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Tag: Donald Trump
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USA : Nous avons besoin de manifestations de masse contre l’extrême droite

La menace de l’extrême droite ne disparaît pas après la tentative de coup d’État du 6 janvier. Une nouvelle série de rassemblements armés est prévue et peut-être même d’autres tentatives d’occupation de bâtiments législatifs à partir de ce samedi 16 janvier, pour aboutir à une éventuelle confrontation le jour de l’investiture, le mercredi 20 janvier.
Déclaration de Socialist Alternative (ASI-USA)
Comme nous l’avons vu avec l’émeute du Capitole et avec la succession de meurtres racistes de la part de la police, nous ne pouvons pas dépendre des flics pour nous défendre contre l’extrême droite. Au lieu de cela, le mouvement ouvrier et les leaders de gauche comme Bernie Sanders, AOC (Alexandria Ocasio-Cortez) et The Squad (nom informel d’un groupe de quatre femmes élues aux élections de 2018 à la Chambre des représentants) devraient appeler à l’organisation de manifestations de masse pour chasser les fascistes, les racistes et l’extrême droite en général de nos rues du 16 au 20 janvier. Nous avons pu constater l’efficacité des rassemblements de masse en 2017 après le rassemblement de l’extrême droite à Charlottesville, lorsque 40.000 personnes se sont réunies à Boston pour chasser les fascistes des rues, non seulement à Boston mais aussi au niveau national.
Les paroles vides de sens des dirigeants syndicaux ou les actions théâtrales des politiciens ne suffiront pas à vaincre la menace permanente de l’extrême droite. Bien que nous soutenions la procédure de destitution ou d’autres mesures constitutionnelles visant à démettre Trump de ses fonctions, nous ne pensons pas que la gauche devrait concentrer son énergie sur cela. Dans les heures et les jours critiques qui ont suivi le siège du Capitole, les déclaration de The Squad étaient presque indiscernables des articles de l’establishment capitaliste en expliquant que cette stratégie était un moyen d’empêcher Trump de se représenter en 2024, mais cette disqualification n’est pas automatique et seul le Sénat – et seulement avec un vote des deux tiers – peut exclure Trump d’une fonction élue. Au-delà de toutes les difficultés rencontrées avec cette approche, ce n’est pas non plus un moyen efficace de neutraliser l’extrême droite. Même si Trump ne pouvait pas se représenter, un autre dirigeant d’extrême droite se présenterait à sa place.
Alors que la principale tâche immédiate est de porter un coup à l’extrême droite et aux fascistes, la lutte contre l’extrême droite et le populisme de droite en général, qui dispose d’une audience de millions de personnes, ne sera pas gagnée dans les deux prochaines semaines. La classe dirigeante s’est maintenant tournée contre Trump qui a franchi une ligne rouge en s’attaquant directement à ses principales institutions politiques. Les grandes entreprises retirent leur soutien à Trump et à d’autres républicains clés tels que Ted Cruz et Josh Hawley. Twitter a banni Trump à vie. Mais la droite ne sera pas vaincue par les patrons des entreprises technologiques qui l’ont acceptée pendant des années. Nous savons que demain, de telles mesures seront utilisées contre la gauche dans le cadre d’une campagne contre “l’extrémisme”. Mais en tant que socialistes, tout en ne faisant pas confiance à l’establishment, aux entreprises américaines ou à l’État, nous sommes pour que des mesures soient prises contre l’extrême droite, comme la purge des forces de l’État, y compris la police, des racistes connus et de toute personne ayant des liens avec la droite dure et les groupes fascistes.
L’extrême droite disposera d’un potentiel pour croître avec une administration Biden qui n’a aucune solution pour les problèmes profonds du capitalisme. Le Tea Party s’est d’ailleurs développé sous Obama après le sauvetage des banques. Nous ne pouvons pas miner efficacement l’extrême droite en nous unissant à un establishment démocrate contrôlé par les entreprises qui alimentera l’ouverture pour ces idées en attaquant encore et encore les intérêts des travailleurs. Nous devons plutôt construire un front uni de la classe ouvrière qui lutte contre les menaces racistes et propose un programme pour faire face aux crises économiques, sanitaires et sociales de la société.
Le mouvement antifasciste doit défendre un programme capable d’unir les travailleurs : un système de soin de santé accessible à tous, une allocation de soutien COVID pour les travailleurs et la fin des pratiques policières racistes. Cela doit être combiné à une action de masse visant à empêcher l’extrême droite de colporter ses mensonges dans nos rues. Les petites confrontations aventureuses avec des éléments violents d’extrême droite ne sont pas notre objectif. Nous avons plus que jamais besoin d’un mouvement de masse de millions de personnes.
Socialist Alternative appelle à des réunions d’urgence des militants syndicaux, des socialistes et des organisations communautaires pour planifier des actions de masse du 16 au 20 janvier afin de vaincre les menaces de la droite. Des actions réussies contre l’extrême droite pourraient contribuer à lancer un front uni pour lutter contre le racisme et la classe des milliardaires. Ces problèmes n’ont pas disparu. La menace est immédiate, et nous devons agir de toute urgence. Même si les racistes violents sont repoussés dans la semaine à venir, l’extrême droite pourrait encore se développer, et il est essentiel que la gauche et le mouvement ouvrier prennent au sérieux cette lutte en cours.
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La politique étrangère des États-Unis : le retour à l’impérialisme normal ?

L’administration Biden va-t-elle, comme ce dernier l’a déclaré, “réparer les dégâts causés par le président Trump et tracer une voie fondamentalement différente pour la politique étrangère américaine dans le monde tel que nous le connaissons aujourd’hui” ?
Par George Martin Fell Brown, Socialist Alternative (partisans d’Alternative Socialiste Internationale aux Etats-Unis)
Avec Trump, la politique étrangère américaine a pris la forme d’un nationalisme erratique. Sous le slogan “America First”, Trump s’est éloigné des alliés traditionnels de l’impérialisme américain, a déclenché des conflits commerciaux et tarifaires et a promis de nous sortir des “guerres sans fin”. Parallèlement, Trump a défendu les intérêts de l’impérialisme américain de manière encore plus nue, en livrant à de dangereux coups de sabre en Chine et en Iran, tout en défendant les politiques les plus réactionnaires d’Israël et de l’Arabie Saoudite.
On peut s’attendre à ce qu’une administration Biden prenne rapidement des mesures qui distingueront nettement la nouvelle administration, au moins au niveau de la rhétorique, par rapport à celle de Trump. Cependant, tout espoir de “remise à zéro” pose problème. La tendance au protectionnisme, les guerres commerciales, la mondialisation et la rivalité entre les États-Unis et la Chine ne sont pas le fruit de la personnalité d’un seul homme. Cela résulte de la profonde crise du capitalisme mondial et l’administration Biden sera incapable de la résoudre.
Le statu quo que Biden veut rétablir ne mérite pas d’être célébré. Alors qu’il était au Sénat, Biden fut un ardent défenseur de l’impérialisme américain, de la “guerre contre la drogue” en Amérique latine à la “guerre contre le terrorisme” au Moyen-Orient. Il a soutenu avec enthousiasme l’invasion de l’Irak et de l’Afghanistan. Toutes ces guerres ont été menées dans l’intérêt des grandes entreprises américaines. Cela s’est poursuivi pendant son mandat de vice-président d’Obama. Voilà l’approche que Biden promet de reprendre. Toute “réinitialisation” des relations mondiales avec l’administration Biden ne représentera pas les intérêts des travailleurs, ni à aux Etats-Unis, ni à l’étranger.
Rétablir les relations
L’un des principaux slogans de politique étrangère de la campagne électorale de Biden était de “renforcer la coalition des démocraties qui nous soutiennent”. Pour ce faire, il faut reconstruire les relations entre les États-Unis et leurs alliés traditionnels mis à mal par l’administration Trump. Biden cherchera à réintégrer l’Accord de Paris sur le climat et l’Organisation mondiale de la santé, que les États-Unis ont quitté avec Trump. Plus largement, l’administration Biden va renouer avec les institutions capitalistes mondiales, telles que l’OTAN et l’Union européenne, dont Trump avait cherché à s’éloigner ou dont il avait activement cherché à saper l’autorité.
Mais les capacités de Biden de “tracer une voie fondamentalement différente” ont leurs limites. L’Accord de Paris sur le climat, par exemple, est extrêmement limité. Le retour des États-Unis ne signifiera pas en soi un changement sérieux dans la course effrénée vers la catastrophe climatique. Le capitalisme européen sera heureux que Biden s’appuie davantage sur l’UE et l’OTAN, adopte une approche plus antagoniste à l’égard de la Russie et s’oppose au Brexit. Mais la crise politique et économique en Europe ne saurait être résolue par une reconstruction des alliances. Le Brexit est considéré comme une affaire réglée et d’autres crises menacent l’unité du capitalisme européen.
La fin de la rhétorique “America First” de Trump peut ralentir la croissance du protectionnisme. Mais si tout cela représente un certain changement et sera perçu, au moins pendant un certain temps, comme faisant partie d’un retour à la “normale” dans les relations mondiales, l’énorme affaiblissement des institutions capitalistes mondiales ne sera pas fondamentalement inversé. La tendance à la déglobalisation ne sera pas non plus inversée.
“Chine. Chine. Chine. Russie.”
Un des conseillers de Biden a été cité dans le Financial Times, décrivant la politique étrangère de Biden comme “Chine. Chine. Chine. Russie”. L’administration Trump était dominée par une guerre tarifaire croissante avec la Chine qui allait à l’encontre de l’orthodoxie néolibérale que Biden représente. Mais il y a des limites à ce que Biden peut, ou même veut, pour changer la dynamique de ce conflit.
Biden peut chercher à conclure un accord avec la Chine pour réduire les droits de douane, mais la politique américaine d’”engagement” avec la Chine, qui a commencé avec la visite de Nixon en 1972 et a conduit à l’adhésion de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2000, est maintenant définitivement terminée. L’idée que la Chine puisse être réformée pour devenir un “partenaire” des États-Unis et des puissances occidentales a été remplacée par la crainte de sa montée en puissance. Une partie de la classe dirigeante américaine souhaite maintenant un changement de régime en Chine. Cela se reflète dans la rhétorique grossière de Mike Pompeo qui a récemment déclaré que les pays étaient confrontés à un choix entre “la barbarie d’un côté et la liberté de l’autre… Nous les avons réveillés à la menace posée par ce monstre marxiste-léniniste”. La rhétorique des Démocrates sera différente, sans pour autant désamorcer le conflit.
Même avant Trump, l’objectif d’Obama avec l’alliance commerciale du Partenariat Trans Pacifique (TPP) dont Trump s’est retiré, était d’”encercler” la Chine et de contenir son développement. Bien que l’administration Obama se soit abstenue de mener une guerre commerciale de grande envergure, il a déclaré dans une récente interview accordée à The Atlantic que “si nous n’avions pas traversé de crise financière, ma position envers la Chine aurait été plus explicitement litigieuse sur les questions commerciales”. Michèle Flournoy, le choix proposé par Biden pour le poste de ministre de la défense, a également adopté une ligne dure en faveur du renforcement de la présence militaire américaine dans la mer de Chine méridionale.
Le refroidissement de la rivalité américano-chinoise n’est pas simplement une question de ce que le gouvernement américain est prêt à offrir. C’est aussi une question de ce que le gouvernement chinois est prêt à accepter. En outre, on peut s’attendre à ce qu’une administration Biden adopte une ligne plus dure que Trump à l’égard de la Russie.
On peut s’attendre à ce que Biden et l’impérialisme américain insistent sur les “droits humains” dans une bien plus large mesure que Trump. Nous pouvons également nous attendre à une diminution des propos sinophobes comme les références de Trump au “virus chinois”. Par contre, il ne faut pas s’attendre à un changement sérieux dans le conflit sur la technologie, y compris l’exclusion par les États-Unis du réseau 5G de Huawei. Nous ne devons pas non plus nous attendre à un renversement de la tendance en cours vers le découplage des économies américaine et chinoise, avec des entreprises qui réduisent ou retirent leurs activités en Chine et l’éclatement de la chaîne d’approvisionnement mondiale en chaînes d’approvisionnement régionales. Mais si l’impérialisme américain peut être en mesure de constituer un front commun contre la Chine parmi un certain nombre de pays capitalistes clés, il le fera dans une position de faiblesse significative par rapport à il y a même une décennie. En réalité, le conflit a affaibli et continuera d’affaiblir les deux puissances.
Les attaques de Biden contre la Chine mettront en lumière la répression du régime du parti “communiste” à Hong Kong et la détention de près d’un million de musulmans ouïgours dans la région du Xinjiang. Le régime du PCC est en effet une dictature brutale et chauvine. Mais les crimes de l’impérialisme américain sont encore pires. Du Vietnam à l’Irak, les Etats-Unis ont massacré des millions de personnes dans le but de défendre le système de profit. En tant que socialistes, nous nous opposons à tout impérialisme, y compris et surtout au “nôtre”.
