autorité. Le PP a pu récupérer 700.000 voix et remonter de 28,7 à 33 %. Il reste encore très éloigné de sa majorité absolue, mais un gouvernement minoritaire de droite n’est pas à exclure. Le PSOE arrive à se maintenir à 22 %, une réussite selon lui au vu des sondages qui prévoyaient qu’il soit dépassé par Unidos Podemos, l’alliance conclue entre Podemos, Izquierda Unida (IU, Gauche Unie) et les confluences régionales en Catalogne, en Galice et en Communauté valencienne. L’abstention qui a augmenté de 3,7 % a surtout impacté le score d’Unidos Podemos. Malgré le recul d’un million de voix pour Unidos Podemos obtenant 21,1 % et de 400.000 voix pour Ciudadanos avec 13 %, la classe dominante ne peut toutefois pas rétablir son système bipartite et résorber profondément l’instabilité politique.

    Podemos juge les résultats peu satisfaisants, même si la gauche conserve ses 71 députés. Une certaine déception est compréhensible surtout au vu des sondages qui, dès l’annonce d’une alliance entre Podemos et IU, les avaient immédiatement propulsés devant le PSOE, à une position de combat face au PP. En proie à la panique, tout l’establishment a mené une campagne d’intimidation contre Unidos Podemos et le ‘‘spectre du communisme’’. Le résultat reste néanmoins très important et illustre le grand potentiel à gauche. Le soir des élections, Pablo Iglésias – le leader de Podemos – a estimé correcte l’alliance avec IU et Alberto Garzon – le nouveau leader d’IU – et a appelé à continuer cette confluence de gauche.

    Développer Unidos Podemos comme nouvelle social-démocratie ou défendre un programme de rupture anticapitaliste ?

    La construction d’une confluence de gauche dans toute l’Espagne est une avancée rendue possible par la progression du soutien à cette idée parmi la base de Podemos et d’IU, ainsi que par le poids moins prépondérant de Podemos vis-à-vis d’IU dans les sondages.

    Le processus de “modération” de Podemos s’est traduit, durant la période de tentative de formation d’un gouvernement avant l’annonce des nouvelles élections, par des concessions visant à conclure un accord de coalition avec le PSOE en prétendant faire ainsi barrage à la droite. Cela a même provoqué une courte crise du fait qu’une aile de la direction était favorable à accord avec le PSOE et Ciudadanos. Le PSOE, comme l’a confirmé son accord avec Ciudadanos, n’est pas prêt à en finir avec l’austérité. C’est inhérent à la bourgeoisification des partis sociaux-démocrates.

    Pablo Iglésias, lors de la campagne, a présenté Podemos comme “la nouvelle social-démocratie” en proposant au PSOE une “quatrième voie” basée sur des investissements publics financés par de nouvelles tranches d’imposition sur les plus hauts revenus et en étalant un peu la réalisation des objectifs budgétaires de façon négociée avec l’Union européenne. Cette même approche a conduit Syriza à appliquer l’austérité en Grèce. Toute une couche d’activistes craint la perspective d’un Tsipras espagnol.

    Alberto Garzon (IU) a, quant à lui, fait pencher la balance à gauche dans la rhétorique et le programme d’IU et a mieux tiré les leçons de la capitulation de Syriza. Il juge l’UE irréformable et est “prêt à assumer les conséquences d’une politique économique souveraine en faveur de la majorité, telle que l’expulsion de notre pays de l’UE” tout en défendant des mesures socialistes dans son programme comme la nationalisation de secteurs stratégiques de l’économie. IU peut jouer un rôle important à condition de maintenir ses critiques de gauche envers la direction de Podemos.

    Une dynamique de comités de campagne s’est mise en place, comme durant les élections locales. Ce développement peut varier de ville en ville, mais il est important. Notre section-sœur en Espagne, Socialismo Révolucionario, a activement participé à la campagne tout en défendant des mesures socialistes (investissements publics massifs, refus du paiement de la dette publique, droit à l’autodétermination des peuples, nationalisation des banques et des secteurs stratégiques de l’économie, etc.).

    Si Unidos Podemos peut être développé au point de constituer une véritable confluence de gauche à la base, avec des comités ouverts à tous ceux qui veulent résister à l’austérité et réunissant militants de gauche, syndicalistes combatifs et activistes des nouveaux mouvements sociaux, la dynamique pourrait aller bien au-delà des urnes pour construire la lutte dans la rue et dans les entreprises afin d’en finir avec l’austérité et de créer les conditions pour un futur gouvernement des travailleurs.

    [divider]

    [Soirée-Débat] Unidos Podemos : Vers un gouvernement de gauche en Espagne ?

    Mercredi 29 juin à partir de 19h au Pianofabriek, 35 rue du Fort, Saint Gilles (Bruxelles).

    Avec pour oratrices :

    • Beatriz de la Cruz (militante d’Izquierda Unida – Bélgica)
    • Marisa Cabal (militante du PSL-Bruxelles et collaboratrice de Socialismo Revolucionario).

    => Sur Facebook

  • Elections en Espagne. Pour la fin de l’austérité et une alternative des travailleurs !

    unidos-podemos-logoEn raison du blocage dans la formation d’un gouvernement depuis les élections de décembre, de nouvelles élections doivent se tenir fin juin. Cette fois-ci, il a finalement été possible de conclure une coalition entre Podemos, Izquierda Unida (Gauche Unie) et les confluences de gauche régionales. Nous avons eu l’occasion d’en discuter avec Ángel Morano, membre de Socialismo Revolucionario (parti frère du PSL dans l’État espagnol) à Barcelone.

    Propos recueillis par Marisa

    Quelles ont été les réactions parmi la base des militants et activistes de gauche ainsi que parmi la classe ouvrière en général ?

    Les élections du 20 décembre ont été positives pour tous ceux qui se sont battus dans les rues des années durant et pour tous ceux qui espéraient un changement après des années de gouvernement du PP (Parti Populaire, droite). Podemos, les conf luences de gauche et Izquierda Unida (IU) avaient recueilli plus de 6 millions de votes. Malgré ces bons résultats, l’impasse dans la formation du gouvernement et le sentiment généralisé que rien ne changerait avec de nouvelles élections a plongé la majorité de la population dans l’apathie et la résignation. C’est ce qu’ont confirmé tous les sondages publiés avant l’annonce de la coalition de gauche.
    Cet accord a donné naissance à Unidos Podemos (coalit ion entre Podemos et IU). De nombreuses incertitudes subsistent encore, mais cela a radicalement changé la situation. Les personnes plus politisées ont montré leur enthousiasme et les sondages illustrent déjà une certaine augmentation des intentions de vote. Des comités de campagne se sont vite mis sur pied dans tout le pays et le sentiment qu’il s’agit d’un moment historique pour la gauche est clairement présent.
    Comment se fait-il que ce ne soit que maintenant que Podemos et IU entrent en coalition ? Quel a été le processus qui y a conduit ?
    Souvent, les responsables politiques essayent d’adapter la réalité à leur manière de voir les choses. Mais tôt ou tard, ils doivent faire face à cette réalité. C’est un peu ça qui s’est produit avec le thème de la confluence. L’idée que la confluence était vraiment nécessaire a grandi parallèlement parmi la base des deux formations et cela a fini par peser.
    Si cette influence de la base ne peut être niée, le processus a toutefois été mené par les directions, la base des deux organisations n’ayant été consultée que par la suite. Tout est encore à construire. L’attitude qu’adoptera cette base militante pendant la campagne est cruciale pour obtenir le succès. Si les militants se limitent à suivre les consignes de la direction, ils ne feront que coller des affiches. Mais si, au contraire, la base est capable d’organiser la campagne avec ses propres consignes et par une forte mobilisation, l’impact pourra devenir très grand. Socialismo Revolucionario défend depuis déjà longtemps la constitution d’une telle confluence de gauche.
    Comment allez-vous maintenant vous impliquer dans la campagne ?
    SR a accueilli très favorablement cette candidature. Son existence même est un facteur positif qui encourage la combativité dans la lutte des classes. Différents secteurs de la gauche se voient forcés d’œuvrer ensemble et de naturellement confronter leurs idées. SR veut participer à ce processus, il s’agit d’une de ces situations où la conscience de la classe ouvrière peut nettement augmenter.
    Penses-tu qu’Unidos Podemos pourrait dépasser le PSOE (équivalent espagnol du PS) ?
    Cette candidature unique de gauche radicale est clairement en mesure de dépasser le PSOE pour devenir la principale force de gauche. Il n’est même pas exclu que son résultat soit proche de celui du PP. Aux dernières élections, là où des confluences de gauche régionales avaient été constituées, ces dernières avaient reçu un très bon accueil.
    Pendant les négociations pour la formation du gouvernement, la direction de Podemos avait proposé au PSOE d’entrer ensemble en coalition. Ce dernier avait préféré discuter avec Ciudadanos (des populistes de droite) ce qui impliquait de poursuivre la mise en œuvre de l’austérité.
    Quel doit être l’attitude des forces de gauche envers la social-démocratie ? Un gouvernement anti-austérité est-il possible avec le PSOE ?
    Au vu des campagnes précédentes, il est fort probable que le discours de la direction d’Unidos Podemos se concentrera sur l’idée abstraite d’un changement politique sans beaucoup plus de précisions, en utilisant comme message clé l’unité contre le PP. Cela ira probablement jusqu’à proposer au PSOE de former un gouvernement de coalition.
    Nous estimons qu’il s’agirait d’une erreur. De taille. La lutte pour une véritable démocratie et la fin de l’austérité ne peut être couronnée de victoire qu’avec un véritable programme de rupture anticapitaliste autour de mesures socialistes telles que la nationalisation des banques et des secteurs stratégiques de l’économie, le refus du paiement de la dette publique, des investissements publics massifs ou encore le droit à l’autodétermination des peuples.
    Tout cela est totalement incompatible avec l’idée de former un gouvernement de coalition avec un parti pro-austérité comme le PSOE. Ce dernier est prêt à légèrement atténuer l’austérité, mais il n’ira jamais jusqu’à la racine fondamentale du problème : l’incapacité du capitalisme à offrir une vie décente à la grande majorité des travailleurs et de leurs familles de l’État espagnol. Le PSOE est fermement lié à l’establishment capitaliste espagnol. En tant que représentant de cet establishment, il ne se démarquera pas de la ligne officielle du capitalisme mondial. Un accord de gouvernement entre Unidos Podemos et le PSOE ne consolidera pas un virage à gauche du PSOE, il signifiera la capitulation d’Unidos Podemos face à la droite.
    Nous ne pouvons laisser aucune marge à l’illusion qu’un changement politique réel peut être obtenu sans être accompagné de la construction d’une puissante relation de force à partir de la mobilisation sociale. Parallèlement, pour faire avancer le mouvement des travailleurs, un gouvernement de gauche doit être muni d’un programme de rupture capable de porter ses revendications jusqu’au bout.

