Tag: Elections 2014

  • Un gouvernement provocateur de droite dans les starting-blocks

     Pour une riposte du mouvement des travailleurs !

    C’est un pari risqué pour la bourgeoisie. La probabilité est réelle que cela provoque une éruption sociale difficile à contrôler. Depuis le jour du scrutin, les efforts visant à constituer une coalition de droite n’ont cependant fait que croître. Un gouvernement provocateur de droite avec la N-VA, le MR, le CD&V et l’Open-VLD est en préparation. Ce que cela signifiera pour la population ordinaire est évident au vu des premières annonces du gouvernement flamand de droite : augmentation des minervals pour les étudiants jusqu’à 1000€, abolition de la gratuité des transports en commun pour les plus de 65 ans, réduction drastique du woonbonus (un avantage fiscal suivant l’achat d’une maison), doublement de l’assurance santé de 25 à 50 euros, suppression de la petite quantité d’électricité et d’eau gratuite par ménage, etc. Tout cela, les travailleurs et leurs familles devront le subir brusquement. Si c’est cette politique qui doit être mise en œuvre au niveau fédéral, cela n’annonce rien de bon.

    Une austérité de plus en plus dure

    L’essence de la discussion entre le modèle PS et celui de la N-VA concerne le rythme de l’austérité. Sur l’essentiel – l’application d’une politique d’assainissements menée au détriment des travailleurs et des allocataires – ils sont d’accord. Mais là où le PS appelle à la prudence, rien ne va pas assez vite pour la N-VA. C’est ce que nous constatons avec les propositions des différents gouvernements régionaux. Le gouvernement flamand se précipite pour annoncer des mesures austéritaires conséquentes alors que la Fédération Wallonie-Bruxelles et la Région wallonne font un peu plus attention.

    Mais côté francophone, des mesures d’austérité à hauteur de un milliard d’euros se suivront chaque année, l’enseignement sera notamment durement frappé. Au début, quatre fonctionnaire sur cinq partant en pension ne seront pas remplacés, et un sur trois après deux ans. Ce sont déjà là des mesures profondément antisociales, mais le gouvernement flamand veut aller encore plus loin. Certaines des attaques qu’il prévoit ont toutefois déjà été réalisées côté francophone, comme c’est le cas des frais d’inscription aux universités, qui sont de 900 euros, et de la suppression de la gratuité des transports en commun pour les plus de 65 ans.

    Le nouveau gouvernement flamand est en fait une copie de la coalition au pouvoir à Anvers, dont la politique est caractérisée par d’importantes économies sur le dos du personnel communal et des services publics, accompagnées d’une répression particulièrement sévère qui n’évite pas les provocations. Cette coalition de la N-VA, du CD&V et de l’Open-VLD peut elle aussi simplement affirmer qu’elle ne fait qu’approfondir ce que d’autres ont fait, la précédente coalition dirigée par le SP.a dans ce cas-ci.

    La force du consensus néolibéral a été illustrée par le fait que l’Open-VLD ait à peine eu besoin d’une soirée pour avaler l’accord gouvernemental flamand. Quelques points et virgules ont juste été ajustés. Pour les provocateurs professionnels – comme les fédérations patronales flamandes VOKA et Unizo – c’était l’occasion d’immédiatement rendre hommage aux plans et mesures prévus et même d’en exiger de nouvelles, encore plus sévères.

    La coalition kamikaze

    Les frustrations du MR de Charles Michel et Didier Reynders, resté sur le pas de la porte des gouvernements wallons et bruxellois, ont ouvert la voie pour un gouvernement kamikaze. Avec seulement 20 sièges francophones sur 63, la légitimité démocratique de ce gouvernement est compromise à l’avance. Mais cette considération ne compte pas pour le MR face à l’attrait que représentent 7 fonctions ministérielles.

    Avant les élections, pourtant, les propos du MR étaient particulièrement acerbes vis-à-vis de la N-VA. Il s’agissait alors d’une « voix raciste » dans le cadre d’un « projet de discrimination et de mépris ». « Le parti caricature la Wallonie » déclarait ainsi Charles Michel le 21 mai dans les pages du quotidien flamand De Tijd. Charles Michel est maintenant prêt à faire des affaires avec la N-VA « parce que le gouvernement n’aura pas d’agenda communautaire, uniquement socio-économique. » Le fait que le gouvernement flamand impose sa politique à l’échelon fédéral est pourtant une base assez solide pour entrainer discussions et problèmes communautaires.

    Les partis de la coalition flamande ont déjà fait comprendre que la réduction de charge de 1,35 milliard d’euros prévue au fédéral devrait être plus importante. Entretemps, il a été confirmé que le prochain gouvernement fédéral devra trouver 17 milliards d’euros. Ce chiffre sera amené à être augmenter avec les nouvelles règles européennes de calcul de la dette publique. Dans le cadre de la formation du gouvernement flamand, le président de la N-VA Bart De Wever a déclaré : « La situation socio-économique nécessite la formation la plus rapide possible de gouvernements vigoureux, à tous les niveaux. La prise de conscience de cette responsabilité nous a réunis. » Au niveau fédéral, il sera notamment question d’un débat sur les pensions.

    Il semble que la bourgeoisie belge ait opéré un virage et abandonné l’option d’une tripartite avec le PS pour l’adoption de mesures sévères avec un gouvernement constitué autour de la N-VA. La peur de l’agitation sociale a cédé la place à l’opportunité d’appliquer des mesures drastiques qui, en cas de turbulence sociales excessives, gardent le PS en réserve. De Tijd a écrit le 22 juillet: « Chez les démocrates-chrétiens, qui livrent le Premier ministre avec Peeters, la frayeur de laisser la N-VA hors du jeu a été supérieure à la crainte de troubles sociaux. »

    Certains à la N-VA semblent être conscients de la situation difficile dans laquelle se trouve le parti. Il y a d’un côté la pression des employeurs pour adopter des mesures très impopulaires et de l’autre le danger que le parti, en tant que principal facteur antisocial du gouvernement austéritaire, ne soit ainsi brûlé en tant que troupe de choc néolibérale. A chaque annonce de mesure antisociale, la N-VA cherche d’ailleurs ensuite à emballer les choses ou ajouter des compensations. « Nous ne laissons personne derrière », comme l’affirme l’accord gouvernemental flamand.

    Le mouvement des travailleurs doit riposter

    La politique d’austérité peut conduire à des troubles sociaux non seulement du côté francophone, mais également du côté néerlandophone. Il semble que De Wever, Bourgeois, Peeters & Co estiment que cela n’ira pas aussi loin. A Anvers, la politique antisociale locale a bien été confrontée à plusieurs actions, sans toutefois que cela ne donne naissance à un mouvement généralisé avec un plan d’action élaboré pour canaliser l’énorme mécontentement en une lutte conséquente contre les sévères attaques antisociales. Peut-être les partenaires de cette coalition fédérale de la provocation prévoient-ils qu’il sera également possible que les choses en restent là aux niveaux flamand et fédéral. Ils espèrent que la position des syndicats est suffisamment affaiblie, ce en quoi la N-VA a livré sa contribution avec son assaut frontal contre l’ACV (la CSC flamande).

    Au cours de ces dernières années, le mouvement syndical a, à plusieurs reprises, laissé voir sa force potentielle. Ce fut notamment le cas des protestations contre le Pacte des Générations ou encore du mouvement pour plus de pouvoir d’achat. Le 2 décembre 2011, alors que le gouvernement Di Rupo n’était pas encore en selle, 80.000 syndicalistes ont défilé contre les futurs plans d’austérité. Mais le potentiel n’a pas été saisi pour aller à la confrontation frontale avec la politique d’austérité. L’argument du danger d’un gouvernement de droite a servi maintes et maintes fois à justifier d’accepter la politique de droite menée par le PS et le SP.a. Cet argument est aujourd’hui devenu caduque, et l’ACV n’aura pas facile à maintenir ses liens avec le CD&V à un moment où ce parti intègre un gouvernement où la N-VA dicte le ton.

    Pour l’instant, la réponse de l’ACV est très docile. Patrick Develtere, de Beweging.net (anciennement l’ACW, l’aile flamande du MOC), a déclaré: « Une réduction de charges est nécessaire, et on doit économiser, mais nous trouvons qu’il est naturel que cela se fasse de façon responsable, socialement juste et réfléchie. » Develtere a-t-il cette fois-ci consulté sa base avant de se prononcer ? Le Président de l’ACV Leemans note que le gouvernement flamand se profile comme l’ami des milieux d’affaires et que « ce n’est pas une option de créer de la croissance en coupant dans le bien-être social ou en s’en prenant aux services collectifs. » Au syndicat socialiste, on a annoncé que des ajustements seraient à venir sur base de négociation avec les politiques flamands.

    Les dirigeants syndicaux ont, des années durant, limité leur action à des tentatives visant à limer les arrêtes les plus vives. Ces côtés tranchants ne manqueront pas à l’avenir, en telles quantités qu’il faudra impérativement autre chose que cette tactique vouée à l’échec.

    Les premières annonces d’austérité au niveau régional ont donné le ton. Les jeunes, les travailleurs, les retraités, les malades,… tout le monde est touché, tandis que de plus en plus de moyens sont disponibles pour donner des cadeaux aux grandes entreprises (et maintenant aussi aux légèrement plus petites). Dans le cas où ce gouvernement fédéral provocateur et austéritaire arrive effectivement, nous ne devons pas attendre pour organiser notre résistance et assurer qu’elle ne soit pas limitée aux niveaux fédéral ou flamand. À Bruxelles, en Wallonie, en Fédération Wallonie-Bruxelles et aux communes, les attaques antisociales sont également sévères. Nous faisons face à une avalanche d’austérité, à tous les niveaux, et notre riposte doit être adaptée en conséquence.

    Certains dirigeants et militants syndicaux pourront peut-être voir une alternative aux gouvernement ouvertement de droite flamand et fédéral dans les gouvernements de la Région wallonne et de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Ils se trompent. Il sera nécessaire de construire une dynamique de résistance et d’opposition active contre les politiques d’austérité, et ce à tous les niveaux de pouvoir. C’est ce que nous avons déjà défendu avant les élections avec cette idée d’un front de résistance contre toutes les mesures d’austérité. Une campagne d’information des syndicats en front commun sur les lieux de travail, parmi les jeunes, dans les quartiers et parmi les pensionnés permettrait de divulguer l’ampleur des économies prévues et pourrait représenter la première étape dans la construction d’une forte mobilisation.

    Pour cette mobilisation, nous aurons besoin d’un plan d’action qui ne se limite pas à laisser échapper de la vapeur mais qui vise à construire la pression nécessaire à instaurer sur le gouvernement et le patronat afin de revenir sur les mesures d’austérité. Nous pouvons ici nous inspirer de « l’Opération Vérité » qui a précédé les grandes mobilisations de la grève générale de 1960-61. L’ampleur de la résistance de l’époque peut également être une source d’inspiration pour l’heure actuelle.

    Selon la logique capitaliste, l’austérité est la seule option et le débat se limite à la vitesse et à l’ampleur de celle-ci. Tout comme de nombreux travailleurs, jeunes, malades et pensionnés, le PSL pense également qu’il faut partir des besoins et des revendications de la majorité de la population. La politique de ces dernières années n’a fait qu’agrandir les déficits dans les domaines de l’emploi, du logement, de l’enseignement et des services publics. Nous avons besoin d’un plan drastique des d’investissements publics pour changer cela et pour améliorer nos conditions de vie avec des salaires plus élevés (avec par exemple l’instauration d’un salaire minimum généralisé de 15 euros par heure) et de meilleures allocations.

    Les moyens sont présents et nombreux, mais ceux-ci ne sont pas aujourd’hui utilisés dans l’intérêt de la majorité de la population. Une autre répartition des richesses est de plus en plus considérée comme une alternative à la concentration des richesses aux mains des 1% les plus riches de la population. Mais redistribuer les richesses va directement à l’encontre de la logique du système capitaliste. Nous avons besoin d’une force politique qui lutte pour un autre système, un système socialiste, basé sur la satisfaction des besoins de la majorité de la population plutôt que sur la soif de profits qui prédomine aujourd’hui. À cette fin, nous devons également posséder et contrôler les secteurs clés de l’économie, par leur nationalisation sans indemnisation, sauf sur base de besoins prouvés.

    L’austérité dure qui arrive constituera un test pour le mouvement des travailleurs et la gauche politique. La possibilité d’obtenir des compromis est de plus en plus limitée. L’autre camp lance une offensive brutale qui exige une riposte ajustée en conséquence, tant sur le plan syndical que politique. La stabilité de ce gouvernement austéritaire dépendra de la réponse du mouvement des travailleurs. Le PSL veut jouer un rôle actif dans cette résistance : travaillez-y avec nous, rejoignez-nous!

  • Comment les marxistes utilisent-ils leurs positions élues pour construire un rapport de forces vers un changement réel ?

    Ce 25 mai, des élus de gauche radicale ont été envoyés aux parlements régionaux de Bruxelles et de Wallonie ainsi qu’à la Chambre, pour la première fois depuis 30 ans. Cette percée remarquable du PTB assure que, désormais, une voix différente se fera entendre tant aux Parlements que dans le débat public.

    Les élus du PTB ont annoncé vouloir être le mégaphone de leurs électeurs. Certains ont rétorqué qu’avec seulement deux députés à la Chambre, quatre au Parlement bruxellois et deux au Parlement wallon, le PTB ne parviendra à rien concrétiser, que figurer dans l’opposition ne permet pas de ‘‘peser’’ sur la politique. Comment la gauche radicale peut-elle utiliser sa position pour, avec la classe des travailleurs, renforcer la lutte anti-austérité ? Comment quelques élus peuvent-ils déterminer le ton de l’agenda politique ? En guise de contribution à cet important débat, nous avons voulu aborder quelques exemples de la manière dont le Comité pour une Internationale Ouvrière (dont le PSL est la section belge) a utilisé et utilise ses positions élues.

    À Seattle, aux Etats-Unis, Kshama Sawant a frappé fort l’an dernier en recueillant 95.000 voix et en faisant son entrée au conseil de la ville, où ne siègent que neuf élus au rôle comparable à celui d’un échevin en Belgique. Notre camarade Bart Vandersteene a plusieurs mois à Seattle et livre ici un rapport de la manière dont la position de Kshama a été utilisée dans la lutte pour l’augmentation du salaire minimum à 15 $ de l’heure.

    En Irlande, nos camarades du Socialist Party n’ont pas su répéter leur succès des élections européennes de 2009, lorsqu’ils étaient parvenus à prendre l’un des sièges en lice à Dublin. Ces cinq dernières années ont toutefois clairement illustré ce qu’un élu de gauche radicale peut faire comme différence au Parlement européen. Notre parti frère irlandais possède une vaste expérience dans ce domaine. Lors des dernières élections législatives partielles de mai, Ruth Coppinger est d’ailleurs venue rejoindre Joe Higgins au Parlement irlandais. Ces cinq dernières années, Finghin Kelly était collaborateur au Parlement européen pour le Socialist Party, il nous parle ici de cette expérience.

    Enfin, nous tenons à revenir sur un cas plus historique, celui de la lutte de Liverpool où, entre 1983 et 1987, un conseil municipal de gauche radicale était au pouvoir. Que peuvent réaliser les marxistes lorsqu’ils disposent d’une majorité dans une grande ville ? Le contraste est frappant avec, par exemple, ce que fait actuellement le SP aux Pays-Bas, devenu partenaire de coalition des libéraux à Amsterdam.

     

    Ces contributions peuvent être d’une grande utilité afin de voir comment utiliser de la façon la plus optimale les positions que le PTB a obtenues aux Parlements.


    Seattle: Comment une élue socialiste a-t-elle pu faire la différence dans la lutte pour l’augmentation du salaire minimum ?

    Par Bart Vandersteene

    “La guerre du salaire”

    Pour la première fois depuis des décennies, un élu de gauche radicale se réclamant du socialisme est arrivé au Conseil d’une ville américaine majeure. L’élection de Kshama Sawant à Seattle en novembre dernier est loin d’être passée inaperçue… Depuis lors, le plus haut salaire minimum de tout le pays y a été instauré. Nul doute que l’élection de Kshama Sawant et le rôle joué par Socialist Alternative ont été décisifs dans ce domaine.
    Les lecteurs réguliers de Lutte Socialiste ou de socialisme.be ont déjà pu à de nombreuses reprises prendre connaissance de la situation particulière qui s’est développée à Seattle. Deux permanents du PSL s’y sont d’ailleurs rendus afin de profiter de cette expérience et d’aider à construire notre organisation-sœur, Socialist Alternative, qui connaît actuellement une croissance impressionnante.

    Sans exagérer le moins du monde, nous pouvons affirmer que l’élection de Kshama Sawant a constitué un véritable tournant pour la gauche américaine. Un intense débat a éclaté concernant les initiatives que la gauche devrait prendre aux Etats-Unis pour enfin être un réel joueur sur le terrain politique.

