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  • [ARCHIVES] Jeux Olympiques, big business et dictature

    Olympic_rings_with_transparent_rims.svgAux Jeux Olympiques, bien plus que les idéaux auto-déclarés d’internationalisme et de “fair play”, ce sont deux forces à priori contradictoires qui sont à l’œuvre : le nationalisme et la mondialisation capitaliste.

    Par chinaworker.info, article initialement publié en 2008 à l’occasion des Jeux Olympiques de Pékin

    “Le vainqueur de Pékin, c’est le big business” a titré la BBC en juillet 2001. La Chine venait juste de se voir attribuer les Jeux Olympiques de 2008. Les Jeux Olympiques ne sont pas simplement la manifestation sportive la plus prestigieuse au monde ; c’est aussi l’un des empires du marketing les plus aboutis de l’histoire du capitalisme. Le symbole olympique – cinq anneaux reliés représentant les cinq continents – est un logos parmi les plus reconnaissables et les plus étroitement gardés des logos de corporations et de compagnies. Le petit cercle non-élu et discret qui dirige les Jeux Olympiques, les 110 membres du Comité International Olympique (CIO), contrôle des ressources financières énormes et est courtisé par les gouvernements et les chefs d’entreprises du monde entier. L’ancien président du CIO, Juan Antonio Samaranch, insistait sur le fait qu’on devait s’adresser à lui en l’appelant “votre Excellence”. Sa mégalomanie a inspiré son surnom : “le seigneur des anneaux”.

    Les Jeux Olympiques de Pékin devraient rapporter quelques 2.5 milliards de dollars uniquement en droits de diffusion télévisés. Pour la période qui va aller jusqu’aux Jeux Olympiques de Londres en 2012, Jeux compris, cette somme devrait atteindre les 3 milliards. La dernière fois que les Jeux se sont déroulés à Londres, en 1948, la BBC avait accepté de payer 3.000 dollars pour téléviser l’événement. Mais le Comité olympique britannique n’a jamais encaissé le chèque, en considération pour la situation financière délicate de la BBC à l’époque!

    Tout cela, c’était avant que les Jeux Olympiques et les autres manifestations sportives importantes ne soient tombés sous l’emprise du big business. L’incorporation des JO dans les affaires a eu lieu sous le mandat de Samaranch, président du CIO de 1980 à 2001. La première olympiade qui s’est tenue sous le régime ultra-commercial de Samaranch était en 1984, à Los Angeles. A partir de ce moment, les droits d’émissions pour la télévision ont augmenté drastiquement : “plus vite, plus fort, plus haut”, selon la devise olympique officielle. Les revenus tirés des droits d’émissions pour les JO de Pékin atteignent presque 10 fois les 287 millions de dollars payés pour les JO de Los Angeles…

    Sans surprise, avec des milliards de dollars en “jeu”, le CIO a acquis une réputation de corruption. Un scandale important a secoué le mouvement olympique en 1999 à l’occasion des JO d’hiver de Salt Lake City. Plusieurs enquêtes, dont une du ministère américain de la justice, ont conduit à l’expulsion de dix membres du CIO qui avaient été “attrapés les mains dans le sac”, selon le New York Times. Ils avaient accepté des pots-de-vin sous formes d’immobilier, de vacances payées, de chirurgie plastique et d’entrée gratuite dans des universités pour leurs enfants. Le scandale a coûté son job au maire de Salt Lake City, mais le dirigeant du CIO, Samaranch, a survécu au scandale.

    Ce scandale a dévoilé le manque de transparence des JO, l’absence de responsabilité démocratique de son conseil d’administration et les nombreux liens entretenus avec le monde des affaires. Un débat intense a fait rage pour savoir si le CIO pouvait lui-même se réformer – des discussions faisant écho à celles sur le futur du Parti “Communiste” Chinois (PCC). La corruption et les scandales ont cependant continué à envelopper le mouvement olympique longtemps après le départ de Samaranch. En 2006, la ville japonaise de Nagano a été accusée d’avoir dépensé des millions de dollars pour “un niveau illégitime et excessif d’hospitalité” en faveur des membres du CIO. Nagano a dépensé plus de 4,4 millions de dollars pour entretenir les membres du CIO durant les JO, soit 46.500 dollars par personne.

    Le gouvernement chinois, le CIO et ses partenaires commerciaux ont beaucoup en commun. Ils sont tous antidémocratiques, élitistes, et membres d’organisations la plupart du temps corrompues. Le CIO, surnommé “le Club”, n’est pas un corps élu – les membres du CIO en fonction choisissent les nouveaux, un système pas si différent de celui en application au sein du PCC. L’idée selon laquelle les Jeux Olympiques, commandés par un régime autoritaire, pourraient être un agent de changement démocratique pour la Chine est extrêmement risible. Le CIO ne souffre d’aucune contestation. A l’approche des JO de Berlin en 1936, accueillis par le régime nazi, Ernest Lee Jahncke, un représentant américain du CIO, a publiquement appelé au boycott des JO. Il a été exclu en 1935, seul cas d’expulsion dans l’histoire de cette organisation jusqu’au scandale de corruption de Salt Lake City un demi-siècle plus tard.

    “Rejoindre le monde”

    Des calculs commerciaux mais aussi géopolitiques sont à la base de la décision du CIO de juillet 2001 qui a attribué les JO de 2008 à Pékin. Les sponsors des Jeux Olympiques – notamment Coca-Cola, Adidas et McDonald – déliraient littéralement sur les opportunités qu’offrait une telle occasion pour se positionner sur un marché potentiel de 1,3 milliard de personnes. Un lobby puissant de multinationales avait jeté son poids dans la balance pour Pékin, avec des entreprises américaines contribuant à deux-tiers des fonds pour l’offre chinoise, qui a monté jusqu’à 40 millions de dollars. Le régime chinois avait échoué huit ans plus tôt pour les Jeux Olympiques de 2000. Cette année là, c’est Sydney qui l’a emporté, le massacre de 1989 à Pékin étant encore relativement frais et a pesé contre la Chine.

    En 2001, cependant, Samaranch a été accusé de “tirer les ficelles dans les coulisses pour assurer que Pékin remporte les Jeux”. Évidemment, c’était le membre du CIO du Canada qui a introduit cette réclamation en soutenant l’autre principal candidat, Toronto. Samaranch a affirmé que les Jeux Olympiques ouvriraient “une nouvelle ère pour la Chine.” Henry Kissinger, membre auxiliaire (sans droit de vote) du CIO et maillon-clé entre le capitalisme américain et les dirigeants chinois, a qualifié la décision olympique d’étape “très importante dans l’évolution de la relation de la Chine avec le monde. Je pense qu’il y aura un impact important en Chine et, plus généralement, que cela aura un impact positif dans le sens de les inciter à avoir une conduite modérée internationalement et à l’intérieur de leur pays dans les années à venir.”

    La décision du CIO a coïncidé avec les négociations finales qui ont intégré la Chine dans l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), à des conditions très dures qui ont coûté bien davantage en ouverture de marché à la Chine que pour n’importe quel autre pays en voie de développement. Les détails de ces négociations et des concessions faites du côté chinois sont aujourd’hui encore un secret d’Etat en Chine – un journaliste risque l’emprisonnement en cherchant trop loin sur ce sujet. Rejoindre l’OMC a signifié de supprimer “les dernières barrières entre la Chine et les forces de la mondialisation” a commenté l’ancien correspondant en Chine du journal The Guardian, John Gittings. Ces deux décisions importantes partageaient un objectif stratégique semblable – attacher la Chine plus fermement au système capitaliste global.

    Pour les dirigeants chinois, ces deux décisions ont été vues comme des piliers importants afin de poursuivre leur politique de “réforme et d’ouverture” de plus en plus néo-libérale. Comme C. Fred Bergsten l’a précisé dans Foreign Affairs (en juillet 2008): “Pékin a non seulement supporté des négociations prolongées et un ensemble de conditions très large afin de faire partie de l’OMC mais a également employé les règles pro-marché de cette institution pour surmonter la résistance parmi les conservateurs en Chine.”

    Cette politique, y compris la privatisation et la réduction de la taille d’anciennes entreprises publiques ainsi que l’ouverture au marché de services publics comme l’enseignement et les soins de santé, se déroule sur fond de résistance croissante de la part de la classe ouvrière. La nouvelle que Pékin allait accueillir les Jeux Olympiques a fourni une distraction publique tombée à point pour le régime, en aidant à faire passer la pilule pour davantage de mondialisation néo-libérale. Des gigantesques célébrations ont été organisées une fois la décision du CIO devenue publique, avec probablement 200.000 personnes Place Tiananmen à Pékin, la plupart du temps issus des classes moyennes. Une vague de fierté nationaliste mélangée à l’espérance a ainsi été orchestrée par le gouvernement sur le thème “la Chine rejoint le monde”, en réclamant son droit légitime de superpuissance économique. Le fonctionnaire olympique de Pékin, Wang Wei, a qualifié tout cela comme une “autre étape importante dans la hausse du statut international de la Chine et un événement historique dans la grande Renaissance de la nation chinoise.”

    Comme pour tout ce que fait le PCC, son attention est principalement portée sur ce qui se passe à l’intérieur des frontières de la Chine. Comme The Economist l’a expliqué, le PCC est “davantage concerné par ses propres problèmes internes plutôt que par des tentatives d’influencer les pays lointains.” Pour un parti dirigeant autoritaire luttant pour garder le contrôle sur une société complexe et pour tenir ses propres forces ensemble, les Jeux Olympiques sont une arme puissante, du nationalisme en stéroïdes en quelques sortes. Si la Chine remplace les Etats-Unis en gagnant plus de médailles, ce sera instrumentalisé pour donner l’image d’un pays sur lequel souffle le progrès économique et social sous la direction de la dictature actuelle.

    Multinationales

    Le paradoxe d’un régime nominalement “communiste” qui reçoit un énorme soutien des plus grandes entreprises au monde est résumé dans ces Jeux Olympiques. Un groupe très “sélect” constitué de douze grandes multinationales, dont Adidas, Coca-Cola, Samsung et General Electric, ont versé chacune en moyenne 72 millions de dollars au CIO pour devenir les sponsors les plus en vue des JO de Pékin.

    Pour de telles compagnies, le sponsor olympique et la publicité peuvent jouer un rôle décisif. Comme l’a dit le People’s Daily; “les Jeux Olympiques sont plus qu’une arène de sports, c’est un champ de bataille pour des multinationales.” L’entreprise américaine Kodak a utilisé sa place de sponsor des Jeux d’hiver de Nagano en 1998 comme un levier pour s’introduire sur le marché japonais du film photographique, précédemment monopolisé par Fuji. Le sponsoring de Visa International à chaque JO depuis 1986 l’a aidé à dépasser American Express en tant que principale compagnie de carte de crédit aux Etats-Unis. Selon les règles olympiques, seule une entreprise de chaque secteur est acceptée comme sponsor. Ceci explique pourquoi Pepsi Co a toujours eu les portes des JO fermées – Coca-Cola a été associé à chaque Jeux Olympiques depuis 1928. Cet arrangement exclusif s’étend à la publicité et à la vente de tous les produits olympiques, où Coca-Cola dispose d’un monopole. On pouvait lire dans la campagne publicitaire de Visa à l’époque des JO d’hiver de Calgary en 1988 “ils honoreront la vitesse, la vigueur et la compétence. Mais pas American Express.”

    Cette bataille est arrivée sur le sol chinois, où elle éclipse complètement les jeux eux-mêmes. “Les sponsors olympiques disposent de budgets énormes pour se lancer en Chine” a déclaré un annonceur de Hong Kong. “Quand la torche olympique sera en Chine, chaque ville qui la verra passer sera pleine de logos des sponsors” a-t-il encore dit. C’est un motif important qui explique pourquoi ceux qui ont planifié le parcours de la torche ont choisi le plus long trajet de l’histoire des Jeux Olympiques, c’est-à-dire 137.000 kilomètres, soit trois fois et demi la circonférence de la terre. Historiquement, avant de devenir une aubaine publicitaire, le relais de la torche a commencé en 1936 comme symbole du triomphe du nazisme. Ce rituel n’a rien à voir avec l’internationalisme. Au contraire, c’est un indice des liens historiques puissants entre le mouvement olympique et les régimes fascistes et autoritaires.

    “L’idée d’allumer la torche à l’emplacement olympique antique en Grèce et puis de la faire parcourir différents pays a des origines beaucoup plus sombres. Elle a été inventée sous sa forme moderne par les organisateurs des Jeux Olympiques de 1936 à Berlin. Et le parcours avait été planifié avec un soin immense par les dirigeants nazis pour donner l’image d’un Troisième Reich moderne, économiquement dynamique avec une influence internationale grandissante.” [BBC, 5 avril 2008]

    En Chine, le gouvernement a soufflé sur les braises de “l’Olympic fever” en essayant ainsi de couper court au mécontentement grandissant qui constitue de plus en plus une menace grave à son pouvoir. Le régime espère de plus que les Jeux Olympiques aideront à déclencher une augmentation de la consommation afin d’absorber le choc de la diminution de la demande externe consécutive au ralentissement de l’économie mondiale. La Chine souffre d’un taux de consommation intérieur anormalement bas – même les Indiens consomment plus en terme de part du Produit Intérieur Brut (PIB). En fait, jamais les salaires n’ont suivi la courbe de la croissance globale de l’économie. En part du PIB, les salaires sont tombés de 53% en 1998 à 41% en 2007, un des déclins les plus aigus au monde (et ceci au cours de la période de préparation des Jeux de Pékin).

    En plus des campagnes de ventes massives des multinationales sponsors olympiques, plus de 5.000 produits ont été introduits sur le marché avec le logo des Jeux Olympiques de Pékin. Cela comprend des habits, des poupées de la mascotte, des porte-clefs, et même des bâtons commémoratifs. Bon nombre de ces produits olympiques officiels ont été faits dans des usines qui ont recours au travail des enfants ou qui violent d’autres lois.

    Pour chacune des compagnies du OPP (Olympic Partner Programme), la Chine représente un enjeu énorme et elles s’attendent à ce que leurs investissements olympiques soient récompensés en termes de part de marché. Coca-Cola domine le marché chinois des boissons non alcoolisées et a été la première compagnie américaine à s’installer en Chine, dès 1979, quand Deng Xiaoping a ouvert le pays aux entreprises étrangères. Coca-Cola a 30.000 employés en Chine, qui est son quatrième plus grand marché, et le plus rentable. General Electric, une autre compagnie du OPP, fournit l’énergie et les systèmes d’éclairage des Jeux de Pékin. Cette entreprise a également des parts dans la société NBC Universal, qui détient des droits exclusifs d’émissions des Jeux Olympiques pour les Etats-Unis, qu’elle a payé presque 900 millions de dollars. Entre 2001 et 2006, les ventes de General Electric en Chine ont quadruplé.

    Casseurs de syndicats

    Adidas, autre OPP de longue date, a vu ses ventes en Chine augmenter de 45% en 2007, ce qu’il faut comparer aux 5% de croissance atteints en Europe. Adidas vise un chiffre d’affaires d’un milliard d’euros en Chine d’ici 2010. Le géant allemand des vêtements de sport produit la majeure partie de sa production en Chine, mais là nous parlons d’une autre catégorie de la population chinoise que celle qui achète ces produits. Les travailleurs sous-payés qui confectionnent les baskets Adidas dans des conditions inhumaines habitent une autre planète que la fine couche de clients chinois de la classe moyenne vers qui Adidas oriente son marketing.

    Adidas tire plus de la moitié de sa production globale de pays où les syndicats sont interdits, principalement en Chine. Les conditions terribles parmi les sous-traitants chinois de la compagnie ont été dénoncées dans un article du Sunday Times (R-U), qui a parlé de trois usines depuis longtemps associées à Adidas à Fuzhou, en Chine méridionale. Les ouvriers se sont plaints d’heures supplémentaires forcées et de salaires au-dessous du minimum légal. Ils ont gagné juste 570 Yuan (83 dollars) par mois en 2007 – à peine assez pour s’acheter une paire de baskets Adidas. Ce rapport a également montré à quel point le syndicat contrôlé par l’État, l’ACFTU, “a été largement accusé de ne rien faire.” Quand des travailleurs ont entamé une grève en 2006, ils ont tous été virés.

    Adidas n’est en rien exceptionnel. Les sponsors olympiques forment un groupe d’escrocs et de casseurs de syndicats. Le géant de l’électronique Samsung est un autre exemple tout aussi infâme. La compagnie a connu quelques problèmes en Corée du Sud pour toute une gamme d’activités illégales comme le chantage et les pots-de-vin pour obliger des militants syndicaux à stopper leurs actions. Cette entreprise, le plus puissant des conglomérats du pays, a été pendant longtemps un des piliers de l’ancien régime militaire de Corée du Sud. Un éditorial du journal Hyankoreh a dit de Samsung : “Dans une république démocratique vous avez un leader mondial de la technologie de pointe qui utilise des tactique antisyndicales primitives dignes des années de dictature.”

    De même, Coca-Cola a été accusé d’activités antisyndicales en Colombie, au Pakistan, en Turquie, au Guatemala et au Nicaragua. Une procédure a été entamée contre la compagnie par les syndicats colombiens en 2001 parce que les travailleurs de Coca-Cola “ont été confrontés avec des forces de sécurité paramilitaires qui ont eu recours à une violence extrême et qui ont entre autres assassiné, torturé et détenu illégalement des dirigeants syndicaux pour les faire taire.” Les liens entre Coca-Cola et les fonctionnaires olympiques ont été démontrés lorsqu’Atlanta, le siège de la compagnie, a obtenu les Jeux de 1996. C’était à peine douze ans après qu’une autre ville des USA, Los Angeles, ait obtenu d’organiser les jeux. Un autre sponsor olympique de haut vol, McDonald, est une compagnie antisyndicale typique. Un séminaire international sur les pratiques de travail chez McDonald, organisé par la Confédération internationale des syndicats libres (ICFTU) en 2002 a conclu que: “McDonald tend à avoir recours aux normes minimales ou aux exigences légales minimales en termes de salaires, de santés et de sécurité, avec une propension à employer des méthodes antisyndicales comprenant l’isolement, le harcèlement et l’écartement des employés syndiqués ou défenseurs des syndicats.”

    “Du sport, pas de la politique”

    En Chine aussi, McDonald a été au centre d’un important scandale, quand il a été révélé que l’entreprise payait de jeunes travailleurs 40% en dessous du salaire minimum, déjà très bas. Plusieurs gouvernements provinciaux ont été forcés d’enquêter sur le géant du fast-food à cause de la pression de l’opinion. Mais alors qu’ils ont confirmé que McDonald avait violé le code du travail de Chine en plusieurs endroits, ils ont refusé de rendre coupable de violation des règles de salaire minimum. Cette affaire (qui a fait l’objet d’un article en mai 2007 sur chinaworker.info – China’s ‘McScandal’ shows the need for real trade unions) a eu comme conséquence que le syndicat fantoche ACFTU a été en pourparlers pour négocier la première reconnaissance d’un syndicat chez McDonald, mais avec naturellement des représentants de la direction désignés pour mener les sections syndicales. C’est une pratique normale pour l’ACFTU. Ils appellent ça “le syndicalisme avec des caractéristiques chinoises”!

    Les méthodes antisyndicales et anti-classe ouvrière des sponsors olympiques sont en conformité avec une longue tradition de soutien de la part du CIO aux régimes et aux causes réactionnaires et contre la classe ouvrière. Pour dire, comme le fait le CIO, les sponsors et le régime chinois, que les Jeux Olympiques ne font que du sport et pas de la politique, il faut ignorer l’histoire hautement politique des Jeux. La décision prise par le régime chinois de faire passer la torche par les régions du Tibet et de Xinjiang ne peut pas être décrite comme une décision “apolitique”. Quand la torche est passée par la capitale du Tibet, Lhassa, en juin, quand la plupart des Tibétains étaient sous couvre-feu et donc incapables de la voir, le dirigeant du Parti “communiste” du Tibet Zhang Qingli a fait un discours dans lequel il a réclamé que les adversaires des Jeux Olympiques – et donc du PCC – soient écrasés. Le CIO, embarrassé, a été obligé de faire un reproche, chose rare, au gouvernement chinois, en réitérant que “le sport et la politique doivent être séparés.”

    En fait, la plupart des olympiades ont été entourées de polémique politique : Berlin 1936, Munich 1972, Mexico 1968, Moscou 1980, Los Angeles 1984 ; la liste est longue… Juste quelques semaines avant l’ouverture des Jeux Olympiques de Mexico, des étudiants ont occupé leur université en exigeant la fin du régime de parti unique. Cela a conduit au massacre de Tlatelolco au cours duquel des douzaines de jeunes manifestants ont été tués par les militaires, déterminés à rétablir l’ordre pour le début des Jeux. A nouveau, les fonctionnaires olympiques se sont cachés derrière leur phrase “il faut séparer le sport et la politique”: le Président du Mexique, Gustavo Díaz Ordaz, du sang plein les mains, a donc pu présider la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympique avec les dignitaires étrangers invités. Mais, toujours à Mexico, quand les athlètes afro-américains Tommie Smith et John Carlos ont levé leurs célèbres gants de cuir dans un salut anti-raciste du podium, ils ont été expulsés des jeux sur les ordres du Président du CIO Avery Brundage.

    Quand le Comité International Olympique doit collaborer avec des dictateurs, ils le justifient avec l’argument que les Jeux Olympiques peuvent aider à faire avancer la démocratie et les droits de l’homme. En d’autres termes, ils utilisent un raisonnement explicitement politique. Mais quand ceci s’avère faux, comme en Chine aujourd’hui, ils répondent que les Jeux Olympiques sont un sport, pas une organisation politique. Jacques Rogge, président actuel du CIO, a fait la déclaration absurde que les Jeux Olympiques de 1988 à Séoul ont aidé à transformer la dictature de Corée du Sud en une démocratie. Selon Rogge, “les jeux ont joué un rôle crucial, avec la présence des médias.” [Financial Times, 26 avril 2008]

    Dans la vraie vie, le régime militaire sud-coréen est tombé suite à une vague de grèves et de manifestations de masse qui ont éclaté en juin 1987 (une année entière avant les Jeux Olympiques) et a continué en dépit de l’énorme répression qui a sévi au cours des trois années suivantes. C’est une leçon importante pour la Chine, démontrant le rôle décisif de la lutte de masse des travailleurs dans la lutte contre la dictature. Quand se déroule une lutte pour des droits démocratiques, les Jeux Olympiques font plutôt partie du problème que de la solution. Dans un rapport récent, Amnesty International a dénoncé le fait que “l’accueil des Jeux Olympiques est devenu une excuse à peine voilée pour restreindre la liberté d’expression et de réunion.” [What human rights legacy for the Beijing Olympics? Amnesty International, 1 avril 2008]

    On estime qu’environ 150 personnes ont été tuées par les forces de sécurité au Tibet et l’année 2008 est déjà la plus mauvaise année en termes de répression d’Etat en Chine depuis 1989. Annihilant les arguments du CIO et de ses partisans, le rapport d’Amnesty International dénonce que “une grande partie de la vague actuelle de répression contre les activistes et les journalistes ne se produit pas malgré, mais en réalité en raison des Jeux Olympiques.”

