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Tag: Ecologie
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Le zéro déchet à l’école : OUI si c’est pour combattre les inégalités, NON si c’est pour les renforcer

Photo : Wikimedia Commons Aujourd’hui, en mangeant ses tartines, mon fils me dit : « Morgane (nom d’emprunt), elle a des tartines emballées dans de l’aluminium. Madame elle n’aime pas l’aluminium. Morgane doit reprendre ses déchets dans son cartable. »
Par Elise
Eh oui, l’école de mon fils se dit « zéro déchet ». Le concept : les enfants ne peuvent pas amener de déchets à l’école, sinon ils sont priés de les ramener chez eux. Ainsi, en début d’année, mon fils est revenu avec un dessin de bonhomme souriant sur sa main. « C’est parce que je n’avais pas de déchets dans mon cartable ! » Ce matin-là, je me souviens avoir consciencieusement déballé un paquet de biscuits pour les mettre, « sans déchet », dans une petite boîte dans son cartable, pour ne pas qu’il reçoive de remarque négative en classe… Mon fils a 3 ans. S’il n’avait pas reçu ce bonhomme souriant sur sa main, il aurait été anéanti. Ça a sans doute été le cas de la petite Morgane.
Cette gamine-là aura été dévalorisée, voire humiliée en fonction de sa façon de ressentir les choses. A mon gamin à moi, on a appris à se sentir fier de lui, au-dessus de ceux qui « ont des déchets ».
Voilà les conséquences d’une politique d’écologie basée sur la responsabilité individuelle. Avec ce genre de mesure, non seulement les déchets continuent à exister, mais en plus des enfants sont valorisés alors que d’autres sont marginalisés. Et il semble évident que ce sont les enfants issus de milieux plus favorisés, qui sont plus conscientisés, dont les parents ont des horaires plus flexibles, qui seront une fois de plus valorisés. Avec cette mesure, ce sont une fois de plus les inégalités sociales qui sont exacerbées : comme on le faisait avant avec l’habillement ou les points à l’école, on discrimine aujourd’hui avec le zéro déchet !
Mon école « zéro déchet » à moi, ce serait une école qui met en place des mesures écologiques qui profitent à tous les élèves et les réunit au lieu de les diviser.
Par exemple, une telle mesure serait que l’école offre à tous les enfants leurs repas et collations, cuisinés sur place à partir de produits locaux et sans déchets. Ce projet serait non seulement écologique, mais aussi social : il garantirait à chaque enfant l’accès à des repas sains, quel que soit le revenu de ses parents.
Bien sûr, il nécessiterait des moyens humains et financiers, mais personne ne pourra dire que la plus-value pour les enfants et le personnel n’en vaut pas l’investissement.
Alors, enseignants, battons-nous pour ça : des projets qui réunissent et font grandir les élèves, pas des projets qui rabaissent les enfants qui sont déjà les moins à l’aise dans le milieu scolaire.
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Faire face à la crise écologique

Nombre de chercheurs estiment que la destruction de la biodiversité et des écosystèmes crée les conditions d’apparition de nouveaux virus et de nouvelles maladies. C’est particulièrement le cas dans les zones tropicales détruites pour faire place à des monocultures intensives industrielles ou à de l’élevage industriel intensif. La fonte du Permafrost pose également la question de la réactivation possible de très anciens virus et bactéries actuellement prisonniers dans le sous-sol gelé.
- Ceci est une partie du programme plus global du PSL face à la crise du coronavirus auquel vous pouvez accéder en cliquant ici.
Tout porte donc à croire que la fréquence de l’émergence de nouveaux agents infectieux va augmenter, avec le risque de pandémies récurrentes. D’autre part, la pollution atmosphérique est un facteur aggravant pour les pathologies respiratoires. La propagation du Covid-19 aurait ainsi été grandement favorisée par la pollution de l’air et plus précisément par certaines particules fines très présentes dans les zones polluées de Wuhan, mais également au nord de l’Italie.
Le mode de production capitaliste est également responsable du changement climatique, qui rend de plus en plus de parties du monde inhabitables pour les êtres humains, les animaux et les plantes.
L’arrêt des activités non-essentielles doit être utilisé pour faire une évaluation de la production économique afin de permettre une transition écologique rapide, reposant sur une planification économique rationnelle, en assurant la reconversion des travailleurs des activités polluantes dans des emplois socialement utiles et respectueux de l’environnement.
Nous exigeons :
- La nationalisation sous contrôle et gestion démocratiques des grandes entreprises du secteur agro-alimentaire sans rachat ni indemnité sauf sur base de besoins prouvés afin d’assurer une transition écologique du secteur.
- Un plan de relance capable de relever le défi du changement climatique et de s’opposer à la destruction de la biodiversité grâce à la planification démocratique de la production économique.
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Grèce. la jeunesse en lutte contre l’incinérateur de Volos

Par Xekinima, section du CIO (Majoritaire) en Grèce
Rythme, vivacité, enthousiasme et impressionnante participatio ont été les principales caractéristiques de la manifestation des élèves du 21 novembre dernier contre l’incinération des déchets par la cimenterie Lafarge à Volos, contre la pollution de l’air de la ville et contre le projet des autorités municipales de Volos de construire une usine de “Combustibles solides récupérés”.
Il s’agit d’un procédé de traitement des déchets par déshydratation, condensation et incinération avec un très haut niveau d’émissions plastiques, de métaux lourds et e particules cancérigènes. Les manifestants exigent un traitement écologique des déchets sous propriété publique.
Les élèves ont commencé à arriver à la place de la Liberté vers 10 heures et, à 11 heures, plus de 2.000 élèves ont commencé à manifesté dans les principales artères de la ville. En de nombreuses occasions, des personnes plus âgées qui passaient près de la manifestation ou qui la regardaient des trottoirs ont exprimé leur soutien en applaudissant les jeunes manifestants.
Des étudiants du supérieur ont également participé à la manifestation en compagnie d’enseignants des écoles secondaires de la ville, dont le syndicat avait demandé un arrêt de travail de trois heures pour soutenir la mobilisation. Quatorze écoles sur vingt étaient également occupées par des élèves le même jour !
C’est sans aucun doute le dynamisme des élèves qui a donné le ton à la manifestation. Avec des tambours, des slogans pleins d’esprit, des pancartes faites à la main, des banderoles de plusieurs écoles et des pancartes de la “Section Jeunesse” du “Comité d’action des citoyens de Volos”, les élèves ont crié qu’ils veulent vivre dans un environnement sain.
Les principaux slogans étaient “Air toxique ? Non merci”, “L’air est pollué, l’éducation coûte cher, votre croissance est toxique”, “Non à l’incinération des déchets au profit des multinationales”, “Dans votre système nous n’avons pas la santé, nous rêvons d’une société différente”, “Nous voulons rendre le monde meilleur, non à l’incinération des déchets”, “Vous parlez de profits et de pertes, nous parlons des vies humaines” etc.
Cette manifestation massive et réussie est le résultat du travail acharné de la Section Jeunesse du Comité d’action de Volos. La Section jeunesse a tenu une série de réunions publiques et a réussi à organiser une campagne militante dans les semaines précédant la manifestation. Au cours de cette période, environ 4 000 tracts ont été distribués dans la plupart des écoles, des centaines d’affiches ont été posées, des banderoles ont été placées et même une courte vidéo a été créée par les élèves eux-mêmes. La mobilisation a été bien couverte par les médias nationaux.
Une fois de plus, la communauté locale et les jeunes ont démontré qu’ils sont pleinement conscients des grands risques sanitaires posés par l’incinération des déchets et qu’ils sont déterminés à lutter pour y mettre fin. Il est également clair que les manifestations de masse de la jeunesse contre le réchauffement climatique et les bouleversements de masse dans un certain nombre de pays ont eu un impact sur la jeunesse grecque.
Il s’agit désormais de construire une organisation démocratique du mouvement, basée sur un réseau de comités d’action dans chaque école en lien avec les travailleurs et les autres couches de la population de Volos et de la région environnante, et d’élaborer un plan bien élaboré pour que le mouvement puisse poursuivre la lutte en vue de mettre fin à l’incinération des déchets. En même temps, il faut tirer une conclusion claire que la racine du problème, c’est le système lui-même. Le capitalisme fait passer le profit avant l’environnement et la santé publique. C’est pourquoi il faut s’organiser et se battre pour renverser le capitalisme et en finir avec le règne des grandes entreprises privées.
Les partisans de Xekinima jouent un rôle très actif au sein de la Section Jeunesse, comme ils le font au sein du Comité d’action de Volos. L’idée de voir les élèves sortir de l’école et faire une grève scolaire a été proposée par les partisans de Xekinima qui sont actifs au sein du Comité Jeunesse. En même temps, Xekinima évoque la nécessité de se lier à la classe ouvrière et de planifier une grève générale de toute la ville, et souligne bien sûr la nécessité d’une lutte contre le système capitaliste et pour une société socialiste libre et démocratique.
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Changeons le système, pas le climat – luttons pour une alternative socialiste
Nous sommes organisés internationalement au sein du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), qui dispose de section dans plus de 35 pays. Lors des prochaines mobilisations pour le climat, nous interviendrons mondialement autour d’un programme commun dont voici les principales revendications :1. Pas de temps à perdre : il faut un virage radical et la fin de la combustion de combustibles fossiles pour la production d’énergie et de plastique au cours des prochaines années. Nous avons besoin d’aliments qui ne ruinent ni la planète ni notre santé. Cela exige des changements urgents et qualitatifs dans la production énergétique, industrielle, alimentaire et agricole, dans les transports et dans le logement.
2. Les besoins des gens, pas les profits : Les solutions individuelles sont insuffisantes face à un problème global. La majorité des habitants de la planète n’ont tout simplement pas le choix. Même si nous nous comportions tous de manière extrêmement écologique, cela ne suffirait en aucun cas à résoudre le problème. Nous avons besoin d’un plan d’investissements publics massifs dans les énergies renouvelables ; dans des transports en commun publics de haute qualité, efficaces et gratuits ; dans des bâtiments et des logements écologiques pour tous ; dans le recyclage et la réparation de l’infrastructure. Tout cela est plus qu’abordable – pour autant que la richesse que nous produisons ne soit pas accaparée par une petite élite.
3. Stoppons les 100 principaux pollueurs : Au cours des trois dernières décennies, plus de 70% des émissions industrielles de gaz à effet de serre ont été produites par 100 entreprises. Mais les grandes entreprises ignorent les recommandations ou la législation et les partis et politiciens établis sont leurs marionnettes. Nous ne pouvons contrôler que ce que nous possédons. Par conséquent, la première étape consiste à faire passer les grandes industries énergétiques ainsi que les grandes banques et les grandes entreprises de la construction, du transport et de l’agro-industrie des mains des capitalistes à celles du secteur public.
4. Une société à notre service : Avec ces ressources, il est possible de libérer la science des limites du capitalisme et de la recherche de profits. Au lieu d’investir des milliards de dollars dans des subventions aux sociétés pétrolières, nous pourrions développer des technologies et des matériaux écologiques. Nous défendons le droit de chacun à un bon emploi et à une vie exempte de pauvreté, d’oppression, de dévastation et de destruction. Les grandes entreprises et leur puissance colossale doivent être contrôlés et gérés démocratiquement par la classe des travailleurs et la société dans son ensemble. Cela garantira qu’aucun emploi ne serait perdu, mais converti en emplois socialement utiles et sans perte de salaire.
5. La planification, pas le chaos : Les programmes de “Green New Deal” ou de “Green Industrial Revolution” vont dans la bonne direction. Mais nous devons aller plus loin, au-delà des limites du système capitaliste. Au lieu de l’anarchie capitaliste de la production pour le profit, nous devons planifier comment utiliser durablement les ressources de la planète afin de répondre aux besoins de la majorité.
6. Faisons grève ensemble : Ce sont les gens ordinaires qui souffrent le plus du changement climatique. Et c’est la classe des travailleurs qui a le pouvoir de changer l’histoire. Nous devons poursuivre les grèves des jeunes pour le climat et les élargir en tendant la main aux travailleurs et aux syndicats afin de nous unir dans une grève puissante : le blocage de l’économie capitaliste. Cela montre aussi notre potentiel pour prendre le pouvoir économique entre nos mains.