Le Moyen-Orient
Au Moyen-Orient, une “réinitialisation” des relations mondiales ne serait pas une bonne chose. Biden était un fervent partisan de la “guerre contre le terrorisme” de Bush et de sa poursuite sous l’administration Obama. Pendant l’élection, Biden a consciemment courtisé des personnalités de l’administration Bush comme Colin Powell. Les membres du cabinet qu’il a proposés comme responsables des relations mondiales – Michèle Flournoy pour la défense et Anthony Blinken pour la secrétaire d’État – sont tous de fervents représentants de l’approche impérialiste pourrie vis-à-vis du Moyen-Orient, qui repose sur le soutien aux dictateurs et la conduite de guerres pour maintenir le contrôle du pétrole.
Biden et son équipe vont certainement essayer de poursuivre une approche différente de celle de Trump vis-à-vis du régime iranien. Ils sont certainement déterminés à essayer de relancer l’accord nucléaire iranien dont Trump s’est retiré mais, en pratique, cela pourrait s’avérer impossible. L’Iran exigera la fin des sanctions imposées par Trump, ce qui serait probablement politiquement impossible à accepter pour Biden. Même dans ce cas, l’administration n’aura pas les coudées franches pour relancer l’accord nucléaire. Blinken a assuré que “nous poursuivrons les sanctions non nucléaires contre la mauvaise conduite iranienne dans d’autres domaines”. Sur les dernières semaines de l’administration Trump, Trump et son allié Netanyahu, le premier ministre israélien, ont tenté de provoquer l’Iran dans un conflit direct pour rendre la tâche de Biden encore plus difficile. La dernière action en date est l’assassinat du principal scientifique nucléaire iranien, Mohsen Fakhrizadeh, très probablement par Israël.
Certains éléments indiquent que Biden adoptera une attitude moins amicale à l’égard du régime saoudien. La relation avec Nétanyahou sera tout aussi glaciale. Mais cela en dit plus long sur l’amitié que Trump avait avec les gouvernements saoudien et israélien que sur l’hostilité de Biden. Sous l’administration Obama, Biden, Blinken et Flournoy ont maintenu des liens étroits avec les deux pays, soutenant l’invasion saoudienne du Yémen et augmentant le financement du programme de défense israélien.
L’engagement de Biden en faveur d’une “coalition des démocraties” sera sérieusement mis à l’épreuve au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. L’approche de Biden et d’autres a été remise en question lors du processus de révolution et de contre-révolution au Moyen Orient et en Afrique du Nord il y a dix ans, lors des soulèvements de masse dirigés contre les alliés traditionnels des États-Unis en Égypte et en Tunisie. La dictature d’Abel el-Sisi en Égypte, qui est arrivée au pouvoir par un coup d’État contre-révolutionnaire, servira de test pour déterminer l’engagement de Biden en faveur de la démocratie. Trump était un fervent admirateur de Sisi et Obama, tout en critiquant Sisi, a néanmoins rétabli les relations entre les États-Unis et l’Égypte.
L’Amérique latine
Sous l’administration Clinton, Biden a été l’un des principaux architectes du “Plan Colombie”, une réponse fortement militarisée au commerce de la drogue, axée sur des aides militaires massives au gouvernement de droite en Colombie. Ce plan était accompagné d’une aide économique à la Colombie liée à un engagement de privatisations, de libre-échange et d’austérité. Cela a entraîné des violations massives des droits humains et une pauvreté croissante. Néanmoins, Biden a présenté le Plan Colombie comme l’une de ses principales réalisations en matière de politique étrangère pendant les élections.
Sous l’administration Obama, Biden a supervisé l’Alliance pour la prospérité et le Programma Frontera Sur en Amérique centrale et au Mexique. Ces programmes visaient à stopper l’immigration à la source en fournissant une aide financière pour soutenir les forces de police hautement militarisées dans la région. En pratique, cela a permis de renforcer la répression et la corruption que les gens fuyaient au départ.
Comme pour la politique chinoise, Biden évitera le racisme flagrant mis en avant par Trump. Mais il poursuivra sa propre politique passée de soutien aux gouvernements de droite favorables aux États-Unis dans la région.
L’Amérique latine a connu récemment une recrudescence des luttes de masse. Des manifestations de masse ont eu lieu en Équateur et au Chili en 2019. En Bolivie, le Mouvement vers le socialisme a obtenu une victoire en octobre et a renversé le coup d’État de droite qui avait déposé Evo Morales en 2019. Actuellement, nous assistons à de nouvelles luttes de masse au Pérou et au Guatemala. Toutes ces luttes sont dirigées contre les politiques et les gouvernements que Biden a encouragés par le passé. Une administration Biden ne sera qu’un obstacle à ces luttes et à celles à venir.
La nouvelle vague de luttes en Amérique latine constitue une alternative aux approches de l’impérialisme américain, qu’il soit dirigé par Trump ou Biden. La lutte ouvrière internationale et la solidarité peuvent ouvrir la voie à une véritable “autre voie” pour la politique mondiale.
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Chaos au Capitole : Il faut construire un mouvement pour vaincre l’extrême droite

Nous avons d’abord reçu la notification : “La foule pro-Trump s’introduit dans le bâtiment du Capitole.” Ensuite, “Les membres du Congrès sont priés de se cacher sous leurs chaises”, puis “Ils ont tiré dans les salles”.
Par Keely Mullen, Socialist Alternative
La prise d’assaut du Capitole a choqué des centaines de millions de personnes aux États-Unis et dans le monde entier. Le chaos qui a eu lieu à l’intérieur de l’un des piliers de la puissance américaine est à bien des égards une incarnation des crises à multiples facettes qui ont englouti le pays. Pendant des heures, le Capitole a été occupé par une foule, dirigée par des éléments d’extrême droite et fascistes, déterminés à renverser les résultats des élections de novembre.
Peu après la percée du Capitole, les membres du Congrès ont été déplacés dans un “lieu sûr” alors que l’extrême droite prenait d’assaut les salles de la Chambre et du Sénat. Ils ont erré dans les couloirs du Congrès, volant le courrier de Nancy Pelosi, démolissant des tableaux. Un homme est même sorti par la porte d’entrée en tenant un podium entier.
L’impréparation totale de la police du Capitole face à l’attaque du Capitole contrastait fortement avec la façon dont la police a répondu aux manifestations de Black Lives Matter l’été dernier. Des milliers de gardes nationaux ont été mobilisés pour “protéger le Capitole” lors des manifestations du 1er juin, tandis que des tactiques brutales étaient utilisées dans les villes. Il a été révélé que l’extrême droite planifiait ouvertement cette opération sur les médias sociaux depuis des semaines, et même cela n’a pas déclenché une réponse des forces de l’ordre.
Dans les semaines et les mois qui ont précédé “l’insurrection”, M. Trump n’a pas tenté de cacher ses ambitions de coup d’État. Jusqu’à hier soir, il a déclaré à plusieurs reprises qu’il ne concéderait ni ne respecterait les résultats de l’élection. Il a préparé le terrain pour les événements de ce 6 janvier tout au long de sa campagne électorale. Il a mis en garde contre la fraude électorale généralisée et l’escroquerie aux bulletins de vote par correspondance. Trump a clairement indiqué que tout ce qui aurait été moins qu’une victoire éclatante ne serait qu’une élection volée.
Après l’élection, Trump, en plus d’avoir intenté 60 procès, a cherché à contraindre les responsables républicains des principaux États à annuler les résultats. Plus récemment, il a cherché à intimider le secrétaire d’État géorgien, Brad Raffensperger, pour “trouver” 11.000 votes lors d’un appel téléphonique qui a fait l’objet d’une fuite. Il a engagé des discussions avec des théoriciens du complot sur la déclaration de la loi martiale. Enfin, il a tenté d’obtenir du vice-président, Mike Pence, qu’il accepte d’annuler unilatéralement les résultats des élections lors de la certification par le Congrès.
“Détruisez le GOP !”
Avant de se rendre au Capitole hier, Trump a tenu un rassemblement “Sauvez l’Amérique” où il a dénoncé les républicains déloyaux comme Mike Pence et Mitch McConnell, qui allaient de l’avant en certifiant la victoire de Joe Biden. Trump a appelé ses partisans à se rendre au Capitole et à cibler les “républicains faibles”.
Lors d’un rassemblement pro-Trump en décembre à Washington pour “stopper le vol”, Nick Fuentes, figure de proue d’extrême droite et avoué suprémaciste blanc, a crié : “Nous avons promis que si le GOP (Grand Old Party, le Parti républicain, NdT) ne faisait pas tout ce qui est en son pouvoir pour garder Trump au pouvoir, alors nous détruirions le GOP.” Cette déclaration a été suivie d’un chant enthousiaste de la foule : “Détruisez le GOP !” Trump lui-même a demandé l’emprisonnement du gouverneur républicain de Géorgie et a dénoncé les républicains qui s’opposaient à lui comme des “RINO” (Repubican in Name Only).
Comme nous l’avons constamment averti, malgré la défaite électorale de Trump et la probabilité que ses tentatives de renverser l’élection échouent en raison de l’opposition de l’élite pro-entreprises et des éléments clés de l’appareil d’État, l’extrême droite progresse. Avec l’administration Biden et dans le cadre de la crise capitaliste actuelle, elle est prête à se développer encore davantage.
Si les groupes fascistes et quasi-fascistes actuels restent relativement petits, il est fort possible que nous assistions aujourd’hui aux premiers stades d’une scission du Parti républicain et au développement d’un nouveau parti populiste de droite composé du noyau dur autour de Trump.
Les lignes de division au sein du Parti républicain ont été illustrées de façon frappante lors des débats au Congrès avant-hier. Lorsque le Sénat s’est réuni à nouveau après que les forces d’extrême droite aient finalement été éliminées, la plupart des Républicains qui allaient soutenir les “objections” aux résultats ont fait marche arrière.
Le débat a montré à quel point les événements d’avant-hier ont ébranlé l’establishment et la classe dirigeante – ce que le Sénat reflète plus fidèlement. L’accent a été mis en particulier sur les dommages que cela causerait à la “position des États-Unis dans le monde” (c’est-à-dire à la capacité de l’impérialisme à utiliser ses références “démocratiques” pour protéger ses intérêts). Les objections à la ratification des élections par le Sénat ont été balayées de 96 voix contre 3 et de 93 contre 6. À la Chambre, en revanche, la majorité des républicains (plus de 120) ont refusé de reculer, même face à des attaques cinglantes, y compris de la part d’une minorité de membres républicains du Congrès.
Dans l’ensemble, les événements de ce 6 janvier ont été une défaite pour Trump. Il a formellement dû céder face à l’énorme pression de la classe dirigeante. Il n’avait pas l’intention de le faire au début de la journée. Il est bien sûr possible qu’il change à nouveau de cap dans les jours à venir, mais l’ensemble de l’establishment politique, y compris des éléments clés de la direction républicaine, se prépare à l’expulser de la Maison Blanche s’il tente de rester après le 20 janvier.
Les divisions républicaines sont également une des raisons principales pour lesquelles les Républicains en place ont perdu leurs sièges au Sénat pour la Géorgie. Une partie de la base de Trump a refusé de voter pour Loeffler et Purdue, en partie à cause du sentiment général parmi les partisans de Trump que l’élection serait truquée. L’ancien avocat de Trump, Lin Wood, a pris la parole lors de plusieurs rassemblements pour décourager les partisans de Trump en Géorgie de voter pour Loeffler ou Perdue parce qu’ils n’ont pas été suffisamment fidèles à Trump. Il a déclaré “Ils n’ont pas mérité votre vote. Ne le leur donnez pas”.
Après la tempête
Alors que la poussière commence à se dissiper, des millions de personnes se demandent : que diable va-t-il se passer ensuite ?
L’establishment politique des deux partis de Wall Street – Républicains et Démocrates – fait entendre sa voix au sujet de la nécessité de reconquérir l’âme du peuple américain. Il veut un retour à la normale. Biden a d’ailleurs derrière lui une longue histoire de collaboration avec les républicains réactionnaires. Il pourrait considérer dans le fait que des figures de premier plan du Parti républicain comme McConnell s’éloignent de Trump comme un signal pour aller encore plus loin dans cette voie.
Face à la crainte de la croissance des forces d’extrême droite, la gauche et le mouvement ouvrier sont confrontés à une tâche urgente. L’histoire nous enseigne que la seule véritable riposte contre l’extrême droite – qui est un produit de la décadence du capitalisme – est un mouvement de masse de la classe ouvrière, au-delà de la couleur de peau. C’est encore ce que nous avons constaté il y a quelques années à Boston, quand 40.000 personnes avaient manifesté contre l’extrême droite dans le sillage des événements de Charlottesville (où une antifasciste avait été tuée). Celle-ci s’était retrouvée sur la défensive pendant toute une période.
Mais au lieu de saisir les événements du 6 janvier comme une occasion d’appeler à une action de masse contre la tentative de coup d’État, les dirigeants de gauche comme Alexandria Ocasio-Cortez ont été dans la mauvaise direction. Plutôt que de lancer un appel à des manifestations de masse, ou même d’exhorter vaguement la gauche et le mouvement ouvrier à s’organiser, elle a tweeté : “Impeach” (en référence à une procédure de destitution). Les membres The Squad (La Brigade, un groupe d’élues progressistes) ont ensuite travaillé dans la précipitation pour rédiger de nouveaux articles de mise en accusation. Dans la même veine, Cori Bush, membre nouvellement élue de cette équipe, a présenté une résolution visant à expulser les membres du Congrès qui ont “incité à cette attaque terroriste intérieure”.