    L’élection d’une militante se réclamant du socialisme n’est pas passée inaperçue, c’est certain, mais ce qui a véritablement frappé les esprits, c’est que six mois plus tard à peine, la ville avait déjà accepté de relever le salaire minimum jusqu’à 15 $ de l’heure, même si ce n’est pas d’un seul coup. Avec cette victoire, Kshama Sawant et Socialist Alternative sont devenus un repère pour des dizaines de milliers de militants actuellement à la recherche d’une stratégie destinée à défendre une alternative au capitalisme. Même les médias internationaux ont couvert l’événement, qui a figuré dans les pages du Guardian, de l’Indian Times de même que dans des journaux allemand, français, danois, israéliens,…

    Mais avant le vote du Conseil sur les 15 $, seuls les journalistes locaux reconnaissaient l’importance de ce qui était en train de se passer. Le Seattle Times, journal difficilement soupçonnable de sympathies de gauche, écrivait déjà en avril : ‘‘Si le conseil décide d’établir le salaire minimum à 15 $ au cours de ces prochains mois, alors Sawant pourra à juste titre en prendre le crédit et commencer à déterminer l’agenda politique de la ville.’’
    Kshama n’a pas marqué de son empreinte l’agenda politique en convainquant les huit autres conseillers à l’aide de bons arguments ; elle a forcé l’establishment politique à accorder des concessions en mobilisant l’opinion publique et en construisant un mouvement par en bas. Sa campagne électorale avait pour revendication centrale l’instauration d’un salaire minimum de 15 $ et l’approche offensive de Socialist Alternative a forcé les deux candidats à la mairie à se prononcer sur la question. Le vainqueur, Murray, a été contraint de la soutenir du bout des lèvres.

    Une semaine après sa prestation de serment au Conseil, une réunion a rassemblé 250 participants et a lancé la campagne ‘‘15 NOW’’ (15 maintenant). Ces derniers mois, des dizaines d’activités et de réunions ont eu lieu en vue de consolider et de renforcer le large soutien à la revendication des 15 $, soutenue à 68% selon un sondage réalisé en janvier. En mars, il s’agissait de 72%.

    Tout en continuant à mener campagne, Sawant et ‘‘15 NOW’’ avaient averti le maire qu’il avait jusqu’au mois d’avril pour trouver une proposition concluante, faute de quoi ‘‘15 NOW’’ allait lancer une campagne de récolte de signatures pour obtenir l’organisation d’un référendum contraignant en novembre, sur base d’une proposition de ‘‘15 NOW’’.

    Le 1er mai, le maire a annoncé qu’il avait conclu un compromis avec les représentants des entreprises, des syndicats et une majorité des conseillers. Les 15 $ de l’heure seront bien introduits, mais sur une période de 2 à 6 ans en fonction de la taille de l’entreprise. Après deux ans, le montant sera ajusté pour tenir compte l’inflation. Pour 2025, le salaire minimum devrait être de 18 $ de l’heure (actuellement, le salaire minimum fédéral est de 7,25 $).

    Plusieurs conseillers ont, en concertation avec le patronat, tenté d’affaiblir la proposition initiale de ‘‘15 NOW’’. La seule raison pour laquelle ils n’ont pas osé y aller plus franchement est la menace des prochaines élections, où ils craignaient d’être trop largement considérés comme de vulgaires hommes de paille des 1% les plus riches.

    La proposition finalement retenue n’est pas conforme à 100% à celle défendue par Kshama, mais elle reste une avancée majeure ainsi qu’une grande victoire qui indique comment une position élue peut être utilisée pour renforcer la lutte et arracher des conquêtes sociales. Le journaliste indépendant Arun Gupta avait ainsi décrit la dynamique à l’œuvre : ‘‘C’était impressionnant de voir comment Socialist Alternative combinait efficacement ses tactiques à l’intérieur et à l’extérieur du Conseil. C’était un jeu d’échecs, chaque mouvement de la mairie et des entreprises recevait une réponse de ‘‘15 NOW’’. La position de Sawant à la table des négociations a été renforcée par des manifestations et des actions.’’

    Al-Jazeera América a écrit : ‘‘La victoire de Sawant a démontré qu’être socialiste n’est plus un inconvénient pour les élections. La campagne pour les 15 $ de l’heure a en outre fourni un modèle de démocratie par la base qui va à l’encontre du processus politique contrôlé par les entreprises. Les observateurs s’attendent à ce que la loi puisse passer fin mai. Si cela se produit, la victoire – même sans être complète – confirmera la méthode de Socialist Alternative, renforcera cette organisation et créera plus d’espace pour la politique socialiste aux États-Unis’’ (21 mai 2014).

    Lors du vote final au Conseil, le 2 juin, Kshama Sawant a clôturé son discours comme suit : ‘‘Le message d’aujourd’hui est clair : si nous nous organisons en tant que travailleurs avec une stratégie socialiste, nous pouvons combler le fossé des inégalités de revenus et nous attaquer à l’injustice sociale. Les 15 $ à Seattle ne sont qu’un début. Nous avons tout un monde à gagner.’’

    Plus d’infos sur le rôle joué par Kshama Sawant et Socialist Alternative à Seattle.


    Irlande. Des élus pour renforcer la résistance de terrain contre la politique antisociale

    Par Finghin Kelly

    Joe Higgins

    Le parti-frère irlandais du PSL a remporté son premier siège au Dáil (parlement) en 1997. En 2011, le parti a gagné deux sièges aux élections législatives et, récemment, en a obtenu un de plus lors d’une élection partielle. Le Socialist Party irlandais a également eu un député européen de 2009 aux récentes élections de mai.

    Le Socialist Party est également représenté dans des conseils locaux depuis 1991. Il est à la base de l’Alliance Anti Austérité (AAA) qui vient de remporter 14 conseillers municipaux (9 d’entre eux étant membres du Socialist Party) siégeant désormais dans les trois principales villes de la république irlandaise.

    Durant toute cette période, le Socialist Party a été confronté à de nombreux défis dans l’utilisation de ses élus. Les années ’90 et le début des années 2000 furent une période marquée par un dramatique tournant vers la droite au sein du Parti Travailliste irlandais (de même que dans le reste de la social-démocratie, comme le PS en Belgique), qui s’est transformé en un parti entièrement pro-capitaliste et appliquant le néolibéralisme. Un processus similaire avait également pris place dans la majorité des directions syndicales, qui ont abandonné l’idée de mener une lutte conséquente pour défendre les intérêts de la classe des travailleurs tout autant que celle qu’une alternative au capitalisme était possible.

    Ces dernières années, le capitalisme irlandais a connu une crise profonde. Les banques irlandaises ont été renflouées par le contribuable à hauteur de 64 milliards € et un vicieux plan d’austérité a été mis en place par l’ensemble des partis traditionnels. Les conditions de vie des travailleurs se sont effondrées tandis que l’émigration et le chômage ont atteint un niveau record.

    Dans ce contexte, les principales tâches qui nous faisaient face avec nos représentants élus étaient de défendre et de populariser les idées du socialisme en tant qu’alternative à la crise, d’entrer en confrontation avec l’establishment politique capitaliste et de s’en prendre aux conséquences de leurs politiques en organisant à la rage et l’opposition des travailleurs.

    L’histoire nous a démontré que toutes les conquêtes sociales acquises par la classe des travailleurs ont été obtenues grâce à l’organisation et à la pression exercée sur la classe capitaliste et ses partis. Chaque victoire obtenue au Parlement n’a été possible que grâce à ce genre de mouvement. Nous avons donc toujours visé à utiliser nos représentants comme bras politiques du mouvement à l’extérieur de la Chambre. C’est ce qui a constitué notre force : faire d’une part entendre la voix des travailleurs et défendre les idées du socialisme à l’intérieur du Parlement et, d’autre part, avant tout utiliser ces élus afin d’aider à organiser la lutte à l’extérieur du Parlement.

    Paul Murphy

    Dans le cadre du mémorandum de la troïka, le gouvernement irlandais a instauré une taxe injuste sur chaque maison, sans tenir compte des moyens de ses occupants. Une campagne de boycott de masse a suivi, soutenue et construite par le Socialist Party. Nos élus ont été une sorte de mégaphone pour la campagne. Notre député européen, Paul Murphy, a même déchiré son formulaire de taxe au Parlement européen au cours d’un débat avec le président de la Commission européenne José Manuel Barroso. Nos élus ont été d’une grande assistance pour la campagne. Nos ressources (bureaux, capacités d’impression, etc.) ont été utilisées pour construire une campagne nationale de masse. Le bureau de Paul Murphy à Dublin a par exemple été occupé par des volontaires de la campagne afin d’y organiser des réunions et des actions dans tout le pays, tout en servant de centrale téléphonique pour de la campagne.

    Nos élus n’ont jamais cessé leur activité dans le mouvement. En 2003, dans une campagne du même type, notre député Joe Higgins a même été emprisonné un mois après avoir défié une décision judiciaire interdisant les manifestations.

    Pour le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), il est normal que les représentants des travailleurs n’aient pas un style de vie plus aisé que celui des travailleurs. Ses représentants vivent donc avec le salaire moyen d’un travailleur. Le député européen Paul Murphy a ainsi vécu comme un jeune travailleur irlandais; en gardant 1.800 euros par mois de son salaire de parlementaire de 6.300 euros. Le reste a été donné à des travailleurs en grève, des campagnes anti-austérité, etc.

    Beaucoup d’exemples peuvent encore illustrer comment des élus peuvent efficacement aider les travailleurs en lutte. En 2005, par exemple, Joe Higgins a fait entrer au Dáil la question de l’exploitation des travailleurs turcs et kurdes chez Gama Construction. En plein boom du secteur immobilier, ils ne recevaient qu’un salaire de 2 ou 3 € de l’heure ! Ces travailleurs se sont mis en grève, et notre travail au Dáil a permis d’exercer une pression politique sur le gouvernement irlandais et de faire débarquer la thématique dans les médias, jusque-là réticents. Ce fut un point tournant pour leur lutte.

    Plus d’infos.


    Liverpool : La ville qui a défié Thatcher

    Dès le printemps 1984, la ville de Liverpool a connu un mouvement de masse dirigé par les membres de notre parti-frère anglais, alors organisés au sein du Parti Travailliste autour du journal “Militant”. À Liverpool, leur tendance était même la force dirigeante du parti travailliste.

    À ce moment-là, les administrations locales se voyaient contraintes par le gouvernement central d’exécuter d’importantes coupes budgétaires. Mais il n’en a pas été ainsi à Liverpool grâce à un conseil communal dont la direction, le programme et les tactiques avaient été élaborés par l’organisation trotskyste ‘‘Militant’’. Même si les membres de Militant étaient en minorité au conseil, ce sont leurs propositions d’actions et idées qui étaient acceptées. Ils ont défendu la nécessité d’un budget basé sur la satisfaction des besoins des habitants. Les rentrées étaient insuffisantes face aux dépenses prévues, mais une large campagne a été initiée pour contraindre le gouvernement à accorder plus de ressources aux localités.

    La majorité travailliste à Liverpool, élue en mai 1983, est revenue sur les 2.000 licenciements de travailleurs municipaux effectués par la précédente administration travailliste. Elle a aussi décidé de lancer un plan de construction de 5.000 nouveaux logements sociaux en quatre ans. Plus de logements sociaux ont été construits à Liverpool sur cette période que dans toutes les autres communes du pays ! 12.000 emplois ont ainsi été créés dans le secteur du bâtiment à un moment où le taux de chômage était à plus de 25 % à Liverpool, voire même à 90 % parmi la jeunesse de certains quartiers. Le salaire minimum des employés communaux a été relevé de 100 livres par semaine, et le temps de travail est passé de 39 à 35 heures par semaine, sans perte de salaire.

    “Better break the law than break the poors” – “Mieux vaut briser la loi au lieu de briser les pauvres”

    Avec ses 30.000 travailleurs, la ville était le plus grand employeur de la région. Mais si Liverpool avait avalé la logique d’austérité que voulait lui imposer le gouvernement, le budget pour 1984 aurait dû être de 11 % inférieur à celui de 1980-81. 6.000 emplois auraient dû disparaitre pour que le budget soit à l’équilibre.

    Le gouvernement a lancé une campagne complètement massive contre Liverpool dans les médias, campagne plus tard suivie par la direction nationale du Parti Travailliste. Plus d’une fois, Thatcher a menacé d’envoyer l’armée pour expulser les élus locaux. Dans un courrier des lecteurs dans les pages d’un journal local, un homme avait réagi en disant : ‘‘Je ne sais pas qui était Léon Trotsky, mais à en juger par le nombre de maisons qui ont été construites à Liverpool, ce devait être un fameux maçon !’’

    Le 29 mars 1984, jour où devait être voté le budget d’austérité du gouvernement, une grève générale locale de 24 heures, une des plus grandes grèves jamais vues à l’échelle d’une ville, et 50.000 personnes ont manifesté en direction de l’hôtel de ville afin d’exprimer leur soutien au conseil ! Le 9 juin 1984, le gouvernement a fait toute une série de concessions d’une valeur totale de 16 millions de livres, entre autres parce que les mineurs étaient eux aussi partis en grève. Thatcher savait qu’elle ne pouvait obtenir aucune victoire en se battant sur deux fronts à la fois, et a décidé de tout d’abord se concentrer sur les mineurs.

    Finalement, les “47” de Liverpool (les 47 conseillers travaillistes qui ont mené la lutte jusqu’au bout) ont été démis de leurs fonctions par un tour de passe-passe juridique suite à une alliance conclue entre Thatcher et la direction nationale travailliste, horrifiée par le soutien que commençaient à gagner la ‘‘Tendance Militant’’. La section locale du parti à Liverpool a été dissoute puis placée sous un contrôle hiérarchique très strict. Ce n’était que le début d’une sorte de contre-révolution politique au sein du Parti Travailliste arrivée à sa conclusion logique sous Tony Blair, le parti devenant totalement pro-capitaliste.

    Version raccourcie d’un précédent article.

  • Quel type de gouvernement pour continuer la politique d’austérité, et à quel rythme ?

    Une formation de gouvernement fédéral partie pour durer à nouveau de longs mois ? Vu les résultats sortis des urnes, et les premières coalitions formées aux niveaux fédérés, c’est tout à fait possible ; même si rien n’est exclu. Une chose est toutefois certaine : le prochain gouvernement aura à assainir au minimum 14 milliards d’euros supplémentaires ces prochaines années, afin de ‘redresser’ l’économie belge. C’est certes moins que les 22 milliards d’austérité du gouvernement Di Rupo, mais là où la précédente majorité avait enlevé une bonne partie de la graisse et de la chair, le prochain devra s’attaquer à l’os.

    Par Stéphane Delcros, article tiré de l’édition d’été de Lutte Socialiste

    Pour les travailleurs et leurs familles, cela fera d’autant plus mal. D’autant que la question des pensions arrive à nouveau sur la table, et que la problématique du chômage est loin de disparaitre. De nombreuses autres mesures d’austérité sont attendues au niveau communal et dans les régions et communautés, là où les transferts de compétences du fédéral n’ont pas été accompagnés du transfert de moyens correspondants.

    Tous les partis envisagés pour former un gouvernement fédéral, comme tous ceux impliqués dans les coalitions en construction dans les entités fédérées (PS-CDH en Wallonie, PS-FDF-CDH en Communauté française et à Bruxelles, avec Open VLD-CD&VSP. a pour la coalition néerlandophone, et NVA-CD&V en Flandre), s’accordent sur un point : ça va saigner. Pour les travailleurs et leurs familles, bien sûr, pas pour la classe capitaliste. Et celle-ci de se poser cette question : quelle est la meilleure option pour faire passer la douloureuse pilule à la population ? A l’aide d’un bâton de gavage tenu par la NVA ? Ou en la cachant péniblement dans de la purée de plus en plus fade sous la main du PS et du CD&V ?

    La classe capitaliste perd peu à peu le contrôle

    A l’heure de boucler ce journal, la mission d’information de Bart De Wever n’était pas terminée. Et il est difficile de se projeter dans l’avenir: confrontée à la perte d’autorité de ses alliés politiques au fur et à mesure de l’application des politiques néolibérales, la classe capitaliste ne possède plus un contrôle total de la situation. Son option préférée reste aujourd’hui une coalition dite de ‘tripartite classique’, a priori plus stable pour mener les politiques ‘nécessaires’. Avec le PS au gouvernement, elle peut encore tenter de ‘brider’ les directions syndicales, même si c’est et ce sera de plus en plus difficile.

    Bart De Wever déclarait ne plus croire en la force des syndicats en Belgique, peut-être croit-il lui-même en cette provocation. Mais si les syndicats donnent l’impression de ne plus peser grand-chose, c’est avant tout par l’absence criante de stratégie et de mots d’ordre clairs et offensifs de la part des directions syndicales face aux nombreux défis urgents survenus ces dernières années. Reste qu’avec plus de 3,5 millions de membres – près de trois quarts de la population active – la force des syndicats est bien réelle, et ne demande qu’à être organisée.

    Si un gouvernement de droite autour de la NVA (ce qui est l’autre option discutée et tentée par De Wever) voyait le jour, nul doute qu’il mènerait à une véritable guerre de classes ouverte. Un tel gouvernement pousserait directement des dizaines de milliers de travailleurs dans la rue, sans possibilité de tenter un ‘bridage’ des directions syndicales. La grande bourgeoisie belge pourrait éventuellement adhérer à un tel projet, mais probablement sans grand enthousiasme. Car cela resterait assez risqué pour elle, d’autant que la NVA, soi-disant ‘anti-establishment’, n’est pas à proprement parler un parti fiable et contrôlable par elle.

    Quelle que soit donc la composition du prochain gouvernement, la base de la politique qu’il mènera est connue et il est certain que les partis traditionnels continueront à voir leur autorité s’éroder. Ne jouons pas trop leur jeu en espérant au plus vite une coalition, et que celle-ci soit la plus ‘progressiste’ possible. Occupons-nous plutôt dès à présent à nous rassembler et à nous préparer pour les grandes batailles que l’automne nous promet.

  • Élections européennes : un sérieux avertissement

    Les élections européennes du mois de mai ont été une succession de défaites pour les gouvernements et partis traditionnels dans un pays après l’autre. Ce fut une véritable révolte des électeurs contre les gouvernements et les partis traditionnels. Mais bien que la gauche soit en progrès dans certains pays, les médias dominants n’ont toutefois parlé que de la victoire du Front national en France et de l’UKIP au Royaume-Uni.