7. Changeons le monde : Les êtres humains font partie de l’éco-système – le capitalisme n’en fait pas partie. Combattons le capitalisme pour le remplacer par une société reposant sur les besoins des gens et non sur les profits – une société socialiste démocratique ! Faites une réelle différence en rejoignant une alternative combative, internationaliste et socialiste !
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Manifestations à travers le monde contre les incendies en Amazonie

Ces derniers jours, les dirigeants du G-7 se sont réunis à Biarritz, en France. Le Président français Macron, entre autres, a continué à prétendre qu’il se soucie du climat. Il a promis plusieurs millions d’euros d’aide contre les incendies de la forêt amazonienne ce que le président brésilien Bolsonaro a rapidement refusé. Quelques millions, c’est de la poudre aux yeux ces dirigeants mondiaux : leur réunion a, en soi, coûté des millions d’euros et, pour accroître son propre prestige, Macron a même fait venir un ministre iranien. En outre, une série de multinationales basées dans leurs pays respectifs sont actives dans le pillage de la forêt amazonienne. Ce sont toujours les intérêts économiques qui prévalent pour les dirigeants du capitalisme. Le résultat est tout ce que nous voyons en Amazonie : les poumons de notre planète sont en flammes !
Nous ne devons pas nous attendre à des actions audacieuses de la part du monde des affaires. Un certain nombre de grandes banques dans notre pays ont signé l’appel ” Sign for my future ” afin de relever ” tous ensemble ” les défis climatiques. Nous avons immédiatement mis en garde contre cette hypocrisie. Nous avons par exemple rappelé que selon un rapport du 11.11.11, BNP Paribas, ING et KBC ont des prises de participation importantes dans des sociétés minières telles que Glencore, Vale et BHP Billiton. Ces compagnies minières sont impliquées dans le pillage de la forêt amazonienne. Quelqu’un pense-t-il que nous arrêterons la catastrophe climatique en comptant sur la bonne volonté de ceux qui en sont responsables ?
Nous devons nous organiser par nous-mêmes. L’avenir de la planète est trop important pour être laissé aux grandes entreprises et à leurs marionnettes politiques qui, au cours des dernières décennies, ont démontré qu’elles nous entraînent directement dans l’abîme de changements climatiques irréversibles. Nous entendons par ” par nous-mêmes ” les travailleuses et travailleurs ordinaires et leurs familles : la très grande majorité de la population. Beaucoup s’inquiètent de l’avenir des prochaines générations. Ils ont raison : nous devons nous en inquiéter. Dans le même temps, nous devons nous rendre compte qu’il est possible de forcer le changement, mais pas en le demandant gentiment. En construisant un rapport de force, l’establishment devra nous prendre en compte. Les manifestations de masse constituent un pas important dans cette direction. Nous devrons aller encore plus loin et, s’il n’y a pas de changement, utiliser notre force la plus importante : notre nombre. Sans les travailleurs, le système capitaliste ne peut fonctionner. Des actions dynamiques sont nécessaires pour établir un rapport de force dans lequel les grèves feraient la différence.
L’appel international à l’action lancé fin septembre – du 20 au 27 septembre – est donc important. La ‘grève de la terre’ (Earth strike) peut devenir importante et donner une nouvelle dynamique au mouvement climatique dans notre pays. Les médias tentent de réduire le mouvement dans notre pays à quelques porte-parole connus, mais la force de la protestation est qu’elle est portée par des dizaines de milliers de jeunes. Leur mécontentement n’a pas disparu. Organisons-le en comités pour que les jeunes puissent contrôler démocratiquement leur propre mouvement de protestation et discuter ensemble des prochaines étapes et du changement de système que nous voulons.
Lundi, une action réussie à l’initiative de Extinction Rebellion a réuni quelque 400 manifestants devant l’ambassade du Brésil à Bruxelles. Dans le monde entier, de multiples actions ont été menées. Le PSL et le CIO, l’organisation internationale dont nous sommes la section belge, étaient présents à nombre d’entre elles pour défendre une alternative socialiste au capitalisme. Voici quelques photos de différentes actions : Bruxelles, Dublin, Göteborg, Tel-Aviv, Vienne, Sao Paulo.
Bruxelles


Tel Aviv

Viennes

Dublin

Goteborg

Sao Paulo


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Pourquoi l’Amazonie est-elle détruite ?

En juillet dernier, une nouvelle très inquiétante a circulé : on estime que depuis le début de l’année, lorsque Jair Bolsonaro a pris en main la présidence du Brésil, l’Amazonie a perdu une superficie forestière égale à un terrain de football par minute. Cette information est maintenant dépassée par une réalité encore plus sombre. Les innombrables incendies qui se sont déclarés au cours des dernières semaines dans la forêt tropicale détruisent des écosystèmes extrêmement importants et aggravent encore l’effroyable déforestation de l’Amazonie.
Par Electra Klitsa, Xekinima (Grèce)
Le ciel de villes majeures du Brésil et d’autres pays d’Amérique latine s’est noirci de fumées. L’impact de cette catastrophe aura de terribles effets sur l’atmosphère, non seulement à la suite des incendies eux-mêmes, mais également en raison de la destruction d’une forêt qui absorbe de grandes quantités de dioxyde de carbone. Le climat de la région en souffrira car il dépend de la forêt amazonienne, mais il faut également penser à la perte d’une partie considérable de la biodiversité de la forêt amazonienne, que l’on ne retrouve nulle part ailleurs sur le globe.
Pour comprendre l’ampleur du phénomène, il suffit de savoir que d’après un article de 2017, une nouvelle espèce de flore ou de faune est découverte en Amazonie tous les deux jours. Nous perdons donc aujourd’hui des espèces donc ne connaissons même pas l’existence. Certaines d’entre elles auraient pu être utiles à toute l’humanité pour leurs propriétés curatives. D’autres jouaient peut-être un rôle clé dans l’équilibre de la chaîne alimentaire et leur extinction va peut-être contribuer à celle de nombreuses autres.
Les Amérindiens
Au-delà des plantes et des animaux, cependant, il y a des êtres humains. Non seulement les habitants de la planète et les générations futures qui seront touchées indirectement et à long terme par la catastrophe, mais aussi les habitants de la forêt amazonienne d’aujourd’hui.
Des tribus autochtones persistent à vivre dans la forêt, la protègent et en dépendent pour leur existence. Certaines de ces tribus disparaîtront avec la nature de la région sans que leur existence ne nous ait jamais été connue. D’autres sont connues non seulement pour leur grand patrimoine culturel, mais également pour leurs grandes luttes contre l’épidémie de “croissance” dévastatrice en Amazonie. L’une des figures les plus emblématiques de cette lutte est Chico Mendes, assassiné en 1988 pour avoir tenté d’organiser les peuples autochtones contre la destruction de la forêt qui était leur foyer et leur moyen de survie.
Aujourd’hui, ses assassins – les grandes entreprises agricoles et minières et les gouvernements qui les servent – continuent leur oeuvre destructrice en brûlant l’Amazone.
Une forêt géante “dérangeante”
Dans la plupart des cas d’incendies de forêt, il faut être prudent et disposer de preuves concrètes avant de parler d’incendie criminel, voire même spécifiquement planifié. Mais dans le cas de l’Amazonie menacée depuis des décennies et tout particulièrement lorsque d’innombrables incendies éclatent simultanément dans d’innombrables endroits, il est pour le moins naïf de parler de hasard. Après les bulldozers, visiblement trop lent, le big business a fait appel aux incendies.
Mais pourquoi l’Amazonie est-elle détruite? Que veulent ceux qui s’attaquent au cœur de cette « inutile » forêt ? Dernièrement, les sociétés d’extraction de pétrole et d’or harcèlent de plus en plus les communautés autochtones qui protègent les forêts amazoniennes. Les entreprises agricoles et d’élevage rêvent de convertir encore plus de forêt en cultures et en pâturages. La plus grande partie de la forêt tropicale n’est plus que cela: de nouvelles fermes et de nouveaux champs. Mais de combien de champs a-t-on besoin sur la planète? Les champs existants ne leur suffisent-ils pas ? Après tout, la destruction de l’Amazonie ne date pas d’aujourd’hui, mais dure depuis de nombreuses décennies.
Des champs à usage unique
Non, les champs ne leur suffisent pas, car le sol de l’Amazone n’est pas fait pour produire du soja. Il convient à la préservation de forêts tropicales séculaires, mais est très pauvre en éléments nutritifs nécessaires à la production agricole.
Ainsi, après un ou deux ans de production, le “champ” devient obsolète. Rapidement, les entreprises agroalimentaires recherchent un autre “champ” dans un autre endroit tout aussi inapproprié de l’Amazonie. Des siècles d’histoire naturelle, des richesses naturelles incalculables, un patrimoine culturel, une biodiversité non cartographiée, des vies humaines sont en train d’être détruites pour une production agricole qui n’a une durée de vie que d’un an ou deux. Cette image résume l’absurdité absolue que l’on appelle le système capitaliste.
Un pantin efficace
Si la situation n’était pas si tragique, il y aurait presque de quoi en rire. Le président brésilien a clairement expliqué dès le premier jour de son accession au pouvoir que la forêt amazonienne est un obstacle pour les grandes entreprises. Et sa principale vocation est de servir les intérêts de ces dernières. Selon lui, ce sont les organisations environnementales actives dans la région qui sont responsables des incendies alors qu’il a livré l’Amazonie aux grands intérêts commerciaux qui déterminent le destin de la planète !
Ces entreprises mettent en jeu la survie de la nature et des êtres humains. Cette absurdité n’a qu’une issue. Nous la renverserons ou elle nous détruira.

Notre section-soeur brésilienne, LSR, a participé aux actions contre Bolsonaro et le big business -
La révolte climatique mondiale discutée au Comité exécutif international du CIO
Un rapport accablant publié l’année dernière par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) montre que nous n’avons plus que 11 ans pour adopter des mesures afin d’éviter que la température mondiale n’augmente au-delà de 1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle. Nous ne sommes pas seulement confrontés au changement climatique, mais à une crise existentielle qui pose la question du monde dans lequel vont vivre les jeunes générations.Par Tom Costello, Socialist Alternative – (publication CWI en Angleterre et au Pays de Galles)
Les effets de la crise se font déjà sentir dans le monde entier. Cette année, les climatologues ont constaté que le pergélisol de l’Arctique canadien a commencé à dégeler 70 ans plus tôt que prévu. Une nouvelle flambée mondiale d’incendies de forêt est en cours – en Californie, les feux de forêt font rage sur une superficie d’environ 500 % supérieure à celle de 1972 (NdT : la discussion et la rédaction de cet article ont pris place avant que ne commence le terrible incendie de l’Amazonie).
Mais c’est dans le monde néocolonial que l’ampleur de la crise se révèle la plus révélatrice. 350 millions de personnes en Asie du Sud-Est et en Afrique ont connu cette année des vagues de chaleur mortelles. Des températures allant jusqu’à 48°C dans le nord et le centre de l’Inde ont déjà coûté la vie à plus de 36 personnes – le chiffre réel risque d’être encore plus élevé. Au rythme actuel, il y aura un pic énorme de réfugiés climatiques avant 2050. Des millions de personnes seront forcées de quitter leurs foyers car de vastes régions du monde seront rendues inhospitalières.
C’est dans cette situation qu’une nouvelle génération de jeunes et de travailleurs a commencé à se demander : comment faire face à la crise ? Quel type de changement politique sera nécessaire pour y faire face ? C’est dans cette conjoncture, et dans le contexte d’une révolte climatique mondiale croissante, que le Comité exécutif international du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) s’est réuni du 12 au 16 août en Belgique. Des socialistes révolutionnaires de plus de 20 pays, représentés sur tous les continents du monde, ont discuté et débattu pour développer une réponse et un programme communs pour faire face à cette crise.
La jeunesse montre la voie
Face à l’indignation et à la peur grandissantes suscitées par l’urgence climatique mondiale, les politiciens sont confrontés à une pression accrue pour trouver des réponses. Leur vielle réponse – blâmer la classe ouvrière en tant que consommateurs – s’est avérée totalement insatisfaisante.
