Tag: Bernie Sanders

  • Le socialisme populaire aux USA

    En 2016, le sénateur grisonnant et jusque-là relativement inconnu Bernie Sanders est soudainement devenu l’homme politique le plus populaire du pays, sans toutefois parvenir à devenir le candidat du Parti démocrate à la présidence. L’échec ne provenait pas d’un manque de soutien pour ses idées et propositions : il a obtenu une victoire dans 22 états avec 12 millions de votes. Mais sa campagne a été combattue et sabotée avec acharnement par l’establishment démocrate et par les médias dominants. Le système des primaires offre de nombreuses possibilités à la direction du Parti démocrate pour atteindre le résultat souhaité et tout avait été mis en œuvre pour une victoire de Clinton. Ce qui s’est terminé de façon dramatique puisqu’elle était ouvertement perçue comme partie intégrante de l’establishment politique tellement détesté. Trump a parfaitement joué cette carte et a fait ce que personne n’imaginait : devenir président.

    En dépit de tous les obstacles : Bernie peut-il accéder à la présidence cette année ? En tout cas, il est le meilleur candidat pour faire barrage au second mandat de Trump.

    Bernie doit saisir le momentum

    Quand Trump a tweeté ‘‘Sanders le fou est premier’’ [dans les candidats aux primaires démocrates] à la mi-janvier, Bernie a répondu : ‘‘Ça signifie que tu vas perdre’’. Les sondages donnent à Bernie une bonne chance de remporter les premières primaires démocrates dans les Etats de l’Iowa (3 février) et du New Hampshire (11 février). Viennent ensuite le Nevada (22 février) et la Caroline du Sud (29 février). Et puis il y aura le Super Mardi, le 3 mars, lors duquel il y aura des votes dans 15 États.

    Il y a quatre ans, Bernie a appelé à juste titre à une révolution politique contre la classe des milliardaires. Aujourd’hui, il continue sur la même voie. Le système américain est en faillite et Bernie a des propositions intéressantes en faveur des intérêts de la grande majorité et non des capitalistes.

    40% de la population américaine est incapable de faire face à une dépense inattendue de 400 $, 60% ne peut pas faire face à une dépense inattendue de 1.000$. Les trois Américains les plus riches au monde ont autant de richesses que les 50% les plus pauvres (165 millions de personnes). Entre 2015 et 2017, l’espérance de vie des Américains a diminué trois années de suite. La dernière fois, c’était entre 1915 et 1917, il y a exactement 100 ans, à l’époque en raison de la grippe espagnole et de la première guerre mondiale. Aujourd’hui, cette baisse spectaculaire de la santé des Américains est due au système d’assurance privé, à la baisse du niveau de vie, aux décès dus à la drogue et à l’alcool ainsi qu’au suicide. La vie des citoyens américains est un combat quotidien fait d’incertitudes.

    La campagne de Bernie est un soulagement dans le débat public. Mais sa campagne comporte aussi deux contradictions importantes. Le parti pour lequel il veut être candidat à la présidence, bien qu’il ait l’audience électorale la plus progressiste, est minutieusement contrôlé par l’establishment capitaliste. Il doit créer un parti au sein de ce parti, pour ainsi dire, afin de ne pas être écrasé par cet establishment. Il est fort probable qu’il ne remporte pas la bataille malgré le fait qu’il obtiendra le plus de voix. En fin de compte, un nouveau parti de la classe ouvrière est nécessaire.
    En outre, il plaide à juste titre en faveur des soins de santé pour tous, préconise l’abolition des dettes d’études et la gratuité de l’enseignement. Il veut que tout le monde ait un revenu vivable et donc un salaire minimum de 15$ de l’heure. Il veut un Green New Deal pour les travailleurs. Tout cela ne peut être réalisé qu’en mettant définitivement fin au contrôle de la classe des milliardaires sur l’économie et en construisant une société socialiste. Comment réaliser cela dans la pratique ? Bernie reste vague à ce sujet.

    Bernie fait rêver les Américains qu’un avenir différent est possible. Il appelle la classe ouvrière à s’organiser. Le slogan de sa campagne est ‘‘Pas moi. Nous’’. Il popularise des idées socialistes, une telle campagne doit être soutenue. Plusieurs millions de personnes regardent celle-ci comme un exemple de campagne militante, qui se revendique ouvertement du socialisme, qui parle à l’esprit des victimes du capitalisme. Cela peut être une base pour construire un parti socialiste de masse aux États-Unis pour renverser le capitalisme. Un tel projet susciterait l’enthousiasme dans le monde entier.

    Participez à nos MEETINGS !

    La popularité du socialisme aux USA / Les victoires pour les 15$/heure : Venez en discuter avec Ginger Jentzen, de Socialist Alternative, notre section-soeur aux USA !

    • Mer. 19 fév. Gand.
    • Jeu. 20 fév. Bruxelles. 19h30 ULB Campus Du Solbosch – H2111 // Evénement Facebook
    • Ven. 21 fév. Bruges.
    • Sam. 22 fév. Anvers.
    • Dim. 23 fév. Louvain.
    • Dim. 23 fév. Liège : Meeting avec Ginger Jentzen. 16h, Aquilone, 25 Blvd Saucy. // Evénement Facebook
    • Lun. 24 fév. Mons : Meeting avec Ginger Jentzen. 19h, UMons Warocqué, salle 110. // Evénement Facebook

  • USA : Kshama Sawant soutient Bernie Sanders et appelle à taxer Amazon

    Ce 9 janvier, plus de 300 personnes se sont rendues au Washington Hall à Seattle pour un rassemblement qui visait à lancer la la campagne du candidat aux primaires démocrates Bernie Sanders dans l’État de Washington. L’atmosphère dans la salle était électrique. Les participants étaient venus sans faire de mystère quant à leur soutien à Bernie : sur leurs vêtements ou leurs pancartes, on pouvait lire des slogans en faveur de l’assurance maladie pour tous ou contre la guerre en Iran. Toutes et tous étaient impatients de commencer la campagne de porte-à-porte et de coups de fil. Pour beaucoup d’entre eux, c’est la première fois qu’ils se portent volontaires pour une campagne politique. Il est évident que l’approche audacieuse de Sanders concernant les besoins des travailleurs a mobilisé une nouvelle couche.

    Socialist Alternative, l’organisation-soeur du PSL aux Etats-Unis qui dispose d’une élue au Conseil de ville de Seattle, a déjà commencé à mobiliser ses membres dans des villes de tout le pays pour qu’ils s’impliquent dans la campagne de Sanders. Ils sont très excités à l’idée de rejoindre tant de travailleurs qui veulent lutter pour le programme progressiste de Sanders !

    « Je suis pour Bernie parce que nous avons besoin d’une révolution politique contre la classe des milliardaires, et d’un « Organisateur en chef » préparé à construire le mouvement des millions de gens qui sera nécessaire pour arracher un changement. Je soutiens fermement le combat de Sanders pour l’assurance maladie universelle et pour un New Deal vert. Je suis d’accord avec Bernie que les milliardaires ne devraient pas exister et que nous avons besoin d’une société qui marche pour les travailleurs – selon moi, c’est une société socialiste. » – Kshama Sawant, conseillère de ville District 3, Seattle WA, Socialist Alternative USA

    A Seattle, les membres de Socialist Alternative se sont rendus au rassemblement avec des tracts qui annonçaient la campagne « Tax Amazon 2020 » et invitant les participants à s’impliquer dans le combat pour faire payer la multinationale dont le siège est basé à Seattle. Une première tentative de taxer les multinationales pour fournir des logements aux sans-abris avait été repoussée (voir notre article à ce sujet) et Amazon avait ensuite déversé des sommes folles sur les élections locales à Seattle pour se débarrasser de candidats progressistes tels que Kshama Sawant (voir notre article à ce sujet). Mais l’homme le plus riche du monde n’est pas parvenu à acheter ces élections !