Ces tactiques légales seraient très positives si elles accompagnaient une stratégie de mobilisation plus large des travailleurs, mais ce n’est pas ce que font ces dirigeants de gauche. Ils ne vont pas plus loin que les Démocrates établis comme Chuck Schumer qui demande d’invoquer le 25ème amendement et de démettre Trump de ses fonctions.
AOC et The Squad devraient appeler à des manifestations de masse et à une organisation soutenue contre l’extrême droite. Elles devraient souligner que c’est précisément le programme néolibéral des deux partis de Wall Street qui a fertilisé le sol pour l’extrême droite. Les élus de gauche doivent défendre l’ensemble des réformes nécessaires pour réduire cette polarisation vers la droite, y compris des chèques de relance de 2 000 dollars pour la population, l’assurance maladie pour tous, un Green New Deal et un impôt important sur les riches.
Le développement de la droite est très dangereux pour les travailleurs, les opprimés et toute la gauche. Nous avons besoin d’une direction de gauche décisive et audacieuse pour y faire face.
Et maintenant ?
Les Démocrates contrôlent maintenant les deux chambres du Congrès et la Maison Blanche. De nombreux Américains, dont le loyer est dû et les factures s’accumulent, seront heureux de voir partir Mitch McConnel qui a bloqué les chèques de relance de 2.000 dollars par ménage que même Trump soutenait.
Ce sera un grand soulagement de voir que Trump et Mitch McConnel ont tous deux été éliminés comme obstacles immédiats à la résolution de cette crise. Les Démocrates seront probablement obligés d’envoyer des chèques de relance de 2.000 dollars et de fournir une aide substantielle aux États. Biden pourrait être prêt à prendre des mesures décisives pour renforcer les infrastructures de vaccination, par exemple en utilisant la loi sur la production de défense pour stimuler la production d’équipements de vaccination.
Cela pourrait bien offrir à Biden et aux Démocrates une certaine lune de miel temporaire, mais leur victoire en Géorgie (qui leur offre la majorité au Sénat) est par ailleurs une mauvaise nouvelle pour l’establishment capitaliste. Cela signifie qu’ils n’ont aucune excuse et aucun croque-mitaine républicain à blâmer pour délivrer une assurance maladie pour tous, un Green New Deal, une taxe sur les riches et les grandes entreprises.
Les deux prochaines années vont probablement permettre de clarifier pour des millions de personnes que les démocrates ne sont généralement pas dignes de confiance lorsqu’il s’agit de se battre pour les travailleurs. Cela mettra clairement sur la table la nécessité de l’indépendance politique de la classe ouvrière vis-à-vis des démocrates.
L’establishment s’opposera résolument à des mesures progressistes largement populaires comme l’assurance maladie pour tous, qui sont un anathème pour les responsables des finances de leurs entreprises. Sans un républicain à blâmer, ils seront obligés d’expliquer leur hostilité à la politique progressiste. La façon dont l’équipe et Bernie Sanders s’y prendront dans les deux prochaines années aura des conséquences dramatiques pour la gauche.
Battre la droite, construire la gauche
C’est comme si un siècle entier était condensé dans le cycle des actualités d’avant hier. Il est tout à fait possible que dans les deux prochaines semaines, d’autres manifestations d’extrême droite tentent d’empêcher un transfert de pouvoir, des manifestations ayant déjà été organisées dans un certain nombre d’États. L’extrême-droite a peut-être été un peu calmée par les concessions de Trump, bien que des manifestations aient déjà été organisées dans plusieurs villes et semblent se poursuivre.
Nous ne croyons pas que l’establishment démocrate ou l’État lui-même puisse ou veuille neutraliser cette menace, et il est crucial que la gauche et le mouvement ouvrier prennent l’initiative d’organiser des manifestations de masse pour faire taire l’extrême droite et unir la classe ouvrière au-delà de la couleur de peau autour d’un programme de changement réel. Partout où ils tentent de se tailler une place, nous devons nous y opposer en faisant preuve d’une grande unité de la classe ouvrière. Les dirigeants de la gauche et des syndicats ont un rôle énorme à jouer dans la popularisation de ce message, mais nous devons également poser rapidement les bases d’un parti indépendant qui représente les intérêts des travailleurs et des opprimés.
Nous devons rompre avec la politique de l’establishment capitaliste et nous organiser maintenant pour vaincre la droite et gagner les réformes cruciales nécessaires pour les travailleurs, sur la voie de la fin du système capitaliste qui engendre l’inégalité, le racisme, le sexisme et le fascisme.
Manifestation antifasciste à New York ce 7 janvier
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USA. Violence d’extrême droite au Capitole : les syndicats, les mouvements sociaux et les socialistes doivent s’organiser pour faire taire l’extrême droite
Réaction de Kshama Sawant, élue au Conseil de ville de Seattle et membre de Socialist Alternative- Analyse : États-Unis : Trump vaincu, il faut maintenant s’attaquer à son monde !
- Après Trump… La menace de l’extrême droite n’a pas disparu, au contraire !
L’horrible démonstration de violence d’extrême droite que nous voyons aujourd’hui à Washington nous rappelle de façon effrayante que si Trump a perdu les élections, le trumpisme et l’extrême droite se développent. Trump et sa base réactionnaire refusent d’accepter le résultat d’une élection démocratique. Socialist Alternative est solidaire de tous ceux qui se battent contre la droite et de tous ceux qui ont été piégés dans le Capitole, y compris les concierges, les travailleurs de l’entretien et autres membres du personnel.
J’espère que tous ceux qui, à juste titre, sont anxieux et terrifiés à Washington en ce moment, resteront en sécurité. Nous devons compter les uns sur les autres en tant que travailleurs et sur notre solidarité. Nous soutenons les contre-protestations pacifiques appelées par les travailleurs et les socialistes dans le cadre d’une riposte immédiate contre l’extrême droite. Notre seule véritable défense est un mouvement de masse et une organisation de masse des travailleurs, des syndicats, des mouvements sociaux et des socialistes pour faire taire l’extrême droite !
La police, ville après ville, a brutalisé les manifestations pacifiques de Black Lives Matter l’été dernier, au nom de “l’ordre public”. Où sont ces prétendus défenseurs de la loi et de l’ordre alors que l’extrême droite se déchaîne ?
Cette émeute particulière prendra fin, et cette élection particulière sera certifiée, mais l’extrême droite n’en est à ses débuts, à moins que les travailleurs ne s’organisent. Nous sommes potentiellement aux premiers jours du développement d’un mouvement d’extrême droite, très probablement avec son propre parti politique.
La violence d’extrême droite au Capitole résulte non seulement de Trump, mais aussi de l’échec complet de l’establishment démocrate à s’opposer de manière significative à ses attaques contre la classe ouvrière. Nous n’avons pas de temps à perdre. Nous avons besoin d’un parti de la classe ouvrière. Nous devons mettre en place une riposte de masse en faveur de l’assurance maladie pour tous, d’un Green New Deal et d’un contrôle démocratique réel sur la police. Les syndicats, les groupes communautaires, les socialistes, les militants et autres doivent se battre pour toutes ces revendications afin de construire une alternative puissante au populisme dangereux de Trump et vaincre l’extrême droite.
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États-Unis : Trump vaincu, il faut maintenant s’attaquer à son monde !

Au moment d’écrire cet article, Trump niait toujours sa défaite. Il venait même de limoger le patron de l’agence gouvernementale en charge de la sécurité des élections car ce dernier contestait les accusations du milliardaire républicain de fraudes « massives » à la présidentielle. Alors que la pandémie faisait toujours rage (elle a tué à ce jour plus de 242.000 personnes aux USA), Trump et ses partisans les plus fidèles préfèrent s’enfermer dans un étrange monde parallèle régi par les « faits alternatifs ».
Dossier de Nicolas Croes publié dans l’édition de décembre-janvier de Lutte Socialiste
Trump restera président jusqu’au 20 janvier, date à laquelle le président élu Biden devrait entrer en fonction. D’ici là, Trump jettera-t-il le gant ? Son incroyable égo le poussera-t-il toujours plus loin dans la provocation ? La mobilisation du 14 novembre constitue en tout cas un dangereux avertissement . Ce jour-là, des dizaine de milliers de personnes ont convergé vers Washington pour scander leur soutien à Trump. Parmi eux se trouvaient nombre de militants et de groupes d’extrême droite. La menace qu’ils représentent n’a cessé de croître ces 4 dernières années et, une fois libéré de la fonction présidentielle, un Trump déchaîné pourrait servir de figure de ralliement à ces multiples courants réactionnaires, du KKK aux Proud Boys. Pour efficacement faire face à ce danger ainsi qu’aux défis à venir, il faut correctement estimer ce que représente la photographie des États-Unis illustrée par ces élections et la placer dans le film des événements.
« Au plus je regarde ces élections, au moins je les comprends »
Cette citation provient du Prix Nobel de l’économie Paul Krugman, l’un des rares à avoir anticipé la crise économique de 2008-09. « La Floride fut une triomphale surprise pour Trump et a également voté pour un salaire minimum de 15 dollars de l’heure », a-t-il poursuivi. « Selon un sondage de sortie des urnes de Fox News, une majorité se dégage en faveur d’un plan sanitaire du gouvernement et d’une plus grande intervention de l’État en général alors que des sénateurs républicains qui veulent noyer l’État ont été élus ».
Le résultat des élections fut très serré en de nombreux États, beaucoup plus que ce que les sondages laissaient présager. Pour les responsables officiels du Parti démocrate, l’explication ne fait aucun doute : on a trop entendu de voix de gauche durant la campagne électorale. On a trop entendu parler de ce maudit Bernie Sanders durant la primaire démocrate avec ses appels au socialisme ! On a trop entendu la congressiste Alexandria Ocasio Cortez et sa clique de gauchistes ! Les États-Unis ne sont pas prêts pour ces discours ! C’est évidemment ce message qui est relayé dans les médias internationaux dominants. Et tant pis si cela ne résiste pas à l’épreuve des faits.
Différentes élections se déroulaient au même moment que la présidentielle. Pour la Chambre et le Sénat fédéraux, mais aussi pour les États fédérés. Parmi toutes les candidates et candidats, 112 soutenaient ouvertement le projet d’une assurance maladie universelle (Medicare for All). Toutes et tous ont été élus. 98 soutenaient le plan d’investissements massifs dans les infrastructures et pour une transition écologique Green New Deal : un seul n’a pas été élu. Les quatre élues démocrates qui se disent « socialistes » – The Squad (La Brigade) – Ilhan Omar, Alexandria Ocasio-Cortez, Rashida Tlaib et Ayanna Pressley ont toutes été brillamment réélues au Congrès.
Divers projets de loi étaient également présentés aux électeurs, dont en Floride comme cela est sus-mentionné. Au Nevada – l’un de ces fameux « swing state », les États-charnières au vote indécis d’une élection à l’autre – c’était le cas du mariage homosexuel. Il y a dix-huit ans, les électeurs avaient largement voté pour réserver l’institution du mariage aux couples hétérosexuels et uniquement à eux. Cette fois-ci, les électeurs se sont très majoritairement (62%) prononcés pour la suppression de la mesure et l’inscription dans la Constitution de l’État de la reconnaissance des unions entre époux du même sexe, une première aux États-Unis. C’est une claire illustration du changement d’atmosphère qui saisit le pays. Mais, dans ce même État, Biden et Trump ont fini au coude-à-coude : 50.06% contre 47.67%. Et Paul Krugman continue à se gratter la tête.
Les Démocrates ont mené une lutte acharnée… contre la politique progressiste
Une chose est certaine : de plus en plus de gens en ont marre. Marre de ces milliardaires et de Wall Street qui s’enrichissent tandis que des gens dorment dans la rue et que les infrastructures s’effondrent. Marre de ces entreprises qui profitent de l’incarcération de masse dans des prisons privées. Marre que les jeunes sortent de leurs études la corde au cou. En 2019, 45 millions d’Américains cumulaient une dette de 1.600 milliards de dollars (1.482 milliards d’euros) pour payer leurs études supérieures !
Si Bernie Sanders avait été le candidat démocrate aux élections, il aurait remporté ses élections à la suite d’un véritable tremblement de terre politique. Mais l’appareil et la direction du Parti démocrate ont déployé beaucoup plus d’efforts pour lui barrer la route au cours des primaires démocrates que pour vaincre Trump. L’establishment démocrate était horrifié par la perspective d’une victoire d’un candidat qui faisait appel à la volonté de se battre des travailleuses et des travailleurs. Il est d’ailleurs scandaleux que Sanders ait accepté la situation et soit resté dans le parti.
L’establishment démocrate n’a renoncé à aucune manœuvre pour l’écarter et présenter un candidat gênant au point d’être le pire (à l’exception d’Hillary Clinton, peut-être) pourvu qu’il soit inoffensif aux yeux des grandes entreprises. Au vu de la manière dont ces primaires se sont déroulées, on peut comprendre que certains doutent de la validité du processus électoral.
Au final, Biden et Trump ont tous les deux mené une campagne déconnectée de la réalité, chacun dans son style. Il faut savoir que bien que le pays ait été confronté au plus grand mouvement de masse de son histoire – contre le racisme systémique et les violences policières – Biden a recommandé à deux reprises que la police prenne plutôt l’habitude de tirer dans les jambes ! Beaucoup d’électeurs démocrates ont plutôt voté « contre Trump » que « pour Biden » (58% selon un sondage Axios). Les Démocrates ont tout fait pour aider Trump à se présenter comme un outsider anti-système alors que ce milliardaire était le président sortant !
