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  • Le mouvement ouvrier, le défenseur par excellence des conditions de travail

    La crise du coronavirus montre une fois de plus que le mouvement ouvrier est le meilleur atout pour de meilleures conditions de travail. Les syndicats agissent pour protéger les travailleurs encore au travail. Dans certaines entreprises, des militants et des délégués ont pris l’initiative d’exiger la cessation d’activités non essentielles. Ce faisant, le mouvement ouvrier fait ce qu’il a toujours fait et s’inscrit dans les traditions autour de la création du Premier Mai, la fête internationale des travailleurs.

    Par un délégué CGSP, article tiré de l’édition de mai de Lutte Socialiste

    La protection au travail améliorée par les luttes

    Dès le début du capitalisme il est apparu que les détenteurs de capitaux voulaient avant tout faire fructifier ce capital même si les salariés devaient travailler dans les pires conditions de travail: des journées de travail interminables, aucun dispositif de sécurité, aucune assurance sociale. La lutte pour l’amélioration des conditions de travail a donc occupé une place centrale dans les premières revendications du mouvement ouvrier. À la fin du XIXe siècle, il s’agissait entre autres de lutter contre le travail des enfants, contre le travail de nuit pour les femmes, pour la journée des 8 heures.

    La journée des 8 heures a été la revendication de la première grande journée de grève nationale organisée par les syndicats américains le 1er Mai 1886. Ce jour était connu aux États-Unis sous le nom de ‘‘Moving Day’’, le jour où de nombreux travailleurs recevaient un contrat pour la nouvelle année. Cette journée d’action fut un grand succès : quelque 340.000 travailleurs se sont mis en grève et, en plusieurs endroits, la journée de 8 heures a été appliquée.

    Mais, ce ne fut pas le cas à Chicago, un grand centre industriel à l’époque. La grève s’y poursuivit pendant plusieurs jours et dut faire face à une répression sanglante. Le 3 mai, la police tua 6 travailleurs en grève. Le lendemain, une manifestation de masse se rassembla place Haymarket. Pendant la manifestation, un provocateur lança une bombe sur la police qui répliqua en tirant au hasard sur les manifestants. Des dizaines de militants ouvriers furent arrêtés, certains furent condamnés à mort à l’issue d’un procès partial.

    Le mouvement ouvrier américain a dû se remettre de cette répression pendant un certain temps, mais a continué à mettre à l’ordre du jour la revendication d’une semaine de travail plus courte. Une autre journée de grève fut annoncée pour le 1er Mai 1890. Dans l’intervalle, les premiers partis ouvriers avaient été créés dans de nombreux pays en Europe. Ces partis ont organisé un congrès à Paris en 1889 qui a abouti à la fondation de la Deuxième Internationale. Pour souligner l’internationalisme du mouvement ouvrier, on décida de préparer une journée internationale d’action autour de la revendication de la journée des 8 heures. La proposition américaine de se joindre à la journée d’action du 1er mai 1890 à cette fin fut acceptée.

    Le 1er mai 1890, des grèves générales eurent lieu aux États-Unis, en Autriche-Hongrie, en Roumanie, en Suisse, en Allemagne, aux Pays-Bas et dans les pays scandinaves. Et aussi en Belgique : 150.000 travailleurs firent grève, et notamment 100.000 mineurs sur les 110 000 mineurs que le pays comptait à l’époque! En Angleterre et en Espagne, la grève a eu lieu un des jours suivants. C’est ainsi qu’a été instaurée la tradition de la journée d’action internationale du 1er Mai.

    Au cours des décennies qui ont suivi, le mouvement ouvrier a arraché de nombreuses conquêtes grâce à la lutte. Dans les pays industrialisés, par exemple, le travail des enfants a d’abord été limité, puis aboli. Des restrictions sur le travail de nuit ont été introduites. La protection au travail a été améliorée et, en Belgique, après la Seconde Guerre mondiale, elle a abouti au ‘‘Règlement Général sur la Protection au Travail’’ (RGPT).

    Le mouvement socialiste a continué à faire du 1er Mai un jour central de lutte. Dans 107 pays, le 1er Mai est devenu un jour férié officiel. La bourgeoisie voulait absolument éviter de perpétuer la tradition d’une journée internationale annuelle de grève…

    La crise du coronavirus démontre clairement à quel point cette lutte est toujours d’actualité

    La crise du coronavirus signifie que les traditionnels défilés, manifestations et discours du 1er Mai de cette année n’auront pas lieu. Cela ne signifie pas pour autant que cette journée de lutte soit moins importante : en temps de crise, les rapports de forces entre les classes sont plus évidents, et c’est le cas aujourd’hui.

    Dans cette crise du coronavirus, nous assistons à une lutte de classe acharnée autour de la question de savoir si les profits des entreprises priment sur le bien-être des travailleurs. L’inspection du travail a fait valoir que 85 % des entreprises inspectées ne respectaient pas les mesures de distanciation prescrites. Dans les supermarchés, le personnel et les syndicats ont dû passer à l’action pour faire respecter les mesures de sécurité. Dans les hôpitaux et les maisons de repos, les mesures d’austérité ont fait en sorte que les moyens de protection élémentaire font souvent défaut.

    L’épidémie du Coronavirus rappelle l’importance d’une sécurité sociale financée correctement. Elle met aussi en évidence le contraste entre d’un côté le dévouement et la solidarité manifestée pas les travailleurs qui sont en première ligne contre l’épidémie et d’autre part les multinationales qui veillent avant tout à accroître leurs profits.

    Cette crise montre aussi qu’un nombre important de fonctions exercées par celles et ceux qui sont première ligne contre le virus ont souvent des bas salaires: brancardiers et personnel de nettoyage dans les hôpitaux, personnel des grandes surfaces, transporteurs, facteurs qui distribuent le courrier et les colis. Il est également apparu clairement que beaucoup plus de travail peut être effectués parfaitement depuis chez soi, où la pression du travail peut être réduite en évitant les tâches inutiles. Cela montre que nous pouvons tout organiser différemment.

    Une société qui répond aux besoins réels de la population ne sortira pas de nulle part. Le mouvement ouvrier a doit pouvoir construire un rapport de forces et imposer le changement. Les pionniers du mouvement ouvrier au XIXe siècle ont initié la lutte pour de meilleures conditions de travail lors de la Journée internationale du 1er Mai. Continuons dans leur sillage pour élaborer un programme et une méthode pour y parvenir !

    Partons de revendications offensives pour octroyer un salaire équitable à ceux qui font tourner le monde aujourd’hui, en commençant par un salaire minimum de 14 euros de l’heure. Profitons de la productivité accrue pour réduire le temps de travail à 30 heures par semaine, sans perte de salaire et avec embauche compensatoire. Plaçons l’ensemble du secteur pharmaceutique sous le contrôle de la collectivité afin que la société décide des priorités dans la recherche de vaccins et de médicaments contre tous les virus et maladies qui frappent l’humanité. Assurons-nous de disposer de stocks stratégiques suffisants de matériel et d’une aide d’urgence pour lutter contre les crises. Les profits des multinationales doivent être saisis pour investir dans les soins de santé, l’enseignement, les transports publics et d’autres services publics essentiels.

    Les organisations syndicales sont les plus grandes organisations de ce pays et ils se sont encore développés pendant cette crise. Elles devraient utiliser un tel programme pour mener une intense campagne de sensibilisation dans les entreprises et dans la rue. Elles pourraient ainsi mettre en place un programme d’action pour construire un rapport de force étape par étape : de la sensibilisation aux petites mobilisations jusqu’à une mobilisation de masse.

    Nous avons besoin d’une telle stratégie : les capitalistes et leurs gouvernements feront tout leur possible pour faire payer la crise à la majorité de la population. Saisissons-nous des traditions de lutte du 1er Mai pour lancer notre propre offensive !

  • Le déconfinement en Belgique : travaille et tais-toi !


    La septième semaine de confinement pèse lourdement sur beaucoup de gens. Certains ont perdu leur revenu ou craignent pour leur emploi. Heureusement que le mouvement ouvrier s’est battu dans le passé pour qu’une sécurité sociale soit assurée pour amortir une partie du choc ! Beaucoup de gens souffrent du manque de contacts sociaux. En même temps, la crainte demeure : avec plus de 7.000 morts en Belgique, il est évident que le Covid-19 n’est pas une simple grippe. Sans un vaccin et un vaste programme de dépistage, il sera difficile de contenir le virus.

    C’est dans ce contexte que le Conseil national de sécurité a présenté de nouvelles mesures vendredi dernier. Si les règles de distanciation sociale et de semi-confinement auraient pu à l’époque être traduites par “reste dans ta chambre”, le plan de déconfinement pourrait être traduit par “travaille et tais-toi”. Remettre toute la production et la distribution sur les rails le plus rapidement possible, voilà le point de départ de la stratégie de sortie des différents gouvernements. Les contacts sociaux ou les conséquences psychologiques du confinement sont d’une importance secondaire dans cette stratégie. Le président du PTB, Peter Mertens, a bien résumé la situation : nous reverrons notre patron plus tôt que notre famille.

    Dans le Groupe d’Experts en charge de « l’Exit Strategy » (GEES), les scientifiques avaient préconisé un équilibre entre la relance économique et le rétablissement des contacts sociaux. Les patrons et leurs politiciens n’en voulaient pas : remettre tout le monde au travail le plus vite possible est leur principal objectif. Avec quel argument ? “La vie sociale n’est pas possible sans économie”, comme l’a déclaré Johnny Thijs, membre du GEES, l’homme qui a organisé un massacre social à Bpost et qui ensuite en est parti parce qu’il estimait que le plafond salarial dans les entreprises publiques était trop bas. Mais Johnny a de bonnes nouvelles pour ses collègues topmanagers : ils pourront à nouveau jouer au golf à partir du 4 mai.

    Ce n’est pas une surprise : ce sont les profits des entreprises qui priment. Ce que les travailleurs ressentent n’a pas d’importance tant qu’ils font leur travail. La limitation des contacts sociaux a également cela d’utile qu’elle assure que les gens parlent moins de la situation actuelle et de leur organisation pour défendre leurs droits et leurs intérêts ! Toute personne qui se sent mal à l’aise n’aura qu’à aller faire ses courses, une version moderne du fameux “Qu’ils mangent de la brioche.”

    La stratégie consistant à remettre tout le monde au travail le plus rapidement possible confirme indirectement un constat fait plus tôt dans cette crise du Covid-19 : sans notre travail, leur capital ne vaut pas un balle. Les priorités de la stratégie de sortie découlent de la composition du groupe d’experts et des gouvernements. Les travailleurs, y compris ceux qu’on qualifiait encore hier de héros, n’y sont pas représentés. Ce sont les patrons qui sont aux commandes, même si ce n’est pas sur eux qu’il a fallu compter pour tenir la société sur leurs épaules dans les moments les plus difficiles ! Dès le début de cette crise, nous avons défendu que ce sont les travailleurs qui doivent déterminer la stratégie de sortie : ce sont eux qui savent le mieux quelle production et quelle distribution sont essentielles et comment elles peuvent être réalisées en toute sécurité. C’est le mouvement des travailleurs qui a fait respecter la protection et la prévention au travail par la lutte.

    Outre la question des priorités dans la stratégie de sortie, la question de la préparation, de la planification et donc du calendrier se pose également. De nombreuses personnes attendent avec impatience la fin de l’isolement. C’était prévisible dès le premier jour des mesures. Mais où en sommes-nous dans cette septième semaine en termes de préparation et de planification ? Où sont les masques ? Où sont les centaines de milliers de tests ? Comment l’infrastructure délabrée de nombreuses écoles sera-t-elle adaptée à des mesures de protection strictes ? Beaucoup de choses ont été discutées et rediscutées et beaucoup de temps a été perdu. Des mesures efficaces telles qu’un plan public de dépistage de masse ou la réquisition de lignes de production pour produire du matériel de protection suffisant sur une base planifiée n’ont jamais été considérées. La politique d’austérité menée ces dernières décennies a rendu encore plus difficile de s’ajuster ç ce qu’exige une situation pareille. Tout cela ralentit toute possibilité de suppression progressive des mesures de confinement en toute sécurité. Pourquoi donc ? Pour une raison identique celle sui se trouve derrière les priorités de sortie du confinement : pour les patrons et leurs hommes politiques, seuls comptent les profits. Toute proposition qui va au-delà de la logique du profit est rejetée, même si elle est particulièrement logique et évidente. Nous devons en tirer les leçons : le capitalisme est un obstacle à notre santé et à notre avenir, la nécessité d’un modèle de société différent est plus absolue que jamais.