    Mais l’Etat chinois n’est pas le seul à utiliser les Jeux Olympiques pour battre l’opposition potentielle. Interpol a accepté de coopérer avec les autorités chinoises en ouvrant sa base de données “pour aider la Chine à assurer que les fabricants de sottises n’entrent pas.” En apparence, de telles mesures sont destinées aux terroristes du Xinjiang et du Tibet (en dépit du manque de preuve que de telles menaces terroristes existent). Comme l’a dit le dissident Hu Jia: “Les plus grandes menaces ne sont pas nécessairement les terroristes ou les crimes, les plus grandes menaces sont ceux qui mettent en avant les problèmes sociaux de la Chine et protestent contre le gouvernement.”

    Le CIO a une tradition de racisme, d’anti-communisme et de soutien à des régimes autoritaires qui remontent à ses origines. Si les dirigeants chinois rejoignent les discours de cette organisation, cela constitue un indice sur où se trouve aujourd’hui le gouvernement chinois. Le fondateur du mouvement olympique moderne, en 1896, était l’aristocrate français Pierre de Coubertin. Sa vision n’était pas celle d’un mouvement sportif populaire pour les masses, mais d’un mouvement presque exclusivement tourné vers la riche caste des officiers militaires. Dans la tête des nobles du style de Coubertin, les “classes inférieures” ne pouvaient pas saisir le concept de fair-play. Les femmes étaient aussi considérées comme complètement inaptes pour le monde du sport – chose qui a changé à peine après la Deuxième Guerre Mondiale. Même aux Jeux Olympiques de Londres en 1948, les athlètes féminines représentaient environ 10% des athlètes. Plus d’athlètes afro-américains ont participé aux jeux de 1936 à Berlin qu’à Los Angeles quatre ans plus tôt, à cause du racisme institutionnalisé aux Etats-Unis qui a maintenu la ségrégation dans la plupart des sports jusqu’aux années 50, ce qui a inspiré la protestation silencieuse de 1968 par Smith et Carlos.

    Le Baron de Coubertin était un grand patriote français qui est néanmoins devenu un admirateur dévoué du régime nazi. A sa mort en 1937, il a légué sa collection littéraire au gouvernement d’Hitler. Six mois après sa mort, le cadavre de de Coubertin a été déterré à Lausanne, en Suisse, et son cœur a été enlevé et transporté à Olympie en Grèce. Là, il a été ré-enseveli au cours d’une cérémonie dirigée par son ami de longue date, Karl Diem, haut fonctionnaire nazi et organisateur des jeux de 1936.

    Une tradition autoritaire

    Le CIO a attribué à Berlin l’organisation des Jeux de 1936 deux ans avant qu’Hitler n’arrive au pouvoir en janvier 1933. Plutôt que d’exprimer un regret, les dirigeants du CIO on énergiquement défendu le droit des nazis à organiser les jeux. Quand la terreur nazie dirigée contre les syndicalistes, les communistes, les socialistes et les juifs a commencé à être connue, l’appel au boycott des Jeux de Berlin a pris de l’essor, particulièrement aux USA, en Grande-Bretagne, en France, en Suède, en Tchécoslovaquie et aux Pays Bas. Un sondage d’opinion de 1934 a prouvé que 42% des Américains soutenaient le boycott des Jeux Olympiques. Face à cette crise, le Comité olympique américain a envoyé son président, Avery Brundage, en Allemagne pour évaluer si les Jeux pouvaient être tenus selon des principes olympiques. Mais en réalité, la mission de Brundage était une manœuvre consciente pour dévier la campagne de boycott, pour laquelle Brundage a blâmé “les juifs et les communistes.” Lors de sa visite en Allemagne en septembre 1934, il a rencontré des athlètes juifs en présence de trois dirigeants du parti nazi, dont un en complet uniforme SS avec un revolver. Les athlètes juifs ont craint pour leurs vies et n’ont pas osé faire part de leurs critiques contre le régime nazi. Brundage est revenu aux USA en donnant son approbation aux jeux de Berlin.

    Brundage, qui est plus tard devenu président du CIO (entre 1952 et 72), était également un admirateur d’Hitler et était ouvertement antisémite. Il a cité Main Kampf comme sa principale “inspiration spirituelle.” Son ami, le principal capitaliste suédois Sigfried Edström (lui aussi président du CIO entre 1946 et 52) était aussi un sympathisant fasciste. En 1934, pendant que faisait rage la campagne pour le boycott, Edström avait écrit à Brundage : “L’opposition nazie à l’influence des juifs peut seulement être comprise si vous habitez en Allemagne. Dans certains des plus importants commerces juifs, ils empêchent tous les autres de rentrer… plusieurs de ces juifs sont d’origine polonaise ou russe avec des esprits entièrement différents de l’esprit occidental. Un changement de ces conditions est absolument nécessaire si l’Allemagne veut rester une nation blanche.” [Lettre d’Edström à Brundage datant du 8 février 1934 et issue des archives nationales de Suède]

    Après les Jeux Olympiques de Berlin, Edström, à l’époque vice-président du CIO, a assisté à un rassemblement du parti nazi à Nuremberg et a plus tard déclaré : “C’était l’un des plus grands spectacles auquel j’ai pu assister… Il [Hitler] est probablement l’un des individus les plus puissants et les plus fortement soutenus de l’histoire mondiale. Je suis sûr que 60 millions de personnes sont disposées à mourir pour lui et à faire ce qu’il demande.” Indiquant clairement que Berlin n’était en aucun cas une abérration pour le CIO, ce dernier a décidé ensuite d’attribuer les Jeux de 1940 au Japon. Cette olympiade n’a jamais eu lieu en raison de la guerre, mais cette décision de favoriser encore un autre régime militariste et farouchement anti-communiste avait été prise en connaissance totale des atrocités du Japon en Chine, que ses armées occupaient depuis 1931.

    Une importante couche d’industriels et de politiciens capitaliste à travers le monde a regardé favorablement l’Allemagne, le Japon et d’autres régimes autoritaires ou fascistes en les voyant comme des remparts à la diffusion du “communisme”. Ce n’est que lorsque les ambitions impérialistes d’Hitler et de l’empereur japonais se sont opposées aux leurs que les “démocraties” capitalistes ont adopté une rhétorique antinazie. Le parallèle avec la Chine d’aujourd’hui est qu’internationalement, une large couche de capitalistes voit l’actuel régime communiste-uniquement-en-nom comme le meilleur espoir de garder la Chine ouverte pour le capitalisme tout en maintenant son énorme classe ouvrière sous contrôle. C’est pourquoi ils soutiennent avec enthousiasme l’accueil que la dictature chinoise a réservé aux Jeux Olympiques.

    Après la Deuxième Guerre Mondiale, Edström et Brundage ont utilisé leurs positions à l’intérieur du CIO pour essayer de favoriser la libération de criminels de guerre nazis condamnés. Le cas le plus célèbre est leur campagne pour la libération de Karl Ritter von Halt, membre allemand du CIO jusqu’à la fin de la guerre et personnage éminent du régime d’Hitler, emprisonné en Russie. Ritter von Halt a été libéré en 1951 en tant que monnaie d’échange, puisque c’est dès ce moment que l’Union Soviétique a été admise dans le mouvement olympique.

    Brundage a continué à défendre des causes réactionnaires en tant que président du CIO. Il était un ardent défenseur de la chasse aux sorcières anti-communiste du sénateur McCarthy dans les années ’50. Il a aussi critiqué le Président Eisenhower pour avoir arrêté la guerre de Corée, ce que Brundage a qualifié d’acte “honteux pour tous les blancs en Asie.” La démission de Brundage à la tête du mouvement olympique était l’une des revendications de Tommy Smith et John Carlos lors de leur protestation en 1968 (ils ont également exigé que le de champion du monde de boxe soit rendu à Muhammad Ali).

    En 1980, Juan Antonio Samaranch, indiscutablement le plus puissant des présidents du CIO, est devenu le chef du CIO. Il s’est décrit comme “100% franquiste” en référence au dictateur fasciste espagnol. La biographie officielle de Samaranch, éditée par le CIO, ne parle pas de sa longue carrière politique en tant que député fasciste à Cortes puis ministre du sport sous la dictature de Franco. C’était durant cette période que Samaranch a entretenu des contacts étroits avec Horst Dassler, héritier de l’empire Adidas et figure cruciale mais clandestine du mouvement olympique. Dans les années ‘60, les balles de football d’Adidas étaient fabriquées par des prisonniers des geôles espagnoles, dans le cadre d’un contrat négocié avec l’aide de Samaranch. Cette utilisation du travail forcé de prisonniers n’était qu’un prototype – à une échelle beaucoup plus petite – de la production actuelle.

  • L'austérité n'est pas un bon carburant pour l'économie et ce n'est pas prêt de changer

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    L’éternel argument choc des partis austéritaires, c’est que l’austérité ça a beau faire mal, ce serait nécessaire pour faciliter la croissance économique. Il semble pourtant bien qu’après un an d’activité d’un gouvernement particulièrement partisan de l’austérité la plus dure, la croissance de l’économie belge se retrouve sous la moyenne européenne pour la première fois depuis des années. Le taux de chômage ne diminue pas – c’est-à-dire que le nombre de travailleurs sans emploi ne diminue pas, mais le nombre de chômeurs exclus de leur droit aux allocations augmente – et même l’OCDE constate que le moteur économique belge hoquète. Le principal argument qui soutient l’édifice austéritaire semble donc être des plus erronés… Baptiste (Hainaut) se penche sur l’état de l’économie.

    L’économie mondiale passe en mode ‘‘nouvelle médiocrité’’

    Ce sont les termes de Christine Lagarde lors de la dernière assemblée générale du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale (BM). Ils font suite à une nouvelle révision à la baisse des perspectives de croissance économique. Non seulement les prévisions de croissance sont revues à la baisse pour 2015 et 2016 (+3,1% et +3,6% contre +3,4% estimés en 2014), mais en plus le climat est délétère, avec les symptômes d’une nouvelle phase de crise maniaco-dépressive dans le secteur financier.

    La Chine devait être le nouveau moteur de l’économie mondiale. C’était du moins l’attente des capitalistes, après que leurs espoirs dans la capacité des pays émergents dans leur ensemble à dynamiser la croissance se soient avérés être des illusions. Néanmoins, de la même manière que pour le reste des pays émergents, l’économie chinoise est totalement imbriquée dans l’économie mondiale et, par conséquent, elle est pieds et poings liés aux contradictions gigantesques de la crise économique.

    Une espèce de Frankenstein chinois de la finance

    Ces dernières années, les plans massifs de stimulation mis en place par les autorités publiques chinoises ont donné lieu à des investissements dans l’infrastructure sur fond de dettes colossales et à de la spéculation, notamment dans le secteur immobilier. Les chiffres de croissance se sont retrouvés gonflés dans un premier temps, donnant l’impression que la Chine pouvait continuer à croître pendant que tout le reste de la planète s’écrasait dans la récession. Mais tout cela ne permet pas de développer ‘‘durablement’’ une économie condamnée à se heurter à la surproduction du capitalisme tant les conditions de vie des travailleurs sont précaires et tant les exportations ne trouvent plus suffisamment de débouchés.

    Selon les chiffres officiels, la croissance devrait être de 6,3 % en 2015, soit le plus bas en 25 ans. À côté de ces chiffres officiels peu crédibles, d’autres données économiques sont encore plus négatives : en un an, il y a par exemple une diminution en volume du fret ferroviaire et de la consommation d’électricité. Et quand il y a un ralentissement économique, les inévitables travers financiers ne peuvent plus être relativisés. On estime aujourd’hui le montant total de la dette (publique et privée) à 280 % du PIB (soit 28.000 milliards de dollars) ! Sans oublier que l’importance de l’endettement a donné lieu à un réseau bancaire de l’ombre, totalement hors de contrôle et aux conséquences imprévisibles. Les bulles spéculatives arrivent à la limite de leur expansion, notamment dans le crédit et l’immobilier. Et quand une bulle arrive à son expansion, elle ne peut qu’éclater, comme cela s’est déroulé une première fois durant l’été avec un krach des bourses en Chine l’onde de choc qui s’en est suivi partout dans le monde.

    À défaut d’être le nouveau moteur de l’économie mondiale, la Chine tend à présent à être le nouvel épicentre de l’instabilité ! Quant aux pays émergents, dont l’économie a été défigurée ces dernières années en économie d’exports de matières premières vers la Chine (pétrole, métaux, minerais…), la note est salée. Le ralentissement est conjugué à un effondrement des cours des matières premières. Si ce paramètre est positif pour les pays industrialisés, c’est en revanche une catastrophe pour les pays émergents. Au Brésil par exemple, on estime pour cette année que la récession sera deux fois plus forte que prévu (-3 % du PIB) !

    En route vers une stagnation séculaire ?

    Pour les blocs économiques formés par les États-Unis et la zone Euro, si la situation est à l’accalmie, c’est grâce au maintien des perfusions de liquidités par les banques centrales et à la baisse du prix des matières premières. Mais malgré cela, il n’y a pas de redémarrage réel de l’économie, il n’y a pas de rétablissement de l’emploi. Que du contraire : les politiques d’austérité continuent de saper les conditions de vie et de travail, aggravant la crise de surproduction !

    À présent, qu’il n’y a plus même un ersatz de nouveau moteur de l’économie mondiale, le spectre d’une longue récession est de plus en plus partagé. C’est la ‘‘stagnation séculaire’’, mêlant une stagnation sur laquelle les politiques économiques et monétaires semblent sans effet, et un cercle vicieux de la déflation sur fond de guerres monétaires.

    Le capitalisme est un système sans avenir

    Les classes dirigeantes n’ont cessé de nous vendre une « reprise proche », pour mieux justifier une austérité soi-disant temporaire. Ce prêchi-prêcha de cartomancien véreux n’est qu’un écran de fumée pour masquer une véritable guerre de classe. Et c’est bien la seule chose que ce système nous réserve pour l’avenir. Nous avons besoin d’une alternative de société, une alternative socialiste !

  • Hausse des tensions entre États-Unis et Chine, sur fond de panne de l'économie chinoise

    À bas le nationalisme, la répression et les « réformes » néolibérales qui caractérisent le régime de Xi? Ji?npi?ng

    obama-xiLe président chinois Xí Jìnpíng a commencé sa visite d’une semaine (du 22 au 29 septembre) aux États-Unis par la ville de Seattle, où il a rencontré les dirigeants des plus grandes entreprises technologiques états-uniennes Apple, Amazon et Microsoft. Partout sur son chemin, il a été accueilli par des groupes de manifestants. Parmi eux, les camarades du Comité pour une Internationale Ouvrière de la ville de Seattle accompagnés par notre conseillère Kshama Sawant, qui ont tenu à afficher leur solidarité avec les travailleurs chinois en soutenant la revendication de pouvoir créer des syndicats indépendants en Chine.

    Par Vincent Kolo, chinaworker.info

    Cette toute première visite d’État du président Xí aux États-Unis survenait à un moment particulièrement difficile pour le régime chinois. En effet, l’économie chinoise a fortement ralenti cette année, poursuivant sur les mauvais résultats de 2014. Les dernières données économiques ne font qu’ajouter au marasme. L’indice des directeurs d’achat industriels, qui mesure la production à l’usine et qui était de 47,3 en aout, est passé à 47,0 en septembre (tout chiffre en-dessous de 50,0 indique une réduction de la production). Le résultat de septembre est le plus bas depuis la crise financière mondiale de 2008-2009.

    Révision à la baisse des prévisions de croissance

    Les marchés boursiers chinois, qui ont perdu 40 % de leur valeur depuis le mois de juin (avec la perte de 5000 milliards de dollars en actions), se sont encore dépréciés à la suite de la publication de cet indice. Cela a contrarié l’objectif de la visite de Xí aux États-Unis, qui visait à « restaurer la confiance » dans l’économie chinoise.

    Les dernières chutes des bourses de Sha?ngha?i et de She?nzhe?n ont été accompagnées de fortes baisses sur les marchés mondiaux, y compris à Wall Street. Les financiers craignent que la Chine, censée être le moteur de l’économie mondiale, en particulier en ce qui concerne les soi-disant « pays émergents » et autres pays exportateurs de matières premières, pourrait plonger le monde entier dans une nouvelle récession. Quelques jours avant l’arrivée de Xí aux États-Unis, plusieurs banques et institutions internationales (y compris la Banque asiatique de développement, l’OCDE et la banque Barclays) ont révisé à la baisse leurs prévisions en ce qui concerne la croissance du PIB chinois.

    Lors d’un long entretien avec le Journal de Wall Street (propriété de M. Rupert Murdoch, magnat des médias mondiaux et 32e personne la plus puissante au monde, qui sortait d’une audience en privé avec M. Xí à Pékin une semaine auparavant), Xí a rassuré son public américain du fait que son plan de réformes capitalistes se poursuivra « coute que coute ». Ces réformes incluent un rôle accru pour le capital privé et étranger dans l’économie, plus de dérégulations et de privatisations. Fidèle à son style rhétorique, Xí a déclaré que ses réformes sont telles « une flèche qui, une fois tirée, ne peut plus revenir en arrière ».

    Des messages contradictoires

    Les États-Unis désiraient faire pression sur le président chinois quant aux dossiers de la militarisation de la mer de Chine méridionale (mer hautement stratégique située entre la Chine, Taïwan, le Vietnam, l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines et Singapour, à travers laquelle transitent un tiers des bateaux du monde entier) et de la cybersécurité, tentant de tirer profit des difficultés actuelles du régime chinois. Mais Xí considérait cette visite avant tout comme une tribune à partir de laquelle calmer les craintes de ses investisseurs quant à la possibilité d’une récession chinoise. Son problème est que tous ses discours sont constamment décrédibilisés par les données en provenance de l’économie de son pays et par la fragilité de l’économie mondiale qui dépend de plus en plus de la Chine.

    Les dirigeants capitalistes du monde entier sont de plus en plus inquiets face au ralentissement de l’économie chinoise qui se fait de plus en plus sentir et face à l’instabilité financière qui menace les plans de réformes de Xí. En aout, Pékin a pris le monde par surprise en changeant subitement de politique monétaire. Il s’agissait d’une tentative tout autant couteuse que futile de contrer la déroute des marchés boursiers. Cela n’a fait qu’accroitre les craintes d’une dévaluation de la monnaie chinoise tout en faisant perdre à Xí et à son équipe la confiance placée en eux par les capitalistes ainsi que leur autorité. Alors que les dirigeants chinois étaient perçus partout comme des gestionnaires compétents, ce point de vue est de plus en plus remis en cause.

    Les relations entre la Chine et les États-Unis sont entrées dans une nouvelle phase de turbulences. La montée en puissance de la Chine contraint les États-Unis à réagir pour maintenir leur position en tant que « gendarme du monde ». C’est surtout le cas en Asie, où les tensions entre les différents pays sont en train de monter, comme cela s’est illustré récemment lorsque le parlement japonais a décidé d’abolir les clauses pacifistes de sa constitution, ce qui permet désormais au Japon, pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, il y a 70 ans, d’envoyer ses troupes combattre à l’étranger aux côtés de ses alliés américains et autres. Shinzo? Abe, le Premier ministre japonais, un nationaliste de droite, est soutenu dans sa politique militariste par l’administration Obama, au grand dam d’une grande majorité de la population japonaise. Il ne s’est pas caché du fait que sa « réinterprétation » de la constitution de 1947 du royaume du Japon vise essentiellement à répondre à la « menace chinoise ».

    La mer de Chine méridionale

    La modification de la constitution japonaise n’est qu’un des nombreux changements qui sont en train de s’opérer sur la carte géopolitique de l’Asie, de même que la décision du président Obama de renforcer son « pivot » militaire sur le continent, afin de contrer la domination économique croissante de la Chine dans cette région.

    La Chine est maintenant devenue, et de loin, le plus important partenaire commercial des dix pays qui forment l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), une sous-région qui compte 600 millions d’habitants. Le commerce entre la Chine et le bloc ASEAN s’élevait à 480 milliards de dollars en 2014, comparé aux 100 milliards de dollars entre la même sous-région et les États-Unis. La puissance financière de la Chine dans la sous-région – en tant que principal acheteur du fer australien et principal financier des banques indonésiennes – est aussi devenu un important contre-pouvoir face à la domination américaine et japonaise. C’est dans ce contexte que se développe à présent ce qui pourrait devenir un conflit dangereux dans la mer de Chine méridionale, qui pourrait engendrer des échanges houleux entre Obama et Xí au cours de la visite du président chinois.

    Plusieurs iles inhabitées dans cette mer, ainsi que leurs territoire maritime, font l’objet d’un contentieux entre la Chine et d’autres pays (notamment le Vietnam et les Philippines). Ces iles sont censées être riches en minerais et en pétrole, mais jouent également un important rôle stratégique du point de vue militaire. Les porteparoles états-uniens ont durci leur discours au cours des derniers mois contre les prétentions chinoises, la Chine désirant s’installer sur cet archipel pour y construire des bases aériennes et autres infrastructures militaires.

    Les États-Unis et son allié le Japon ont renforcé leur coopération militaire avec les États du Vietnam et des Philippines, qui sont tous deux mêlés dans divers conflits avec la Chine quant au contrôle de ces iles et de leur territoire maritime.

    Quel que soit le gagnant de ce conflit, les perdants sont déjà les travailleurs et paysans pauvres de Chine, du Vietnam, des Philippines et d’autres pays asiatiques, qui voient leurs gouvernements entonner des refrains patriotiques et augmenter leurs budgets militaires au détriment des budgets pour l’enseignement, les logements et la protection de l’environnement (tels que des barrages pour protéger les populations de la montée des eaux et autres plans de lutte contre le changement climatique). Loin de tenter de trouver une solution, les élites états-unienne et chinoise ne font qu’envenimer le problème dans leur lutte pour la prééminence régionale. On parle même d’une « nouvelle guerre froide ».

    Avant la visite de Xí, l’administration Obama a lancé toute une série d’accusations contre Pékin, selon lesquelles le gouvernement chinois serait coupables d’attaques de hackers contre différentes entreprises et institutions états-uniennes. La Chine a répondu en envoyant à Washington le chef de son service de sécurité intérieure, M. Me?ng Jia?nzhu?, afin d’aplanir cette dispute avant la visite de M. Xí. Obama a demandé la mise en place d’un cadre de concertation internationale pour empêcher que l’internet ne devienne un terrain d’opérations militaires, sans vouloir avouer sa propre culpabilité dans le cadre de cette affaire.