    Par Robert Bechert, Comité pour une Internationale Ouvrière

    Les élections européennes du mois de mai ont été une succession de défaites pour les gouvernements et partis traditionnels dans un pays après l’autre. Beaucoup de politiciens ont cédé à la panique en voyant de nouvelles forces politiques gagner du terrain, tandis que les vieilles formations sont en déclin. Malgré le faible taux de participation, ces élections ont révélé à quel point l’Europe est ébranlée par les conséquences de la crise économique mondiale qui a débuté en 2008. Partout dans le continent, le niveau de vie est en baisse (voire s’est complètement effondré dans certains cas). Certains pays ont connu d’immenses mouvements de contestation et de lutte de classe. Tout cela a alimenté les tensions croissantes au sein de la zone euro et de l’Union européenne. Ces divisions seront encore accrues par la croissance des forces “eurosceptiques” et anti-austérité.

    Le Front national français, le parti d’extrême-droite dirigé par Marine Le Pen, a fait la une des journaux en sortant premier du scrutin en France. Au Royaume-Uni, les conservateurs ont été rabaissés à la troisième place pour la première fois depuis la fondation de leur parti il y a 180 ans – la première place étant maintenant occupée par l’UKIP (Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni). Dans d’autres pays (Autriche, Danemark, Grèce, Hongrie, Suède) on voit des partis d’extrême-droite, voire néofascistes, faire de grands progrès, sans compter le succès de forces de droite en Belgique et, dans une moindre mesure, en Allemagne. Tout cela a fait dire aux médias que l’Europe connait à présent un tournant à droite – malgré les succès remportés par les forces de gauche et anti-austérité en Grèce, en Irlande et en Espagne.

    Les élections nous donnent une “photographie” de l’évolution des évènements à un moment donné, mais ce n’est pas tout le film. C’est encore plus le cas lorsqu’on parle des élections européennes pour le soi-disant “parlement” européen, une assemblée qui n’a en réalité presque aucun pouvoir et qui est généralement considérée comme n’étant rien de plus qu’un endroit « où on mange bien ». La conséquence en est que le taux de participation aux élections européennes est généralement encore plus faible que celui des élections nationales – sauf là où ce scrutin est combiné à d’autres, comme en Belgique où le vote est part ailleurs obligatoire. Néanmoins, ces résultats sont une illustration de la situation actuelle en Europe.

    Ce scrutin s’est déroulé six ans après le début de la plus grande crise internationale du système capitaliste depuis les années ’30, dans un contexte de turbulences économiques et sociales continues, de chômage de masse partout en Europe, avec seulement quelques pays qui connaissent une reprise vacillante. Par ailleurs, ces élections se sont également produite dans un contexte de relatif “calme politique”, avec peu de luttes ou mouvements à grande échelle, alors qu’en plus, dans la majorité des pays, il n’existe aucun grand parti qui s’oppose à l’austérité. Malgré cela, les élections de mai ont bel et bien été révélatrices de la méfiance, de l’aliénation et de l’opposition croissantes envers les gouvernements nationaux dans de nombreux pays européens

    Le vote anti-austérité

    Des années de chute du niveau de vie ont sapé la confiance qui existait envers l’ordre capitaliste actuel. Les résultats des élections correspondent bien à ceux d’un récent sondage, en mai 2013, qui révélait que seulement 31 % des Européens faisaient confiance aux institutions de l’Union européenne (contre 57 % en 2007). Pire encore, seuls 25 % des Européens annonçaient en mai 2013 faire confiance à leur gouvernement national, contre 41 % en 2007. Ce phénomène est particulièrement marqué dans les pays qui ont le plus souffert de la crise.

    Les gouvernements qui étaient au pouvoir au début de la crise ont été vaincus, et ceux qui les ont remplacé n’ont pas suscité plus d’enthousiasme. Par exemple, en Espagne, depuis la chute de la dictature de Franco à la fin des années ’70, les deux principaux partis qui ont dominé les gouvernements successifs étaient le Parti populaire (conservateur) et l’ancien parti social-démocrate PSOE ; ces deux partis obtenaient traditionnellement toujours beaucoup de voix : en 2009, 81 % des électeurs espagnols avaient voté pour l’un ou l’autre. Mais aujourd’hui la somme de leurs votes n’atteint que 49 %. Par contre, on voit de tout nouveaux partis, formés à peine quelque mois avant les élections, obtenir un franc succès, comme le parti de gauche “Podemos” (“On peut”) qui a fait 8 % des voix et est ainsi déjà devenu le 4ème parti du pays. La troisième place est quant à elle dévolue à la Gauche Unie (IU, Izquierda Unida) qui a remporté 10 % (+4 % par rapport au dernier scrutin).

    En Irlande, le Parti travailliste a perdu énormément de voix à la suite de sa participation au gouvernement pro-austérité, tandis que les forces anti-austérité – et notamment le Sinn Féin (parti nationaliste irlandais) – ont beaucoup progressé. À la suite de cette véritable raclée électorale, Eamon Gilmore, président du Parti travailliste, qui était aussi vice-Premier ministre de ce gouvernement, a démissionné de son poste ; tout comme d’ailleurs le dirigeant du PSOE espagnol Alfredo Rubalcaba. Le soutien que le Socialist Party (section irlandaise du CIO) a obtenu pendant les élections européennes combinées à des élections partielles à Dublin-Ouest, a démontré la puissance de la base que notre section s’est construite lors de sa lutte contre l’austérité et pour une alternative véritablement socialiste.

    Dans d’autres pays, la situation n’évolue pas si clairement à gauche. Aux Pays-Bas, le Parti travailliste (PvdA, Partij van de Arbeid), un parti bourgeois qui participe à la coalition du gouvernement, s’en est sorti avec à peine 9 %. On est loin de son score d’il y a trente ans, qui était de 34 % ! Mais pas besoin d’aller si loin : il y a deux ans seulement, ce parti avait remporté 25 % lors des élections législatives. À présent, le vote du Parti travailliste néerlandais est même inférieur à celui du Socialistische Partij (SP, un parti de gauche plus radical) – 10 %. Cependant, le SP néerlandais, même s’il bénéficie du soutien critique du CIO, est loin de proposer un programme socialiste véritable aussi clair que celui qui est proposé par les partis affiliés au CIO dans le reste du monde. Certes, le SP a accru son vote (il était de 7 % aux élections européennes de 2009), mais il est en (légère) baisse par rapport à celui des élections législatives de 2012, et bien en-dessous du score obtenu en 2006, qui était de 17 %. Néanmoins, le fait que le SP se présente en tant que force de gauche en opposition à l’austérité a permis de limiter l’avancée de l’extrême-droite populiste du “Parti de la liberté” (PVV, Partij voor de Vrijheid) dirigé par Geert Wilders – même si ce parti a quand même obtenu 13 %.
    Les forces de gauche ou anti-austérité n’ont réellement progressé que dans un tout petit nombre de pays, parmi lesquels la Belgique, l’Espagne, la Grèce, l’Irlande et les Pays-Bas. Même en Grèce, où Syriza (Synaspismós Rizospastikís Aristerás, “Coalition de la gauche radicale”) est sortie première du scrutin, ce résultat n’a pas été dû au fait qu’elle se soit renforcée depuis les élections cruciales de 2012 (où elle avait failli s’emparer du pouvoir), mais tout simplement par dépit, tandis que les électeurs se détournent de “Nouvelle Démocratie”, le parti au pouvoir. Au même moment, on voit toujours un franc soutien au parti néofasciste “Aube dorée” (Khrysí Avgí).

    En Allemagne, bien qu’une relative stabilité et un fort taux de participation aient permis à Angela Merkel et à ses chrétiens-démocrates (CDU, Union chrétienne-démocrate) de gagner en nombre de votes (mais pas en termes de pourcentages), un nouveau parti formé l’an passé, appelé “Alliance pour l’Allemagne” (AfD, Allianz für Deutschland) a remporté 7 %. Les alliés bavarois de Merkel, regroupés dans le CSU (Union chrétienne-sociale), dégringolent carrément, leurs électeurs se détournant vers l’AfD. Le parti de gauche “Die Linke”, au sein duquel participe le CIO, a lui aussi gagné en termes de nombre de voix (près de 200 000 électeurs), tout en perdant en termes de pourcentage (7 %).

    En Italie, le nouveau gouvernement de Matteo Renzi, 100 jours après sa mise en place, s’en est bien sortie. Le Parti démocratique (PD, un parti “social-démocrate” similaire au PS français, a remporté son meilleur score jamais obtenu : 41 %. Cela reflète en réalité l’ampleur du désespoir qui s’est emparé dans ce pays à l’économie dévastée. L’Italie a en effet perdu 25 % de sa capacité industrielle depuis le début de la crise en 2008. Même si le Mouvement 5 étoiles (M5S, Movimento Cinque Stelle) s’est plutôt tassé lors de ces élections, il pourrait se maintenir pendant un certain temps sur base de la désillusion qui grandira envers Renzi après que celui-ci se soit installé au pouvoir, et tant qu’il n’existe pas une réelle alternative de gauche et de la classe des travailleurs.

    Sur le court terme, beaucoup de gens espèrent que Renzi pourra faire sortir l’Italie de sa crise profonde. Leurs espoirs se fondent en partie sur la mise en place d’une baisse de taxe de 80 € par mois pour toutes les personnes qui gagnent entre 18 000 et 23 500 € par mois. Mais sa popularité pourrait ne pas durer bien longtemps, vu que Renzi désire en réalité utiliser sa victoire pour mettre en place un programme néolibéral. Parviendra-t-il à le réaliser ? Rien n’est moins sûr…

    La tendance général partout en Europe était la perte du soutien envers les gouvernements nationaux. En Suède, les “modérés” (conservateurs de droite) du Premier ministre Fredrik Reinfeldt sont tombés à la troisième place, à 14 %, derrière les social-démocrates et les écologistes. Au Portugal, les partis de droite au gouvernement n’obtiennent ensemble que 28 % ; par contre, on voit des groupes marginaux comme le Parti de la Terre (MPT), un parti écologiste conservateur, passer de 0,6 % à 7 % des voix.
    Dans des pays où le pouvoir est détenu par des partis qui se déclarent de “gauche”, ce sont généralement les partis de droite, et bien souvent d’extrême-droite, qui ont progressé. La France est vraiment l’exemple le plus frappant de cette tendance : le Parti “socialiste” de François Hollande continue à péricliter, tandis que le Front national (FN) est maintenant devenu le premier parti. Cela n’a fait qu’intensifier les tensions et rivalités au sein de l’UMP (“Union pour une majorité populaire”, le parti de Sarkozy et Chirac).

    De même, au Danemark, c’est le Parti du Peuple Danois (DF – Dansk Folkeparti, de droite) qui a tiré le plus grand profit de l’impopularité des social-démocrates au pouvoir (dont le parti est passé de 25 % en 2011, à 19 % à présent). Avec cette perte de soutien, il n’est pas étonnant de voir la Première ministre (et présidente du parti social-démocrate) Helle Thorning-Schmidt maintenant raconter à tout le monde qu’elle cherche un poste à l’Union européenne. Ce que nous voyons en France comme au Danemark, est que les partis d’opposition qui sont véritablement de gauche n’ont pas tiré les leçons de la dégénérescence (voire de la trahison) des partis de “gauche” qui sont au gouvernement.

    Tout cela signifie-t-il la faillite de la gauche, en plein milieu de la plus grande crise économique des 80 dernières années ? Devons-nous nous résigner à voir la droite bénéficier de la colère croissante de la population ? Nous entendons ces questions sans arrêt. Bien qu’il nous faille répondre à cette menace qui nous vient de la droite, il faut également aussi aller plus loin lorsque nous voyons la manière dont le résultat de ces élections est présenté dans les médias. Car ce que nous voyons devant nous, c’est une véritable campagne de propagande anti-socialiste, orchestrée par tous les médias pour présenter le “socialisme” (y compris le socialisme véritable, le nôtre) comme étant quelque chose de démodé, de ringard, appartenant à une autre époque.

    La faillite de la vieille “ex-gauche”

    Tout d’abord, nous devons bien nous demander ce que nous entendons par “gauche”. Ce n’est pas simplement une question du nom du parti. Aujourd’hui, il y a toute une série de partis pro-capitalistes qui, pour des raisons soit historiques, soit électorales, s’appellent “socialistes”, “social-démocrates”, “travaillistes”… Il est possible que ces partis, jadis, aient défendu les intérêts des travailleurs, se soient battus pour le socialisme, et même pour la révolution socialiste. Mais cela fait des décennies que ces partis ont été dirigés par des politiciens pro-capitalistes qui se sont efforcés de transformer ces partis en formations complètement pro-capitalistes. Cela signifie qu’une fois au gouvernement, ils finissent à présent toujours par défendre le système capitaliste, même s’ils peuvent être de temps à autre en faveur de la mise en place de l’une ou l’autre réforme progressiste (assurance-santé, cantine gratuite à l’école, etc.) – et même ces quelques réformes semblent avoir disparu de leur programme aujourd’hui. À cause de la dégénérescence de ces partis et de la perte à présent quasi-totale de leurs racines ouvrières, nous nous trouvons dans la plupart des pays devant la nécessité de créer de nouveaux partis des travailleurs.

    C’est pourquoi la crise à laquelle sont confrontés les gouvernements soi-disant de “gauche” comme le PS français, n’est pas du tout une preuve de la faillite du socialisme. Dans beaucoup de pays, ce sont justement ces partis “socialistes”, “social-démocrates” ou “travaillistes” qui ont été l’instrument des capitalistes pour mettre en œuvre leurs attaques néolibérales, comme au Danemark et en France, ou qui ont participé en tant que partenaires dans la mise en œuvre de ces attaques, comme en Grèce, en Irlande ou aux Pays-Bas. C’est cette politique qui est la raison de leur perte de soutien parmi leur base traditionnelle et qui les rend dégoutants aux yeux de la jeunesse.

    Au début, nous avions vu dans de nombreux pays une tendance vers la gauche au moment où la crise a frappé. Il y avait un large sentiment d’opposition au fait que la “population” soit appelée à payer les pots cassés pour une crise provoquée par un petit groupe de banquiers. Dans certains pays, surtout en Europe méridionale (Espagne, Portugal, Italie, Grèce), on a vu un renouveau de la lutte de classe. On a vu toute une série de grèves et manifestations contre les mesures d’austérité, en particulier contre la dictature de la “troïka” de la Commission européenne, de la Banque centrale européenne (BCE) et du Fonds monétaire international (FMI) avec leurs soi-disant “plans de renflouement” qui n’ont fait qu’endetter encore plus ces pays tout en semant la désolation.
    Au même moment, on a vu se développer des mouvements comme Occupy ou les Indignés, qui ont commencé à remettre en question le règne des “1 %”, tant sur le plan idéologique que politique, et même à remettre en question le système capitaliste lui-même. Un point tournant a été le renversement de Moubarak en Égypte, qui a contribué à radicaliser ces mouvements. Pendant tout un temps, la place Tahrir était considérée comme un symbole de révolte.

    Tout cela nous a fourni tous les matériaux requis pour construire un puissant mouvement, capable de lutter contre l’impact de la crise et de remettre en question le capitalisme. Mais personne n’est venu construire ce mouvement. Les matériaux se sont gâtés. On n’a vu aucun programme ou stratégie claire de la part des principaux dirigeants syndicaux (pour la plupart acquis au capitalisme) pour lutter contre la crise et l’austérité ; dans beaucoup de pays, aucune force socialiste, voire simplement de gauche, n’a émergé ou n’a eu le potentiel de construire un tel mouvement de masse.

    En Allemagne, les dirigeants syndicaux ont accepté l’idée selon laquelle les travailleurs devraient faire des sacrifices pour garder leur emploi. Beaucoup de gens pensent que cette stratégie a fonctionné, vu que l’Allemagne aujourd’hui connait une reprise au niveau de ses exportations, même si le niveau de vie a continué à stagner ou à baisser. Mais il suffirait d’une baisse de ces exportations pour qu’une période de vives turbulences démarre en Allemagne aussi.

    Dans de nombreux pays européens, il y a eu beaucoup de luttes. En Grèce surtout, où il y a eu 36 grèves nationales depuis 2010, sans compter des milliers de manifestations et mouvements partout dans le pays. Mais ces grèves n’étaient pas connectées à une campagne de mobilisation constante des masses, non seulement contre les attaques, mais contre le système lui-même qui a causé cette crise. Aux yeux de nombreux dirigeants syndicaux, ces mouvements étaient juste un prétexte pour permettre d’évacuer la colère des travailleurs puis de laisser le mouvement retomber, tout en leur permettant de dire qu’ils avaient “fait quelque chose”. Le résultat ? La population grecque a vécu un véritable effondrement de son niveau de vie ; c’est le tissu social lui-même qui a été ébranlé. Les salaires ont été diminués de 60 %, le chômage est officiellement de 27 %, et le New York Times a écrit qu’entre 800 000 et un million de gens qui travaillent ont un retard de salaire d’au moins un mois, et que les services publics comme la santé ou l’enseignement sont au bord de la faillite.

    C’est ce contexte qui explique l’énorme engouement pour Syriza lors des deux élections de 2012 en Grèce. Les travailleurs et les jeunes ont senti que faire grève continuellement un jour – deux jours ne les mènerait nulle part, et ont donc décidé de passer à l’action politique. Pendant la campagne électorale de mai 2012, Syriza appelait à la formation d’un “gouvernement de gauche”, qui a été largement suivi par la population. Le parti est passé de 5 % en 2009 à 17 % en 2012, pour obtenir 30 % aux élections un mois après. Mais la direction de Syriza a commencé à reculer. L’appel à un “gouvernement de gauche” a été élargi pour inclure également des partis pro-capitalistes “de gauche”, et les dirigeants ont expliqué qu’ils n’étaient pas pour la révolution mais qu’ils allaient tenter de travailler dans le cadre du système. Alors que lors des dernières élections, Syriza avait fait campagne avec le slogan « Dégagez-les tous », il n’a pas été capable d’accroitre son soutien, même s’il est devenu le premier parti du pays.