    L’idée de repartir à l’assaut pour une « taxe Amazon » a reçu un accueil enthousiaste. Les partisans de Bernie étaient tout à fait d’accord pour dire que s’organiser et lutter pour que la campagne de Sanders signifie également de se battre pour son programme, dont un élément central est l’imposition des grandes entreprises. De plus, après les élections extrêmement controversées du Conseil de ville de novembre, au cours desquelles Amazon a versé un montant sans précédent de 1,5 million de dollars dans des fonds électoraux pro-entreprises, les partisans de Bernie à Seattle ont pu constater de visu jusqu’où les grandes entreprises sont prêtes à aller pour acheter les élections. Un conclusion s’impose : combattre de front les intérêts des grandes entreprises !

    Un large éventail de personnes ont pris la parole au rassemblement et ont enflammé la foule avec leurs déclarations de soutien passionnées et leurs appels à l’action : politiciens progressistes, jeunes activistes pour le climat, enseignants, organisateurs de la campagne de Bernie, démocrates de base et socialistes, etc. L’un des principaux thèmes de la soirée était que Bernie est le candidat qui a le plus de chances de battre Donald Trump. Le programme progressiste de Bernie, qui propose un régime d’assurance-maladie universel, un New deal vert et l’annulation de la dette étudiante, incite les travailleurs à se rendre aux urnes et à voter. Des orateurs tels que Shaun Scott (élu au conseil de ville de Seattle et membre des Democratic Socialist of America, (DSA) et Jesse Hagopian (une syndicaliste enseignante) ont souligné que la campagne de Bernie représente plus qu’une simple campagne électorale : il s’agit d’un mouvement multigénérationnel et multiracial venant d’en bas et luttant pour un changement systémique durable.

    Kshama Sawant, membre de Socialist Alternative et élue au Conseil de ville de Seattle, a pris la parole en dernier. Elle a résumé l’atmosphère de cette soirée et soulignant l’opportunité historique de cette campagne et les tâches à venir. Elle a fait référence à l’incroyable explosion de luttes sociales au cours de l’année écoulée avec des mouvements de masse au Chili, à Hong-Kong, au Liban, en Irak et en Iran, quelques exemples de la manière dont les travailleurs ordinaires se soulèvent au niveau international contre la faillite du capitalisme mondial. Ce processus se reflète aux États-Unis avec l’incroyable popularité de la campagne socialiste démocratique de Sanders.

    Kshama a également averti que les partisans de Bernie doivent avoir une compréhension sobre des défis auxquels le mouvement est confronté. Avec l’échec de leur stratégie de black-out médiatique, les médias dominants se préparent à passer à l’offensive contre Sanders en l’accusant d’être trop extrême, de semer la discorde ou de tout ce qu’ils pourront trouver pour lui nuire. De plus, les représentants politiques de la classe des milliardaires au sein du Parti démocrate se préparent à utiliser les leviers de leur appareil de parti pour miner Sanders autant qu’ils le peuvent.

    L’appel de Kshama Sawant à la création d’un nouveau parti des travailleurs reposant sur le mouvement des partisans de Sanders a été accueilli avec des applaudissements, tout comme son appel à la rejoindre elle, la présidente du syndicat des agents de bord (Association of Flight Attendants ) Sarah Nelson et Socialist Alternative lors du lancement de la campagne pour taxer Amazon, ce 13 janvier ! Sarah Nelson est devenue une figure syndicale nationale en janvier de l’année dernière, lorsqu’elle a appelé à la grève générale contre le « shutdown » de l’administration Trump (l’arrêt du financement de l’administration fédérale). Cette menace avait joué un grand rôle dans le recul de Trump quelques jours plus tard.

    Le rassemblement s’est clôturé par la préparation de la première tournée de campagne en faveur de Bernie.

  • Corbyn était-il «trop à gauche»? : Leçons des élections britanniques pour la gauche américaine

    Pour ceux qui veulent vaincre la droite et son programme, la victoire du réactionnaire Boris Johnson et de son parti conservateur aux élections générales de Grande-Bretagne est évidemment un sérieux revers.

    Tom Crean, Socialist Alternative (CIO – USA)

    Les médias dominants et la direction du Parti démocrate affirment que la défaite du Labour aux élections générales britanniques est due dans une large mesure au programme « socialiste d’extrême gauche » de Jeremy Corbyn. C’est ainsi que l’ancien vice-président des États-Unis et actuel candidat aux primaires présidentielles démocrates de 2020, Joe Biden, a déclaré : « Regardez ce qui arrive quand le parti travailliste va si loin à gauche. » Le message, pas si subtil, est le suivant : si les démocrates choisissent Bernie Sanders comme candidat à la présidence, Trump remportera un deuxième mandat.

    La peur du rouge

    Les véritables leçons que la gauche doit tirer aux États-Unis, surtout concernant la campagne pro-travailleurs de Sanders que Socialist Alternative soutient, sont très différentes. Tout d’abord, alors que cela ne ressort pas clairement de la couverture médiatique aux Etats-Unis, les médias dominants britanniques, que cela soit la « respectable » BBC ou les tabloïds, ont mené une intense campagne d’intimidation contre Corbyn. Ils l’ont accusé d’être un antisémite, un partisan de l’armée républicaine irlandaise (IRA) et un « danger pour la sécurité nationale ». Ils ont jeté autant de boue qu’ils ont pu dans l’espoir qu’une partie de la boue collerait.

    L’allégation sans cesse répétée d’antisémitisme au sein du Parti travailliste repose sur très peu de choses : la confusion et l’amalgame entre la critique de la politique israélienne et l’antisémitisme. Donald Trump, dont la présidence a enhardi les nationalistes blancs et les néo-nazis purs et durs, dénonce également toute critique de son allié réactionnaire Benjamin Netanyahu comme étant « antisémite ». Au cours des élections britanniques, le véritable raciste était Boris Johnson, celui qui a un jour qualifié les Noirs du terme raciste de « pickanninies » dans un article qu’il a écrit en tant que journaliste.

    Mais si les respectables médias dominants aiment se présenter comme antiracistes, leur véritable priorité est de protéger les profits et les intérêts des grandes entreprises. Ils n’hésiteront pas à vendre au détail les mensonges les plus vils et à couvrir les racistes les plus infâmes dans le but de repousser la gauche.

    L’élection britannique est une indication de la sauvagerie avec laquelle les médias et l’establishment démocrate s’en prendront à Bernie Sanders s’il s’approche de l’investiture démocrate. En 2016, lors des primaires de New York qui étaient un must absolu pour Hillary Clinton, le tabloïd libéral new-yorkais Daily News a lié Sanders à la tuerie de l’école primaire de Sandy Hook en 2012.

    Les causes plus profondes

    Mais si l’offensive de la classe dirigeante contre Corbyn a joué un rôle réel, il n’était pas inévitable qu’elles suffisent à vaincre le Parti travailliste. Le vrai problème de Corbyn, c’est sa perte de crédibilité après quatre années passées à la tête du Parti travailliste. Au cours de celles-ci, il n’a pas réussi à s’attaquer à la droite néo-libérale du Parti travailliste ni à chercher à construire sérieusement un mouvement de masse pour imposer le changement en dehors du Parlement.