    Comme le militant Edward Snowden l’a révélé, les États-Unis ont mis sur écoute les téléphones de 120 chefs d’État dans le monde et sont à la tête d’un gigantesque réseau de cyberespionnage. Lorsqu’on lui a demandé de commenter les mesures de représailles prises par les hackers du gouvernement chinois, M. Michael Hayden, un ancien directeur de la NSA et de la CIA, s’est exclamé : « Qu’est-ce qu’on va faire ? Voler les secrets d’État de la Chine ? On les a déjà ! » Il est possible qu’au cours de la rencontre entre les deux dirigeants à Washington, un « code de bonne conduite » soit annoncé pour limiter l’ampleur de ces attaques, mais il est très peu probable que ce protocole soit respecté dans la pratique.

    Interdépendance

    Mais comme le démontre la foule de chefs d’entreprises américaines qui font le rang pour venir serrer la main du président chinois (y compris Bill Gates, Warren Buffet et Tim Cook, le PDG de Apple), la relation entre les deux plus grandes économies mondiales est extrêmement complexe. Il s’agit d’une interdépendance économique, qui croit de jour en jour en même temps que s’accroit la rivalité sur le plan stratégique. Pour l’entreprise Boeing, que Xí a visité le mercredi 23 septembre, la Chine représente aujourd’hui près d’un quart de ses ventes d’avions. Pour Apple, la Chine est le plus grand marché au monde ainsi que sa principale base de production.

    À la mi-septembre, la banque fédérale américaine a décidé de postposer à nouveau la hausse de son taux directeur. Cela fait neuf ans que ce taux directeur n’a pas été relevé. Cette décision a elle aussi été prise en raison des puissants liens financiers et économiques entre les États-Unis et la Chine. La banque fédérale américaine a reconnu la fragilité des marchés émergents qui comptent pour 40 % de la production mondiale et qui sont les plus touchés par le ralentissement de l’économie chinoise. Maintenant que les États-Unis ont décidé de cesser leur politique monétaire d’« assouplissement quantitatif » et de taux d’intérêt proche de zéro, on voit s’accélérer les flux de capitaux hors de ces pays « émergents » et plonger le cours de leurs monnaies.

    Cette interdépendance s’exprime aussi dans le fait que sur le terrain diplomatique, les États-Unis ne mentionnent jamais plus le problème des « droits de l’homme » (c-à-d. de la répression étatique) lors de rencontres officielles, mis à part quelques références purement décoratives dans les médias. Pour les gouvernements capitalistes, le plus important est avant tout la négociation de bons contrats et les concessions d’ordre purement économique.

    « Révolution démocratique » ?

    De même, alors que les médias chinois avaient furieusement dénoncé la tentative, selon eux, des puissances occidentales et en particulier des États-Unis de fomenter une « révolution démocratique » à Hong Kong l’année passée (en référence au mouvement de masse qui s’était développé pour réclamer des élections démocratiques à Hong Kong), cet aspect a complètement disparu du discours de Pékin lors de la visite de Xí aux États-Unis.

    L’absurdité de cette accusation est démontrée par le fait qu’au même moment où le président chinois était reçu par le président américain, trois représentants du soi-disant mouvement pour la démocratie de Hong Kong, venus aux États-Unis en même temps que cette visite d’État, peinaient à trouver quelqu’un pour les loger. Malgré le fait que leur « ONG » Maison de la liberté est financée par le Parti démocrate états-unien, ces représentants n’ont pas pu obtenir la moindre audience avec des cadres du gouvernement. Pour le gouvernement américain, la « démocratie » est aussi précieuse que l’est l’« unité nationale » pour le régime chinois : il ne s’agit que d’armes de propagande destinées à promouvoir leur puissance et leurs intérêts économiques, et rien de plus.

    Sous Xí Jìnpíng, on a vu augmenter le nombre d’arrestations d’opposants, se durcir le contrôle et la censure de l’internet, en plus du développement d’une répression des « valeurs occidentales » au niveau des universités et des médias d’État. L’aile libérale du régime est tombée dans un profond pessimisme. Cette couche de l’élite chinoise aspire à une ouverture graduelle et limitée du système autoritaire actuel, de peur qu’une répression trop forte ne finisse par mener à une véritable explosion révolutionnaire. La « campagne anticorruption » menée par Xí a été utilisée avant tout pour consolider sa mainmise sur l’appareil tout en gagnant une certaine popularité auprès de la population. Cette campagne a suscité d’énormes tensions entre les dirigeants et aggravé le déclin économique du pays. Le nationalisme et la répression, mélangées à des promesses de réformes néolibérales, voilà la recette de la présidence Xí.

    Les entreprises américaines ont été les premières à bénéficier des lois draconiennes et de la stricte discipline dans les usines où les travailleurs chinois sont réduits à un état de quasi esclavage. Les entreprises technologiques que Xí visitera au cours de son séjour aux États-Unis, parmi lesquelles on compte Apple, Dell, HP… utilisent des sous-traitants en Chine pour qui le non respect des mesures de sécurité et des lois antidiscrimination font partie de la vie de tous les jours, en plus des longues heures supplémentaires non payées et des salaires de misère, inférieurs au salaire minimum légal.

    Tout comme le gouvernement américain avec son discours de « démocratie », l’adoption de « codes éthiques » par les multinationales américaines n’a pour seul but que de blaguer les consommateurs. En réalité sur le terrain, aucune de leurs belles mesures n’est jamais appliquée, et la seule force qui pourrait faire appliquer ces normes, de véritables syndicats indépendants et entre les mains des travailleurs, est continuellement proscrite.

    Prenons pour seul exemple l’usine de Lo?nghua? à She?nzhe?n (ville de 20 millions d’habitants de la région de Canton, située à la « frontière » entre la Chine proprement dite et Hong Kong), un des sous-traitants de Foxconn. Cette usine où travaillent 100 000 ouvriers est le plus important exportateur de Chine. C’est là que sont fabriqués la plupart des produits Apple vendus dans le monde entier, tels que les iPhones.

    Cette usine est réputée pour ses pratiques proches d’un camp militaire, qui ont suscité une vague de suicides parmi ses jeunes travailleurs en 2010 (l’entreprise s’est vue contrainte d’attacher des filets à chaque étage pour empêcher les nombreux candidats au suicide de se jeter par la fenêtre). Le 8 septembre, tandis que l’entreprise se préparait à recevoir son propriétaire venu en visite, un milliardaire taïwanais du nom de Terry Guo? Ta?imi?ng, 15 braves travailleurs ont déroulé une banderole en signe de protestation contre le non-paiement de leurs cotisations sociales, dans une tentative héroïque de lancer un mouvement parmi leurs collègues. Ils ont été licenciés le jour même.

    Tandis que les capitalistes et politiciens américains ferment les yeux sur cette situation tout en en tirant d’immenses profits, les socialistes américains tels que les camarades du CIO à Seattle proclament leur solidarité avec les travailleurs chinois en lutte pour leurs droits. Kshama Sawant a ainsi publié une lettre ouverte au président Xí Jìnpíng dans laquelle elle dit : « Nous sommes solidaires des travailleurs de Chine dans leur lutte pour les droits démocratiques, y compris le droit de s’organiser en syndicats indépendants. Les multinationales qui exploitent les conditions atroces en vigueur dans les usines chinoises, approuvées par votre gouvernement, auront à faire face à notre opposition et à notre résistance. »

  • Economie mondiale : La crise chinoise crée la panique sur les marchés mondiaux

    china_crisis« Lundi noir », s’est exclamée Xinhua, l’agence de presse officielle chinoise lorsque la bourse s’est effondrée de 8,5% le 24 août. Cela a entraîné les plus forts baisses sur les bourses du monde entier depuis la crise financière de 2008 sur fond de crainte de récessions mondiale menée par la Chine.

    Vincent Kolo, chinaworker.info, article initialement publié le 25 août

    Auparavant, Wall Street était l’épicentre du marasme financier mondial, après l’effondrement des banques en 2008, mais cette fois, c’est la crise économique de la Chine et la perte de contrôle visible de ses dirigeants qui est le déclencheur. La « mini-dévaluation » de choc du Yuan chinois le 11 août a tiré la plus grande partie du monde capitaliste hors de son faux sentiment de sécurité, croyant que la Chine « avait un plan » pour gérer le ralentissement croissant du pays. Depuis, plus de 5000 milliards de dollars ont été effacés de la valeur des bourses mondiales. Cette destruction massive de richesse en quelques jours est la preuve accablante que le capitalisme est un système économique insensé et moribond. « Aujourd’hui, plus de 400 milliards d’euros ont disparu des valeurs de 300 plus grandes entreprises européennes », d’après Reuters le jour du Lundi Noir, alors que la déroute s’étendait à l’Europe.

    Larry Summers, ancien Secrétaire du Trésor des Etats-Unis, a tweeté « comme en août 1997, 1998, 2007 et 2008, nous pourrions être à la première étape d’une situation très grave ». Même le candidat à la présidence américaine Donald Trump, qui n’a pas inventé l’eau chaude, avertit que le monde pourrait plonger dans la dépression. Damian McBride, qui servait de conseiller économique au Premier Ministre Gordon Brown, prévient que la crise actuelle pourrait être « 20 fois pire » que celle de 2008.

    L’Index de Hong Kong, Hang Seng, a subi sa pire baisse depuis 1987, et sa bourse est devenue officiellement un « marché baissier », ayant perdu plus de 20% depuis son pic en avril. Les bourse d’Indonésie et de Taïwan sont aussi à la baisse. Similairement, les bourses des économies développées ont subi un énorme revers ce Lundi, ce qui a aggravé la panique des deux semaines précédentes, la FTSE de Londres ayant perdu 18% de sa valeur depuis avril, et la DAX allemande 20% sur la même période. La bourse australienne a plongé de 8% Lundi, l’une des chutes les plus fortes, et un reflet de son exposition à la Chine.

    L’effondrement mondial s’est étendu aux matières premières, le pétrole, le cuivre, l’aluminium et le nickel atteignant leurs niveaux les plus bas depuis le début de la crise en 2008. Les prix du pétrole, qui jouent un grand rôle dans l’économie mondiale, ont chuté de 115$ le baril à l’été 2014 à moins de 43$. Cela augmente la pression sur les producteurs de pétrole, de la Russie au Vénézuéla, qui sont déjà en récession. Le Bloomberg Commodity Index, qui surveille les prix de 22 matières premières est descendu à son niveau le plus bas de ce siècle en tombant de 17% cette année et 40% sur les 3 dernières années.

    La Chine a été le principal moteur de la croissance mondiale ces dernières années, en contribuant à environ un tiers de la croissance mondiale, contre 17% pour l’économie US. Elle consume environ la moitié des métaux du monde et domine le marché d’autres matières premières comme les produits agricoles. La forte chute des prix de ces matières premières a ralenti la croissance dans beaucoup de pays exportateurs de matières premières, mais met aussi une forte pression déflationniste dans toute l’économie mondiale. Alors qu’à court terme, la baisse des prix peut donner de l’élan aux économies qui importent des matières premières, si cette déflation se prolonge, cela menace d’handicaper la croissance économique et d’exacerber les problèmes de dettes, qui augmentent par tout et surtout en Chine elle-même. C’est ce qu’il s’est passé au Japon, qui est entré dans une crise déflationniste en 1990 – marquée par la stagnation économique et la montée du niveau de la dette – de laquelle il n’est jamais sorti. Aujourd’hui, la Chine montre beaucoup de caractéristiques similaires à celles du Japon des années 1990 tout comme l’économie mondiale.

    Dévaluation-choc

    Quand la Chine a dévalué le yuan il y a 2 semaines, ce qu’elle a toujours été réticente à faire et qu’elle considérait comme une « option nucléaire », cela a choqué le système capitaliste mondial. Tout à coup, cela a confirmé les suspicions selon lesquelles le malaise économique Chinois est bien pire que ce que Pékin admettait ou rapportait dans ses statistiques officielles, qui, comme nous l’avons expliqué, étaient falsifiées et trompeuses. La dévaluation, minimale jusqu’ici, agitait le spectre d’autres dévaluations par imitation (ce qu’on appelle « la guerre de monnaie ») qui pourrait en retour, comme le dit Albert Edwards de la banque Société Générale, provoquer « un raz-de-marée » sur l’économie mondiale.

    Les commentateurs capitalistes se grattent la tête de sidération devant la manière confuse dont la dévaluation chinoise a été effectuée. Comme Paul Krugman l’a noté dans le New York Times (14 août), « ils semblent avoir été pris complètement par surprise par la réaction prévisible du marché… Les investisseurs ont commencé à quitter la Chine, et les politiciens brusquement pivoté de la défense de la dévaluation de la monnaie à un effort surhumain pour soutenir la valeur du yuan. »

    La dépréciation de la monnaie (jusqu’ici, de 3% contre le dollar) est trop faible pour avoir le moindre impact sur les exportations chinoises. De plus, le régime et la banque centrale chinoise, PBoC, ont ajuster leurs interventions monétaires pour soutenir le yuan, ou risquer une fuite des capitaux hors de Chine bien plus grande. Une somme sans précédent de 800 milliards de $ a quitté la Chine au cours des cinq derniers semestres – la monnaie étant convertie en actifs en dollars (outed into dollar assets) ou autres monnaies « sures » par les sociétés et spéculateurs chinois aussi bien que par les étrangers.

    La dévaluation, à laquelle le PBoC semble avoir résisté jusqu’au tout dernier moment, semble donc « le pire des mondes possible ». La décision a créé le chaos sur les marchés mondiaux et a lancé une réaction en chaîne de chute des monnaies mais sans apporter la moindre amélioration à l’économie chinoise. En fait, la chute brutale des monnaies asiatiques et d’autres « marchés émergents » des deux dernières semaines a complètement annulé et en fait inversé tout bénéfice de la dévaluation pour la Chine en termes de remontée des exportations. Les monnaies indonésienne et malaisienne sont tombées à leur plus bas niveau depuis la crise asiatique de 1998, au milieu d’une baisse générale des monnaies asiatiques (à l’exception du yen japonais qui est vu comme une monnaie « sure ») ; pendant que le rouble Russe, le rand Sud-Africain et la lira Turque ont touché le plus bas niveau jamais atteint. Un autre effet important de la dévaluation sera, très probablement, de reporter l’augmentation des taux d’intérêts américains longtemps attendue et planifiée pour septembre par Janet Yellen et la Réserve Fédérale. Cela complique la position du gouvernement américain et ajoure aux tensions croissantes entre Washington et Pékin.

    Erreurs spectaculaires

    Le régime chinois a spectaculairement mal géré l’effondrement de sa bourse, en dépendant plus de 1000 milliards de dollars en mesures des soutien sur les 10 dernières semaines, desquelles il n’a récupéré absolument rien. Le Lundi Noir, la liquidation, la pire depuis 8 ans, a mis les cours des actions en dessous du niveau du 8 juillet quand l’opération de sauvetage a été lancée. En effet, les pertes d’aujourd’hui balayent tous les gains de la bourse – la deuxième plus grande au monde – depuis le début de l’année.

    Ces événements ont marqué un tournant dans la perception du régime. Le CIO et sa section chinoise ont depuis longtemps remis en question le mythe de « l’infaillibilité » qui entoure la dictature et ses supposées compétences économiques. Mais jusque très récemment, les dirigeants chinois ont été tenu pour des « technocrates modèles », les représentants du capitalisme mondial se bousculant pour leur rendre hommage.

    Ces derniers mois, une succession de mesures bâclées – d’abord gonfler une bulle intenable, puis tenter de la soutenir après qu’elle ait éclaté, culminer avec une dévaluation de la monnaie hésitante et paniquée – ont mis en lambeaux l’autorité des mandarins économiques de Pékin. The latest move, although unannounced, is shown by the regime’s failure to intervene with fresh market support measures as the stock index tanked on Black Monday. Bien entendu, Pékin a réalisé qu’il ne peut pas soutenir à la fois la bourse et la monnaie et a choisi de se focaliser sur cette dernière. Ces mesures représentent un étalage d’incompétence presque sans égal. Elles montrent aussi les limites du pouvoir de Pékin à contrôler les développements économiques, surestimé par les capitalistes du monde entier.

    « La vraie perdante de cet été, c’est la crédibilité du gouvernement. Quand vous regardez l’intervention sur la bourse, quand vous regardez le rafistolage du FX [la dévaluation] comme je le disais il y quelques semaines, et quand vous regardez l’explosion de Tianjin, vous voyez un gouvernement qui n’a certainement aucun contrôle. Vous regardez cela et cela vous renvoie une image déplorable de la compétence de la Chine au niveau des dirigeants. Qui d’autre est responsable ici ? [Le président] Xi Jinping paraît invisible. »

    Ces commentaires de Fraser Howie, co-auteur du livre Red Capitalism, sont typiques des analystes bourgeois d’aujourd’hui. Beaucoup de ces commentateurs étaient fans des dirigeants chinois jusque récemment et font maintenant la même expérience que les petits enfants lorsqu’ils découvrent que Saint Nicolas n’existe pas.

    Le crash de la bourse chinoise était tout à fait prévisible, car la baisse du cours de l’action a perdu toute connexion avec l’économie réelle. Les données économiques récentes ont confirmé la gravité des problèmes de la Chine. La production des usines se contracte depuis 5 mois d’affilée et n’a jamais été si basse depuis 6 ans. D’anciennes industries à croissance comme les smart phones et les voitures – la Chines est le plus grand marché mondial pour les deux – se contactent aussi. Malgré une récente « stabilisation » des prix du logement, les démarrages de chantiers ont baissé de 16,8% au cours des 7 premiers mois de l’année. Ces dernières années, la Chine a compté la moitié des constructions du monde, ce qui, rapporté à une base annuelle, se traduirait pas une baisse de 8% des constructions dans le monde entier. Cela explique pourquoi le marché des matières premières – du pétrole aux pousses de soja – sont sur le déclin ces dernières semaines. De plus, certaines des plus grandes corporations aux USA ont vu des milliards de dollars disparaître des valeurs des actions en raison de leur dépendance du marché chinois. Cela inclut Apple, General Motors, et Yum Brands (KFC et Pizza Hut) qui vendent toutes plus de produits en Chine qu’aux USA. Apple (l’entreprise qui a le plus de valeur au monde) a vu sa capitalisation boursière se réduire de 18% ces 6 derniers mois.

    Crise mondiale du capitalisme

    Le bouleversement financier actuel souligne l’aveuglement du capitalisme qui titube d’une crise à l’autre. Le CIO et sa section chinoise ont déjà averti que la prochaine phase de la crise capitaliste mondiale serait « Made in China » – une perspective qui devient de plus en plus probable. Mais les problèmes de l’économie chinoise, et le fardeau écrasant de sa dette, qui est à l’origine des zigzags politiques désespérés des derniers mois, sont enracinés dans l’impasse historique du capitalisme mondial.

    En 2008, à mesure que la crise mondiale menaçait de glisser dans une dépression comme celle des années 30, le régime chinois a lancé un programme de relance énorme basé sur des crédits d’un montant sans précédent. Cela a d’abord eu un rendement stupéfiant, le PIB de la Chine accélérant et paraissant échapper à la l’attraction universelle de la récession. Stephen King, économiste de la banque HSBC, a qualifié la Chine « d’absorbeur de chocs pour l’économie mondiale » – même si aujourd’hui, son rôle s’est inversé pour devenir celui de source de chocs pour le capitalisme mondial. C’est parce que la croissance tirée par les plans de relance de la période post-2008 était basée sur une accumulation insoutenable de dette, qui a quadruplé de 7000 milliards en 2007 à 28 000 milliards aujourd’hui. Cela a réduit la capacité du régime à continuer de stimuler l’économie pour se sortir de la crise, comme nous le voyons aujourd’hui. Avant 2008, chaque yuan de crédit rapportait environ 0,8 yuan de PIB. Mais à présent, ce chiffre n’est que de 0,2.

    Les problèmes de la Chine se reflètent dans l’augmentation de la dette mondiale qui a augmenté de 57 000 milliards de dollars depuis la fin de 2007, à un stupéfiant 199 000 milliards de dollars, selon McKinsey Global Institute. L’économie mondiale va entrer dans sa prochaine récession dans un état bien pire que lors de la dernière récession. Pendant la « reprise » économique bancale des dernières années, des sections entières de l’économie capitaliste ont dépendu du « soutien vital » financier du gouvernement et des banques centrales, surtout via les mesures « d’assouplissement quantitatif » desquelles l’économie n’a pas encore été capable de s’extirper.

    Si les taux d’intérêts restent aux niveaux actuels historiquement bas (proches de zéro, ou dans certains cas même négatifs), cela signifie que les capitalistes auront encore moins d’armes à leur disposition pour faire face à la nouvelle récession. En même temps, la classe ouvrière a fait face à une austérité ininterrompue depuis le début de la crise en 2008, subissant une forte diminution des conditions de vie dans beaucoup de pays, ce qui signifie qu’une nouvelle récession déclenchera des mouvements politiques sans précédent et remettra en cause le règne capitaliste. C’est cette peur qui dirige le bouleversement des marchés mondiaux.

  • Hong Kong: attaques criminelles du gouvernement et de la police

    Pour l’organisation de comités d’auto-défense !

    Ce vendredi 3 octobre – les rangs des manifestations diminuant après 6 jours d’occupation, de résistance à la police, et la fin des 2 jours fériés – le mouvement de masse pour la démocratie a souffert d’attaques de plusieurs fronts, évidemment coordonnées. Dans le quartier ouvrier de Mong Kok, où les membres de Socialist Action (section du Comité pour une Internationale Ouvrière à Hong Kong) sont actifs dans les actions du « Mouvement Parapluie », des gangs criminels (les triades) et les foules mobilisées par « Caring Hong Kong Power » (un groupe pro-régime raciste de droite) ont attaqué l’occupation violemment, détruisant les tentes et les barricades et attaquant les manifestants pro-démocratie alors que la police restait généralement en retrait. Selon la police, 37 personnes ont été blessées vendredi, dont au moins 18 à Mong Kok, où 19 personnes ont été arrêtées (la moitié d’entre eux avaient « des liens avec la triade » selon la police).

    Par Dikang, Socialist Action (CIO-Hong Kong)

    Une attaque simultanée commise par un groupe similaire, mélange de brutes du monde sous-terrain et des forces pro-Pékin, a été menée contre l’occupation à Causeway Bay, sur l’Ile de Hong Kong. La police a utilisé le prétexte pour y pénétrer et détruites tentes et barricades afin d’en finir avec l’occupation. Un nouveau groupe pro-gouvernement a été formé cette semaine, qui porte des rubans bleus en soutien à la police, en opposition aux rubans jaunes des manifestants pour la démocratie. Ce n’est que la dernière des nombreuses « initiatives » de “citoyens inquiets”, mais qui ne sont en fait que des manœuvres d’organisations liées à la dictature chinoise du Parti “Communiste” Chinois. Une vidéo circule montrant la police près d’une station de police de Causeway Bay distribuant des rubans bleus à une foule essentiellement composée d’hommes d’âge moyen qui ont plus tard été vus attaquer l’occupation.