Un produit de ce développement est observé aux États-Unis. Alexandria Ocasio-Cortez, membre de la Chambre des représentants des États-Unis et démocrate socialiste autoproclamée, a introduit l’idée d’un ‘‘New Deal vert’’ (en savoir plus à ce sujet). Elle défend qu’une hausse d’impôt pour les ultra-riches serve à financer des emplois verts et des projets d’infrastructures durables. L’idée générer une approbation massive parmi les travailleurs et la classe moyenne du pays. Un récent sondage réalisé au Marist College, à New York, a révélé que 63 % des sondés soutenaient l’idée d’un New Deal vert.
Cela reflète une tendance sociale plus large à l’échelle internationale. Les travailleurs, les étudiants et les jeunes en particulier ont commencé à chercher des idées de plus en plus radicales, tandis que l’establishment politique et la classe dirigeante n’ont fait que de fausses promesses et des gestes creux. Il est de plus en plus reconnu que le système économique actuel est incapable de répondre aux besoins de la planète. Un récent rapport de Carbon Majors a révélé que seulement 100 entreprises dans le monde sont responsables de 71 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre depuis 1988.
L’insatisfaction et la colère de millions de jeunes ont trouvé leur expression dans les grèves scolaires pour le climat de #YouthStrike4Climate. Le mouvement a été lancé en août 2018 lorsqu’une étudiante de 16 ans, Greta Thunberg, a commencé manifester devant le Riksdag (parlement suédois) à Stockholm pour exiger une action immédiate afin de sauver le climat. Depuis, l’idée a fait fureur et 1,5 million de personnes dans le monde ont quitté leurs école et leurs universités le 15 mars pour le première grève internationale pour le climat. La vague suivante a été qualifiée de ‘‘grève de la terre’’ à la suite de l’appel lancé par Greta aux travailleurs pour qu’ils organisent des débrayages afin d’étendre et de développer la résistance.
Lors d’un récent discours à la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique en Pologne, Greta Thunberg a déclaré : ‘‘Nous ne pouvons pas résoudre une crise sans la traiter comme une crise. Nous devons garder les combustibles fossiles dans le sol et nous devons mettre l’accent sur l’équité. Si les solutions au sein du système sont si impossibles à trouver, nous devrions peut-être changer le système lui-même.’’ Cela reflète l’atmosphère grandissante parmi la jeunesse. A bien des égards, la conscience évolue dans une direction anticapitaliste. Pour une large couche de la jeunesse, la course aux profits sans fin du capitalisme rend ce système totalement incompatible avec une véritable justice climatique.
Une révolte mondiale
Ces grèves pour le climat ont été marquées par un haut niveau de sentiment internationaliste. Le changement climatique ne peut être combattu dans un seul pays, c’est largement reconnu. Le mouvement doit donc avoir un caractère mondial, les différentes campagnes doivent être solidement liées les unes aux autres à travers les pays. Le CIO, en tant qu’organisation internationale et unie de militants marxistes, a encouragé ce processus à chaque étape et l’a intégré dans tous les aspects de son travail.
Nous estimons qu’il est d’une importance vitale de construire une solidarité par-delà les frontières entre les jeunes grévistes pour le climat et le mouvement ouvrier organisé. En Irlande du Nord, des travailleurs ont occupé le chantier naval de Harland & Wolff à Belfast afin de contester les pertes d’emplois. Suite à une baisse de rentabilité, 130 emplois sont menacés de disparition. La logique du marché capitaliste exige que les communautés ouvrières soient abandonnées dès lors que les profits sont insuffisants. Pour la nouvelle génération qui entre sur le marché de l’emploi, la vie est de plus en plus précaire.
Le Socialist Party (CIO-Irlande) a joué un rôle clé dans son combat grâce à l’influence qu’il a acquise au sein du mouvement syndical d’Irlande du Nord. Nos camarades ont soutenu la revendication de la nationalisation de l’entreprise sous le contrôle des travailleurs afin de sauver les emplois. Ils ont lié cette question au mouvement pour le climat en réclamant la requalification des travailleurs dans la production d’équipements d’énergie renouvelable afin d’assister la transition écologique.
Cette orientation vers la classe ouvrière est adoptée dans toutes les sections du CIO. De l’autre côté du globe, en Australie, les grèves scolaires pour le climat ont pris pour cible le gouvernement travailliste du Queensland qui a autorisé le géant des combustibles fossiles Adani à ouvrir une nouvelle mine de charbon. Cette mine est synonyme de désastre pour les travailleurs, les populations autochtones et les nombreuses espèces en danger qui vivent autour du site.
L’extraction du charbon dans la région affectera la qualité de l’eau dans le bassin de Galilée, fournissant de l’eau à 20.000 personnes. Le Socialist Party (CIO-Australie) est intervenu avec enthousiasme ans le mouvement en soulevant la nécessité de la nationalisation afin d’offrir une formation rémunérée et une place dans des emplois verts aux communautés qui dépendent de l’industrie des combustibles fossiles.
Cela illustre notre approche internationaliste commune, qui sera d’ailleurs concrètement exprimée à Paris lors d’une manifestation à Paris le 21 septembre prochain. Le CIO interviendra au niveau international, tant lors de cette manifestation à Paris que lors des grèves et manifestations dans le monde entier sous la bannière : ‘‘Changeons le système, pas le climat – pour une alternative socialiste !’
Une planification démocratique pour sauver la planète
Comme le disait Marx, la production capitaliste ‘‘sape les sources de toute richesse – la nature et la classe ouvrière’’. Cette idée a guidé la discussion lors de la réunion du Comité Exécutif International du CIO. Nous avons réaffirmé notre approche marxiste commune de l’environnement. La destruction de la planète est liée à ce système capitaliste qui se nourrit également de l’exploitation de la classe ouvrière à travers le monde.
Toute action que les gouvernements capitalistes seront capables d’accomplir sera trop peu, trop tard. Nous devons agir en sachant que le capitalisme n’est pas fait pour faire face à l’urgence climatique et orienter l’humanité vers un avenir propre et durable. Un programme de lutte contre la crise devra d’abord garantir des transports publics gratuits, accessibles et de qualité et reposer sur des investissements publics massifs pour garantir des logements écologiques pour tous.
Mais cela nécessitera un changement plus large. Nous devons nous attaquer au système capitaliste lui-même. Il faudrait, dans un premier temps, retirer les entreprises du secteur de l’énergie, des transports, de l’agro-industrie et des grandes industries des mains des profiteurs. Un système de contrôle et de gestion ouvriers pourrait jeter les bases d’une planification socialiste démocratique internationale et durable de la production, pour satisfaire les besoins des peuples et de la planète et non l’avidité de l’élite qui les exploite.
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Le socialisme écologique de Karl Marx est un guide pour la lutte d’aujourd’hui

Par Arne Johansson. Première publication le 18 juillet dans Offensiv, hebdomadaire de Rättvisepartiet Socialisterna (CIO Suède)
Trop de socialistes, même parmi ceux qui se considèrent comme des marxistes révolutionnaires, ont malheureusement tardé à découvrir et à comprendre l’analyse écologique de la rupture métabolique irréparable du capitalisme avec la planète et la nature, sur laquelle Karl Marx et Friedrich Engels ont commencé à travailler au XIXème siècle.
Dans son livre Karl Marx’s Ecosocialism: Capital, Nature and the Unfinished Critique of Political Economy (“L’écosocialisme de Karl Marx : le capital, la nature et la critique inachevée de l’économie politique»), Kohei Saito, un chercheur marxiste japonais, a apporté une nouvelle contribution importante pour remédier à cette lacune, à un moment où l’attitude prédatrice du capitalisme envers les personnes et la nature approche des points de basculement qui menacent de rendre inhabitables de grandes parties de la planète.
Saito, professeur agrégé d’économie politique à l’Université d’Osaka, s’appuie en grande partie sur les nombreuses notes inédites de Marx. sur lesquelles il travaille en tant qu’éditeur du Marx-Engels-Gesamtausgabe (MEGA), un projet encore inachevé qui vise à rassembler les œuvres de ces deux pionniers.
Un compte rendu détaillé de la façon dont Marx a développé son immense intérêt pour les recherches les plus récentes en sciences naturelles, et dans des sujets tels que la biologie, la chimie, la géologie et la minéralogie, vient de s’ajouter à ce matériel. Son point de départ a été la crise créée par l’industrialisation de l’agriculture par le capitalisme, et le clivage qu’il a décrit dans le métabolisme entre l’homme et la nature, ce qu’on appelle aujourd’hui le cycle écologique. Saito montre comment ces questions ont énormément intéressé Marx au cours de son travail inachevé sur le Capital, après la publication de sa première partie en 1867.
Même si Friedrich Engels est, à ce jour, le plus connu du duo Marx-Engels en matière d’écrits scientifiques comme “Anti-Dühring” et “Dialectique de la nature”, son ouvrage inachevé, mais publié à titre posthume, Saito souligne que Marx était tout aussi intéressé par ces questions – toujours en contact étroit avec Engels.
Pas moins d’un tiers des carnets de Marx – remplis de fragments, d’extraits et de commentaires – ont été écrits au cours des 15 dernières années de sa vie et, de ce nombre, près de la moitié traitent de sujets scientifiques. Cela réfute la position des soi-disant “marxistes occidentaux” (l’Ecole de Francfort, entre autres), qui critiquent depuis longtemps le fait qu’Engels tire les lois dialectiques du mouvement de la nature comme une distorsion non marxiste, et qui ont soutenu que le matérialisme historique de Marx ne peut être appliqué qu’à la société humaine.
Dans la préface, Saito loue les efforts importants pour redécouvrir l’analyse de Marx de l’irréparable rupture métabolique du capitalisme, auxquels les professeurs socialistes Paul Burkett et John Bellamy Foster ont ouvert la voie depuis Marx and Nature de Burkett (1999) et Marx’s Ecology (2000) de Foster.
Avec l’aide de la revue Monthly Review, dont Foster est le rédacteur en chef, tous les deux ont, de manière efficace, combattu la vision illusoire d’un Marx partisan de la croissance industrielle (“prométhéisme”) écologiquement naïf, vision qui a longtemps prospéré tant chez les théoriciens verts que chez les “éco-socialistes de première vague” tels Ted Benton, André Gorz, Michael Löwy, James O’Connor et Alain Lipietz.
Le fait que Marx inspire aujourd’hui la recherche écologique dans le monde entier est une victoire importante pour cette lutte théorique, de même que les échos qui apparaissent de plus en plus dans les travaux des chercheurs en environnement et des débatteurs tels que This changes everything – capitalism versus the climate (“Ça change tout – le capitalisme contre le climat”) de Naomi Klein.
Dans “L’écosocialisme de Karl Marx”, Saito montre comment Marx a progressivement développé son analyse de la “rupture métabolique” du capitalisme. Saito admet que la fascination du jeune Marx pour l’énorme développement des forces productives par le capitalisme peut parfois être perçue comme “productiviste”, même si dans ses “Cahiers de Paris” et les “Manuscrits économiques et philosophiques” de 1844, il décrit la division croissante du capitalisme (aliénation) entre ouvriers et fruits de la production, entre hommes et hommes, et entre les travailleurs et la nature, lorsque durant l’industrialisation, les ouvriers ont été séparés de la terre.
A ce stade, Marx avait déjà formulé la tâche du communisme de restaurer une unité complète et rationnellement régulée entre l’humanité et la nature à un niveau supérieur. Mais ce n’est qu’après que Marx ait tourné le dos à la philosophie abstraite des Jeunes Hégéliens, avec Misère de la philosophie en 1847 par exemple, et connu la défaite des révolutions de 1848, qu’il commence sérieusement à approfondir ses études matérialistes sur le fonctionnement du capitalisme.
Une partie centrale de la critique de Marx à l’égard de certaines théories classiques des économistes bourgeois sur les valeurs était que celles-ci considéraient le travail comme la source de toute valeur, alors que Marx démontrait minutieusement qu’ils regardaient aveuglément les valeurs d’échange du marché fournies par la force de travail. L’une des conclusions que Marx en tirera au cours de ses études économiques est qu’ils oublient alors les valeurs d’usage de la nature qu’ils considèrent comme “un don gratuit au capital”. Cela signifie que le capital, avec son accumulation compétitive, sape à la fois les travailleurs et la Terre, “les sources originelles de toute richesse”.
Il semble que c’est par le contact avec son ami le physicien socialiste Roland Daniel et son intérêt pour l’écocycle entre animaux et plantes que Marx a noté pour la première fois le concept du métabolisme. L’homme existe, comme l’expliquerait Marx, dans “le métabolisme universel de la nature”, où il peut extraire de la nature des valeurs d’usage, dans le cadre du “métabolisme social”.