    [divider]

    [Soirée-Débat] Unidos Podemos : Vers un gouvernement de gauche en Espagne ?

    Mercredi 29 juin à partir de 19h au Pianofabriek, 35 rue du Fort, Saint Gilles (Bruxelles).

    Avec pour oratrices :

    • Beatriz de la Cruz (militante d’Izquierda Unida – Bélgica)
    • Marisa Cabal (militante du PSL-Bruxelles et collaboratrice de Socialismo Revolucionario).

    => Sur Facebook

  • [Soirée-Débat] Unidos Podemos : Vers un gouvernement de gauche en Espagne ?

    bxl_AG

    Mercredi 29 juin à partir de 19h au Pianofabriek, 35 rue du Fort, Saint Gilles (Bruxelles).

    Avec pour oratrices :

    • Beatriz de la Cruz (militante d’Izquierda Unida – Bélgica)
    • Marisa Cabal (militante du PSL-Bruxelles et collaboratrice de Socialismo Revolucionario).

    Pour la première fois en Espagne, les deux partis de l’establishment, PP (droite) et le PSOE (social-démocratie), n’ont pas été capables de former un gouvernement. C’est une claire illustration de la crise des partis de la classe dominante ainsi que du rejet de l’austérité qu’ils ont appliquée.

    De nouvelles élections auront lieu le 26 juin et, cette fois, la formation d’une alliance de gauche («Unidos Podemos») entre Podemos, Izquierda Unida (Gauche Unie) et les confluences de gauche régionales redonne espoir au mouvement de lutte contre l’austérité. Selon les sondages, Unidos Podemos est en position de devenir la deuxième force politique en dépassant le PSOE et même de contester la 1e place au PP. C’est une excellente nouvelle. La classe dominante, qui espérait restaurer un peu son système bipartite, panique.

    Podemos défend un renforcement de l’État-Providence et des services publics via une imposition plus progressive, en introduisant de nouvelles tranches d’imposition sur les plus haut revenus. En plus de cette justice fiscale, Gauche Unie, qui a mis le cap plus à gauche avec son nouveau dirigeant Alberto Garzón, défend également des mesures socialistes comme la nationalisation des secteurs stratégiques de l’économie.

    Pour changer de politique et l’orienter vers l’intérêt de travailleurs, est-ce suffisant de gagner les élections avec un programme anti-austérité ? Peut-on stopper l’austérité en entrant en coalition avec la social-démocratie ? Un gouvernement de gauche minoritaire reposant sur les propres forces du mouvement des travailleurs est-il possible ? Quel programme peut éviter un nouveau Tsipras en Espagne?

    Le PSL, qui soutient la campagne d’Unidos Podemos, organise une soirée-débat en collaboration avec la campagne Blokbuster afin d’analyser les résultats de ces nouvelles élections et de discuter des perspectives du mouvement des travailleurs. Rendez-vous ce mercredi 29 juin à partir de 19h au Pianofabriek, 35 rue du Fort à Saint Gilles.

    => Sur Facebook

  • [VIDEO] Paul Murphy & Kshama Sawant: construire la révolution politique

    SA_meeting

    paul_political_revolutionUn meeting de nos camarades américains de Socialist Alternative vient de se tenir à Seattle au sujet de la révolution politique à construire contre la classe des milliardaires. Au côté de Kshama Sawant, élue au conseil de la ville de Seattle, se trouvait Paul Murphy, membre du Parlement irlandais où il a été élu en tant que candidat de l’Anti-Austerity Alliance. Il est également membre du Socialist Party, notre parti-frère irlandais. Il y a pris la parole au sujet de la situation politique bouillonnante en Europe dans des pays comme l’Irlande, l’Espagne et le Portugal, où le soutien aux partis de l’establishment s’est effondré tandis que des partis anti-austérité ont connu un prodigieux essor.

    Paul Murphy sera également présent ce 9 avril à Bruxelles pour notre journée “Socialisme 2016”.

    kshama_paulKshama Sawant a abordé la manière de construire la révolution politique aux USA au-delà des primaires présidentielle du parti démocrate et de la candidature de Bernie Sanders. Bernie se bat toujours, et il a raison. Mais il est temps de regarder sobrement quelle est la situation et de tirer des leçons de cette expérience. Il faut débattre de la façon d’éviter que l’engouement pour la révolution politique contre la classe des milliardaire peut sortir de la camisole de force du Parti Démocrate dominé par Wall Street.

  • Espagne : un virage à gauche à l'occasion des élections générales

    La mobilisation dans la rue sera déterminante dans le lutte pour nos droits

    espagneLes élections du 20 décembre 2015 ont constitué un changement fondamental au Parlement. Elles sont le reflet des changements survenus dans la rue et dans la conscience du peuple à travers la mobilisation de ces dernières années et aussi de l’essor des différents mouvements, surtout au niveau régional et local, avec Podemos et le succès de candidatures de confluence de gauche, les mairies de Barcelone et de Madrid en étant le meilleur exemple.

    Déclaration de Socialismo Revolucionario (section du Comité pour une Internationale Ouvrière dans l’État espagnol)

    En premier lieu, il faut souligner la rupture du système du bipartisme (droite et social-démocratie) qui perd dans son ensemble plus de 5 millions de voix. C’est surtout le PP (Parti Populaire, droite) qui a subi une perte de plus de 3,6 millions de voix, mais aussi le PSOE (social-démocratie) qui a obtenu les pires résultats de son histoire. Par contre, deux nouvelles forces font une percée dans le parlement, Ciudadanos (droite populiste) et, surtout, Podemos qui est la troisième force du pays avec 69 sièges et qui, en dépit de son récent virage vers la “modération”, a représenté une force opposée à l’austérité.