    Alors que Tony Blair était le chef du Parti travailliste, le Labour a supprimé la fameuse clause 4 qui engageait nominalement le parti à faire en sorte que les secteurs clés de l’économie deviennent des propriétés publiques démocratiques. Lui et ses successeurs ont purgé le parti de la gauche, ont réduit l’influence des syndicats, ont instauré des mesures de réduction budgétaires massives dans les services sociaux tant au niveau local qu’au niveau national et ont participé avec enthousiasme à l’invasion et à l’occupation de l’Irak par George Bush. Margaret Thatcher, qui fut première ministre conservatrice pendant 11 ans et qui a mené une campagne acharnée contre les intérêts de la classe ouvrière, a un jour déclaré que sa plus grande réalisation était « le New Labour et Tony Blair ».

    Ironiquement, Corbyn a remporté la direction du parti parce que les blairistes, la droite du parti, dans un geste d’orgueil pur, voulait faciliter l’adhésion individuelle au parti et l’élection du dirigeant du parti afin de réduire l’influence des syndicats. Mais à partir du moment où Corbyn a été démocratiquement élu par les adhérents, la majorité de droite des députés travaillistes a cherché à saper son travail et à l’éliminer avec la complicité totale des médias.

    En fait, il existait « deux partis en un » : celui de Corbyn reposant sur un politique favorable aux travailleurs et l’autre fermement attaché à la logique d’austérité et au programme néolibéral. Les blairistes se sont explicitement inspirés des Démocrates aux Etats-Unis. Les socialistes anticapitalistes aujourd’hui regroupés dans Socialist Alternative en Grande Bretagne ont toujours défendu que Corbyn devait mener la lutte contre l’aile droite du parti. Par exemple, la direction du parti aurait pu réintroduire le principe de « re-sélection obligatoire » grâce auquel les membres du parti d’une circonscription donnée choisissent eux-mêmes le candidat qui les représente pour la prochaine élection. Cela aurait permis aux membres qui soutenaient largement Corbyn de commencer à éliminer les représentants de la droite du parti et repousser cette dernière.

    La direction du parti aurait également pu clairement faire valoir qu’il n’était plus acceptable d’être un élu local du Parti travailliste et de voter en faveur des réductions budgétaires des services publics. Ceux qui refusaient cette revendication de base n’auraient plus pu être candidats travaillistes.

    Une telle approche aurait dû être liée à une campagne de mobilisation des membres pour des manifestations de masse, au côté des syndicats, contre les attaques visant la classe des travailleurs, en défense du service national de soins de santé NHS notamment. Malheureusement, Corbyn et ses alliés au sein du parti, comme John McDonnell et le groupe Momentum, ont cherché à maintes reprises à faire des compromis avec la droite du parti. Il y eut une exception, en 2017, quand Corbyn a défendu un programme audacieux et organisé des rassemblements de masse dans tout le pays pour mobiliser son soutien. Cela avait particulièrement électrisé la jeunesse. Mais cela n’a pas été suivi d’une mobilisation suivie au cours des deux dernières années.

    Un message confus

    Le Brexit a constitué un exemple clair de la façon dont Corbyn n’a pas réussi à établir une distinction entre la droite et lui. La question du Brexit a dominé les élections générales britanniques. Johnson avait un message simple : « appliquer le Brexit ». Cela a évidemment plu à de nombreuses personnes qui en ont absolument marre du débat de plus en plus toxique qui a consumé la société britannique depuis le vote de départ de l’Union européenne en 2016, et qui sont profondément frustrées par les tentatives de l’establishment de nier le résultat plutôt que de le mettre en œuvre.

    Dans les médias libéraux et parmi une grande partie de la gauche, le Brexit est présenté comme un vote raciste et anti-immigrant. Les partisans du Brexit parmi la classe ouvrière, en particulier dans les anciennes villes industrielles du nord de l’Angleterre, sont considérés comme faisant partie de la même couche prétendument irrécupérable et arriérée qui a soutenu Trump. Mais il arrive parfois que les médias disent la vérité sur quelque chose d’important et, dans un article sur le commerce mondial, le New York Times a fait le commentaire suivant « En Grande-Bretagne, les communautés en difficulté ont utilisé le référendum de juin 2016 (…) comme un vote de protestation contre les banquiers de Londres qui avaient provoqué une crise financière catastrophique, et qui ont ensuite forcé les gens ordinaires à absorber le choc au travers d’une austérité fiscale déchirante. »

    La position historique de Corbyn, qui remonte aux années 1970, était de s’opposer à l’entrée de la Grande-Bretagne dans l’Union européenne, non pas pour des raisons nationalistes, mais parce que c’était un « club de patrons ». Cette caractérisation, à notre avis, était et reste correcte. L’UE est un ensemble de structures hautement antidémocratiques qui, à chaque étape, a cherché à s’opposer aux intérêts des travailleurs. Dans le sillage de l’effondrement économique de 2008, la Commission européenne, de concert avec la Banque centrale européenne et le FMI (la « troïka »), a imposé une austérité sauvage au peuple grec et à d’autres en les obligeant à rembourser des prêts aux banques françaises et allemandes.

    Malheureusement, lors du référendum sur le Brexit et depuis lors, Corbyn n’a pas défendu de position claire face à l’UE. Il aurait pu appeler à une véritable unité des travailleurs à travers l’Europe, basée sur la solidarité de classe, en faveur d’une fédération socialiste démocratique. Bien que le vote sur le Brexit ne puisse pas être réduit au racisme ou à un sentiment anti-immigrant, l’échec du Parti travailliste à prendre la tête de la lutte pour un « Brexit socialiste » et internationaliste a ouvert la porte à la droite qui lié cette question au nationalisme.

    En vérité, sur base du capitalisme, ni la sortie ni le maintien dans l’UE ne résoudra aucun des problèmes fondamentaux auxquels sont confrontés les travailleurs en Angleterre, au Pays de Galles, en Écosse ou en Irlande du Nord. Mais comme le débat sur le Brexit s’est concentré sur des paramètres très étroits, il est devenu de plus en plus démoralisant pour de larges sections de la société.

    Nous reconnaissons pleinement que beaucoup de personnes en Grande-Bretagne ont voté pour contre le Brexit en 2016 pour des raisons très compréhensibles, notamment le désir de maintenir la libre circulation des personnes à travers l’Europe. Il est également vrai que la base travailliste était divisée entre des districts ouvriers plus pro-Brexit dans le nord du pays et une base plus pro-Remain dans les villes. Mais alors que Corbyn a lentement dérivé vers une position plus pro-Remain, il n’a fini par satisfaire personne. Comme l’ont expliqué nos camarades Socialist Alternative en Angleterre et au Pays de Galles dans leur récente déclaration : « Pour remporter cette élection, Corbyn devait unir les électeurs favorables ou non au Brexit sur base d’une approche d’indépendance de classe sur cette question – ainsi que sur toutes les autres. L’échec de cette démarche a ouvert la porte au populisme de droite pour combler le vide ».

    Détourner le débat

    Corbyn a cherché à éloigner le débat des élections générales du Brexit et pour le concentrer sur les attaques massives qui ont été portées sur les travailleurs au cours de ces vingt dernières années. Il a souligné l’offensive continue des conservateurs contre les soins de santé et a révélé les discussions de Johnson avec l’administration Trump au sujet de l’ouverture du système national de soins de santé NHS à une privatisation plus poussée dans le cadre d’un futur accord commercial post-Brexit. Corbyn a revendiqué que les services publics et les chemins de fer redeviennent propriétés de l’État.