Mais c’est quelques années plus tard, lors de ses recherches préliminaires pour le Capital et dans le contexte de la crise croissante de l’agriculture britannique, que Marx commence à s’intéresser sérieusement aux critiques du pillage industriel de la Terre, développées par l’agrochimiste allemand Justus von Liebig.
Ici, Marx a également trouvé un appui à ses critiques de la méthode d’analyse non-historique de la rente foncière par l’économiste David Ricardo et de la question démographique par Thomas Malthus. Le rapport de l’homme à la nature a changé avec le développement de nouvelles méthodes de production. Mais c’est sous le capitalisme que se produisent les fractures les plus radicales dans la relation entre l’homme et la nature.
Et c’est surtout sous l’influence de Liebig que Marx, en 1865-66, commença à réviser sa croyance antérieure, plus optimiste, dans les progrès technologiques contemporains et à comprendre comment les approches à court terme du capitalisme pour contrer la baisse de fertilité de la terre tendaient seulement à créer de nouvelles “fractures métaboliques irréparables” à un niveau plus élevé, et même à un niveau mondial.
Saito explique comment Liebig, dans son livre pionnier, “Agricultural Chemistry”, a décrit comment la forte croissance urbaine des villes britanniques pendant l’industrialisation a considérablement augmenté la demande des produits agricoles des campagnes dépeuplées, alors qu’en même temps, les minéraux des aliments n’étaient pas retournés à la terre comme engrais mais, via les nouvelles toilettes de Londres et des autres villes, étaient rejetés avec les eaux usées dans les rivières et les mers polluées.
Ainsi, non seulement la fertilité des champs britanniques a été épuisée, mais aussi celle des pays dont le guano (fèces d’oiseaux marins d’Amérique du Sud) et les os ont été importés comme engrais : “La Grande-Bretagne prive tous les pays des conditions de leur fertilité ; elle a déjà ratissé les champs de bataille de Leipzig, Waterloo et la Crimée à la recherche d’ossements, et consommé plusieurs générations de squelettes des catacombes siciliennes. […] On peut dire qu’elle est accrochée comme un vampire au cou de l’Europe”, écrit Liebig.
Dans le Capital, Marx résume : “tout progrès dans l’agriculture capitaliste est un progrès dans l’art, non seulement de voler l’ouvrier, mais de voler le sol ; tout progrès dans l’augmentation de la fertilité du sol pendant un temps donné est un progrès vers la destruction des sources plus durables de cette fertilité” et : “la production capitaliste, par conséquent, ne développe les techniques et le degré de combinaison du processus social de production qu’en sapant simultanément les sources originelles de toute richesse – le sol et le travailleur”.
La recherche désespérée du guano et du salpêtre par l’Angleterre et les États-Unis pour leur sol appauvri a poussé les États-Unis à annexer des dizaines d’îles riches en guano en 1856. Elle a également conduit, comme le souligne Saito, à la violente répression des peuples autochtones de la côte ouest de l’Amérique du Sud, ainsi qu’à la Guerre du Guano de 1865-66 et à la Guerre du Pacifique de 1879-84 pour le salpêtre.
Dans le Capital, Marx montre aussi comment la nécessité sociale d’essayer de contrôler et d’apprivoiser une ressource naturelle tout en essayant de la protéger contre son exploitation a joué un rôle crucial dans l’histoire. Les travaux d’irrigation en Egypte, en Lombardie et en Hollande et les canaux artificiels comme en Inde et en Perse ont non seulement arrosé le sol, mais l’ont également fertilisé avec des minéraux apportés des collines comme sédiments. “Le secret de l’essor de l’industrie en Espagne et en Sicile sous la domination des Arabes réside dans leurs travaux d’irrigation”.
Si Marx avait pu auparavant parler occasionnellement du rôle civilisateur du capitalisme pendant le colonialisme, il voyait maintenant, sans idéaliser les sociétés précapitalistes, principalement la souffrance et la misère après la dissolution des communautés locales traditionnelles, qui avait rompu la relation intime entre les hommes et la nature. Lorsqu’en 1856, le régime britannique de l’époque coloniale en Inde, selon Marx, “introduisit une caricature des grandes propriétés foncières anglaises” et abandonna le système de barrages et de drains précédemment contrôlé par l’Etat, il en résulta une sécheresse et une famine terribles qui causèrent un million de morts.
Selon Marx, dans toutes les sociétés et tous les modes de production, l’homme doit faire face à la nature pour satisfaire ses besoins : “La liberté dans ce domaine ne peut consister qu’en ce que l’homme socialisé, les producteurs associés, régulent rationellement leurs échanges avec la Nature, les mettant sous leur contrôle commun, au lieu d’être dirigés par eux comme par les forces aveugles de la Nature ; et que cela se fasse avec le moins de dépense d’énergie et dans les conditions les plus favorables à, et les plus dignes de, leur nature humaine. »
Dans son “Manuscrit économique de 1864-1865”, Marx avertit qu’avec le capitalisme, “au lieu d’un traitement conscient et rationnel de la Terre comme propriété collective permanente, comme condition inaliénable de l’existence et de la reproduction de la chaîne des générations humaines, nous avons l’exploitation et le gaspillage des pouvoirs de la Terre”.
Dans un chapitre sur l’écologie de Marx après 1868, Saito souligne le grand intérêt de Marx pour les débats entre différents experts agricoles, par exemple ceux des écoles “physique” et “chimique”, sur les substances les plus importantes à ajouter pour augmenter la fertilité du sol, les minéraux ou les nitrates. Il note, par exemple, l’impression significative qui semble avoir été faite sur Marx par le chimiste James Johnston et, en particulier, par l’agronome allemand Karl Fraas, qui, en partie dans une polémique avec Liebig, a souligné le grand rôle que joue le changement climatique lorsque la déforestation réduit l’humidité du sol et l’approvisionnement naturel du sol en nutriments.
Dans une lettre à Engels en 1868, Marx écrit que Fraas a “une tendance socialiste inconsciente”. Selon Marx, dans son livre Climate and the Vegetable World throughout the Ages, a History of Both (« Le climat et le monde végétal à travers les âges»), Fraas a montré comment “la culture, quand elle progresse de manière primitive et n’est pas consciemment contrôlée (en tant que bourgeois, bien sûr, il n’y arrive pas), laisse derrière elle des déserts, Perse, Mésopotamie, Grèce”.
Fraas a été alerté des conséquences de la déforestation rapide dans des pays comme l’Angleterre, la France et l’Italie, même en altitude, dans des zones montagneuses auparavant inaccessibles, ce qui, selon lui, a soulevé la nécessité d’une réglementation. Par sa lecture de Fraas et d’un certain nombre d’autres chercheurs tels que John Tuckett et Friedrich Krichhof, Marx avait également noté dans ses manuscrits du troisième volume du Capital (les deuxième et troisième volumes ont été publiés après la mort de Marx par Engels sur la base des manuscrits incomplets de Marx) que ni l’agriculture ni la foresterie capitaliste ne pouvaient être durables et que la rupture irrémédiable entre société et nature n’était donc pas limitée à la dégradation des terres.
“Le développement de la culture et de l’industrie en général s’est manifesté par une telle destruction énergétique de la forêt que tout ce qui est fait pour sa préservation et sa restauration semble infinitésimal “, note aussi Marx dans le manuscrit du volume deux du Capital.
Cette tendance capitaliste à exploiter violemment la nature jusqu’à ses limites, qu’il voyait dans la sylviculture non durable, il la voyait également d’une manière qu’il trouvait “abominable” dans l’élevage des animaux. Dans un commentaire sur un extrait de l’éloge de Wilhelm Hamm à l’égard de l’élevage intensif de viande, Marx se demandait également si ce “système de prison cellulaire” et l’élevage grotesque d’animaux anormaux pouvaient finalement aboutir à “un affaiblissement grave de la force vitale”.
Saito explique comment le grand intérêt de Marx pour les polémiques entre Liebig et Fraas et le développement rapide de la science et de la technologie l’a amené à la conclusion que des études approfondies étaient nécessaires pour voir combien de temps le capitalisme pouvait résister à sa crise écologique et que ce sont des questions qu’il estimait nécessaires de développer, ce qui, selon Saito, retarda le travail de Marx sur le deuxième et troisième volumes incomplets du capital.
Même dans les études de l’historien Georg Ludwig von Maurer sur les sociétés précapitalistes égales et la nécessité d’essayer de réguler le métabolisme entre l’homme et la nature, dans ses “Cahiers ethnologiques” ultérieurs, Marx a vu “une tendance socialiste inconsciente”. Marx a été impressionné par la “vitalité naturelle” et la durabilité écologique des villages allemands autosuffisants qui, selon lui, étaient au Moyen Âge “uniquement axés sur la liberté et la vie publique”.
Dans une lettre adressée à la Narodnik Russe Vera Zasulich, Marx n’exclut pas qu’une révolution socialiste en Russie puisse se baser sur des communes villageoises similaires et explique que le système capitaliste en Europe occidentale et aux Etats-Unis est “en conflit avec les masses ouvrières, avec la science et avec les forces très productives qu’il génère – bref, dans une crise qui va se résoudre par son élimination, par le retour des sociétés modernes à une forme supérieure de propriété et de production collectives “archaïque”.”
Saito souligne qu’il est impossible de comprendre pleinement la critique inachevée de Marx sur l’économie politique si l’on ignore sa dimension écologique. Selon Saito, le manuscrit original de Marx pour le volume trois du Capital montre quelques différences par rapport à ceux publiés par Engels après la mort de Marx, avec des exemples dans une note de bas de page concernant l’analyse du système de crédit. En dehors de (petites) clarifications sur ce que Marx a exprimé par rapport à ce qu’Engels a publié par ses écrits, Saito affirme que la quatrième partie des nouvelles œuvres rassemblées comprendra des cahiers d’autant plus importants que le Capital est incomplet.
Selon Saito, la lecture de ces sources originales en parallèle avec ce qui a été publié jusqu’à présent dans le Capital convaincra les chercheurs que l’écologie de Marx est un élément fondamental de sa critique de l’économie politique. Il croit même que “Marx aurait plus fortement insisté sur le problème de la crise écologique comme contradiction centrale du mode de production capitaliste s’il avait pu compléter les volumes 2 et 3 du Capital”.
L’écosocialisme de Karl Marx de Saito parle très peu des contributions importantes d’Engels pour généraliser leurs conclusions communes. Dans son ingénieux petit pamphlet, Le rôle du travail dans la transformation du singe en homme, Engels explique que l’animal utilise simplement sa nature environnante tandis que l’homme la contrôle, mais ajoute une longue liste d’exemples frappants :
“Mais ne nous flattons pas trop de nos victoires humaines sur la nature. Pour chacune de ces victoires, la nature se venge de nous. Chaque victoire, c’est vrai, apporte d’abord les résultats escomptés, mais en deuxième et troisième position, elle a des effets tout à fait différents, imprévisibles, qui annulent trop souvent la première. [….] “Ainsi, à chaque pas, il nous est rappelé que nous ne régnons pas sur la nature comme un conquérant sur un peuple étranger, comme quelqu’un qui se tient à l’extérieur de la nature, mais que nous, avec notre chair, notre sang et notre cerveau, appartenons à la nature, et que nous existons en son sein et que toute notre maîtrise consiste dans le fait que nous avons l’avantage, sur toute autre créature, de pouvoir apprendre ses lois et les appliquer correctement”.
Ce qu’il faut pour réparer cette rupture métabolique, qui a été poussée à son paroxysme sous le capitalisme, et pour établir ce qu’on appelle aujourd’hui une société durable, c’est, d’après Marx dans Capital, une société supérieure, c’est-à-dire le socialisme :
“Du point de vue d’une formation socio-économique supérieure, la propriété privée de certains individus sur la Terre apparaîtra aussi absurde que la propriété privée d’Hommes par un autre Homme. Même une société entière, une nation, ou toutes les sociétés existantes simultanément, prises ensemble, ne sont pas propriétaires de la Terre. Ils en sont simplement les administrateurs, les bénéficiaires, et doivent la léguer dans un état amélioré aux générations futures”.Il est certain que si Marx et Engels étaient encore en vie aujourd’hui – alors que la rupture métabolique irréparable du capitalisme est devenue une menace existentielle pour toute vie civilisée – ils porteraient une attention décisive à suivre et à comprendre les toutes dernières recherches actuelles sur le climat et le système terrestre.