    Les populistes de droite et l’extrême-droite

    Voilà ce qui explique la croissance des néofascistes comme Aube dorée. Ce parti a remporté 536 400 voix pour les élections européennes, soit 9 % de l’électorat. Il y a cinq ans, il n’en avait que 23 550. Lors du premier tour des élections communales, organisées une semaine avant les élections européennes, Aube dorée a obtenu 16 % à Athènes (et 11 % pour la région Attique, qui inclut Athènes).

    Tout comme les partis de droite populiste ou d’extrême-droite dans d’autres pays, Aube dorée est parvenue à s’emparer des problèmes réels et à leur fournir une “solution” – une réponse raciste et nationaliste. Sa croissance impressionnante est le reflet de la profondeur de la crise en Grèce ; c’est le résultat de la polarisation politique qui découle inévitablement d’une telle situation.
    Beaucoup de jeunes font partie des personnes les plus touchées par la crise. Le chômage des jeunes est en moyenne de 24 % en Europe (56 % en Grèce, 53 % en Espagne). Tous ces jeunes sont en concurrence les uns avec les autres pour obtenir un emploi, ce qui signifie qu’ils accepteront plus facilement un travail mal payé et dans de mauvais conditions – cela a pour effet une diminution générale des salaires, un affaiblissement des syndicats (beaucoup de jeunes ne reçoivent pas de contrat mais un travail “à la semaine” ou “à la journée”) et, dans le contexte de la libre circulation des personnes, cela peut susciter de l’hostilité entre travailleurs de différents pays. En France, le chômage des jeunes est de 24 %, et les sondages montrent que, parmi les jeunes de 18-24 ans, le FN est le premier parti – 26 % –, tandis que le dirigeant du Front de gauche, Mélenchon, n’obtient que 16 %.
    Le FN est parvenu à se construire une base en utilisant des revendications sociales, l’hostilité envers les politiciens traditionnels et le nationalisme (« Une politique française, pour les Français et avec les Français »). Mais le Front de gauche n’a pas apporté une réponse claire par rapport aux problèmes concrets, et n’est pas non plus très clair par rapport à ses relations avec la coalition de François Hollande. Malgré la descente vertigineuse du PS au gouvernement, le FdG qui obtenait auparavant 95 000 voix n’en obtient toujours que 1 200 000 (6 %), tandis que le FN est passé de 3 619 000 à 4 711 000 voix (25 %).

    En même temps, ces élections-ci ont tout de même prouvé que la montée de la droite et de l’extrême-droite n’est pas quelque chose d’inévitable. Nous voyons que la gauche, même avec un programme limité, est capable d’empêcher la droite de progresser – c’est le cas en Espagne, en Allemagne et aux Pays-Bas. Mais ce ne sera pas pour toujours. Tout échec de la gauche peut ouvrir la porte à la droite. La polarisation en Grèce est en partie le résultat de la crise, mais elle est également à imputer à la faillite totale de la social-démocratie représentée par le parti Pasok (Panelli?nio Sosialistiko? Ki?nima, Mouvement socialiste panhellénique). Au moment des élections de 2009, la crise venait à peine de commencer, et beaucoup de gens espéraient que la “gauche” les tirerait de là : le Pasok était sorti grand vainqueur avec 44 %, 3 millions de voix. À ce moment-là, Aube dorée ne faisait même pas 10 000 voix (0,29 %). Mais aujourd’hui, Aube dorée fait plus de voix que l’“Alliance Olivier” qui inclut entre autres le petit parti qu’est devenu le Pasok.
    L’extrême-droite est aussi très présente en Europe centrale et orientale, comme en Hongrie où le parti néofasciste Jobbik (Jobboldali Ifjúsági Közösség, Alliance des jeunes de droite) a également obtenu environ 7 % (il a en fait perdu 70 000 voix, vu que le taux de participation a fortement chuté – 29 % de la population a voté seulement). La Slovaquie bat tous les records avec un taux de participation d’à peine 13 %. Même en Croatie, qui vient de rejoindre l’Union européenne, l’enthousiasme ne semble pas être de mise, vu que le taux de participation était d’à peine 25 %.

    Malgré le faible taux de participation, ces résultats constituent un avertissement pour tous les politiciens de la classe dirigeante qui soutiennent encore ce qu’ils appellent le “projet européen”. Le renforcement des forces eurosceptiques, surtout de droite, et le regain de croissance des forces de gauche et anti-austérité dans certains pays, nous mène vers encore plus de tensions au sein de l’Union européenne, surtout au sein de la zone euro.

    La crise est toujours là

    Juste après les élections, le Financial Times citait François Heisbourg, président (français) de l’Institut international d’études stratégique, un “think-tank” londonien, qui disait que « La crise de l’euro est comme un cancer en rémission – une menace qui peut réemerger à tout moment ». De nombreuses menaces pèsent en effet toujours sur l’euro.

    Le danger d’une baisse du commerce mondial pourrait être source de gros problèmes pour les pays qui comptent sur leurs exportations pour se sortir de la crise, surtout en ces temps d’austérité à tous les niveaux. Cela affaiblirait notamment la position de l’Allemagne. La crise ukrainienne menace les banques autrichiennes, et de nouvelles sanctions contre la Russie nuirait également fortement aux intérêts allemands. Au sein de la zone euro, la France et l’Italie réclament plus de flexibilité par à l’austérité imposée par l’UE, et espèrent une réduction de la valeur de l’euro – ce qui pourrait avoir lieu, vu que la BCE cherche à éviter la déflation (la déflation étant une crise inverse de celle de l’inflation, lorsque tous les prix diminuent sans arrêt).

    Il est clair que le système bancaire de la zone euro présente toujours de nombreuses faiblesses. La BCE a déjà pompé 1000 milliards d’euros dans le système financier européen afin d’éviter son effondrement. Mais le Financial Times estimait début avril qu’il faudrait encore 700 milliards d’euros pour maintenir le système, au même moment où le FMI annonçait que les problèmes des banques de la zone euro constituent une menace pour la stabilité du système financier mondial. Il y a beaucoup de discussions autour de quelle stratégie employer pour éviter la déflation et pour renforcer la croissance, mais cela pourrait couter très cher. Le journal allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung rapportait également en avril que pour faire monter l’inflation de 0,2 % (pour contrer la déflation), la BCE devra encore racheter des actifs pour une valeur de 1000 milliards d’euros. Il est vrai que Mario Draghi, le gouverneur de la BCE, a déclaré en 2012 qu’il fera “Tout ce qu’il faudra” pour sauver l’euro, il y a tout de même des limites à ce que les différents pays – surtout l’Allemagne – sont prêts à dépenser pour sauver leurs voisins.

    Malgré une reprise de la croissance dans certains pays, le PIB de la zone euro était toujours début 2014 2,5 % en-dessous de ce qu’il était à son maximum avant la crise, début 2008. La situation est toujours incertaine. L’an dernier, les entreprises européennes ont remboursé des “mauvaises dettes” pour un total de 360 milliards d’euros, soit 3,1 % de leur chiffre d’affaires total. Mais début 2014, ce chiffre d’affaires a diminué. Une nouvelle vague de crise ébranlerait également les pays les plus stables comme l’Allemagne, la Belgique, l’Autriche, etc. tout en brisant tout espoir de développement en Europe centrale et orientale.

    Un retour de la crise attiserait à nouveau les tensions entre différents pays. Dans de telles circonstances, il y aurait de plus en plus de pressions pour une scission ou une réorganisation de la zone euro, du fait que les classes dirigeantes des différents pays auraient à lutter pour leurs propres intérêts nationaux tout en cherchant à contenir la colère au sein de leurs propres pays. Beaucoup de gens sont déjà très fâchés par rapport à la “troïka” dans les pays qui ont le plus souffert des soi-disant “plans de renflouement”. De manière plus générale, beaucoup de gens sont indignés par rapport à ce qu’ils considèrent comme une domination allemande (ou plus précisément, de l’impérialisme allemand) au sein de l’UE. Tout cela peut évidemment mener à plus de rivalités nationales, à plus de décisions prises de manière unilatérale par tel ou tel pays, et donc à la désintégration de l’euro et de l’Union européenne telle que nous la connaissons.

    Les défis à venir

    Juste avant les élections, le Financial Times remarquait que : « Les Européens voient un monde dans lequel les bénéfices de la mondialisation ne concernent que les 1 % les plus riches. Tout ce qu’ils voient, c’est que leur revenu stagne, que leur emploi est précaire, et que leurs enfants sont sans travail ». Dans de nombreux pays, nous connaissons en ce moment une période de calme au niveau des luttes ; il ne faut pas se tromper dans notre analyse de ce que cela veut dire. Ce calme ne veut pas dire que la population accepte passivement la situation ou accorde le moindre crédit dans les beaux discours des politiciens et des gouvernements. Les résultats des élections montrent bien que toute une série de tensions sont en train de se développer sous la surface, qui sapent l’ancien ordre établi.

    Il y aura inévitablement de nouvelles luttes, de nouveaux mouvements des travailleurs, de la jeunesse, et d’autres couches de la population, parmi lesquels de plus en plus de gens tireront la conclusion qu’ils ne peuvent pas continuer comme ça, quand une crise vient après l’autre. De nouvelles expériences seront faites, de nouvelles leçons seront tirées. Il y aura de plus en plus de concurrence entre les différentes organisations qui misent sur le mécontentement pour se construire une base. Au Royaume-Uni, la question reste posée de savoir si l’UKIP sera vraiment capable de s’implanter en tant que formation durable dans le paysage politique (comme le FN en France ou le FPÖ en Autriche) ou s’il n’est que phénomène temporaire mais qui pourrait mener à de nouveaux développements à droite.

    Nous allons voir toute une série de nouvelles occasions pour la gauche, qui lui donneront la possibilité de damer le pion à l’extrême-droite. L’extrême-droite n’a en réalité rien à offrir derrière ses slogans populistes, parce qu’elle ne remet pas en question le système capitaliste. Cela veut dire que son programme ne permettra pas d’apporter la moindre solution aux problèmes réels de la population laborieuse. Si nous disposions d’une force de gauche socialiste, armée d’un programme socialiste largement diffusé, et qui montre qu’elle est véritablement prête à réaliser ce programme, alors nous pourrions vaincre l’extrême-droite. Notre défi est de construire cette force.

    Les élections du mois de mai ont été révélatrices de la situation de la gauche en Europe. Dans beaucoup de pays, comme la Grèce, l’Espagne, les Pays-Bas, le Portugal ou l’Allemagne, les partis de gauche ont d’importantes positions, qui peuvent être utilisées pour faire progresser les luttes et reconstruire le mouvement des travailleurs. En Belgique, le succès du Parti du Travail (PTB/PvdA), qui vient de gagner ses tous premiers députés au niveau national et régional, lui donne la possibilité de jouer un rôle crucial – la question restant cependant posée, de savoir si les dirigeants de ce parti sont prêts à abandonner l’approche dirigiste qu’ils ont héritée de leur passé maoïste. En Irlande, le vote anti-austérité a été si puissant que nous voyons s’ouvrir une nouvelle période, qui peut nous offrir de nouvelles possibilités pour construire une force socialiste.

    Mais des victoires électorales ne sont pas par elles-mêmes une garantie de l’avenir d’un parti ou du rôle qu’il jouera. Nous avons toujours en mémoire le triste exemple de la Refondation communiste en Italie ou du Parti socialiste écossais, qui ont gaspillé leur incroyable potentiel. Les partis sont sans arrêt soumis au test des évènements, sans arrêt confrontés à de nouveaux défis.
    Les élections ne sont pas la plus facile des formes de lutte, et les résultats ne progressent pas de manière linéaire. En Irlande, Paul Murphy, candidat du Parti socialiste (CIO irlandais) n’a pas été réélu à son siège de député européen, en partie parce qu’un autre parti de gauche, le Socialist Workers Party (SWP) a présenté son propre candidat contre lui. Mais le même jour, notre camarade Ruth Coppinger a été élue au parlement irlandais (ce qui porte à deux le nombre de nos députés en Irlande), et nous avons également gagné de nouveaux conseillers communaux.

    Les victoires électorales remportées par la gauche peuvent devenir d’importants points de soutien pour aider les luttes à venir et contribuer à reconstruire le mouvement des travailleurs. Mais cela ne se fera pas de manière automatique. Le progrès de l’extrême-droite et des néofascistes est un avertissement. L’Europe capitaliste sera frappée par de nouvelles crises et de nouveau troubles. De nouveaux mouvements des travailleurs et de la jeunesse surviendront inévitablement. L’épreuve pour tous sera la victoire ou non des ces luttes, et la reconstruction effective du mouvement ouvrier dans le cadre d’une perspective socialiste.

  • Grande Bretagne : les élections du rejet

    Les syndicats doivent maintenant lancer notre riposte !

    Ces élections furent celles du rejet. Elles ont à nouveau illustré la profondeur de la colère et de l’aliénation qui existent envers tous les partis traditionnels britanniques. Suite à ces élections, tous les partis majoritaires pansent leurs blessures, en essayant de regarder les résultats en face.

    Hannah Sell, Secrétaire générale du Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)

    Aux élections européennes, c’est un autre parti que les deux grands (les travaillistes et les conservateurs) qui l’a emporté, l’UKIP (United Kingdom Independance Party, Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni). Il s’agit de la première fois lors d’une élection nationale depuis 1910. Les Tories (Parti conservateur britannique) ont été relégués à la troisième place. L’ancien « parti protestataire », les Lib-Dems (Libéraux-Démocrates) a été réduit à un seul siège d’eurodéputé, arrivant en cinquième position derrière les Greens (le parti écologiste). Aux élections locales également, une minorité assez importante, estimée à 17% a voté pour l’Ukip. Alors qu’il ne comptait que deux conseillers municipaux en fonction avant les élections, il en a maintenant plus de 160.

    Vote anti-establishment

    La volonté centrale des électeurs était de secouer tous les partis de l’establishment, ou comme un des électeurs Ukip l’a exprimé, de faire peur au gouvernement, avec l’UE servant de catalyseur pour une colère généralisée. Six électeurs Ukip sur dix ont décrit leur vote comme une protestation générale car, pour le moment, ils sont mécontents de tous les partis politiques traditionnels.

    Cela n’a pas été mentionné dans la presse capitaliste, mais une minorité importante des travailleurs a exprimé sa colère en votant pour le TUSC (Trade Unionist and Socialist Coalition, Coalition syndicaliste et socialiste, dans laquelle est activement impliqué le Socialist party). Il s’agit du plus grand mouvement à la gauche du parti travailliste depuis la seconde guerre mondiale : pas moins de 561 candidats anti-austérité se sont présentés aux élections locales et autres. Ils ont récoltés 65.000 voix.

    La TUSC a obtenu plus de 1000 votes dans 21 circonscriptions. Dans 10 d’entre elles, il s’agissait même de plus de 2000. A Southampton, le conseiller municipal anti-austérité Keith Morrell a été réélu avec une majorité écrasante. Le Parti Travailliste, qui avait exclu Keith pour avoir voté contre les mesures d’austérité, a été ramené à la troisième place derrière l’Ukip.

    Le Socialist Party – avec le RMT (National Union of Rail, Maritime and Transports, syndicat national du rail, de la navigation et des transports) – a également pris part à l’action « No2EU – Yes to Workers’Rights » (Non à l’UE – Oui aux droits des travailleurs) pour offrir une opposition de gauche et internationaliste face à l’Europe des patrons, dans sept régions.

    Le Socialist Party avait soutenu la présence de la TUSC aux élections locales et européennes. Cela aurait indéniablement donné aux deux campagnes un profil plus élevé. Cependant il n’était pas possible de convaincre les autres forces impliquées dans l’action No2EU, particulièrement le Parti Communiste Britannique. Et malheureusement, cela a eu moins d’impact qu’en 2009, quand il avait été possible de mobiliser des travailleurs combattifs comme les grévistes du bâtiment de Lindsey et les travailleurs de l’industrie automobile de Visteon.

    Les campagnes de la TUSC, en particulier, sont à considérer en tant qu’étapes sur la route conduisant à la création d’un nouveau parti de masse des travailleurs. Le besoin d’un tel parti est de plus en plus urgent. L’Ukip est un parti populiste de droite, fondé et contrôlé par des millionnaires, des aristocrates, des barons de la presse et des agents de change, mais il s’est donné une plateforme médiatique pour se poser en tant que parti des « petites gens ». Il a été capable de se positionner partiellement dans le vide immense laissé dans la politique britannique.

    Jamais auparavant le fossé n’avait été si grand entre les partis de Westminster et les gens qu’ils sont censés représenter. Une colère profonde apparaît à la surface de la soi-disant apathie. Plus de 30 millions d’électeurs potentiels sont restés chez eux.

    Les taux de participation sont souvent plus bas dans les régions de la classe ouvrière. Par exemple il n’était que de 21% à Hull, avec une moyenne nationale estimée à 36%. Cela reflète de manière basique la crise continue du capitalisme. Les annonces tonitruantes du gouvernement concernant le retour de la croissance économique sont largement dénuées de sens. La plupart des gens se sentent dans une situation pire qu’avant la récession. Le Trussel Trust (ONG de Salisbury qui s’occupe du seul réseau de banques alimentaires de Grande-Bretagne) rapporte que le nombre familles qui ont besoin de trois jours ou plus de nourriture en urgence de la part de leurs banques alimentaires a augmenté de 26.000 en 2009 à 900.000 en 2014.