    Si cela ne dépend que des politiciens traditionnels, nous reviendrons au “business as usual” d’avant cette crise dès que possible. Mais cette “normalité” faisait partie du problème. Nous l’avons constaté dans les soins de santé et certainement dans les maisons de repos qui ont été abandonnées à la logique de profit et aux multinationales du secteur. Leur approche – “soins minimums, profits maximums” – a transformé les maisons de repos en maisons de la mort. Dans l’ensemble du secteur des soins, le manque de ressources et de personnel pèse lourdement. Pourtant, nous entendons déjà les premiers appels à continuer simplement à économiser sur les soins ! Le 18 avril, le plus grand journal de Flandre, Het Laatste Nieuws, a publié un article d’opinion d’une page entière dans lequel l’éditorialiste Jan Segers a écrit : “Il faut réformer et faire des économies, même dans le secteur des soins de santé.’’ Le personnel de santé est considéré aujourd’hui comme un héros, demain comme un poste de dépenses à alléger ? Nous ne pouvons pas accepter cela !

    Toute l’approche de cette crise, y compris le manque de préparation et de planification du déconfinement, illustre la faillite des politiciens établis et du capitalisme en général. Ce système ne repose pas sur les intérêts des travailleurs et de leurs familles. Une autre société est nécessaire, une société où la majorité de la population pourra décider ce qui est produit et de quelle manière. C’est ce que nous appelons le socialisme. Pour parvenir à cette autre société, nous devons nous organiser et entrer en lutte pour défendre nos droits et nos intérêts. Nous connaissons déj le premier rendez-vous : la grande manifestation de la santé à l’initiative de La Santé en Lutte !

  • Hong Kong : les migrantes portent le fardeau le plus lourd de la pandémie

    Peur de la maladie, surcharge de travail et annulation du jour de congé

    Par Vincent Kolo et Xiaxi Cai, Socialist Action, Alternative Socialiste Internationale à Hong Kong

    ‘‘Je n’ai pas eu un seul jour de congé en deux mois à cause du coronavirus”, explique Seputih, une employée de maison indonésienne. “Mon employeur me paie un jour de congé, mais en fait, il n’y a pas de jour de congé. Pour le bien de ma santé, j’accepte de ne pas le prendre”.

    Le dimanche, jour de congé obligatoire pour les travailleuses domestiques, était auparavant leur seule chance de se reposer, de se détendre et de rencontrer des amis. Mais sous l’impulsion du gouvernement de Hong Kong qui les pousse à rester chez elles, elles sont coincées dans leur environnement de travail de manière permanente. Certains ont été menacés de licenciement par leur employeur qui craignait d’introduire le virus dans leur foyer si elles étaient autorisées à sortir le dimanche. La même logique ne s’applique pourtant pas lorsque ces travailleuses sont envoyées faire des courses ou promener le chien.

    Le coronavirus a été un coup dur pour les travailleurs du monde entier, avec le confinement, des fermetures d’entreprises et des pertes de revenus. Mais ce sont les secteurs les plus pauvres et les plus vulnérables de la classe ouvrière qui en supportent le plus lourd fardeau. À Hong Kong, il s’agit des 400.000 travailleurs migrants, pour la plupart originaires d’Indonésie et des Philippines. Ils et elles sont confrontés à une charge de travail considérablement accrue, à des heures de travail plus longues et à des restrictions encore plus importantes concernant leur liberté et leur vie privée.

    Si le confinement signifie d’avoir moins de travail, ou même pas du tout, pour beaucoup de gens à travers le monde, pour les travailleurs domestiques, cela implique plus de travail que jamais, sans salaire supplémentaire bien entendu. Le sort des travailleurs domestiques migrants de Hong Kong a été condamné comme un “esclavage moderne” dans de nombreuses études mondiales, bien que leurs homologues travaillant en Arabie Saoudite et dans d’autres États du Golfe soient confrontés à des conditions encore plus difficiles et plus oppressantes. A Hong Kong la surcapitaliste, où l’infrastructure sociale a été longtemps négligée, la main-d’œuvre féminine immigrée, mal rémunérée, est le substitut du gouvernement pour la mise en place de systèmes viables de garderies, d’activités extrascolaires et de soins aux personnes âgées.

    La fermeture des écoles

    “J’ai beaucoup plus de travail maintenant parce que le fils du patron ne va pas à l’école, mais monsieur et madame travaillent toujours”, dit Vant, amie de Seputih elle aussi issue de l’immigration indonésienne. Comme beaucoup d’autres travailleuses domestiques, s’occuper des enfants fait partie de son travail.

    Dans une enquête récente de l’Asian Migrants Coordinating Body (AMCB), plus de la moitié des travailleurs domestiques ont déclaré que leur charge de travail avait augmenté depuis le début de l’épidémie. Les écoles étant fermées depuis dix semaines et les personnes âgées étant le groupe à risque le plus vulnérable, ces charges supplémentaires pèsent en grande partie sur les travailleurs migrants. En outre, comme beaucoup plus de personnes travaillent désormais à domicile, les travailleuses domestiques sont plus étroitement surveillées et supervisées par les employeurs.

    La règle stricte de l’internat, une loi extrêmement oppressive et envahissante même en temps normal, est devenue plus insupportable pendant l’épidémie. En vertu de cette loi, les travailleuses domestiques – qui n’ont souvent pas de chambre individuelle – sont obligées de vivre avec leur employeur. Les sanctions pour violation de cette loi sont de lourdes amendes, des peines de prison et l’expulsion. Il n’est pas possible de “rentrer chez soi” à la fin d’une journée de travail. Les appartements de Hong Kong sont les plus petits au monde, en moyenne environ la moitié de la taille des appartements du quartier de Manhattan à New York et 60 % plus petits que ceux de Singapour.

    La moitié du monde connaît une forme de “fièvre de la cabine”, c’est-à-dire l’enfermement prolongé dans un espace restreint, qui a des conséquences inévitables sur la santé mentale. Mais c’est encore pire lorsque vous n’êtes pas un membre de la famille, mais leur “bonne”. Les employées de maison peuvent ainsi devenir une sorte d’amortisseur dans le ménage dès lors que l’atmosphère devient plus aigrie.

    Il est également beaucoup plus difficile pour les travailleuses domestiques de prendre une pause ou même d’utiliser leur téléphone pendant la pandémie.

    “La plupart de mes amies sont déprimés par cette situation”, explique Seputih. “L’employeur travaille tous les jours à la maison, donc parfois le travail ne s’arrête pas. Il n’y a pas de liberté, par exemple, si vous voulez téléphoner à votre famille au village [en Indonésie], vous devez attendre que l’employeur aille d’abord dans les magasins”.

    La pandémie, associée à la récession capitaliste, a déclenché une vague de destruction économique et de licenciements dans le monde entier, y compris en Indonésie et aux Philippines, ce qui a mis une pression encore plus forte sur les travailleurs migrants à Hong Kong. Ces derniers craignent d’être licenciés et ont peur d’être infectés, ce qui, dans de nombreux cas, entraînerait de facto leur licenciement.

    Aux Philippines, 500.000 emplois ont déjà été détruits au cours des deux derniers mois. Le gouvernement indonésien avertit que la crise Covid-19 pourrait entraîner la perte de 5,2 millions d’emplois et 3,8 millions de personnes supplémentaires sous le seuil de pauvreté. Ce sont des sociétés sans filet de sécurité ni assurance chômage : pas de travail, pas de salaire ! Même avant cette crise, les travailleurs migrants de Hong Kong étaient souvent les principaux soutiens de leur famille dans leur pays d’origine, y compris, dans de nombreux cas, leurs propres enfants, auxquels ils rendent normalement visite une fois par an. Leur éducation, leurs frais médicaux et leur survie économique dépendent des revenus que leurs mères peuvent gagner à Hong Kong.

    Socialist Action (section d’Alternative Socialiste Internationale à Hong Kong) exige le rétablissement immédiat du jour de repos des travailleurs migrants. Mais cela nécessite également de nouvelles politiques pour mettre fin au dumping scandaleux des travailleuses domestiques qui sont forcés de se réunir sur des passerelles et dans des parcs parce qu’il n’y a pas d’installations abordables pour leur permettre de se réunir. Comme à tous les autres niveaux, le gouvernement offre aux travailleurs migrants le minimum absolu de services. Socialist Action exige que le gouvernement investisse dans la construction ou l’extension des installations communautaires publiques existantes afin de permettre aux travailleurs migrants d’étudier, d’utiliser internet, d’organiser des réunions, des fêtes et des activités de loisirs dans des conditions sûres.

    Il y a actuellement environ 87.000 chambres d’hôtel vides à Hong Kong en raison de l’effondrement du tourisme, il y a partout des “hôtels fantômes”. Comme mesure de crise immédiate, ces chambres pourraient être réquisitionnées pour offrir gratuitement aux travailleurs migrants un répit hebdomadaire de 24 heures pour se remettre de leurs conditions de travail quotidiennes claustrophobes. L’industrie hôtelière, comme d’autres capitalistes, réclame un renflouement des autorités, mais il ne devrait pas y avoir de paiement sur les fonds publics sans un contrôle public total et un accès à ces ressources.

    Nous demandons que les travailleurs migrants puissent eux aussi disposer des 10.000 HK$ de liquidités spéciales que le gouvernement distribue à tous les résidents permanents de Hong Kong. La raison pour laquelle le gouvernement a émis cette prime unique (en accord les mesures prises par d’autres gouvernements, ce que l’on appelle ‘‘l’argent hélicoptère’’) est d’atténuer les effets économiques de la pandémie et de soutenir l’économie en effondrement, en particulier le secteur du commerce de détail. En suivant ces arguments, il est non seulement injuste mais aussi illogique d’exclure les travailleurs migrants qui ont plus que quiconque besoin de cet argent, notamment pour acheter des masques et des désinfectants, que les employeurs sont censés fournir mais qui, dans de nombreux cas, font défaut.

    Les politiques scandaleuses du gouvernement envers les travailleurs migrants doivent être abandonnées, à commencer par la loi de la résidence et la loi des deux semaines (qui oblige les migrants à quitter Hong Kong après 14 jours s’ils sont licenciés et ne peuvent pas obtenir de nouveau contrat). Ces deux mesures de police sociale limitent tout particulièrement les droits et la mobilité des femmes migrantes.

    Le salaire minimum admissible du travailleur migrant, qui est de 4 630 HK$ par mois, et qui constitue la norme plutôt qu’un minimum, doit être augmenté. Socialiste Action exige que les migrants soient inclus dans la loi sur le salaire minimum, en abolissant cette discrimination une fois pour toutes. Mais le salaire minimum (actuellement 37,50 HK$ de l’heure) est de toute manière bien trop bas, y compris pour les travailleurs locaux. Plutôt que de s’opposer à l’extension du salaire minimum aux migrants comme étant “trop coûteux”, les dirigeants syndicaux devraient se concentrer sur la nécessité d’une lutte organisée pour arracher des améliorations, en particulier à un moment où le gouvernement noie l’économie dans l’argent pour protéger les intérêts capitalistes des effets de la crise.

    S’organiser et lutter !

    Les travailleurs migrants comme le reste de la classe ouvrière de Hong Kong doivent s’organiser dans des syndicats et des organisations politiques de la classe ouvrière afin de pouvoir imposer la négociation collective, de faire grève et de défendre leurs droits. Mais il ne faut pas les laisser se débrouiller seuls.

    La récente vague de nouveaux syndicats de Hong Kong, encore à un stade précoce, doit tendre la main et offrir une solidarité et un outil syndical commun aux travailleurs migrants ou non. Ce serait un erreur d’avoir des syndicats de migrants séparés. Ces migrants représentent les dix pour cent les plus exploités de la main-d’œuvre de Hong Kong, mais ils partagent également une riche expérience des luttes des travailleurs sur le continent asiatique, avec des liens internationaux de première importance. C’est un élément qui fait défaut et dont les syndicats émergents ont besoin.

    Seule une lutte commune de tous les travailleurs, quelle que soit leur nationalité, peut tenir la ligne contre la vague d’attaques contre les droits et libertés des travailleurs, leurs emplois et leurs moyens de subsistance, qui a été déclenchée par cette crise.

    Socialist Action (ASI-Hong Kong) a organisé de nombreuses campagnes avec les travailleurs migrants afin de lutter pour leurs droits et de construire une lutte unifiée de la classe ouvrière – contre le racisme, le sexisme et l’esclavage moderne. Dans le contexte actuel d’effondrement économique capitaliste sans précédent et d’urgence sanitaire, cette lutte est plus urgente que jamais. Rejoignez-nous !

  • L’UE et le Covid-19 : Un accord pour 540 milliards d’euros qui ne résout rien

    À ce stade, la principale dynamique va dans le sens d’une plus grande désintégration de l’UE et d’une concurrence accrue au sein de celle-ci.