    Rien ne prouve que sa plate-forme était « trop radicale » pour la plupart des travailleurs ou des jeunes. En fait, il gagnait même du soutien dans les derniers jours de la campagne. En 2017, Corbyn a adopté essentiellement la même approche et a remporté 40 % du vote populaire, la plus grande augmentation jamais enregistrée par les travaillistes. Et même dans cette élection, alors que la part du vote des travaillistes est tombée à 32 %, c’était encore mieux que ses prédécesseurs néo-libéraux Ed Miliband en 2015 ou Gordon Brown en 2010.

    Encore une fois, le vrai problème n’était pas la plate-forme de Corbyn, mais l’incapacité à se battre pour elle de façon constante au cours des quatre dernières années, ce qui aurait signifié la création d’un mouvement de masse entre les élections et l’adoption d’une ligne beaucoup plus ferme contre la droite travailliste, y compris les conseillers municipaux qui votaient pour des réductions budgétaires et les députés qui cherchaient de la façon la plus scandaleuse à miner Corbyn.

    Prendre les mesures nécessaires contre les saboteurs de droite du parti aurait peut-être pu affaiblir temporairement le Parti travailliste en termes parlementaires si les blairistes avaient démissionné en masse, mais cela aurait donné au parti une base politique beaucoup plus solide en montrant qu’il était prêt à se battre jusqu’au bout pour les intérêts des travailleurs.

    Construire une gauche forte aux États-Unis

    Les principales leçons que nous devons tirer de la défaite de Corbyn concernent la manière dont nous construisons une force politique pour faire échouer le programme de la droite et obtenir un changement décisif pour les travailleurs. La tendance dominante de la gauche américaine ces dernières années a été de s’engager avec le Parti démocrate pour le pousser vers la gauche ou, comme le dit Sanders, le transformer en un « parti de travailleurs ». Il est compréhensible que beaucoup de gens aient considéré que c’était la voie la plus simple pour construire la gauche plutôt que de créer un nouveau parti. Cette opinion a d’ailleurs été renforcée par des victoires comme celles d’Alexandria Ocasio Cortez.

    Mais il est également très clair qu’à chaque tournant, la nouvelle gauche rencontre une résistance féroce de la part de l’establishment capitaliste du Parti démocrate. Il suffit de voir les attaques portées contre la « Squad », les quatre femmes de couleur progressistes élues à la Chambre des représentants au début de l’année dernière. La direction du Parti démocrate, faisant écho à Trump, s’en est prise à Ilhan Omar en particulier pour son prétendu « antisémitisme ». A leur crédit, Omar, AOC, Rashida Tlaib et Ayanna Pressley ont repoussé les attaques de Trump et Pelosi. Omar, AOC et Tlaib ont ensuite soutenu Sanders, ce qui n’est certainement pas bon pour leur CV au sein du caucus démocrate à la Chambre des représentants.

    Pour prendre un exemple différent, il ne fait aucun doute que la participation aux primaires démocrates a donné à Bernie Sanders une très large audience en 2016, mais cela signifie aussi qu’il a accepté le résultat d’un processus truqué et hautement antidémocratique. Il a ensuite accepté la défaite et a soutenu Hillary Clinton au lieu de continuer à se présenter jusqu’en novembre comme candidat indépendant. Si Sanders était resté dans la course, il aurait pu utiliser la campagne pour jeter les bases d’une nouvelle force politique qui aurait pu se battre aux côtés des travailleurs, des immigrés et des jeunes au cours des trois dernières années contre Trump et l’agenda de la droite. Des candidats encore plus progressistes et socialistes auraient pu être élus au niveau local et national, et sur une base politique plus claire.

    Que faudrait-il vraiment pour que les démocrates deviennent le parti dont nous avons besoin ? Comme nous l’avons toujours soutenu, il faudrait qu’ils cessent de prendre l’argent des entreprises, qu’ils adoptent un programme favorable à la classe ouvrière et qu’ils exigent que leurs représentants l’appuient, et qu’ils créent de véritables structures démocratiques permettant à la base du parti de contrôler sa direction.

    Pelosi, Schumer et tous leurs homologues au niveau de l’État et au niveau local quitteront le parti plutôt que d’accepter cela, tout comme les blairistes menacent de le faire en Grande-Bretagne. La différence est que si Corbyn et la gauche au sein du Parti travailliste disposent de mécanismes qui pourraient être utilisés pour faire avancer les questions jusqu’à leur conclusion, de tels moyens sont largement absents au sein du Parti démocrate.

    Battre la droite en 2020

    Nous sommes maintenant confrontés au défi crucial de la course de 2020. Comment surmonter les attaques acharnées si Sanders s’approche de remporter l’investiture ?

    Nous devons mobiliser les forces les plus larges possibles pour aller jusqu’à la victoire. Sanders a demandé un million de volontaires, ce qui est tout à fait possible d’obtenir. Mais nous devons aller plus loin et transformer sa campagne en une organisation de masse avec des structures démocratiques de base, ce qui permettrait d’électrifier sa base et de lui donner confiance que cette campagne est vraiment le début d’une « révolution politique ». Cela pourrait commencer par des réunions d’organisation de masse à travers le pays pour discuter de la façon de gagner l’assurance-maladie pour tous, un New Deal vert et le contrôle universel des loyers.

    Que se passera-t-il si Sanders surmonte tous les obstacles antidémocratiques et remporte l’investiture ? Que se passe-t-il si Sanders devient président ? Les attaques féroces contre Corbyn seraient bien pâles en comparaison de la résistance que la classe dirigeante de ce pays et les politiciens capitalistes des deux partis opposeraient à Sanders s’il tentait de mettre en œuvre son programme. Sanders a déclaré qu’en tant que président, il sera « l’organisateur en chef » de la résistance sociale, qu’il mobilisera les travailleurs dans tous les domaines où les politiciens récalcitrants refusent de faire ce qui est dans l’intérêt de leurs électeurs. C’est tout à fait exact, mais bâtir cette force qui peut maintenir les politiciens sous pression signifie aussi avoir une menace crédible pour les remplacer, c’est-à-dire un nouveau parti.

    Certains partisans de Sanders ont cherché à minimiser la comparaison entre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne en réponse au récit de l’establishment capitaliste sur la défaite de Corbyn. Sans aucun doute, il n’y a pas d’équivalent direct avec le Brexit comme enjeu. Cependant, le résultat des élections britanniques nous aide à comprendre les obstacles qui se dressent devant nous afin de ne pas les sous-estimer ou les surestimer.

    Nous ne devons pas non plus conclure que tout est perdu pour la gauche britannique. Boris Johnson a mené une campagne populiste, mais avec une base peu solide. Il a promis de mettre fin à l’austérité. C’est un mensonge. Une résistance de masse peut se développer rapidement comme ici en 2017. Corbyn ne devrait pas se retirer mais continuer à lutter contre la droite dans son propre parti, se lier aux travailleurs, comme les infirmières en Irlande du Nord qui ont fait grève pour défendre le NHS et les jeunes qui luttent contre le changement climatique. Avec une approche audacieuse et déterminée, ce régime réactionnaire peut être rapidement mis sur la défensive. Cela peut contribuer à inspirer le type de lutte dont nous avons besoin ici aux États-Unis.

  • Bernie Sanders met la lutte des classes et le socialisme à l’ordre du jour

    Ces derniers mois, les médias dominants n’ont cessé de dire que Bernie Sanders était inéligible, notamment à l’aide de sondages manipulés. Le caractère radical de son message, son âge et son état de santé, le moindre argument qui pouvait être exploité a été utilisé pour convaincre l’opinion publique qu’il était inutile de voter pour lui aux primaires du Parti démocrate.