Une tâche centrale pour les marxistes d’aujourd’hui est de renouer le fil rouge avec les études des pionniers de l’écologie et, comme eux, de comprendre le socialisme comme la clé vitale pour une régulation rationnelle du métabolisme entre l’homme et la nature.
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Le capitalisme vert est-il une illusion ?

La fraude colossale de Volkswagen, deuxième constructeur automobile mondial, résume l’approche du système capitaliste en matière d’environnement. VW a arrangé des tests d’émissions de véhicules dans le monde entier pour augmenter ses bénéfices à court terme. Et l’Union européenne n’a rien fait – sous la pression des gouvernements qui soutiennent leurs propres industries automobiles. Peu importe que des milliers de personnes meurent de maladies directement liées à cette pollution, ou que la production massive de gaz à effet de serre menace la vie sur terre. PETE DICKENSON examine cet échec systémique.
Cela fait plus d’un quart de siècle que les classes dirigeantes du monde ont entamé des discussions sérieuses sur le réchauffement climatique, en préparation du ‘‘Sommet de la Terre’’ de Rio, parrainé par l’ONU en 1992. Pourtant, aucune mesure significative n’a été prise pour s’attaquer au problème, même si la majorité de l’establishment capitaliste a fini par comprendre qu’il fallait faire quelque chose. Le sommet de Paris semble très loin de rompre avec cette tendance. Comment expliquer ce manque d’action ?
Deux exemples en particulier mettent en lumière les problèmes sous-jacents qui empêchent tout accord. Premièrement, l’échec du système d’échange de quotas d’émission qui était censé être le mécanisme permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique. Deuxièmement, le sort des subventions de l’État pour les énergies renouvelables telles que l’énergie solaire et éolienne.
Dès le départ, l’échange de droits d’émission a été considéré comme un moyen de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le respect du marché. Après des années de débats, un accord a été conclu en 1997 à Kyoto, au Japon, pour introduire un système d’échange de permis de carbone qui comprend des limites juridiquement contraignantes sur les émissions de dioxyde de carbone, un gaz à effet de serre important. Chaque pays avait son propre niveau d’émissions autorisé dans le traité. A l’intérieur des pays, les entreprises avaient leur propre objectif qui ne pouvait être dépassé que si un permis de polluer était acheté. Le coût du permis devait être fixé à un niveau suffisamment élevé pour dissuader les sociétés de dépasser leur quota.
Dès le départ, les pressions exercées par les pays à émissions relativement élevées ont contraint les rédacteurs du traité à introduire toute une série de lacunes. Les objectifs fixés étaient donc très modestes, seulement quelques points de pourcentage de réduction des émissions, tout à fait insuffisants pour résoudre le problème. En outre, des accords de « compensation » ont été autorisés, dans le cadre desquels les entreprises pouvaient parrainer des projets verts dans les pays pauvres en échange d’exemptions de permis. Cette option a donné lieu à toute une série d’escroqueries scandaleuses.Plus grave encore était la capacité des gouvernements de délivrer autant de permis qu’ils le souhaitaient. On a estimé que le prix d’un permis devrait être d’au moins 35 $ la tonne de carbone pour avoir un effet dissuasif sur les entreprises. Dans la pratique, le prix des permis n’a pratiquement jamais atteint ce nombre et, en fin de compte, après la crise économique de 2007/08, les permis sont devenus pratiquement sans valeur puisque les gouvernements ont délivré autant de permis que les entreprises le leur demandaient.
L’échec du traité de Kyoto est un exemple très significatif de l’incapacité du capitalisme à faire face au danger du réchauffement climatique, mais ce n’est probablement pas surprenant, même pour les capitalistes. L’objectif était d’encourager les États-Unis, le plus grand pollueur du monde à l’époque, à y participer – en rendant le système de permis aussi indolore que possible au départ. Le coup mortel porté à Kyoto a été le refus du gouvernement américain d’y participer, mettant les intérêts du capitalisme américain au premier plan.
Même si le traité de Kyoto avait été mis en œuvre avec succès, il est encore douteux qu’il aurait eu l’impact nécessaire. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une taxe sur le carbone au sens traditionnel du terme, dans une économie monopolisée, le système d’échange de permis aurait eu pour effet que les entreprises auraient répercuté les coûts des permis sur les consommateurs. Ce permis aurait alors rencontré le même problème qu’une écotaxe : dans quelle mesure et à quelle vitesse une hausse des prix de l’énergie aurait entraîné un comportement plus écologique des consommateurs ?
La plupart des consommateurs n’ont pas la possibilité de choisir un fournisseur d’énergie verte et sont prisonniers des technologies polluantes actuelles. Même si le prix d’un permis augmentait de manière très significative, entraînant une forte hausse des prix de l’énergie, il y aurait peu de réduction des gaz à effet de serre, certainement pas par rapport à l’ampleur de la réduction et au calendrier nécessaire, qui est une baisse de 40% des émissions en 2020. Bien que plus sensible aux prix que le secteur de l’énergie, la même logique s’applique aux transports publics. Une hausse du prix du carburant n’entraînerait pas un passage rapide à un système énergétiquement efficace, car il faudrait trop de temps pour restructurer les transports publics sur des lignes vertes.
Pour les marxistes, une question très importante dans ce contexte est celle de la répartition équitable. Une taxe sur le carbone, qui est ce que le système d’échange de permis aurait représenté, est régressive puisque les pauvres dépensent un pourcentage plus élevé de leurs revenus dans l’énergie. Si le prix d’un permis devait être suffisamment élevé pour avoir une chance d’avoir un impact sur l’environnement, cela aggraverait la répartition déjà inégale.
De plus, si l’on envisageait un prix de permis aussi élevé, cela aurait des répercussions sur les profits des grandes entreprises et entraînerait une énorme opposition de la part des multinationales.L’essor des énergies renouvelables et leur chute
On aurait pu s’attendre à davantage de subventions pour les technologies renouvelables introduites à plus grande échelle au cours de la première décennie du siècle, car elles représentaient une forme plus directe d’intervention de l’État. En fait, les subventions ont eu un effet faible mais significatif, les énergies renouvelables représentant 8,5 % du marché mondial de la production d’énergie d’ici 2013 (Programme des Nations Unies pour l’environnement [PNUE] Tendances mondiales des investissements énergétiques, 2014). Par ailleurs, 43 % des nouvelles capacités de production en 2013 étaient renouvelables, ce qui est encourageant, et ce qui a conduit certains commentateurs écologistes à dire que le monde (capitaliste) s’était enfin réveillé au problème du réchauffement climatique.
Pour voir si cela est vrai, il est nécessaire d’analyser les données sur l’investissement par pays et d’examiner les tendances des dépenses et ce qui les motive. Les résultats doivent ensuite être comparés au niveau global d’investissement nécessaire pour maintenir l’augmentation de la température mondiale en dessous de 2°C (par rapport aux niveaux préindustriels), un point au-dessus duquel il pourrait y avoir des augmentations de température incontrôlables, selon les scientifiques climatiques. Enfin, et c’est le plus important, il faut tenir compte du délai nécessaire pour atteindre ce résultat.
L’échelle mondiale, les investissements dans les énergies renouvelables ont atteint un sommet de 257 milliards de dollars en 2011, mais ont chuté de 23 % depuis. L’austérité en Europe en est une cause majeure, avec des dépenses en baisse de 56 % en Allemagne et de 75 % en Italie (Bloomberg New Energy Finance, 2014). Les perspectives environnementales sont en fait bien pires que ce que la baisse de 23 % laisserait présager en raison de facteurs particuliers sur le marché japonais de l’énergie, à la suite de la catastrophe nucléaire de Fukushima en 2011. Le rapport du PNUE a également montré que les coûts unitaires des cellules photovoltaïques avaient baissé et que, par conséquent, leur déploiement avait augmenté, contribuant de manière significative au chiffre apparemment impressionnant de 43 % de toutes les nouvelles capacités de production d’énergie renouvelable. Mais en examinant le tableau plus en détail, on constate que ce résultat est en grande partie accidentel et qu’il est très peu probable qu’il se reproduise.
L’augmentation de la capacité de production d’énergie solaire est liée à plusieurs problèmes. Les aides et subventions publiques, qu’elles soient relativement ouvertes, comme en Europe, ou cachées, comme en Chine, ont joué un rôle très important dans l’adoption de telles cellules. L’effondrement qui a suivi la crise économique de 2007/08, suivi de l’austérité, a également entraîné une baisse des prix des cellules photovoltaïques en raison de la baisse de la demande d’énergie. La surcapacité de l’industrie solaire massive en Chine a renforcé cette tendance. Dans le même temps, le prix du pétrole est resté à un niveau historiquement élevé, soutenu par l’instabilité géopolitique et la politique du cartel de l’OPEP. Ces facteurs ont rendu l’énergie solaire temporairement plus attrayante.
Or, ces conditions favorables se sont transformées en leur contraire. Le prix du pétrole est passé d’un sommet de 140 dollars le baril à 50 dollars, en raison du ralentissement économique en Chine, et les subventions se sont réduites en Europe en raison de l’austérité. En Grande-Bretagne, le nouveau gouvernement conservateur de droite poursuit une politique d’austérité de la terre brûlée – littéralement, dans le cas de l’environnement. Pratiquement tous les petits progrès réalisés en droit de l’environnement au cours des 25 dernières années doivent être abrogés. Les subventions aux parcs éoliens terrestres ont été annulées et l’aide à l’énergie solaire a été amputée. Toutes les subventions environnementales restantes, bien que minuscules, font l’objet d’un ‘‘réexamen’’ – c’est à dire qu’elles seront supprimées. Bien que le coût des subventions soit minime, la priorité pour le gouvernement est de marteler les pauvres et l’environnement pour que des allégements fiscaux puissent être accordés aux grandes entreprises, contribuant ainsi à soutenir leurs profits.
Il n’y a aucun signe d’une reprise économique mondiale significative qui pourrait commencer à recréer les conditions propices aux énergies renouvelables. L’austérité est prise en compte pendant de nombreuses années encore par les gouvernements européens et il n’y a actuellement aucun signe que les dirigeants chinois vont changer de cap et relancer les dépenses.
Même si les conditions de marché favorables aux énergies renouvelables devaient réapparaître, cela ne modifierait pas les perspectives négatives pour l’environnement. Le rapport Stern, commandé en 2006 par le dernier gouvernement travailliste, mais jamais mis en œuvre, a déclaré que des investissements dans les énergies renouvelables représentant 1% de la production économique mondiale totale pendant 40 ans étaient nécessaires pour lutter contre le réchauffement climatique. Même en 2011, année de pointe, les investissements n’ont jamais atteint ce niveau. Il est inconcevable que des conditions de marché suffisamment favorables puissent persister, sans interruption pendant 40 ans, pour faire de l’exigence de Stern une réalité.Les États nations dans un monde globalisé
Le point clé qui ressort de l’histoire des subventions aux énergies renouvelables et de l’échange de permis est l’échec total des deux tentatives les plus sérieuses des gouvernements pour enrayer le réchauffement climatique. Derrière cela se cache leur incapacité à parvenir à un accord international et leur refus total de prendre des mesures qui pourraient nuire, directement ou indirectement, aux profits des multinationales qu’ils représentent. Pourtant historiquement, cela n’a pas toujours été le cas -que les politiciens bourgeois refusent de prendre des mesures pour freiner les excès polluants de leurs capitalistes. En outre, comme le rapport Stern l’a clairement démontré, les coûts à long terme de l’inaction sur le réchauffement climatique dépassent de loin les coûts de l’atténuation. Alors, qu’est-ce qui retient les représentants actuels des classes dirigeantes ?
Par exemple, pourquoi nos dirigeants actuels ne peuvent-ils pas copier leurs prédécesseurs du XIXe siècle qui ont pris des mesures, y compris des sanctions pénales, contre les entreprises qui polluaient l’environnement ? Répondre à cette question explique en grande partie l’impasse actuelle. Il y a un siècle et demi, il était beaucoup plus facile pour la classe capitaliste de s’attaquer à la pollution environnementale parce que le problème était largement limité à l’intérieur des frontières nationales. De plus, les affrontements commerciaux entre les pays et les profits en jeu sont beaucoup plus importants aujourd’hui qu’à l’époque où la Grande-Bretagne était la puissance mondiale dominante et ne se sentait pas aussi menacée par ses rivaux étrangers. Depuis le début du XXe siècle, le capitalisme est devenu un système mondial défini d’abord par une forte augmentation des échanges de biens, puis par l’exportation massive de capitaux. Par la suite, en raison des pressions protectionnistes, l’exportation de la production a été suivie par l’implantation d’entreprises multinationales partout dans le monde.