    Cette violence orchestrée par le gouvernement ce vendredi suit une attaque lancée deux jours plus tôt par une organisation rurale pro-régime (Heung Yee Kuk) contre un stand de la Hong Kong Confederation of Trade Unions (HKCTU Confédération des syndicats de Hong Kong, pro-démocratie). Environ 10 000 membres de HKCTU (dans les secteurs du transport, de l’éducation et des services) sont en grève depuis lundi, en participation au mouvement de contestation actuel. Cette violence orchestrée est appuyée par une propagande médiatique intensive contre le « chaos » et « la paralysie économique ».

    Sur le principal site d’occupation à Admiralty aussi, il y a maintenant un urgent besoin d’organiser une défense sérieuse contre les hommes de main de Pékin et les nouvelles attaques policières. Des affrontements ont eu lieu là-bas entre la police et les manifestants mis en colère par les manœuvres policières provocatrices. Vendredi matin, la police a ainsi demandé aux occupants de libérer un couloir pour permettre à une ambulance d’entrer afin de soigner un policier malade.  Mais ce sont en fait des camions pleins de gaz lacrymogènes, de balles en caoutchoucs et d’autres matériels de répression qui ont fait leur apparition. Un journaliste de CNN a rapporté avoir vu des containers amenés dans les bureaux du gouvernement mardi matin avec des étiquettes signalant des balles en caoutchouc.

    Les masses défendent l’occupation de Mong Kok

    L’action de la police a effectivement transformé le bureau du Chef de l’Exécutif CY Leung en forteresse armée après que des groupes étudiants plus radicaux aient menacé de monter une occupation à cet endroit. Cela montre la frustration apparente parmi les couches plus radicales de la jeunesse contre le jeu de patience du gouvernement et les attaques violentes, mais aussi la peur de plus en plus forte que les dirigeants « modérés » cherchent encore un moyen d’éteindre le mouvement.

    Les attaques des lieux d’occupation étaient clairement coordonnées, selon un modèle et un timing presque identiques – au milieu de la journée, quand les occupants étaient peu nombreux. Les manifestants pour la démocratie ne doutent pas que la contre-attaque du mouvement de contestation était organisée et dirigée par le gouvernement haï du Chef de l’Exécutif CY Leung et les commandants des Forces de Police de Hong Kong dont les attaques brutales au gaz lacrymo contre des manifestations pacifiques ont provoqué cette « Révolution des Parapluies ».

    A Mong Kok, les appels au renfort pour que le mouvement reprenne le contrôle de la place a fait gonfler la foule jusqu’à 10 000 personnes vendredi soir. C’est une réponse incroyable, étant donné les déclarations des dirigeants « officiels » du mouvement (dont ceux de la Fédération des Etudiants et l’ONG de jeunes, Scholarism) qui appelaient les gens à se rassembler sur le site principal du mouvement à Admiralty, devant les quartiers généraux du gouvernement assiégés. Le mobilisation pour défendre le site de manifestation de Mong Kok était une initiative des groupes contestataires plus radicaux « non-officiels » et de gens ordinaires.

    Plusieurs sites d’occupation

    Il s’agit d’une question importante. Avoir plusieurs sites d’occupation augmente l’efficacité du mouvement en termes économiques et, plus important, en termes politiques. Mais l’effet le plus important est peut-être que cela rend ces occupations encore plus résistantes aux attaques de la police. La décentralisation de l’occupation en 4 sites à un moment a constitué une réponse à l’offensive de la police les 28 et 29 septembre qui visait à briser le mouvement. C’était une réponse tactique brillante et complètement improvisée des manifestants, qui a instantanément pris de court les commandants de police et a accru leurs problèmes stratégiques. Le plan de jeu de la police pour écraser le mouvement d’occupation était basé sur la notion de « Occupy Central » (une campagne menée par des professeurs libéraux qui ne s’est jamais vraiment matérialisée) – un seul site, en d’autres termes, qui aurait été bien plus facile à encercler et à vaincre.

    Une pression apparaît aussi à l’intérieur du « Mouvement des Parapluies » de la part d’une partie de sa direction qui ne sont pas d’accord avec l’existence de tant de lieux de contestations, parce que cela rend le mouvement bien plus difficile à contrôler pour ces dirigeants en général auto-proclamés. Les pan-démocrates bourgeois « modérés » qui sont aujourd’hui l’influence dominante dans le mouvement ont été complètement médusés, presque autant que les gouvernements chinois et de Hong Kong, par l’échelle et l’esprit combatif de ces manifestations. Ces politiciens ont toujours redouté la lutte de masse, dont ils savaient qu’elle pouvait se radicaliser et échapper à leur contrôle.

    « A présent, le status quo est la confusion », dit l’ancien dirigeant du Parti Démocrate Albert Ho Chun-yan. Les politiciens bourgeois comme Ho se sont, à de nombreuses reprises, opposés à la lutte de masse et ont donné du crédit à la propagande de peur du gouvernement contre « l’extrémisme » et « les manifestations violentes ». Ce fut le cas lorsque beaucoup de politiciens pan-démocrates ont condamné les manifestants, y compris « Longs Cheveux » Leung Kwok-hung, après les manifestations furieuses au forum de consultation du gouvernement en 2011 – pour lesquels Longs Cheveux a récemment purgé 1 mois de prison. La soi-disant « violence » dans ce cas consistait en quelques pots de fleurs cassés et une porte endommagée, pour lesquels même le tribunal n’accusait pas « Longs Cheveux » – qui lui même a été attaqué par un partisan du gouvernement lors de ce forum. Les pan-démocrates modérés se sont emparés de cet incident et d’autres pour dénoncer « les manifestations violentes, mais surtout parce qu’ils étaient en période électorale (pour les conseillers locaux) et étaient défiés par des candidats plus radicaux.

    Aujourd’hui, il n’est donc pas surprenant que les modérés comme Ho soient « désorientés » par la lutte de masse sans précédent. Mais ce qui frappe dans le mouvement de Hong Kong en ce moment est plutôt la clarté des buts et les actions décisives dont les jeunes, les étudiants et les travailleurs font preuve dans leur résistance quotidienne à la police.

    Le but des pan-démocrates modérés est de trouver un « compromis », une « solution pragmatique », des concessions périphériques qui laisseraient les autorités dictatoriales actuelles – avec ou sans CY Leung – en place. Ce n’est pas un programme pour « la démocratie totale » comme elle est exigée par les masse, il risque donc de provoquer un mécontentement massif.

    Les attaques violentes actuelles contre le mouvement de masse font partie de la stratégie du gouvernement, comme Socialist Action l’avait prédit, d’augmenter la pression sur les pan-démocrates « modérés » et les groupes comme « Occupy Central » (OC) afin de les pousser vers la voie du « compromis ». Les attaques augmentent aussi la nervosité des dirigeants « modérés » qui préféreraient re-centraliser le mouvement de contestation en un seul site – plus facile à contrôler. Ceci explique pourquoi, alors qu’ils ont condamné les attaques violentes et critiqué le rôle de la police, il y a un manque d’intérêt manifeste de la part de ces dirigeants à appeler à la continuation (et à la défense) des occupations de Mong Kok et Causeway Bay.

    Des négociations?

    A ce stade de la lutte, la montée initiale atteignant un plateau en l’absence de toute stratégie claire ou de direction réelle, l’incertitude est grande concernant l’orientation du mouvement et ses revendications. Une question-clé est l’attitude envers les négociations, que le gouvernement a longtemps refusées.

    A Hong Kong comme ailleurs, les exemples sont nombreux de mouvements de contestation de masse qui se sont retrouvés les mains vides faute d’avoir des dirigeants sous contrôle démocratique et en raison de l’absence d’organisations réellement massives (en particulier issues du monde du travail) à côté d’ONG qui ne se profilent que sur un seul thème. Les politiciens bourgeois qui dominent la lutte pour la démocratie à ce stade ne veulent pas d’une révolution (« de parapluie » ou autre) parce qu’ils partagent la peur de la classe capitaliste que cela irait au delà des appels au « une personne – un vote » (démocratie bourgeoise) et que les corporations et les banques qui saignent la population ne soient directement remises en question. Trop souvent, les dirigeants pan-démocrates sont entrés dans le piège du faux dialogue avec la dictature du PCC où de ses laquais – un dialogue qui ne peut favoriser qu’un seul but : faire rentrer les gens chez eux sans leur offrir aucun changement réel ou significatif.

    Il y a déjà une division au sein du mouvement sur cette question cruciale. Les principaux groupes étudiants ont d’abord déclaré avec justesse que les négociations étaient exclues tant que CY Leung resterait à son poste – c’est une position minimum ! Cependant lorsque le gouvernement a offert de rencontrer les dirigeants des manifestations le jeudi 2 octobre au soir, un plan évidemment approuvé ou dicté par Pékin, les « modérés » et en particulier les dirigeants de « Occupy Central » semblent avoir déjà exercé une pression pour ouvrir des pourparlers qui sont liés à leurs peurs d’avoir déjà perdu le contrôle du mouvement.

    Les attaques à Mong Kok et Causeway Bay coupent court à ce développement, car la pression des masses sur les dirigeants étudiants leur fait changer de position et dire non aux négociations. Mais les dirigeants d’Occupy Central ont insinué qu’ils sont toujours ouverts à discuter avec le gouvernement. Leur ardeur à passer de la lutte des masses en rue aux dirigeants assis autour d’une table fait partie de l’ADN politique des pan-démocrates modérés. Ils veulent utiliser tout pourparlers pour clamer « la victoire morale » et soutenir que les manifestations de masse devraient se terminer « pour l’instant ». Mais une telle position serait désastreuse. Cela signifierait jeter l’énorme élan que cette lutte de masse a acquis et laisser s’en tirer le gouvernement (qui a des réserves sans fin de malhonnêteté et d’intrigues) !

    Besoin d’un parti des travailleurs

    Les succès de cette lutte, en particulier ce mouvement historique, doivent être mesurés par les gains concrets, pas par les promesses vides. Cela ne signifie rien de moins que la chute du gouvernement cruel et corrompu de CY Leung – et le refus d’accepter tout successeur autre que par une élection vraiment démocratique, sans le comité de nomination dominé par le Big Business du PCC, et dans laquelle il n’y a aucune restriction sur quels candidats peuvent se présenter. Cela signifie aussi le remplacement du pouvoir législatif imposé par une authentique assemblée du peuple, composée de membres élus, révocables, et payés seulement le salaire d’un travailleur qualifié. Comme dans le récent référendum en Écosse, l’âge du droit de vote devrait être ramené à 16 ans, puisque les jeunes ont donné la preuve de leur rôle crucial dans le développement politique de la société.

    Les socialistes ne sont pas des dogmatiques qui écartent l’idée de négociations par principe. Il y a beaucoup d’occasion où, dans une lutte sur un lieu de travail ou un mouvement social, les socialistes faisant partie de la direction entreraient dans des négociations, tant qu’elles sont appuyées par la pression de l’action de masse. Mais les pourparlers avec ce gouvernement de Hong Kong – sous les ordres d’une dictature qui ne négociera jamais son pouvoir et son contrôle – est la recette pour un échec certain. C’est particulièrement vrai si les négociateurs sont les mêmes dirigeants pan-démocrates « modérés » dont l’approche compromise n’a pas récolté une seule avancée démocratique en plus de 3 décennies (et qui n’ont joué aucun rôle dans les événements massifs actuels).

    Socialist Action, en tant qu’organisation marxiste, sert de mémoire au mouvement de la classe ouvrière. Nous rappelons aux masses les erreurs passées – l’expérience amère des trahisons de l’Histoire de la lutte pour la démocratie à Hong Kong – pour que ces opportunités manquées puissent être évitées dans la lutte d’aujourd’hui.

    Ce mouvement de masse magnifique a attiré l’attention du monde entier, en particulier chez les opprimés, les travailleurs et les jeunes. Il y a eu un épanchement de solidarité de partout dans le monde, y compris d’organisations ouvrières des Philippines à la Grande Bretagne.

    Socialist Action a joué un rôle actif dans le mouvement d’occupation et la grève étudiante à partir de laquelle le mouvement s’est développé. Nous lions la lutte démocratique au besoin de combattre le capitalisme, en particulier le besoin d’un nouveau parti de masse des travailleurs pour unir la classe ouvrière et les couches de gauche de ce mouvement. Nous avons besoin de cela pour défier le pouvoir économique dictatorial des familles de magnats d’affaires de Hong Kong et de construire un soutien à une alternative socialiste, avec par exemple le contrôle public démocratique sur les banques et les sociétés immobilières comme seul moyen d’alléger le fardeau insupportable du coût du logement – officiellement « le plus abordable au monde ».

    Faites passer le parapluie en Chine!

    Socialist Action, en tant qu’une des quelques voix de ce mouvement, appelle aussi à l’étendue de la lutte à la Chine continentale, en soutenant les luttes ouvrières illégales dans les usines en Chine et à la lutte contre la répression d’État. C’est la seule stratégie viable pour vaincre la dictature à parti unique du PCC, qui constitue aujourd’hui un barrage apparemment insurmontable à la démocratie à Hong Kong, ainsi bien sûr qu’en Chine. Malheureusement, beaucoup des groupes contestataires, en particulier ceux qui sont influencés par les partis capitalistes comme le Parti Démocratique, ne voient pas le besoin de cela où le rejettent tout à fait en tant « qu’ingérence » dans les affaires chinoises qui provoquerait une ligne encore plus dure de la part de la dictature.

    Mais «l’auto-censure » et les tentatives de séparer les deux lutte sont une approche aux graves lacunes, qui en fait renforce l’emprise du régime chinois. Le “parapluie” doit être passé de Hong Kong à la Chine, et le plus tôt sera le mieux. Mais cela requiert un programme basé sur les intérêts de la classe ouvrière et des jeunes, en Chine et à Hong Kong, en opposition aux intérêts des capitalistes qui de toute façon sont fermement dans le camp anti-démocratique.

    Socialist Action a toujours systématiquement soutenu que les manifestations de masse pour la démocratie devraient être organisées sur des lignes démocratiques, avec des comités d’action élus ouverts à tous les groupes participant pour diriger les occupations, les coordonner les travailleurs et étudiants en lutte, et pour prendre toutes les décisions importantes sur les futures tactiques, y compris quelle attitude avoir face aux éventuelles concessions ou offres de négociations par le gouvernement.

    Nous avons subi des critiques et des tentatives bureaucratiques de bloquer nos activités de la part de certains des groupes au sein de la lutte pour la démocratie, quand durant le mouvement de 100 000 personnes contre le lavage de cerveau dans les écoles en 2012 nous avions mis en garde contre le fait de permettre à un petit cercle de dirigeant de décider de tout sans approche ouverte et démocratique ; mais cela s’est révélé décisif quand le mouvement a été soudainement et inexplicablement dissout sans avoir obtenu une annulation complète de la politique réactionnaire du gouvernement.

    Malheureusement, il y a aujourd’hui une absence similaire de structures démocratiques, et alors que l’occupation spontanée et organisée approximativement s’est déroulée avec une énergie et un bon fonctionnement impressionnants dans ses premiers jours, ce modèle de lutte de masse est mis à rude épreuve par la campagne de terreur du gouvernement. La violence contre le mouvement de contestation rend la question de l’organisation démocratique extrêmement urgent, avec le besoin de monter des comités d’action dans chaque occupation, de coordonner la mobilisation et en particulier d’organiser l’auto-défense, et des organes démocratiques similaires dans les écoles et les lieux de travail pour construire le mouvement de grève. Ces comités devraient être ouverts à toutes les forces du mouvement de contestation, avec des discussions ouvertes et démocratiques pour décider des tactiques et de quelles positions politiques prendre à mesure que le mouvement se déroule. Seul un mouvement complètement démocratique est capable de vaincre le gouvernement.

    – A bas CY Leung!
    – Non aux faux accords négociations : démocratie complète maintenant !
    – Soutenons et étendons la « Révolution des Parapluies » – construisons des comités d’action démocratiques pour décider des prochaines étapes et organisons l’auto-défense contre la violence orchestrée par le gouvernement !
    – Continuons à construire la grève des écoles ! Pour une union combative indépendante des écoliers !
    – A bas la dictature à parti unique du PCC ! A bas les magnats capitalistes protégés par la dictature !
    – La lutte pour la démocratie est aussi une lutte de classe – nous avons besoin d’un parti de masse des travailleurs pour lutter le socialisme!

  • Hong Kong : la “Révolution des parapluies” a commencé

    La colère contre la violence policière alimente la « Révolution des Parapluies » spontanée et le mouvement de grève qui commence

    Par Vincent Kolo, chinaworker.info

    parapluiHKCe fut le weekend qui a tout changé à Hong Kong. La résistance populaire de masse en rue, jour et nuit, avec des rassemblements massif de 100 000 à jusque 180 000 personnes, avec la jeunesse et une grève étudiante d’une semaine comme fer de lance, a forcé le gouvernement non-élu de Hong Kong et les milliers de policiers anti-émeute lourdement armés à battre en retraite.

    Les médias du monde entier, saisissant la nature sans-précédent de ces événements, parlent « d’impasse historique ». Avec les manifestations de masse qui continuent à grossir et à ressentir une énorme confiance en elles depuis la défaite de l’attaque de la police dimanche, le mouvement de Hong Kong représente, selon les mots d’Associated Press, « une énorme résistance » au programme anti-démocratique du régime de Pékin à Hong Kong et en Chine.

    L’assaut vicieux de la police ce dimanche 28 septembre a choqué et mis en colère toute la société, à une échelle jamais vue auparavant. C’est la crise politique la plus sérieuse à Hong Kong depuis son retour sous l’emprise Chinoise en 1997. Il y a certaines caractéristiques de situation pré-révolutionnaire, avec un gouvernement dans une crise profonde ayant subi une perte de contrôle et d’autorité.

    Les institutions d’Etat – surtout la police – suscitent la méfiance et le mépris général. La majorité de la population de Hong Kong n’a plus confiance en la faible « autonomie » du territoire en tant que spéciale en Chine ou la considèrent comme une imposture.

    Cependant ce mouvement est presque entièrement sans organisations, sans programme ni direction, reproduisant le modèle qu’on a pu voir dans des mouvements de contestation massifs similaires partout dans le monde. Il y a un sentiment anti-parti très puissant dans les manifestations, et alors que les partis d’opposition démocratiques bourgeois continuent à produire des déclarations qui les identifient au mouvement, monopolisant la plupart des interviews des médias, ces partis sont presque entièrement absents sur le terrain. Alors que ce modèle « spontané » s’est montré plus qu’à la hauteur de la tâche de déclencher le mouvement en rue, il y a besoin de plus : des étapes pour organiser, construire des comités de grève démocratiques et des comités d’occupation, et établir un programme clair des revendications pour faire avancer la lutte et vaincre le programme anti-démocratique du gouvernement.

    Une question cruciale est le besoin d’étendre le mouvement au-delà de la frontière, en faisant appel aux travailleurs et aux jeunes de la Chine continentale à rejoindre la lutte contre la dictature à parti unique (le PCC) chinoise. Tant que le PCC dirige, il est clair qu’il n’y aura aucune possibilité d’élections démocratiques à Hong Kong – l’objectif principal du mouvement – et que seul le renversement du régime peut ouvrir cette voie. Cette tâche requiert de plus grandes forces que les seules masses de Hong Kong ne peuvent rassembler. Plutôt que d’appeler l’administration américaine ou l’ancien colonisateur britannique en soutien, comme le font les organisations pan-démocratiques (pour les capitalismes américain et britannique, les accords financiers avec la Chine l’emportent toujours sur la démocratie et les droits de l’Homme), le mouvement de protestation doit chercher des alliés parmi les travailleurs et le jeunes de base, en Chine et dans le monde entier.

    Révolution des Parapluies

    Le mouvement a été surnommé « Révolution des Parapluies » sur les réseau sociaux, en référence aux parapluies inversés utilisés par les manifestants pour se protéger des gaz lacrymogènes et en particulier du gaz poivre. Le dimanche 28 septembre, la police a lancé vague après vague d’attaques au gaz lacrymo – 87 fois selon leur propre déclaration – dans une tentative de nettoyer la manifestation autour du quartier général du gouvernement à Admiralty. Le gaz lacrymogène n’avait pas été utilisé contre les manifestants de Hong Kong depuis 1967, sous l’empire colonial Britannique (il a été utilisé par la police en 2005 dans les manifestations contre l’OMC, mais la composition de ces manifestations était surtout « internationale »).

    Le lundi soir, 29 septembre, une foule massive atteignant environ 180 000 personnes s’était rassemblée dans 3 endroits autour de Hong Kong. Quelques barricades sporadiques avaient été jetées en travers des principales routes, et dans la nuit, la Confédération des Syndicats de Hong Kong avait lancé un appel à « la grève générale ». Même si c’est un développement extrêmement important (à nouveau, l’annonce d’une grève politique est sans-précédent à Hong Kong, et les partisans du CIO, Socialist Action (section-soeur du PSL), étaient les seuls à le préconiser), la participation des travailleurs à cette grève est à ce stade assez limitée.

    Les étudiants, de plus en plus rejoints par les écoliers qui ont fait face à une énorme pression et aux menaces autorités des écoles, ont reconduit la grève de la semaine dernière, avec des débrayages et des sit-in à une échelle encore plus grande. La rapidité des événements est telle que la principale préoccupation du mouvement est maintenant de demander la démission du Chef de l’Exécutif Chun-Ying (CY) Leung, une personnalité déjà détestée dont le rôle de cerveau de la répression de ce week-end ne fait que s’ajouter à la liste de ses crimes.

    Rôle de la jeunesse

    Ce n’est pas une crise seulement pour l’élite dirigeante de Hong Kong. Par la brutalité crasse, dans une tentative de montrer « une main ferme » contre les manifestations pour la démocratie, le gouvernement – sous la pression de Pékin et pour lui démontrer sa loyauté – a déclenché ce qui est potentiellement le plus grand challenge à la dictature du PCC en un quart de siècle.

    « C’est déjà plus gros que tout ce à quoi s’attendaient les autorités de Pékin et Hong Kong », commente Larry Diamond de Stanford University dans le New York Times. « Ils n’ont pas de stratégie pour désamorcer ça pacifiquement, parce que cela demanderait des négociations, et je ne pense pas que le président Xi Jinping le permettrait », a-t-il ajouté.

    Sans surprise, la Chine a renforcé ses contrôles sur internet, en bloquant les recherches en lignes sur des mots comme « gaz lacrymogène » et « occuper » et en supprimant Instagram, qui était utilisé pour partager les images des manifestations de Hong Kong en Chine.

    Il est extrêmement significatif que ce mouvement, comme beaucoup d’autres dans le monde entier, a commencé avec la jeunesse et en particulier avec la grève écolière qui a commencé le 22 septembre. Sur la majeure partie des deux dernières années, les partisans et membres étudiantsd’Action Socialiste ont été seuls à préconiser une grève des écoles de toute la ville, dans l’idée que cela pourrait déclencher des grèves parmi les travailleurs, comme une arme-clé dans la lutte pour la démocratie. Cette perspective a été confirmée presque jusqu’au dernier détail par les événements de la semaine passée.