Trump a cherché à mobiliser les électeurs blancs conservateurs avec un cocktail de racisme, de sexisme, d’autoritarisme, d’appels à l’extrême droite, de théories du complot et de rhétorique de maintien de l’ordre. Mais ses électeurs n’étaient pas qu’un bloc monolithique d’électeurs blancs racistes. Beaucoup de gens ont été horrifiés par la gestion calamiteuse de la pandémie par Trump. Mais ses appels répétés à « ouvrir l’économie » ont trouvé un écho parmi une masse de gens inquiets pour leur avenir dans un pays où la sécurité sociale telle que nous la connaissons n’existe pas.
Les sondages de sortie des urnes montrent que les électeurs qui ont considéré la pandémie comme l’enjeu principal ont voté pour Biden avec une marge de 82 %, tandis que ceux qui considéraient l’économie comme l’enjeu principal ont voté pour Trump avec une marge tout aussi importante. C’est ainsi que beaucoup de personnes d’origine latino-américaine ont voté pour Trump en dépit de son discours ouvertement raciste. En fait, sans la pandémie et sa gestion criminelle aux Etats-Unis, Trump aurait probablement facilement vaincu Biden.
Sortir de la camisole de force Démocrate
Entre 2008 et 2010, les Démocrates contrôlaient les deux chambres du Congrès. Pendant cette période, ils ont prolongé les réductions d’impôts de Bush et ont renié leurs engagements pour faciliter l’organisation des syndicats. Ils ont rejoint les Républicains dans une campagne acharnée pour privatiser et détruire l’enseignement public. Pour couronner le tout, la réponse d’Obama à l’immigration à travers la frontière sud a été d’expulser plus de personnes que tout autre président précédent.
Les dirigeants des syndicats et d’autres organisations progressistes avaient refusé de résister à ces attaques en raison de leur totale soumission à l’establishment démocrate. L’aile populiste du Parti républicain a saisi ce vide pour exploiter le mécontentement économique, ce qui a conduit à la naissance du Tea Party en 2009, qui à son tour a ouvert la voie à Donald Trump. De même, sous une présidence Biden, la menace de l’extrême droite pourrait bien s’accroître.
Le Parti démocrate est totalement inféodé aux intérêts capitalistes. Dans un premier temps, il est possible que l’élection de divers élus de gauche sous l’étiquette Démocrate entretienne l’illusion que c’est par ce biais que l’on peut offrir un outil politique pour les luttes sociales. Mais l’administration Biden/Harris ne résoudra aucun des problèmes cruciaux auxquels sont confrontés les travailleuses et travailleurs. L’école de la réalité donnera plus d’écho à l’idée de la création d’un nouveau parti, un parti de lutte, un parti reposant sur la force des travailleuses et des travailleurs, un parti totalement indépendant de Wall Street, un parti qui réunira dans l’action les différents mouvements sociaux (de Black Lives Matter aux syndicalistes des fast-food et d’ailleurs) pour repousser les racistes et défendre un programme qui découle des intérêts des masses. Un tel parti entrerait directement en confrontation avec les limites du capitalisme et devrait revendiquer son renversement pour construire une société socialiste démocratique. Nos camarades de Socialist Alternative feront tout leur possible pour aider chaque pas en cette direction.
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Trump est battu : analyse socialiste et prochaines étapes de la lutte

Joe Biden supervisera l’une des crises les plus profondes de l’histoire du capitalisme américain. Il s’efforcera de servir les intérêts de la classe des milliardaires, comme il l’a fait tout au long de sa carrière politique. Cela conduira des millions de personnes à chercher une alternative à la direction du Parti démocrate et plus généralement.
Déclaration de Socialist Alternative (partisans d’Alternative Socialiste Internationale aux USA)
Les célébrations ont commencé. Trump a clairement perdu, et il quittera la Maison Blanche au début de l’année prochaine. Des dizaines de millions de personnes dans tout le pays et des centaines de millions dans le monde entier poussent un soupir de soulagement. Pourtant, nous devons reconnaître que la pandémie, le changement climatique, la crise économique et le racisme institutionnel ne disparaîtront pas lorsque Trump quittera ses fonctions. Biden lui-même a déclaré qu’il ne souhaitait pas de changement fondamental et qu’il “tendrait la main” aux républicains. Nous aurons encore besoin de mouvements de masse déterminés pour arracher des conquêtes sociales pour les travailleurs, pour lutter contre l’extrême droite et pour contester le règne désastreux de la classe des milliardaires.
Bien entendu, Trump continue de prétendre que les résultats sont frauduleux et que l’élection lui a été volée. On ne peut pas exclure que certaines parties de ses partisans se mobilisent pour s’opposer à ce qu’il quitte ses fonctions. Si Trump tente de rester, il faudra organiser des mobilisations de masse pour le chasser.
Mais il est également assez évident que la classe dirigeante ne veut pas de nouveau chaos. Les médias et même certaines sections de l’establishment républicain ont eu du mal à souligner que la démocratie capitaliste “fonctionne”. Même les tribunaux, dont Trump espérait qu’ils interviendraient pour arrêter le comptage des voix totalement ou en partie, ont jusqu’à présent refusé de le faire. Il est également peu probable que les comptages effectués dans plusieurs États modifient le résultat.
Pourquoi Trump était-il si proche de la victoire ?
Les sondages et les experts se sont encore trompés. Il n’y a eu ni large percée de Biden ou de vague démocrate prenant une majorité au Sénat. Les Démocrates ont également perdu un certain nombre de sièges à la Chambre et subi des pertes au niveau des États. Quelques victoires progressistes ont toutefois eu lieu à la Chambre avec l’élection de Cori Bush et de Jamaal Bowman qui vont maintenant rejoindre “The Squad” aux côtés d’Alexandria Ocasio-Cortez, Rashida Tlaib et d’autres.
Durant la campagne électorale, la répression des électeurs (décourager les électeurs d’aller voter, une spécialité républicaine) a atteint des niveaux inédits dans le contexte de la pandémie. De plus, le collège électoral figure parmi les institutions les plus antidémocratiques (avec la Cour suprême) dans un système politique américain déjà conçu à la base pour masquer la domination de la classe des milliardaires. Cette répression des électeurs a eu un effet mais, en réalité, les propos incessants de Trump sur la fraude du vote par correspondance et l’état du service postal n’ont fait que rendre les gens plus déterminés à venir voter. C’est ce qui a conduit à une participation électorale vraiment remarquable, le plus haut pourcentage d’électeurs inscrits depuis 1908.
Les experts libéraux supposaient que cette participation massive favoriserait fortement les Démocrates. Mais l’issue fut loin d’être décisive. En fait, Trump aurait facilement pu être battu, surtout si Bernie Sanders avait été le candidat démocrate. Trump a l’un des taux d’approbation les plus faibles de tous les candidats présidentiels en exercice, et les Démocrates ont mené une très faible campagne contre lui avec un candidat pro-entreprise horriblement peu inspirant.
Dans un sondage de Fox News, 72% des électeurs se sont déclarés en faveur d’un programme de santé géré par le gouvernement. En Floride, où Trump l’a emporté, 61% des électeurs ont également voté pour une mesure en faveur d’un salaire minimum de 15 dollars de l’heure dans tout l’État. Cela illustre qu’un appel clair aux électeurs de la classe ouvrière, ce que Bernie Sanders aurait pu faire efficacement, aurait probablement battu Trump d’une manière écrasante.
Trump a mal géré la pandémie de COVID-19 (qui a fait des centaines de milliers de morts aux États-Unis) et a supervisé le développement d’un chômage de masse tandis que des millions d’Américains sombraient dans la pauvreté. Et pourtant, les Démocrates ont quasiment fait tout ce qu’ils pouvaient pour perdre.
Ils ont présenté un candidat gênant au point qu’il a été tenu à l’écart du public. Ils n’ont pas mené de campagne de terrain dans les principaux États charnières. Ils ont refusé de défendre des politiques très populaires comme l’assurance maladie pour tous et la taxation des riches. Ils n’ont pas mené de campagne d’inscription massive sur les listes d’électeurs afin de gagner des millions de nouveaux électeurs qui méprisent Trump. Pourtant, les plus grands échecs des Démocrates n’étaient en aucun cas des “erreurs” : il s’agit plutôt d’une expression de leur nature fondamentale de parti pro-entreprises contrôlé par des bailleurs de fonds milliardaires.
Les sondages de sortie des urnes montrent que les électeurs qui ont considéré la pandémie comme l’enjeu principal ont voté pour Biden avec une marge de 82 %, tandis que ceux qui considéraient l’économie comme l’enjeu principal ont voté pour Trump avec une marge tout aussi importante. Ces chiffres montrent que le Parti démocrate n’a littéralement rien eu à dire aux travailleurs ou même à une grande partie de la classe moyenne, qui a extrêmement peur de l’avenir ou qui est déjà aux prises avec des dettes, des pertes d’emploi, etc. Le message de Trump “d’ouvrir l’économie” a résonné chez beaucoup de personnes inquiètes pour leur avenir. Il n’est pas exagéré de dire que sans la pandémie et la mauvaise gestion criminelle de Trump – ou s’il avait été un peu plus compétent – il aurait facilement vaincu Biden.

L’hostilité des Démocrates à l’égard de la politique progressiste
Au cours des derniers jours de la campagne, Biden a clairement fait savoir qu’il n’interdirait jamais la fracturation hydraulique, qu’il ne réduirait jamais le financement de la police et qu’il accepterait un nouvel ajout de droite à la Cour suprême. En réponse aux meurtres racistes de la police, il a (encore !) déclaré que les flics devraient plutôt tirer dans la jambe des suspects ! Il a refusé de soutenir le principe d’une assurance-maladie pour tous alors que ces élections prenaient place au plus fort de la pandémie. Il n’est pas surprenant qu’un sondage Axios ait montré que plus de 58% des électeurs démocrates étaient été motivés à voter “contre Trump” plutôt que “pour Biden”.
Tout cela a laissé de la place à Trump pour se présenter comme un “outsider” malgré sa présence à la Maison Blanche ! Trump a critiqué Biden de la “gauche” au sujet de son projet de loi raciste de 1994 concernant la criminalité, ainsi que pour son soutien aux guerres en cours et aux accords commerciaux favorables aux entreprises. Il a combiné ces attaques à un cocktail de racisme, de sexisme, d’autoritarisme, d’appels à l’extrême droite, de théories du complot et de rhétorique de maintien de l’ordre qui a permis à Trump de trouver un écho auprès d’une certaine partie des électeurs blancs conservateurs.
Dans sa déclaration aux médias du 4 novembre, Trump est allé jusqu’à dire que “les Démocrates sont le parti des grands donateurs, des grands médias, de la grande technologie, semble-t-il. Et les Républicains sont devenus le parti du travailleur américain“. Bien sûr, pour un milliardaire qui a rempli son cabinet d’autres super riches, dire cela est très absurde. En fait, les électeurs qui gagnent moins de 100.000 $ par an ont voté pour Biden plutôt que pour Trump avec une marge importante. Mais le fait que cela puisse trouver un écho nous en dit beaucoup sur l’establishment démocrate.
Pourtant, les experts libéraux chercheront à prétendre que cette situation est due à des personnes qui n’ont pas voté (surtout les personnes de couleur), à des électeurs qui ont voté pour des candidats indépendants, aux idées racistes dans la classe ouvrière blanche (ce qui est un facteur réel que nous abordons plus bas), ou à l’association des Démocrates avec la “gauche radicale”. La direction du Parti démocrate doit plutôt se regarder dans le miroir pour constater qui a offert à Trump la possibilité de tenter de voler ces élections. Sanders lui-même n’aurait pas dû capituler devant Biden. Il n’aurait pas dû s’autocensurer au sujet de ses précédentes critiques du Parti démocrate. Cela a permis à Trump de se présenter comme un candidat anti-establishment.
Le jeu des reproches
Les experts libéraux et certains activistes de gauche minimisent la nature peu inspirante et pro-entreprises de la campagne de Biden. Ils affirment que l’augmentation du vote de Trump à partir de 2016 n’est due qu’au racisme de la classe ouvrière blanche. Bien sûr, la société aux États-Unis est profondément raciste. L’extrême droite s’est développée et continuera à constituer une menace contre laquelle les socialistes et le mouvement ouvrier doivent lutter.Mais cela seul n’explique pas les gains réalisés par Trump lors de cette élection et ce serait une très grave erreur de passer cela sous silence en considérant que ses partisans ne sont qu’un seul bloc monolithique d’électeurs blancs racistes. En fait, le seul segment de la population où son pourcentage de soutien a diminué est celui des électeurs blancs non diplômés de l’enseignement supérieur. Cela ne change rien au fait que les deux tiers de cette population ont soutenu Trump, mais cela montre que c’est loin d’être monolithique.