Malgré cette mondialisation du capital, l’État-nation est devenu important, en tant que défenseur, par la force si nécessaire, des entreprises qui relevaient de sa juridiction. Avec l’intensification de la concurrence pour les bénéfices entre les entreprises, l’importance de l’État s’est encore accrue. La contradiction entre les besoins des capitalistes individuels de faire tomber les barrières nationales dans la recherche du profit et leur dépendance à l’égard de leur propre Etat pour défendre leurs intérêts existe toujours aujourd’hui.Les 147 entreprises qui contrôlent 40% de la richesse mondiale et dominent l’économie mondiale – d’après une étude de l’Ecole polytechnique fédérale suisse d’octobre 2011 – résistent à tout ce qui limite leurs profits, même dans une faible mesure, et dépendent de leur pays d’origine pour les aider. Ce faisant, ils ont montré à maintes reprises qu’ils se concentrent uniquement sur les avantages à court terme. Dans l’aveuglement engendré par une concurrence intense, ils ne tiennent pas compte des problèmes à long terme qui menacent même leur propre existence, comme la dégradation de l’environnement.
Coopération capitaliste dans la guerre froide
Les apologistes du système capitaliste objecteront que cette analyse de l’impérialisme ignore le potentiel de coopération qui existe et exagère les antagonismes entre les grandes puissances. Ils admettront peut-être que, oui, des ‘‘erreurs’’ ont été commises avant 1945, mais les leçons de cette catastrophe de la Seconde Guerre mondiale ont été tirées et que l’après-guerre a été marquée par des exemples significatifs de coopération entre les puissances impérialistes, tels que la création des Nations unies, de l’Union européenne et de l’Organisation mondiale du commerce. Ils pourraient également citer l’exemple du Protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone (1987) comme exemple d’un accord international visant à contrôler une menace environnementale dangereuse. S’attendre à un accord sur le réchauffement de la planète n’est donc pas sans espoir, pourrait-on dire.
En laissant la discussion sur Montréal à plus tard, il est vrai que la redistribution continuelle du marché mondial par la force des armes impliquant les grandes puissances, prédite par Lénine, un des dirigeants de la révolution russe de 1917, semble avoir été remplacée par une nouvelle réalité historique après 1945. L’équilibre des relations internationales a été profondément modifié après la guerre entre les vainqueurs, les États-Unis et l’Union soviétique non-capitaliste. Les classes capitalistes nationales ont alors dû coopérer, les dents serrées, afin de présenter un front uni dans la guerre froide contre l’URSS, dont le système social non capitaliste représentait une réelle menace pour les principales puissances impérialistes même si ce système n’était qu’une sanglante caricature de socialisme.
La création d’un front uni a été favorisée par deux facteurs. Le premier était la domination des États-Unis sur les autres grandes nations capitalistes, de sorte qu’ils pouvaient, dans une certaine mesure, dicter l’agenda politique. La seconde est la reprise économique d’après-guerre qui a contribué à masquer les conflits d’intérêts sous-jacents entre les diverses puissances capitalistes. Les États européens étaient également prêts à concéder un certain degré de leur souveraineté à l’Union européenne, pour tenter de contester l’hégémonie économique des États-Unis.
Aujourd’hui, les facteurs particuliers qui ont obligé les capitalistes à coopérer, quoique dans une certaine mesure, disparaissent rapidement. Les grands tournants ont été l’effondrement de l’Union soviétique en 1991 et la grande récession de 2008, qui a marqué la fin décisive de ‘‘l’âge d’or’’ économique de 1950-75. Le conflit entre les principales puissances économiques domine de plus en plus l’actualité, même si nous n’en sommes pas encore à l’étape de la guerre. Les institutions multilatérales créées après 1945 s’effondrent ou sont moribondes. L’UE est confrontée à un processus de désintégration et l’OMC a été abandonnée, pour être remplacée par des accords bilatéraux tels que le Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (TTIP). L’ONU est totalement impuissante à imposer la paix et l’ordre. L’échec des tentatives de lutte contre le changement climatique est un signe avant-coureur de l’abandon de la coopération d’après-guerre. Bien que les coûts de l’action soient relativement faibles, les tensions croissantes entre les principales puissances ont empêché de parvenir à tout accord.
L’accord mondial sur l’ozone
La question du Protocole de Montréal reste donc un exemple de coopération internationale en matière d’environnement. Dans les années 1980, il est devenu évident que les produits chimiques, appelés CFC (chlorofluorocarbures), libérés par les bombes aérosols, causaient la dégradation de la couche d’ozone dans l’atmosphère. Ceci causait une augmentation considérable de l’incidence des cancers de la peau. Il y a eu une entente à Montréal, sous les auspices de l’ONU, qui a permis de réduire considérablement les niveaux de CFC de 77 % entre 1988 et 1994. Ce succès pourrait-il être répété pour le réchauffement climatique ?
Il existe des différences cruciales entre les deux questions. Premièrement, l’échelle est complètement différente, parce que le coût de l’élimination d’un seul produit chimique du processus de production, lorsque des produits de substitution étaient facilement disponibles, est insignifiant par rapport au remplacement de la capacité de production d’électricité de la planète entière. Deuxièmement, le coût de l’élimination des CFC a touché tous les pays industrialisés sur une base à peu près égale, si l’on considère le PIB par habitant. Il est toutefois significatif que les États-Unis aient tardé à ratifier l’accord de Montréal des années durant. Le pays n’a accepté de le faire que lorsqu’une société chimique américaine, DuPont Inc, a effectué une percée technique lui permettant de dominer le marché des substituts des CFC.
Comparez le coût de la réparation de la couche d’ozone au réchauffement planétaire. Dans ce dernier cas, les États-Unis sont l’un des plus grands coupables, représentant environ 20 % des émissions, avec seulement 5 % de la population mondiale. Sa part par habitant est quatre fois supérieure à la moyenne mondiale et près du double des émissions de l’UE par habitant. Par conséquent, si le pollueur est amené à payer proportionnellement, comme l’insistent ses rivaux, alors les États-Unis seront les principaux perdants en cas d’action sur le réchauffement climatique, contrairement à la couche d’ozone. Cela a rendu impossible la conclusion d’un accord international, une situation rendue plus difficile par l’émergence de la Chine en tant que principal émetteur de gaz à effet de serre.
La Chine a toujours insisté sur le fait qu’elle n’était pas historiquement responsable du réchauffement climatique et qu’elle ne paierait pas pour cela. Le refus du régime chinois de participer au suivi de Kyoto a donné au Congrès américain une excuse pour faire de même et a tué l’idée. Par conséquent, ce qui est à l’ordre du jour à la COP21 de Paris, ce ne sont que des propositions de réductions volontaires des émissions avec des délais de mise en œuvre également sur base volontaire et non-contraignants.
À la recherche d’une solution technologique
Les responsables du sommet de Paris tenteront d’occulter l’importance de ce forum de discussion, avec des déclarations de percées, mais rien ne cachera la faillite des classes dirigeantes du monde sur cette question. Reconnaissant cela, certains d’entre eux s’en remettent maintenant à un argument de dernier recours désespéré : que le ‘‘génie’’ du capitalisme pour l’innovation réussisse à tirer un lapin technologique hors du chapeau pour résoudre le problème.
Les économistes orthodoxes de droite considèrent que l’innovation, stimulée par la concurrence du marché, a pour effet d’élever le niveau général de productivité de sorte que la consommation d’énergie diminue pour un niveau donné de consommation. Il est vrai que, jusqu’à la crise de 2008, la productivité augmentait d’environ 2 % par an dans les pays industrialisés, entraînant une baisse de la quantité de ressources naturelles nécessaires pour un niveau de consommation donné. Toutefois, rien n’indique que cela ait entraîné une baisse de la pollution. En outre, depuis la crise de 2008, la productivité au Royaume-Uni a chuté et ne semble pas encore vouloir retrouver son niveau antérieur.
Même si nous acceptons, à titre d’argument, que cette théorie des néolibéraux de l’ultra libre marché était vraie, il faudrait plusieurs décennies pour avoir un impact suffisant pour réduire la pollution au niveau nécessaire, alors qu’il serait trop tard pour prévenir une catastrophe environnementale totale. Pour que la théorie de l’économie de marché fonctionne et que les réductions d’émissions soient fixées pour atteindre les objectifs nécessaires en matière de réchauffement de la planète, il faudrait des gains de productivité induits par l’innovation pour permettre une réduction rapide et massive de la consommation des ressources naturelles, tout en favorisant la croissance économique. Il n’y a aucune chance que cela se produise sous le capitalisme.
Devant la faillite des idées du libre marché, certaines sections de la bourgeoisie envisagent maintenant des approches plus interventionnistes dans l’économie de l’environnement. Ces idées sont parfois liées à des théories dites win-win, dont l’élément central est que les entreprises ne sont pas conscientes des possibilités que les nouvelles technologies peuvent offrir tant pour s’attaquer aux problèmes environnementaux que pour réaliser des bénéfices. C’est le travail des gouvernements, selon la théorie, d’encourager les institutions et d’introduire des règlements, contenant des éléments de carotte et de bâton, pour encourager les patrons à cueillir ce ‘‘fruit à portée de main’’.
Le problème de cette approche est qu’elle se heurtera en fin de compte à la logique du capitalisme. La bourgeoisie cherche le Saint-Graal d’une innovation qui fournira une énergie renouvelable moins chère que le pétrole et le charbon, mais le système de marché a été incapable de produire les percées technologiques nécessaires.
Plus de demi-mesuresLes gouvernements et les entreprises hésitent à investir en raison des coûts élevés et des répercussions sur les bénéfices. Si, en 1995, le gouvernement américain avait consacré les mêmes ressources et la même urgence à la fusion nucléaire, qui est une source potentielle d’énergie renouvelable surabondante, plutôt qu’au projet Manhattan d’une bombe nucléaire pendant la Seconde Guerre mondiale, il y a une chance raisonnable qu’il aurait déjà réussi. Le projet de bombe a absorbé 10 % de la consommation d’énergie totale des États-Unis. Cet engagement a été pris parce que toutes les puissances belligérantes luttaient pour leur survie. Il est inconcevable qu’un effort équivalent soit fait aujourd’hui parce que les capitalistes ne considèrent pas que la lutte contre le réchauffement climatique ait la même urgence, loin de là.
En dernière analyse, l’attrait d’un profit rapide demeure la raison d’investissement dans les nouvelles technologies, que ce soit par les entreprises ou par les gouvernements agissant en leur nom. Dans le contexte de l’intense rivalité actuelle entre les puissances impérialistes, tout investissement doit être rentabilisé à court terme, ce qui exclut de prendre au sérieux des projets comme la fusion nucléaire. Lorsqu’ils étaient dans l’opposition, Tony Blair et Gordon Brown étaient partisans d’une approche interventionniste, mais ils l’ont rapidement abandonnée lorsqu’ils ont constaté qu’elle allait à contre-courant du système de profit, même dans une faible mesure. Jeremy Corbyn et John McDonnell prennent sans aucun doute l’interventionnisme plus au sérieux, et toute mesure proposée qui a vraiment un impact sur le réchauffement climatique, comme les subventions, serait bien sûr la bienvenue. Plus le niveau d’intervention est élevé, plus les chances de réussite sont grandes.
Mais la logique du capitalisme impérialiste est inéluctable, en particulier lorsqu’il s’agit d’aborder une question comme le changement climatique, où le temps des demi-mesures est depuis longtemps dépassé. Il sera impossible pour un futur gouvernement de gauche de prendre les mesures urgentes nécessaires tout en restant dans le cadre d’un système économique antagoniste et prédateur. C’est pourquoi la lutte contre le réchauffement climatique et la dégradation de l’environnement doit aller de pair avec la lutte pour le socialisme. La transformation de la base sociale et économique de la société est la seule voie à suivre, sur une base internationale, puisque le réchauffement climatique ne respecte pas les frontières nationales.