    Au même temps, on ne peut pas ignorer que le PP, avec 123 sièges, est toujours la première force politique avec une différence de plus de 1,7 million de voix par rapport à la deuxième, le PSOE. Ceci alors que le PP a souffert d’une usure considérable pendant son mandat due aux coupes budgétaires dans la santé et l’éducation ainsi qu’à la montée du chômage de longue durée, de la précarité, de la pauvreté et de l’inégalité. Le discours hypocrite concernant la relance économique – une maigre reprise que la majorité n’a pas remarqué – associé à une certaine stabilisation des données macroéconomiques, et surtout au reflux des manifestations contre l’austérité, ont empêché que la chute du PP ne soit encore plus spectaculaire. Ce parti perd toutefois sa majorité absolue et est en fait très loin d’en approcher.

    De son coté, le PSOE a obtenu ses pires résultats depuis la fin du régime franquiste. le parti considère cependant ce résultat comme un succès relatif étant donné que les sondages prévoyaient que le PSOE finirait la course électorale comme troisième ou même quatrième force politique.

    Ciudadanos parvient à engranger bien plus que ce qui était initialement prévu, même par ses propres dirigeants. Bien que le fait d’avoir un bloc important au Congrès soit un succès pour un parti presque sans structure, il semble que la situation ne lui sera pas très favorable car son caractère pro-austérité devient de plus en plus évident avec son soutien à la formation d’un gouvernement PP. La campagne électorale avait obligé le parti à faire tomber son masque vis-à-vis des thématiques sociales, la suite des évènements accentuera ce processus. De toute façon, Ciudadanos reste une option à utiliser pour l’establishment si le besoin s’en fait sentir.

    Percée de Podemos et occasion manquée pour la gauche

    Sans aucun doute, le changement le plus significatif dans le paysage électoral est la puissante percée de Podemos qui passe de rien à plus de 5 millions de voix. Le retour que Pablo Iglesias annonçait a été partiellement confirmé. Ces derniers mois, les sondages avaient montré une chute de soutien pour Podemos qui arrivait parfois à 10%. Ce retour est en partie dû à la performance d’Iglesias dans les débats télévisés comme à l’intervention de personnages clés associés aux mouvements sociaux qui restent immensément populaires dans la société espagnole (Ada Colau, porte-parole de la plateforme des personnes expulsées de leur logement (PAH) et aujourd’hui maire de Barcelone, etc.). Finalement, Podemos est très proche du PSOE en termes de nombre de voix, avec moins de 250.000 suffrages de différence. La différence de sièges s’explique du fait de la loi électorale et de la concentration de votes dans les grandes villes.

    En Catalogne, la victoire de la liste soutenue par Podemos (mais aussi soutenue par IU (Gauche Unie) et d’autres) – “En Comú Podem” – comme premier parti est un fait historique. Cela survient tout juste 3 mois après la tenue des élections régionales où la liste soutenue par Podemos avait obtenu un très mauvais résultat. Podemos a été également la force la plus soutenue en Euskadi (Communauté autonome basque) et la deuxième force partout où ils se sont présentés en coalition, comme en Galice et à Valence qui, curieusement, étaient auparavant des fiefs du PP.

    Cela nous amène à conclure que les résultats ont été franchement meilleurs là où Podemos a formé des larges candidatures qui réunissent d’autres forces de la gauche. Ils illustrent le potentiel qu’aurait eu une liste unitaire dans tout l’Etat espagnol. Non seulement elle aurait dépassé le PSOE, mais elle aurait été en mesure de contester la première position au PP. Tant l’expérience des élections locales que celle des élections générales nous livrent le message suivant: pour gagner il faut l’unité, construite à la base et au-delà des sigles partisans.

    Concernant la liste de IU “Unité Populaire”, il est très significatif qu’elle ait obtenu près d’un million des voix malgré la difficulté de présenter une candidature concurrente de Podemos et sans se présenter en Galice et en Catalogne parce que la formation était intégrée dans les listes de confluence. Malgré ses maigres résultats, la campagne d’Alberto Garzón a été vraiment bonne avec un profil très apprécié au-delà même de ses électeurs. Il a été le seul à mettre en avant des mesures de rupture réelles, comme la nationalisation des banques renflouées avec l’argent public, la renationalisation du secteur de l’énergie pour promouvoir les énergies renouvelables et mettre fin à la pauvreté énergétique, ou encore un plan ambitieux d’investissements publics visant à créer des emplois.

    Il faut garder à l’esprit que tous ces votes (ceux de Podemos plus ceux d’Unité Populaire plus ceux des listes de confluence de gauche en Catalogne, Galice et Valence) cumulent ensemble plus de six millions de voix favorables à un changement progressiste. Six millions de voix contre les coupes budgétaires et l’establishment.

    On peut conclure que la nouvelle carte électorale tend clairement vers la gauche, chose qui reflète les précédents combats sociaux. La construction de l’unité du mouvement sur base des intérêts de la majorité contre les plans d’austérité de tout nouveau gouvernement est l’une des principales tâches du moment.

    Que se passera-t-il avec le futur gouvernement?

    La situation est très ouverte et est très volatile. La formation d’un nouveau gouvernement et qui le dirigera est vraiment incertain, et la possibilité de nouvelles élections n’est pas exclue. En tout cas, tout nouveau gouvernement sera beaucoup plus faible et instable que le dernier et moins capable de parvenir à la fin de son mandat.

    Cette situation doit être utilisée par la gauche et le mouvements social et des travailleurs pour accroitre la mobilisation contre ce gouvernement car ce sera beaucoup plus facile d’arracher des victoires que dans la période précédente. Cette mobilisation ne doit pas seulement nous défendre contre de nouvelles mesures d’austérité, elle doit aussi lancer des luttes offensives pour récupérer nos droits et conditions de vie perdus.

    Comme nous le disions, il est difficile de prédire la composition du nouveau gouvernement, mais il y a un climat très généralisé contre la répétition d’un nouveau gouvernement du PP, anti-ouvrier, corrompu et brutal.

    Pour cette raison, avec la crainte d’une pasokisation (en référence à la perte fulgurante de soutien pour le PASOK, la social-démocratie grecque), nous croyons que le PSOE cherchera à constituer un gouvernement minoritaire (avec le soutien extérieur de Podemos et / ou autres), plutôt que de permettre l’arrivée d’un nouveau gouvernement du PP (avec un soutien de l’extérieur en en formant une grande coalition). Bien sûr, aucune option n’est à exclure.

    Cependant, nous ne devons pas oublier que ce nouveau gouvernement sera aussi clairement pro-austérité, quand bien même avec un caractère moins brutal que le précédent. Il est important que Podemos et les autres forces de gauche capables d’apporter leur soutien à l’investiture d’un gouvernement du PSOE pour éviter un nouveau gouvernement PP soient très claires quant aux conditions nécessaires pour permettre cette investiture. Ces conditions doivent se baser sur des mesures concrètes en faveur de nos intérêts et ceux de la classe des travailleurs et pas sur des mesures encore abstraites de changements constitutionnels qui s’écraseront probablement contre le PP et sa majorité absolue au Sénat. Il est essentiel que l’hypothétique soutien à une investiture d’un gouvernement PSOE n’aille plus loin que ça: un soutien ponctuel pour empêcher un nouveau gouvernement du PP. Les forces politiques de la classe des travailleurs doivent maintenir leur indépendance et éviter toute implication politique avec l’austérité de n’importe quel gouvernement.

    Un vrai gouvernement de gauche devrait d’abord abroger les deux réformes du travail du PP et du PSOE et la loi de “sécurité citoyenne” – aussi appelée loi bâillon -, revenir sur les coupes budgétaires dans la santé et l’éducation, renationaliser les services publics privatisés, mettre fin aux mesures d’austérité et appeler à la tenue d’un référendum contraignant en Catalogne. Nous savons que cela n’est pas compatible avec un gouvernement du PSOE sous la dictature actuelle des marchés.

    Mais le plus important pour obtenir des concessions d’un gouvernement minoritaire, soit du PP ou PSOE, c’est le début d’un nouveau cycle de protestations. Il ne faut pas uniquement compter sur le cadre institutionnel pour lutter pour nos conditions de vie. En fait, tout le travail institutionnel doit viser à renforcer cette mobilisation. Comme nous le disions, les possibles gouvernements du PP ou PSOE, faibles et instables, seront plus faciles à influencer, voire à renverser au travers des outils traditionnels de la lutte ouvrière (manifestations, grèves générales, occupations,…) que les gouvernements précédents que nous avons subis dans l’État espagnol. La chute d’un gouvernement d’austérité à la suite de ces méthodes ouvrirait la possibilité de se battre pour un véritable gouvernement des travailleurs.