    Il y a eu des tentatives de minimiser les résultats de l’Ukip, en pointant le fait que les résultats obtenus dans les conseils communaux étaient plus bas que les 23% qu’ils avaient réalisés l’année passée, et qu’ils n’ont pas réussi à effectuer une percée à Londres, où ils ont bénéficié d’un résultat moyen de 7%. Cependant les élections de l’année passée, qui concernaient principalement les conseils régionaux, avaient été globalement plus rurales que les sièges décrochés cette année.
    Cette année, il est probablement vrai que la menace de l’Ukip, couplée à l’expérience du gouvernement alliant conservateurs et démocrates, a en fait aidé les travaillistes dans la capitale. Alarmés par les idées nationalistes et racistes mises en avant par les candidats de l’Ukip, une couche de la population a voté sans enthousiasme pour les travaillistes parce qu’ils ont considéré que c’était le meilleur moyen de bloquer l’Ukip.

    Dans quelques autres villes importantes, il s’est passé la même chose, à des degrés divers, l’Ukip récoltant moins de voix que dans beaucoup de plus petites communautés urbaines où une grande section d’électeurs traditionnellement attachés au Parti Travailliste a voté pour eux. A Rotterham, l’Ukip a gagné neuf sièges sur les 21 disponibles, tandis que le Parti Travailliste en perdait sept.
    Les raisons pour lesquelles des travailleurs ont voté pour l’Ukip sont multiples. Au centre, il y a un désir de protestation contre les partis principaux, mais l’Ukip a aussi utilisé le racisme et le nationalisme. Le vote pour le BNP (British National Party, parti national britannique, extrême-droite) s’est écroulé dans ces élections, probablement transférés vers l’Ukip. Le fait que le nationalisme de l’Ukip a trouvé un écho ne devrait pas surprendre les défenseurs des idées du socialisme. Le nationalisme a été longtemps une arme politique utilisée par la classe capitaliste pour essayer de rassembler du soutien pour leur système en temps de crise économique. Les Conservateurs et le parti Travailliste ont tous deux utilisé le nationalisme à des degrés divers ces dernières années, créant ainsi un espace pour l’Ukip.

    Et – dans une tentative semi-consciente de créer un exutoire électoral « sans danger » pour la colère des travailleurs – les médias capitalistes ont fait une publicité énorme à l’Ukip. Le New Stateman (magazine britannique orienté à gauche) a montré que depuis 2011, l’Ukip a reçu une couverture médiatique beaucoup plus importante que n’importe quel « petit » parti, y compris ceux qui ont des parlementaires. Nigel Farage a reçu quatre fois plus de couverture médiatique que George Galloway, de Respect, ou Caroline Lucas des Greens, par exemple. Pour ne pas parler du blackout total que subit la TUSC.

    L’Ukip puise dans les peurs largement répandues des conséquences de l’immigration croissante. Ces peurs sont ressenties par de nombreux travailleurs qui se considèrent antiracistes, mais qui voient les grandes entreprises utiliser des immigrés surexploités pour faire baisser les salaires ainsi que les services publics sous-financés et soumis à de grandes pressions.

    Construire un mouvement contre les coupes budgétaires.

    En mars 2011, le TUC (Trade Union Congress, fédération syndicale britannique) a organisé une grande manifestation de 750.000 personnes contre l’austérité. Les supporters de l’Ukip ont répondu en essayant d’appeler à une manifestation pour soutenir les coupes budgétaires, quelques centaines de personnes à peine sont venues. Ceci a clairement montré quel est le réel équilibre des forces en présence.

    Le mouvement syndical, avec sept millions et demi de membres, est potentiellement la force la plus puissante dans la société. Si le TUC avait utilisé cette manifestation comme rampe de lancement pour organiser un combat sérieux contre l’austérité, ça aurait transformé la situation. Un tel mouvement aurait pu s’en prendre également au racisme et au nationalisme – en affirmant clairement que la seule façon de prévenir la course vers la dérégulation est un combat uni pour que tous les travailleurs reçoivent un salaire juste.

    En particulier, si une partie significative du mouvement syndical avait lancé un nouveau parti des travailleurs à ce moment-là, il aurait gagné le soutien de bon nombre de travailleurs qui se tournent pour l’instant vers l’Ukip pour exprimer leur colère.

    Mettre sur pied une voix électorale claire pour les travailleurs et le seul moyen de couper le chemin à l’Ukip. Malheureusement, certains à gauche, dont le SWP (Socialist Workers Party, une des composantes de la du TUSC) a lancé une campagne « Ne sois pas utilisé par l’Ukip » conjointement avec des partis de l’austérité, qui organise notamment des distributions communes de brochures, etc. C’est une politique désastreuse qui ne peut pas atteindre les travailleurs qui se tournent vers l’Ukip, tandis qu’elle permet au Parti Travailliste d’utiliser en partie ceux qui s’opposent à l’Ukip pour renforcer sa position.

    C’est la colère envers les partis de l’establishment qui a nourri la croissance de l’Ukip. Faire campagne avec le Parti Travailliste et les Lib-Dems contre l’Ukip permettra à l’Ukip de proclamer que les « socialistes » ne sont pas « différents du reste ».

    Si l’Ukip était un parti fasciste, du type d’Aube Dorée en Grèce – avec une force de frappe qui effectue des attaques physiques sur les minorités et les syndiqués – ce serait correct pour les travailleurs d’organiser la défense de tous ceux qui subissent les attaques.

    Et même dans ce cas, la plus importante priorité serait de s’organiser indépendamment autour d’un programme socialiste. Cependant ce n’est pas le caractère de l’Ukip, qui est une force populiste de droite qui se concentre à ce point-ci exclusivement sur des politiques électorales. C’est uniquement l’absence d’un grand parti des travailleurs qui lui a donné la place pour partiellement remplir le vide.

    Malheureusement, jusqu’ici, la majorité des dirigeants de syndicats continuent à appeler à voter pour le parti Travailliste. Pourtant, une importante minorité de délégués syndicaux – dont le syndicat des transports RMT – ont commencé le travail vital de création d’une nouvelle voix pour les travailleurs via la TUSC. Cinquante membres du RMT se sont présentés sur des listes de la TUSC et ont pour objectif de construire sur cette base. C’est une préparation essentielle pour la période à venir, vers les élections générales. Les cyniques se moquent du fait qu’il est impossible de construire une nouvelle force à la gauche du parti Travailliste. Rien de neuf sous le soleil!

    A la fin du 19ème siècle, les pessimistes d’alors crachaient leur mépris sur les tentatives de Kier Hardie et d’autres de créer un nouveau parti des travailleurs à la gauche des Libéraux et des Tories. L’Histoire, cependant, était du côté de ceux qui se sont battus pour construire un parti du travail, tout comme elle est aujourd’hui aux côtés de ceux qui voient que le Parti Travailliste est devenu un autre parti du big business.

    Les dirigeants du Parti Travailliste ont constamment réaffirmé qu’un gouvernement travailliste continuerait avec l’austérité et les coupes dans les dépenses publiques. Quand les travailleurs font des grèves contre l’austérité, le dirigeant travailliste Miliband rejoint le chœur de l’opposition à leur action, menaçant même qu’un gouvernement travailliste envisagerait de durcir les lois déjà hautement répressives contre les syndicats.

    C’est le manque total d’alternative à l’austérité qui est responsable de la terne performance des travaillistes le 22 mai. Tandis qu’ils gagnaient plus de 300 sièges, ces 31% de votes ne sont que deux points au-dessus de ceux de 2013. Ce n’est pas assez pour que le Parti Travailliste ait confiance dans une victoire à l’élection générale.

    Le Parti Travailliste n’a pas réussi à capitaliser

    Les résultats des élections et les enquêtes d’opinion ultérieures ont probablement été suffisants pour assurer à Miliband la poursuite de son leadership, du moins pour l’instant. Sans aucun doute les « ultra-blairistes » en tireront la conclusion que le Parti Travailliste a besoin de se positionner plus vers la droite. Le Chancelier du cabinet fantôme Ed Balls a déjà dit que le parti devait avoir une voix plus forte sur l’immigration. Le carriériste blairiste Alan Milburn et d’autres demandent que Miliband deviennent davantage pro business.

    En réalité, à chaque fois que Miliband a fait des déclarations qui apparaissent comme étant du côté des 99% contre les 1%, ils ont été populaires. Une enquête ComRes faite juste avant le 22 mai a montré que les annonces des travaillistes sur le salaire minimum, la limitation des augmentations de loyers, le gel des prix de l’énergie et l’augmentation du plafond d’imposition ont rendu les électeurs plus enclins à voter pour eux. Cependant, la même enquête a montré aussi que les électeurs – correctement – ne croyaient pas que le Parti Travailliste allait réellement mettre en place ces politiques.

    Un gouvernement travailliste, comme il travaillera pour les intérêts du capitalisme, ne mettra même pas en place les mesures incroyablement modestes qu’il propose actuellement pour améliorer les conditions de vie des travailleurs, à moins qu’il n’y soit forcé, comme n’importe quel autre parti capitaliste le serait, par un mouvement de masse. La tâche de construire une alternative électorale à l’austérité sera urgente, de même que la lutte syndicale pour défendre les conditions de vie des travailleurs.

    Les restrictions salariales continues du secteur public pour une soi-disant reprise sont un problème qui provoque l’envie d’action immédiate. Une action de grève planifiée et coordonnée pour le 10 juillet serait une importante préparation pour les luttes énormes qui seront menées sous le prochain gouvernement.

    Il n’est pas encore possible de deviner ce qui ressortira des élections générales, étant donnée la nature instable des politiques en cette période. Si les travaillistes l’emportent, ce sera dû plus à l’extrême impopularité des Conservateurs et des Libéraux plutôt qu’à l’enthousiasme pour le Labour.
    Une coalition Labour/Libéraux est aussi une issue possible pour les élections générales. Dans un certain sens, cela conviendrait aux dirigeants du Labour qui pourraient utiliser les libéraux comme cache-sexe pour justifier leurs politiques contre la classe des travailleurs. Cependant, après avoir été utilisé de la sorte par les Tories pendant cinq ans, on doute de trouver encore beaucoup de libéraux. Clegg pourrait même être mis de côté dans les mois qui viennent dans une tentative désespérée des Lib-Dems pour limiter l’étendue de leur défaite.

    La chute des Lib-Dems devrait avertir les délégués syndicaux qui se tournent toujours vers le Labour, du destin qui attend les partis qui agissent dans les intérêts de la classe capitaliste en temps de crise économique. Le résultat inévitable est une extrême impopularité dans le meilleur des cas, ou dans le pire, l’oubli, comme cela a été vu en Grèce, en France et dans d’autres pays européens.

    Besoin d’un nouveau parti des travailleurs.

    Il n’est pas possible d’évaluer ce qu’Ukip fera aux élections générales. Cependant il n’est pas exclu qu’il puisse améliorer ses résultats sur leur base locale avec une campagne intensive. Si Ukip parvient à obtenir un ou plusieurs parlementaires, il est possible qu’un certain nombre d’eurosceptiques passent des Tories à Ukip après les élections.

    L’établissement d’une force populiste de droite en Grande-Bretagne – comparable à celles qui existent dans bon nombres de pays européens – serait un développement dangereux dans la politique britannique. La seule façon d’entraver cela est le développement d’un vrai parti de masse de la classe des travailleurs en Grande Bretagne et internationalement.

    Même s’ils sont modestes, les réalisations dans cette élection – particulièrement l’étendue du défi des élections locales de la TUSC – marquent une étape importante sur le chemin vers la construction d’une telle force.

  • Grèce : Syriza en tête aux élections européennes

    Des membres du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) élus à Volos

    Le parti de gauche Syriza est arrivé en tête des élections européennes en Grèce, dépassant même le parti de droite Nouvelle Démocratie, principal parti au pouvoir. Andros Payiatsos, secrétaire général de Xekinima, le parti-frère du PSL en Grèce, revient dans le texte ci-dessous sur la signification de ces résultats ainsi que sur la percée de Xekinima dans la ville de Volos (une importante ville portuaire et industrielle de 144.000 habitants).

    Andros Payiatsos, Xekinima (CIO-Grèce)

    Le parti de gauche grec Syriza est devenu le premier parti du pays, devançant de 3,9% la Nouvelle Démocratie aux élections européennes. Cette différence est toutefois essentiellement due à une perte de soutien pour la Nouvelle Démocratie. Le nombre de suffrages recueillis par Syriza a en effet diminué depuis les élections de juin 2012. Il s’agit d’une perte importante de 138.000 voix, ce qui représente plus de 8% des votes obtenus en 2012.

    Ainsi donc, alors que Syriza “célèbre” sa position de premier parti du pays, les partis de la coalition gouvernementale, la Nouvelle Démocratie et le PASOK (le parti social-démocrate traditionnel), soupirent de soulagement et disent que Syriza ne possède pas un soutien suffisant pour constituer un gouvernement. Syriza a mené campagne autour de l’idée d’utiliser le scrutin européen pour se débarrasser du gouvernement. «Le 25 nous votons, le 26 ils s’en vont » était le mot d’ordre central de la campagne! Mais la coalition gouvernementale n’est pas immédiatement menacée d’effondrement.

    Les sentiments sont très mitigés, en particulier parmi les rangs de Syriza. Les gens sont heureux que Syriza soit devenu le premier parti du pays et soit capable de viser la victoire aux prochaines élections. Mais il est clair que Syriza n’est pas assez fort pour disposer d’un gouvernement majoritaire ou pour provoquer la chute du gouvernement dans l’immédiat, comme souhaité par de nombreuses personnes.

    Aube Dorée

    Un autre facteur qui explique cet enthousiasme très réservé, même parmi la base de Syriza, est le résultat important recueilli par le parti Aube Dorée, près de 9,5% des voix, en dépit du fait qu’Aube Dorée a démontré être un gang meurtrier. La plupart de sa direction est actuellement en garde à vue et le parti est bien connu pour être une organisation nazie, de nombreuses preuves ayant été fournies par les médias et le système judiciaire.

    Cette hausse du soutien électoral pour Aube Dorée s’explique fondamentalement par la profondeur de la crise et par l’absence totale d’issue offerte par les partis de gauche pour sortir de celle-ci.

    Le principal facteur expliquant ces évolutions est le fait que SYRIZA se soit de plus en plus orientée vers la droite au cours de ces deux dernières années et que le KKE (Parti Communiste Grec) et ANTARSYA (une alliance « anticapitaliste de gauche ») aient suivi une politique sectaire en refusant de collaborer avec les autres forces. Cela crée un vide politique dans la société, un vide utilisé par les néo-nazis.

    Ce manque de politiques socialistes audacieuses de la part de Syriza est l’explication de base quant à son incapacité à inspirer et attirer les masses de travailleurs grecs. La baisse du soutien pour Syriza était particulièrement élevée dans les quartiers de la classe ouvrière d’Athènes, du Pirée et de Salonique. Le KKE et ANTARSYA ont également obtenu de faibles scores aux élections européennes – le KKE recevant seulement 6% et ANTARSYA 0,7%.

    “Votez pour la Gauche – Luttez pour faire tomber le gouvernement!”

    Des élections locales se sont déroulées en même temps que les élections européennes en Grèce. Xekinima (la section grecque du Comité pour une Internationale Ouvrière et parti-frère du PSL) a présenté une vingtaine de candidats dans différentes villes, district et conseils régionaux, non pas partout où des forces de Xekinima étaient présentes, mais là où existaient des listes ayant un profil de gauche militant ainsi qu’une approche «fédératrice» et ouverte envers les autres forces de Gauche. L’un des slogans que nous avons utilisés le plus fréquemment était «Votez pour la Gauche – Luttez pour faire tomber le gouvernement ». Nous avons expliqué la nécessité de disposer d’un programme socialiste, les insuffisances du programme de Syriza et l’erreur sectaire de la gauche en refusant de collaborer ensemble.

    Dans environ 60% des cas, nous présentions des candidats avec Syriza, dans d’autres, avec Antasya et dans le cas d’un conseil local, avec le parti communiste KKE. Xekinima a été la seule organisation à gauche à se présenter avec tous les partis de gauche dans différentes circonscriptions – alors que les trois principaux partis de gauche refusent de se parler les uns les autres. Inutile de dire que la campagne de Xekinima était une campagne indépendante, basée sur notre propre matériel et nos propres positions politiques.

    Nos résultats ont été très bons. Nous avons en général pu compter sur un bon soutien dans des listes comptant entre 38 candidats et 70 candidats, en fonction de la taille des circonscriptions. Les régions ont une moyenne de 850.000 personnes, les districts peuvent atteindre la taille de 200.000 habitants.

    Les plus grands succès obtenus par Xekinima le furent à Volos, où Xekinima se présentait avec SYRIZA et à Zografou (dans le Grand Athènes) où Xekinima se présentait avec ANTARSYA. Notre camarade Nikos Kanellis a été élu dans un conseil de district de la ville de Volos en ayant reçu le vote de 750 électeurs, ce qui le place au quatrième rang sur 40 candidats. Costas Iatropoulos a été élu au conseil municipal de Volos, avec près 650 votes, ce qui le plaçait en seconde position. Une autre camarade, Marianthi Kypridou, est arrivée en quatrième position à la même élection, avec près de 470 votes. Les résultats officiels ne sont pas encore connus, mais la chance est réelle qu’elle puisse elle aussi intégrer le conseil municipal de Volos.