    La semaine dernière a été marquée par un affrontement majeur entre les ministres des finances de la zone euro. Une réunion de 16 ministres s’est terminée par une impasse avant qu’une autre réunion, qui a permis de sauver la face, n’adopte des mesures d’une valeur maximale de 540 milliards d’euros. Cette décision a été annoncée en fanfare comme une avancée et un “changement de cap” concernant la réponse de l’UE à cette crise et aux problèmes structurels de l’euro. Cependant, en examinant en détail ce qui a été convenu, il devient assez vite évident que le fonds de 540 milliards d’euros n’est pas le “changeur de jeu” que les gros titres suggéraient.

    Analyse de Finghin Kelly, Socialist Party (Irlande) et ancien collaborateur parlementaire au Parlement européen 

    Qu’est-ce qui a été convenu exactement ?

    Ce paquet de mesures est un mélange de fonds existants reconditionnés, comme le programme de garantie de l’emploi de 100 milliards d’euros de la Commission. Des garanties supplémentaires sont également prévues pour la Banque européenne d’investissement (BEI) afin de lui permettre de prêter 200 milliards d’euros supplémentaires aux États membres.

    La plus grande partie de cette enveloppe est destinée à financer le mécanisme européen de stabilité (MES) à hauteur de 240 milliards d’euros. Le MES est un fonds existant qui a été créé à la suite de la dernière récession et de la crise de l’euro. Il est assorti de conditions strictes qui imposent des mesures d’austérité rigoureuses à tout État qui fait appel au fonds. Ces fonds ne représentent pas une rupture avec les politiques favorables aux entreprises. Ils visent principalement à fournir des aides aux entreprises privées.

    Une autre difficulté réside dans le fait que les fonds doivent être “préparés” pour atteindre les 540 milliards d’euros et qu’ils dépendent fortement des prêts des marchés financiers. Par exemple, les 100 milliards d’euros de la Commission pour une garantie de l’emploi ont été obtenus par des emprunts sur les marchés monétaires privés.

    Tout gouvernement ayant accès à ces fonds devra contracter une dette publique plus importante. Les fonds publics devront donc la rembourser à long terme, ce qui constituera un poids mort pour l’économie et les dépenses publiques dans les années à venir.

    Il reste à voir si cette enveloppe de 540 milliards d’euros sera effectivement utilisée dans son intégralité. En raison des conditions imposées et du fait que de nombreux États peuvent obtenir des fonds à moindre coût ailleurs, de nombreux gouvernements ont déjà indiqué qu’ils n’y auraient pas accès. Le ministre des finances irlandais, Paschal Donohoe, aurait déclaré que l’Irlande n’aurait probablement pas accès à la partie du fonds consacrée au mécanisme de garantie de marché : “Étant donné que nous sommes actuellement en mesure d’emprunter à un quart de point de pourcentage, il est très probable que l’Irlande pourra trouver des conditions intéressantes (pour financer ses propres programmes)”.

    Les “Coronabonds”

    La question la plus controversée lors de la réunion des ministres des finances a été celle des “coronabonds”. Les coronabonds ont été proposés par le gouvernement italien et soutenus par les gouvernements français, espagnol et six autres gouvernements. Ces obligations sont essentiellement un réaménagement de la proposition d’”euro-obligation” qui avait été présentée lors de la dernière récession. L’idée est que la zone euro vendrait des obligations et lèverait des fonds à des taux plus avantageux que ceux que de nombreux États membres pourraient obtenir individuellement.

    Cela signifierait que des États comme l’Italie, l’Espagne et la Grèce, qui ont des difficultés à accéder à des crédits bon marché en raison de leur niveau d’endettement élevé et de l’affaiblissement de leur économie, pourraient obtenir des financements à de meilleures conditions grâce aux meilleures notations de crédit de pays comme l’Allemagne, les Pays-Bas et la Finlande. Le capitalisme néerlandais ou allemand pourrait ainsi se porter garant de la dette utilisée pour financer les dépenses publiques dans d’autres États.

    Avec le capitalisme allemand à leurs têtes, ces États ont insisté sur des conditions strictes à toute émission de dette commune et ont essentiellement bloqué la proposition. Cette aile des capitalistes de l’UE a gagné la manche la semaine dernière, bien qu’elle ait fait une concession sur l’assouplissement des conditions pour les dépenses de santé liées au Covid-19, et une maigre concession pour accepter de discuter des coronabonds à l’avenir.

    Les tensions au sein de l’UE

    Cela a montré que les tensions au cœur de l’euro et de l’UE elle-même n’ont pas disparu. La contradiction fondamentale d’une monnaie commune sans mécanismes internes pour corriger les déséquilibres entre les États existe toujours. Cette contradiction met en évidence l’incapacité des différentes classes capitalistes en Europe, qui sont en concurrence les unes avec les autres, à s’intégrer économiquement.

    L’UE aime à se présenter comme un organisme qui promeut la coopération et la solidarité internationales. Cependant, l’arrivée du Covid-19 sur le continent a rapidement fait apparaître cela comme de simples phrases creuses. Nous l’avons vu avec l’échec de la proposition de “coronabonds”, mais cela a été évident dans de nombreux domaines.

    Les frontières entre les États ont été rapidement fermées sans pratiquement aucune planification, laissant de nombreuses personnes bloquées. Les États baltes ont même dû affréter des ferries pour rapatrier leurs citoyens après la fermeture de la frontière polonaise.

    Le plus choquant est que de nombreux gouvernements ont également agi rapidement pour empêcher le partage de biens médicaux vitaux, notamment le gouvernement allemand qui bloque l’exportation de produits médicaux vitaux vers l’Italie et le gouvernement français qui bloque les masques à destination de l’Espagne et de l’Italie. Le fait que ces mesures aient été prises alors que les taux d’infection et de mortalité en Italie et en Espagne étaient en hausse et que les services de santé étaient débordés ne sera pas oublié par les travailleurs de ces pays et a porté atteinte au projet européen.

    540 milliards d’euros seront-ils suffisants ?

    La zone euro se dirige vers la récession la plus sévère de son histoire. La Banque centrale européenne (BCE) le reconnaît. Son vice-président a déclaré que l’Europe risque d’être confrontée à une récession plus grave que le reste du monde.

    L’économie française s’est contractée de 6 % au cours du dernier trimestre et on estime qu’elle se contracte de 1,5 % tous les quinze jours tant que les restrictions resteront d’application. L’économie allemande devrait également se contracter fortement, de 10 % selon les estimations, au cours du deuxième trimestre de cette année, tandis que l’Italie devrait se contracter de 9,6 % et l’Espagne de 8,9 %.

    La zone euro devrait voir son économie se contracter de 13 % cette année. Pour replacer cela dans son contexte, le pire déclin de la dernière récession a été de 4,5 %.

    Avant la crise du Covid-19, il était clair que la crise de la dette de l’Europe n’avait pas disparu. La dette publique de la zone euro, en pourcentage du PIB, s’élève à 84 %, soit près de 20 % de plus qu’en 2008. Elle devrait atteindre 112 % en 2022, et même 167 % pour l’Italie. Les banques italiennes ont également un nombre colossal de créances douteuses et étaient déjà en difficulté. L’Italie est le nouveau maillon faible de la zone euro, qui sera mis en évidence lorsque les restrictions seront levées.

    Ashoka Mody, qui était auparavant directeur adjoint du FMI en Europe, a déclaré que l’État italien à lui seul aura besoin de 500 à 700 milliards d’euros pour empêcher une réaction en chaîne financière due à une crise bancaire et de la dette souveraine. Mody souligne que l’on ne peut pas compter sur l’UE pour fournir un tel “pare-feu” et a appelé le capitalisme mondial à intervenir.

    La dernière récession a déclenché une profonde crise de l’euro. Cependant, cette fois-ci, l’économie italienne représente un bien plus gros morceau que la Grèce, l’Irlande, Chypre ou le Portugal. L’Italie est la troisième plus grande économie de l’UE, elle a une dette publique d’environ 2 400 milliards d’euros et ses banques ont des actifs d’environ 5 000 milliards d’euros. La situation en Italie sera un test majeur de l’euro et de l’UE, un test qui pourrait menacer l’existence de l’euro tel que nous le connaissons.

    Vers la division?

    Outre la nature précaire de l’économie et du système bancaire italiens, plusieurs autres facteurs constituent des difficultés pour la zone euro. L’UE entre dans cette crise dans le contexte d’une récession mondiale et n’est donc pas en mesure d’utiliser la croissance fondée sur les exportations pour atténuer la crise comme elle l’a fait lors de la dernière crise. La BCE est déjà intervenue pour injecter de l’argent dans le système, mais avec des taux d’intérêt historiquement bas et un assouplissement quantitatif (QE) déjà déployé en nombre record, la BCE a moins de marge de manœuvre pour avoir un impact.

    L’UE fait face à cette récession avec une capacité politique moindre à mettre en œuvre des politiques d’austérité après que les partis traditionnels du capitalisme soient tombés comme des dominos après avoir appliqué des politiques d’austérité. Un autre cycle d’austérité imposé par l’UE se heurtera à une forte opposition anti-UE et à la croissance de forces qui favorisent le départ de l’UE. Déjà en Italie, le sentiment anti-européen s’est accru suite au blocage d’équipements médicaux essentiels dans l’UE. Une imposition de mesures d’austérité en Italie par l’UE pourrait représenter un point de basculement.

    Le départ d’un autre État de l’UE aurait lieu alors que l’UE est encore en train de gérer le départ du Royaume-Uni, ce qui représente un coup dur pour le prestige et la position de l’UE et pose des questions existentielles concernant le projet européen, et ce à un moment où s’intensifie la concurrence d’autres blocs capitalistes tels que les États-Unis, la Chine et la Russie.

    Compte tenu de l’ampleur de la crise à laquelle le capitalisme est confronté dans l’UE, l’existence même de l’UE et de l’euro peut être posée de manière brutale. Un effondrement incontrôlé de l’euro serait un désastre pour toutes les puissances capitalistes de l’UE. Dans un tel climat, il ne peut être exclu que la pression soit telle que les États capitalistes du “Nord” soient contraints de s’orienter vers une intégration accrue, et même vers un certain degré d’endettement commun comme des programmes limités de “coronabonds”, ou éventuellement vers un élargissement et une modification du fonds MES.

    Toutefois, dans l’ensemble, la principale dynamique à ce stade va dans le sens d’une plus grande désintégration et d’une concurrence accrue au sein de l’UE.

    Pour une Europe socialiste contre l’UE des patrons

    Cela démontre que malgré l’effet d’entraînement de l’UE, les barrières de l’État-nation n’ont pas été fondamentalement surmontées. L’UE est en fin de compte un rassemblement de classes capitalistes nationales pour concurrencer d’autres blocs économiques au niveau mondial, mais en même temps, ces classes capitalistes se font concurrence les unes avec les autres pour les profits et l’influence mondiale. Toute intégration vise uniquement à défendre leurs propres intérêts et se fait au détriment des droits des travailleurs et de leurs conditions de vie. Ces classes capitalistes sont incapables d’une véritable intégration et d’une réponse internationale pour faire face à la crise du Covid-19 ou à tout autre défi auquel nous sommes confrontés, comme le changement climatique et l’inégalité.

    La seule force qui peut amener une véritable coopération internationale est la classe ouvrière. La classe ouvrière n’a aucun intérêt à mettre en balance les profits et la sécurité des gens, ni à imposer des politiques néolibérales ou à nier les droits des travailleurs dans d’autres pays.

    Une Europe socialiste ne peut pas être construite pas à travers le club capitaliste qu’est l’UE. Elle se construirait au contraire sur la base d’une véritable solidarité entre travailleurs. Elle verrait l’utilisation démocratiquement planifiée des vastes ressources du continent de sorte qu’au lieu que les travailleurs soient dressés les uns contre les autres par l’establishment capitaliste et l’extrême droite, ces richesses pourraient être partagées et utilisées pour garantir l’accès de tous aux services publics, aux emplois et à un avenir décent tout en mettant fin aux inégalités et aux discriminations, en protégeant l’environnement et en mettant fin à l’exploitation impérialiste des anciennes colonies du capitalisme européen.

  • Tunisie. Levée du confinement : les vampires capitalistes poussent les travailleurs à la mort

    Des avis divergents sont récemment apparus concernant la levée du confinement général ou l’approbation de sa prolongation pour deux semaines supplémentaires en Tunisie. Ces réponses s’inscrivent dans le cadre d’une politique soutenue par les propriétaires des grandes institutions capitalistes qui demandent la levée de l’immobilisation et le retour des travailleurs au travail, tout en maintenant les formes minimales de distanciation sociale pendant les heures de travail.