    En outre, tant l’expérience de Grèce que celle des listes de confluence de gauche dans certains gouvernements locaux nous montrent les limites de l’action des gouvernements réformistes ou de ceux qui ne sont pas disposés à prendre des mesures de rupture véritables avec le régime et le système capitalistes.

    Par conséquent, il est nécessaire, à partir de maintenant, de nous préparer à prendre le pouvoir à travers des organisations avec un véritable programme socialiste de nationalisation des secteurs clés de l’économie afin de la planifier en fonction des besoins de la société plutôt que des grandes entreprises ou des grandes fortunes, et aussi pour la défense de tous les droits démocratiques, y compris l’autodétermination.

    Dans ces organisations doivent être inclues des forces politiques comme Podemos et IU, qui ont démontré leur potentiel pour attirer à elles de larges couches des classes populaires, et aussi les mouvements sociaux comme la PAH, les groupes environnementaux et autres. Ces organisations doivent également avoir un fonctionnement démocratique à partir de la base pour garantir la révocabilité des responsables et l’élaboration collective du programme et des listes de candidats.

  • Élections générales en Espagne: Voter, ce n’est pas assez!

    podemos_decNous devons nous battre depuis la base pour un mouvement de masse capable de renverser le système!

    Les élections générales du 20 décembre s’annoncent comme le point culminant du cycle électoral qui a marqué l’Espagne cette année. Les marxistes comprennent que la politique se base sur la défense des intérêts de différentes classes sociales. Les résultats électoraux seront une expression plus ou moins proche de l’état d’esprit du mouvement des travailleurs, de la jeunesse, des sans-emplois et de tous les opprimés. Par conséquent, nous devons activement lutter pour renforcer celle-ci au maximum.
    Nous devons cependant nous rendre compte qu’un résultat électoral n’est qu’une mesure statique de la conscience des larges couches de la population, une sorte d’instantané d’un phénomène vivant et changeant. Ce sont les luttes massives de ces cinq dernières années et le soutien massif pour celles-ci qui donnent la meilleure image de la force de la classe de travailleurs.

    Article basé sur l’éditorial de décembre de La Brecha, journal de la section-soeur du PSL dans l’Etat espagnol.

    Pendant toute cette période électorale, la section soeur du PSL dans l’Etat espagnol, Socialismo Revolucionario, a défendu la présentation d’une candidature unique pour l’ensemble des forces de la résistance sociale. Une telle candidature, construite à partir de la base, aurait permis d’unir toutes les forces politiques anti-austérité et de reprendre le fil du succès qu’avaient rencontrés les listes de confluence de gauche aux élections locales de mai dernier.

    Une telle candidature n’a malheureusement pas été possible, non pour cause de différences politiques insurmontables, mais en raison de sectarisme organisationnel et de fonctionnement bureaucratique. Voilà ce qui a empêché une véritable confluence de la base. Politiquement, rien ne justifie objectivement la division de ces candidatures étant donné que, dans les conditions actuelles, l’objectif primordial consiste à écraser le système bipartite capitaliste (le Parti Populaire, de droite dure, et le PSOE, la social-démocratie) ainsi que le nouveau parti, tout aussi réactionnaire, Ciudadanos.

    Unité Populaire, le nom sous lequel s’est présenté la Gauche Unie (Izquierda Unida), représente la candidature la plus proche d’une politique anti-austérité et de rupture. Son programme comporte nombre d’éléments que la direction de Podemos a progressivement abandonnés au nom de la ‘‘centralité’’ et de la modération. Mais le poids historique des erreurs commises par Gauche Unie dans le passé (pactes avec des partis bourgeois et application de l’austérité) entrave plus son potentiel que celui de Podemos, qui bénéficie en ce moment d’une plus fraîche image de parti.

    Toutefois, aucune de ces deux formations ne vise à toutefois dépasser le capitalisme dans leurs approches concrètes. L’expérience grecque nous a montré que, dans le contexte de crise actuel, même la plus petite réforme pour la défense des conditions de vie des masses conduit à une confrontation profonde avec le système capitaliste et ses institutions. Cet exemple illustre à quel point une défense durable des revendications ouvrières et populaires n’est pas possible dans le cadre de la dictature de la Troïka et des marchés. C’est la leçon principale que nous devons tirer du processus grec. La rupture avec avec ce système – ainsi qu’avec l’UE et l’Euro capitaliste – est un prérequis indispensable pour récupérer des conditions matérielles dignes pour tous les peuples travailleurs, en Espagne et dans le reste de l’Europe.

    Conscients de la manière dont leur ordre établi est mis en cause, les voix les plus pragmatiques du capitalisme espagnol appellent déjà ouvertement à une réforme constitutionnelle. Face à la perte de légitimité des institutions et des partis, et au défi du peuple catalan qui exige pouvoir décider démocratiquement de son avenir, ils cherchent à modifier le régime de la Transition (le régime instauré en 1978, après la chute de la dictature) pour essayer de mettre fin au danger que suppose la remise en question du système.

    La gauche ainsi que les mouvements ouvriers et sociaux doivent avoir à l’esprit que les problèmes actuels ne seront pas résolus avec une retouche constitutionnelle, qu’elle soit grande ou petite. La source des problèmes ne se trouve pas dans la superstructure, mais dans la base fondamentale de la société capitaliste : la richesse de tous qui est la propriété de quelques-uns à peine. La solution consiste à briser cette base, par la propriété publique et démocratique de la richesse et la récupération des piliers de l’économie par la majorité sociale. C’est la base d’une solution socialiste qui doit être conçue au niveau de l’État, ainsi qu’à l’échelle européenne et mondiale.
    Pour cela, Socialismo Revolucionario soutient que voter pour la gauche alternative est important, mais pas suffisant ! Il faut aller plus loin. Il faut lutter politiquement pour un programme clair de rupture, pour la gauche et les mouvements sociaux. Parallèlement à cela, nous avons besoin que la mobilisation dans la rue soit réactivée par les méthodes traditionnelles de la classe de travailleurs (manifestations, occupations et grèves) dans un plan de lutte soutenu.

  • Nouvelles formations de gauche, réformisme ou rupture ?

    podemos_syrizaContrairement à la tendance d’il y a quelques mois, la trajectoire ascendante de la nouvelle formation Podemos est aujourd’hui freinée. A l’occasion des dernières élections régionales espagnoles, en mai dernier, Podemos avait obtenu une digne mais insuffisante troisième position. Depuis lors, la formation violette laisse entrouverte la possibilité de conclure des pactes avec des partis traditionnels. L’ambiguïté de Podemos par rapport à la notion de classe devient maintenant décisive à l’heure de choisir entre rupture ou acceptation d’une austérité ‘‘light’’. L’une des questions clés, en vue des élections générales de la fin de l’année en Espagne, est la formation de coalitions post-électorales et en particulier d’une possible entente entre le PSOE (la social-démocratie) et Podemos.

    Par Marisa (Bruxelles), article tiré de l’édition d’octobre de Lutte Socialiste

    Le PSOE s’est engagé sur la voie du néolibéralisme et a appliqué l’austérité au travers de coupes budgétaires et de réductions salariales. La social-démocratie européenne a tout à fait suivi le discours de la droite durant tout le processus de ‘‘négociations’’ en Grèce. En général, les partis sociaux-démocrates ont été incapables de fournir des réformes progressistes et se sont ouvertement positionnés dans le camp des capitalistes et des contre-réformes. Malheureusement, Syriza a fini par trahir les intérêts des travailleurs de la même façon que le parti social-démocrate grec Pasok.

    Cela a un impact pour la lutte contre l’austérité dans d’autres pays, comme le Portugal, l’Irlande, l’Italie ou l’Espagne. Les dirigeants de Podemos, après avoir tourné à droite, ont déclaré qu’ils auraient soutenu l’accord en Grèce ! Ils ajoutent que l’Espagne serait dans une meilleure position pour ‘‘négocier’’ avec les institutions européennes. Comme si la troïka n’était pas disposée à utiliser n’importe quelle méthode pendant les ‘‘négociations’’ pour écraser et discréditer tout gouvernement qui remet en question leur diktat !