    Par Bart Vandersteene

    Mais sa campagne est là. D’autant plus qu’Alexandria Ocasio Cortez, Ilhan Omar et Rashida Tlaib, trois des membres les plus populaires du Congrès ont exprimé leur soutien en sa faveur. Sanders a déjà amassé 4 millions de dollars de donations, soit plus que n’importe quel candidat dans cette phase de la campagne. Des artistes populaires comme Ariane Grande, Cardi B et Killer Mike le soutiennent publiquement. Pourtant, les commentateurs continuent de dire qu’il est inéligible, tout simplement parce que ses propositions et ses idées sont inacceptables pour l’establishment.

    Elizabeth Warren est présentée comme une variante presque aussi progressiste de Sanders mais plus acceptable. Warren a elle-même dissipé les doutes: elle s’est décrite comme une ‘‘capitaliste jusqu’à l’os’’. Mais même ses propositions pour un capitalisme plus responsable vont beaucoup trop loin pour une grande partie de l’élite. Une bataille où Sanders et Warren sont les candidats les plus importants représente un cauchemar pour l’establishment du Parti démocrate. C’est l’une des raisons pour lesquelles de nouveaux candidats se présentent, comme Patrick Deval, de l’entourage d’Obama.

    Sanders s’oriente plus vers la gauche

    Sanders mène une campagne plus radicale qu’en 2016. Cela reflète la radicalisation de millions de jeunes et de travailleurs qui a pris place ces dernières années. Depuis 2016, il y a eu le début d’un mouvement massif de femmes lancé par #MeToo ; des protestations massives de jeunes contre la violence par armes à feu et, plus récemment, contre le changement climatique. Et bien sûr également la plus importante vague de grèves de ces dernières décennies. Après la révolte des enseignants, d’autres secteurs sont entrés en lutte, dont celui de l’automobile.

    Dans de récents discours, dont celui qui a lancé sa campagne le 19 octobre, Sanders a parlé de la façon dont sa présidence marquerait le début d’un ‘‘gouvernement de classe ouvrière’’ et qu’en tant que président, il serait ‘‘l’organisateur en chef’’. Non seulement il dit qu’il veut taxer les riches, mais il dit aussi que ‘‘les milliardaires ne devraient pas exister’’. Il s’est rendu à des meetings combattifs de même qu’à des piquets de grève de travailleurs partout dans le pays et a encouragé ses partisans à faire de même.

    Dans son programme, Sanders préconise un système universel de soins de santé et un salaire minimum fédéral de 15 dollars de l’heure. Il revendique également une augmentation des salaires des enseignants et l’annulation de toutes les dettes des étudiants. Pour s’attaquer à la menace existentielle du changement climatique, Sanders, suivant l’exemple de la congressiste Alexandria Octavio Cortez, appelle à un New Deal vert audacieux capable de transformer l’économie en la détournant des combustibles fossiles. Bernie et AOC défendent à juste titre des investissements publics massifs pour une transition verte de l’économie. Cela pourrait créer des millions d’emplois, mais le secteur de l’énergie devrait alors devenir une propriété publique, ce qu’ils ne disent pas explicitement.

    Sanders a fait des propositions courageuses pour abroger les lois antisyndicales et renforcer ainsi radicalement la position des travailleurs qui s’organisent contre l’élite du monde des affaires, dont le droit des travailleurs du secteur public de s’organiser et de négocier collectivement. Le droit de grève devrait être accordé aux fonctionnaires fédéraux et les grèves de solidarité seraient à nouveau autorisées. Sanders souligne à juste titre que le seul moyen d’obtenir ces revendications et d’autres encore est de construire un mouvement de masse.

    Dans une récente interview, on a demandé à Sanders pourquoi il aurait plus de chances de battre Trump que Joe Biden. Il a répondu : ‘‘Pour vaincre Trump, il faudra une participation massive des électeurs. Pour que cela se produise, de nombreux jeunes, les pauvres et la classe ouvrière, doivent vouloir participer au processus politique. C’est pourquoi vous devez parler des problèmes que les Américains ordinaires trouvent importants et les motiver à voter.’’

    Cela soulève une question cruciale pour Sanders. Les démocrates de l’establishment sont incapables de convaincre les gens qu’ils apporteront des changements significatifs. En 2016, il s’est révélé impossible à Hillary Clinton de se débarrasser de l’étiquette ‘‘Wall Street’’ qui lui collait à la peau. Elle a surtout pu obtenir des voix sous l’argument qu’elle n’était pas Trump.

    En 2008, Barack Obama avait suscité de grandes espérances après les huit années de politique de droite de George Bush et les guerres désastreuses en Afghanistan et en Irak. Après 2008, les démocrates ont contrôlé à la fois la Chambre des représentants et le Sénat. Obama a pris ses fonctions dès le début de la crise économique mondiale. Il est vite devenu évident qu’il faisait partie de l’establishment politique et qu’il se concentrait sur le sauvetage des banques alors que des millions d’Américains ordinaires perdaient leur emploi et leur maison. Les démocrates qui avaient le plein contrôle de Washington n’ont presque rien fait pour aider les travailleurs. Au contraire, le fossé entre riches et pauvres s’est encore creusé. Cette expérience a posé les bases de l’essor du Tea Party et, finalement, de Trump.
    Si Sanders remporte l’investiture démocrate, une grande partie du parti sabotera sa campagne. La classe dirigeante préfère quatre années supplémentaires avec un personnage instable comme Trump plutôt que d’accepter Sanders comme président. Elle est confiante que Warren peut être persuadée d’affaiblir ses propositions avec suffisamment de pression. Une victoire de Sanders inspirerait la classe ouvrière à se battre à un niveau jamais vu depuis les années 1970.

    Les limites de Sanders

    En tant que marxistes, nous remarquons également que la politique de Sanders comporte un certain nombre de limites. Il veut réformer le capitalisme et en éliminer les pires aspects. Mais si l’on veut vraiment une société qui sert la majorité de la population, il faut retirer le pouvoir à la classe dirigeante. Ce pouvoir s’exprime dans la propriété des moyens de production par les capitalistes. Le capitalisme sans maximisation du profit est impossible. Sans remettre en cause la propriété privée des moyens de production, il sera impossible de réaliser le programme de Sanders.

    Lorsque Sanders a annoncé sa première candidature à la présidence en 2015, il s’est demandé s’il devait la poser en tant qu’indépendant ou en tant que démocrate. Les primaires démocrates lui ont donné une énorme plate-forme publique mais, en même temps, ce choix avait de sérieuses limites. La campagne de Sanders a été sabotée et bloquée de manière antidémocratique par le Comité national démocrate. Une fois de plus, Sanders doit faire face à un black-out des médias et l’establishment ne négligera aucun sale tour pour l’empêcher de gagner.
    La campagne de Sanders et ses idées sont activement contestées par la direction du Parti démocrate. Ce dernier reste fermement sous le contrôle des milieux d’affaires. C’est pourquoi il serait préférable pour Sanders et AOC de lancer un nouveau parti.

    Si Sanders et ses millions de volontaires réussissent à surmonter tous les obstacles au cours des primaires, il aura besoin d’une organisation massive de membres – un parti au sein du parti dans les faits – pour le protéger du sabotage de l’establishment démocrate.
    Mais s’il perd l’investiture, peut-être par manipulation et tricherie, Sanders devrait convoquer une conférence nationale de ses partisans. Cette conférence pourrait discuter de la poursuite de la campagne en tant que candidat indépendant. Cela pourrait constituer le début d’un nouveau parti de la classe ouvrière, un parti où l’on n’est pas contraint de livrer une bataille interne impossible pour disposer d’un programme de gauche.