    Par Aymen Baccouche, Tayaar al’Amael al’Qaaedi, section tunisienne d’Alternative Socialiste Internationale

    Chacun est pleinement conscient de l’échec sur le terrain de mesures telles que le port de masques de protection et l’utilisation d’outils de stérilisation pour protéger les travailleurs et leurs familles contre le risque de transmission de l’infection. Étant donné le manque d’installations sanitaires et logistiques, ainsi que la détérioration de longue date du système de santé publique et du réseau de transport public qui assure la circulation des travailleurs sur leur lieu de travail, c’est une recette pour une catastrophe.

    La situation dans ces deux secteurs résulte de politiques économiques et de choix de développement appliqués par les gouvernements successifs pendant des décennies. Ces politiques ont complètement sapé la majorité des droits de la population à la dignité et à une vie saine.

    Les appels à la reprise du travail s’accompagnent d’une campagne systématique menée par certaines sections des médias privés, qui a clairement frôlé l’utilisation de menaces directes, comme le fait de ne pas assurer les salaires des travailleurs s’ils refusent de reprendre le travail. Tout cela se fait sous le prétexte de “sauver l’économie de l’effondrement” et du “retour de la production”.

    C’est une erreur majeure qui trompe l’opinion publique, mais c’est aussi un chantage utilisé pour échapper au coût de la crise et le décharger sur la classe ouvrière. Cette manœuvre révèle comment l’avidité et les tentatives de maximisation des profits de la classe dirigeante priment sur la mise en danger des gens ordinaires, qui se retrouvent directement exposés à un virus qui menace leur sécurité et celle de leurs familles.

    D’autre part, les conditions de vie sont devenues étouffantes et même menaçantes pour de larges catégories de la population tunisienne, qui ne peuvent plus tolérer un enfermement prolongé, étant donné que les mesures d’aide sociale et financière approuvées par le gouvernement ne sont pas suffisantes pour maintenir les conditions minimales de vie quotidienne.

    Les décrets et les mesures approuvés par le gouvernement ne diffèrent pas, en substance, de l’approche néo-libérale. Ils reviennent à poursuivre des politiques économiques fondamentalement hostiles aux intérêts des travailleurs et des masses populaires. L’”union sacrée” établie entre les patrons et la direction de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) pour approuver ces mesures est déjà en train de se fissurer, alors que la classe ouvrière et les familles pauvres souffrent du confinement et de ce qui s’avère déjà être la pire récession économique depuis l’indépendance du pays en 1956.

    L’une de ces mesures est l’allocation de 2.500 millions de dinars pour lutter contre le coronavirus au niveau économique et social. 62% de cet argent, soit environ 1.550 millions de dinars, vont au secteur privé, et seulement 150 millions de dinars vont à l’aide aux familles démunies. En réalité, ce dernier montant est le même que celui alloué précédemment dans le budget 2020 pour environ 205.000 familles.

    En outre, environ 180 millions de dinars ont été déduits des salaires des travailleurs des secteurs public et privé. On dit que cette déduction est nécessaire pour couvrir le déficit de l’État ; or la baisse du prix du pétrole d’un dollar est censée libérer environ 10 millions de dinars de revenus supplémentaires pour le budget de l’État. La baisse du prix du pétrole a maintenant atteint environ 26 dollars. Au lieu que l’État garantisse les besoins des familles pauvres, ce sont les travailleurs qui sont privés de leurs revenus déjà maigres, tandis que les propriétaires de capitaux sont protégés et récompensés par un important renflouement.

    Pendant ce temps, ces mêmes capitalistes, par la voix de leur organisation, la Confédération tunisienne de l’industrie (UTICA), font pression pour un démantèlement du code du travail, sous prétexte que les heures de travail perdues pendant la période de confinement devront être “compensées” en introduisant plus de flexibilité dans la législation du travail en matière de congés payés, d’heures supplémentaires, etc.

    Le gouvernement tunisien a également obtenu un prêt d’urgence de 743 millions de dollars du Fonds monétaire international (FMI). En échange, il s’est engagé à poursuivre les “réformes” – telles que la réduction des salaires dans le secteur public et des subventions publiques à l’énergie. C’est ce que le ministre des finances a à l’esprit lorsqu’il déclare qu’en tant que gouvernement, ils vont prendre des “mesures douloureuses” ; bien sûr, cela ne signifie que douloureux pour les travailleurs et le peuple.

    La décision de lever ou non le confinement ne doit pas être laissée entre les mains du gouvernement actuel ni des groupes d’entreprises qui guident ses choix. Il doit s’agir d’un choix démocratique fait par les travailleurs eux-mêmes, informés par des avis médicaux et scientifiques indépendants, sans aucune pression politique ni aucun diktat extérieur.

    La levée progressive du confinement ne peut être entamée qu’après avoir évalué avec certitude que l’épidémie de l’infection à Covid-19 a été maîtrisée et que des mesures proactives ont été prises pour assurer une protection totale à tous, sans exception.

    Les salaires des ouvriers et des employés de tous les secteurs devraient être garantis, et aucune des mesures actuelles prises dans le cadre du confinement ne devrait être utilisée pour réduire les salaires des travailleurs ou pour exclure définitivement des travailleurs de leur emploi. Les aides financières allouées aux travailleurs nécessiteux et occasionnels devraient être octroyées dans l’industrie et l’agriculture. Des allocations spéciales devraient être accordées à tous les chômeurs.

    Des comités de coordination locaux devraient être constitués sous contrôle démocratique pour distribuer les subventions financières et l’aide sociale dans les communautés. Les contrôles sanitaires et commerciaux devraient être renforcés pour les réseaux de distribution, les magasins et les marchés. Les prix des produits de base doivent être plafonnés et les activités spéculatives des monopoles doivent cesser. Ceci est particulièrement important à l’approche du mois de Ramadan.

    En cette période exceptionnelle de croissance de la propagation de l’épidémie, nous renouvelons notre appel pour que les hôpitaux, sanatoriums et autres établissements médicaux privés deviennent propriété publique et soient placés sous le contrôle de représentants des travailleurs de la santé publique.

    Le nombre total de tests effectués a été bien inférieur à ce qui est requis. À peine plus de 3 000 tests ont été effectués entre la première détection, le 2 mars, et la fin du mois. Le peuple tunisien ne peut attendre, il est donc urgent d’intensifier les tests quotidiens de masse, afin de compter, de tracer et de contenir le nombre de personnes potentiellement infectées.

    L’intensification des campagnes de sensibilisation sur l’importance du respect du confinement est un facteur important pour surmonter cette crise épidémique – mais elle doit s’accompagner de garanties réelles et de procédures claires pour assurer les moyens de subsistance quotidiens de tous les citoyens.

    Le recours aux campagnes de dons n’est pas une solution pour faire face à une crise qui s’aggrave à tous les niveaux, mais juste un autre moyen de faire payer aux travailleurs et aux pauvres le manque d’investissement dans nos infrastructures de santé qui dure depuis des décennies. Nous renouvelons donc notre appel en faveur d’une augmentation des impôts pour les grandes entreprises et les particuliers riches, afin d’investir dans la construction d’un système de santé publique intégré qui réponde aux besoins de toutes les personnes en matière de soins et de traitement, dans de bonnes conditions. Les grandes entreprises qui refusent d’accepter de tels prélèvements ou qui recourent au chantage à l’emploi ou à l’investissement devraient être nationalisées sous le contrôle des travailleurs.

    Toute la dette extérieure devrait être annulée et il faudrait mettre fin à toutes les mesures d’austérité imposées par le FMI. Nous demandons l’imposition d’un contrôle étatique sur les flux de capitaux pour stopper la fuite des capitaux, et la nationalisation de toutes les banques privées.

    Les appels lancés par les économistes traditionnels et les propriétaires de capitaux pour lever le confinement et reprendre le travail ne sont pas seulement une caractéristique de cupidité isolée ici et là ; ils représentent plutôt une caractéristique inhérente au système du capitalisme, qui expose la vie de peuples entiers à des dangers permanents sans aucun égard pour la vie humaine.

    L’objectif du système est d’accumuler des profits pour une minorité de vampires humains aux dépens de milliards de travailleurs, de pauvres et de marginaux. Dans la poursuite de cet objectif, il a transformé la vie humaine en une marchandise, répandant dans son sillage la faim, la misère, les guerres et les crises. Les aspirations des peuples à un monde fondé sur la liberté, la justice sociale et la véritable dignité humaine ne peuvent se réaliser dans ce système capitaliste. La voie alternative pour l’émancipation de l’humanité est la lutte internationale pour une société socialiste

  • [Crise du coronavirus] Stop à l’incertitude et aux inégalités dans l’enseignement

    Tous les cours sont suspendus depuis le 16 mars. Les élèves de l’enseignement primaire et secondaire ainsi que les adultes qui font des formations en alternance reçoivent à présent (lorsque c’est possible) des devoirs. Les étudiants dans le supérieur suivent eux des (+/-) cours en ligne. La date et les modalités de réouverture des écoles ne sont pas claires, différents scénarios sont en cours de préparation. Les universités et les hautes écoles ont décidé de maintenir tous les cours et, dans certains cas, les évaluations en ligne, mais à ce niveau là encore, c’est l’incertitude.

    Point de vue des Etudiants de Gauche Actifs

    Enseignement obligatoire

    Les inégalités sont énormes dans l’enseignement en Belgique : à la fin de sa scolarité obligatoire, il y a un écart d’apprentissage équivalent à 3 ans entre les riches et les pauvres. Et cet écart va encore s’accroître avec cette crise du coronavirus.

    Dans l’enseignement – qui a subi des restrictions budgétaires durant des années – il n’était pas du tout possible de prendre des mesures de précaution. Les classes sont surpeuplées, il n’y a pas assez d’installations sanitaires, (sans même parler des poubelles qui ne peuvent pas être fermées contrairement aux recommandations sanitaires).

    Jusqu’à présent, les élèves des écoles primaires et secondaires se voyaient confier des tâches facultatives qui leur permettaient de rester dans le « rythme scolaire ». Malgré que le travail donné aux élèves doit théoriquement pouvoir être réalisé en parfaite autonomie (circulaires ministérielles), donc sans le soutien des parents, un soutien et un accompagnement des élèves est bien souvent nécessaire. Certaines écoles plus élitistes poussent le corps enseignant à vérifier que les travaux sont bien effectués et à en tenir compte lors des conseils de classe en fin d’année ! De plus, à partir d’aujourd’hui en Flandre, il est autorisé d’avancer dans de la nouvelle matière selon le nouveau concept du « preteaching ».

    Déjà qu’avec des classes surpeuplées c’est compliqué pour les enseignants d’avoir un suivi individuel de leurs élèves, là ça devient carrément mission impossible avec la pression énorme qui s’ajoute ! Les enseignants doivent, en plus de travailler à distance avec ses élèves, s’occuper de leurs propres enfants et/ou des membres de sa famille. Et en ce qui concerne le retard pris, il semble que les politiciens n’en parlent qu’en temps de pandémie. La ligue des familles rappelait déjà en février dernier que les élèves rataient 6 semaines de cours par ans parce que les absences de profs n’étaient pas remplacées. Qu’ont fait ces ministres à ce moment-là ? Rien du tout ! Ils savent pourtant que ces absences sont dues aux mauvaises conditions de travail des enseignants, et avec cela la faible rémunération (et la dévalorisation qui s’en suit) de cette profession.

    Les inégalités sociales sont encore plus visibles dans l’enseignement à distance, que ce soit dans l’enseignement obligatoire ou dans le supérieur. Tout le monde n’a pas un endroit calme et les moyens de travailler pour l’école (ordinateur, internet) et tous les parents ne peuvent pas aider avec les travaux scolaires (ils doivent eux-mêmes travailler, ne parlent pas couramment la langue, n’ont pas reçu de formation dans ce domaine,…). De plus, la prise en charge des jeunes frères et sœurs, d’un parent malade ou d’autres membres de la famille repose parfois sur les épaules des jeunes. Aussi, tout le monde n’a pas une situation familiale sûre.

    Apprentissages pratique dans le secondaire et le supérieur

    Les stages pratiques et les cours pratiques ont été annulés. En conséquence, les élèves et les étudiants obtiendront leur diplôme avec un retard ou sans avoir acquis les compétences nécessaires. Et avec la crise du coronavirus, les étudiants qui suivent l’enseignement par crédits seraient obligés de repasser les crédits en cours. Un coût que beaucoup ne peuvent pas se permettre !

    Enseignement supérieur

    L’incertitude continue. Les modalités d’évaluation et les critères de réussite ne seront clarifiés que d’ici le 27 avril au plus tard, soit un mois avant le début de la session des examens, ce qui laisse peu de temps aux étudiants pour se préparer ! En plus de cela, même lorsque l’enseignement à distance est assuré, il reste toujours de moins bonne qualité que l’enseignement classique (du fait principalement qu’on ne peut plus interagir avec l’enseignant et des problèmes informatiques). Quant aux étudiants, beaucoup sont seuls dans leur kot à devoir se préoccuper du paiement de leur loyer (alors qu’ils ne peuvent plus ou ne sont plus autorisés à exercer leur job étudiant) et, pour les autres, ils sont pour la plupart retournés dans leur famille. Mais être enfermé chez soi n’est pas sans inconvénient non plus ! Dans les deux cas, cet enfermement accroit le stress et la pression des étudiants.