    Si une chose est devenue claire après la crise grecque, c’est que les nouvelles formations de travailleurs ont besoin d’un programme qui vise à aller jusqu’au bout dans la lutte contre l’austérité. La victoire de Corbyn lors de l’élection pour la présidence du Parti travailliste en Grande-Bretagne est aussi importante que l’émergence de Podemos en Espagne. Mais le plus intéressant, c’est que Corbyn s’est présenté avec un programme encore plus radical que celui de Podemos et avec une orientation claire envers la classe des travailleurs, ce qui montre que la recherche d’une alternative à l’austérité se poursuit.

    Il est impossible de mettre en œuvre un programme de réformes sans remettre en cause la base économique du système capitaliste actuel. Une restructuration de la dette n’est pas suffisante et, en plus, elle est souvent utilisée pour rendre la dette plus soutenable et éviter de défaut de paiement nocif pour les créanciers. Le point de départ pour un gouvernement de gauche est un programme qui exprime le vote anti-austérité avec des mesures socialistes telles que le refus du paiement de la dette, la nationalisation sous contrôle démocratique des travailleurs des secteurs-clés de l’économie et des investissements publics massifs pour répondre aux nécessités sociales.

    C’est seulement sur base d’une nationalisation du système bancaire sous contrôle populaire qu’il serait possible de se débarrasser des spéculateurs qui retiennent la classe ouvrière en otage. Dans un secteur bancaire nationalisé, le fardeau des prêts hypothécaires pourrait être remplacé par des loyers abordables, les petites entreprises pourraient obtenir des prêts bon marché, et des travaux publics tels qu’un programme de construction de logements massif pourraient être financés à moindre coût. Il est clair qu’aucun parti pro-austérité n’accepterait de telles mesures de rupture et, par conséquent, un pacte anti-austérité dans une coalition avec ces partis n’est ni ‘‘réaliste’’ ni ‘‘stable’’, c’est impossible.

    Pour clarifier cette question, il est important de se rappeler de ce qui est arrivé lors des élections en Andalousie, où Izquierda Unida (Gauche Unie) a obtenu le pire résultat de son histoire. Personne n’ignore que IU a été punie pour sa participation à un gouvernement de coalition avec le PSOE, un gouvernement qui a également appliqué l’austérité mais à un rythme plus lent. Cela a été perçu par le public comme une erreur et la création d’une nouvelle coalition de Podemos ou d’autres formations alternatives avec des partis pro-austérité serait à nouveau perçue comme une erreur. La nécessité d’une large confluence de gauche avec un programme anti-austérité pour les élections générales du 20 décembre en Espagne – avec Podemos, IU et les mouvements sociaux – est plus qu’évidente.


     

    Grèce : Abstention record aux élections du 20 septembre

    Tsipras et la direction de Syriza ont transformé le ‘‘non’’ au mémorandum en un ‘‘oui’’. Au lieu de s’appuyer sur le mandat populaire qui lui était donné par les 61 % des voix contre l’austérité, Syriza est devenu rien de moins que le parti qui appliquera le nouveau mémorandum austéritaire.

    Nous ne pouvons pas analyser les résultats du 20 septembre sans commencer d’abord par faire remarquer le taux d’abstention record de 43,4 %. Si nous y ajoutons les 2,42 % des votes nuls ou blancs, cela signifie que près d’un électeur sur deux n’a pas participé aux élections. La frustration qui existe dans la population et dans de grandes parties de la gauche est énorme. Le résultat est un parlement avec 6 partis pro-mémorandum, un parti nazi et le KKE (Parti communiste grec) comme seule expression de la gauche.

    Les deux partis ayant reçu le plus de votes, Syriza et Nouvelle Démocratie (droite), ont obtenu ensemble 3,45 millions de voix. En comparaison avec le résultat des élections de janvier, Syriza a perdu 320.074 voix et ND 192.489. En 2004, l’ancien système des deux partis, le PASOK (social-démocratie) et la ND, obtenait 6,36 millions de voix ensemble. Le ‘‘nouveau’’ bipartisme a moins d’impact et est plus instable que l’ancien. Cela affectera la coalition de Syriza / ANEL (droite nationaliste) qui sera rapidement testée lorsque le poids du mémorandum provoquera les premières réactions politiques et sociales.

    Aube Dorée reste, pour la troisième fois consécutive, la troisième force électorale du pays, mais la formation d’extrême droite a perdu 10.000 voix en chiffres absolus, malgré que le procès lié à l’assassinat du militant antifasciste Pablos Fyssas a déjà commencé. Le KKE a perdu 38.000 voix et Unité Populaire (scission de l’aile gauche de Syriza) n’est parvenue à décrocher aucun siège. Unité Populaire n’a pas été en mesure de présenter une alternative cohérente, ni un processus démocratique ouvert et connecté aux forces présentes dans la société. Le mauvais résultat électoral de la gauche anti-austérité ne peut être que la base pour un nouveau commencement, en tenant compte des erreurs de la gauche réformiste.

    Catalogne : La justice sociale et le droit d’autodétermination sont inséparables

    La victoire des listes de confluence de gauche dans des grandes villes comme Madrid et Barcelone a représenté un grand pas en avant. Les nouveaux élus ont déjà mis en place des mesures pour arrêter des expulsions, un audit de la dette municipale et la création d’un réseau des villes refuge face à la crise migratoire. Cependant, les contraintes auxquelles ces coalitions sont confrontées commencent également à devenir palpables.

    Une nouvelle occasion se présente pour utiliser la force accumulée par les luttes et les mobilisations de ces dernières années. À l’heure d’écrire cet article, les élections catalanes du 27 septembre sont imminentes et la question nationale jouera un rôle très important dans celles-ci. Mais polariser la question autour du ‘‘oui’’ ou ‘‘non’’ à l’indépendance favorise uniquement les secteurs plus réactionnaires. Quel que soit le résultat final par rapport à l’indépendance, le nouveau gouvernement devra choisir entre appliquer plus d’austérité ou s’y opposer.

    En outre, les questions sociale et nationale sont intrinsèquement liées. Il ne peut pas y avoir une véritable justice sociale si ce n’est pas possible d’exercer le droit d’autodétermination, et il ne peut pas y avoir une vraie indépendance si celle-ci n’est pas accompagnée de justice sociale. Toute collaboration avec des organisations bourgeoises sur un de ces sujets est une lourde charge pour les intérêts démocratiques et sociaux de la population.

    Idéalement, il ne faudrait qu’une seule liste de gauche et de rupture, mais en pratique deux listes essayeront de jouer ce rôle : la CUP (gauche indépendantiste et anticapitaliste) et Catalunya Sí que es Pot (confluence de gauche anti-austérité). Mais voter n’est pas suffisant. Il est nécessaire que des nouvelles couches de travailleurs et de jeunes participent à leurs campagnes et rentrent en masse dans l’activité politique. La lutte contre l’austérité et pour la défense des droits démocratiques des travailleurs ne sera pas possible sans une étroite collaboration entre la gauche catalane, espagnole, européenne et internationale.

  • Espagne : après la percée de la gauche aux élections locales, vers un nouveau front de résistance contre l’austérité ?

    adacolau-300x160C’est une réalité: Barcelone, Madrid et d’autres importantes villes d’Espagne disposent de nouvelles mairies constituées autour de listes de confluence de gauche. Le cycle des mobilisations sociales et des travailleurs de ces dernières années – initié par le mouvement des Indignés en 2011et par les 3 grèves générales de 24h de 2012 et 2013 – s’est reflété pour la première fois dans les résultats électoraux le 24 mai dernier. La crise politique du capitalisme espagnol s’approfondit, l’establishment aura beaucoup de difficultés à garder la situation sous contrôle pour poursuivre sa politique d’austérité et de reculs sociaux. De nouvelles possibilités s’ouvrent pour les travailleurs et la jeunesse, une nouvelle période s’ouvre pour la lutte des classes.

    Par Marisa (Bruxelles)

    Depuis la fin de la dictature, le système politique espagnol était dominé par les deux grands partis, le PP (droite) et le PSOE (social-démocratie). Aucun des deux n’a hésité à appliquer des coupes budgétaires (notamment dans l’éducation et la santé) ainsi que des contre-réformes de la législation du travail et du système des pensions, ce qui a fortement diminué le niveau de vie de la majorité de la population. Après les élections de mai dernier, la représentation de ces deux partis est tombée à 52% des voix, alors que leurs résultats combinés atteignaient auparavant les 80%. Le coup a été spécialement rude pour le PP qui a perdu le pouvoir dans nombre de ses fiefs. Il a également perdu sa majorité absolue dans toutes les régions. Le PSOE continue lui aussi à reculer.