    Les énormes manifestations et occupations actuelles ont évolué à partir de la grève étudiante d’une semaine, à laquelle ont participé près de 13 000 étudiants. Ils ont été rejoints par environ 1 500 écoliers, dont certains n’ont que 12 ou 13 ans, le vendredi 26 septembre. Vendredi soir, un groupe de manifestants étudiants a réussi à rompre le cordon autour du « Civic Square » et a commencé à l’occuper. C’est en théorie un lieu de manifestation public, devant le quartier général du gouvernement, qui a été entouré de barrières par la police en juillet, en anticipation des manifestations Occupy.

    Environ 80 étudiants et autres manifestants ont été arrêtés vendredi et samedi, la police utilisant du gaz poivre et des tactiques autoritaires. L’animateur du groupe étudiant Scholarism, Joshua Wong, 17 ans, a été arrêté et en garde à vue pendant 40 heures, pour être relâché sans charges.

    Au début cependant, la police a annoncé que Wong serait inculpé de 3 charges dont la lourde charge d’avoir « attaqué la police ». Les arrestations d’activistes étudiants, et la violence policière excessive, a fait jailllir l’étincelle des mobilisations de masse de ce week-end.

    Menace d’escalade

    Au plus haut point, dimanche, 120 000 personnes ont protesté contre la répression policière envers les étudiants. Même après les premières attaques au gaz dimanche soir, environ 50 000 sont restés face aux rangées de policiers anti-émeutes. Des rapports sont parus, ensuite reniés, selon lesquels la police se préparait à utiliser des balles en caoutchouc et à amener des voitures blindées équipées de canons à son. Dans une situation aussi chaotique, il est difficile de savoir s’il s’agit de fausses rumeurs, peut-être délibérément répandues, ou si ces rapports étaient réels mais que le gouvernement et les chefs de la police a hésité et les a retirés. Les rapports ont cependant été pris au sérieux par les dirigeants du mouvement Occupy Central (OC), qui, il faut le souligner, n’ont joué aucun rôle dans la grève étudiante ni dans les mobilisations de ce week-end. Il serait plus juste de dire qu’ils se sont « parachutés » eux-même dans les manifestations de façon à proclamer leur rôle dirigeant une fois que l’échelle du mouvement ne faisait plus aucun doute.

    Dans la nuit de dimanche, alors que les rumeurs sur les balles en caoutchouc et les voitures blindées circulaient, le dirigeant de OC Chan Kin-man a appelé les manifestants à Admiralty à se retirer. « C’est une question de vie ou de mort », disait-il. Même les dirigeants la Fédération des Étudiants ont appelé les manifestants à quitter les lieux, ce qui a été ouvertement critiqué par Longs-Cheveux Leung Kwok Hung de la Ligue des Sociaux-Démocrates, qui a appelé les manifestants à tenir leur position.

    Alors que la plupart des manifestants ont évacué le lieu principal de protestation à Admiralty, de nouvelles occupations sont apparues dans deux autres endroits de la ville, avec environ 3 000 personnes se rassemblant à Mong Kok, fermant Nathan Road, la principale artère à travers Kowloon. « Occupy Mong Kok » est encore en cours à l’heure ou nous écrivons, avec environ 30 000 personnes qui si sont rassemblées dans la nuit de lundi. D’autres ont campé toute la nuit à Causeway Bay, un autre quartier d’affaires et de commerce. L’attaque de la police n’a donc pas réussi à disperser et réprimer le mouvement Occupy comme elle l’espérait. Au lieu de cela, les manifestants ont « métastasé » – en réponse aux tactiques de la police – en des occupations multiples, ce qui présente un défi bien plus grand à la police.

    Ce dénouement représente une victoire pour les manifestants qui ont surmonté et résisté à « la démonstration de force massive » de la police, comme le décrit Willy Lam, un commentateur libéral. La police de Hong Kong avait été préparée (dans les moindres détails) depuis deux ans, depuis la première fois que OC a été annoncé, à briser les occupations. Leur tâche a été facilitée par les reports et tergiversations répétées des dirigeants de OC. Cela impliquait la transformation complète de la police en force para-militaire, avec de nombreuses répétitions pour durcir la police et en faire un outil politique contre la lutte démocratique. Mais malgré cela et le manque d’une organisation cohérente au sein des manifestations à ce stade, l’attaque de la police a échoué face à la résistance opiniâtre et héroïque.

    La fin des illusions

    C’est la deuxième fois en un mois que les puissantes illusions construites par l’élite dominante sur des décennies, sous la domination britannique puis chinoise, ont été écrasées, ce qui montre la profondeur de la crise actuelle. La première occasion, le 31 août, était la décision du faux « parlement » non-démocratique chinois, l’Assemblée Nationale Populaire (ANP), qui a anéanti les espoirs populaires d’élections libres du prochain Chef de l’Exécutif. Cette fois-ci, c’est l’illusion que les Forces de Police de Hong Kong – « les meilleures en Asie » – qui ont explosé littéralement en une nuit. Même Fung Wai-Wah, le président du syndicat des enseignants très « modéré », a déclaré « la police s’est faite l’ennemie du peuple ».

    Significativement, l’un des principaux slogans scandés envers la police par les manifestants depuis les attaques de dimanche est « la police, en grève ! » C’est un appel à ce que la police refuse les ordres, ce qui pose sans doute de nouveaux problèmes aux commandants de police, car le moral est entaillé et ils sont forcés de revoir complètement leurs stratégies.

    La destruction d’illusions vieilles de décennies dans l’impartialité de l’Etat et dans « l’Etat de droit » sacré à Hong Kong résulte de la position de plus en plus dure, répressive et rigide du PCC, qui est à son tour le reflet de la crise qui s’approfondit au sein de la dictature. Le PCC ressemble à une machine à une seule viterre : la répression. Le régime étant plus enclin à supprimer que d’installer des « amortisseurs » sous forme de réformes politiques limitées demandées par les libéraux bourgeois, les perspectives politiques pour la Chine vont de plus en plus vers une explosion sociale ou une série d’explosions. Vers des soulèvements révolutionnaires, en d’autres mots, ce dont nous sentons un arrière-goût à Hong Kong.

    Cela se voit très explicitement dans la répression d’État de plus en plus forte dans la région à majorité Musulmane de l’Ouest de la Chine, le Xinjiang, avec des centaines de personnes tuées cette année dans des affrontements avec les forces d’État et la décision récente d’interdire de porter la barbe dans les bus dans certaines parties de la région ! La semaine dernière, un soi-disant tribunal a condamné le professeur musulman Ouïgour Ilham Tothi à une peine de prison à vie de facto pour « séparatisme » ; alors que Tothi est vu comme un critique modéré du régime chinois, préconisant les réformes plutôt que la révolution.

    Il est probable que le régime de Hong Kong a fait tomber l’échelle sur laquelle se tenait les dirigeants bourgeois pan-démocratiques « modérés », qui ne voulaient rien de plus qu’une invitation à des négociations pour des changements électoraux. Les « modérés » étaient prêts à avaler la plupart des règles et contrôles anti-démocratiques de Pékin en échange de concessions mineures, mais Pékin à refusé.

    « Un pays, deux systèmes » sous pression

    Cette ligne dure érode rapidement ce qui reste de tolérance envers le régime, à Hong Kong par exemple, où beaucoup avaient acheté l’idée que la ville pourrait coexister en tant qu’enclave relativement démocratique dans une Chine autoritaire. Les partisans du CIO à Hong Kong et en Chine ont depuis longtemps expliqué que ce n’était pas possible ; que soit la lutte pour la démocratie s’étendrait à toute la Chine – avec l’étincelle initiale venant assez probablement des mouvements à Hong Kong – aboutissant au renversement de la dictature, soit la dictature chercherait de plus en plus à fermer l’espace démocratique de Hong Kong. C’est la dynamique que nous voyons aujourd’hui.

    Un sondage récent dans le South China Morning Post publié avant le mouvement de masse actuel a montré que 53 % des habitants de Hong Kong n’ont maintenant plus confiance en la formule « un pays, deux systèmes » (qui permet à Hong Kong un certain degré d’autonomie) contre 37% qui ont l’opinion opposée. Un effondrement depuis les 76% qui avaient foi en l’arrangement « un pays, deux systèmes » en 2007. Comme nous l’avions expliqué dans les rapports précédents, les sentiments « séparatistes » de Hong Kong et le soutien à l’indépendance vis-à-vis de la Chine vont inévitablement augmenter en résultat des politiques actuelles de la dictature.

    Mais Pékin, en particulier sous Xi Jinping, craint de perdre le contrôle – en Chine et pas seulement à Hong Kong – même en n’ouvrant qu’une seule fenêtre ou porte vers les « élections libres » sur le soi-disant modèle occidental. Il veut non seulement mettre un frein au processus démocratique de la ville, mais aussi l’inverser, imposant un contrôle politique encore plus grand sur la ville.

    La décision du ANP en août n’est qu’un élément du plan qui vise à emprisonner la lutte pour la démocratie de Hong Kong. En plus de militariser la police et de contrôler encore plus les médias locaux, ce plan va réduire les pouvoirs le la législature largement impuissante de Hong Kong et transférer plus de contrôle, sur le budget par exemple, au prochain Chef de l’Exécutif « élu par le peuple » sous le faux système électoral dessiné par la décision de l’ANP. C’est ce grand projet d’amener Hong Kong encore plus sous le système autoritaire qui a foncé dans le mur de l’opposition de masse dans les derniers jours.

    Soutien massif

    Le plan du gouvernement pour écraser et discréditer « OC », et de cette façon écarter la tempête de protestations contre les propositions électorales non-démocratiques de Pékin, est maintenant en lambeaux. Malgré la propagande massive contre l’occupation, et les horribles avertissements contre le « chaos » et la « violence », il est évident quel côté à gagné la bataille pour le soutien du public dans les événements de ce week-end.

    Le South China Morning Post a rapporté que des employés de bureau en route vers leur travail lundi matin avaient applaudi les Occupants à Causeway Bay. Le journal cite un comptable qui disait que le gouvernement avait « sous-estimé le pouvoir du peuple ». Il y a beaucoup de rapports de passants apportant de l’eau et de la nourriture et montrant leur soutien.

    L’énorme foule qui est sortie lundi soir et les masses scandant « A bas le Chef Exécutif Leung » montrent où le mouvement en est. Les premiers frémissements de la classe ouvrière, qui n’a jusqu’à maintenant pas encore fait son entrée en tant que force distincte, organisée et indépendante dans le mouvement pour la démocratie, est pour les socialistes le plus significatif de tous les développements. Même si la réponse à l’appel à la grève a été mitigée, reflétant la faiblesse numérique des syndicats à Hong Kong sur une longue période historique, des groupes importants ont quand même cessé le travail dans leur colère contre la répression policière. Cela incluait environ 200 ouvriers de l’usine de Coca-Cola à Sha Tin, les travailleurs de l’eau, les conducteurs de bus, des employés de banque et des professeurs.

    Occupy Central supplanté

    Dans cette lutte, le mouvement « Occupy Central » âgé de 2 ans n’est rien de plus qu’une note en bas de page, un plan qui n’a jamais été mis en pratique et a depuis été mis de côté par la « révolution des parapluies » improvisée par en-bas. Comme nous l’avons montré dans nos critiques des dirigeants de OC, leur vision a toujours été pour des manifestations plus petites et surtout symboliques, d’un millier de participants, disant même au départemen que les jeunes ne devraient pas prendre part à l’occupation. Tous les aspects de leur plan résonnaient avec la peur de « l’action radicale » et de la spontanéité. La réalité a renversé cela.

    Donc, alors qu’une partie des médias capitalistes – et nous pouvons comprendre pourquoi – continue de présenter les dirigeants de OC comme les initiateurs du mouvement de masse actuel, ce n’est pas du tout le cas. Le mouvement actuel s’est développé indépendamment des dirigeants de OC qui sont restés sur le côté, ne jouant un rôle ni dans les grèves étudiantes ni dans la première vagues de manifestations contre la violence policière. Cela n’a changé que tôt le dimanche matin, 28 septembre, quand le mouvement de masse était déjà étendu et que les dirigeants de OC se sont retrouvés à « courir après le bus ».

    Comme Action Socialiste l’expliquait au commencement de OC en 2013, tout en supportant l’appel à une occupation de masse, OC était aussi une tentative des dirigeants pan-démocratiques « modérés » de reconstruire leur autorité endommagée dans la lutte démocratique, en particulier chez les jeunes et beaucoup de militants, et de se positionner eux-même à la tête de la confrontation sur la réforme électorale. Alors que l’idée d’occupation correspondait à l’ambiance populaire pour une lutte plus radicale pour obtenir la démocratie, le but des pan-démocrates « modérés » était d’utiliser l’appellation « OC » pour bloquer les initiatives plus radicales par en-bas. Les « modérés » qui sont proches politiquement de la direction de OC, et qui jusqu’au mois dernier cherchaient encore un compromis avec Pékin, ont souffert d’une grosse perte électorale en faveur des candidats pro-démocratie plus radicaux dans les dernières années en résultat de leurs trahisons et des compromis pourris avec la dictature, en particulier pendant les précédentes réformes électorales en 2010.

    « Les dirigeants de OC ont hésité et reporté trop de fois », dit Sally Tang Mei-Chingd’Action Socialiste. « Quand [le dirigeant de OC] Benny Tai Yiu-Ting est venu aux manifestations étudiantes, après deux jours de résistance face à la police, et a dit qu’il annonçait le début d’Occupy Central, beaucoup de gens l’ont hué et ont même commencé à quitter les lieux par mécontentement ».

    Sur presque toutes les questions – le timing, la composition, la stratégie, pour ne pas parler de leur programme « modéré » très limité – les dirigeants de OC étaient désynchronisés de la réalité et de l’humeur des masses. Même leur choix de l’endroit, Central, a été dépassé par le développement réel de la lutte. Ce mouvement est plutôt « Occupy Decentral » – adoptant consciemment un caractère non-concentré dans divers endroits pour déjouer les plans de la police. Le mouvement actuel a émergé par en-bas, par les manifestants qui ont enduré les attaques de la police, plutôt que par les « dirigeants » auto-proclamés.

    Action Socialiste a montré que ce dont ce mouvement a besoin, mais qui fait encore tristement défaut, est une direction démocratiquement élue pour les manifestations de masse, un comité d’action pour décider de la stratégie et des tactiques, ouvert à tous les groupes, partis et syndicats, mais sans qu’un seul groupe essaie d’imposer son monopole.

    Un nouveau Tiananmen?

    Beaucoup de gens ont établi des parallèles entre les événements de ce week-end et la lutte pour la démocratie en 1989 en Chine, et la répression brutale qui a suivi. Dans nos articles précédents, nous avons exploré la question de jusqu’où le régime chinois était prêt à aller pour bloquer la revendication pour des élections libres à Hong Kong. Il y a une lutte de pouvoir très acérée et potentiellement explosive au sein de la dictature du parti unique PCC. Xi Jinping peut difficilement se permettre de paraître faible ou de ne pas savoir manier une crise politique à Hong Kong. Cela pourrait déclencher une contre-attaque sur la position de Xi par les « groupes d’intérêts (vested interests) » et les « tigres » (hauts fonctionnaires) qui ont été visés par des purges ces deux dernières années.

    En même temps, la concentration d’encore plus de pouvoirs dans les mains de Xi, contrairement aux 30 dernières années ou plus de dictature « de groupe », va inévitablement lui faire porter le chapeau – sans personne derrière qui se cacher – quand les politiques du régime manquent spectaculairement leur cible, comme en ce moment à Hong Kong. Hong Kong constitue à présent un énorme dilemme pour Xi et sa tentative de consolider son contrôle au sein du régime. Comme Edward Wong et Chris Buckley le notent dans le New York Times : « … Même de modestes concessions [aux manifestants de Hong Kong] pourraient envoyer des signaux à travers la frontière, montrant que les manifestations de masse donnent des résultats – un soupçon de faiblesse que M. Xi, un dirigeant qui exsude une auto-assurance imperturbable, paraît déterminé à éviter, selon les analystes de la Chine continentale. Et il est improbable que les petits compromis apaisent beaucoup des habitants de Hong Kong qui ont rempli les rues ».

    Dans sa décision en août, le PCC a jeté le gant, balayant même les revendications minimales des pan-démocrates « modérés » et calculant qu’il pourrait contenir ou écraser le défi qui paraissait à ce moment-là émaner de la timide direction de OC. Mais comme nous l’avons vu, et comme les socialistes avaient averti que c’était de plus en plus une possibilité, le mouvement actuel a éclaté sans et malgré les dirigeants « modérés », et en partie du à l’intransigeance de Pékin.

    La tentative initiale de répression de masse a explosé à la figure du gouvernement (comme plusieurs des boites de gaz lancées par la police). Cela force CY Leung et les forces d’État locales à rester en arrière pour le moment. Lundi, selon le Financial Times, le gouvernement a annoncé le retrait des troupes anti-émeutes des rues (même si cela ne s’est révélé qu’en partie vrai).

    Tôt lundi matin, les « bons flics » du département des relations publiques de la police ont été envoyés pour négocier avec les manifestants, leur demandant « gentiment » si les routes pouvaient être laissées ouvertes au trafic, comme si rien ne s’était passé la veille ! Dans l’occupation de Mong Kok et Causeway Bay, il y n’y a actuellement presque aucune présence policière, alors que sur le terrain du gouvernement à Admiralty, les manifestants font toujours face à des rangées de policiers.

    Même le méga feu d’artifice lancé du port de Hong Kong pour célébrer le 65ème anniversaire de la fondation de la République Populaire de Chine, le 1er octobre, a été annulé par peur des manifestations. Ce n’est qu’un avant-goût de la façon dont la crise politique actuelle à Hong Kong peut rebondir sur Xi Jinping et crever l’image triomphante qu’il veut promouvoir.

    Le Global Times de Chine, porte-parole fanatique du gouvernement, a publié un édito en anglais disant : « les activistes radicaux sont condamnés ». Sur le site internet en chinois du journal, un article a été supprimé qui disait que la Police Armée du Peuple, la force anti-èmeute et anti-terroriste chinoise, pourrait assister la police de Hong Kong pour écraser les manifestations ; « Le soutien des forces armées pourrait rapidement restaurer la stabilité » à Hong Kong, disait-il. Que le régime fasse taire de tels propos pour le moment indique que même à Pékin – où il y a des signes de « déconnexion » et d’un faible rapport aux réalités du terrain, en particulier envers Hong Kong, mais pas seulement – on reconnaît maintenant qu’une crise politique explosive a été créée et qu’il faut s’avancer prudemment.

    Même les 5000 unités de l’Armée Populaire de Libération (APL) stationnées à Hong Kong ne seraient pas nécessairement suffisantes à « restaurer l’ordre », c’est à dire à porter un coup décisif aux manifestants, en particulier avec le caractère de plus en plus décentralisé du mouvement. Déployer des troupes chinoises risquerait d’embraser un contre-coup politique encore pire. Pour le régime chinois et l’establishment capitaliste de Hong Kong, la garnisonde l’APL a un rôle dissuasif, une menace plutôt qu’une intention sérieuse.

    Cela ne veut pas dire que les troupes de l’APL ne vont jamais être utilisées, ni le projet de renforts de l’autre côté de la frontière, dans le cas d’une crise et de scissions entre l’appareil d’État local de Hong Kong et les forces de police. A court terme cependant, cela est peu probable. La tactique du gouvernement dans les prochains jours, comme à Taiwan pendant le « mouvement des tournesols » plus tôt cette année, va être d’utiliser des gangsters payés et des « groupes de volontaires » pro-PCC pour servir de provocateurs pour déclencher des affrontements qui peuvent être utilisés afin de discréditer le mouvement et fournir un prétexte pour une nouvelle répression par la police.

    “A bas CY!”

    Même si la situation change extrêmement vite, avec des variations aiguës et des changements possibles, il semble maintenant que le régime va se retenir d’envoyer une nouvelle vague de répression, et probablement offrir des concessions, peut-être en sacrifiant un haut-fonctionnaire impopulaire (comme il l’a déjà fait auparavant) de façon à gagner du temps et à laisser passer la crise.

    Il n’est pas exclu que CY soit forcé de se retirer pour permettre de restaurer « la stabilité » à Hong Kong, même si son départ face au mouvement de protestation de masse sera d’un énorme coût à la fois pour le régime chinois et de Hong Kong. Cela augmenterait énormément la confiance du mouvement pour la démocratie et justifierait l’idée de résistance de masse audacieuse. L’appel à la destitution de CY est maintenant la principale préoccupation et revendication du mouvement de masse. Même les dirigeants de OC ont appelé à la résignation du Chef de l’Exécutif, reflétant la pression de la colère de masse qu’ils ressentent en ce moment. Dans la nuit de lundi, CY a produit une déclaration disant qu’ils « ne ferait pas de compromis » – mais à mesure que la crise se prolonge, des scissions ouvertes vont émerger dans le camp du gouvernement, submergé par la pression.

    Action Socialiste a été active tout au long du mouvement et joue un rôle important dans l’organisation de grèves parmi les écoliers du secondaire à travers la Citywide School Strike Campaign. Action Socialiste explique que la démocratie authentique ne peut être obtenue que par la liaison des manifestations de masse à Hong Kong avec les soulèvements révolutionnaires en Chine, où la classe ouvrière gigantesque est la force la plus importante pour changer la société et vaincre la dictature. La lutte pour la démocratie ne peut être gagnée dans les limites du capitalisme, qui partout, y compris dans les « démocraties occidentales » préconisées par les dirigeants pan-démocrates, signifie le contrôle des politiques par les milliardaires non-élus et les grandes corporations. Le capitalisme signifie la dictature, que ce soit par des régimes autoritaires ou par les marchés financiers. Notre alternative est une société socialiste dirigée démocratiquement et une économie planifiée qui peut éliminer la pauvreté croissante, les logements insalubres, le chômage et les contrats de travail sous-payés.

    Dans les manifestations de masse actuelles, Action Socialiste défend la création d’un parti de masse des travailleurs à Hong Kong et aussi en Chine, qui lie les revendications démocratiques révolutionnaires avec le besoin d’une alternative socialiste claire.

    Solidarité avec la « Révolution des Parapluies » de désobéissance civile de masse, de grèves et d’occupations à Hong Kong !

    Étendons le mouvement de grève ! Construisons des syndicats et des comités de grève démocratiques des travailleurs et des étudiants.

    Pour la démocratie complète et immédiate à Hong Kong et en Chine ! A bas la dictature à parti unique du PCC !

    Dégageons CY Leung et son gouvernement non-élu !

    Opposons-nous à la répression – pas de nouvel écrasement comme à Tiananmen !

    Solidarité internationale avec les manifestations de masse à Hong Kong

    Plusieurs initiatives ont été lancées pour montrer la solidarité avec la contestation à Hong Kong et mettre la pression sur les autorités. Le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), auquel Action Socialiste est affiliée, a appelé ses membres du monde entier à rejoindre ou à initier des actions devant les ambassades chinoises ou les missions commerciales Hong Kong. Les militants peuvent aussi prendre des selfies ou des photos de groupe de leurs actions en utilisant nos slogans en chinois.