Le soutien de Trump s’est par contre accru parmi les électeurs noirs et latinos, des votes considérés comme acquis aux Démocrates depuis longtemps. En fait, il a remporté le plus grand nombre de voix parmi les personnes de couleur de tous les candidats républicains à la présidence en 60 ans ! Un certain nombre de facteurs entrent en jeu, mais un élément important qui explique pourquoi une partie des électeurs noirs et latinos de la classe ouvrière a choisi Trump est à nouveau dû à l’économie et à l’échec complet des Démocrates à parler de la crise à laquelle les travailleurs sont confrontés en ce moment.
Les organes capitalistes comme le New York Times voient un avantage à résumer cette élection de cette manière, puisque cela peut ébranler la foi dans le potentiel de solidarité multiraciale de la classe ouvrière tout en détournant l’attention des échecs des démocrates. Bien qu’ils ne le disent pas ouvertement, ils s’opposent activement à l’émergence d’un mouvement de masse multiracial centré sur la classe ouvrière qui prendrait le pouvoir de la classe des milliardaires qu’ils défendent. Quand les grandes entreprises se saisissent de la question du racisme, ce n’est que dans le but de défendre la domination capitaliste.
Là encore, il est cependant indéniable que Trump a profité des sections de la société américaine ayant les idées les plus arriérées concernant le racisme en utilisant une rhétorique de maintien de l’ordre.
Le besoin d’une véritable unité de la classe ouvrière face au racisme est crucial. Mais par quels moyens réaliser cette unité dans une société aussi extrêmement polarisée ? La réponse est complexe. Nous estimons que c’est possible sur base d’un programme de lutte qui comprend à la fois des revendications qui améliorent la vie des travailleurs dans leur ensemble et une position claire en faveur de la libération des Noirs et des droits des immigrants.
Le soulèvement multiracial massif de cet été – et le large soutien au soulèvement dans la société – à la suite du meurtre de George Floyd par la police a précisément illustré le potentiel d’une lutte unie contre le racisme et les inégalités économiques. Mais le manque de leadership, d’organisation et de stratégie claire a donné à la classe dirigeante l’occasion de se ressaisir. Cela a également donné à Trump et à l’extrême droite une possibilité d’exploiter les craintes des gens vis-à-vis du chaos. La réaction contre le soulèvement (en particulier dans les zones rurales) est réelle mais ne doit pas être exagérée.
À quoi ressemblera cette présidence ?
Il est clair qu’une administration Biden/Harris ne résoudra aucun des problèmes clés auxquels sont confrontés les travailleurs. Il est prévisible qu’ils se cacheront derrière le contrôle républicain potentiel du Sénat pour justifier l’impossibilité d’apporter des changements. Même pendant la campagne, alors que les Démocrates essayaient de gagner le contrôle du Sénat, Biden a déclaré qu’il “travaillerait avec les républicains”, l’excuse éternelle pour accepter des attaques massives contre les intérêts des travailleurs. Il y a plus de chances de voir de riches républicains dans le cabinet de Biden que Bernie Sanders.Dès le départ, ce sera une administration faible qui supervisera la crise profonde de la pandémie et la dévastation économique. La Réserve fédérale et les économistes capitalistes sont presque unanimes pour dire qu’il faut beaucoup plus de mesures de relance budgétaire pour éviter un effondrement encore plus important. Mais si le complément de 600 dollars aux allocations de chômage doit être rétabli d’urgence, ce n’est pas du tout la même chose que d’apporter des changements fondamentaux dont nous avons besoin comme le New Deal vert et l’assurance maladie pour tous. Malheureusement, les dirigeants démocrates sont très clairement opposés à ces deux programmes pourtant très populaires.
Une victoire finale
Nous devons de toute urgence construire un mouvement de masse pour lutter en faveur d’un plan de relance d’urgence pour les travailleurs, d’un Green New Deal socialiste, d’un contrôle communautaire de la police, d’un système de santé pour tous, et bien plus encore.Nous ne pouvons pas compter sur les Démocrates contrôlés par les entreprises pour changer fondamentalement la situation. Biden a répété à maintes reprises qu’il ne proposera pas les politiques dont nous avons si désespérément besoin.
Biden supervisera l’une des crises les plus profondes de l’histoire du capitalisme américain. Il s’efforcera de servir les intérêts de la classe des milliardaires, comme il l’a fait tout au long de sa carrière politique. Cela conduira des millions de personnes à chercher une alternative à la direction du Parti démocrate et à la politique mainstream en général.
Dans ce contexte, l’extrême droite pourrait se développer encore plus sous une présidence Biden. Afin de lutter efficacement contre les racistes, nous avons besoin d’un programme qui puisse mobiliser les travailleurs dans l’action. Nous ne pouvons pas limiter nos exigences à ce qui est acceptable pour la direction du parti Démocrate et ses bailleurs de fonds milliardaires. Nous devons plutôt nous battre pour les besoins de milliards de personnes dans le monde entier plutôt que pour les milliardaires. Ce type de lutte entrerait inévitablement en conflit avec le système capitaliste lui-même.
Cette élection montre que les Démocrates ne peuvent pas vaincre l’extrême droite de manière décisive. Socialist Alternative estime que nous avons besoin d’un nouveau parti reposant sur la classe ouvrière. Nous préconisons que ce nouveau parti s’empare des richesses des grandes entreprises et les place sous le contrôle et la gestion démocratiques des travailleurs. Trump n’est qu’un symptôme. La maladie, c’est le capitalisme et le remède : le socialisme.

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La question concerne des millions de personnes : comment stopper Trump ? Certainement pas avec Biden !
Stopper Trump et le Trumpisme se fait par la lutte socialeL’année de crise 2020 n’est pas encore terminée, mais elle pourrait devenir encore plus turbulente. Les manifestations “Black Lives Matter”, qui constituent la plus grande mobilisation sociale de l’histoire américaine, se poursuivent. On constate une hausse effrayante de la violence des milices d’extrême droite en coopération avec la police militarisée. Le changement climatique (notamment la virulence des ouragans) et les économies réalisées en matière de prévention des incendies provoquent des dégâts sans précédents. Les conséquences de la pandémie sont exacerbées par l’incompétence de Trump et un système de santé tout entier dévolu aux profits du secteur privé. Quel que soit le résultat des élections présidentielles, tous ces problèmes ne feront qu’empirer tant qu’aucun mouvement de masse ne sera pas forgé pour fondamentalement changer de société.
Un dossier de Bart Vandersteene
Les démocrates ne peuvent que perdre
Trump est détesté par des dizaines de millions d’électeurs. Mais il semble que nous nous dirigeons encore une fois vers une autre élection qui ne peut qu’être perdue par les Démocrates. L’avance de Biden dans les sondages en juillet est beaucoup plus faible aujourd’hui. Comme en 2016 avec Hillary Clinton, l’establishment démocrate, qui défend les intérêts des grandes entreprises, mène une campagne complaisante. La campagne de Biden ne fait pas de porte-à-porte, ne mobilise pas les jeunes électeurs pour qu’ils s’inscrivent, même dans les ‘swing states’ (États charnières), comme le Michigan. Pendant ce temps, la campagne de Trump frappe à la porte d’un million de foyers par semaine. Le duo Biden / Harris ne parvient pas à présenter un programme électoral qui inspire les travailleurs, les millions de chômeurs ou les jeunes. Pour vaincre Trump, une participation massive des électeurs sera nécessaire. Mais les Démocrates ne semblent pas en mesure de le faire.
Trump fait campagne autour de l’idée qu’il préconise une politique de “la loi et de l’’ordre”. Il affirme que le pays sous la direction des Démocrates est en train de glisser dans l’abîme. Il dépeint les grandes villes dirigées par les Démocrates comme des bastions de la violence et de la misère. Il décrit les Démocrates comme la “gauche radicale”. Il encourage la violence de droite contre les militants de Black Lives Matter (BLM).
En même temps, il tente de répondre aux critiques justifiées de la gauche en prenant lui-même des mesures sociales temporaires, telles que l’augmentation des allocations de chômage et un moratoire temporaire sur les expulsions. Cela doit donner l’impression que le président est du côté des plus faibles de la société. Le contraire est bien sûr vrai. Les plus riches n’ont jamais été aussi bien lotis que sous Trump. Le fossé entre riches et pauvres n’a fait que se creuser. Depuis le début de la pandémie, les 643 milliardaires se sont enrichis de 29% ! Au cours de la même période, 50 millions d’Américains ont perdu leur emploi.
Robert Reich, ancien ministre sous Bill Clinton, a déclaré que le capitalisme américain a complètement déraillé. L’homme le plus riche du monde, Jeff Bezos, pourrait donner à tous les employés d’Amazon (et ils sont nombreux !) 105.000 dollars et toujours être aussi riche qu’avant la pandémie. Ces records pourraient bientôt être battus par l’industrie pharmaceutique qui recherche des méga profits sur les vaccins contre le coronavirus.
Le Parti démocrate a peur des mouvements sociaux
Aux États-Unis, les socialistes ont joué un rôle de pionnier dans la lutte contre la politique de droite, raciste et antisociale de Trump. La direction du Parti démocrate, en revanche, a offert une très faible “résistance”. À aucun moment, cette direction n’a tenté de mobiliser la colère présente dans un mouvement. Au lieu de cela, les dirigeants démocrates ont parlé de “Russiagate”, une question qui n’a pas incité les gens à agir. La raison est simple : les Démocrates ont peur des mouvements sociaux et d’une base active. Après tout, ils savent que les mobilisations de masse peuvent se retourner contre eux avec la même détermination.
Dans cette campagne électorale contre un Trump affaibli mais toujours dangereux, le Parti démocrate ne peut pas aller plus loin qu’un candidat qui se met dans l’embarras, lui et son parti. Alors que le monde est en feu, Joe Biden se montre le moins possible en public. Beaucoup y voient une “incompétence” du candidat et du parti. Il n’y a pas que ça. L’establishment du Parti démocrate est entièrement contrôlé par le monde des affaires. Au début de cette année, il a coordonné une campagne extraordinaire pour battre Bernie Sanders lors des primaires démocrates. Le problème avec les dirigeants du Parti démocrate n’est pas qu’ils sont incompétents, mais qu’ils sont essentiellement une institution capitaliste qui vise à maximiser les profits de la classe des milliardaires. Pour faire cela, ils doivent essayer d’empêcher les mouvements de travailleurs et d’opprimés de remporter des victoires. C’est là leur véritable programme.
Malgré la popularité croissante de la demande d’accès généralisé à une assurance maladie, ‘Medicare for All’, Biden et Harris s’y opposent avec véhémence. Il n’y a qu’une seule raison à cela. C’est parce que leur parti et leur campagne sont financés par des compagnies d’assurance et des entreprises pharmaceutiques.
Est-ce que Biden ramènera la “normalité” ?
Si Biden remporte les élections, ce ne sera pas grâce à l’enthousiasme qu’il suscite, mais plutôt en raison de la haine profonde ressentie envers Trump. Beaucoup de gens vont faire la fête en cas de défaite de Trump. Bien sûr, les socialistes seraient heureux si Trump disparaissait, mais sans illusions : nous savons que Joe Biden n’apportera pas de changement fondamental à la Maison Blanche.
Sous la direction du président Biden, les Démocrates devront gérer la plus grande crise que le pays ait connue depuis la guerre civile. La polarisation politique va se poursuivre. Les groupes d’extrême-droite et les forces franchement fascistes continueront à renforcer leur soutien parce que les Démocrates n’apporteront pas de changement substantiel. Trump a pu devenir président en 2016 sur base de l’échec de la politique traditionnelle. Les forces et organisations encore plus à droite que Trump peuvent connaître un essor sous une présidence Biden.
Pour lutter efficacement contre l’extrême droite, nous avons besoin d’un mouvement social et, en fin de compte, d’un nouveau parti qui se batte dans l’intérêt de la classe ouvrière. Dans la constellation actuelle du système bipartite, le système politique continue de se déplacer vers la droite. C’est l’une des raisons pour lesquelles Socialist Alternative, notre organisation-sœur aux États-Unis, rejette la logique du “moindre mal”.
Dans ces élections, un vote de protestation pour le candidat vert Howie Hawkins, malgré toutes les faiblesses du Parti Vert, peut être un pas en direction de la création d’un parti de gauche pour la classe ouvrière. En plus d’une tactique pour les élections, il est encore plus important de construire par en-bas un mouvement ouvrier militant, de lutter contre le racisme, le sexisme et l’homophobie, de lutter contre les expulsions imminentes, de protester contre le changement climatique,… En fin de compte, nous avons besoin d’une rébellion pure et simple contre toutes les injustices du capitalisme. Ce combat va mettre en existence les bases du type de parti dont nous avons besoin.Trump peut-il voler l’élection ? Comment la gauche doit-elle réagir ?
Le 12 septembre, dans un tweet, Donald Trump a exhorté ses électeurs à voter deux fois : par correspondance et en personne. Il tente également de discréditer le vote par correspondance en répandant des mensonges sur la perte de votes, en réalisant de nouvelles mesures d’austérité sur les services postaux et en menaçant de poursuites judiciaires contre le comptage des votes par correspondance avant le jour des élections. Les électeurs qui votent par correspondance votent en plus grand nombre pour les Démocrates. Il y a aussi la campagne habituelle pour limiter le nombre d’électeurs inscrits, réduire le nombre de bureaux de vote dans certains quartiers plus susceptibles de voter Démocrate,…
A cela s’ajoute la pandémie. Même sans les mesures d’austérité réalisées par Trump à l’US Postal, il n’y avait pas suffisamment d’infrastructures pour répondre à la demande accrue de vote par correspondance. Le vote par correspondance pourrait entraîner le chaos. On s’attend également à ce que de nombreux préposés aux bureaux de vote ne se présentent pas, ce qui entraînera leur fermeture. Toutes ces restrictions des droits démocratiques toucheront principalement les plus faibles, les plus pauvres et les personnes de couleur.