    Aux régionales, Podemos a engrangé de bons résultats en se hissant généralement à la troisième place. Izquierda Unida (Gauche Unie) a par contre perdu sa représentation dans 4 des 8 parlements régionaux. Le soutien à des options alternatives de gauche a nettement augmenté aux élections municipales qui se déroulaient en même temps. Barcelone, Madrid, La Corogne, Cadrix, Saragosse et d’autres villes importantes disposent maintenant d’autorités municipales constituées à partir des candidatures dites “d’unité populaire”.

    Les listes d’ “unité populaire”

    Ces listes étaient des alliances de partis de gauche et d’activistes des mouvements sociaux. Il s’agissait de fronts unis sur base d’organisations de gauche (Podemos, Izquierda Unida ou son aile gauche, écologistes de gauche et, parfois, des formations de gauche indépendantiste comme la CUP en Catalogne et Anova en Galice), de syndicalistes, d’activistes contre les expulsions de maisons, de militants antiracistes, etc. Même si ces listes sont parfois associées à Podemos, elles avaient un profil indépendant. Ces listes étaient clairement considérées comme les émanations de la résistance de gauche contre l’austérité.

    Elles sont parvenues à occuper un vide politique qui n’était pas rempli par les organisations traditionnelles des travailleurs tout en attirant de nouvelles couches d’activistes issues des mouvements sociaux. En général, leurs programmes reposaient sur une opposition aux coupes budgétaires, sur la défense d’un audit démocratique de la dette publique municipale et de l’accès à l’eau ainsi qu’à l’énergie pour les plus démunis, sur le rejet des expulsions des maisons et sur d’autres exigences actuelles des mouvements sociaux et des travailleurs.

    Ce qui est clair, c’est que les listes de confluence de gauche ont obtenu de meilleurs résultats au niveau local que ceux obtenus par Podemos, qui s’est présenté seul aux régionales. Le cas le plus visible de cette tendance est à Madrid. La liste de confluence de gauche “Ahora Madrid” (31,85%) a remporté 230.000 voix de plus aux élections locales que la liste de Podemos (17,73%) aux élections régionales pour la même circonscription.

    Coalitions ou gouvernements de gauche minoritaires ?

    Malgré ces magnifiques victoires, aucune de ces listes de confluence de gauche n’a gagné de majorité absolue, élément qui ajoute une dose d’instabilité sur une carte politique très fragmentée. La question qui se pose maintenant pour ces nouveaux gouvernements de gauche locaux est la manière d’instaurer une politique favorable aux intérêts de la majorité en tenant compte de sa position minoritaire. Dans plusieurs endroits se pose donc la question de constituer des coalitions avec d’autres partis, y compris le PSOE social-démocrate. Pour Socialismo Revolucionario (SR, section du Comité pour une Internationale Ouvrière dans l’Etat espagnol et organisation-sœur du PSL) cette discussion doit démarrer du programme et de la nécessité d’appliquer une politique de rupture avec l’austérité.

    L’expérience la plus récente d’une coalition unissant Izquierda Unida et le PSOE, en Andalousie, a abouti à un gouvernement régional qui a lui aussi appliqué l’austérité, à un rythme plus lent il est vrai. Izquierda Unida a reçu une sévère correction lors des dernières élections andalouses pour s’être compromis dans cette politique antisociale. La loyauté du PSOE dans l’application de la politique austéritaire exigée par la classe dominante rend impossible de conclure un accord de gouvernement avec lui pour instaurer des mesures sociales. Socialismo Revolucionario appelle à la formation de gouvernements locaux minoritaires (ne disposant pas de majorité au conseil municipal) avec les forces réellement engagées dans la défense d’un programme anti-austérité et qui se basent sur la mobilisation sociale pour le défendre.

    Que faire avec une mairie de gauche ?

    La liste de confluence de gauche “Barcelona en Comú” a soutenu la grève illimitée des techniciens de Movistar pour l’amélioration de leurs conditions de travail. Cet exemple est très significatif et illustre le potentiel d’un gouvernement de gauche pour renforcer la visibilité des luttes des travailleurs et de la jeunesse. Tant à Madrid qu’à Barcelone, les listes d’unité populaire ont pour priorité des mesures destinées à paralyser les expulsions des maisons, en admettant que celles-ci ne pourront pas toutes respecter le cadre légal.

    Il est vrai qu’il y a des limites pour stopper les expulsions à partir des autorités municipales. C’est pourquoi un gouvernement de gauche, même en position minoritaire, devrait mobiliser et chercher à s’attirer un soutien actif dans la société pour créer un rapport des forces favorable. Il pourrait par exemple déclarer sa ville “zone libre d’expulsions”, boycotter les banques responsables et mobiliser un soutien massif de la population (par une combinaison de manifestations, d’actions, d’assemblées,…). Cela pourrait forcer les autorités et la police locale à rejeter indéfiniment l’application des expulsions. La pression publique et la désobéissance civile de masse ainsi générées permettraient à un gouvernement de gauche de faire face à toute contestation juridique.

    Le problème ne se limite toutefois pas à la paralysie des expulsions, il faut aussi créer des logements abordables. Un plan d’investissement massif de construction de logements sociaux publics pourrait résoudre le manque de logements tout en instaurant une pression à la baisse sur les loyers. Cela rentrerait évidemment en confrontation avec les coupes budgétaires imposées par le gouvernement du PP et par la “loi de stabilité budgétaire” qui empêche tout déficit au niveau local. Pour pouvoir investir dans la création d’emplois et améliorer le niveau de vie de la majorité, des mesures comme la désobéissance budgétaire et le refus du paiement de la dette municipale sont nécessaires. L’organisation et la mobilisation sociale pourraient forcer les partis pro-austérité à reculer.

    La répétition du même exemple dans plusieurs villes et villages pourrait poser les bases pour un front de résistance qui désobéirait aux obligations légales et aux coupes budgétaires imposées par les gouvernements central et régionaux, de la même façon que 19 mairies en Grèce avaient refusé d’appliquer une loi qui imposait le licenciement de milliers de travailleurs municipaux. Un réseau national de villes rebelles pourrait servir de préparation à la création d’un front uni à la base, incluant entre autres Podemos et Izquierda Unida, pour lutter en faveur d’un gouvernement central de gauche anti-austéritaire pour les prochaines élections générales qui auront lieu à la fin de cette année.


    Une politique basée sur les travailleurs : l’exemple de Liverpool 1983-1987

    liverpoolRompre avec la logique austéritaire dans une municipalité, c’est possible! A Liverpool, dans les années ‘80, la majorité du parti travailliste était sous l’influence du groupe “Militant”, qui deviendra ensuite le Socialist Party. Les travaillistes avaient remporté les élections en promettant d’en finir avec la politique de Thatcher, qui voulait imposer une austérité sauvage dans les localités, et de répondre aux aspirations de la majorité sociale. Ce fut respecté, notamment via de grandes mobilisations organisées par le conseil et le mouvement des travailleurs. En mars 1984, une grève de 24 heures a été menée par les 30.000 employés municipaux avec une manifestation qui a réuni 50.000 participants… pour soutenir le vote du budget des autorités municipales ! Le conseil de Liverpool a lancé la construction de milliers de logements sociaux, ce qui a conduit à la création de 6.500 emplois dans le secteur du bâtiment, a réengagé du personnel communal,… En raison de son isolement et de l’absence de tout soutien de la part de la direction du parti travailliste, le conseil municipal socialiste de Liverpool est tombé et le gouvernement de droite de Thatcher a pu lancer sa contre-offensive de manière totalement antidémocratique.

  • Espagne : Succès pour les listes de gauche d’unité populaire aux élections locales

    Le bipartisme désavoué aux élections locales et régionales

    elections_espagneLe 24 mai, des élections locales prenaient place dans toute l’Espagne, de même que dans 13 de ses 17 parlements régionaux. Les résultats représentent une nouvelle étape dans la crise politique du capitalisme espagnol. Ils ont été particulièrement décevants pour le PP, le parti de la droite officielle, qui a perdu le pouvoir dans tous ses grands bastions, y compris Madrid, Valence, Séville et beaucoup d’autres. Ils ont également perdu leurs majorités globales dans la plupart des régions et seront obligés de compter sur le soutien de «Ciudadanos» (un nouveau parti de droite populiste), qui viendrait à point.