    Les élections européennes n’ont pas été très bonnes pour Antarsya, mais cette formation a obtenu le score respectable de 2,5% aux élections locales. A Zografou, Xekinima a collaboré avec Antarsya et la liste commune, appelée «Mouvement Zografou » a reçu 4% – un succès qui est dans une large mesure à attribuer à la présence de militants de gauche en général, mais aussi à la présence de Xekinima. Notre camarade Irene Ploumbidi a reçu le plus grand nombre de votes individuels, arrivant première sur les 38 candidats et recevant 15% des votes de la liste « Mouvement Zografou ». Le système de représentation au conseil municipal adopté par le Mouvement Zografou est basé sur un système de rotation, comme il s’agit d’une alliance de différents groupes et forces. Sur cette base, notre camarade Irene sera la première conseillère à remplacer la tête de liste, qui sera le premier à représenter la liste au conseil.

    Ces élections ont constitué la plus grande campagne jamais lancée par Xekinima. Nous avons produit un total de 250.000 tracts diffusés partout. Notre intervention a eu un impact, et nos résultats n’auront pas manqué d’être notés par le reste de la Gauche à travers le pays.

    Xekinima a vendu plus de 1.200 exemplaires de son journal, et a tenu un certain nombre de réunions publiques réussies, environ 20 au total. Nous avons pu élargir notre périphérie et un certain nombre de nouveaux camarades ont rejoint nos rangs.

  • [INTERVIEW] “Se préparer à l’austérité à venir par un front de résistance !’’

    Interview d’Anja Deschoemacker

    Pour ces élections, des listes ‘‘Gauches Communes’’ étaient déposées à Bruxelles, à la Chambre et à la Région. Ces listes regroupaient des militants du Parti Socialiste de Lutte et du Parti Humaniste, avec également des indépendants, autour de la nécessité d’un plan radical d’investissements publics massifs pour répondre aux diverses nécessités sociales (logement, crèches, écoles,…) tout en créant des emplois décents et socialement utiles. Nous avons discuté de l’évaluation de cette campagne avec Anja Deschoemacker, tête de liste à la Chambre pour Gauches Communes et membre du PSL.

    Comment s’est déroulée la campagne de Gauches Communes ?

    Tout d’abord, nous n’avons bénéficié d’aucune attention médiatique. Nous avons été très peu invités aux débats syndicaux, associatifs, etc., conséquence du ‘‘vote utile’’ pour le PTB. Lors de précédentes campagnes, soit avec le Front des Gauches (qui réunissait le PC, la LCR, le PH, le CAP, Vélorution et le PSL en 2010), soit pour la première campagne de Gauches Communes aux dernières élections communales, nous avions pu être orateurs lors de plusieurs débats. Mais pour ces élections, nous avons eu comme seule visibilité notre campagne en rue et les nombreuses discussions sur le terrain.

    Mais compte tenu de nos forces encore limitées, il ne nous a pas été possible de mener campagne dans tout Bruxelles, nous ne l’avons fait que dans les quatre communes où nous nous étions présents aux communales – Anderlecht, Jette, Ixelles et Saint-Gilles – en nous concentrant toutefois sur Saint Gilles. D’autres campagnes avaient également été menées contre les deux dernières augmentations des tarifs de la STIB, et contre l’augmentation du prix de la distribution de l’énergie, conséquence de la manière dont la commune fait payer à la population l’affaire Dexia. La commune devra encore payer de nombreuses années l’emprunt contracté auprès de Dexia pour… avoir renfloué Dexia ! On parle tout de même d’un demi-million d’euros par an… Une des particularités de ces campagnes était l’effort systématique visant à mener des actions avec les habitants et pas seulement entre militants.

    Quel a été l’écho des idées défendues par Gauches Communes parmi la population ?

    Il fut très bon. Une des idées que nous avons le plus accentué est la nécessité de construire un large front de résistance une fois les élections passées, puisque nous savons qu’une politique d’austérité nous attend à tous les niveaux. Sur ce point, les discussions ont été formidables aux stands et lors des distributions de tracts.
    Mais nous avons été confrontés à deux ‘‘votes utiles’’. Le premier, pour le PS, n’a rien de neuf, mais il est par contre en (plein) déclin. Il a été basé sur l’idée de se préparer à la victoire de la N-VA en Flandre ainsi que sur la menace de finir avec Reynders comme ministre-président de la Région bruxelloise. Mais le dégoût s’est fortement développé vis-à-vis du PS, suite à l’expérience d’un gouvernement fédéral dirigé par Di Rupo. Et ce n’est pas la politique régionale ou communale qui fait la différence… Mais, même affaibli, le PS est tout de même très présent. Le deuxième vote utile, c’était celui pour le PTB. Là aussi, c’était un élément déjà présent lors des élections communales, mais cela s’est considérablement renforcé.

    Nous avons toujours fait des propositions au PTB pour déposer des listes unitaires à gauche, tant avec le Front des Gauches qu’avec Gauches Communes, propositions qui se sont toujours soldées par un refus. Cette fois-ci, nous avions proposé de participer aux listes PTB-GO, même un groupement de liste n’a pas été possible ! Le PTB-GO (qui comprenait également des candidats de la LCR et du PC) a préféré conclure un accord avec les listes Pro-Bruxsel et BUB, alors qu’elles n’ont rien de gauche.

    Nous n’avons jamais cessé de discuter lorsque notre interlocuteur nous disait préférer voter pour le PTB : c’est un pas en avant positif par rapport au soutien aux partis établis, et c’était l’opportunité de discuter des initiatives à prendre une fois passées les élections, notamment autour de cette question d’un front large et unitaire de la résistance sociale contre la politique d’austérité.

    Au final, nous avons obtenu 0,29% à la Chambre (soit 1.461 voix) et 0,21% à la Région (soit 843 voix). Sur Saint-Gilles, nous avons obtenu 1,12% à la Chambre et 0,89% à la Région. Bien entendu, nous aurions espéré obtenir un meilleur, tout en sachant par avance que cela n’allait pas du tout être évident de reproduire le résultat obtenus aux communales à Saint-Gilles (3,65%). Mais ce qui est frappant, c’est la nouvelle progression de la gauche véritable dans cette commune. Alors que le PTB et Gauches Communes réalisaient ensemble 7,5% aux communales, le score le plus élevé dans une commune bruxelloise, il est maintenant question de plus de 9% ! Nos campagnes ont incontestablement joué un rôle dans ce succès. Si nous parvenons à réaliser une unité plus large, nous pouvons positionner la gauche radicale comme deuxième force de cette commune derrière le PS !

    A côté des éléments précités, il faut aussi savoir qu’une large partie de la population saint-gilloise est issue des communautés européenne ou marocaine, qui pouvaient voter pour le scrutin communal mais pas pour ces élections.

    Peux-tu nous en dire plus sur cette nécessité d’un front de résistance contre l’austérité ?

    Nous avons eu un bon début de discussion autour de cette idée lors d’un meeting que nous avons organisé avec ‘‘Alternatives à Bruxelles’’. Le PTB n’avait malheureusement pas envoyé d’orateur, mais des représentants du PC, de la LCR, de VEGA, de la LCT, du PSL et du PH étaient présents à la tribune. Il ressortait clairement de cette discussion que, malgré les divergences, l’idée faisait mouche. Gauches Communes veut d’ailleurs organiser une rencontre à la rentrée afin de poursuivre cette discussion et de voir comment poser les premiers pas concrets en cette direction.
    Les autorités vont bénéficier de 5 ans sans élection nationale (et de 4 ans avant les prochaines communales). Elles vont appliquer une austérité bien plus sévère que ce que le gouvernement précédent a déjà réalisé (le gouvernement Di Rupo a déjà appliqué une austérité de 22 milliards d’euros…). Ce constat est partagé plus largement puisque, quelques jours plus tard, Jean-François Tamellini, secrétaire fédéral FGTB, a lancé un appel à un ‘‘vaste mouvement social’’ contre l’austérité.

    Mais des obstacles restent présents, parmi lesquels les liens entretenus entre les directions syndicales et des partis comme le PS, le SP.a ou encore le CD&V, très certainement dans le cas d’une tripartite traditionnelle au fédéral. Malgré la discussion autour de l’Appel du 1er mai 2012 de la régionale FGTB de Charleroi & Sud-Hainaut appelant à rompre avec le PS et Ecolo, la direction nationale de la FGTB a très explicitement appelé à voter pour le PS et le SP.a. Aucun groupe de gauche ou organisation de gauche ne peut, à lui seul, briser cette situation, il faut que les différentes organisations de gauche soutiennent et inspirent la gauche syndicale pour qu’elle s’organise et qu’émerge enfin un plan d’action conséquent et audacieux qui implique activement le nombre le plus large de travailleurs.

    A ce titre, le processus de l’Alliance D19-20, qui a pris en charge l’organisation d’actions contre l’austérité européenne et le Traité Transatlantique, représente un pas dans la bonne direction et illustre le potentiel existant pour un plan d’action élaboré collectivement, notamment avec des assemblées générales, et pas uniquement avec des réunions de représentants syndicaux ou de mouvements. Mais il faut réagir à tous les niveaux de pouvoir, car les mesures d’austérité viendront de partout. Sans lutte sérieuse, nous ne ferons que perdre nos conquêtes sociales les unes après les autres.

    A la Région bruxelloise, des années durant, toutes les revendications des travailleurs ont été mises de côté sous l’argument qu’il fallait attendre le refinancement de la Région. Ce refinancement est aujourd’hui là, mais il est quasiment exclu qu’il soit utilisé pour améliorer les conditions de travail et le salaire des travailleurs de la Région. Ne parlons même pas des travailleurs communaux chez qui l’on trouve les conditions de travail les plus révoltantes !
    Ce front de résistance devrait aussi soutenir les travailleurs du privé, qui aujourd’hui sont souvent condamnés à se battre de manière isolée. Nos luttes doivent être reliées, les unes aux autres, pour pouvoir enfin lier à l’action la force de la classe des travailleurs, lorsqu’elle est unie et marche dans la même direction.


     

    Merci !

    Nous tenons à remercier nos électeurs de même que tous les camarades et sympathisants de Bruxelles et d’ailleurs qui ont rendu possible cette campagne dans les rues de Saint-Gilles. Le travail n’a pas manqué et ce fut un grand effort de pouvoir maintenir des stands quotidiens, assurer le collage d’affiches dans les magasins, distribuer les tracts dans les boîtes aux lettres (plusieurs tracts différents en 20.000 exemplaires à chaque fois).
    Cette expérience fut très bénéfique. Les membres du PSL sont habitués à intervenir aux piquets de grève, lors d’actions ou de manifestations syndicales et de la jeunesse radicalisée. Mais c’est autre chose de mener une campagne vers un public plus large sans baisser le niveau de notre programme, avec un effort constant pour populariser des mots d’ordre tels que la nationalisation des secteurs-clés de l’économie sous contrôle démocratique et en argumentant systématiquement sur la nécessité de changer de système pour parvenir à un changement réel.
    Dans la perspective du retour de luttes massives en Belgique, cette campagne fut une excellente préparation pour notre parti.

  • Avec l’arrivée de 8 parlementaires de gauche radicale, la pensée unique politicienne a été brisée

    Raoul Hedebouw, porte-parole du PTB et nouvel élu fédéral.

    Le résultat final a beau être sous ce que certain sondage avaient prédit, les 8 élus du PTB-GO constituent une véritable percée. Le parti a triplé voire quadruplé ses résultats aux précédentes élections fédérales et régionales. Qu’il n’y ait pas d’élu en Flandre n’y change rien, le PVDA+ double son résultat. Cela offre d’énormes possibilités mais entraîne aussi de grandes responsabilités quant à la manière d’organiser, de structurer et de diriger la résistance face à l’avalanche de casse sociale qui nous arrive dessus.

    Par Eric Byl, membre du Bureau Exécutif du PSL/LSP

    Raoul Hedebouw et Marco Van Hees ne sauront où donner de la tête au parlement fédéral. Les directives européennes d’austérité et de libéralisation et les traités comme le traité transatlantique qui vise à garantir la ‘‘libre’’ concurrence à n’importe quelles conditions ne seront désormais plus poussées en douce. La résistance des syndicats, des ONG ou encore des associations d’agriculteurs pourra désormais trouver écho au parlement et, par cette voie, dans les médias de masse.

    Au parlement, ils vont être bien étonnés si, lors de la prochaine fermeture d’entreprise, des élus ne plient pas purement et simplement l’échine devant la ‘‘conformité aux lois économiques’’. Ils ne pourront plus simplement éclater de rire à la publication des bénéfices engrangés dans le privé ces dernières années, des cadeaux fiscaux, des subsides salariaux et autres baisses de charges. Et si la discussion ne se limite plus à la négociation du recul social mais aborde aussi l’appropriation collective des moyens de production sous contrôle public en tant qu’alternative, le parlement sera profondément ébranlé.

    L’étonnement sera encore plus grand si Raoul, Marco et leurs 6 collègues aux Parlements wallon et bruxellois seront également aux portes des usines et aux piquets. Ils n’ont pas seulement été élus par les membres du PTB, mais aussi par de nombreux syndicalistes, activistes, jeunes et travailleurs. Leur message à ces piquets ne doit, par conséquent, pas se limiter à “Bravo! Et votez pour nous la prochaine fois”. Des manifestations qui plient face aux forces de l’ordre ou des slogans radicaux qui ne s’accompagnent pas d’un plan d’actions ne suffiront pas non plus. La question sera de savoir comment contribuer à réunir toutes les forces militantes présentes dans l’entreprise, dans les entreprises apparentées et les quartiers avoisinants avec l’objectif de construire un rapport de forces et d’arracher des victoires.

    La percée d’une formation à gauche de la social-démocratie et des verts était annoncée depuis quelques années. Cela explique les multiples appels du PSL à l’unité à gauche. Il y a un an, le PSL avait ainsi adressé une lettre ouverte à tous les partis et groupes de gauche pour discuter de listes communes sous le nom ‘‘PTB-unité ou quelque chose de semblable’’. Quelques mois auparavant, au comité d’initiative pour l’appel de la FGTB Charleroi-Sud-Hainaut, nous avions proposé de déposer une liste unitaire autour du PTB dans le Hainaut en tant que projet-pilote. Nous estimons que le résultat du PTB-GO confirme que c’était une évaluation correcte de la situation.

    Cela vaut aussi pour la Flandre. Au niveau provincial, le PvdA+ manque le seuil électoral de justesse à Anvers, mais Peter Mertens y obtient pas moins de 26.000 voix de préférence. Dans la ville, avec ses 9%, le parti dépasse le CD&V, l’Open VLD ou encore le Vlaams Belang ! A Gand, le PvdA+ rate de peu les 5%. Cela s’inscrit dans la ligne des 9% que le PTB-GO obtient à Charleroi et des 11,5% à Liège. Le parti réalise maintenant une percée également dans les grandes villes. Les sondages indiquaient qu’ils pouvaient encore faire plus. L’illusion d’un vote utile pour damner le pion à la NV-A et le revirement subit des partis traditionnels vers des thèmes sociaux à la fin de la campagne ont peut-être détourné quelques électeurs potentiels in extremis.

    Il y a quelques années, Samson du PvdA néerlandais et Hollande du PS français sont aussi parvenus à tromper les électeurs avec une rhétorique quelque peu de gauche. Le PvdA+/PTB-GO a-t-il sous-estimé cette possibilité ? Est-ce pour cela que notre proposition de rassembler ‘‘toutes’’ les forces militantes en Wallonie et à Bruxelles n’a été que partiellement reprise ? Pour le PSL et Gauches Communes, la Gauche d’Ouverture est restée fort hermétique. Le PTB-GO a même rejeté une proposition d’apparentement de liste déposée par VEGA et Gauches Communes à Bruxelles. En Flandre non plus, il n’y avait pas de place pour le LSP au PvdA+.

    Nous ne savons pas si cela aurait fait beaucoup de différence. VEGA à Liège et Gauches Communes à Saint-Gilles, qui avaient tous deux plus de 3,5% aux dernières communales, sont retombés à 2,1% et 1,1%. Ils n’ont pas seulement perdu des ‘‘votes utiles’’ contre la NV-A, mais aussi en faveur d’un premier élu PTB-GO. D’autres petites listes de gauche ont été complètement refoulées. A Saint-Gilles, en 2006, la liste PTB et celle du PSL avaient obtenu ensemble 2%. En 2012, les listes qui les reprenaient recueillaient 7,5% et, cette fois, plus de 9%. C’est beaucoup plus que dans les autres cantons électoraux de Bruxelles. Nous pensons que cela est notamment dû à la présence systématique de Gauches Communes dans cette commune, même si beaucoup d’électeurs ont cette fois donné tactiquement leur préférence au PTB-GO.

    Quelle que soit l’exacte composition du gouvernement fédéral et des gouvernements régionaux, il est clair que les prochaines années, une avalanche de casse sociale à tous les niveaux déferlera sur nous. S’y opposer voire en inverser la tendance exigera un front de résistance, composé des mouvements sociaux, des syndicalistes de gauches, de la gauche radicale, des activistes de quartier, etc. Un tel appel provenant du PSL aurait peu d’écoute mais s’il émane d’un parti comptant 8 parlementaires et plus de 50 élus locaux, cela aura une beaucoup plus grande portée, surtout si plusieurs centrales ou régionales syndicales s’y joignent et cela pourrait poser la base pour un mouvement d’opposition réel d’en bas.

    Pour finir, nous souhaitons ajouter que nous devons lutter pour le maintien de chaque acquis et pour chaque nouvelle conquête sociale. Reporter cela au lendemain de l’instauration du socialisme serait totalement irresponsable. Le PSL n’attend donc pas du PTB qu’il fasse exclusivement de la propagande pour le socialisme jour après jour au parlement. Mais réclamer des logements décents et abordables, un enseignement de qualité, des crèches en suffisance, de l’emploi stable pour tous à des salaires décents, une mobilité saine et accessible, des soins de qualité pour les malades, pour les personnes dont les capacités physiques et mentales sont réduites ou pour les personnes âgées, une solution aux catastrophes écologiques qui arrivent à toute vitesse,… exigera systématiquement, dans le contexte économique actuel, une épreuve de forces avec un système où la production est exclusivement orientée vers le profit.