    Il peut sembler que toutes les forces de gauche sont noyées dans le Parti démocrate. Mais la popularité croissante de Sanders en 2016, suivie de celle d’AOC et d’autres ‘‘socialistes démocrates’’ en 2018, indique une évolution importante de l’opinion publique. Les électeurs démocrates sont de plus en plus critiques à l’égard de la direction du parti, ils détestent même des membres de l’establishment démocrate et sont ouverts au genre de révolution politique que préconise Sanders.

  • Présidentielle Américaine 2020: Sanders, les mouvements de lutte et les socialistes

    Par Émily P., Alternative Socialiste (CIO-Québec)

    La classe ouvrière des États-Unis bouillonne. Avec les mesures d’austérité, les lois antiavortement et les attaques institutionnalisées contre les personnes migrantes, ni l’establishment traditionnel ni Donald Trump n’arrivent à canaliser la colère. Et les élections présidentielles américaines se dérouleront l’année prochaine.

    Lors de la conférence nationale de la section canadienne d’Alternative socialiste, nous nous sommes entretenu·e·s avec un camarade de Socialist Alternative-USA (SA-USA) sur ce sujet. Ty Moore est membre du comité exécutif national et membre de la section de Seattle de SA.

    AS. Quel est votre bilan de la campagne présidentielle de 2016, de l’enthousiasme pour Bernie Sanders et de l’élection de Donald Trump?

    TM. Eh bien, à l’échelle globale, pays après pays, on voit une colère généralisée produite par le capitalisme. Par l’absence de qualité de vie, par l’inaptitude du système à répondre aux changements climatiques, à la crise des réfugié·e·s, au racisme et au sexisme. Cette colère n’a pas de porte-parole issu clairement de la classe des travailleurs et des travailleuses. Alors, on assiste à une réponse provenant de l’aile blanche de la droite populiste sur la question du racisme. Et ça explique, en partie, pourquoi Trump a gagné les élections.

    Mais, d’un autre côté, on voit croître une aile de gauche populiste qui aspire à une représentation politique de la classe ouvrière. Je pense que c’est fondamentalement ce qu’a représenté la campagne de Sanders en 2016 et ce qu’elle représente pour 2020.

    Il faut rappeler que Trump n’a pas été élu par un vote massif de la classe ouvrière. Il avait derrière lui une partie importante de la classe capitaliste – pas la majorité, mais une partie importante. Celle-ci l’a supporté en 2016 et continue à le supporter. Il a gagné un vote fort d’une partie de la classe moyenne. Une section de la classe ouvrière blanche, qui a vécu la désindustrialisation dans le Midwest, a voté pour Trump. Ces travailleurs et ces travailleuses n’arrivaient pas à voir dans Hilary Clinton une réponse à leurs problèmes. Voter pour Trump était donc un gros pied de nez à l’establishment. Et ces électeurs et électrices ne pensaient pas nécessairement que Trump allait gagner.

    AS. Comment expliquez-vous le choix de Sanders de se présenter sous la bannière du Parti démocrate (PD)?

    TM. Sanders représente une nouvelle force de gauche qui croit depuis la récession de 2007. Sa campagne donne une voix à la colère généralisée de la classe ouvrière à l’égard de Wall Street, des grosses compagnies et de la corruption politique. Mais Sanders, vous savez, se proclame socialiste. Ce qui est une bonne chose. Mais il est un socialiste réformiste et, au final, il a fait un choix pragmatique. Il n’est pas un démocrate. Il n’a jamais été enregistré sur la liste des démocrates. Il a fait campagne comme indépendant la plus grande partie de sa carrière politique.

    Avant sa course en 2016, il a interrogé la base des mouvements de lutte à savoir s’il devait faire campagne sous la bannière démocrate ou de façon indépendante. Puis, il a fait le choix pragmatique de se tourner vers les démocrates. Selon lui, les forces à l’extérieur du PD n’étaient pas assez fortes à ce moment-là pour s’engager dans une course avec un 3e parti. Nous ne sommes pas d’accord avec lui.

    Ce que sa campagne de 2016 et celle qui prend forme actuellement prouvent, c’est que la colère généralisée peut être mobilisée dans un 3e parti. Un parti pour la classe des travailleurs et des travailleuses. C’est possible d’avoir un parti basé sur des centaines de milliers de personnes. Mais Sanders n’a pas pris cette décision.

    Nous allons lutter pour que chaque vote en faveur de Sanders sorte, même s’il est avec les démocrates. Mais nous lançons un avertissement au mouvement. Le PD n’est généralement pas si démocrate. Il va utiliser tous les trucs qu’il a dans son sac, toutes les magouilles douteuses, pour bloquer Sanders. Le PD est fondamentalement un parti des grosses entreprises contrôlé par les grandes corporations de Wall Street. Il ne laissera jamais Bernie gagner les élections primaires.

    AS. Quelles sont les perspectives de cette campagne? Que Sanders gagne ou perde, qu’est-ce que SA-USA organise pour l’étape suivante?

    TM. SA va s’investir dans la campagne de Sanders. Il y a des millions de jeunes, de travailleurs, de travailleuses, de syndicalistes, de femmes, d’activistes antiracistes et environnementalistes qui voient en Sanders le meilleur espoir et le plus grand potentiel pour gagner de réelles luttes. Celle pour une assurance maladie pour tout le monde (Medicare for all) ou encore celle pour un Nouveau plan vert (Green New Deal). Alors nous allons nous investir dans ces mouvements et dans la campagne de Sanders.

    Sans nous cacher, nous allons mettre de l’avant notre programme socialiste indépendant au sein de ces campagnes. Nous disons que si Sanders est bloqué de façon non démocratique durant les primaires démocrates, il doit immédiatement changer de cap et créer un nouveau parti. Il ne devrait pas faire la même erreur qu’en 2016, lorsqu’il a perdu les élections. Son retrait a aussi eu pour effet de démobiliser le mouvement.

    Par contre, s’il gagne les primaires démocrates – ce qui est aussi possible – la possibilité d’un gouvernement Sanders à gauche sera bien réelle. À cette étape, il sera important d’aller au-delà des limites d’un programme réformiste afin d’être réellement en mesure de couper avec le capitalisme. Cette étape sera cruciale. L’exemple de SYRIZA en Grèce a montré les limites du réformisme lorsqu’un gouvernement de gauche tente d’implanter un programme réformiste dans une période de crise du capitalisme. Malgré les promesses de Sanders, gagner des luttes comme le Medicare for all et le Green New Deal, lutter pour le plein emploi ou contre le racisme dans le système de justice ne sera pas possible sous le capitalisme.

    Pour y arriver, nous avons besoin d’un programme socialiste. Nous devons gérer démocratiquement et sous contrôle public les grosses industries, les entreprises du secteur de l’énergie et les banques. Ce type de débat prend sérieusement forme dans la classe ouvrière. Nous accueillons cette ouverture avec enthousiasme. Les membres de SA-USA y prennent déjà part et continueront de faire partie des mouvements de lutte afin de construire un monde socialiste.