Dans un sondage de la NBC/WSJ, 26 % des électeurs de Biden ont déclaré qu’ils voteraient en personne le jour du scrutin, tandis que 66 % des partisans de Trump ont déclaré qu’ils voteraient de cette façon. Cela signifie que les résultats le soir des élections peuvent être extrêmement trompeurs. Trump peut avoir un résultat beaucoup plus fort le soir de l’élection que lorsque tous les votes ont été comptés.
Trump a laissé entendre à plusieurs reprises qu’il n’a pas l’intention de quitter la Maison Blanche, même s’il perd les élections. Il a semé le doute sur la légitimité des élections pendant des semaines. On spécule déjà beaucoup sur le fait que Trump pourrait se déclarer vainqueur à tort le soir de l’élection, alors qu’il est en tête, même si seulement une petite partie des voix a été comptée. Certains groupes progressistes se préparent à ce scénario avec des plans de protestations de masse et de désobéissance civile, ce qui est un bon pas en avant.
Si un “vol” électoral menace, Trump ne pourra être arrêté que lorsque des millions de travailleurs feront grève, soutenus par des manifestations de masse bien organisées dans chaque ville. Il est préférable que ces actions soient organisées indépendamment des dirigeants du Parti Démocrate. En 2000, la direction du Parti Démocrate a montré qu’elle préférait perdre plutôt que de construire un mouvement de masse pour défendre le résultat du vote. Bush junior a ainsi pu voler les élections de 2000.
Les syndicats devraient être en première ligne pour protéger ces manifestations contre d’éventuelles violences de la part des militants de droite. Face à une crise économique, un chômage de masse, une pandémie mondiale, des assassinats policiers racistes et des incendies de forêt sans précédent, un mouvement de masse devrait exiger bien plus que le simple départ de Trump de la Maison Blanche.
Des millions de personnes en grève et en manifestation contre le vol des élections renforceraient le pouvoir de la classe ouvrière organisée. Cela pourrait être le point de départ d’une nouvelle phase dans la lutte contre le racisme et toutes les formes d’inégalité et de discrimination.
Bernie a loupé une occasion historique
Début 2020, il semblait que Bernie Sanders pouvait surmonter tous les obstacles pour remporter les primaires démocrates. En fin de compte, l’establishment a réussi à manipuler la campagne de telle sorte qu’un candidat qui leur était sûr, Joe Biden, s’en est sorti. Malheureusement, Bernie s’y est résigné. Comme en 2014, Bernie avait un puissant mouvement derrière lui pour mener une campagne indépendante, séparée des Démocrates et des Républicains, en novembre, dans laquelle il aurait pu vaincre à la fois Trump et Biden. S’il avait déjà fait ce choix en 2014, Trump n’aurait peut-être jamais été élu.
Même si Trump avait remporté une telle élection entre trois candidats (Sanders, Biden, Trump), la gauche aurait au moins disposé d’une force indépendante pour lutter contre la droite. Une telle campagne aurait posé les bases d’un nouveau parti de masse pour la classe ouvrière et aurait donné un énorme coup de pouce à tout mouvement pour la justice sociale.
En raison de la capitulation de Sanders, un sentiment de déception et de défaitisme règne parmi une couche d’activistes. Heureusement, le mouvement historique BLM est entré en scène, ce qui a rapidement éliminé ce sentiment. Mais la question d’une représentation politique propore aux travailleurs n’est pas encore résolue.
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USA. La caravane des migrants : la corruption du capitalisme mise en lumière

Une caravane de milliers de migrants s’est constituée à Tijuana, à la frontière américano-mexicaine, près de San Diego. Migrants demandeurs d’asile fuyant la violence dans leurs pays d’origine, le Honduras, le Guatemala et le Salvador, ils ont voyagé pendant des semaines rien que pour atteindre la frontière. À leur arrivée, ils ont été accueillis avec une frontière militarisée et des gaz lacrymogènes. L’administration Trump a qualifié la caravane d’invasion de terroristes et de gangsters financée par George Soros. Cependant, les travailleurs doivent voir cette manifestation tragique pour ce qu’elle est vraiment : une mise en accusation du capitalisme mondial.
Par Christopher Carroll, Socialist Alternative (Etats-Unis)
La réponse de Trump et le manque de réponse des démocrates
À l’approche des élections de mi-mandat, Trump a commandé à la hâte 5 800 soldats à la frontière américano-mexicaine. Nous devrions voir cela pour ce que c’est : une manœuvre électorale grossière et farfelue, conçue pour enflammer la base électorale de Trump. Suite à cette manœuvre cynique, Trump a presque complètement cessé de parler de la caravane après le jour du scrutin, comme l’ont souligné certains médias.
Pendant ce temps, les troupes sont occupées à installer des barbelés tout en pratiquant des scénarios de jeu de guerre contre une caravane de personnes âgées, d’enfants et de parents épuisés. Faisant écho à son allié, le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, Trump a déclaré : «?S’ils lancent des pierres, nos militaires réagiront. J’ai dit [aux officiers de la garde nationale] de considérer [les pierres] comme un fusil?». Les groupes anti-immigrés ayant des antécédents violents, comme les Minutemen, sont également à la frontière, sous l’impulsion de la rhétorique vile et haineuse de Trump.
L’asile est un processus d’obtention de la résidence dans un autre pays, car il n’est pas sûr pour vous de rester dans votre pays d’origine en raison de la persécution ou d’autres raisons. Pour pouvoir demander l’asile aux États-Unis, vous devez déjà être aux États-Unis. Ainsi, le fait de refuser l’entrée aux personnes est l’une des tactiques de la droite pour empêcher les migrants de recevoir l’asile. L’une des premières démarches de Trump a été de refuser l’asile à toute personne entrant dans le pays en dehors d’un point d’entrée, créant ainsi un nouvel obstacle à l’application. En réalité, Trump tente de mettre fin à l’application d’un droit humain internationalement reconnu (même s’il est souvent violé dans la pratique) à la frontière du sud. Bien entendu, cette «?interdiction d’asile?» serait contestée devant les tribunaux, mais même si un juge fédéral l’invalide, nous ne pouvons pas compter sur la Cour suprême pour défendre le droit d’asile.
Les migrants ont commencé à atteindre la frontière le 20 novembre. Trump a ordonné que seuls 100 demandeurs d’asile par jour puissent être traités. Cela a entraîné des retards importants et une tension accrue, aboutissant à l’utilisation de gaz lacrymogène et de balles en caoutchouc par les troupes américaines sur des migrants sans défense. Certes, une poignée de roches ne fera pas tomber les militaires les plus puissants de la planète. Comme pour toutes choses venant de Trump, cette crise de l’immigration actuelle a été dramatisée à l’extrême. Ce n’est pas seulement aux États-Unis : le nouveau gouvernement italien dans lequel un parti d’extrême droite joue un rôle clé refuse d’autoriser tout navire de migrants en provenance d’Afrique du Nord à débarquer. En Hongrie, le gouvernement de droite a construit une barrière frontalière pour empêcher l’entrée de migrants en provenance de «?pays musulmans?».
Ces dernières années, la xénophobie à ciel ouvert a pris de l’ampleur, et est activement encouragée par la droite, en particulier par Trump. Historiquement, des sections de la classe dirigeante ont attisé la xénophobie afin d’exploiter la peur et l’insécurité économique de certaines couches de la classe ouvrière. La grande majorité des travailleurs américains font face à une économie sans emplois aux salaires décents, offrant des emplois de plus en plus mal rémunérés, non syndiqués, et les privant de services sociaux vitaux.
Le discours anti-migrants ressemble à ceci : les migrants viennent soit pour occuper des emplois de travailleurs américains, soit pour se livrer à des activités criminelles. Le nouveau tournant dans l’ère post-11 septembre est la désinformation selon laquelle des terroristes djihadistes pénètrent dans la frontière au sud alors qu’ils se cachent parmi les demandeurs d’asile. Mais les migrants n’ont pas créé les conditions économiques qui laissent tant de travailleurs américains sans emploi, appauvris et profondément anxieux – ce sont les grandes entreprises et le système économique capitaliste qui le font. Les migrants réagissent simplement à des conditions économiques similaires, souvent plus graves, dans leur propre pays.
Pendant ce temps, la classe dirigeante bénéficie une fois de plus de l’opportunité de semer une division artificielle parmi la classe ouvrière. Manipulant ses conditions économiques médiocres et à l’étranger, la classe dirigeante s’engage dans un exercice d’équilibre qui cherche à acquérir un flux constant de main-d’œuvre migrante exploitable, tout en menaçant d’expulsion ces travailleurs afin de renforcer leur statut de deuxième classe. Dans le passé, les grandes entreprises américaines ont soutenu la «?réforme de l’immigration?» tant qu’elles conservent un statut de deuxième classe pour la plupart des «?sans-papiers?» actuels.
Cette main-d’œuvre migrante bon marché contribue également à réduire les niveaux de salaire des travailleurs nés aux États-Unis. La déportation sert également à intimider les travailleurs immigrés pour qu’ils n’adhèrent pas à un syndicat, tout comme la menace de sous-traiter leurs emplois à l’étranger dissuade les travailleurs nés aux États-Unis de s’engager dans des activités syndicales.
La direction du parti démocrate se présente comme opposée au fanatisme de Trump et aux attaques contre les migrants. Elle s’est opposée à la construction du mur et à la séparation des familles; certains démocrates influents sont allés plus loin et ont soutenu l’appel à «?abolir ICE?» (United States Immigration and Customs Enforcement, agence de police douanière et de contrôle des frontières). Mais ont cédé maintes et maintes fois au moment décisif. Et bien sûr, l’administration Obama a déporté plus de personnes que toutes les autres administrations précédentes combinées! À ce stade, les démocrates ne semblent avoir aucune politique d’immigration cohérente.
La politique d’immigration américaine est un désastre humanitaire. Elle est anti-ouvrière et de plus en plus agressive et brutale. ICE détient actuellement 44.000 personnes. Des archives judiciaires récentes montrent qu’il reste encore 171 enfants séparés de leur famille et détenus aux États-Unis plus de quatre mois après qu’un juge ait ordonné à l’administration Trump de réunir toutes les familles séparées à la frontière américano-mexicaine.
Mais à un niveau plus profond, toute la «?crise?» à la frontière du sud est fabriquée. Plus tôt cette année, un titre dans le New York Times disait tout : «?Les postes-frontière ont diminué depuis des années, malgré les déclarations de crise de l’immigration clandestine?» (20/06/18). La plus grande source d’immigration aux États-Unis aujourd’hui vient d’Asie.
Pourquoi la caravane s’est-elle développée?
Toutes les démarches de l’administration Trump ont été soutenues par une campagne de propagande soutenue qui tente de décrire les migrants désespérés comme une armée envahissante de terroristes et de gangsters.
Cependant, il y a de vraies personnes et d’importants problèmes en jeu. Les migrants de la caravane sont des personnes en quête d’asile qui fuient la misère et la désintégration violente de la société.
Voici un échantillon de ce que les migrants ont dû affronter au cours de leur voyage depuis l’Amérique centrale : extorsion de fonds par la police; extorsion par des gangs organisés; les violences d’État commises par des militaires mexicains à la frontière entre le Guatemala et le Mexique; traversées de rivières dangereuses avec des nourrissons, des enfants et des personnes âgées; faim constante, déshydratation et épuisement. Historiquement, la migration en solo a été une expérience encore plus périlleuse pour les travailleurs, en particulier les femmes victimes d’agression et de viol. Il convient de noter que les caravanes de migrants ne sont pas un phénomène nouveau. En raison des dangers de voyager à travers le Mexique, les migrants trouvent qu’il est plus sûr et moins coûteux de voyager par groupes au Nord. La caravane actuelle a été créée au départ pour des raisons de sécurité, pas pour envahir les États-Unis.
Histoire de l’impérialisme américain
La politique étrangère américaine, particulièrement brutale en Amérique centrale, a conduit à des régimes particulièrement brutaux et à des zones de domination des cartels de la drogue. C’est le résultat de la politique de «?guerre à la drogue?» menée par les administrations américaines successives. Des centaines de milliers de personnes fuient la violence et l’instabilité. L’argent des contribuables américains a également été utilisé pour financer la School of the Americas de Fort Benning, en Géorgie, où des officiers de l’armée de plusieurs pays d’Amérique latine ont été formés à la contre-insurrection et à la torture.
Un exemple récent est le Honduras où Barack Obama et Hillary Clinton (quand elle était secrétaire d’État) ont soutenu le coup d’État militaire de 2009 du président Zelaya, un populiste de gauche qui avait adopté de légères réformes du travail et de la terre. Après des élections factices soutenues par l’administration Obama, plusieurs militants du Front national de résistance populaire et plusieurs journalistes ont disparu, rappelant ainsi l’histoire profondément répressive de la région. Notamment en 2016, la dirigeante environnementale et autochtone Berta Caceres a été assassinée après des années de lutte contre les inégalités, la dégradation de l’environnement et le pouvoir des multinationales centrées autour du barrage hydroélectrique Agua Zarca.