    Utilisez facebook et les réseaux sociaux pour montrer votre soutien ! Postez vos images sur la page facebook d’Action Socialiste : https://www.facebook.com/SocialistAction

  • Hong Kong : Un journal pro-Pékin a lancé une attaque contre le CIO

    Le journal pro-Pékin “Ta Kung Pao” a attaqué le parlementaire pro-démocratie Leung Kwok-Hung (connus sous le surnom de Longs Cheveux, en raison de son refus de se couper les cheveux tant que Pékin n’aura pas reconnu le massacre de Tiananmen en 1989) et Socialist Action (section du Comité pour une Internationale Ouvrière à Hong Kong) dans leur 10ème édition de juin. Ce tissu de propagande dans un journal quotidien tristement connu comme étant le porte-parole de la dictature du Parti Communiste Chinois à Hong Kong est publié au moment où la lutte pour la démocratie à Hong Kong entre dans une phase cruciale, à la veille de la méga-manifestation annuelle du 1er juillet contre le gouvernement. Le régime chinois intensifie sa guerre psychologique contre “l’instabilité politique” et les revendications “illégales” d’élections libres à Hong Kong.

    Dikang, Socialist Action, CIO-Hong Kong

    Socialist Action a exigé un avis juridique sur la nature diffamatoire de l’article tout en menant une défense politique vigoureuse pour exposer ses mensonges.

    Le journal proclame faussement que Longs Cheveux, qui purge actuellement une peine de 4 semaines de prison sur de fausses accusations politiques, a organisé la création de Socialist Action en 2010 pour en faire une force plus extrême dans la lutte pour la démocratie. Des accusations et attaques absurdes de ce type courent tout au long de l’article, qui évoque les spectre des “forces étrangères”, c’est-à-dire le Comité pour une Internationale Ouvrière, dont Socialist Action fait partie. Ta Kung Pao accuse le CIO de défendre “des méthodes très violentes” et accuses ses sections au Brésil, en Turquie et en Suède d’avoir fomenté les émeutes de l’année passée! C’est classique de la part des journaleux d’une dictature dont le niveau de paranoïa est inégalé quand il s’agit de manifestations de masse, d’idéaux démocratiques et de socialisme authentique.

    La préoccupation de Ta Kung Pao envers la violence mérite un Oscar étant donné leur silence au sujet du massacre militaire des manifestants à Pékin en 1989. Ce journal a attaqué les 180.000 personnes qui ont manifesté cette année en commémoration des victimes du massacre du 4 juin 1989 en qualifiant la manifestation “d’acte de trahison nationale”.

    Fomentation des émeutes

    “Les méthodes d’action du CIO sont très violentes”, affirme l’article. “Le 20 mai 2013, la section suédoise du CIO Rättvisepartiet Socialisterna a initié une manifestation contre les politiques sociales du gouvernement suédois et le manque de services publics. Les manifestants ont mis le feu à des voitures, ont détruit des centres commerciaux et attaqué des postes de police, et cela a mené à 3 jours d’émeutes. Beaucoup de policiers et de passants ont été blessés”.

    Ce n’est qu’un exemple du « journalisme » dérangé de Ta Kung Pao. Les émeutes de l’année dernière à Stockholm ont été déclenchées par le meurtre d’une personne âgée par la police, après des années de racisme et de négligence des infrastructures publiques dans les quartiers ouvriers. La section du CIO a initié un meeting de protestation avec des groupes des communautés locales pour appeler à la fin des incendies et des émeutes tout en critiquant durement la brutalité de la police et les politiques néo-libérales du gouvernement.

    Comme dans des cas similaires en Grande Bretagne, en France et en Chine, le CIO a toujours montré clairement qu’il ne croit pas aux émeutes, même si elles sont des réactions compréhensibles face au capitalisme, au chômage et à la pauvreté. Nous défendons les organisations (des partis ouvriers et des syndicats de lutte) et les méthodes de lutte de masse collectives et disciplinées, comme les grèves et les occupations ouvrières, liées à la défense d’une alternative socialiste au capitalisme.

    Les assertions de Ta Kung Pao sur les manifestations de masse en 2013, actuellement ravivées au Brésil durant la Coupe du Monde, sont encore plus fantastiques ! Déclarant que 300.000 personnes ont participé aux manifestations contre l’augmentation des billets de métro, il dit que le police a utilisé la répression contre les “organisations criminelles” et que “beaucoup de ceux qui ont été arrêtés étaient membres de la section brésilienne du CIO, LSR.”

    Le trotskisme

    L’article continue contre le trotskisme qui est décrit dans des termes quasi-maoïstes comme une tendance “ultra-gauchiste et violente” : “beaucoup de pays les considèrent comme des organisations extrémistes, les pires après les terroristes”. Il attaque la théorie de la révolution permanente, qu’il transforme en doctrine de “l’émeute permanente”. En réalité, la révolution permanente est la conception brillante de Trotsky qui explique pourquoi les capitalistes dans les pays coloniaux et semi-coloniaux sont incapables de remplir les tâches démocratiques bourgeoises comme l’unification nationale ou la résolution des problèmes laissés par la société féodale. Hong Kong, la Chine et beaucoup d’autres endroits en Asie vivent la preuve de l’exactitude des théories de Trotsky, qui explique pourquoi les travailleurs ont besoin d’organiser une alternative socialiste de masse et non pas de laisser les luttes contre la dictature ou contre la domination impérialiste étrangère à une des ailes de la classe capitaliste.

    L’article de Ta Kung Pao fait partie d’une offensive propagandiste plus large du PCC pour discréditer les partis les plus radicaux de la lutte démocratique. Le but est de lier Longs Cheveux au CIO et des les goudronner avec les pinceaux de la “violence” et de “l’extrémisme politique”. Parmi les accusations les plus outrageuses, il affirme que Socialist Action coopère avec Passion Civique, un groupe de droite “nativiste” (nationalistes de Hong Kong) qui mène une vicieuse campagne de diffamation contre Socialist Action. Au contraire, tout en représentant différentes organisations et programmes politiques, Socialist Action et Longs Cheveux ont coopéré dans beaucoup de luttes pour les droits des travailleurs et contre la dictature chinoise.

    La lutte pour la démocratie

    L’offensive propagandiste du PCC est liée à la situation politique plus chargée à Hong Kong et en Chine. Il est plus clair que jamais que Pékin n’a pas du tout l’intention d’autoriser la tenue d’élections libres (au suffrage universel) à Hong Kong en 2017, comme les gens l’ont pensé pendant un moment (mais qui n’a pas été le cas, comme l’avaient prévu les camarades du CIO). Au lieu de cela, ils nous servent un réarrangement du modèle d’élections “contrôlées” actuelles, provoquant une colère généralisée. En juin, le conseil d’état chinois (le cabinet) a dévoilé un Livre Blanc sur Hong Kong qui stipule que “la haute autonomie du territoire n’est pas une autonomie totale”. Ce document, sans précédent depuis la rétrocession de Hong Kong par la Grande Bretagne en 1999, est largement considéré comme la preuve que le gouvernement chinois s’assied sur les revendications démocratiques. Sa publication suit une série d’avertissements des politiciens pro-gouvernement notamment au sujet de la possibilité d’instaurer la loi martiale à Hong Kong et de déployer des troupes pour écraser les manifestations.

    Dans le même temps, les partis d’opposition bourgeois démocratiques (pan-démocrates) ont énormément compliqué la lutte démocratique par leur volonté d’éviter la lutte de masse en plaçant tous leurs espoirs dans un compromis avec le PCC. Les accusations de violence de la part de l’establishment et de journaux comme Ta Kung Pao sont une tentative délibérée d’attaquer les sections les plus radicales de la lutte pour la démocratie, comme Longs Cheveux, et d’augmenter la pression sur l’aile dominante “modérée” des pan-démocrates pour qu’ils se dissocient des méthodes “extrémistes”.

    Ces derniers ont honteusement condamné Longs Cheveux (en présentant une motion contre lui à la législature) quand il a été arrêté et accusé de “dommages criminels” et de “conduite désordonnées” pendant une manifestation en 2011. C’était contre un faux processus de consultation mené par le gouvernement pour resserrer encore les règles électorales, utilisées comme couverture pour plus d’attaques contre les droits démocratiques. Longs Cheveux a été condamné à deux mois de prison (ce qui auraient abouti à la perte de son siège à la législature), peine réduite à 4 semaines en appel.

    Les socialistes contre-attaquent!

    L’attaque de Ta Kung Pao, même si elle est infâme, est une reconnaissance déformée de l’impact de Socialist Action et du CIO à Hong Kong et de la peur de la dictature chinoise des idées socialistes. L’article mentionne la campagne électorale du conseil de district de 2011, quand Socialiste Action a présenté Sally Tang Mei-Ching comme candidate, et mentionne même qu’elle est allée à Taïwan pour le compte du CIO durant le mouvement de masse “tournesol”, au début de cette année.

    L’article réfère aussi à l’appel de Socialist Action au mouvement Occupy Central (un plan visant à occuper les rues du principal quartier d’affaires, dirigé par les pan-démocrates “modérés”) pour adopter un programme et une approche plus combatifs qui comprenne la nécessité de la grève comme une arme-clé dans la lutte contre le PCC, à commencer par un appel à des grèves étudiante. Ta Kung Pao, bien entendu, a déformé cela, espérant faire rimer “grèves” avec “violence” et “extrémisme” – ce qui est la façon dont la dictature et les capitalistes voient vraiment l’utilisation de la grève par les travailleurs aujourd’hui.

    A propos du soutien de Socialist Action à la campagne pour l’Union des Réfugiés à Hong Kong, il affirme que c’était “une utilisation des réfugiés comme hommes de main” pour préparer et radicaliser le mouvement Occupy Central. Les réfugiés, dont l’occupation de 120 jours et le camp contre la discrimination et la corruption a été un modèle de discipline, sont décrits comme des criminels qui correspondent au soi-disant plan de Socialist Action parce qu’ils “ne craignent pas la prison”. Comme avec l’accusation des émeutes à l’étranger, Ta Kung Pao n’a pas donné un seul fait pour appuyer ses accusations.

    Un autre objectif de cet article est de lier Longs Cheveux aux “forces étrangères” sous la forme du CIO et de l’Union des Réfugiés. C’est un des thèmes préférés de la propagande du CCP aujourd’hui, promouvant le nationalisme chauvin chinois et une prétendue conspiration étrangère pour “diviser” la Chine. L’article souligne que Socialist Action a des membres “étrangers” et des liens avec des “organisations étrangères” – ce qui sera illégal si la législation sécuritaire pro-PCC, l’Article 23, est adopté à Hong Kong. Cette législation a été différée pendant 10 ans sous la pression des masses, mais n’a pas été abandonnée par le camp pro-gouvernement.

    Alors que Ta Kung Pao est fortement discrédité à Hong Kong en tant que journal maintenu avec l’argent du PCC, il n’y a aucun échappatoire à la menace implicite de ses attaques contre les camarades du CIO. Hong Kong et la Chine se dirigent vers des temps tumultueux et la dictature identifie et attaque ses ennemis politiques.

    Plutôt que de se laisser intimider, cependant, les socialistes seront encore plus déterminés à lutter pour la démocratie authentique, y-compris des médias démocratiques sous propriété publique, et à construire des organisations de masse de la classe ouvrière et des jeunes et en en finir avec le capitalisme et la dictature.

  • Chine : L’usine du monde entre à son tour en pleine crise

    Rapport de la discussion sur la Chine tenue lors de l’édition 2013 de l’école d’été du CIO

    Ces derniers mois, le développement des contradictions s’est fortement accéléré en Chine, aussi bien sur le plan économique que politique. La Chine, qui semblait être ‘‘l’usine du monde à croissance sans fin’’ il y a quelques années, s’apparente de plus en plus à un Concorde qui tomberait en panne en plein vol.

    Par Baptiste (Nivelles)

    Au cours du 2e trimestre de l’année 2013, la croissance annuelle du PIB Chinois a encore diminué pour arriver à 7,5% selon les chiffres officiels du gouvernement chinois. Il s’agit des plus mauvais chiffres de croissance depuis plus de 15 ans. Selon certains commentateurs, ces chiffres sont gonflés et la réalité serait bien plus proche d’une stagnation. Mais même en se fiant aux chiffres officiels, il apparaît clairement que la Chine est rentrée dans une situation de crise économique inédite, aussi bien du fait de ses caractéristiques que de son ampleur.

    Une décennie de croissance invisible pour les masses et accaparée par les oligarques

    Durant la décennie de présidence de Hu Jintao (2002-2012), la croissance annuelle du PIB fut en moyenne de 10,6% et était principalement basée sur les exportations vers les pays à forte consommation, Etats-Unis en tête. Mais aussi importante fut-elle, cette croissance était complètement déséquilibrée puisqu’aucun marché intérieur permettant un développement de la consommation n’a été développé, conséquence directe d’un taux d’exploitation paradisiaque pour les patrons. La consommation en Chine équivaut aujourd’hui à environ 30% du PIB, alors que cela représente 70% aux USA et en Europe.

    Les travailleurs n’ont pas profité des fruits de l’expansion économique, ils n’en ont vu que l’exploitation. Au final, c’est même l’inverse du développement d’un marché interne qui a eu lieu : la croissance s’est accompagnée de l’amplification des inégalités avec d’un côté l’apparition de princes dans les sphères du business et, de l’autre, la précarisation des conditions de vie pour les travailleurs. Lorsque Hu Jintao est arrivé au pouvoir en 2002, il n’y avait aucun milliardaire en $ en Chine. Aujourd’hui il y en a 251, et ce alors qu’environ 500 millions de chinois vivent avec moins de 2 $/jour et sans accès à l’eau potable.

    Au secours de l’économie mondiale ?

    La condition indispensable à l’expansion économique de la Chine était donc la croissance des Etats-Unis et des pays de l’UE principalement. En aucun cas la Chine ne remplissait les conditions pour devenir ‘‘la nouvelle locomotive’’ de l’économie mondiale, que ce soit seule ou accompagnée d’autres puissances émergentes.

    Non seulement la Chine n’a pas été le sauveur de l’économie mondiale, mais elle subit aussi les effets de la crise capitaliste, ce qui est logique pour une économie aussi dépendante des exportations. Lorsque la récession mondiale a pris place dans la foulée de la crise financière aux Etats-Unis et en Europe en 2008, le Chine a tenté de maintenir sa croissance en dopant l’économie avec un plan de relance d’un montant de 586 milliards $. Aucun effet pervers n’a bien sûr été attendu par l’appareil, étant donné que toute l’économie, officiellement planifiée, est considérée comme étant sous contrôle.

    Ce plan de relance, même s’il a maintenu la croissance en Chine quelques années de plus, n’a évidemment pas créé de toute pièce un marché intérieur mais a surtout eu l’effet d’exacerber les travers de l’économie Chinoise. Par exemple, l’ensemble des crédits a atteint aujourd’hui un montant de 23.000 milliards $ (2,5 fois le PIB de la Chine !) contre 9.000 milliards $ en 2008. Un tel développement aussi rapide et à une échelle si large est du jamais vu dans l’histoire économique, tout comme le montant actuel des intérêts consécutifs à ces créances : 1 000 milliards $ !

    Bulle immobilière gonflée sur fond de dettes : un cocktail explosif pourtant bien connu…

    Le plan de relance a permis de maintenir une croissance apparente de l’économie en poussant les gouvernements locaux à s’endetter pour investir massivement notamment dans l’infrastructure. A défaut d’un marché interne capable de soutenir une économie de consommation, ces investissements ont surtout permis la construction d’infrastructures aussi pharaoniques qu’inadaptées.

    Régulièrement, des exemples absurdes sont exposés dans la presse internationale, comme la construction de villes d’une capacité d’accueil de 300 000 habitants mais ne comptant pas 1 habitant effectif, ou encore la construction d’Hôtels de ville mégalos dans de petites villes de province.

    L’investissement dans l’infrastructure est en réalité un bien beau terme pour parler d’argent gaspillé dans les projets de prestige et dans la spéculation immobilière. En 2008, la situation dans l’immobilier n’était déjà plus sous contrôle : le prix de l’immobilier avait quadruplé par rapport à 2004. Aujourd’hui, la situation est telle qu’environ 1 logement sur 2 est inhabité, ce qui fait dire à de nombreux commentateurs qu’il s’agit de la plus grande bulle immobilière de l’histoire du capitalisme.

    Le plan de relance a précipité une crise bancaire

    Cette explosion du crédit signifie mécaniquement une explosion des dettes dans l’économie Chinoise. Une explosion au sens propre du terme, puisque les dirigeants Chinois ont perdu le contrôle sur le système financier du pays avec l’émergence de la ‘‘finance de l’ombre’’ (Shadow Banking). Il s’agit d’un système parallèle de banques, illégales, qui interviennent dans l’économie pour octroyer des crédits à des personnes, entreprises et gouvernements locaux qui n’ont plus rien de solvable, étant donné la montagne de dettes qui vient d’être générée. Et de sorte à pousser le vice à l’extrême, la titrisation est évidemment de mise dans ces banques.

    Ce phénomène est un symptôme illustratif du chaos au-dessus duquel se retrouve l’économie Chinoise, et une série d’économistes n’hésitent plus à faire la comparaison avec la bulle des subprimes juste avant son explosion. Le point de rupture tend de plus en plus à apparaître, comme le 30 juin dernier, lorsque 244 milliards $ de crédits arrivaient à échéance le même jour et devaient être renouvelés. Les négociations n’ont pas tardé à tourner à la panique, mettant en scène en début de crash sur les marchés du crédit.

    On estime que les montants prêtés par les banques fantômes représentent 50% des nouveaux crédits octroyés en Chine durant l’année 2012 et qu’au total cela représenterait aujourd’hui un montant de 4.700 milliards $, soit 55% du PIB de la Chine ! Les gouvernements locaux représentant la majorité des dépenses publiques, elles portent sur leurs épaules une grosse partie de ces dettes. La perte de contrôle par le gouvernement central est totale, en atteste l’audit lancé fin juillet par la Cour des comptes chinoise auprès des pouvoir locaux, de sorte à pouvoir faire une estimation plus concrète de l’ampleur des dégâts. Selon le FMI, la dette publique de la Chine, tous niveaux de pouvoir confondus, aurait atteint aujourd’hui 45% du PIB (officiellement, la Chine défend le chiffre de 22%). Comparativement, il y a 20 ans cette dette publique n’existait pas.

    Vers une période de réforme économique ?

    C’est dans ce contexte que le gouvernement du nouveau président Xi Jinping a annoncé vouloir mettre en place une série de réformes économiques. Ces réformes sont sans surprise pro-capitalistes, et visent principalement à assainir le secteur financier (quitte à procéder à des mises en faillites ciblées), augmenter la part des investissements privés dans l’économie et développer la consommation intérieure. La stratégie défendue est de poser l’économie chinoise sur les rails d’une croissance plus modérée mais plus saine. Bref, en apparence un virage à 180°C par rapport au plan de relance de 2008.

    Cette approche, bien que d’apparence ‘‘pragmatique et équilibrée’’, est néanmoins très risquée. Si la banque centrale ferme les robinets et n’intervient plus dans l’économie comme elle l’a fait avec le plan de relance, le danger d’explosion des bulles spéculatives sur lesquelles reposent des montagnes de dettes risque de devenir réalité. Il en va de même pour des secteurs économiques qui reposaient sur le dopage financier de la dernière période.

    L’exemple le plus impressionnant est celui des chantiers navals : d’ici 2015, 1.600 chantiers devraient fermer parmi lesquels le plus grand au monde (20.000 emplois). Ce dernier, qui se retrouve sans la moindre commande, a été récemment mis en faillite. L’ironie de l’histoire pour le gouvernement est que si ce n’est pas la banque centrale qui intervient pour éviter les faillites, cela laissera encore plus d’espace aux banques illégales !

    On estime aujourd’hui que le chômage réel est de 8%, que 40% de la capacité industrielle chinoise n’est pas utilisée, et que l’année 2012 s’est soldée avec 3,2 milliards $ de salaires non-payés. Ce paysage n’a plus rien d’une économie en expansion, il exprime plutôt la destruction anarchique de richesses à grande échelle qu’est le capitalisme.

    L’Etat garde de toute façon d’importants leviers pour intervenir dans l’économie (la Chine reste un pays hybride avec des éléments capitalistes et d’autres hérités du stalinisme et de l’économie bureaucratiquement planifiée) et il est peu probable qu’il soit décidé d’assainir le secteur financier en le laissant imploser. Cela a été prouvé récemment : après avoir assisté à la mini crise du crédit de fin juin en spectateur, la banque centrale a décidé d’injecter 3,7 milliards $ le 31 juillet dernier pour éviter de justesse un nouvel assèchement de crédit. 10 jours plus tard, le gouvernement décide de mettre en place une ‘‘Bad Bank’’, institution financière destinée à racheter un bon nombre de créances douteuses de sorte à ce que le reste du système financier soit assaini. La capacité d’une telle banque à accueillir l’ensemble des dettes à risque et les ‘‘extraire du système’’ reste cependant illusoire. Le plus probable est que les dettes soient transférées dans celle de l’Etat Chinois.

    Xi Jinping placé aux commandes d’un parti divisé

    Le Parti Communiste Chinois (PCC) ne se porte pas mieux. Les conflits et coups bas entre les deux factions principales ont pris une ampleur qui n’avait plus été vue depuis 20 ans, avec d’un côté les ‘‘princes rouges’’ et de l’autre la ‘‘ligue des jeunes’’. Les princes rouges sont composés de descendants d’anciens grands dirigeants de la période de Mao, et sur cette base-là, ils ont acquis aussi bien des positions puissantes que des fortunes démesurées. Il s’agit d’environ 200 familles, dont la seule finalité politique est de maintenir un statu quo à tout prix pour pouvoir assurer la pérennité de leurs privilèges. Cette faction gagne en importance puisque pour la première fois ils sont majoritaires au bureau politique (4 sièges sur 7).

    La ligue des jeunes quant à elle ne représente rien de progressiste, il s’agit essentiellement des autres bureaucrates tout aussi pro-marchés et qui cherchent à se faire une place dans l’appareil, tout en craignant que l’arrogance et la démagogie des princes ne leur coûte une révolte sociale. La ligne de séparation entre ces deux factions n’est pas nette, ce qui s’explique notamment par le fait que cette séparation n’a aucun contenu idéologique ou politique mais repose uniquement sur la défense d’intérêts personnels.

    L’actuel président Xi Jinping est issu de la famille des princes rouges et possède une fortune personnelle estimée à 376 millions $, soit trois fois la somme des richesses personnelles des membres du gouvernement britannique ! Bien qu’il fasse partie des princes rouges, il cherche à consolider ses positions également en-dehors des cercles des princes. Cela explique sa victoire à l’issue du 18e congrès en novembre 2012, à l’issue duquel il a succédé à Hu Jintao comme secrétaire général du PCC (et en mars 2013 comme président du gouvernement central).