    Tout le monde devrait avoir les mêmes possibilités en termes d’enseignement ! C’est pourquoi nous revendiquons :

    1. Un ordinateur et une connexion internet accessibles et gratuits pour tous.

    2. L’organisation de stages rémunérés afin que toutes celles et ceux qui ont l’expérience nécessaire puissent aller sur le terrain pour aider dans cette crise sanitaire.

    3. L’annulation des examens pour privilégier les apprentissages, conjugué à un investissement public massif dans la remédiation. Ne reportons pas les difficultés à l’an prochain !

    4. La suppression du système de crédits dans le supérieur.

    5. Un recrutement massif du personnel pour le secteur : enseignants, éducateurs, personnel informatique, agents de nettoyage,…

    6. Un réinvestissement immédiat dans l’enseignement !

    7. L’enseignement gratuit et de qualité pour tout le monde.

  • Coronavirus. Le capitalisme pousse l’Afrique dans l’abîme

    Le capitalisme et l’impérialisme au banc des accusés

    La pandémie de COVID-19 a mis en évidence les profondes inégalités sociales qui prévalent dans le capitalisme moderne. Nulle part ailleurs qu’en Afrique.

    Par Serge Jordan, Alternative Socialiste Internationale

    L’indice de sécurité sanitaire mondiale (Global Health Security) est une évaluation de la capacité de 195 pays à faire face à des épidémies de maladies infectieuses. La majorité des pays classés comme “les moins préparés” sont situés en Afrique, la Somalie et la Guinée équatoriale se trouvant tout en bas de la liste. Seule l’Afrique du Sud, déjà en proie à une crise sanitaire et économique de grande ampleur, occupe un rang relativement élevé. Cela permet d’ailleurs de souligner à quel point la situation est catastrophique dans le reste du continent.

    Il est impossible de disposer d’une évaluation réaliste de l’ampleur actuelle de la pandémie de COVID-19 en Afrique en raison du manque d’équipements de test dans la plupart des pays. Si l’Afrique du Sud compte actuellement le plus grand nombre de cas confirmés en Afrique subsaharienne, c’est qu’il s’agit du pays où le plus grand nombre de tests a été effectué. Certains pays, comme la Somalie, ne disposent d’aucun kit de dépistage. Cela signifie que le virus a déjà fait son chemin, hors des radars, de part et d’autre du continent.

    Le mot “inadéquation” pour décrire l’état des infrastructures de santé en Afrique serait un euphémisme grotesque. Une récente étude du magazine scientifique britannique Lancet concernant le COVID-19 en Afrique de l’Ouest a constaté que les pays de la région ont “des systèmes de santé mal dotés en moyens, ce qui les rend incapables d’intensifier rapidement une réponse à l’épidémie”, et qu’”une accélération rapide du nombre de cas pourrait rapidement submerger” lesdits systèmes. Le Malawi, par exemple, dispose de 25 lits en soins intensifs pour une population de 17 millions de personnes ; en Somalie, 15 lits en soins intensifs sont disponibles pour 15 millions de personnes. Le Zimbabwe dispose de 7 respirateurs pour une population de 16 millions de personnes, tandis que la République centrafricaine dispose d’un total de trois respirateurs pour 5 millions de personnes. Le Sierra Leone et ses 7,5 millions d’habitants, un seul.

    Les conditions de vie de la classe ouvrière et des communautés pauvres rend inaccessible l’adoption de précautions de base pour prévenir la propagation de la pandémie. La moitié des citadins africains vivent dans des maisons de fortune surpeuplées, des bidonvilles et des townships où l’approvisionnement en eau et l’infrastructure sanitaires sont insuffisants.

    Les millions de réfugiés, de demandeurs d’asile et de personnes déplacées à l’intérieur de leur pays qui vivent dans des camps, des campements informels et des centres de détention – victimes de guerres, de persécutions et de catastrophes environnementales – dans la région du Sahel, la Corne de l’Afrique, la RDC et d’autres endroits sont particulièrement vulnérables au risque d’infection. Le Sud-Soudan a récemment signalé ses premiers cas de COVID-19. Dans ce pays, plus de la moitié de la population est confrontée à une grave insécurité alimentaire, des années de guerre civile ont forcé des millions de personnes à quitter leur foyer. Seuls 22 % des établissements de santé y sont fonctionnels. La Libye et le Burkina Faso ont tous deux été ravagés par des guerres qui ont déplacé respectivement 200.000 et 700.000 personnes au cours de l’année dernière uniquement. L’infrastructure sanitaire des deux pays a subi des dégâts considérables ; 135 hôpitaux ont fermé en raison de la violence au Burkina Faso.

    La malnutrition et les maladies infectieuses sont déjà courantes dans de grandes parties du continent. L’Afrique connaît des taux d’infection parmi les plus élevés concernant le VIH, la tuberculose et la paludisme. Compte tenu du manque de ressources allouées à la santé dans la plupart des pays africains, les moyens limités déployés pour lutter contre le COVID-19 auront un effet paralysant sur la lutte contre d’autres épidémies mortelles. C’est déjà ce qui ressort de différentes études concernant les maladies infectieuses et les campagnes de vaccination dans de nombreuses régions.

    Le capitalisme et l’impérialisme sont responsables

    Les horreurs que le développement de la pandémie réserve aux masses africaines ne sont en aucun cas la manifestation d’une catastrophe naturelle inévitable. Elles proviennent de décennies de pillage et d’exploitation extrêmes du continent par les puissances impérialistes coloniales puis néocoloniales, avec l’implication directe et la complicité d’élites dirigeantes locales impuissantes et corrompues. Cela s’est traduit, entre autres, par un délabrement généralisé des systèmes de santé et par des niveaux endémiques de pauvreté.

    En réalité, les moyens ne manquent pas pour faire face à cette crise, mais ils ont simplement été pillés par les multinationales et les banques, les bourgeois africains et les dirigeants despotiques. L’an dernier, pour souligner cette réalité, Oxfam a écrit que “les pays de la CEDEAO [les États d’Afrique de l’Ouest] perdent environ 9,6 milliards de dollars en raison des incitations fiscales accordées aux multinationales. Cela suffirait pour construire chaque année une centaine d’hôpitaux modernes et bien équipés dans la région”.

    Alors que les pays africains ont un besoin urgent d’investissements colossaux pour s’attaquer de front à cette pandémie, une fuite de capitaux colossale hors du continent est en cours, dépassant déjà de loin celle qui a eu lieu lors de la crise mondiale de 2008 – tant en vitesse qu’en volume. Les sorties de capitaux des économies dites émergentes ont totalisé plus de 83 milliards de dollars en mars, selon l’Institut international de la finance. Il ne s’agit pas d’une erreur anecdotique, mais d’un exemple du fonctionnement de l’ensemble du système capitaliste, qui illustre l’incapacité du “marché libre” à mettre en œuvre la riposte nécessaire à l’urgence humanitaire actuelle. Seules la planification économique et la coordination des ressources à l’échelle mondiale pourraient rendre une telle réponse possible.

    Mettre un terme au pillage du continent, et exproprier les immenses richesses siphonnées par les super riches, est une question de vie ou de mort pour des millions de gens. Cela permettrait de réorienter les ressources vers le financement de services de santé d’urgence, d’installations de dépistage, de centres de quarantaine et d’isolement, d’équipements médicaux et de personnel qualifié à l’échelle que la situation actuelle exige.

    Cela pourrait certainement commencer par l’imposition de contrôles étatiques sur les flux de capitaux, et par l’annulation de l’énorme fardeau de la dette sous lequel s’effondrent de nombreux États africains. Le Nigeria, par exemple, consacre près des deux tiers de ses revenus au remboursement de la dette. Dans 17 pays africains, les frais d’intérêt sur la dette représentent à eux seuls 10 % ou plus des recettes publiques. Un certain nombre d’États africains, comme la Zambie et l’Angola, ne sont qu’à un pas du défaut de paiement, et d’autres suivront probablement.

    Sous la pression, les gouvernements occidentaux ont injecté des billions de dollars pour amortir partiellement les effets économiques de la crise dans leurs propres pays et éviter l’effondrement de leur système. Les gouvernements africains n’ont pas la marge de manœuvre budgétaire nécessaire pour déployer des programmes de sauvetage similaires. Ils ont volontairement contribué à l’immense racket de la dette orchestré par les nations impérialistes les plus puissantes. D’énormes portions de revenus des États africains ont été transférées dans les coffres des créanciers financiers internationaux au lieu d’être investies dans les soins de santé, l’enseignement, le logement, les transports publics, les infrastructures et le bien-être des populations en général.

    Craignant la révolte des masses, ces mêmes dirigeants africains appellent maintenant à l’aide et à la suspension du paiement de la dette, de moratoires, etc. David Malpass, le directeur de la Banque mondiale, a déclaré qu’il était favorable à une “suspension” de tous les paiements de la dette pour les pays les plus pauvres – mais a ajouté que ces pays devraient en échange appliquer des politiques favorables au libre marché comme l’annulation de certaines réglementations et subventions publiques. Le FMI, pour sa part, a accordé des prêts d’urgence à un certain nombre de gouvernements africains. Ces prêts s’accompagnent d’une mise en garde : une fois la crise sanitaire passée, “l’ajustement fiscal”, la limitation de la masse salariale publique, la réduction supplémentaire des subventions publiques et d’autres mesures d’austérité devront être à l’ordre du jour.

    Cette tentative de continuer à rançonner des populations entières au beau milieu d’une pandémie mortelle met à nu ces institutions rapaces et les révèlent pour ce qu’elles ont toujours été. N’oublions pas que l’une des conséquences directes des “plans d’ajustement structurel” imposés par le FMI et la Banque mondiale à la suite de la crise de la dette des années 1980 a été la mise à sac des services de santé existants dans un pays africain après l’autre. La situation actuelle souligne également combien le sort des masses de toute la région est lié à une lutte résolue contre la domination de l’impérialisme mondial et de ses agents locaux sur le continent. Cette lutte devrait exiger rien de moins que l’annulation immédiate et inconditionnelle de tous les remboursements de la dette, ainsi que la nationalisation, sous contrôle et gestion démocratiques des travailleurs, des multinationales et des banques. Ces dernières ont extrait une quantité stupéfiante de richesses des classes ouvrières africaines tout en laissant derrière elles la ruine humaine et écologique.

    Ces politiques s’avéreront d’autant plus nécessaires, et trouveront un écho accru, qu’un scénario de dévastation économique se dessine pour l’ensemble du continent. La récession économique mondiale qui s’accélère rapidement devrait en effet avoir des conséquences particulièrement dévastatrices pour les masses africaines. La Banque mondiale a récemment prédit que l’Afrique subsaharienne serait confrontée à sa première récession en 25 ans. Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) a lancé un avertissement selon lequel près de la moitié des emplois en Afrique pourraient être anéantis dans ce contexte. La contraction de l’économie chinoise et l’effondrement des prix du pétrole et des matières premières risquent de précipiter l’effondrement économique d’une série de pays, avec les plus grandes économies exportatrices de pétrole comme le Nigeria et l’Angola dans le champ de tir immédiat.

    La chute soudaine du tourisme résultant des mesures d’endiguement, des interdictions de voyage et des fermetures de frontières vient s’ajouter à un mélange déjà explosif. Environ 24 millions d’emplois dépendent des activités touristiques en Afrique, qui, ces dernières années, a été l’une des régions du monde où la croissance du tourisme a été la plus rapide. Ce processus est aujourd’hui brutalement inversé. L’Organisation mondiale du tourisme prévoit une chute du tourisme international de 20 à 30 % (lors de la crise de 2008, la chute du secteur était d’environ 4 %). Pour de nombreux pays africains, cela se traduira par un tsunami de pertes d’emplois.

    Le confinement

    Dans la plupart des pays africains, des réglementations de confinement ont été imposées pour lutter contre la propagation du virus. En l’absence d’un plan clair pour traiter tous les problèmes sociaux, économiques et sanitaires hérités d’années de mauvaise gestion capitaliste et de politiques anti-pauvres, ces mesures de confinement ne sont que des pansements sur des plaies ouvertes. C’est une façon pour les gouvernements de paraître forts, tout en blâmant les gens ordinaires pour la propagation de l’infection.