Sur le plan économique, les accords commerciaux multinationaux successifs, tels que l’Accord de libre-échange centre-américain (CAFTA), ont entraîné une augmentation des inégalités et une pauvreté extrême. Ces accords garantissent le statut d’une toute petite élite dirigeante qui supervise le sous-développement permanent de leurs pays respectifs pendant que les États-Unis exploitent leurs matières premières et leur main-d’œuvre bon marché. Les peuples d’Amérique centrale ont besoin d’une coopération régionale fondée sur la solidarité de la classe ouvrière et non sur les bénéfices des multinationales. Une telle confédération socialiste des Amériques entraînerait un transfert massif de ressources qui profiterait énormément aux pays et régions les plus pauvres et permettrait aux populations de vivre en sécurité avec des emplois décents dans leur pays d’origine.
Solidarité des travailleurs et travailleuses!
Soyons clairs, chers collègues : les migrants sont des travailleurs et travailleuses qui demandent l’asile à des gouvernements répressifs et cherchent désespérément du travail pour pouvoir subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. Ce ne sont pas des terroristes. Ils et elles ne sont pas des gangsters. Ce sont des ouvriers. Nos sœurs et frères, nos nièces et nos neveux. Des innocents liés dans un système coupable. Un système coupable d’exploitation, de privation et de désespoir. Coupable de négligence cruelle ou d’oppression meurtrière.
Le Capital ne reconnaît pas les frontières nationales. Il traverse librement les frontières à la recherche de profits, laissant derrière lui la misère et la destruction. Les forces puissantes qui contraignent ces migrants, ces réfugiés économiques et demandeurs d’asile, sont produites par le capitalisme. Le chaos du marché mondial et la soif de profit impérialiste déplacent des millions de travailleurs et de pauvres dans le monde entier.
Le seul moyen de garantir l’élévation du niveau de vie de tous les travailleurs est d’exiger des droits et des avantages pour tous les travailleurs. De plus, les syndicats doivent jouer un rôle actif et décisif dans le dossier de l’immigration, rejetant et plaidant contre les idées anti-immigration.
Ce que Socialist Alternative demande :
• Retirer les troupes de la frontière immédiatement. Non à un mur frontière militarisé.
• Construire un mouvement pour défendre les immigrant·e·s de la violence et de l’intimidation de la droite;
• Embaucher plus de personnes pour traiter toutes les demandes d’asile dès que possible;
• Les entreprises américaines ont réalisé des milliards de dollars en exploitant l’Amérique centrale, qu’on impose à ces grandes entreprises de payer pour la réinstallation des réfugié·e·s et des demandeurs d’asile, tout en construisant des logements abordables pour tous;
• Abolir ICE et mettre fin aux politiques de détention inhumaine et d’expulsion massive, ainsi que redonner des droits légaux complets pour tou·te·s les immigrants;
• Mettre sur pied un programme massif de reconstruction des infrastructures nationales sur des lignes vertes, créant des millions d’emplois syndiqués bien payés pour les non-migrants et les migrants. Taxer les grandes entreprises pour financer une éducation, un logement et des soins de santé de qualité pour tous;
• Instaurer un salaire minimum national de 15 $ et des droits syndicaux pour tous les travailleurs.La caravane de migrants à laquelle nous assistons n’est pas le théâtre de l’absurde. C’est le réel dans sa forme la plus brute et inflexible. C’est une mise en accusation du capitalisme et de l’impérialisme en temps réel. Un miroir brisé appelant tous les travailleurs à la solidarité. Dernière révélation du choix ultime de l’humanité : la barbarie ou le socialisme.
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Etats-Unis. Les élections de mi-mandat affaiblissent les républicains

Comment réellement vaincre la droite ?
Les élections de mi-mandat aux États-Unis ont été marquées par une “vague bleue” (démocrate) limitée et par le rejet global de Trump de la part de l’électorat. Les républicains ont été soulagés que leurs pertes n’aient pas été pires alors que de nombreux travailleurs et jeunes progressistes ont été déçus que le résultat n’ait pas été plus décisif. Durant la campagne électorale, Trump a cherché à mobiliser sa base en jouant sur la peur des migrants et en utilisant ouvertement le racisme tandis que les démocrates se sont concentrés sur le “rejet de la haine” et la défense de l’Obamacare, tout en offrant bien peu de choses concrètes aux travailleurs et à leurs familles.
En même temps, un certain nombre de candidats de gauche et progressistes, presque tous démocrates, reflétaient le désir intense de millions de personnes de repousser l’agenda de la droite en refusant l’argent des entreprises et en défendant des revendications audacieuses en faveur de la classe des travailleurs, comme l’assurance maladie pour tous, le contrôle des loyers, un salaire minimum de 15 dollars de l’heure et un enseignement supérieur libéré des frais de scolarité. Un certain nombre de socialistes autoproclamés ont gagné ces élections, dont Julia Salazar qui se rend au Sénat de l’État de New York et Alexandria Ocasio Cortez et Rashida Tlaib, qui se rendent toutes deux au Congrès. Tlaib est également l’une des deux musulmanes américaines élues au Congrès, une première historique.
Alors que les démocrates contrôlent maintenant la Chambre des représentants, un régime vicieux et réactionnaire est toujours en place à Washington et nous ne pouvons pas tout simplement attendre l’élection présidentielle de 2020. Nous devons de toute urgence construire un mouvement de masse, centré sur la force sociale des travailleurs, qui prenne en charge de vaincre la droite et d’éjecter Trump. Dans les mois à venir, les dirigeants démocrates et les nouveaux candidats de gauche élus au Congrès et aux assemblées législatives des États fédérés seront soumis au test de la pratique face aux espoirs qu’ils suscitent et au combat contre Trump et la classe dirigeante.
La polarisation s’approfondit
Ces dernières semaines, Trump a fait grimper la xénophobie à un nouveau seuil horrible – même pour lui – dans l’objectif d’attiser la peur et ainsi pousser sa base à participer aux élections. Il avait utilisé le processus de nomination du juge Kavanaugh à la Cour suprême dans le même but il y a peu. Il a déclaré que la caravane de migrants d’Amérique centrale qui sillonne le Mexique était “une invasion”, peut-être créée par les démocrates ou financée par le milliardaire juif libéral George Soros, et comportant des membres de gangs et des terroristes du Moyen Orient ! Il a ensuite ordonné à des milliers de soldats de se rendre à la frontière pour y affronter une procession pacifique de quelques milliers de femmes, d’hommes et d’enfants désespérés fuyant le chaos social créé par les politiques néo-libérales promues par l’impérialisme américain.
La direction démocrate, en revanche, a très consciemment choisi de concentrer son attention sur les districts suburbains et en particulier sur les femmes blanches “qui ont un diplôme universitaire” et avaient auparavant tendance à voter républicain. En ce qui concerne les soins de santé, les démocrates dominants ont mis l’accent sur la défense de la couverture obligatoire des personnes atteintes de “conditions préexistantes”, un élément progressiste de l’Obamacare. Mais cette approche n’a pas été combinée à une proposition audacieuse, à l’instar de Medicare for All, sur la manière de faire face à la crise massive des soins de santé et aux attaques continues des républicains. Les dirigeants démocrates n’ont pas non plus attaqué les réductions d’impôt des sociétés de Trump ni répondu à l’effondrement des emplois à salaire décent en défendant des revendications comme un important programme de travaux publics écologiques. Au lieu de cela, les démocrates ont utilisé la diversité sans précédent de leurs candidats comme argument de vente clé.
Ces approches “centristes” des démocrates ont été plus ou moins efficaces, mais elles révèlent aussi la riposte très limitée de la direction du parti démocrate en réponse à l’assaut républicain et à la volonté de sa propre base électorale de faire échouer l’agenda de la droite. Comme pour illustrer à quel point cet establishment démocrate est déconnecté du réel, Nancy Pelosi – qui pourrait bien être à nouveau Présidente de cette Assemblée – a déclaré que les Démocrates adopteront une approche “bipartisane” et “chercheront un terrain d’entente là où nous le pouvons” avec les Républicains. Lors d’une réunion de donateurs et de “stratèges” du parti, elle a réaffirmé que la tentative de destitution de Trump n’était pas à l’ordre du jour. Cette faiblesse a sans aucun doute contribué à encourager Trump à congédier le procureur général Jeff Sessions, une mesure qui visait clairement à miner l’enquête Mueller (l’enquête sur l’ingérence de Moscou dans la campagne présidentielle américaine de 2016 et la possible collusion avec les équipes du candidat Trump, NdT) supervisée par le ministère de la Justice.
Une vague bleue limitée
La participation à ces élections de mi-mandat a été massive : 30 millions de voix de plus qu’à la dernière élection de mi-mandat, en 2014. Les Démocrates disposeront de 229 sièges à la nouvelle Chambre des représentants, soit un gain de 36 sièges, ce qui leur donne une majorité de 23 sièges. Depuis que l’élection est devenue à bien des égards un référendum sur Trump, ce changement en soi indique qu’une grande partie de la société rejette le message sexiste et raciste de ce dernier. Il est significatif de noter qu’au moins 100 femmes ont été élues à la Chambre, la grande majorité d’entre elles étant démocrates, pour la première fois de l’histoire des États-Unis (elles représentent près d’un quart de la Chambre).
Les démocrates ont également obtenu des gains modestes au niveau d’États où les républicains tenaient le haut du pavé au cours de cette dernière décennie. Ils ont gagné sept nouveaux postes de gouverneur, y compris dans certains États clés du Midwest comme l’Illinois et le Michigan. Plusieurs réactionnaires particulièrement nocifs ont perdu les élections, parmi lesquels Chris Kobach au Kansas et le tristement célèbre républicain anti-syndicat Scott Walker au Wisconsin.
D’autre part, les républicains ont élargi leur majorité au Sénat. Mais il ne faut pas oublier que le Sénat est beaucoup moins démocratique dans sa composition étant donné que chaque État a deux représentants, quelle que soit la taille de sa population.
Malgré la victoire d’Alexandria Ocasio Cortez, socialiste démocratique très connue, et d’autres progressistes aux niveaux fédéral et des États, plusieurs résultats ont été extrêmement décevants pour de nombreux travailleurs et jeunes progressistes. Il s’agit notamment de la défaite d’Andrew Gillum dans la course au poste de gouverneur de Floride face au très raciste Ron de Santis, de même que celle de Beto O’Rourke au Sénat du Texas face à l’odieux Ted Cruz.
Gillum et O’Rourke ont tous deux adopté une approche nettement plus audacieuse et plus progressiste que celle des dirigeants démocrates. Gillum aurait également été le premier gouverneur noir de Floride, un ancien État ‘‘Jim Crow’’ (en référence aux lois Jim Crow, des règlements racistes généralement promulgués dans les États du Sud entre 1876 et 1964, NdT). Dans la Géorgie voisine, Stacey Abrams, qui serait la première femme noire gouverneur d’État de l’histoire des États-Unis, conteste sa défaite. Elle a tout à fait raison d’exiger un nouveau dépouillement des voix en raison de diverses irrégularités commises lors des élections en Géorgie. Ces irrégularités sont à considérer dans le contexte plus large des efforts des Républicains dans tout le pays pour renforcer la répression des électeurs des États qu’ils contrôlent. Ces mesures visent en particulier à rendre le vote plus difficile pour les Afro-Américains.
Les dirigeants démocrates déclarent bien entendu aujourd’hui que ce résultat justifie leur approche “modérée”. Comme l’a dit le New York Times, “les candidats qui ont obtenu la majorité à la Chambre des représentants venaient en grande partie du centre politique en promettant une amélioration progressive du système de santé plutôt qu’un changement social radical”. Le Times va encore plus loin en disant “la théorie – adoptée par des libéraux pleins d’espoir dans des États comme le Texas et la Floride – selon laquelle des dirigeants charismatiques et progressistes pourraient transformer des bastions républicains en champs de bataille politiques s’est avérée largement infructueuse”. C’est tout simplement ridicule. En fait, O’Rourke a obtenu un résultat remarquable dans un État où les démocrates n’ont remporté aucune élection à l’échelle de l’État en un quart de siècle ! En fait, ces élections illustrent que le glissement vers la gauche observé dans les grandes villes et parmi la jeunesse d’autres régions du pays s’est étendu vers le Sud.
D’autres indications indiquent que les politiques de gauche audacieuses bénéficient d’un soutien grandissant dans de nombreuses régions du pays. Les électeurs américains étaient également appelés à se prononcer sur d’autres thèmes le jour des élections. Les électeurs de Floride ont ainsi rétabli le droit de vote de 1,4 million de résidents reconnus coupables d’un crime et ayant purgé leur peine. Mettre fin à cette mesure tout à fait antidémocratique profitera aux Afro-Américains. Comme le magazine Jacobin l’a souligné, trois États “rouges”, c’est-à-dire républicains (Idaho, Nebraska et Utah), ont voté pour étendre le domaine d’application du système de soin de santé Medicaid. D’autres victoires progressistes ont été remportées, comme l’adoption à San Francisco d’un impôt sur les sociétés pour aider les sans-abri, tandis que le Missouri et l’Arkansas ont augmenté leur salaire minimum. D’importantes défaites ont également eu lieu pour les travailleurs et la jeunesse en raison de l’implication massive des grandes entreprises et de campagnes de désinformation massives. En Californie, une initiative visant à étendre le contrôle des loyers a ainsi été repoussée. En Alabama et en Virginie-Occidentale, des mesures visant à restreindre le droit à l’avortement sont passées.