    Par Danny Byrne, Comité pour une Internationale Ouvrière

    La baisse du soutien pour le PP – sanctionné pour son programme d’austérité brutale après 4 ans de gouvernement favorable aux grosses fortunes – s’est accompagnée d’une augmentation du soutien pour les alternatives de gauche. Dans un développement inédit depuis la chute de la dictature de Franco, l’alternative de gauche est en passe de prendre le pouvoir à Madrid et Barcelone, avec la victoire d’Ada Colau – figure publique du mouvement anti-expulsions. Cela fait les gros titres de la presse internationale. Dans le même temps, des avancées ont aussi été enregistrées aux élections régionales – pour lesquelles «Podemos» se présentait sous son propre sigle – mais avec des résultats moindres que ceux obtenus par les listes de gauche larges dans les élections locales.

    Bien que les grands centres urbains d’Espagne restent les épicentres de ce virage vers la gauche, ce succès a également été reproduit dans une série de villes et de villages à travers le pays. C’est un énorme pas en avant pour les travailleurs et les mouvements sociaux, et cela les place dans une position de force et de confiance bien meilleure afin de lutter contre l’austérité et pour un changement fondamental. Il y a deux ans, Ada Colau, a été soumise à des attaques incessantes de la part des médias, étiquetée comme «terroriste», alors que l’establishment s’apeurait de la croissance du mouvement contre les expulsions. Le fait qu’elle va probablement devenir la maire de la deuxième plus grande ville d’Espagne, fait naître beaucoup d’espoirs. L’idée que «nous, qui avons toujours perdu avons finalement gagné» a gagné les esprits.

    Dans le même temps, ce succès porte en lui-même d’énormes responsabilités, et nécessitera un large débat sur la façon d’aller de l’avant à partir de cette position renforcée. Si une approche correcte est prise, ces victoires pourraient être une étape déterminante pour se préparer à intensifier la lutte de la classe des travailleurs contre l’austérité.

    Qu’ont été ces listes «d’unité populaire»?

    Les listes dites «d’unité populaire» avaient différents noms dans différentes villes. «Ahora Madrid» (Maintenant Madrid), emmenée par le juge de gauche Manuela Carmena, a remporté plus de 30% des voix dans la capitale, tandis que «Barcelone en Comu» (Barcelone en commun) a obtenu le plus grand nombre de voix avec plus de 20%.

    Ces listes ont émergé à partir d’un processus de convergence dans l’ensemble du mouvement. Elles comprenaient des militants des principales formations de gauche – Podemos, Izquierda Unida (Gauche unie), des formations nationalistes de gauche comme la CUP en Catalogne – ainsi que des syndicalistes combattifs, des militants anti-expulsions, des militants antiracistes, etc. Associées par beaucoup à Podemos, ces listes avaient un profil véritablement indépendant. Ni Colau ni Carmena ne sont membres de Podemos (ou de tout autre parti), ni la plupart des conseillers élus.

    Malgré un vocabulaire et une phraséologie ambiguë (reflétés dans les noms choisis), ces listes ont été clairement perçues comme représentant une gauche anti-austéritaire. Elles soutenaient généralement un programme qui a souligné la nécessité de vérifier démocratiquement le fardeau de la dette publique et une opposition aux mesures d’austérité, solidaires avec le mouvement social et les luttes ouvrières en cours. Elles ont aussi mis en avant la nécessité de la lutte pour la réalisation de certaines de leurs revendications centrales, comme une paralysie des expulsions. Leurs militants ont été maintes fois dénoncés par le PP comme des «communistes» radicaux, ce qui n’a évidemment pas empêché des millions de personnes de se tourner vers eux et de leur accorder leurs voix.

    Coalition ou gouvernements minoritaires? Pour des gouvernements anti-austérité à 100%!

    Cependant, le succès de la gauche pose maintenant de nouvelles questions sur la façon d’aller plus en avant. Malgré leurs victoires éclatantes, aucune de ces listes n’a obtenu de majorité absolue. Cela représente une tâche de plus en plus difficile dans un paysage politique aussi fragmenté, avec au moins 5 partis dans la plupart des parlements et des conseils régionaux et locaux. Gagner une majorité claire avec une telle fragmentation rend encore plus cruciale la nécessité d’un projet politique unitaire sans équivoque reposant sur un plan réaliste visant à totalement changer la situation.

    Les résultats électoraux soulèvent aussi la question de savoir comment la gauche peut gouverner au niveau local sans majorité. Cette question se pose également dans un certain nombre d’endroits (dont Madrid) où, malgré le fait qu’elle se retrouve directement derrière le PP, la gauche a le potentiel de mener une majorité alternative au PP. Des gouvernements de coalition pourraient être constitués avec le PSOE ou d’autres forces. Beaucoup plaident en faveur d’une telle disposition, sur la base d’un certain «pragmatisme», en cherchant à former des majorités le plus rapidement possible. Autrement, des gouvernements minoritaires de gauche pourraient être formés. Cette question est actuellement débattue dans des dizaines de villes, et est potentiellement un prélude à la même question se posant à une plus large échelle pour les élections générales en novembre.

    Socialismo Revolucionario (SR – la section du Comité pour une Internationale Ouvrière dans l’Etat espagnol et section sœur du PSL) fait valoir que la discussion doit commencer à partir du programme. Comment la gauche peut-elle, sur base de son succès électoral, renforcer la lutte contre l’austérité et favoriser activement la riposte?

    Un point de départ fondamental est de refuser de poursuivre l’application de politiques brutalement antisociales et de revenir sur celles déjà instaurées le plus rapidement possible. Le parti social-démocrate PSOE – ainsi que le parti ERC en Catalogne, également partenaire potentiel d’une coalition de «gauche» – s’est engagé à 100% dans la mise en œuvre de l’austérité. Il a été le premier parti à présenter des coupes brutales au nom de la crise capitaliste actuelle, sous le gouvernement Zapatero.

    Nous défendons que l’austérité – même dans une version adoucie – ne sert pas les intérêts de la gauche ou des travailleurs et des jeunes enthousiasmés par son succès. L’expérience issue de la participation de Gauche unie (IU) à des coalitions avec le PSOE – récemment encore en Andalousie – a généralement conduit à l’associer à l’austérité plutôt qu’à la résistance sociale. La répétition d’une telle expérience aujourd’hui constituerait un grave recul, avec le danger d’anéantir les progrès de la gauche et de démoraliser une couche importante de travailleurs et de jeunes radicalisés.

    Socialismo Revolucionario milite pour une autre option, celle de former des gouvernements minoritaires de gauche, basés sur un programme 100% anti-austérité et sur la mobilisation de la population pour le défendre et forcer la main des autres partis. Cela implique de mettre en avant un programme radical pour le peuple et de mobiliser ce dernier afin qu’il appuie ce programme en appelant les assemblées parlementaires à le voter.

    C’est la lutte et non l’arithmétique parlementaire qui va conduire au changement

    Des autorités de gauche minoritaires, si elles adoptent la bonne approche, peuvent être beaucoup plus «pragmatiques» et engranger beaucoup plus de victoires pour la population qu’un «compromis» dans une coalition de collaboration de classe. Pour comprendre cela, il faut prendre conscience que ce qui provoque le changement de politique n’est pas l’arithmétique parlementaire ou institutionnelle, mais bien le changement social et la lutte. Le succès électoral actuel de la gauche est une expression de la vraie lutte que des millions de travailleurs, de jeunes et de retraités ont menée contre l’austérité dans la dernière période : les 3 grèves générales en 2012 et 2013, le mouvement de masse anti-expulsions et d’autres innombrables exemples.

    Le succès électoral et la présence dans les institutions, ne rendent pas ces luttes superflues mais leur donnent une importance et un potentiel accrus. Une classe des travailleurs mobilisée et organisée est l’ingrédient clé de la réussite d’un gouvernement anti-austérité à 100%. Un gouvernement minoritaire de gauche pourrait annoncer les mesures nécessaires pour faire ce qui est possible au niveau local afin de mettre fin au cauchemar de l’austérité – refuser d’effectuer des coupes dans les budgets publics, refuser les privatisations, refuser les expulsions ainsi que les autres politiques antisociales et investir dans des mesures socialement utiles et nécessaires pour fournir à chacun de bons logements et des emplois décents.