    Chaque solution réelle à ces besoins démontrera l’impossibilité du capitalisme à y répondre et la nécessité d’ériger une autre société. Ceux qui estiment que les ressources naturelles, la connaissance sociale et les grands moyens de production n’appartiennent pas à une poignée de capitalistes mais à la collectivité et qu’une planification démocratique est plus rationnelle que la ‘‘main invisible’’ du marché doivent saisir chaque opportunité de populariser la nécessité d’une société socialiste démocratique de manière réfléchie. Nous pensons que c’est une erreur de censurer cette idée dans le cadre de la campagne électorale ou, comme l’a fait la LCR, de réduire cela à “des réformes structurelles anticapitalistes réelles”. Au parlement, il sera encore plus difficile de défendre cette société socialiste démocratique comme unique alternative sérieuse. Nous estimons cependant que l’énorme fossé entre la richesse que nous produisons tous et les nombreux besoins insatisfaits en offrira plus d’une fois la possibilité. Espérons que le PTB saisisse cette opportunité.

  • Élections 2014. L’instabilité politique demeure. La lutte contre la politique d’austérité devra se mener dans la rue.

    La crise économique et la réponse austéritaire qui a suivi sur tout le continent ont amplifié la perte d’autorité de l’Union européenne et des partis établis. Les résultats des élections européennes en ont été une illustration, avec une participation qui reste très faible (43%) et un score solide pour un large éventail de partis eurosceptiques. Dans les pays où l’opposition à la politique d’austérité a conduit à une lutte organisée – essentiellement dans le Sud de l’Europe – les forces de gauche ont progressé (notamment Syriza en Grèce, le PCP au Portugal, Izquierda Unida et Podemos en Espagne mais aussi la ‘liste Tsipras’ en Italie). Ailleurs, le mécontentement s’est exprimé de façon plus négative avec d’importants résultats pour, entre autres, le FN (France), l’UKIP (Grande-Bretagne), le Parti populaire danois,…

    Analyse des résultats par le Bureau Exécutif du PSL

    La polarisation croissante sous pression de la crise s’exprime aussi chez les partis traditionnels. Dans notre pays, cela mène à une discussion sur le modèle d’économies structurelles à exécuter. Dans ses dernières interviews, Jean-Luc Dehaene déclarait que les prochains gouvernements devaient profiter de l’ ‘opportunité’ de quelques années sans élections pour couper sévèrement dans les conquêtes sociales. Il n’est pas question d’économies à la râpe à fromage, mais plutôt à l’aide d’un couteau à désosser. Au cours de la campagne électorale, différents rythmes d’austérité ont été proposés. Ces options restent maintenues après les élections et une seule chose est claire : l’austérité frappera à tous les niveaux, et il faudra s’y opposer.

    Une réalité économique mise de côté

    Le contexte de la crise économique a été étouffé dans la campagne électorale. La plupart des communiqués parlaient de redressement économique et l’arrivée du bout du tunnel était évoquée. Dans ce cadre, une politique d’austérité renforcerait ‘‘notre’’ position concurrentielle et consoliderait la reprise. Peu était dit sur le fait que cette ‘‘reprise’’ ne bénéficie qu’aux plus riches.

    Les entreprises du Bel20 ont réalisé – à l’exception de GDF Suez qui a fait passer dans ses comptes une dépréciation aboutissant à une perte de 9,7 milliards d’euros – 15,5 milliards d’euros de bénéfices en 2013. De cette somme, 10 milliards d’euros ont été reversés en dividendes aux actionnaires tandis que les dirigeants ont gagné 8,6% de plus qu’en 2012, les présidents d’entreprises du Bel 20 gagnant en moyenne 282.892 euros. Le 1% des plus riches dans notre pays empoche 12,63% de toutes les richesses nettes (la valeur commune de toutes les composantes du patrimoine mobilier et immobilier moins les dettes en souffrance) soit autant que les 53% les plus pauvres. Les 5% les plus riches possèdent autant que les 75% les plus pauvres.

    Il ressort d’un sondage qu’il est admis que les 20% les plus pauvres détiennent 7,7% du patrimoine et que les 20% les plus riches en détiennent 40,6%. En réalité, il s’agit de 0,17% et de 61,2%. Le fossé entre pauvres et riches est bien plus important que généralement admis : les super riches sont bien plus riches, ceux qui éprouvent des difficultés à joindre les deux bouts bien plus nombreux. Un Belge sur sept est sous le seuil de pauvreté tandis que sur une période de quatre ans, près de 30 % des Belges ont connu la pauvreté. 20% des pensionnés ont un revenu sous le seuil de pauvreté, 40% des handicapés bénéficiant d’une aide financière vivent sous le seuil de pauvreté,…

    Chaque régression économique tire les conditions de vie de la majorité de la population vers le bas. Le risque d’un nouvel effondrement économique est réel, la propagande sur la reprise ne peut cacher que les facteurs compliquant sont nombreux parmi lesquels le manque d’investissements, le ralentissement des pays dits émergents et les dangers consécutifs aux tensions, entre autres, autour de l’Ukraine, qui peuvent mettre sous pression les prix de l’énergie. A temps de désespoir économique, propagande désespérée.

    Les partis traditionnels se maintiennent difficilement

    Cette propagande désespérée a un impact, mais son effet se réduit. C’est ce que montrent ces dernières élections. Après une dernière semaine de campagne qui a vu une énorme offensive contre la N-VA, ce parti a fini par concrétiser le tsunami prévu. Avec 32%, la N-VA atteint un score plus important que dans les derniers sondages et les résultats des élections communales sont égalés (même s’il y a eu, par ci par là, un recul limité, comme dans la ville d’Anvers où, de 37%, De Wever et Homans sont retombés à 34% et 32% pour les élections régionales et fédérales). La campagne anti-N-VA a eu partiellement un effet contraire. C’est une indication du dépérissement de l’autorité des familles politiques traditionnelles.

    Du côté flamand, les chrétiens-démocrates, les libéraux et les sociaux-démocrates obtiennent ensemble 48%. 2010 était la première année où ils avait avaient ensemble moins de 50% et, en comparaison, ils se maintiennent, ce qui constitue pour eux une grande victoire. Mais cette stabilisation a lieu à un point historiquement bas. A eux trois, ils obtiennent de justesse une majorité au parlement flamand (64 sièges sur 124) et dans la représentation néerlandophone à la Chambre (45 sièges sur 87). Du côté francophone, les trois familles politiques traditionnelles obtiennent 70% des voix mais même ici, il y a une baisse. Avec l’arrivée d’élus du FDF, du PTB et du PP, le fractionnement de la carte politique s’accroit là aussi.

    La perte du PS est plus limitée que ce qui était évoqué avant les élections. Cette perte – à Bruxelles, léger gain et pour le parlement wallon, gain d’un siège malgré un léger recul – ne résulte aucunement d’une politique de gauche. Après 25 ans de participation gouvernementale, la pauvreté a augmenté et il y a plus de chômeurs. Le 1% des plus riches a progressé, la large majorité de la population a régressé. Avec le PS aux commandes du gouvernement, il n’était plus possible de se cacher derrière l’argument selon lequel tout était de la faute à la “Flandre de droite”. La menace d’un gouvernement dirigé par la N-VA a été le seul argument grâce auquel le PS a pu se maintenir. La propagande de la N-VA quant au choix entre un modèle PS et un modèle N-VA a servi le PS. Le souvenir de la crise politique de 2010 et l’image d’une Belgique sortie relativement intacte de la crise économique ont également joué un rôle dans le renforcement des partis traditionnels.

    Instabilité des alternatives

    Les résultats sont moins prévisibles et il y a parfois de particulièrement grands glissements avec de nouveaux partis qui connaissent une croissance puis un déclin rapides. Il y a dix ans, lors des élections régionales de 2004, le Vlaams Belang a connu son apogée avec 24,15%. Aujourd’hui, il obtient encore à peine trois sièges à la Chambre (2 à Anvers et 1 en Flandre Orientale). La liste Dedecker a complètement coulé alors qu’en 2008, elle bénéficiait encore de 15% dans les sondages.

    La N-VA fait partie de cette liste jusqu’à un certain point, sans être contaminée par le caractère néofasciste du VB ou l’égo-aventurisme de Dedecker, même s’il y a des éléments de ce type à la marge. Ce que ces formations ont en commun, c’est qu’elles jouent sur un large mécontentement. Même au niveau européen, cela s’est exprimé dans les hauts scores pour les forces d’extrême-droite et de droite populiste.

    Sur base d’une lutte collective, la conscience de classes s’aiguisera et l’espace pour une réelle alternative sous forme d’un large parti des travailleurs avec un programme socialiste augmentera. Entre-temps, nous devons en finir avec un large spectre de formations populistes de tout crin qui, pendant un certain temps, peuvent prendre le dessus avec leurs « solutions » individuelles ou une image prétendument « anti-establishment ».

    Compte tenu de ce contexte, un retour du Vlaams Belang ou d’une formation similaire n’est pas exclu. Dans la forme actuelle, c’est peut-être difficile, le parti recule à trois sièges à la Chambre, six élus flamands, un bruxellois et tout juste un siège à l’Europe. Plus de la moitié du personnel du parti doit être mis à la porte. Dans son bastion d’Anvers, le Vlaams Belang obtient encore 7% et doit laisser passer six autres partis à la Chambre et cinq au parlement flamand avant lui. Dewinter, surtout, a fait beaucoup de provocations au cours de la campagne pour tenter d’encore être au centre de l’attention. Il est cependant faux de penser que nier ces provocations racistes suffira à les faire disparaitre. On peut considérer comme un avertissement le fait que trois néonazis grecs soient élus au Parlement européen. Au plus Dewinter réussit à faire des provocations, au plus loin lui et ses troupes iront.

    Même du côté francophone, il ressort qu’il y a un espace pour l’extrême-droite. Le Parti Populaire de Modrikamen, parti populiste de droite, a obtenu un élu à la Chambre et au parlement wallon. A Charleroi, le PP fait 7% tandis que le provocateur réactionnaire professionnel Laurent Louis obtient 5% avec son ‘Debout les Belges’ et le ‘Faire Place Nette’ monté par le Vlaams Belang 3,5%. Laurent Louis a réuni une large assemblée à ses meetings malgré le caractère agressivement antisémite de sa campagne. Le danger de la violence antisémite s’est d’ailleurs manifesté à la veille des élections par un attentat sanglant au musée juif de Bruxelles qui a fait quatre morts.

    Faire une croix sur l’extrême droite ou abandonner la lutte contre elle n’est pas à l’ordre du jour. Le caractère varié des formations d’extrême-droite et populistes exige une analyse adéquate qui fasse une évaluation correcte du danger – taxer tout le monde tout simplement de fasciste ne suffit pas – avec en corrélation une mobilisation active autour d’un programme social pour prendre à la racine les problèmes qui font le terreau dont se nourrissent ces formations.

    Gains et pertes des Verts

    Ecolo a été fortement sanctionné lors de ces élections. La participation gouvernementale au niveau régional n’a pas été bénéfique au parti. La campagne du PS pour un vote utile afin de stopper la N-VA non plus. De plus, il y avait un concurrent à gauche en la personne du PTB. Ecolo a perdu la moitié de ses sièges à Bruxelles, 10 des 14 sièges wallons et 2 des 8 sièges à la Chambre.

    Du côté néerlandophone, Groen a progressé. Le parti se profilait comme un parti d’opposition de gauche mettant l’accent sur des thèmes sociaux tels que les longues listes d’attente dans le secteur social. Le programme du parti n’était, cependant, pas très à gauche. Le profil de Groen l’était. Par ailleurs, le parti pouvait utiliser les fortes actions menées autour des problèmes de mobilité à Anvers. D’autre part, le président de Groen, Van Besien a tout de suite dit clairement qu’il voulait participer au gouvernement. Après cette progression, il ne tire manifestement pas assez vite les leçons de l’expérience d’Ecolo aux parlements bruxellois et wallon.

    Progression de la gauche radicale

    Avec 2 sièges à la Chambre, 2 au parlement wallon et 4 au parlement bruxellois, le PTB/PVDA n’a pas obtenu le résultat attendu suite aux fortes prévisions dans les sondages. A Anvers surtout, on attendait plus mais le parti de Peter Mertens a terminé à un cheveu du seuil d’éligibilité. Avec des scores de 11,5% à Liège et 8,7% à Charleroi, où le PTB est chaque fois le troisième parti après le PS et le MR, ou 8,9% à Anvers et 4,9% à Gand, le PTB a enregistré des scores remarquables qui sont en progression par rapport aux élections communales de 2012.

    Malgré une campagne professionnelle et un accès aux médias comme jamais vu jusqu’ici, le PTB avait du mal, au cours des derniers jours de campagne, à maintenir sa position et encore plus à fixer les thèmes des élections. La pression d’une voix utile contre la N-VA et les tentatives de tous les partis de se montrer ”social” ont incontestablement joué un rôle. D’autre part, les résultats montrent qu’il y a de l’espace à gauche de la social-démocratie et des verts. C’est dans ce cadre que nous avions proposé de faire des listes d’unité avec un nom tel que PTB-Unité ou de placer des candidats sur les listes PTB-GO/PVDA+. Malheureusement, ces propositions ont été rejetées et, à Bruxelles, il n’a même pas été possible de faire un regroupement de liste. Pourtant, tout syndicaliste sait que dans une lutte, on est plus fort si l’on implique toutes les forces militantes.

    Nous espérons que les 8 élus du PTB tireront le débat public à gauche et joueront un rôle pour la construction d’une opposition de rue contre la politique néolibérale. Une voix politique ne peut être dissociée de la lutte sociale. Nous espérons que le PTB et ses élus œuvreront pleinement au renforcement des actions contre la politique d’austérité et ne se laissera pas freiner par une “collaboration de gauche” avec la social-démocratie et les verts. Notre appel pour un front de résistance à l’austérité est toujours d’actualité : après cette progression électorale, le PTB est bien positionné pour jouer un grand rôle dans sa construction.

    A Bruxelles, nous participions aux élections avec Gauches Communes. Nous avons surtout mené une campagne de politisation à Saint-Gilles avec des tracts à contenu. Le résultat obtenu est très faible : pour la Chambre, nous avons obtenu 1,12% à Saint-Gilles. La pression pour un “vote utile” ne s’est pas seulement exprimée dans le résultat du PS mais aussi dans celui du PTB-GO. Notre campagne de politisation a sans conteste contribué au résultat de la gauche radicale à Saint-Gilles, le plus important de toutes les communes bruxelloises.

    Quel que soit le gouvernement, l’austérité viendra !

    Juste avant que nous nous rendions aux urnes, les premières analyses des cellules de réflexion économiques sur le danger de la crise politique continuelle sont parues. De Tijd titrait “La City londonienne craint une impasse politique belge” (21/5). Dans l’article, il est question de la crainte qu’une formation de gouvernement interminable ne se répète.

    La préférence de De Wever et de certains éléments du patronat chez VOKA va sans aucun doute à une majorité de droite dure autour de la N-VA en Flandre. Mais un tel gouvernement n’obtient pas la majorité du côté francophone et de plus, le CDH devrait, pour cela, être séparé du PS. De Wever rêve d’un gouvernement comme celui de Martens dans les années 1980 et compte que cela puisse se faire aujourd’hui sans l’appui de l’un des deux grands syndicats. La tentative d’arriver à un tel gouvernement a peu de chances d’aboutir. Les éléments les plus prévoyants de la bourgeoisie ont peut-être plus confiance en une tripartite stable, si nécessaire avec un gouvernement flamand dont la N-VA fait partie et après une période au cours de laquelle De Wever devra prouver qu’il peut mettre sur pied un gouvernement de droite. Le PS préfère une tripartite et opte plutôt pour le modèle de gouvernement Dehaene avec son Plan Global.

    Quels que soient les gouvernements que nous recevions, nous allons vers une forte austérité. Tous les partis établis sont d’accord là dessus. Ils semblent mieux préparés à cela que le mouvement ouvrier. Les liens entre les dirigeants syndicaux et les partis qui appliquent l’austérité ne nous ont rien amené ces dernières années, la politique néolibérale n’a pas été stoppée. Cela mène à la démoralisation et fait passer à l’arrière-plan, la possibilité d’une lutte collective pour le progrès, ce qui laisse l’espace à d’autres “solutions”. Si nous ne combattons pas les attaques par un plan d’actions progressif décidé démocratiquement qui part d’une large tournée d’information et de mobilisation, nous ne pourrons pas stopper l’austérité mais les possibilités électorales pour la droite et l’extrême-droite risquent de rester intactes.

    Il serait erroné de penser qu’un tiers des Flamands est convaincu d’une politique d’austérité néolibérale et répressive, pour beaucoup, il s’agissait d’un vote de protestation contre l’establishment. Il ne s’agit pas d’une droitisation mais d’un rejet grandissant du cours actuel des choses avec aucune certitude sur le moyen d’améliorer la situation. Au cours de la dernière semaine de campagne, les partis flamands aussi ont soudain souligné leur caractère ‘social’ avec l’opposition aux attaques contre l’index et la limitation des allocations dans le temps face à la N-VA, mais même ce dernier parti a tout à coup souligné qu’il augmenterait les pensions les plus basses et a nié sur tous les tons le caractère asocial de son programme.