La puissante démocrate conservatrice Claire McCaskill a perdu les élections un État qui vient de voter l’augmentation du salaire minimum et qui a récemment rejeté à une écrasante majorité la législation anti-travailleur dite du “droit au travail”. C’est une autre indication de l’échec de la stratégie centriste démocrate.
Et maintenant ?
Le résultat des élections de mi-mandat encouragera largement ceux qui veulent se battre contre Trump. Une victoire républicaine aurait manifestement été temporairement démoralisante. Toutefois, le fait que l’establishment démocrate ait immédiatement repoussé les espoirs suscités par ces résultats démontre de façon évidente que le débat sur la voie à suivre dans la lutte contre la droite va s’intensifier dans la période à venir, en particulier dans le contexte de la campagne présidentielle qui va commencer presque immédiatement.
Etant donné le caractère de la campagne menée par Trump, nous devons être très clairs quant à ce à quoi nous sommes exactement confrontés. Il y a un débat croissant entre les libéraux de gauche et l’ensemble de la gauche sur la question de savoir si le régime Trump est un “fascisme rampant”. Cette crainte est exacerbée par d’autres événements internationaux, notamment l’élection du populiste d’extrême droite Jair Bolsonaro au Brésil, qui se fait l’écho de thèmes fascistes.
Il ne fait aucun doute que Trump, qui se dit maintenant “nationaliste”, normalise les conspirations d’extrême droite. L’aile trumpienne dominante du Parti républicain prend de plus en plus des aspects d’un parti d’extrême droite.
Mais est-ce là du fascisme ou du “fascisme naissant” ? Historiquement, le fascisme s’est incarné dans des mouvements de masse composés en particulier de gens de la classe moyenne laissés sans ressources par la crise du capitalisme, des mouvements qui visaient à physiquement détruire les organisations de la classe ouvrière et de gauche. Les fascistes sont arrivés au pouvoir lorsque des couches de la classe dirigeante les ont considérés comme une alternative préférable à la menace réelle d’une révolution sociale qui aurait conduit à la perte de leurs biens et de leur pouvoir. Le contexte actuel aux États-Unis est évidemment très différent. Cependant, une crise sociale profonde est en cours et les institutions capitalistes voient chuter leur légitimité. Dans plusieurs pays européens, l’incapacité de la gauche historique et des partis des travailleurs à défendre la classe ouvrière face aux attaques néolibérales – devenant eux-mêmes des partis néolibéraux – a contribué à ouvrir la porte à la croissance des partis d’extrême droite.
Les Démocrates n’ont jamais été un parti ouvrier ou un véritable parti de gauche. Mais un processus analogue est en développement avec leur abandon de leur base ouvrière historique et leur virage marqué vers la droite (le “centrisme”) dans les années 80 et 90. Il reste relativement peu de fascistes organisés. Les groupes fascistes ont subi un revers important après le meurtre de Heather Heyer à Charlottesville en 2017 et la réaction de masse qui a suivi. Cependant, on les encourage encore une fois à sortir de leurs trous. Ils représentent un danger réel mais jusqu’à présent limité. Le danger beaucoup plus grand et immédiat est l’émergence d’une force politique d’extrême droite de masse qui incite à la division raciale et repousse les tentatives visant à unir les travailleurs en défense de leurs intérêts communs.
Des centaines de milliers de personnes comprennent de plus en plus que nous avons besoin d’une force politique déterminée à se battre pour les gens ordinaires aussi fortement que Trump est prêt à se battre pour les intérêts des milliardaires. Comme nous l’avons toujours soutenu, le projet de réforme du Parti démocrate qui a engagé un grand nombre de jeunes militants est compréhensible, mais presque automatiquement voué à l’échec. La campagne présidentielle de Bernie Sanders en 2016, au cours de laquelle il a recueilli plus de 200 millions de dollars de petites donations pour un programme en faveur de la classe ouvrière, a mis en évidence l’énorme potentiel pour la création d’un nouveau parti indépendant de gauche reposant sur les intérêts des travailleurs et des opprimés.
Un tel parti doit être basé sur une lutte sociale de masse, la véritable manière de vaincre la droite et de gagner de sérieuses avancées sociales. Cette année a mis en évidence le potentiel de construction d’un véritable mouvement de masse avec les énormes mobilisations féministes, les débrayages étudiants contre la violence armée et le plus grand nombre de grèves depuis près de 20 ans. La révolte des enseignants, en particulier, qui s’est concentrée dans les états républicains, a montré le potentiel de la lutte des classes pour galvaniser des pans plus larges de la société. Les enseignants portaient des revendications audacieuses, y compris d’imposer les entreprises pour financer l’éducation et de revenir sur des décennies de coupes budgétaires, des exigences qui ont bénéficié d’un soutien massif, y compris parmi ceux qui avaient voté pour Trump.
En 2019, nous assisterons presque certainement à une nouvelle vague de lutte – qui doit être combinée à la construction d’un défi politique de gauche contre l’establishment capitaliste.
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Élections de mi-mandat : entre punition pour Trump et recherche d’alternative

Les élections de mi-mandat, qui renouvellent la Chambre des représentants et une partie du Sénat se tiennent ce 6 novembre. Ces élections prennent place dans un contexte chaotique pour les USA, marqué tant par la figure réactionnaire et incontrôlable du président Donald Trump que par une radicalisation politique croissante de la jeunesse et de pans entiers de la classe ouvrière américaine, le tout sur fond d’instabilité économique. Entre illusions vis-à-vis du Parti Démocrate et recherche d’alternative à la crise sociale et politique, quelles sont les perspectives pour la résistance sociale et la lutte des classes dans le ventre de la bête ?
Par Clément (Liège), article tiré de l’édition de novembre de Lutte Socialiste
Les mobilisations sociales se multiplient
Les dernières années ont vu une multiplication des mobilisations de masse aux USA : depuis le mouvement Black Lives Matters contre les meurtres racistes commis par la police aux ‘‘Women’s March’’ au lendemain de l’élection de Trump, en passant par les mobilisations spontanées contre le décret anti-immigration, les impressionnantes mobilisations antifascistes qui ont suivi l’attentat de Charlottesville, etc.
Ces dernières semaines, la nomination du républicain anti-avortement Brett Kavanaugh au poste de juge de la Cour suprême a déclenché une vague de protestation à travers les États-Unis après qu’il ait été accusé de viol par plusieurs victimes. Il siège désormais à vie à la plus haute cour de justice qui décide, sans appel possible, si les lois des États sont conformes à la Constitution.
Les revendications socio-économiques sont également revenues à l’avant-plan, comme le salaire minimum à 15$/h. Après que les travailleurs de Seattle aient arraché une victoire en 2015, cette revendication a pris un caractère national et un total de 18 États ont été contraints d’augmenter leur salaire minimum. Tout récemment, la multinationale Amazon a, elle aussi, dû concéder un salaire de 15$/h à ses 350.000 employés et intérimaires !
Ces nombreuses mobilisations et ces quelques victoires donnent également la confiance aux travailleurs de passer à l’action. Ainsi, l’année 2018 aura enregistré une augmentation importante du nombre de grèves, d’arrêts de travail et de dépôts de préavis de grève. Très souvent, ces grèves sont menées en dépit des bureaucraties syndicales qui freinent le mouvement.
Un important coup d’envoi fut donné par les professeurs de l’État de Virginie qui ont fait grève début mars contre des mesures d’austérité en réclamant de meilleurs salaires ainsi qu’une assurance santé. Le mouvement a rapidement fait tache d’huile dans plusieurs États du Sud et du Sud-Ouest. Ces grèves sont parties de la base, en rejetant les compromis que les bureaucraties tentaient de faire avaler aux travailleurs (proposition d’une augmentation de salaire de 1%, 4% ont finalement été obtenus). Les enseignants ont aussi élargi leurs revendications à l’ensemble du secteur public pour développer la solidarité et élargir le mouvement, avec une victoire à la clef. Selon des sondages, 72% de la population ont soutenu ces grèves (et même 78 % lorsque les parents d’élèves étaient interrogés).
Citons aussi United Parcel Service (UPS), l’entreprise privée qui compte le plus grand nombre de syndicalistes aux USA, là encore un préavis de grève pour de meilleurs salaires a été approuvé par 90 % des syndiqués. Il en va de même chez Arcelor, dans le secteur de la construction ou de l’hôtellerie, où des votes en faveur de la grève ont pris place dans différentes régions. Chez McDonald’s, les travailleuses et travailleurs sont récemment partis en grève contre le harcèlement sexuel sur les lieux de travail.
Le discours dominant affirme que l’économie domestique se porte bien, que la croissance est de retour et le chômage historiquement bas. Mais en réalité, les salaires stagnent et sont tellement bas que pour beaucoup, deux emplois sont indispensables pour pouvoir s’en sortir. À côté de cela, beaucoup de gens ‘‘au travail’’ n’ont que des contrats de famine de quelques heures par semaine. De plus, l’importante spéculation immobilière rend l’accès au logement de plus en plus inabordable. Bref, le discours optimiste dominant est en contradiction avec la réalité quotidienne des travailleurs, ce qui est de nature à les pousser à réclamer leur part du gâteau.
2018 sera probablement l’année avec le plus grand nombre de grèves depuis l’an 2000. En parallèle, la confiance envers les syndicats a atteint son plus haut niveau depuis 20 ans (62% de perception positive) après des années de reculs et de luttes défensives.
Mais de la même manière que pour gagner un combat, un boxeur doit utiliser son poing droit et son poing gauche; le mouvement ouvrier doit utiliser son poing syndical, mais aussi son poing politique.
Les élections de mi-mandat
Pour les travailleurs et les opprimés, ces élections de mi-mandat représentent une opportunité pour riposter contre Trump, pour repousser son agenda raciste, nationaliste et antisocial à l’arrière-plan.
Les sondages concernant les élections de mi-mandat annoncent une ‘‘vague bleue’’ qui verrait le Parti Démocrate devenir majoritaire à la Chambre des représentants (la chambre fédérale) ainsi que dans de nombreux États. Une majorité démocrate au Sénat n’est pas tout à fait exclue, bien que ce scénario soit moins probable. Un récent sondage indique ainsi que, nationalement, le Parti Démocrate obtiendrait 44 % des voix, contre 36 pour le Parti Républicain.
L’atmosphère sociale et les mobilisations de ces dernières années ont également un impact sur la campagne. Ainsi, à la suite de MeToo, un nombre record de candidates se présentent, soit 256 candidates pour les chambres et 16 candidates aux postes de gouverneurs. 500 enseignants se présentent aux primaires et l’État de New York enregistre déjà une participation record pour les primaires. En plus de cela, des candidats progressistes opposés à l’establishment politique ont récemment remporté une série de victoires. Ces candidats ne constituent toutefois pas un courant homogène : certains proviennent des Démocratic Socialist of America tandis que d’autres s’apparentent plutôt à des démocrates traditionnels qui auraient adopté un programme similaire à celui de Bernie Sanders.
Ce dernier avait posé un sérieux défi à l’establishment du Parti Démocrate lors des primaires à présidentielle en avançant un programme de gauche réformiste, en se réclamant ouvertement du socialisme et en finançant sa campagne exclusivement au travers de dons de travailleurs et d’organisations du mouvement ouvrier. Si, au lieu de soutenir Hillary Clinton et le Parti Démocrate, il avait cherché à transformer sa plateforme ‘‘Our revolution’’ en une véritable organisation capable de lier la lutte dans les urnes à celle dans la rue, la situation aurait pu être fondamentalement différente aujourd’hui. Cela aurait approfondi le conflit qui existe entre les vieilles structures du Parti Démocrate et une base en cours de radicalisation, tout en clarifiant la nécessité d’un troisième parti, un parti des travailleurs aux USA.
Socialist Alternative (notre organisation-sœur américaine) ne pense pas que ces candidats progressistes devraient se présenter dans le cadre du Parti Démocrate, cela entretient des illusions sur la possibilité de réformer ce dernier. Malgré ce désaccord, nous avons appelé à voter pour eux et nous sommes parfois impliqués dans leurs campagnes. Une victoire de nombreux candidats au programme clairement favorable à la classe des travailleurs représenterait une sérieuse défaite pour l’establishment.
Leurs candidatures et leurs programmes sont également de nature à renforcer le mouvement social et les luttes qui se développent autour de revendications clefs, comme un accès pour tous aux soins de santé, un enseignement supérieur gratuit,… Le soutien pour le socialisme et les candidats ou organisations qui s’appuient sur le socialisme grandit, sans toutefois être toujours clair sur ce que cela signifie. Les marxistes doivent s’en servir pour défendre une rupture anticapitaliste socialiste.
Mais pour saisir l’ensemble du potentiel et transformer ces programmes électoraux progressistes en véritables campagnes offensives et mobilisatrices, il faudra construire une force politique organisée, indépendante de l’establishment et capable d’arracher des victoires, qui pourra clarifier ce que le ‘‘socialisme’’ signifie auprès des centaines de milliers de personnes pour qui le terme est attractif.