    Cette figure de compromis entre les factions a déjà démontré à maintes reprises une attitude bonapartiste pour trouver un équilibre. Ce bonapartisme est illustratif de l’impasse politique du régime chinois, car c’est le dernier recours pour éviter une fracture ouverte au sein du PCC.

    Une corruption à tous les étages couronne la crise politique et économique

    Parallèlement au phénomène des banques fantômes, un autre symptôme de la Chine est la corruption. On estime que la corruption, tous niveaux confondus, représente un montant de 3 720 milliards $…

    C’est pourquoi, en plus de la ‘‘réforme économique’’, le gouvernement de Xi Jinping a déclaré vouloir s’attaquer au problème de la corruption. Cela risque de se traduire plus en une série de procès individuels qu’en une lutte contre la corruption, étant donné que l’ensemble du système politique repose sur la corruption. Un exemple récent fut le procès médiatique à l’encontre de Bo Xilai, prince dont les scandales de corruption et les affaires criminelles qui lui étaient associées n’étaient plus tenables. Bo Xilai a été abandonné par les autres princes pour donner au gouvernement de quoi se construire une image anti-corruption, avec une mise en scène judiciaire à l’appui.

    Cette combinaison de corruption et de carriérisme, qui reflète bien la nature bureaucratique des dirigeants du PCC, ne fait qu’envenimer la crise bancaire. Les élites locales mènent ainsi une véritable course au prestige entre leurs gouvernements, de sorte à forger une base sur laquelle ils pourront mieux assoir leurs positions.

    Xi Jinping est également en reconquête d’autorité vis-à-vis des masses avec toute une série de propositions populistes. Il ne s’agit bien sûr que de petites réformes et autres artifices symboliques pour tenter d’atténuer l’arrogance et les privilèges des princes. Il n’y a aucune ouverture en termes de liberté démocratique, comme le démontre l’édition par Xi Jinping d’une liste de 7 sujets interdits à l’école, parmi lesquels figurent la démocratie, la liberté de presse et la corruption.

    Cependant, une ouverture des dirigeants, même si elle est symbolique, peut avoir comme effet d’ouvrir une boîte de Pandore en termes de revendications démocratiques par les masses.

    Le PCC n’a pas d’issue, la lutte des classes décidera de son avenir

    La crise profonde dans laquelle s’engouffre la Chine constitue une grave menace pour ses dirigeants, de l’aveu même du PCC. Cette vaste clique de parvenus immondes n’ayant aucune solution à offrir aux masses, leur dernier recours quand le contrôle social est perdu est la répression. Mais cette fuite en avant pourrait rendre la situation encore plus explosive, comme l’ont prouvé les mouvements récents en Brésil ou encore en Turquie.

    La division de classe est très marquée en Chine. Le pays est sans surprise l’un des plus inégalitaires au monde, et les dépenses publiques dans les soins de santé (5% PIB) et dans l’éducation (<3% du PIB) sont proportionnellement inférieurs à ce qui se fait dans des pays comme la Russie, la Tunisie ou encore l’Afrique du Sud. 60 millions de chinois sont des travailleurs avec un statut d’intérimaire, ce qui signifie l’absence totale de sécurité sociale et de retraite ; 240 millions de travailleurs sont en réalité des paysans pauvres en exode qui se retrouvent dans des zoning industriels sans même un logement.

    Il n’y a aucun doute que l’aggravation de la crise se fera sur le dos de la classe ouvrière. La crise politique du PCC et son incapacité à offrir un avenir décent aux masses pose les fondations pour des possibilités révolutionnaires dans la période à venir. Les 180.000 protestations de masse dénombrées en moyenne chaque année en est la meilleure illustration. Chaque lutte est une école pour les masses et des révoltes comme celle de Wukan en 2011 ou les récentes manifestations pour plus de démocratie à Hong Kong en sont le meilleur exemple.

    Pour arracher des acquis sur le plan socio-économique et sur le plan des libertés démocratiques, le mouvement ouvrier doit s’organiser de manière indépendante à travers les luttes pour collectiviser les expériences et construire des stratégies victorieuses. Pour cela, un programme de renversement de la dictature et exigeant la planification démocratique de l’économie est nécessaire.

  • Environnement : La terrifiante pollution en Chine

    La population chinoise étouffe dans le smog. L’hiver dernier, la capitale, Pékin, et d’autres villes du Nord ont souffert de la pire pollution de l’air jamais connue. A la mi-janvier, l’ambassade américaine à Pékin, qui irrite le régime chinois en publiant ses propres statistiques largement consultées, a déclaré que les niveaux de particules fines dans l’air (PM 2.5, de minuscules particules qui peuvent se loger dans les poumons et causer de graves dommages) étaient 40 fois supérieurs au niveau de sécurité fixé par l’Organisme mondial de la santé (OMS).

    Sally Tang, Socialist Action (CIO-Hong Kong)

    Sur une autoroute reliant Pékin à Hong Kong et Macau, il y a récemment eu 40 accidents de voitures en 9 heures causés par la visibilité réduite due au smog. Les principales causes de la pollution de l’air en Chine sont la combustion de charbon, les voitures, les chantiers de construction et l’expansion de l’industrie. La consommation de charbon chinoise a connu une croissance fulgurante, allant jusqu’à 4,05 milliards de tonnes l’année passée. La Chine brûle désormais presque autant de charbon que le reste du monde réuni. Depuis le vain sommet de Copenhague sur le climat en 2009, les émissions de carbone par la Chine ont presque doublé.

    Les masques faciaux sont communs dans les villes aujourd’hui. Les purificateurs d’air sont aussi des produits importants pour ceux qui peuvent s’en offrir. Mike Murphy, chef de la direction de la compagnie suisse IQAir en Chine, déclare que les ventes de purificateurs d’air domestiques ont triplé au cours des premiers mois de cette année. Le mode de vie des enfants a également beaucoup changé ; les écoles annulent les activités en extérieur, les parents gardent leurs enfants à la maison. Les familles riches choisissent des écoles internationales qui ont dépensé de l’argent dans des système de filtrage d’air.

    Les gens sont perplexes quant à la détérioration de la qualité de l’air de ces dernières années. Les améliorations promises par le gouvernement n’ont pas été matérialisées. Moins de 1% des 500 plus grandes villes chinoises remplissent les quotas de qualité d’air de l’OMS. Selon la Banque Mondiale, 750.000 personnes meurent prématurément à cause de la pollution de l’air chaque année en Chine.

    Les parents sont inquiets à propos de la santé de leurs enfants. Certains compagnies parlent d’une tendance à la perte de personnes hautement qualifiées puisque de nombreux membres des classes moyennes et des classes aisées ainsi que des étrangers quittent la Chine à cause de la pollution. Mais pour la grande majorité de la population – les fermiers, les travailleurs migrants et les pauvres – il n’y a pas d’autre choix que de rester et de vivre avec.

    En juin, le Premier Ministre Li Keqiang a annoncé dix nouvelles mesures destinées à améliorer la qualité de l’air, dans une tentative de freiner l’anxiété générale. Les gros pollueurs doivent divulguer une information générale détaillée au grand public, et le gouvernement a promis de réduire les émissions des entreprises les plus polluantes de plus de 30% d’ici la fin de 2017. Mais des promesses similaires ont été faites avant et les nouvelles mesures de Li contreviennent aux efforts du gouvernement de maintenir la croissance économique à 7-8%.

    Le Parti ”Communiste” Chinois d’état (CCP) n’a pas de position unifiée sur ces questions. Les autorités locales poursuivent leurs propres intérêts, souvent au mépris des ordres de Pékin. Elles manipulent les statistiques et tentent de cacher les informations, y compris les manifestations contre les industries polluantes.

    Plus tôt cette année, plus de 16.000 cochons morts ont été retrouvés flottant dans la rivière Huangpu, qui fournit un habitant sur cinq de Shanghai en eau potable. Les cochons ont été jeté par des agriculteurs en amont à Jiaxing, une région porcine majeure dans la province voisine de Zhejiang. Quelques semaines plus tard, la même région a assisté à l’apparition d’un nouveau virus de la grippe aviaire, H7N9, qui a, jusqu’ici tué 37 personnes. L’OMS met en garde contre celui-ci qui est ”l’un des virus les plus létaux”.

    Ces deux exemples montrent les effets désastreux d’une industrie de l’élevage à but lucratif : des conditions dangereuses et de surpopulation, des abus d’antibiotiques et d’autres produits chimiques. Les chercheurs ont découvert l’utilisation abusive des antibiotiques dans les grands élevages de porcs, avec utilisation de cocktails de drogues. Certains fermiers nourrissent leurs porcs à l’arsenic organique pour leur donner une apparence rose et brillante, ce qui signifie plus de profits, malgré le fait que l’arsenic organique est cancérigène.

    Le ministre de l’environnement a admit pour la première fois, dans un rapport sorti en février de cette année, l’existence de ”villages cancérigènes” en Chine – avec des taux de cancers bien au dessus de la moyenne nationale. Ce phénomène a été reconnu depuis 1998 mais est renié par les autorité du Parti Communiste. Mais ce rapport a été dénoncé comme ”inapproprié” par les officiels de la santé au meeting de mars du Congrès National du Peuple (le faut parlement chinois). Des instructions ont été envoyées aux média locaux pour éviter d’utiliser le terme de ”villages cancérigènes”.

    La pollution industrielle de l’eau potable, généralement par les usines construites en amont, est la principale cause des villages cancérigènes. Les usines déversent des eaux usées non traitées, contenant des niveaux élevés de métaux lourds et d’autres substances toxiques, entraînant des cancers. Il y a maintenant 459 villages cancérigènes en Chine, tandis que le taux de mortalité national dû au cancer a augmenté de 80% au cours des 30 dernières années, causant 2,7 millions de morts chaque année.

    La Chine rurale a également connu des flambées d’empoisonnement au plomb en raison des usines et des fonderies qui déversent leurs déchets dans les rivières et les décharges. Ces empoisonnements causent des dommages au cerveau, aux reins, au foie et des lésions nerveuses. Les enfants y sont particulièrement sensibles. Au cours des dernières années, des milliers de cas particuliers ont été recensés dans, au moins, 9 provinces. Un rapport des Droits de l’Homme en 2011 a accusé les représentants du gouvernement de ”limiter arbitrairement les analyses du plomb et d’éventuellement manipuler les résultats des tests, refusant un traitement approprié aux enfants et aux adultes et essayant de faire taire les parents et les militants.”

    Le boom économique chinois de ces 30 dernières années a produit une crise écologique aiguë. Le pays est aux prises avec de l’air, de l’eau, des sols et de la nourritures gravement pollués. Selon un rapport de 2013, sur les dix villes les plus polluées du monde, la Chine en compte sept, y compris Pékin.

    La crise des aliments contaminés – le riz, le lait en poudre, les huiles de cuisson, les légumes, les fruits, … – ne laisse personne indifférent. De nouveaux rapports en mai ont révélé que près de la moitié du riz vendu à Guangdong, la province la plus riche de Chine, contenait des niveaux dangereux de cadmium, qui provoque le cancer.

    Le gouvernement a des centaines de fermes spéciales qui fournissent des cultures sures à l’élite. Cela renforce le cercle vicieux de l’inaction du gouvernement sur la pollution ajoutée à la répression contre les victimes. En 2008, un scandale quant à du lait en poudre toxique a causé la mort de six bébés et a entraîné des dizaines de milliers d’enfants à contracter une maladie rénale. Le gouvernement a utilisé la répression pour faire taire les groupes de parents qui voulaient découvrir la vérité derrière l’affaire. Zhao Linhai, dont le propre enfant a été une victime, a été condamné à deux ans et demi de prison en raison de son activisme sur cette question.

    Un rapport officiel a montré que 90% de l’ensemble des manifestations environnementales étaient liées à la pollution de l’eau. Il a constaté que 57,3% des eaux souterraines dans 198 villes en 2012 étaient « mauvaises » ou « extrêmement mauvaises ». Un tiers des rivières et 75% des lacs sont sérieusement pollués, et près de 1000 lacs ont disparu. L’eau non potable est utilisée par 320 millions de personnes et 190 millions de personnes sont malades chaque année à cause de la pollution de l’eau.

    Ces deux dernières années, les protestations environnementales en Chine ont augmenté. Dans des villes comme Dalian, Tianjin, Xiamen et Kunming, des milliers de personnes ont manifesté contre la construction ou le fonctionnement d’usines chimiques. La ré-émergence du capitalisme en Chine combine les pires aspects du capitalisme néolibéral avec la dictature répressive d’un parti unique. Cela signifie le chaos et l’absence de contrôles démocratiques, même minimes.

    La Chine mène désormais le monde dans la production de cellules photovoltaïques solaires et d’éoliennes, mais près de deux tiers de la capacité des ses parcs éoliens sont gaspillés puisque le réseau électrique n’est pas équipé. L’industrie solaire, principalement destinée à l’exportation, est en surcapacité et est également un grand consommateur d’énergie au charbon. Une solution socialiste est nécessaire afin de résoudre cette situation chaotique et sauver des millions de personnes – pour l’abolition du capitalisme et le contrôle public démocratique sur l’économie.

  • [DOSSIER] Turquie : Une ‘‘violence guerrière’’ pour écraser le mouvement – Leçons d’une lutte de masse

    ‘‘Violence guerrière’’, c’est ainsi que le comité ‘‘Solidarité Taksim’’, qui coordonne 127 groupes en opposition au Premier Ministre Erdogan, a décrit les actes de la police qui a pris d’assaut et nettoyé le Parc Gezi, près de la Place Taksim à Istanbul. Mais les nouvelles couches de travailleurs, de jeunes et de pauvres qui sont entrées en scène se sont promises : ‘‘ce n’est qu’un début, continuons le combat’’

    Kai Stein, CIO

    "Sur la place, un concert d’un artiste renommé était donné, avec des centaines de personnes et de familles, dans une ambiance festive. Tout à coup, la police est arrivée de toutes parts avec des canons à eau et du gaz lacrymogène’’, a raconté Martin Powell-Davis, un membre de l’exécutif du syndicat des enseignants britannique (NUT) et également du Socialist Party (section du CIO en Angleterre et au Pays de Galles et parti-frère du PSL). Il faisait partie d’une délégation de syndicalistes qui s’était rendue au Parc Gezi en solidarité. Des milliers de personnes s’étaient pacifiquement réunies dans le coeur de la ville après plus de deux semaines de manifestations.

    La police, venue de tout le pays par bus, a violemment mis fin à l’occupation pacifique qui avait commencé le 31 mai dernier. Ils ont fait usage de balles en caoutchouc, de grenades assourdissantes et de gaz lacrymogènes ; ils ont même mené des attaques dans les hôtels autour de la Place Taksim qui étaient utilisés comme hôpitaux d’urgence et comme refuges. Erdogan s’est vanté plus tard d’avoir donné l’ordre d’attaquer.

    Ce mouvement de protestation de masse avait commencé en s’opposant à un projet immobilier qui nécessitait d’abattre les arbres d’un parc pour faire place à un centre commercial et à des baraquements militaires de style ottoman. La répression qui s’est abattue sur le mouvement avait déclenché un soulèvement de centaines de milliers de personnes à travers toute la Turquie. Des manifestations ont eu lieu tous les jours, avec des occupations de places et des actions locales. Les 4 et 5 juin, le KESK, la fédération syndicale du secteur public, avait appelé à une grève du secteur public contre la violence policière. Le 16 juin, une grève avait encore été lancée contre la brutalité policière pour vider l’occupation principale à Istanbul, cette fois également soutenue par le DSIK (la fédération syndicale de gauche, qui compte plus de 300.000 membres et est l’une des 4 principales fédérations), mais aussi par bon nombre de groupes professionnels représentant les médecins, les ingénieurs et les dentistes.

    Plus de deux semaines durant, la police anti-émeute a essayé de réduire les manifestants au silence. Le 15 juin, l’association des médecins turcs a rapporté que 5 personnes avaient été tuées, 7.478 blessées, dont 4 gravement ; dix personnes avaient perdu un oeil, touchées par les grenades lacrymogènes de la police.

    Le mouvement est sur le déclin

    Cependant, malgré la forte répression et les arrestations, la résistance est toujours présente. Les gens arrivent sur les places en manifestations silencieuses. Cela illustre la forte détermination des militants et le dégoût de la violence d’État.

    Ces nouvelles brutalités peuvent redonner un nouveau souffle aux manifestations. Il est très probable qu’une nouvelle période de l’histoire sociale du pays s’ouvre sur base des conclusions à tirer du mouvement. Sosyalist Alternatif (la section du CIO en Turquie) appelle les partis et les organisations de gauche et les syndicats de gauche à organiser des débats et des discussions au sujet des forces et des faiblesses du mouvement de contestation. Cela pourrait s’effectuer à l’aide d’un congrès national organisé à Istanbul et destiné à rassembler tous les militants pour construire un mouvement socialiste capable d’offrir une alternative basée sur les intérêts des travailleurs et des pauvres au régime autoritaire d’Erdogan.

    Une nouvelle génération entre en scène

    Ces 3 semaines de manifestations ont illustré l’ampleur des modifications qui se sont produites en Turquie au cours de cette dernière décennie. La croissance économique qui a suivi l’effondrement de l’économie turque en 2001 a permis à Erdogan de renforcer son soutien et de rester au pouvoir pendant plus de dix ans ; mais il a aussi créé une nouvelle génération de travailleurs et de jeunes insatisfaits de leur vie faite d’emplois précaires, de bas salaires et de chômage. D’autre part, une nouvelle couche de la classe moyenne et de la classe des travailleurs comprend son rôle dans la société et n’accepte pas le paternalisme de cet État qui cherche à imposer ses règles jusqu’à la consommation d’alcool ou la tenue vestimentaire. Erdogan voudrait que chaque couple ait 3 enfants, ce qui a été accueilli avec un cynisme total : ‘‘Tu veux vraiment plus d’enfants comme nous ?’’ a ainsi répondu dans la presse un jeune manifestant parmi des centaines de milliers d’autres. Les femmes de la classe des travailleurs et de la classe moyenne ont également gagné en assurance. Elles n’acceptent pas les attaques d’Erdogan et du gouvernement contre le droit à l’avortement, leur interférence dans la politique familiale et les diverses obligations vestimentaires.

    Alors que les principales places étaient occupées, des batailles plus dures avaient lieu entre la police et des travailleurs – jour après jour – dans les quartiers les plus pauvres d’Istanbul, d’Ankara et de nombreuses autres villes. Bien peu d’attention médiatique y a été accordée.

    Erdogan a tenté d’accuser les manifestations d’être manipulés et téléguidés par des puissances étrangères et leurs médias (le ‘‘grand jeu’’ des ‘‘forces extérieures’’ comme il l’a dit) et des partis d’oppositions, surtout du CHP (le Parti Républicain du Peuple, kémaliste). Le régime cherche des boucs émissaires. Les déclarations d’Erdogan laissent peu de doutes sur son incompréhension totale des changements fondamentaux qui ont lieu dans la société turque.

    Pendant des décennies, la politique turque a semblé n’être que le résultat de l’affrontement de deux ailes de la classe dominante. D’un côté se trouvent les kémalistes, l’aile de la classe dominante d’idéologie laïque, très enracinée en ce moment dans la bureaucratie d’État, la justice et l’armée. Ils portent la responsabilité du coup d’État militaire de 1980 qui a littéralement écrasé la gauche. De l’autre côté se trouvent les forces islamiques soi-disant modérées autour de l’AKP d’Erdogan qui, depuis plus de 10 ans, repousse les kémalistes dans leurs retranchements. Ils ont ainsi réussi à purger la direction militaire autrefois puissante et à construire leurs propres réseaux.

    Une grande partie des manifestants ont utilisé des symboles kémalistes pour montrer leur colère, comme des drapeaux turcs et des portraits de Kemal Atatürk. Cependant, ce n’est pas par hasard si aucun des partis kamélistes n’a osé prendre la direction des manifestations. Le dirigeant du CHP, Kilicdaroglu, a appelé au calme de la même manière que le président islamiste Gül. Le parti fasciste MHP, lui aussi kaméliste, a dénoncé le mouvement de protestation en déclarant qu’il était dominé par la gauche radicale. Certains groupes, comme l’organisation de jeunesse de droite TGB, ont essayé d’intervenir, mais avec très peu de résultats.

    Mais beaucoup de gens, pour la toute première fois, se sont retrouvés à porter le drapeau turc ou la bannière de Kemal Atatürk avec à leurs côtés, à leur grande surprise, des drapeaux et symboles kurdes. Ils se sont battus ensemble, côte-à-côte. Ce sentiment extrêmement fort d’unité contre le régime a aussi été exprimé par le fait que les fans des trois clubs de foot d’Istanbul (Besiktas, Galatasaray et Fenerbahce) avaient enterré la hache de guerre pour soutenir ensemble le mouvement.

    Selon un sondage de l’université de Bilgi, 40% des manifestants avaient entre 19 et 25 ans, près de deux tiers ayant moins de 30 ans. Plus de la moitié des gens manifestaient pour la première fois, et 70% ont déclaré qu’ils ne se sentaient proches d’aucun parti politique. Cette nouvelle génération de jeunes a eu un premier avant-goût de l’État turc et de sa brutalité. Le mouvement a réuni des couches totalement différentes de la population, unies par le sentiment que ‘‘trop, c’est trop’’. Des écologistes ont initié la bataille, ensuite sont arrivés des travailleurs du secteur public menacés de privatisations, de pertes d’emplois et de diminutions de salaires. Les jeunes, aliénés par le paternalisme oppressant du gouvernement, a envahi les places. Les femmes sont descendues en rue contre les effets des multiples attaques contre leurs droits. Les Kurdes revendiquaient de leur côté un changement réel, car malgré les pourparlers officieux entre les gouvernements et le PKK (Parti des Travailleurs Kurdes), 8000 journalistes, politiciens et militants sont toujours emprisonnés. Tous se sont retrouvés sous le slogan ‘‘Tayyip istifa’’ – ‘‘Erdogan, dégage’’ qui a dominé les rues dès le début de la vague de manifestation qui a déferlé sur le pays. On a beau pu trouver des symboles réactionnaires dans les manifestations, les aspirations des gens vont bien plus loin que ce que les politiciens capitalistes kémalistes corrompus du CHP ont à proposer.

    La dynamique du mouvement

    Le vendredi 31 mai, la violence policière a transformé une manifestation écologique en soulèvement. Des manifestations spontanées ont eu lieu dans tout le pays. Chaque soir, les gens martelaient leurs casseroles et leurs poêles dans les quartiers ouvriers et les banlieues. Pendant le premier weekend, 67 villes ont connu des manifestations. Le dimanche 1er juin, la police s’est retirée de la place Taksim. Un sentiment d’euphorie s’est répandu dans le mouvement ; les gens disaient que le mouvement avait gagné. Une atmosphère festive prévalait dans les grandes places occupées, et pas seulement à Istanbul.