    Par exemple, sur la question particulièrement importante des expulsions, un tel gouvernement local pourrait déclarer sa ville «zone exempte d’expulsions», boycotter les banques responsables d’expulsions et mobiliser le soutien actif de la population pour une telle politique. Cela pourrait paralyser les expulsions indéfiniment, forçant les autorités locales et la police locale – opposée aux expulsions de masse dans de nombreux cas – à refuser de mettre en œuvre les expulsions forcées. Le soutien social énorme que cela permettrait de générer permettrait à tout gouvernement de gauche de faire face à toute contestation juridique «constitutionnelle» à de telles mesures, et d’organiser la désobéissance civile de masse.

    Une telle politique, inacceptable pour les partisans de l’austérité, pourrait galvaniser la classe des travailleurs et les mouvements sociaux. L’organisation conséquente à la base et la mobilisation généreraient une pression sociale énorme en faveur de ces mesures et en défense du gouvernement de gauche. Cette atmosphère pourrait forcer la main à d’autres partis, en particulier ceux de la soi-disant gauche (ou au moins des sections d’entre eux, provoquant des divisions en leur sein), qui pourraient être contraints de soutenir les politiques anti-austérité. Il faut tirer les leçons de l’exemple historique du conseil municipal de Liverpool dans les années 1980 en Grande-Bretagne. A cette époque, Militant (les partisans du Comité pour une Internationale Ouvrière en Grande-Bretagne regroupé aujourd’hui au sein du Socialist Party) ont eu une influence importante, mais ne bénéficiaient pas de la majorité à eux seuls. En se basant sur la classe des travailleurs en dehors du conseil, ils ont quand même réussi à faire adopter des mesures qui ont changé la donne face au gouvernement Thatcher.

    Des gouvernements anti-austérité à 100% pourraient se coordonner à travers différentes villes et villages, pour constituer une alliance rebelle significative, unie dans la résistance contre les tentatives d’imposer l’austérité de l’extérieur. Cela, en plus d’être efficace au niveau local, servirait également à préparer le mouvement pour les élections générales afin d’élire un gouvernement anti-austérité, sous lequel les travailleurs et les mouvements sociaux pourraient s’organiser à partir du niveau local, dans le cadre d’un mouvement anti-austérité coordonnée dans tout le pays.

    Podemos, la gauche et la perspective des élections générales

    Le succès des listes «d’unité populaire» montre l’énorme potentiel du modèle de larges fronts unitaires, formés à la base, autour d’un programme anti-austérité commun. Une caractéristique frappante a été la performance de ces listes par rapport à la performance de Podemos et des listes IU aux élections régionales qui ont eu lieu simultanément. Podemos est arrivé 3ème dans la plupart des scrutins régionaux, échouant à dépasser le PSOE comme le principal parti «d’opposition». Cela n’a été possible qu’aux élections locales, dans le cadre d’un front uni de la gauche. A titre d’exemple, à Madrid, la liste électorale locale «Ahora Madrid» a remporté 400.000 voix de plus que la liste régionale Podemos dans la même région.

    La leçon de ces élections est que, pour emporter une victoire dans le cadre des élections générales, une stratégie similaire, d’unité avec les autres forces de gauche, par en bas, est nécessaire sur une plus grande échelle.

    Cela a été démontré de façon encore plus spectaculaire aux dirigeants de la Izquerda Unida, dont les forces ont été divisées dans ces élections. La bureaucratie et son aile droite ont insisté sur la nécessité de former des listes indépendantes contre les listes d’Unité populaire dans la majorité des villes, tandis que son aile gauche a rejoint ces listes. Les listes officielles d’IU ont disparu du conseil de Madrid sous la vague de «Ahora Madrid», et cela s’est produit de façon similaire dans de nombreuses villes à travers le pays. Les listes régionales d’IU ont également souffert d’un quasi-anéantissement dans la plupart des régions. Cela va intensifier la lutte au sein du parti, ce qui est susceptible de le diviser définitivement dans la période à venir. Les secteurs critiques de la gauche d’IU doivent agir de façon décisive et, autour de la figure d’Alberto Garzon – chef de file électoral d’IU -, pourraient jouer un rôle décisif dans la reconstruction d’un mouvement unifié.

    Tout nous indique qu’il faut se mettre au travail pour constituer un front uni capable de lutter pour former un gouvernement de gauche après les élections générales. Une répétition dans toute l’Espagne de «l’unité populaire» – formée sur base d’assemblées démocratiques reliées entre elles au niveau local et régional afin de déterminer démocratiquement un programme anti-austérité et une stratégie – aurait un immense potentiel. Armé d’un programme socialiste anti-austérité, cela pourrait jeter les bases d’un nouveau parti de masse de la classe des travailleurs et de la jeunesse, élément essentiel à la réussite de la révolution espagnole.

  • Gand. Meeting réussi consacré à la percée de la gauche en Espagne

    podemos_gand_01Ce jeudi 28 mai, les sections du PSL de Gand avaient organisé un meeting consacré aux élections espagnoles et à la percée de PODEMOS et des listes de gauche. La manière dont PODEMOS a secoué le paysage politique du pays fait sans aucun doute appel à l’imagination de beaucoup. Plus de 70 personnes intéressées ont participé à cet événement destiné à discuter des premiers enseignements de ces élections. Dans le public se trouvait notamment un bon groupe d’Espagnols résidant actuellement à Gand. Avant le début du meeting, il a également été question de la grève des éboueurs à Gand, et un groupe de participants est allé les retrouver à la fin du meeting pour une visite de solidarité.

    Rapport de Jeroen, photos d’Emilie

    Lola Sanchez, parlementaire européenne de Podemos, a parlé de la “vie politique depuis la fin du régime franquiste, marqué par un système de deux partis.” Elle a décrit comment les sociaux-démocrates du PSOE et les conservateurs du PP se sont alternés pour au final appliquer une politique néolibérale identique tout en s’empêtrant dans la corruption. Les racines du succès de PODEMOS sont à chercher dans la colère de la population en rejet de cette politique et dans la résistance du mouvement du 15 mai (les Indignés).

    Lola a décrit l’un des objectifs de Podemos comme étant de “faire des représentants de véritables représentants. Pour ce faire, les élus doivent être révocables afin de ne pas disposer “d’un chèque en blanc”. Ils doivent également percevoir un salaire normal sans avoir d’autres mandats rémunérés.” C’est ainsi que Podemos veut mobiliser le mécontentement de la population pour un “bon programme” ce qui, selon Podemos, ne peut être “qu’un programme de gauche.”

    podemos_gand_02Bart Vandersteene, porte-parole du PSL, a ensuite pris la parole. Bart a commencé par souligner la recherche d’une alternative politique au néolibéralisme en cours sur l’arène internationale mais aussi l’impact de l’évolution à l’oeuvre en Espagne sur d’autres pays, dont la Belgique. Ce fut notamment le cas en Belgique en 2012 avec la manifestation de 15.000 personnes à Bruxelles à la suite de la marche des Indignés vers Bruxelles. Il a aussi abordé l’importance des expériences internationales, comme celles les leçons à tirer du processus grec. “La Grèce illustre particulièrement à quel point le capitalisme laisse peu de place aux compromis avec l’establishment”, a expliqué Bart. “Il n’existe pas de capitalisme social. Par conséquent, nous devons défendre une alternative anticapitaliste, mais aussi son expression concrète pour la lutte, sous forme de slogans et de programme.”

    De nombreuses questions ont porté sur les mesures concrètes à adopter par Podemos pour s’en prendre au problème du chômage ou encore au financement des services publics. Plusieurs interventions ont clairement indiqué que si Podemos veut vraiment faire une différence, de telles questions ne peuvent rester sans réponse. Le débat a encore porté sur la manière dont ces questions sont discutées au sein de Podemos ou sur la formation de coalitions, une donnée cruciale pour ces dernières élections municipales.

    La fin du meeting n’a pas signifié la fin des discussions, que du contraire, tandis qu’une délégation se rendait au piquet de grève d’Ivago. 7 exemplaires de notre mensuel ont été vendus à l’occasion de cette soirée, de même que deux abonnements d’un an.

0
    0
    Your Cart
    Your cart is emptyReturn to Shop