    Le potentiel pour une forte opposition de rue est présent. Nous l’avons vu ces dernières semaines avec les grandes mobilisations inattendues sur le bouclage du ring anversois. Il s’agit encore d’actions à propos desquelles il y a de la confusion sur les revendications exactes et les méthodes d’action mais le caractère de masse de ces actions est une locomotive.

    Nous pouvons convaincre les électeurs de la N-VA par des mouvements de lutte. Qui d’autre que la gauche peut, en effet, amener une alternative conséquente à la politique d’austérité actuelle ? Là où la gauche l’a fait de manière offensive – comme avec la campagne de Syriza pour un gouvernement de gauche en 2012 – cela a donné d’excellents résultats électoraux. Mais si nous ne construisons pas des perspectives offensives avec un programme conséquent de transformation socialiste de la société, nous n’y arriverons pas.

    Les défis pour le mouvement ouvrier sont grands. La bourgeoisie va manœuvrer pour savoir comment le mieux mener une politique d’austérité, à la manière forte ou de façon plus douce. N’attendons pas pour organiser notre résistance !


     

    Modèle Martens: faire des économies sans les sociaux-démocrates

    Après une période de crise politique entre 1978 et 1981, un compromis a été conclu avec le gouvernement orange-bleu de Martens et Gol pour mener une politique d’austérité tolérée par la CSC, tout étant discuté à Poupehan avec son dirigeant Jef Houthuys. Le franc belge a été dévalué et il y a eu plusieurs sauts d’index. Lorsque le nouveau ministre du budget Verhofstadt est arrivé en 1986 avec un nouveau plan d’austérité dure à hauteur de 3,5 milliards d’euros, la CSC a eu du mal à stopper les troupes.

    Lors des actions des fonctionnaires en 1983, la FGTB était encore seule, l’opposition au plan Sainte-Anne en 1986 risquait d’être tellement large que la pression sur la CSC est devenue insoutenable. 250.000 personnes participaient à une manifestation nationale de la FGTB le 31 mai 1986. Le dirigeant de la CSC Houthuys a envoyé promener ‘da joenk’ le jeune Verhofstadt.

    La politique néolibérale dure des gouvernements orange-bleu a fait que les salaires ont diminué en moyenne de 12 à 15%, les allocations jusqu’à 20%. Parallèlement, les profits des entreprises ont augmenté de 57%. Après la chute du gouvernement, officiellement sur la question communautaire, une nouvelle crise a suivi après laquelle arriva un gouvernement de sociaux-démocrates.

    Modèle Dehaene: économies avec les sociaux-démocrates

    Avec la disparition de la coalition orange-bleue en 1987, les sociaux-démocrates ont été appelés à pratiquer l’austérité également. La situation économique a donné un peu d’espace pour la préparer. En 1993, Dehaene a frappé avec son Plan Global. Sous pression d’en bas, il y a eu une riposte avec la plus grande grève générale depuis 1936.

    Le Plan Global faisait partie de la politique d’austérité européenne imposée par le traité de Maastricht. Les chrétiens-démocrates et les sociaux-démocrates ont fait un plan d’austérité de – c’est ce qui est ressorti par après – 500 milliards de francs (12,5 milliards d’euros). Cela se passa notamment par l’adaptation de l’index (avec l’introduction de l’indice santé) et la norme salariale.

    La direction syndicale a à peine fait quelque chose de la colère à la base et s’est plutôt laissée guidée par des oppositions réciproques. Cela en est resté à une action unique malgré l’énorme potentiel. Au parlement, tous les chrétiens-démocrates et les “socialistes” ont voté pour le Plan Global, une pause toilette à cet instant crucial a peut-être coûté ultérieurement à Dirk Van der Maelen plus qu’un poste de ministre. Le mouvement contre le Plan Global est mort d’une mort tranquille.

    Et aujourd’hui ?

    Avec le décès de Jean-Luc Dehaene, il a été référé à son “modèle” à plusieurs reprises. De Wever a parlé des années 1980 et des gouvernements Martens et du Plan Global. Il déclarait qu’à l’époque, on “osait encore prendre des décisions” et référait aux “trois sauts d’index et au Plan Global.” Les deux modèles contiennent une politique d’austérité, l’une plus rapide et plus brutale que l’autre.

    De Wever s’inspire du jeune ‘da joenk’ Verhofstadt qui était alors encore connu comme le “baby-Thatcher”. Le PS préfère se tourner vers l’homme d’Etat Dehaene et son ‘Plan Global’ rouge-orange. Cette discussion concerne le rythme des attaques, pas les économies en soi.

  • Elections européennes : une révolte contre l’establishment capitaliste

    L’extrême-droite progresse, mais la gauche véritable engrange quelques succès

    Le ‘‘tremblement de terre’’ prévu de longue date – le ‘‘triomphe’’ électoral de l’extrême-droite et de ses alliés – a bien eu lieu dans certains pays clés de l’Union européenne. En Grande-Bretagne, l’Ukip (United Kingdom Independant Party) a pris la place de premier parti, poussant de ce fait le parti Travailliste en deuxième position et les Conservateurs – le parti au pouvoir – dans une position honteuse, celle de troisième parti. Les Libéraux-Démocrates (également au pouvoir en coalition avec les Conservateurs) ont quant à eux complètement été humiliés, il ne leur reste plus qu’un seul député européen !

    Par Peter Taaffe, secrétaire général du Socialist Party (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre et au Pays de Galles)

    En France, le Parti ”Socialiste” au pouvoir a subi une défaite encore plus catastrophique en étant réduit à 14% des voix seulement, le Front national de Marine Le Pen pouvant prétendre à la victoire tant face aux ‘‘socialistes’’ bien mal nommés de François Hollande que face au parti de droite UMP.

    L’extrême-droite a réussi à aspirer les votes de nombreux travailleurs qui avaient précédemment regardé vers la gauche et les partis ouvriers. L’extrême-droite est parvenue à dévier la colère et l’amertume des travailleurs contre leur appauvrissement croissant vers un vote de protestation contre l’austérité mais aussi contre l’immigration, présentée comme responsable de tous leurs malheurs. Le Parti du peuple danois, d’extrême droite, a également récolté la plus large part des suffrages alors que les eurosceptiques et les partis d’extrême-droite l’ont emporté dans les pays nordiques.

    Même en Allemagne, Alternative für Deutschland, un parti eurosceptique relativement neuf, a obtenu ses premiers sièges au Parlement européen tandis que le parti d’Angela Merkel, la CDU, a subi son pire résultat aux élections parlementaires européennes. Le parti néofasciste NPD a gagné un siège, tout comme un certain nombre de petits partis ‘‘protestataires’’.

    Le nouveau Premier ministre italien Matteo Renzi a résisté à la tendance, mais ce n’est que parce qu’il est encore en pleine lune de miel et que les travailleurs ont envie d’une certaine stabilité. Cela changera lorsque ses attaques contre la classe des travailleurs seront lancées.

    Les alternatives à l’extrême-droite

    Ce jeudi 28 mai, environ 2.500 personnes, essentiellement des jeunes, ont manifesté à Bruxelles face au Parlement européen et face aux locaux de la Commission européenne contre la croissance des partis d’extrême droite et contre la politique d’austérité.

    Cette avancée présumée inexorable de l’extrême droite n’est s’est toutefois pas exprimée partout, particulièrement là où la classe des travailleurs bénéficiait de l’alternative de voter pour un parti de masse de gauche ou des travailleurs. Ce fut le cas aux Pays-Bas, où la progression du Parti pour la liberté de Geert Wilders (PVV) a été interrompue principalement en raison de l’existence d’une alternative pour les travailleurs sous la forme du Socialistische Partij (Parti socialiste, aux Pays-Bas, la social-démocratie est représentée par le PDVA, le Parti du Travail).

    Malgré les insuffisances politiques de ce parti concernant son programme et malgré le manque de démocratie interne, il a néanmoins agi comme un pôle d’attraction pour les travailleurs, ce qui a permis de limiter les suffrages pour l’extrême droite.

    Il en va de même pour la Grèce, où Syriza est en tête du scrutin avec 26% des voix, soit 4% d’avance sur la Nouvelle Démocratie, le parti de droite au pouvoir. Le parti néofasciste Aube Dorée a obtenu plus de 9% des voix et est pour la première fois entré au Parlement européen. A n’en pas douter, les néofascistes auraient encore davantage été minés si Syriza et son dirigeant Alexis Tsipras n’avaient pas édulcoré certaines de leurs revendications les plus radicales, telles que l’annulation de la dette et la nationalisation des banques, sur base de la conviction erronée qu’une approche plus ‘‘modérée’’ renforcerait leur popularité.

    Délégation de Xekinima, section grecque du Comité pour une Internationale Ouvrière et parti-frère du PSL, lors d’une manifestation contre la politique austéritaire du gouvernement en 2013.

    Une des bonnes nouvelles venues de Grèce est la victoire de Nikos Kanellis, un membre éminent de la section grecque du Comité pour une Internationale Ouvrière, Xekinima (organisation révolutionnaire socialiste mondiale à laquelle est affilié le PSL, NDLR), à l’occasion des élections locales qui se tenaient simultanément, qui a été élu à Volos (importante ville portuaire et industrielle grecque de 144.000 habitants, NDLR). Cela n’est qu’un léger aperçu de l’orientation que les travailleurs grecs qui souffrent depuis longtemps prendront en masse à l’avenir.

    En Espagne, le parti au pouvoir s’est en mal tiré, à l’instar du parti social-démocrate dans l’opposition, le PSOE, dont le secrétaire général a démissionné. Mais les partis et formations de gauche comme Izquierda Unida (Gauche Unie) et Podemos ont par contre réalisé de bons scores.

    Le constat est similaire en Irlande où des élections locales se déroulaient également en plus des élections européennes, en général, les principaux partis capitalistes – le Fianna Fail et le Fine Gael – ont chuté, même le parti travailliste irlandais a reçu une sévère raclée. Les travaillistes ont participé au gouvernement et ont présidé l’application d’une politique d’austérité vicieuse. Le dirigeant du Parti, Eamon Gilmore, a été contraint de démissionner.

    De gauche à droite, Joe Higgins et Ruth Coppinger qui représentent le Socialist Party au Parlement irlandais, et Paul Murphy, précédemment eurodéputé du Socialist Party.

    Mais, tout comme en Espagne et en Grèce, là où une alternative de gauche était présente, elle a pu compter sur un soutien solide. Dans le cas du Socialist Party (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en République irlandaise et parti-frère du PSL, NDLR), ce fut de façon spectaculaire. L’élection au Dáil (le parlement irlandais) de Ruth Coppinger lors de la tenue d’une élection parlementaire partielle à Dublin West ainsi que d’une flopée de 14 conseillers municipaux à Dublin, Cork et Limerick, représente un véritable triomphe pour le socialisme et marxisme authentique (voir notre article à ce sujet).

    Malheureusement, Paul Murphy n’a pas été élu au Parlement européen, malgré près de 30.000 votes de premier choix (les élections législatives en Irlande se déroulent selon le principe du scrutin à vote unique transférable, où l’électeur ne se contente pas de choisir son candidat préféré, mais donne un ordre de préférence à l’ensemble des candidats, NDLR). L’un des facteurs qui a conduit à sa défaite a été la décision honteuse du Socialist Workers Party (SWP) de s’opposer à Paul, qui était déjà eurodéputé, en déposant un candidat, ce qui a ouvert la voie à un autre candidat.

    Ce fut un coup porté non seulement à Paul, à la gauche du mouvement des travailleurs irlandais et au Comité pour une Internationale Ouvrière, mais également à tous les travailleurs qui ont été impliqués dans les luttes à travers l’Europe et plus loin que cela, y compris les Palestiniens, les militants du Sri Lanka, les travailleurs du Kazakhstan et d’autres, qui avaient pu compter sur Paul en tant qu’énergique combattant à leurs côtés.

    Cet exemple flagrant de rancune et de sectarisme – mettre ses propres intérêts étroits et à court terme avant ceux de la cause de la gauche et de la classe des travailleurs – a été passé sous silence par les homologues du SWP irlandais à l’échelle internationale et en particulier en Grande-Bretagne, où le SWP est formellement membre de l’alliance de la Coalition de Syndicalistes et de Socialistes (TUSC, Trade Unionist and Socialists Coalition) aux côté du Socialist Party d’Angleterre et du Pays de Galles, section locale du CIO et parti frère du Socialist Party irlandais.

    Une colère anti-establishment

    Quelles sont les conclusions à tirer de ces élections? Tout d’abord, que les résultats des élections nationales, locales et européennes représentent une révolte contre l’ensemble de l’establishment capitaliste, y compris contre les dirigeants des anciens partis ouvriers comme Miliband (Parti Travailliste, Grande Bretagne), Hollande (PS, France), etc. Ces dirigeants parlent ‘‘d’aliénation’’ et de ‘‘désillusion’’ massives sans jamais vraiment admettre que ce constat ne s’applique pas seulement en réaction aux partis de la droite officielle, mais également à leurs partis respectifs !

    Si des partis alternatifs de masse de la classe des travailleurs ne sont pas présents à temps, en possédant une alternative de lutte et socialiste claire, ces masses désabusées peuvent s’orienter par désespoir vers l’extrême droite. Nous ne pouvons qu’imaginer l’impact extraordinaire qu’aurait eu la décision de dirigeants syndicaux en Grande-Bretagne de contribuer à la construction d’un nouveau parti des travailleurs pour ces élections et les prochaines. C’est en particulier le cas de Len McCluskey (secrétaire général du syndicat Unite, il a récemment menacé de désaffilier Unite des Travailliste et de lancer un nouveau parti des travailleurs si les Travaillistes perdaient les élections générales de 2015 , NDLR).

    Cela aurait offert l’opportunité de réduire le nombre de voix qui sont allées à l’UKIP et à tous les partis pro-capitalistes. Malgré le silence total des médias, c’est ce qu’a tenté de faire l’alliance de gauche TUSC à son échelle (voir notre article à ce sujet).

    Seul un programme de classe, impliquant des mesures concrètes contre l’augmentation vertigineuse des loyers, un programme d’urgence de construction d’habitations sociales, un plan de lutte contre l’austérité, etc. pourrait poser les bases d’un début de réponse à la démagogie vide de l’Ukip. Son chef, Nigel Farage, est un ancien agent de change, descendant d’une riche famille et membre de la fraternité des banquiers qui nous a entraînés dans l’abîme d’une crise dévastatrice à partir de 2007.

    Parmi le monde du travail, nombreux sont ceux qui, en désespoir de cause, ont été séduits et ont voté pour l’Ukip parce qu’ils ne voyaient pas d’alternative lors de ces élections. Dans certaines régions, là où ils le pouvaient, certains ont donné une voix à l’Ukip et une autre à la TUSC. Il s’agit d’une indication du fait que le racisme n’est pas enraciné dans la majorité de ces électeurs. Ils pourraient être gagnés à la cause d’un parti anticapitaliste radical et d’une campagne de lutte contre l’idée fausse selon laquelle les immigrés sont la cause des problèmes auxquels ils sont confrontés. En retour, cela pourrait aider à cimenter l’unité de la classe des travailleurs dans sa lutte pour l’emploi, contre les mauvais contrats de travail et pour un salaire décent.

    Dans la panique complète qui a suivi ces élections, les Conservateurs et même des porte-paroles du Parti Travailliste comme Ed Balls ont dénoncé l’immigration. Mais sans un retrait complet de l’Union Européenne et de ses traités – ce à quoi les capitalistes ne sont pas favorables, ce qui est donc peu probable à court terme – ils savent qu’ils ne seront pas en mesure d’immédiatement stopper l’immigration en provenance des pays de l’Union. Leur propagande est basée sur l’opposition aux ‘‘immigrés qui profitent de l’assistance sociale’’, ce qu’il appelle le ‘‘tourisme du profit’’, en dépit du fait que toutes les études montrent que très peu d’immigrés en Grande-Bretagne et ailleurs profitent de ces ‘‘avantages’’. Le seul effet de cela, c’est de jouer sur les divisions et le racisme, qui doivent être rigoureusement combattues par l’ensemble du mouvement syndical.

    L’abstention a été une tendance clé dans ces élections, il s’agit d’une expression de la méfiance éprouvée envers l’establishment politique. En Slovaquie, avec un taux de participation de 13%, les élections n’ont été qu’une vaste farce. En Grande-Bretagne, plus de 60% des électeurs n’ont pas voté, les résultats n’indiquent donc pas nécessairement comment les gens vont voter en 2015 lors des élections générales. L’Ukip menace néanmoins de devenir un facteur de droite enraciné en Grande-Bretagne, tout comme le Parti de la Liberté en Autriche ou le Front National en France. De plus, le contrecoup des élections est immédiat en Grande-Bretagne et soulève diverses questions quant à l’orientation et au futur leadership des trois principaux partis capitalistes.

    Il est encore peu probable que l’un de ces dirigeants de parti s’incline avant les élections. Mais Nick Clegg (des Libéraux-Démocrates) est certainement candidat pour être remplacé puisque son parti fait face à la menace d’une extinction pour à l’occasion des élections générales prochaines. Même Ed Miliband (parti Travailliste) fait face à des critiques au sein de son parti, y compris dans les pages du Daily Mirror (un quotidien qui soutient les travaillistes, NDLR) : ‘‘Les électeurs ont averti que des politiques audacieuses et un programme d’équité de gauche sont populaires’’ (Kevin Maguire). Mais Ed Miliband ne pourra pas rejoindre les aspirations de la classe des travailleurs, puisqu’il est emprisonné dans le cadre du capitalisme.

    Un nouveau parti de masse de la classe des travailleurs combattant résolument pour des politiques socialistes radicales peut offrir une voie à suivre pour les travailleurs, en Grande-Bretagne et en Europe.

0
    0
    Your Cart
    Your cart is emptyReturn to Shop