    Alors que la vitesse à laquelle les manifestations se sont répandues dans tout le pays et la volonté de prendre les rues chaque jour malgré la violence policière et les gaz lacrymogènes étaient enthousiasmantes, les manifestations étaient très peu coordonnées. Des comités d’action ont bien été mis sur pied, mais ils se concentraient surtout sur des questions pratiques : comment organiser les premiers secours, les soins aux blessés, la distribution de nourriture, installer les tentes, etc. Ces comités ont été développés par des groupes de gauche, mais n’ont pas donné moyen d’inclure la majorité des occupants des places et des manifestants dans les débats et les prises de décision.

    Malheureusement, nous n’avons pas vu d’assemblées du même type que celles qui ont caractérisé la contestation en Espagne ou en Grèce en 2011. Des critiques peuvent être faites sur certaines faiblesses mais, sur les places occupées par les Indignés grecs ou espagnols, les discussions collectives étaient quotidiennes, en petit groupe ou en assemblées massives, et chacun pouvait exprimer son opinion. Cela permettait le développement d’un véritable débat qui, malgré certaines faiblesses, permettait au mouvement de tirer des conclusions concernant les revendications et la stratégie requise pour la lutte.

    Sosyalist Alternatif (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Turquie) soutenait la nécessité de telles assemblées sur les places, dans les lieux de travail et les quartiers, villes et villages, afin de constituer des comités de représentants démocratiquement élus, révocables à tous niveaux et à tout instant. L’absence de cette direction élue et contrôlée par la base capable de coordonner la lutte dans les différentes villes et entre elles faisait justement défaut en Grèce et en Espagne.

    Sans de telles structures, le mouvement – qui s’était rapidement étendu aux 88 provinces du pays et à toutes les principales villes – a stagné et n’a pas été capable de développer une stratégie pour aller de l’avant. C’est pourquoi la stratégie d’Erdogan – avoir le mouvement à l’usure – a marché. Le mouvement s’est épuisé dans les combat quotidiens avec la police.

    Grève générale

    Les deux jours de grève de la fédération syndicale du secteur public, le KESK, les 4 et 5 juin, ont constitué une étape importante pour amener la lutte à un niveau supérieur. La classe des travailleurs organisée est potentiellement le plus grand pouvoir présent dans la société, en Turquie et ailleurs. Le KESK a appelé les autres syndicats à utiliser ce pouvoir et à rejoindre la grève. Seul le DISK, le syndicat le plus à gauche, a suivi, mais il a aussi limité son appel à quelques heures de participation symbolique à la lutte du KESK le 5 juin.

    Les syndicats ont ensuite fort peu tenté d’organiser, de coordonner et de développer la lutte. Le KESK a seulement appelé à une nouvelle grève générale le 17 juin, quand le mouvement avait déjà subi de graves revers.

    Seuls, le KESK et le DISK n’étaient pas en position d’annoncer une grève générale. Cependant, ils auraient pu offrir plus de direction de coordination au mouvement. Ils auraient pu commencer par lancer une série de grève avec leurs associés pour mettre pression sur les autres syndicats afin qu’ils rejoignent le mouvement et aident à offrir une véritable stratégie pour forcer Erdogan à se retirer. Malheureusement, cela n’a pas été le cas.

    Erdogan dégage!

    Le sixième jour de bataille contre la police, le mercredi 5 juin, ‘‘Solidarité Taksim’’ a annoncé 5 revendications principales. Cette coalition de 127 groupes basée sur la place Taksim est devenue de facto la direction du mouvement. Eyup Muhcu, le président de la chambre des architectes de Turquie, était le porte-parole de cette coupole qui, officiellement, n’avait pas de leader. Leur effort s’est concentré sur la limitation des revendications à l’arrêt de la destruction du Parc Gezi, à la condamnation des responsables de la répression policière, à l’interdiction des gaz lacrymogènes, et à la relaxe des manifestants emprisonnés.

    Pour importantes qu’elles soient, ces revendications n’étaient pas celles qui avaient su unifier le mouvement les jours précédents. ‘‘Tyyip istifa’’ (‘‘Erdogan, dégage’’), était le principal slogan scandé et il était ouvertement dirigé contre le gouvernement AKP, ses politiques et son idéologie.

    En présentant les 5 revendications comme le dénominateur commun des manifestants, la direction de cette coupole déclarait que cela était de nature à unifier le mouvement. Cependant, la direction des manifestations a échoué à montrer une perspective de mobilisation apte à faire tomber le gouvernement AKP. ‘‘Le Parc Gezi et la défense du mouvement contre la police sont des éléments importants – mais valent-ils le coup de se faire tabasser jour après jour ?’’ se sont demandés les travailleurs et les jeunes.

    En réduisant les objectifs du mouvement à ces 5 revendications, ‘‘Solidarité Taksim’’ a politiquement battu en retraite au moment où le mouvement prenait de l’élan, où la grève du KESK était encore en cours et où une recherche désespérée de stratégie avait commencé. Il s’agit d’un un tournant décisif.

    Cela a permis à Erdogan (par exemple dans les négociations avec ‘‘Solidarité Taksim’’ le 13 juin) de tout ramener aux questions environnementales liées au Parc Gezi ou à une partie de la police ayant été trop loin. Il a donc été capable de minimiser les autres questions sociales afin de diviser utilisé le mouvement entre les ‘‘bons écologistes’’ et les ‘‘terroristes’’ qui défendaient des revendications sociales plus offensives.

    Abaisser le niveau des revendications n’a pas non plus apaisé le gouvernement. La retraite du mouvement de contestation n’a fait qu’encourager l’élite dirigeante à réprimer plus encore. L’agence de presse Reuters a cité (le 15 juin) Koray Caliskan, un politologue de l’université de Bosphore, après que la Place Taksim ait déjà été vidée : ‘‘c’est incroyable. Ils avaient déjà enlevé toutes les bannières politiques et en étaient réduits à une présence symbolique sur le parc.’’ C’était le moment propice pour qu’Erdogan parte à l’offensive et nettoie le Parc Gezi de toutes ses forces.

    Le soutien d’Erdogan

    Était-il nécessaire de laisser tomber les revendications orientées vers la chute d’Erdogan étant donné qu’il disposait – et dispose encore – d’un énorme soutien, ce qu’il a illustré en rappelant que 50% des électeurs avaient voté pour lui ?

    Dans le cadre de cette épreuve de force, Erdogan a mobilisé des dizaines de milliers de personnes pour le soutenir lors d’une manifestation à Ankara le dimanche 15 juin. Le 16 juin, les manifestants ont été bloqués sur une autoroute menant à Istanbul, la police a encerclé la Place Taksim et des batailles violentes ont à nouveau opposé des dizaines de milliers de personnes à la police. En même temps, des bus mis à disposition par la municipalité d’Istanbul et l’AKP transportaient des gens à un rassemblement en faveur d’Erdogan. Plus de 200.000 de ses partisans sont venus écouter son discours pendant des heures.

    L’AKP a pu se construire un soutien sur base du rejet des anciens partis et des militaires et face à la menace constante d’un nouveau coup d’État. Les gens en avaient assez de la répression de la vieille élite kémaliste, et se sont tournés à ce moment vers Erdogan, étant donné que lui-même était considéré comme une des victimes de ces cercles réactionnaires. Mais cela n’a été possible qu’à cause de l’absence d’une force organisée et massive de la classe des travailleurs. Erdogan a un soutien et, après 10 ans de croissance économique, peut puiser dans ses réserves sociales relatives, même si la croissance économique a considérablement ralenti cette dernière année. Cependant, son succès électoral repose surtout sur la soumission forcée des médias, sur la répression et sur l’absence de toute opposition crédible et indépendante de l’establishment capitaliste.

    Le seuil électoral de 10% en Turquie – à l’origine destiné à empêcher l’entrée au parlement des partis pro-Kurdes, des partis islamistes et des scissions des anciens partis de droite kémalistes – est maintenant utilisé contre le développement de nouvelles forces. La vieille opposition est considérée comme corrompue et liée au vieux système électoral qui s’est effondré avec l’économie en 2001.

    Quand les manifestations ont commencé, les chaînes de télé turques diffusaient des émissions de cuisine, des documentaires historiques ou (dans le fameux cas de CNN Turquie) des documentaires sur les pingouins. Les quatre chaînes qui ont osé parler du mouvement sont maintenant menacées de lourdes amendes. Les autorités ont même essayé de fermer la chaîne de gauche Hayat TV. La Turquie comprend plus de journalistes emprisonnés que la Chine et l’Iran réunis ! Les droits syndicaux et les droits des travailleurs sont systématiquement violés.

    Étant donné la répression autoritaire et massive de tout mouvement de contestation, il y a toutes les raisons d’appeler à la fin de ce gouvernement et de refuser de reconnaître sa légitimité.

    Quelle alternative à Erdogan?

    Poser la question de la chute d’Erdogan et de son régime pose inévitablement celle de l’alternative à lui opposer. Les manifestants ne voulaient pas d’un retour aux affaires du CHP kémaliste. Quel pouvait donc être le résultat de la revendication de la chute d’Erdogan?

    Des comités locaux, régionaux et nationaux issus du mouvement auraient pu poser les bases d’un développement de la lutte sur ce terrain. De tels corps auraient pu constituer la base sur laquelle se serait organisé et reposé un réel gouvernement des travailleurs, des jeunes et des pauvres. D’un autre côté, il est certain que ces comités ont besoin d’une force politique qui puisse proposer cette stratégie et lutter pour qu’elle conduise à la victoire. La question clé est de construire un parti de masse de la classe des travailleurs armé d’un programme anticapitaliste socialiste.

    Le HDK/HDP (Congrès Démocratique des Peuples / Parti Démocratique des Peuples) est un pas prometteur dans cette direction. Il s’est développé à partir d’une alliance électorale des forces de gauche autour du BDP, le principal parti de gauche pro-kurde. Les organisations et partis de gauche ont besoin de s’unir aux syndicats de gauche et aux syndicalistes combatifs en intégrant de nouveaux militants et travailleurs pour développer un tel parti de classe.

    Contester Erdogan et le système sur lequel il repose

    La tâche du mouvement des travailleurs et de la gauche est aussi d’offrir une alternative politique claire à ceux qui soutiennent encore Erdogan afin de les détacher de lui.

    Le gouvernement a imposé des politiques néolibérales et profondément antisociales même quand l’économie était encore en pleine croissance. Tout en améliorant les conditions de vie du peuple à certains égards, les politiques d’Erdogan ont aussi fortement augmenté les inégalités. Son gouvernement a adopté une politique de privatisations et d’attaques contre les droits des travailleurs, en envoyant notamment systématiquement la police contre les travailleurs en grève. Seules les couches de la classe capitaliste proches de l’AKP ont été vraiment capables de profiter de la situation.

    L’AKP a tenté de s’attirer un soutien en se présentant comme le défenseur des valeurs islamiques, en s’opposant par exemple à l’alcool ou aux baisers en public et favorisant la construction d’une mosquée Place Taksim. Tout cela était destiné à détourner l’attention des questions économiques et sociales. Erdogan a voulu défendre sa position en s’appuyant sur les couches les plus conservatrices et religieuses de la société. Mais ces dernières sont elles aussi affectées par les attaques antisociales d’Erdogan.

    Le mouvement doit rejeter toute tentative d’ingérence de l’État dans les vies personnelles du peuple. En même temps, il doit mettre fin aux tentatives d’Erdogan de diviser pour régner. La lutte de masse qui s’est développée en Turquie n’est en rien un combat entre forces laïques et religieuses. Des revendications portant sur l’augmentation du salaire minimum, le droit à chacun de disposer d’un logement décent, le respect des droits démocratiques et des droits des travailleurs peuvent permettre de sérieusement éroder le soutien à Erdogan sur une base de classe.

    Quelles perspectives ?

    La croissance économique des ces dernières années a constitué un élément important du soutien à Erdogan et permet de comprendre l’origine de ses réserves sociales. Mais cela a également créé des attentes élevées et une certaine confiance en eux parmi les travailleurs et les jeunes. Cependant, l’économie turque est fragile et dépend beaucoup du capital étranger. Selon le FMI: ‘‘les besoins de financements extérieurs de la Turquie représentent à peu près 25% de son Produit Intérieur Brut.’’ Le rapport poursuit en disant que cela ‘‘va continuer à provoquer une vulnérabilité considérable.’’

    Le déficit du budgétaire actuel a augmenté d’un cinquième sur les 4 premiers mois de cette année. Le ralentissement du taux de croissance (de +8,8% en 2011 à +2,2% en 2012) est significatif et est fortement influencé par la crise européenne, l’Europe étant le principal marché du pays. En comparaison de la situation des pays européens voisins, comme la Grèce et Chypre, ou du Moyen-Orient, le sentiment de progrès économique peut toujours exister. Mais le taux de croissance n’est destiné qu’à atteindre les 3,4% en 2013 selon les prévisions du FMI, en-dessous de l’objectif de 4% du gouvernement. Ces prévisions ont été faites avant la répression des manifestations et leur effet sur la consommation intérieure et le tourisme n’ont ainsi pas été pris en compte.

    Le taux de croissance de l’année passée et les prévisions de cette année ne sont pas suffisants pour absorber la population croissante qui arrive sur le marché du travail, ce qui promet déjà de nouvelles batailles. Étant donné la fragilité du paysage économique, les probables répercutions dues à l’onde de choc de la crise européenne et la réduction de l’investissement étranger, il est certain qu’il y aura des batailles, pour les parts d’un gâteau sans cesse plus petit. Les perspectives économiques n’annoncent aucune stabilité sociale pour les prochains mois ou années, bien au contraire.

    Cadre international

    Le processus de révolution et de contre-révolution en Afrique du Nord et au Moyen Orient, les mouvements de masse contre l’austérité en Europe et le mouvement Occupy aux USA ont tous eu un effet sur la jeunesse turque. Malgré la différence considérable que constitue le fait qu’Erdogan est encore capable de mobiliser un certain soutien social, les mouvements de masse pour les droits démocratiques et sociaux apprennent les uns des autres. Le mouvement en Turquie sera également une source d’inspiration pour le Moyen-Orient et au-delà.

    Un régime de droite, présenté comme un modèle pour les autres pays sunnites, a été puissamment remis en question par le peuple. Le modèle tant vanté d’un État islamique moderne a été montré tel qu’il est : la surface d’une société en pleine tourmente.

    La Turquie est un allié de l’OTAN qui possède ses ambitions propres d’agir en tant que puissance régionale. Le bellicisme du régime turc envers la Syrie a augmenté la tension dans la région, avec toute une vague de réfugiés qui se sont enfuis en Turquie. Ceux qui ont pris part au mouvement contestataire ont souvent exprimé la peur d’être entraîné dans la guerre civile syrienne, qui est partie d’un soulèvement populaire pour aboutir à un cauchemar de guerre civile ethnique et religieuse.

    Le régime AKP a essayé d’exploiter la fragmentation de l’Irak : ils mènent des négociations avec le Nord kurde pour essayer d’établir une zone d’influence turque dans les régions kurdes. Les perspectives sont incertaines. A moins que la classe ouvrière n’intervienne avec son propre programme contre le sectarisme et le nationalisme, de nouveaux affrontements ethniques et religieux sont inévitables en Irak dans des régions comme Kirkuk. Cela aura des répercussions en Turquie.

    Alors qu’Erdogan essaie d’instrumentaliser la question kurde pour gagner en influence dans la région et se baser sur une alliance avec les dirigeants kurdes pour changer la constitution (qui lui permettrait de devenir président, avec plus de pouvoirs), il maintient des milliers de Kurdes emprisonnés pour avoir défendu les droits des Kurdes. Mais les aspirations des Kurdes d’en finir avec l’oppression vont se heurter aux objectifs d’Erdogan de faire d’eux une partie d’un nouvel empire de style ottoman dirigé par Ankara.

    La montée des tensions dans la région, qui découle de l’implication d’Israël dans la guerre civile syrienne et de la propagation de cette guerre au Liban ou en Turquie, en plus des conflits entre Israël et l’Iran avec une possible implication des USA, peuvent ébranler encore plus la stabilité de la Turquie et du régime d’Erdogan et ainsi déclencher de nouveaux mouvements et des conflits religieux ou ethniques.

    Cependant, le premier effet du soulèvement turc dans la région est d’encourager les travailleurs, les jeunes et les pauvres à retourner aux origines du processus révolutionnaire en Afrique du Nord et au Moyen Orient: l’implication active des masses elles-mêmes dans la lutte pour les revendications démocratiques et sociales.

    Toutes les sections de la société en action

    Le mouvement de contestation n’a pas seulement poussé à l’action les couches les plus basses de la classe moyenne et les enfants de la classe des travailleurs, qui ont constitué les couches les plus visibles du mouvement, en particulier dans les médias étrangers. La classe ouvrière de toutes les villes s’est durement battue contre la police. Les nouvelles couches de la classe ouvrière et des jeunes ont tout juste commencé à ressentir leur propre force et les classes moyennes urbaines, comme les architectes, les médecins et autres, ont également été présentes dans le mouvement.

    Dans le même temps, Erdogan a essayé de mobiliser la population plus rurale, ce qui pourrait se retourner contre lui plus tard. La polarisation de la société elle-même est si forte qu’elle va encourager encore la politisation d’une nouvelle génération, y compris dans les campagnes.

    Mais même au sommet de la société, des scissions et conflits sont devenus apparents. Juste au moment où Erdogan pensait être parvenu à son but de se retirer les vieux kémalistes de leurs positions stratégiques dans la bureaucratie d’Etat, de nouvelles scissions sont apparues dans ses propres rangs.

    Les plans d’Erdogan sont non seulement de se présenter à la présidentielle l’année prochaine mais aussi de changer la constitution en un système présidentiel qui lui permettrait de se maintenir au pouvoir. Mais le président sortant Gül, lui aussi de l’AKP, a proposé une stratégie nettement plus conciliante à l’égard du mouvement. Il pourrait ne pas tout simplement céder la place à Erdogan.

    Pendant les années où il a gagné en influence, le mouvement Gülen (une tendance islamique modérée basée autour du millionnaire Gülen qui vit aux USA) a soutenu Erdogan. Par exemple, ses écoles religieuses ont bénéficié de la privatisation de l’éducation, une politique mise en place par Erdogan. Mais des divergences entre Erdogan et Gülen se sont développées depuis un an et sont devenues de plus en plus visibles pendant les manifestations, ce qui a conduit les politiciens pro-Gülen à critiquer le style autoritaire d’Erdogan.

    Le gouvernement AKP se sent assez en confiance pour utiliser l’armée, ayant purgé les kémalistes. La police était ainsi accompagnée par la police militaire. Le Premier Ministre adjoint a même menacé d’utiliser l’armée pour écraser le mouvement le 17 juin. D’un autre côté, pendant le premier week-end de conflit, des soldats ont donné des masques chirurgicaux aux manifestants contre le gaz lacrymogène. Selon les médias étrangers, la police a montré une certaine hésitation, un mécontentement et de l’indignation face à la manière dont était traité le mouvement.

    Derrière ce mouvement se trouvent les premiers signes d’un processus révolutionnaire : toutes les classes et forces de la société commencent à s’engager activement dans le destin du pays. Même s’il y a une pause avant la prochaine phase de la lutte, le processus qui a commencé est profond.

    Malgré la défaite temporaire, les travailleurs se sentiront encouragés à défendre leurs revendications et à entrer en lutte. Le tout puissant Erdogan peut avoir finalement gagné, mais ses yeux au beurre noir reçus de la part du mouvement montrent qu’il n’est pas invincible.

    Un grand débat a commencé sur la manière dont devrait fonctionner la société. Les gens sont poussés dans le débat politique par une énorme polarisation. Les anciens partis des kémalistes sont incapables de donner une expression à la colère et aux aspirations de la nouvelle génération, et les nouvelles générations le savent. Tant qu’une alternative de masse n’est pas construite, les classes moyennes et les travailleurs peuvent encore voter pour eux. Cependant, il y aura des tentatives de construire de nouveaux partis de lutte. Le HDK pourrait donner la bonne voie à suivre s’il parvient à pénétrer profondément dans la classe ouvrière turque. Les travailleurs et les jeunes ont besoin de forces de gauche. Les idées marxistes sont nécessaires dans ce processus de construction d’un parti de masse, enraciné dans la classe ouvrière, pour montrer comment sortir du cauchemar du capitalisme et de la répression.

    Une nouvelle couche de jeunes est entrée en scène. Elle va y rester et changer la Turquie. Comme le dit un des slogans les plus scandés dans les rues d’Istanbul et d’Ankara : ‘‘Ce n’est qu’un début – continuons le combat.’’

    Revendications de Sosyalist Alternatif (CIO-Turquie):

    Pleins droits démocratiques

    • Libération immédiate de tous les manifestants emprisonnés
    • Pour une commission indépendante composée de représentants des syndicats et du mouvement pour enquêter sur la violence policière
    • Libération de tous les prisonniers politiques
    • Pleins droits démocratiques dont le droit de manifester, de se rassembler, de former des partis et des syndicats
    • Mobilisation totale des travailleurs contre l’intervention de l’armée ; pleins droits démocratiques dont le droit pour la police et les soldats de former des syndicats
    • Abolition de toutes les lois anti-terroristes et des tribunaux spéciaux et de toutes les lois répressives et réactionnaires introduites par le gouvernement AKP ces dernières années
    • Non à la censure, pour des médias libres – fin de la répression contre les journalistes, les bloggers, les chaînes de télé et sur tweeter, non à la fermeture de Hayat TV
    • Libertés et droits de pratiquer ou non toute religion, fin du paternalisme d’État, et de toutes tentatives de diviser pour mieux régner. Pour les droits démocratiques de tous de vivre leurs vies comme ils l’entendent.
    • Non à la répression des Kurdes, droits égaux pour tous dont la reconnaissance des minorités et des droits des minorités. Droits à l’auto-détermination dont celui de former un État indépendant.
    • Les troupes étrangères hors de Syrie, non à l’intervention militaire de la Turquie et des puissances impérialistes dans la région.
    • Pour une assemblée constituante de représentants démocratiquement élus sur les lieux de travail, dans les quartiers, les villes et les villages afin de garantir les pleins droits démocratiques et la sécurité sociales à l’ensemble de la population

    Emplois, salaires décents, sécurité sociale

    • Finissons-en avec l’enrichissement de l’élite, avec les projets de construction sur la place Taksim et tous les projets basés sur la logique du profit
    • Non aux privatisations, renationalisation des sociétés privatisées
    • Non aux attaques contre les travailleurs du secteur public
    • Pour une augmentation significative du salaire minimum
    • Des logements et conditions de vie décents pour tous
    • Nationalisation des banques et des entreprises qui dominent l’économie sous le contrôle et la gestion des travailleurs
    • Pour une planification démocratique et socialiste de l’organisation et du développement de l’économie dans l’intérêt des travailleurs et des pauvres sans s’attaquer à l’environnement
    • Pour un gouvernement des travailleurs, des jeunes et des pauvres, agissant en fonction des intérêts de ces derniers
    • Pour une riposte internationale contre l’exploitation, l’oppression et le capitalisme. Pour une démocratie socialiste, une confédération socialiste des États du Moyen-Orient et de l’Europe sur base volontaire et égale.
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