    ***

    Au Québec, Alternative socialiste milite au cœur de Québec solidaire (QS) afin de mener des campagnes mobilisatrices pour la classe ouvrière. Au même titre que nos camarades des États-Unis, nous devons expliquer que les réformes majeures proposées par QS – bien que souhaitables – ne sont pas soutenables dans le cadre du capitalisme. Nous travaillons à activer différentes structures de QS pour qu’elles s’enracinent parmi les travailleurs et les travailleuses afin de servir d’outil de lutte pour mener des campagnes massives.

     

  • USA. Réaliser le ‘‘Green New Deal’’ exige de défier le capitalisme

    ‘‘La seule chose dont nous avons besoin plus que d’espoir, c’est d’action. Une fois que nous commençons à agir, l’espoir est partout. Donc, au lieu de chercher l’espoir, cherchez l’action. Alors, et seulement alors, l’espoir viendra.’’ – Greta Thunberg, activiste suédoise de 16 ans qui a aidé à lancer la récente vague de mobilisations dans le monde entier contre l’inaction face au changement climatique.

    Par Elan Axelbank, Socialist Alternative (USA)

    Espérer sans agir concernant le changement climatique n’a pas plus de sens que les ‘‘pensées et prières’’ qui accompagnent chaque tuerie de masse aux Etats-Unis. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a publié un rapport spécial en octobre 2018 avertissant que d’ici 2050, sans une importante correction de cap, plus de 350 millions de personnes de plus dans le monde seront exposées à des niveaux mortels de stress thermique. Aux États-Unis, les feux de forêt dans l’Ouest du pays ravageront au moins le double des surfaces forestières des années précédant 2019 et les dommages aux infrastructures publiques et au domaine côtier pourraient atteindre les mille milliards de dollars. En 2014, les États-Unis étaient responsables de 20 % de toutes les émissions mondiales de gaz à effet de serre.

    Pendant des décennies, on était considéré comme radical en défendant simplement que le changement climatique était un fait bien réel. Aujourd’hui, la réalité du changement climatique est largement acceptée, mais face à l’inaction exaspérante de l’establishment politique, ce qui est considéré comme radical, c’est de proposer une solution appropriée à ce problème aux proportions gigantesques.

    Cet écart entre l’ampleur des problèmes auxquels nous sommes confrontés et les solutions proposées par les politiciens de l’establishment peut être vu sur tous les fronts : qu’il s’agisse des inégalités économiques obscènes, du racisme et du sexisme systémiques ou de la crise climatique imminente. Cette situation constitue une force motrice centrale derrière la politisation et la radicalisation actuellement à l’œuvre à travers le monde.

    Qu’est-ce que le Green New Deal ?

    C’est dans ce contexte que le Green New Deal (en référence au New Deal de Roosvelt dans les années ’30, NdT) proposé par la députée Alexandria Ocasio-Cortez (qui se décrit comme étant une socialiste démocratique) recueille un soutien massif dans tout le pays. C’est autour de ce projet que se déroule le débat sur le type d’actions nécessaires pour combattre le changement climatique.

    Le Green New Deal proposé par Ocasio-Cortez est une résolution et non un projet de loi, ce qui signifie qu’il n’est pas contraignant. Une fois adopté, il fixerait des priorités que le Congrès serait censé atteindre en adoptant par la suite des lois et des mesures politiques concrètes.

    Le Green New Deal défend que l’alimentation électrique des Etats-Unis soit à 100 % composée d’énergie propres, renouvelables et à émissions de gaz à effet de serre nulles. La plupart des médias ont rapporté que le Green New Deal appelle à une énergie 100% renouvelable d’ici 2030. Mais la résolution elle-même ne précise pas d’année. Elle préconise une refonte totale des transports aux États-Unis afin de les rendre plus respectueux du climat de même que la modernisation de “tous les bâtiments existants aux États-Unis et la construction de nouveaux bâtiments” pour atteindre une efficacité énergétique maximale, ainsi que l’échange international de technologies, d’expertise, de produits et de financement pour aider d’autres pays à conclure un Green New Deal.

    Cette résolution est présentée comme un vaste programme de lutte contre la pauvreté au langage ferme contre les inégalités économiques et sociales. Elle appelle à la création de millions ‘‘de bons emplois [des ‘‘union jobs’’, c’est-à-dire des emplois dont le cadre de travail a été fixé en accord avec les syndicats] de qualité qui respectent les salaires en vigueur, embauchent des travailleurs locaux, offrent des possibilités de formation et d’avancement et garantissent la parité salariale et sociale pour les travailleurs touchés par la transition’’. La résolution défend également un processus démocratique et participatif qui implique les travailleurs et les communautés opprimées dans la planification, la mise en œuvre et l’administration du Green New Deal au niveau local. Il n’est toutefois pas précisé comment cela pourrait pratiquement se faire.

    Au-delà de l’environnement, le Green New Deal demande que tous les Américains aient la garantie d’un emploi avec un salaire suffisant pour subvenir aux besoins de leur famille, avec des congés familiaux et une couverture médicale adéquate, des congés payés et une sécurité de pension. Le texte appelle également à mettre fin à l’”oppression historique” des femmes, des personnes de couleur et des migrants aux États-Unis. Enfin, la résolution conclut en demandant au gouvernement fédéral de garantir à tous des soins de santé de haute qualité, des logements abordables et une sécurité économique globale.

    Les Etats-Unis représentent le pays le plus riche de l’histoire du monde, mais aucun de ces besoins fondamentaux n’est garanti pour une personne ordinaire. Répondre aux besoins fondamentaux de chacun et passer à une énergie renouvelable à 100 % coûterait bien trop cher, entend-on souvent dire. Pendant ce temps, les trois hommes les plus riches des Etats-Unis accumulent autant de richesses que la moitié la plus pauvre de la population du pays ! 100 entreprises dans le monde sont responsables de plus de 70 % des émissions de gaz à effet de serre depuis 1988. La vérité, c’est que notre civilisation et la planète sont sacrifiées pour qu’une poignée de personnes puissent continuer à gagner des sommes énormes. Le Green New Deal cherche à renverser la vapeur.

    Que faudra-t-il pour gagner ?

    Le rapport 2018 du GIEC estime qu’il faut 900 milliards de dollars par an pour mettre en œuvre le programme qu’il juge nécessaire. Le Green New Deal s’inspire de ces propositions. M. Ocasio-Cortez propose que ce montant soit payé en partie au moyen d’un taux marginal d’imposition de 70 % sur tous les revenus supérieurs à 10 millions de dollars. Ce serait un bon début, mais qui ne serait pas suffisant pour financer l’ensemble du programme.

    Un financement supplémentaire pourrait provenir des impôts des grandes sociétés de combustibles fossiles, des grandes banques et des institutions financières. Toutefois, ces sociétés ne sautent pas de joie à l’idée d’être imposées pour lutter contre les changements climatiques. Elles sont prêtes à s’opposer par tous les moyens au Green New Deal. Cette opposition deviendra de plus en plus aigüe et visible au fur et à mesure que le mouvement qui l’appuie se développera.

    Jusqu’à présent, l’opposition s’est principalement manifestée sous la forme d’affirmations selon lesquelles le Green New Deal est un fantasme irréaliste. C’est “juste un tas d’idées qui ne fonctionnent même pas en théorie et encore moins dans le monde réel”, comme l’a déclaré le businessman Lourenco Goncalves (qui possède une fortune de 60 millions de dollars essentiellement issue des mines). Ce type de jugement à l’emporte-pièce constitue souvent la première ligne de défense de l’élite dirigeante et des politiciens lorsqu’ils sont confrontés à des idées progressistes audacieuses qui menacent leurs intérêts. Lors des élections primaires démocrates de 2016, Hillary Clinton a qualifié à maintes reprises de “promesses en l’air (pie in the sky)” bon nombre de propositions de Bernie Sanders, tout particulièrement dès lors qu’il s’agissait du projet de couverture de soins de santé Medicare for All.