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Un monde en mutation : l’Anthropocène
Les êtres humains ont radicalement modifié la Terre, adaptant la nature à leur lutte pour survivre et s’épanouir. Le rythme du changement s’est rapidement accéléré avec le développement de l’agriculture et des sociétés de classe. La révolution industrielle et les percées scientifiques et technologiques de l’après-guerre ont atteint une vitesse vertigineuse. Certains disent à présent que nous sommes entrés dans une époque géologique particulière – une nouvelle ère humaine, l’Anthropocène. JESS SPEAR, membre du Socialist Party (CIO-Irlande).Les êtres humains, qui sont arrivés sur la scène il y a environ un million d’années et qui ont bâti la société industrielle moderne telle que nous la connaissons il y a à peine 50 ans, représentent un moment extrêmement bref parmi les 4,5 milliards d’années de l’histoire de la Terre. Pourtant, à chaque étape du développement de l’humanité, nous avons modifié la nature et donc modifié notre propre évolution, ouvrant la voie à des changements biologiques et sociaux. De la simple agriculture à la découverte et à la production de combustibles fossiles, en passant par le déclenchement de bombes atomiques, notre interaction avec la nature est passée du local au mondial. L’humanité a, sans aucun doute, laissé sa marque sur la planète.
Nous pouvons découvrir à quoi ressemblait la Terre, la forme et la position des continents qui se sont séparés et recombinés tous les 300-500 millions d’années, quelles créatures parcouraient ses mers et ses terres, et quelles plantes recouvraient la surface, en déchiffrant les empreintes chimiques ou physiques de ce qui reste. Et ce que nous avons appris, c’est que la planète n’est jamais statique. La planète – telle que nous la connaissons, le système terrestre composé de roche, d’eau et d’atmosphère dans des cycles d’échange d’énergie constamment interconnectés – a toujours connu des bouleversements, des extinctions massives et le changement climatique. L’histoire de la Terre est pleine de changements radicaux.
Néanmoins, les scientifiques d’aujourd’hui sonnent l’alarme sur le degré de changement dont nous sommes témoins par rapport à ce qui existait avant la société humaine. Les climatologues soulignent le changement rapide des gaz à effet de serre, les biologistes parlent de l’extinction d’un nombre croissant d’espèces, les océanographes de l’acidité croissante de l’océan et les spécialistes des sols de l’épuisement des nutriments et de la dégradation des terres agricoles. L’activité productive de l’humanité étouffe la planète. Le taux d’augmentation du dioxyde de carbone (CO2) est plus important aujourd’hui que tout ce qui a pu être observé dans l’histoire de la Terre depuis au moins 800.000 ans.
Le changement climatique et la dépression économique, la double crise du capitalisme, ont produit une révolte mondiale croissante et une recherche d’idées et de stratégies pour mettre fin à notre misère et protéger les générations futures. Les mouvements de masse contre l’austérité démontrent que les travailleurs refusent d’accepter un système qui exige des réductions drastiques du niveau de vie pour satisfaire les 1%. Pour la grande majorité des gens qui se rebellent contre l’élite dirigeante, il n’est pas encore clair avec quoi et comment remplacer ce système pourri. Avec la possibilité d’atténuer les conséquences du changement climatique et de prévenir d’autres perturbations qui se rapprochent chaque année, il est de plus en plus important de gagner la classe ouvrière à une alternative socialiste. Seul le socialisme scientifique peut armer la classe ouvrière d’un programme et d’une stratégie pour s’unir et lutter pour mettre fin à la tyrannie de la classe capitaliste. Transférer le pouvoir aux 99% permettra de mettre rapidement en œuvre un plan de développement durable de la société.
Plus de chaleur, plus de problèmes
Nous vivons des vies relativement brèves. Avec seulement un peu moins d’un siècle comme point de référence, notre perspective sur les changements planétaires est d’autant plus étroite. Il faut ajouter à cela que la Terre est plutôt grande, de sorte que nous ne remarquons pas les effets cumulés de la déforestation, du recul des glaciers et des amoncellements massifs de déchets dans les gyres océaniques du Pacifique et de l’Atlantique. L’augmentation de la température de la Terre de près d’un degré Celsius n’a pratiquement aucune signification pour des communautés qui connaissent quotidiennement de plus grandes fluctuations.
Que nous ayons déterré et brûlé tant de carbone, modifiant chimiquement l’air que nous respirons, qu’il y ait maintenant 400 molécules de CO2 pour chaque million de molécules d’air – un niveau qui n’avait peut-être pas été observé au cours des 25 derniers millions d’années – est généralement imperceptible. Pourtant, malgré notre incapacité à percevoir la transformation radicale de notre atmosphère et le niveau général d’inconscience que la plupart des pays développés ont lorsqu’il s’agit de destruction environnementale et de pollution, nous atteignons néanmoins des seuils critiques.
Les conséquences de la production de combustibles fossiles sont connues depuis longtemps. Dès 1896, Svante Arrhenius publiait un article détaillant comment le CO2 absorbe la lumière réfléchie par la surface de la Terre, l’empêchant de s’échapper du système terrestre (c’est-à-dire l’effet de serre). À la fin des années 1950, Charles Keeling a commencé à mesurer la concentration de CO2 dans l’atmosphère. En l’espace de quelques années, il a fait la découverte surprenante que non seulement il y avait des fluctuations saisonnières du CO2 liées aux plantes qui l’absorbent, puis le rejettent dans l’atmosphère par décomposition, mais que la concentration globale augmentait rapidement chaque année. La courbe de Keeling – qui ne cesse de croître à mesure que les données s’ajoutent à un enregistrement continu de 1958 à aujourd’hui – est considérée comme la première preuve que l’activité industrielle a transformé la concentration atmosphérique des gaz à effet de serre.
Pourtant, c’est l’appauvrissement dramatique et rapide des couches de glace de la Terre qui fait figure de canari dans la mine de charbon. La nouvelle de l’an dernier (2014) selon laquelle la calotte glaciaire de l’Antarctique occidental s’est déstabilisée et devrait se désintégrer au cours des siècles à venir aurait dû susciter une réaction immédiate de la part des dirigeants mondiaux. La calotte glaciaire contient assez d’eau pour élever le niveau de la mer d’environ 3,3 mètres ! Il n’y a aucun moyen d’empêcher sa disparition. Il faut nous adapter à la montée des mers. A cela s’ajoute le fait qu’une partie de la calotte glaciaire du Groenland, qui contient l’équivalent d’un demi-mètre d’élévation du niveau mondial de la mer, fond également rapidement. La glace de mer de l’Arctique a également été considérablement réduite, et les scientifiques s’attendent à ce que l’Arctique soit libre de glace dès l’été 2020.
Les glaciers et les calottes glaciaires de la Terre agissent comme un climatiseur global, gardant la planète plus fraîche qu’elle ne le serait autrement en réfléchissant la lumière du soleil. La perte de la glace terrestre ne fera pas qu’élever le niveau de la mer, déplaçant de ce fait plus d’un milliard de personnes qui vivent sur les côtes les plus basses. Cela perturbera encore davantage le climat, en agissant comme une rétroaction positive qui renforcera le réchauffement de la planète. À mesure que la glace fond, la Terre absorbe plus de chaleur, ce qui entraîne plus de fonte des glaces, et ainsi de suite.
Pour la plupart des gens, les changements climatiques sont liés à des étés plus chauds et à des phénomènes météorologiques extrêmes. Nous ne parlons pas ici seulement de notre avenir – qui va sans aucun doute devenir plus chaud, avec des phénomènes climatiques plus intenses – mais de notre situation actuelle. 2015 (ndT : année de rédaction de cet article) devrait être l’année la plus chaude jamais enregistrée. Nous avons maintenant atteint la marque d’un degré (au-dessus des niveaux préindustriels) pour l’augmentation moyenne de la température mondiale (en hausse de 0,85 degré). Cette chaleur supplémentaire a produit des vagues de chaleur, des inondations soudaines et des événements météorologiques mortels qui nous obligent à reconnaître que les perturbations climatiques ne sont pas seulement un sujet de débat et de discussion pour les générations futures. Le changement climatique est notre présent.
En 2003, on estimait à 70.000 le nombre de personnes décédées des suites de la canicule qui a frappé l’Europe. Depuis les années 1960, les phénomènes météorologiques extrêmes ont plus que triplé, tuant environ 60.000 personnes par an, la plupart originaires de pays sous-développés. L’Organisation Mondiale de la Santé estime qu’en l’absence d’efforts pour atténuer le réchauffement climatique, on peut s’attendre à ce qu’un quart de million de personnes supplémentaires soient tuées par les effets du changement climatique entre 2030 et 2050.
Malgré ce à quoi nous pouvons déjà nous attendre, il est important de garder à l’esprit que l’ampleur même du problème du changement climatique mondial actuel provient d’une légère augmentation de la température mondiale. Juste un degré Celsius. Imaginez l’impact qu’aura une autre augmentation d’un degré pour nous, l’environnement qui nous soutient et le système terrestre lui-même !Bienvenue à l’Anthropocène
L’altération de notre planète par rapport à l’activité humaine, du sommet de l’atmosphère jusqu’au fond de l’océan, est si importante qu’un nombre croissant de scientifiques qui étudient l’histoire et le système terrestre se demandent si nous sommes entrés dans une nouvelle époque géologique, l’Anthropocène (anthropo – humain, cène – nouveau), ou peut-être y sommes-nous depuis des siècles et ne le savions simplement pas.
Proposer une nouvelle époque géologique, ce n’est pas simplement ajouter une date et un nom à l’échelle de temps géologique, qui s’étend sur 4,5 milliards d’années, de la formation du système solaire à nos jours. En fait, l’échelle de temps géologique elle-même n’est pas simplement une liste de dates et de noms. C’est aussi un outil – une mesure couramment utilisée par les scientifiques pour comprendre comment les changements survenus sur notre planète depuis sa naissance jusqu’à maintenant se sont produits.
Les éons, les ères et les époques qui la composent se distinguent par des changements rapides sur toute la planète. L’acceptation de l’anthropocène comme nouvelle époque est donc une question de savoir si l’impact de l’humanité est brusque, perceptible globalement et indéniablement différent de l’époque précédente, l’Holocène (et avant cela, le Pléistocène). En d’autres termes, l’activité humaine a-t-elle fondamentalement perturbé le système terrestre de telle sorte qu’on peut le voir dans les roches, l’eau et l’atmosphère, et que même les futurs scientifiques pourront le voir ?
Les partisans de l’ajout de la nouvelle époque à l’échelle de temps géologique ne s’entendent pas sur la date exacte du début de l’Anthropocène. Les trois dates actuellement débattues – il y a 8 000 ans, la révolution industrielle et 1945 – représentent des jalons sur le chemin de la civilisation lorsque l’humanité a découvert et appliqué de nouvelles façons de modifier la nature pour satisfaire nos besoins fondamentaux. Certains affirment qu’elle a commencé il y a environ 8 000 ans, lorsque les humains ont commencé à défricher les forêts et à faire de la riziculture, ce qui a modifié la concentration atmosphérique des gaz à effet de serre.
D’autres soutiennent que l’anthropocène a réellement commencé au début de la révolution industrielle lorsque l’utilisation généralisée des combustibles fossiles a commencé à perturber le système terrestre, ce qui a entraîné les effets dont nous sommes témoins aujourd’hui et dont nous ferons l’expérience dans l’avenir. Les essais à grande échelle de la bombe atomique, à commencer par le test de la Trinité en 1945, sont la dernière date proposée. Elle est soutenue non pas parce que les essais de bombes atomiques ont eux-mêmes perturbé le système terrestre – sans oublier que les scientifiques ont mis en garde contre les dangers d’un ‘‘hiver atomique’’ induit par la guerre nucléaire – mais parce que les bombes atomiques laissent une empreinte globale facilement visible et mesurable, et les essais de bombes atomiques marquent la montée du capitalisme américain dans sa période sans précédent d’expansion.
Toutefois, à la différence des précédentes modifications de l’échelle de temps géologique, ces propositions ont des implications politiques et sociales. Que les scientifiques suggèrent une nouvelle époque marquée par des altérations causées par l’homme a été perçue à juste titre par de nombreux écologistes comme preuve concrète que nous sommes en train de modifier radicalement la planète.