    En raison du grand nombre de travailleurs qui dépendent entièrement du travail informel pour leur survie quotidienne (plus de 80 % des adultes africains travaillent dans le secteur informel), et de l’absence de mesures d’aide bien planifiées pour les personnes dans le besoin, les fermetures ont privé des millions de personnes de leur source de revenus pendant la nuit. À Kinshasa, la capitale de la RDC, un dicton populaire résume le dilemme auquel sont confrontés de nombreux travailleurs et pauvres en Afrique : “si vous ne sortez pas, vous ne mangez pas”. Des centaines de manifestants tunisiens dont la colère a éclaté dans les rues des quartiers pauvres d’Ettadhamen et de Mnilha après une semaine de confinement à la fin du mois de mars, n’ont rien exprimé de différent : “Laissez-moi apporter du pain à mes enfants, peu importe si je meurs” ont été les mots rapportés par un travailleur du bâtiment occasionnel parmi eux. Cela laisse présager les explosions sociales que cette crise entraînera sur son chemin.

    L’ordre d’”auto-isolement” empêche pratiquement les vendeurs de rue, les chauffeurs de transport informels, les travailleurs domestiques et bien d’autres de gagner leur pain quotidien, et les contraint à mourir de faim chez eux. Il empêche souvent les gens de se rendre sur les marchés pour s’approvisionner en produits vitaux et, dans certains cas, même d’accéder aux points d’eau.

    Pour éviter d’être pris au piège de cette situation cruelle, de nombreux travailleurs migrants désespérés ont tenté de quitter les grandes villes pour retourner dans les zones rurales d’où ils proviennent, en espérant y avoir une vie moins chère et bénéficier de leurs liens familiaux dans leur village ou leur ville natale. L’agence de presse Reuters a rapporté le 26 mars que “les voyageurs des villes africaines – de Nairobi à Kampala, Johannesburg et Rabat – se dirigent vers la campagne, inquiétant les fonctionnaires qui disent que cela a contribué à la propagation de maladies comme le virus Ebola dans d’autres foyers”. Cet exode a sans aucun doute propagé l’infection dans des endroits où l’offre de soins est encore pire que dans les centres urbains – si tant est qu’elle existe. Mais la responsabilité de cette situation devrait être imputée aux classes dominantes et à leur mépris impitoyable pour la vie et la santé des gens ordinaires.

    Rien n’illustre mieux cette situation que la brutalité avec laquelle les forces de l’État ont imposé le confinement et le couvre-feu. Au fil des jours, le nombre de morts dans les assassinats liés au confinement et les exemples d’abus et de traitements humiliants de la part de la police et de l’armée s’accumulent.

    Bloomberg a rapporté que deux jeunes hommes ont été abattus par la police rwandaise pour avoir violé l’ordre de rester chez soi pendant 14 jours donné par le président Paul Kagame. En Afrique du Sud, huit personnes ont été tuées à la suite d’actions policières au cours de la première semaine de confinement national ; lorsqu’il a été rapporté, ce chiffre était supérieur au nombre de décès liés au COVID-19. Au Kenya, un garçon de 13 ans jouant sur son balcon a été tué par la police dans la capitale Nairobi, et au moins trois autres personnes ont été tuées dans des incidents distincts. Un Nigérian a été abattu par un soldat dans la ville de Warri, dans le sud du pays, pour avoir refusé de rester chez lui et avoir voulu acheter des médicaments à sa partenaire enceinte. Au Zimbabwe, près de 2 000 personnes ont été arrêtées au cours de la première semaine de confinement. Et la liste continue.

    Dans ce contexte, la violence de genre exercée par les forces de l’État a également augmenté, avec des cas de viols signalés concernant des soldats rwandais et des dizaines de personnes LGBTQ+ rassemblées par la police en Ouganda sous le couvert de la prévention du coronavirus.

    Les gouvernements de toute l’Afrique ont réaffirmé les frontières arbitraires post-coloniales de leurs États en fermant rapidement les ports d’entrée dans une nouvelle poussée de nationalisme réactionnaire. L’Afrique du Sud a alloué 2,1 millions de dollars à l’érection d’une clôture de 40 km le long de sa frontière avec le Zimbabwe, avant même que des cas de COVID-19 n’y soient signalés, pour empêcher les “personnes sans papiers ou infectées” de passer la frontière sans être dépistées pour le coronavirus. Des sentiments xénophobes ont également fait surface au sein de la police, qui a harcelé les propriétaires immigrés de boutiques après qu’un ministre ait faussement annoncé que seules les boutiques appartenant à des Sud-Africains seraient autorisées à rester ouvertes. En outre, seules les petites entreprises détenues à 100 % par des Sud-Africains peuvent bénéficier de l’aide financière mise en place par l’État, et les travailleurs sans papiers ne peuvent pas prétendre à l’assurance chômage pour perte de revenus.

    Dans de nombreux autres pays africains, des cas de racisme à l’encontre des Asiatiques ont été signalés. Une vidéo largement partagée a montré un couple de Chinois au Kenya être harcelés par une foule. Cette vidéo a reçu le soutien d’un député pour qui la lapidation de tout visiteur chinois est envisageable si le gouvernement ne fait pas assez pour lutter contre le COVID-19. En République centrafricaine, les menaces et la violence à l’encontre des étrangers et de la minorité musulmane du pays auraient augmenté ces dernières semaines, alimentées par les tabloïdes réactionnaires locaux qui les accusent d’être responsables de l’infection.

    Comme partout ailleurs, les classes dirigeantes d’Afrique exploitent sans vergogne la propagation du coronavirus pour renforcer leurs machines étatiques et pour rapidement éroder les droits démocratiques. Au Burkina Faso, une fois que le coronavirus a été officiellement déclaré dans le pays, la première cible des mesures gouvernementales a été les manifestations syndicales, qui ont culminé par une grève générale de 120 heures à la mi-mars. Pendant ce temps, les ministres et hauts fonctionnaires infectés ont continué à organiser de grands rassemblements dans le cadre de leur campagne pour les élections présidentielles prévues en novembre ! En Algérie, la clique au pouvoir a exploité à la hâte une période où les gens ne peuvent pas facilement remplir les rues afin de régler ses comptes avec le mouvement révolutionnaire. Malgré la pandémie, les tribunaux travaillent 24 heures sur 24 pour condamner les militants politiques et les journalistes qui critiquent le régime.

    Un plan d’action socialiste pour résister à la crise

    La classe ouvrière et le mouvement syndical à travers l’Afrique doivent s’organiser sans délai contre ce harcèlement, cette répression et ces abus de l’État, et résister à toute tentative d’utiliser le confinement pour miner les droits démocratiques et syndicaux, la liberté d’expression, etc. Il faut s’opposer aux arrestations arbitraires et aux licenciements de travailleurs pour des motifs politiques, et libérer tous les militants détenus.

    Mais en dernier lieu, la violence croissante de l’État est une protubérance des divisions de classe qui s’accentuent. Si les passages à tabac et les assassinats sont un moyen de “persuasion”, c’est parce que le système capitaliste auquel s’accrochent les élites dirigeantes africaines et leurs régimes corrompus a lamentablement échoué pour l’écrasante majorité de la société. Les intérêts de cette majorité doivent être placés au centre de la réponse à la catastrophe qui menace le continent.

    Les paroles du milliardaire égyptien Naguib Sawiris, qui a exhorté les autorités à ordonner le retour au travail des gens “quelles qu’en soient les conséquences”, nous donnent un aperçu de l’avenir si on le laisse aux mains de la classe capitaliste. En Afrique, comme ailleurs, cette oligarchie parasitaire est prête à envisager la mort de centaines de milliers de personnes à condition que leurs profits priment. “Même si les gens tombent malades, ils se rétabliront”, a-t-il déclaré. “Elle ne tue qu’un pour cent des patients, qui sont pour la plupart des personnes âgées”.

    Au-delà de la misère économique qu’ils infligent aux pauvres, les mesures de confinement et d’auto-isolement n’ont aucun sens si, dans des secteurs non essentiels pour le contrôle de la pandémie, les travailleurs sont obligés (ou contraints) de travailler dur sans qu’aucune mesure sérieuse de sécurité ou d’éloignement social ne soit en place, comme c’est le cas dans les mines d’or du Mali, alors que le nombre d’infections augmente de manière exponentielle sur tout le continent. Le droit des travailleurs d’arrêter la production dans tous les secteurs non essentiels, avec un revenu garanti, devrait donc être proclamé, ainsi que leur droit de décider démocratiquement quand et dans quelles conditions la production devrait reprendre. Toute perte d’emploi ou réduction de salaire due à l’épidémie de COVID-19 devrait être combattue, et toutes les entreprises qui réduisent leurs effectifs, ne paient pas leurs travailleurs ou menacent de fermer devraient être nationalisées.

    Dans les secteurs de première ligne essentiels à la lutte contre la pandémie, les travailleurs devraient exiger des équipements et des procédures sanitaires optimaux, une couverture d’assurance vie et une rémunération spéciale pour tous ceux qui continuent à travailler. Des milliers d’infirmières, de médecins et d’autres travailleurs de la santé ont déjà montré la voie en faisant grève pour exiger la fourniture d’équipements médicaux et de protection individuelle indispensables dans plusieurs pays africains, notamment au Zimbabwe et au Kenya, où les grèves pour obtenir du personnel et des équipements adéquats dans ce secteur ont été nombreuses au cours des dernières années.

    En outre, des aides au revenu viables devraient être accordées aux travailleurs précaires et informels, aux chômeurs et à toutes les personnes contraintes de rester chez elles et dans le besoin, ainsi que la fourniture gratuite de nourriture, de médicaments et d’autres produits essentiels pour ceux qui sont confrontés à la faim et à la misère. Le paiement des loyers, des factures d’eau, d’électricité et de téléphone devrait être suspendu et toutes les expulsions de logements devraient être arrêtées. Les hausses de prix sur le dos des plus pauvres ne devraient pas non plus être autorisées. Dans la capitale soudanaise Khartoum, par exemple, on rapporte que le prix des masques faciaux a été multiplié par dix. Pour contrer les profits tirés de la pandémie de COVID-19, des contrôles de prix devraient être imposés sur tous les produits de première nécessité. La distribution gratuite de masques faciaux, de désinfectants pour les mains et de savon devrait être exigée dans tous les espaces publics, les lieux de travail et les communautés.

    Les hôpitaux privés et autres établissements de soins de santé, ainsi que ceux qui appartiennent aux hauts responsables de l’armée et de l’État, devraient être placés sous la propriété publique et le contrôle démocratique des représentants élus des travailleurs, et la gratuité des soins de santé devrait être garantie pour tous – y compris pour les réfugiés, les demandeurs d’asile, les personnes déplacées et les sans-abri. Des plans ambitieux d’investissement public dans les infrastructures médicales, y compris la construction de cliniques locales et de centres de dépistage dans toutes les régions qui en ont besoin, devraient être immédiatement lancés. Les unités d’usines concernées devraient être réquisitionnées et leurs outils convertis pour produire des kits de test, des équipements médicaux et des équipements de protection. Les compagnies privées d’eau et d’électricité devraient être nationalisées et l’eau propre devrait être fournie gratuitement à tous les ménages. Des programmes de logement à grande échelle devraient être mis en place pour répondre aux besoins de logement énormes et désastreux, et pour éliminer le surpeuplement – un facteur important pour augmenter la probabilité d’infection.

    L’auto-organisation démocratique

    En réalité, la lutte contre la catastrophe imminente de COVID-19 exige un plan d’action d’urgence coordonné au niveau international que les élites capitalistes africaines et leurs homologues occidentaux sont totalement incapables et peu disposés à mettre en œuvre. Malheureusement, dans de nombreux cas, les dirigeants des syndicats sont loin de ce que les travailleurs sont en droit d’attendre dans une crise d’une telle ampleur historique. Tout en faisant pression pour que les syndicats, les organisations d’étudiants, les organisations sociales et communautaires fassent campagne pour une lutte commune contre la crise, il sera souvent laissé aux travailleurs et aux jeunes d’engager la lutte pour obtenir ce dont ils ont besoin. À cet effet, des comités démocratiques pourraient être mis en place au niveau des quartiers et du lieu de travail pour s’organiser et lutter pour le type de revendications décrites ci-dessus – car elles ne tomberont tout simplement pas du ciel.

    En Algérie et au Soudan, pays qui ont été secoués par des luttes révolutionnaires de masse depuis l’année dernière, des mesures ont été prises dans ce sens : certains comités populaires et de résistance ont recalibré leur intervention pour lutter contre la pandémie COVID-19, la crise économique et ses conséquences. Au Soudan, les comités de résistance locaux, qui sont apparus l’année dernière comme les principaux moteurs du mouvement révolutionnaire, interviennent pour tenter de combler le vide laissé par les inepties de l’État capitaliste : campagnes de sensibilisation du public au virus, assainissement des marchés, des boulangeries, des mosquées, des cafés… Des exemples similaires ont été observés en Algérie, où des comités ont été formés dans certains quartiers ouvriers pour organiser l’approvisionnement alimentaire des pauvres, centraliser et distribuer des masques de protection, etc. S’ils sont coordonnés et si leurs prérogatives sont étendues, ces comités peuvent devenir un pilier central d’une future résistance de masse contre les dirigeants capitalistes corrompus, les patrons et les propriétaires, qui feront inévitablement payer à la majorité de la population le maintien de leur système pourri et en crise.

    En travaillant main dans la main avec les travailleurs de la santé et les professionnels de la santé, ces comités peuvent également mener des campagnes pour éduquer les gens sur le COVID-19, et repousser la désinformation généralisée, les mythes et les théories du complot sur la pandémie, comme cette idée qui ne repose sur rien selon laquelle les personnes à la peau foncée ne meurent pas du virus, que le virus ne survit pas par temps chaud, que les kits de test propagent l’infection, et autres “fake news”. La colère qui couve contre l’impérialisme occidental et les dirigeants locaux à travers l’Afrique a ouvert la voie à ces théories, se nourrissant de la méfiance établie de longue date à l’égard des autorités au pouvoir et du récit “officiel”. En Côte d’Ivoire, un centre de dépistage de COVID-19 récemment construit dans la capitale Abidjan a même été saccagé le 6 avril par les habitants locaux, paniqués à l’idée que la maladie puisse être introduite dans leurs communautés.

    Dans certains cas, les gouvernements africains eux-mêmes ont encouragé pénalement des mensonges similaires, notamment en utilisant l’obscurantisme religieux pour compenser leurs propres échecs politiques. Une déclaration du gouvernement du Burundi a déclaré que le pays “est une exception car c’est un pays qui a fait passer Dieu en premier”. Le président de la Tanzanie, John Magufuli, a encouragé les gens à s’entasser dans les églises, car “le coronavirus ne peut pas survivre dans une église”. Selon le ministre de la défense du Zimbabwe, son pays avait été exempt du virus car la maladie était une punition divine contre l’Occident pour avoir imposé des sanctions à son gouvernement…

    Ces idées régressives sont propagées par des couches des classes dominantes africaines pour manipuler les craintes des populations désespérées par la misère et la barbarie déclenchées par la société capitaliste. Cependant, la pandémie COVID-19 livre un nouveau réquisitoire contre cette société.

    Elle pose de manière plus aiguë que jamais aux masses de tout le continent l’urgence de lutter pour “mettre le capitalisme en quarantaine”, comme le dit le Workers and Socialist Party (section d’Alternative Socialiste Internationale en Afrique du Sud) et pour une refonte radicale de la manière dont la société humaine est gérée. Alors que cette maladie va précipiter des pays entiers dans des niveaux de misère, de maladie, de violence et de mort indicibles, elle réaffirmera également aux yeux de millions de personnes la nécessité critique de s’organiser et de lutter pour une société socialiste : une société où les ressources naturelles, humaines et technologiques du monde seraient détenues par l’État et planifiées démocratiquement pour satisfaire les besoins de la grande majorité des habitants de la planète.

  • [Crise du coronavirus] Nous avons besoin d’un salaire étudiant

    80 % des jeunes travaillent, parmi eux, ceux du secondaire travaillent en moyenne 41 jours par an et les étudiants 57 jours. Et ces chiffres ne font qu’augmenter ! Cette tendance s’explique facilement : le prix total de ce qu’il en coûte d’être jeune continue d’augmenter, contrairement aux salaires de nos parents ou aux allocations gouvernementales. Ces emplois d’étudiants ont un impact négatif sur les résultats de nos études, et pourtant nous sommes obligés de travailler de plus en plus souvent.

    Article tiré de gauche.be

    17% des étudiantes et étudiants doivent travailler pendant leurs heures de cours et 25% d’entre nous travaillent même pendant les périodes d’examens ! La pression que nos emplois exercent sur notre santé mentale et nos résultats scolaires est énorme. Le nombre croissant d’étudiants qui travaillent ne nous met pas seulement sous pression. Les jobs étudiants sont utilisés comme une main-d’œuvre bon marché, poussant les employés ordinaires hors de leur emploi ou s’assurant qu’ils obtiennent un salaire inférieur. Pourquoi un employeur opterait-il pour un travailleur alors qu’il peut choisir un étudiant moins cher, encore plus flexible et qui n’est pas organisé syndicalement ?

    Ce n’est pas la faute des étudiants et étudiantes jobistes, ils et elles ont besoin d’argent. C’est la faute d’un système dans lequel les employeurs maintiennent les coûts du travail aussi bas que possible afin de garantir leurs propres profits et faire face à la concurrence ! Ce système capitaliste est aujourd’hui dans une crise profonde, au détriment de tous les jeunes et de tous les travailleuses et travailleurs de la planète.

    Le nouveau coronavirus montre très clairement à quel point les étudiants et étudiantes sont dépendants de leur travail. Beaucoup d’entre nous ne peuvent pas payer le loyer de leur kot et/ou doivent faire une croix sur tout type de temps libre dans les mois à venir. Normalement, les étudiants ne devraient avoir qu’à se soucier de leurs études. Les étudiants qui ont perdu ou vont perdre leur emploi ont donc besoin d’une garantie de revenus. Et ceux qui travaillent encore devraient, comme le reste du personnel, avoir droit à une prime de risque. Mais nous avons surtout besoin de salaires décents, c’est-à-dire d’au moins 14 euros par heure pour tout le monde ! Mais n’oublions pas, qu’en fin de compte, étudier est un travail à plein temps. Un salaire d’étudiant, voilà ce qui serait vraiment efficace ! Et de l’argent pour cela, il y en a ! C’est pourquoi les Étudiants de Gauche Actifs proposent de nous organiser et de lutter ensemble pour les revendications suivantes :

    Une garantie de revenu pour tous les jeunes en perte de revenus !
    Minimum 14 €/h pour toutes les personnes qui travaillent !
    Étudier c’est aussi un boulot à temps plein : pour un salaire d’étudiant !

  • 19 avril – Meeting ROSA International : une réponse féministe-socialiste à la crise du Covid19

    Diffusion en direct dimanche 19 avril à 20h (en anglais). Parmi les orateurs figurent des militantes et des dirigeantes féministes socialistes de Pologne, d’Afrique du Sud, du Brésil, de Belgique et des États-Unis. L’événement sera présidé par Ruth Coppinger (Irlande).

    Les travailleuses sont en première ligne dans la lutte contre Covid19. Elles sont majoritaires parmi les travailleurs des secteurs essentiels – la santé, le commerce de détail, les soins et le nettoyage – au contraire des milliardaires qui s’isolent sur leurs yachts de luxe, ces travailleurs risquent leur vie en l’absence protection suffisante. La violence à l’égard des femmes a connu un pic au niveau mondial dans le contexte de confinement. En Pologne et aux États-Unis, l’aile droite se faufile dans des attaques virulentes contre le droit à l’avortement. Ces dernières années, un mouvement féministe de masse en pleine expansion a éclaté dans le monde entier. La crise Covid19 exacerbe l’oppression et les inégalités. Cette crise réclame la poursuite de ces luttes de masse et à un Mouvement international féministe socialiste et de la classe des travailleuses et travailleurs pour s’attaquer au capitalisme.

    Avec des intervenants du monde entier, assurez-vous de suivre cette analyse vitale et cet appel à l’action !

    >> Le dimanche 19 avril à 20h, ROSA (Réseau international féministe socialistes dont la Campagne ROSA est le groupe belge) et l’Alternative Socialiste Internationale (dont le PSL/LSP est la section belge) organisent un rassemblement virtuel, donnant une réponse féministe socialiste à la crise.

    Parmi les orateurs figurent des militantes et des dirigeantes féministes socialistes
    – de Pologne,
    – d’Afrique du Sud,
    – du Brésil,
    – de Belgique
    – et des États-Unis.
    – L’événement sera présidé par Ruth Coppinger (Irlande).

    L’événement sera retransmis en direct sur Facebook, YouTube et Twitch. Toutes les informations pratiques seront précisées sur Facebook.

  • #Woman’s Live Matter. Lutter contre les violences intrafamiliales est plus urgent que jamais !

    Si quitter un partenaire violent est difficile pour de nombreuses raisons en temps normal, la quarantaine et le manque de matériel de protection rendent la chose encore plus compliquée. La coexistence continue avec son agresseur provoque des situations de plus en plus insoutenables pour la ou les victimes.

    Article de la Campagne ROSA

    Les 24 et 25 novembre 2019, à l’occasion de la Journée Internationale contre les violences faites aux femmes (25/11), des centaines de milliers de personnes descendaient dans les rues à travers le monde pour dénoncer ces violences et exiger des pouvoirs publics des politiques pro-actives et des financements pour lutter contre ce fléau. Selon l’OMS, les violences envers les femmes sont “un problème mondial de santé publique d’ampleur épidémique” . Selon l’ONU, c’est “une femme sur trois qui subit des violences physiques et/ou sexuelles à un moment donné de sa vie” . Et nous le savons bien, une bonne partie de ces violences ont lieu au sein du cercle familial. Le confinement appliqué dans de nombreux pays à cause de la pandémie de Covid-19 est donc vécu comme un enfer par les nombreuses victimes de violences intra-familiales.

    En Belgique aussi, les violences domestiques sont une réalité bien connue. Chaque année, ce sont plus de 45.000 plaintes qui sont enregistrées par les parquets . Et nous savons que cela ne représente qu’une partie des faits commis. Si quitter un partenaire violent est difficile pour de nombreuses raisons en temps normal, la quarantaine et le manque de matériel de protection rendent la chose encore plus compliquée. La coexistence continue avec son agresseur provoque des situations de plus en plus insoutenables pour la ou les victime(s). L’angoisse de la maladie, la perte de revenu, l’enfermement dans des lieux de vie trop exigus , la combinaison difficile entre télétravailler et s’occuper à plein temps des enfants, … sont autant de sources de conflits qui peuvent rapidement dégénérer en violences psychologiques et physiques. L’isolement physique et social empêche certaines victimes de pouvoir demander de l’aide et complique le travail des services d’accompagnement des victimes.

    Aujourd’hui, la pandémie et les mesures de confinement font que de nombreuses femmes sont prises au piège dans leur maison avec leur agresseur sans échappatoire. Les appels à « rester chez soi », suivis à la lettre par de nombreuses personnes, poussent de nombreuses victimes à ne pas oser appeler à l’aide tant que leur agresseur séjourne avec elles. Certaines supposent que l’aide n’est pas disponible durant cette période de crise. Il est vrai que la disponibilité des services d’aide s’avère insuffisante en raison d’un manque de ressources et d’un sous-financement déjà constaté bien avant cette période spéciale.

    Pourtant, les lignes d’assistance téléphonique en cas de violence domestique, comme la ligne 1217 en Flandre, ont enregistré une augmentation de 70 % des appels depuis le début de la crise. Et du côté francophone, le 0800/30.030 (Écoute violences conjugales) a vu le nombre d’appels reçus doublé. Ce ne sont pas encore des données absolues, mais elles montrent la gravité de la situation.

    A cela s’ajoute des difficultés supplémentaires pour trouver des lieux afin de pouvoir s’échapper de ces situations de violences. Certaines victimes pensent même qu’elles n’ont pas le droit de partir au vu des règles de confinement. Les lieux d’accueil pour les victimes sont eux aussi soumis aux règles du confinement. Le manque de places – qui étaient déjà très présent avant le confinement – se fait encore plus sentir. De plus, le manque de matériel de protection ajoute un stress et une difficulté complémentaire à cette prise en charge.

    Face à cette situation, une conférence interministérielle “Droits des femmes” avec 12 ministres a eu lieu (Région bruxelloise : Nawal Ben Hamou – Fédéral : Sophie Wilmès, Koen Geens, Maggie De Block et Nathalie Muylle – Wallonie : Christie Morreale – Fédération Wallonie-Bruxelles : Pierre-Yves Jeholet et Bénédicte Linard – Communauté germanophone : Antonios Antoniadis – Flandre : Bart Somers, Zuhal Demir et Wouter Beke) (5). Mais qu’attendre de politiciens qui ont pendant des années mené des politiques d’austérité ayant renforcé la position de “citoyens de seconde zone” des femmes et détricoté les services publics – aujourd’hui essentiels dans la gestion de cette crise ?

    Aujourd’hui, la recherche urgente de lieux d’accueil montre surtout les manques criants déjà signalés auparavant. La mise à disposition de chambres d’hôtel pour les victimes était nécessaire mais insuffisante. L’initiative du service d’assistance aux victimes de la police de Bruxelles-Nord (Schaerbeek, Evere et Sait-Josse-ten_Noode) de prendre contact au début du confinement avec les personnes qui ont déposé plainte au commissariat ces trois derniers mois pour des violences intrafamiliales est, elle, à saluer. Mais force est de constater que les manques structurels – effectifs insuffisants, manque de formation des acteurs de la justice et de la police, … – ne permettent pas d’élargir ce type d’initiatives et de maintenir l’attention nécessaire sur la protection des victimes de violences.