La réaction de la gauche a été un mélange de confusion et d’amalgames entre le débat scientifique et la réponse politique à livrer. Certains anticapitalistes mettent la faute sur le nom de l’époque. Ils affirment que le fait de se concentrer sur les humains, et donc d’insinuer que tous les humains sont responsables, cache la véritable racine des changements rapides qui se produisent : à savoir, le capitalisme. Pour d’autres, en particulier les écologistes ‘‘vert foncé’’ (ndT : les écologistes ‘‘profonds’’), c’est la preuve que l’humanité est largement sociopathe – comment osons-nous nommer une époque d’après les humains ! – et que c’est vraiment la civilisation toute entière qui pose problème.Ces arguments découlent soit d’un malentendu, soit d’un manque de compréhension de la façon dont l’humanité et la société humaine se sont développées au cours du dernier million d’années. Une analyse matérialiste historique de l’histoire et de la préhistoire humaines est en fait la clé pour ouvrir la porte à notre avenir durable.
Le changement est constant
‘‘L’histoire peut être vue de deux côtés : elle peut être divisée en histoire de la nature et en histoire de l’Homme. Les deux parties ne doivent cependant pas être considérées comme des entités indépendantes. Depuis que l’homme existe, la nature et l’homme s’influencent mutuellement’’, écrivent Karl Marx et Friedrich Engels dans ‘‘L’Idéologie Allemande’’ (1846). Beaucoup de membres du mouvement environnemental, cependant, croient que nous ne pouvons pas interagir dans la nature sans causer de dommages parce que nous, les humains, sommes séparés de la nature. Cet argument est repris dans un livre écrit par le leader environnemental et fondateur de 350.org, Bill McKibben, ‘‘La Fin de la Nature’’ (1989).
Tout comme ‘‘Printemps Silencieux’’ de Rachel Carson (1962), le livre de McKibben est considéré comme l’un des premiers à avertir l’humanité des dangers du réchauffement planétaire. McKibben n’y met pas seulement en garde contre la pollution par le carbone, il affirme avec passion que l’humanité a détruit la nature, que ‘‘nous avons mis fin à ce qui, du moins dans les temps modernes, a défini pour nous la nature – sa séparation de la société humaine’’. Nous avons modifié la chimie de l’atmosphère, affirme-t-il, de sorte qu’il n’y a pas d’endroit sur Terre où l’on puisse voyager sans être touché par l’humanité.
Pourtant, notre ‘‘séparation de la nature’’ est un phénomène récent, un produit du capitalisme, qui combine le travail salarié et la production sociale pour le profit privé, séparant les humains de la Terre sur laquelle ils travaillent pour se nourrir. Pendant la plus grande partie de l’existence humaine, nous avons été intimement liés à la Terre, nous avons appris et accumulé des connaissances sur ses changements saisonniers et nous en avons fait l’expérience dans le cadre de notre existence, même si nous n’avons pas compris ses forces motrices. Comme l’explique Marx, ‘‘l’homme vit de la nature, c’est-à-dire que la nature est son corps, et il doit maintenir un dialogue continu avec elle s’il ne veut pas mourir’’. Ainsi, la conception que nous sommes soi-disant séparés de la nature est également récente, et est liée au développement du capitalisme.
L’idée que c’est la société industrielle moderne qui pose problème, et que l’on devrait retourner à la production directe de la Terre, est à la fois trop simpliste et ahistorique. Elle extrait la civilisation de l’histoire de l’humanité et mesure son impact en se basant sur la situation présumée meilleure qui existait avant la civilisation – pour la Terre peut-être, mais clairement pas pour les humains car nous mourrions alors de toutes sortes de problèmes de santé qui peuvent maintenant être traités et évités.
De plus, cette idée ignore que les humains prémodernes ont aussi grandement modifié la Terre. Depuis que nous avons inventé les bateaux (il y a plus de 10.000 ans) et que les gens ont traversé les mers, d’abord à la recherche de nourriture, puis pour la conquête impérialiste et/ou en quête de liberté religieuse, nous avons transporté sans le savoir (mais aussi souvent en connaissance de cause) des espèces d’un bout à l’autre de la Terre, modifiant radicalement les écosystèmes, faisant prospérer certaines espèces dans de nouveaux environnements et d’autres disparaissant. Les partisans de la date la plus précoce comme début de l’Anthropocène soutiendraient que l’avènement de l’agriculture à la fin de la dernière période glaciaire a même modifié la chimie de l’atmosphère, preuve que les humains changeaient radicalement la planète dès 8.000 ans en arrière.
De plus, nous ne sommes même pas la première espèce à transformer l’atmosphère. Pour donner un exemple extrême, il y a environ 2,7 milliards d’années, des cyanobactéries (également appelées algues bleu-vert) sont apparues, devenant les premiers organismes à photosynthétiser et à produire de l’oxygène comme sous-produit. Avant qu’ils n’évoluent et ne commencent à pomper de l’oxygène, il n’y avait pratiquement pas d’oxygène dans l’atmosphère. Sans cyanobactéries, nous n’existerions pas.
L’interaction avec la nature sans l’altérer est impossible. Les organismes vivants doivent échanger du matériel avec la Terre pour vivre, influençant ainsi leur environnement, leur évolution et celle des autres. Comme l’écrivent Richard Levins et Richard Lewontin dans ‘‘Le Biologiste Dialectique’’ (1985), ‘‘l’environnement et l’organisme se déterminent mutuellement’’. Mais si toutes les espèces ont un impact sur la nature d’une manière ou d’une autre, sommes-nous, avec notre population croissante et notre activité industrielle extensive, relégués au rôle de destructeurs perpétuels de la nature ?
Avec ou sans la planète ?
Notre capacité à comprendre l’impact que nous avons sur la planète, que cela aura des conséquences négatives pour nous à court et à long terme, et les décisions que nous prenons pour changer le cours de l’histoire, est ce qui nous distingue des cyanobactéries et autres organismes. Le travail n’est pas seulement une source de richesse. C’est aussi ce qui a créé l’humanité, la pensée consciente, la planification consciente et l’accumulation de connaissances.
L’avènement des outils, et avec lui le co-développement de l’esprit, l’activité sociale de la chasse et la création du langage, nous ont mis sur la voie de la production de surplus alimentaires, base même de la société de classe, de la civilisation et de la compréhension scientifique. Bref, toute l’histoire de l’humanité peut se résumer à l’organisation du travail et de la technique, et aux changements simultanés dans la culture, la société et notre environnement.
Lorsque le capitalisme a remplacé le féodalisme, il a commencé le long processus d’éloignement d’une partie toujours plus grande de la population des fermes vers les usines et les villes, et a changé nos idées sur la nature par rapport à nous-mêmes. Nous ne nous considérions plus comme faisant partie de la nature, mais comme des êtres séparés. Pour les capitalistes, la nature est devenue une source de richesse libre qui, moulée par le travail humain, a produit d’énormes profits pour eux. Pour la nouvelle classe ouvrière, aliénée de la nature, le déchirement de la Terre pour les matières premières, le déversement de toxines dans les rivières et le ciel de suie au-dessus des centres urbains, représentaient une attaque contre la nature, une dégradation d’espaces autrefois beaux. A chaque moment alors que l’humanité passait de la révolution agricole à la révolution industrielle, nos idées sur nous-mêmes par rapport à la nature ont changé.
Vers un avenir socialiste
‘‘Nous ne voulons pas seulement une amélioration de la société actuelle, mais l’établissement d’une nouvelle société’’ (Engels, cité par John Green dans ‘‘Une Vie Révolutionnaire’’, 2008). Le capitalisme a maintenant dépassé son utilité pour l’humanité. Il détruit l’environnement, perturbe notre climat et relègue un milliard de personnes à la mort lente pour causes de faim et de malnutrition. Personne ne pourrait prétendre qu’un système fondé sur le profit résoudra un problème dont il dépend pour exister. Le capitalisme ne peut pas offrir les moyens de rétablir l’équilibre écologique parce qu’il n’accorde aucune valeur à la nature. Pourtant, pour jeter toute la civilisation moderne, encouragée par l’immense richesse, la technologie, et les ressources développées par le capitalisme, à la poubelle, comme certains le suggèrent, parce qu’elle a aussi produit la destruction de l’environnement, c’est ignorer le potentiel, également créé par ce système, de créer un avenir durable.
Lorsque le capitalisme a triomphé du féodalisme, il a libéré la science des limites de la religion qui cherchait à étouffer les découvertes qui remettaient en question son pouvoir. Le développement de la technique capitaliste, de la production socialisée, de la division du travail et de la machinerie exigeait des avancées majeures dans la science. Et bien que l’investissement dans la recherche scientifique soit principalement axé sur les moyens de maximiser davantage les profits, la classe dirigeante d’aujourd’hui ne peut pas non plus retenir les découvertes qui finissent par saper son autorité. Qu’il s’agisse de plastique fabriqué à partir de pelures de banane ou de routes solaires, la science appliquée aux problèmes environnementaux et sociaux érode l’autorité de ceux qui défendent que les combustibles fossiles sont nécessaires.
Le capitalisme a aussi développé la force qui a le pouvoir de libérer toute l’humanité : la classe ouvrière. Comme le capitalisme a forcé les gens à quitter leurs terres et à travailler principalement dans les villes, il a créé la force qui a l’intérêt commun et le potentiel de la renverser et de créer une société qui bénéficie à la majorité. Tout autour de nous, nous voyons la classe ouvrière se lever et exiger des changements parce que, non seulement le capitalisme freine la transition vers les énergies renouvelables, mais il refuse aussi d’investir dans la société.
La recherche de profits pousse toutes les grandes sociétés et les petites entreprises à se faire concurrence pour obtenir une part du marché, à faire baisser les salaires, à réduire les avantages sociaux et à menacer de ruiner l’économie en réduisant les impôts. Le capitalisme n’est plus capable de cultiver suffisamment de réserves pour offrir à la classe ouvrière une part des bénéfices. L’élite dirigeante mondiale n’a aucune idée de la manière de faire pour restaurer la croissance économique et en même temps assurer le paiement de leurs énormes dettes.
Les mouvements anti-austérité, de l’Irlande à l’Espagne en passant par la classe ouvrière héroïque en Grèce, ont refusé d’accepter leur sort. Les protestations contre les accords commerciaux – le Partenariat transpacifique et le Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement – révèlent que les travailleurs comprennent que les entreprises cherchent à cimenter leur domination dans le droit international, ignorant les besoins des gens et de la planète.
Surmonter un système qui repose sur l’exploitation de nous tous, qui nous sépare de la nature et qui nous conduit vers un avenir totalement insoutenable, commence avant tout par le rejet de ses idées. Si nous limitons ce qu’est l’humanité, ignorons ce qu’elle était et, surtout, ne comprenons pas comment elle est passée de l’une à l’autre, alors nous rejetons effectivement l’idée que nous avons évolué et, surtout, que nous sommes toujours en train d’évoluer.
L’état de la planète au cours de l’Anthropocène, que nous acceptions la date de début au plus tôt ou au plus tard, est celui du changement constant. Notre évolution de chasseurs-cueilleurs à la société industrielle moderne a impliqué une interaction constante avec notre environnement. Il nous a façonnés. Nous l’avons façonnée. Grâce à ce processus, nous avons développé des idées sur ce que nous sommes, ce qu’est notre environnement et nos relations les uns avec les autres. L’humanité, avec toutes les connaissances et l’expérience accumulées par les générations passées, a également développé au cours de cette période la capacité d’aller finalement au-delà de la simple survie pour vivre réellement.
Les vastes ressources, la technologie, la richesse et l’ingéniosité humaine pourraient être exploitées et dirigées vers l’élimination des afflictions inutiles, l’élévation du niveau de vie dans le monde et la réalisation d’un équilibre écologique. Si nous saisissons ce fait et l’utilisons pour informer nos actions, alors nous pouvons prendre le contrôle des changements qui se produisent aujourd’hui et qui se produiront à l’avenir. Cette vision a le potentiel d’unir la classe ouvrière dans sa tâche historique de renverser le capitalisme. Nous sommes devant un précipice duquel nous pouvons choisir de sauter, en espérant que le capitalisme trouvera un moyen de tirer profit de la construction d’un filet de sécurité, ou nous pouvons nous approprier les outils, la technologie et les ressources pour construire un pont vers un avenir socialiste.