    Ce sont évidemment des mesures tout à fait nécessaires mais pas suffisantes au vu des drames qui ont lieu. Trouver un nombre suffisant de refuges est une tâche compliquée pour de nombreux services sociaux. Il est certain que trouver en urgence autant de places s’avère compliqué surtout quand les gouvernements successifs n’ont cessé, pendant des années, de couper dans les subsides et financements de nombreux services du secteur social. Des décennies de néolibéralisme et des années d’austérité ont décimé des services publics vitaux et aujourd’hui ce sont les personnes les plus fragilisées dans la société qui en paient l’addition.

    Les gouvernements actuels essaient de nous faire croire qu’il y a 2 réalités différentes : celle de la gestion de la crise actuelle et celle de décennies d’austérité qu’ils ont menée. Quelle hypocrisie! Les autorités ont réduit les budgets de la police locale, de la justice, des services de prévention, des centres d’accueil, du secteur social, … Résultats : manque de personnel formé à la gestion des agressions sexistes, de centres d’accueil, … Leurs priorités n’ont jamais été celles d’assurer une vie décente pour toutes et tous et encore moins la sécurité des nombreuses victimes des violences intrafamiliales. Et en ce qui concerne la lutte contre le sexisme, l’émancipation des femmes n’est pas possible sur base d’un cimetière social !

    Certaines mesures urgentes sont effectivement nécessaires

    Elles demandent des investissements immédiats ainsi qu’une écoute et une prise en compte des revendications du personnel des institutions du secteur social.

    • Les services d’accompagnement des victimes doivent pouvoir être renforcés en matériel de protection et en personnel. Pour cela, des budgets publics immédiats doivent y être alloués. Nous ne pouvons pas uniquement nous baser sur le bénévolat et les appels aux dons. Celles et ceux qui travaillent devraient avoir librement accès aux mesures de protection telles que les masques de protection.
    • Une présence par un contact et/ou une visite régulière pour les personnes, victimes connues de violences domestiques permet d’augmenter la pression sociale sur l’agresseur. Mais cela demande des effectifs ainsi que du matériel de protection en suffisance pour la police de proximité et les services sociaux spécialisés.
    • Les lieux d’accueil pour les victimes sont saturés alors que de nombreux lieux d’habitation sont vides. Il faut réquisitionner les locaux nécessaires qui permettraient aux victimes de quitter leur domicile et de vivre dans des conditions de sécurité.
    • La crise du COVID19 a démontré que les médias – panneaux d’affichage, radio, télé, … – peuvent être utilisés pour propager des informations utiles et positives (campagne publicitaire : “Stay safe”, “Solidarités”, …) à la place des publicités souvent sexistes qui envahissent habituellement nos rues. Utilisons une partie de ces espaces publics pour diffuser des campagnes de prévention et d’information afin de sensibiliser la population aux dangers des violences intra familiales – également durant le confinement et de diffuser les numéros des centres d’aide [0800/30.030 (francophone), 1712 (néerlandophone)]. Des codes tels que “masque 19” en France permettrait au victimes d’obtenir de l’aide via les quelques contacts sociaux qui sont maintenus (pharmacies, magasins, police, …).

    Mais également, assurer une indépendance financière de chacun/chacune.

    • Toute personne contrainte à ne pas travailler, en quarantaine ou malade, doit être protégée financièrement. La maladie elle-même est déjà assez grave ! Ceux qui ne peuvent pas travailler en raison de la crise du coronavirus doivent être entièrement indemnisés.
    • L’augmentation de l’allocation de chômage temporaire de 65 % à 70 % du salaire est une bonne chose, mais c’est insuffisant. Le salaire complet doit être versé ou remplacé par une allocation qui correspond à 100 % du salaire.
    • Lorsque les écoles ferment, les parents doivent avoir la possibilité de s’occuper de leurs enfants à la maison, à moins qu’ils ne travaillent dans des secteurs essentiels. Cela devrait être possible tout en conservant la totalité du salaire.

    Mais il faut également prendre en charge à plus long terme la lutte contre ces violences

    Ne pas laisser tomber les victimes dès la fin de la crise sanitaire. Pour lutter contre ce sexisme et ces violences omniprésentes, il faut stopper l’austérité mais pas seulement … il faut également réinvestir dans des services publics de qualité avec suffisamment de personnel. Wouter Beke a annoncé des subventions supplémentaires à la ligne d’écoute 1712 au vu de l’augmentation impressionnante du nombre d’appels, mais cela ne suffit pas. Des investissements structurels publics sont nécessaires. Nous devons également stopper la logique de marchandisation de certains services sociaux qui a été privilégiée les dernières années. Soutenir et financer des services tels que le CAW (Centrum voor Algemeen Welzijnswerk) en Flandre, des services sociaux actifs en rue, les PMS (centre psycho-médico-sociaux) dans les écoles, … plutôt que les démanteler. Soutenir la mise en place et le financement public d’initiatives visant à sortir les victimes de leur isolement social, tels que des centres communautaires qui offrent également des services de garde d’enfants, préparent des repas et fournissent si nécessaire un soutien physique, psychologique, matériel et juridique à la population. Ces initiatives doivent être rendues suffisamment visibles dans le voisinage.

    Luttons pour des investissements publics dans la prise en charge des victimes !

    • Pour un refinancement public du secteur social afin d’offrir un accompagnement correct aux victimes de violences et de discriminations mais également pour faire un réel travail de prévention et de conscientisation.
    • Pour des investissements publics permettant la création de refuges pour les personnes qui en ont besoin, comme les femmes et leurs familles ou encore les personnes LGBTQI+ (victimes de violences).
    • Pour la formation des travailleurs de terrain (police locale, éducateurs, accompagnateurs de bus et trains, personnel médical, …) à la prévention et à la gestion des agressions et du sexisme quotidien.

    Luttons pour une réelle politique publique de prévention !

    • Pour un refinancement public de l’enseignement, afin notamment d’assurer que l’éducation sexuelle et affective des jeunes ne se fasse pas principalement par internet et le porno.
    • Stop à l’utilisation de nos corps comme des objets pour augmenter les profits des entreprises.
    • Stop à la banalisation des violences faites aux femmes dans les médias (pubs, porno, séries, …).
    • Pour l’utilisation des espaces publicitaires à des fins sociales (prévention, culture, …) et non commerciales.
    • Pour plus de transports en commun avec plus de personnel d’accompagnement.

    Lutte contre les violences sexistes = lutte pour l’indépendance économique des femmes

    Aujourd’hui, politiciens et patronat acclament les héros que sont les travailleurs et travailleuses de premières ligne. Les femmes y sont en très grand nombre. Les secteurs de la santé, du nettoyage, de la distribution, de l’accueil, de l’accompagnement des personnes fragilisées sont des secteurs avec un personnel majoritairement féminin, souvent peu valorisé dans la société et certainement pas suffisamment rémunéré. Pourtant, ce sont les mêmes classes dirigeantes qui ont pendant des années démantelé les services publics, méprisé le personnel soignant qui tirait la sonnette d’alarme, refusé les augmentations salariales dans de nombreux secteurs “féminins”, … Ils portent une responsabilité importante dans le maintien des oppressions que vivent la majorité des femmes.

    Dans de nombreuses situations de violences intrafamiliales, des femmes n’ont financièrement pas la possibilité de quitter leur conjoint. Et les politiques menées par les partis traditionnels – au profit d’une petite minorité dans la société – n’ont fait qu’aggraver ce phénomène. En s’attaquant à nos pensions, nos salaires, nos services de soins, … les politiciens ont poussé de nombreuses femmes dans des situations précaires les rendant plus vulnérables face aux violences. Il faut lutter contre les “violences” économiques qui facilitent les autres formes de violences !

    • Pour des emplois stables correctement rémunérés. Pour un salaire minimum de 14 €/h (2300€/mois).
    • Pour une individualisation des droits et une revalorisation des allocations sociales au-dessus du seuil de pauvreté.
    • Pour une pension minimum de 1500€/mois net.
    • Pour un salaire étudiant qui couvre l’ensemble des coûts des études. Pour un enseignement gratuit et de qualité afin notamment de stopper le développement de la prostitution pour payer ses études.
    • Pour la semaine de travail de 30h sans perte de salaire et avec embauches compensatoires pour pouvoir combiner travail, vie de famille et loisirs.
    • Pour un plan urgent de construction de logements sociaux et de crèches publiques.
    • Solidarité avec les femmes sans-papiers. Pour une régularisation de toutes et tous.

    Il n’y a pas de capitalisme sans sexisme et sans violence

    Les violences envers les femmes – et le sexisme plus globalement – ne peuvent être présentées comme une réalité uniquement liée à la quarantaine et à la crise du COVID-19. C’est un élément structurel lié au fonctionnement du système. La position de « citoyen de seconde zone » des femmes, l’inégalité salariale, l’objectification systématique du corps des femmes, l’omniprésence de la pornographie violente, le manque d’éducation sexuelle à l’école, le démantèlement des services publics, la précarité et la pauvreté, … maintiennent et développent un sexisme ambiant et un contexte favorable à ces violences qui sont la réalité quotidienne de nombreuses femmes. Il ne s’agit pas de trouver des excuses pour les auteurs de ces violences, il s’agit de déterminer ce qui maintient – et à qui profite – cette violence généralisée afin de combattre non pas seulement les conséquences de ce sexisme structurel mais aussi ses causes.

    L’hypersexualisation et l’objectification du corps des femmes – pour les profits de quelques-uns – participent grandement à diffuser une image dégradante des femmes comme des objets. Le sexisme permet aux classes dirigeantes d’augmenter leurs profits avec une main-d’œuvre “bon marché” (le salaire des femmes étant en Belgique, en moyenne annuelle 25% plus bas que celui des hommes), en utilisant massivement le corps de la femme dans la publicité, à travers le secteur de la pornographie, la prostitution, … et enfin en laissant entre les mains des femmes de nombreuses tâches (éducation des enfants, soins aux personnes âgées,…), ces dernières fournissant dès lors travail gratuit. La violence qui en découle n’est qu’un « petit prix à payer » de leur point de vue.

    D’une part, le capitalisme produit ouvertement de la violence à travers ses nombreux canaux de diffusion : la culture du viol présente dans tous les médias, l’objectification et la marchandisation du corps des femmes visibles partout et la prononciation quasi quotidienne de discours politiques sexistes. D’autre part, ce système maintient les femmes dans une position inférieure par la précarisation de l’emploi, l’écart salarial, le harcèlement au travail, la dévalorisation des secteurs dits ‘‘féminins’’, la difficulté de combiner travail et vie de famille, la destruction des services publics et la surcharge de travail domestique que cela occasionne… Ce scénario d’inégalité et de misère sociale permet à ce système de s’enrichir. La classe dirigeante n’a donc aucun intérêt à ce que les individus soient égaux. Surtout que cela lui permet également d’utiliser la technique du « diviser pour mieux régner » en opposant des groupes dans la majorité de la population – tels que les hommes face aux femmes, les différentes religions, origines, orientations sexuelles, … – afin d’affaiblir leur capacité à s’unir dans les luttes.

    L’émancipation réelle des 99% de la population – femmes et hommes – et la lutte contre les violences sexistes sont étroitement liées à celle contre ce système qui n’offre que des pénuries grandissantes et qui permet aux 1% les plus riches d’accaparer presque toutes les richesses. La lutte contre le sexisme n’est pas la lutte des hommes contre les femmes, c’est celle contre une société qui maintient les bases sociales pour l’oppression et les discriminations. Une lutte de tous les opprimés contre une classe dirigeante minoritaire qui opprime et exploite pour son seul intérêt. La Campagne ROSA défend la nécessité de lier la lutte contre le sexisme à celle contre les politiques d’austérité, et plus généralement à la lutte contre le capitalisme. Les femmes, la jeunesse et toute la classe ouvrière ont intérêt à mener ensemble la lutte contre le système capitaliste.

    Un contrôle démocratique des secteurs clés de l’économie ne nécessiterait plus d’utiliser le corps des femmes comme objets, puisque le but ne serait plus de maximiser les profits, mais de répondre aux besoins de la population. Une indépendance financière et des services publics accessibles et de qualité, de réels choix de vie pour les femmes deviendraient ainsi possibles. C’est uniquement sur base des besoins de la majorité que nous pouvons construire une société fondée sur l’égalité et la solidarité, au sein de laquelle aucun être humain ne puisse en opprimer et en exploiter un autre : une société socialiste.

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