    Mais aujourd’hui, trois ans après que Sanders ait commencé à populariser le projet Medicare for All, une majorité d’Américains le soutiennent, dont une majorité de républicains. Des démocrates de longue date proches des grandes entreprises tels que Corey Booker ou Kamala Harris se sentent maintenant obligés de soutenir de telles politiques du bout des lèvres pour être acceptés par la plupart des électeurs démocrates. Ce pourrait également être le cas avec le Green New Deal.

    Soyons toutefois prudents. Il y a une différence énorme entre offrir un soutien verbal au Green New Deal pendant une campagne politique et soutenir les mesures concrètes requises pour le concrétiser, sans encore parler de la construction du mouvement social qui sera nécessaire. Les déclarations publiques sont une chose, mais dans les coulisses, les lobbyistes et les puissants intérêts des entreprises exercent des pressions et donnent même des directives sur ce que les politiciens qu’ils financent peuvent et ne peuvent pas faire.

    Unir tous ceux qui veulent stopper la catastrophe imminente, cela exige un ensemble de revendications claires et audacieuses. Cela exige également une compréhension claire de la manière d’obtenir un tel changement progressiste majeur. La seule force capable de contrer l’opposition des grandes entreprises, c’est un mouvement de masse centré autour du pouvoir social et économique de la classe des travailleurs.

    Récemment, la direction du Comité Energie de la fédération syndicale AFL-CIO a envoyé une lettre ouverte aux auteurs du Green New Deal. Dans celle-ci, le syndicat convient de la nécessité de s’attaquer au changement climatique et d’investir dans les technologies renouvelables, en prenant note de l’appel du Green New Deal en faveur de l’inclusion des travailleurs et des syndicats dans ce processus. Le syndicat fait toutefois valoir que la résolution proposée “est beaucoup trop limitée en termes de solutions spécifiques concernant les emplois de nos membres et les secteurs critiques de notre économie (…) et fait des promesses qui ne sont ni réalisables ni réalistes”. Il ajoute : “Nous ne resterons pas les bras croisés et ne laisserons pas sans réponse les menaces qui pèsent sur les emplois de nos membres et sur le niveau de vie de leurs familles”.

    Il y a là un élément à remettre en question. La véritable menace pour les affiliés du syndicat et tous les travailleurs, ce n’est pas le Green New Deal. Ce sont les patrons des usines, des secteurs de la construction et de l’énergie, ainsi que l’establishment capitaliste des partis républicain et démocrate. Ce sont eux qui entretiennent la situation de bas salaires généralisés, de baisse des allocations sociales et de hausse du coût de la vie. Sans parler des effets désastreux des changements climatiques à venir.

    En fait, la résolution demande “des emplois avec droits syndicaux de haute qualité […], des possibilités de formation et d’avancement, et garantit la parité salariale et sociale pour les travailleurs touchés par la transition”. Cela pourrait être plus clair et plus spécifique, mais il est totalement faux de qualifier cela d’atteinte à l’emploi et au niveau de vie des familles de travailleurs. Il est vrai que le mouvement écologiste a souvent adopté une approche méprisant les préoccupations légitimes des travailleurs concernant leur emploi et leur niveau de vie. Ocasio-Cortez devrait accepter leur offre de poursuivre le dialogue et mettre publiquement au défi ces dirigeants syndicaux de s’asseoir à la table pour discuter d’une proposition commune que tous les travailleurs et les écologistes pourraient soutenir.

    Il existe à l’échelle nationale des syndicats favorables à une action énergique contre le changement climatique, comme Amalgamated Transit Union, Communication Workers of America et National Nurses United. De nombreuses sections locales d’autres syndicats partagent leur approche, y compris dans les métiers du bâtiment. Ces syndicats devraient activement mobiliser leur soutien en faveur d’un Green New Deal pour les travailleurs et construire une alternative aux directions syndicales conservatrices qui dominent actuellement la plupart des syndicats. Ce sont les patrons du secteur des combustibles fossiles qui doivent être laissés dans la poussière, pas les travailleurs qui ont un rôle stratégique à jouer dans la lutte pour cette transition industrielle.

    Pour assurer l’instauration d’un Green New Deal pour les travailleurs, le mouvement – y compris les travailleurs – ne doit pas considérer comme alliés les directions capitalistes des Démocrates ou des Républicains. Il doit au contraire mobiliser sa pleine puissance avec des manifestations de masse, des actions syndicales et des grèves.

    Le Green New Deal pour les travailleurs exige la propriété publique

    La raison pour laquelle nous connaissons la situation actuelle, c’est que nous vivons dans une société où les décisions politiques et économiques sont dictées par le profit des entreprises privées. Agir sérieusement nécessite de s’attaquer directement aux intérêts d’une grande partie des entreprises américaines. C’est pourquoi l’establishment politique s’oppose à toute proposition visant à passer rapidement à une énergie 100% renouvelable.

    Même en restant dans le cadre du capitalisme, un mouvement de masse suffisamment fort pourrait concrétiser certains aspects du Green New Deal. Mais pour parvenir à une transition complète vers une économie reposant sur les énergies renouvelables d’ici 2030, il faudra prendre des mesures sans précédent contre la propriété privée des secteurs clés de l’économie. Malheureusement, ni Ocasio-Cortez ni Bernie Sanders n’acceptent de sortir du cadre du capitalisme pour atteindre ces objectifs. C’est la faiblesse fondamentale de leur approche.

    Tant que les principales compagnies énergétiques appartiendront au secteur privé et seront gérées sur base de la recherche de profit et du principe de concurrence, elles lutteront contre le Green New Deal. Le financement, la planification et la coopération crucialement nécessaires pour ce projet ne pourra tout simplement pas être obtenus. Nous devons assurer que les entreprises énergétiques appartiennent au secteur public, sous contrôle démocratique des travailleurs, pour mettre en œuvre un plan d’une telle envergure, surtout dans un si court laps de temps.

    La transition devra s’accompagner d’une refonte complète de l’infrastructure, ce qui nécessitera que des secteurs clés de l’industrie manufacturière et de la construction deviennent également propriété publique. Sur base d’une planification démocratique, les transports publics pourraient être massivement développés. De nouvelles voies ferrées et de nouveaux trains à grande vitesse pourraient être construits, et l’industrie automobile pourrait enfin se séparer des grandes entreprises pétrolières et passer rapidement à la production de véhicules écologiques. L’infrastructure routière devrait s’adapter à ce changement.

    Comme nous l’avons mentionné précédemment, un plan de cette envergure coûterait environ 900 milliards de dollars par an, un chiffre énorme. Mais les ressources existent déjà pour cela. Collectivement, les quinze plus grandes banques des États-Unis détiennent à elles seules 13,5 mille milliards de dollars. Elles ne renonceront jamais volontairement à cet argent pour le bien commun. L’expropriation des grandes banques et des grandes institutions financières fait également partie de la transition.

    Étant donné que la classe des milliardaires s’opposera farouchement à ce que ces industries clés lui soient retirées, cela ne se produira qu’à la suite d’un mouvement de masse des travailleurs, uni dans une lutte consciente pour y parvenir. Dans ce combat, il est vital de construire un nouveau parti de la classe des travailleurs avec un programme clairement socialiste.

    Nous sommes tout à fait d’accord avec les objectifs du Green New Deal visant à mettre fin à la pauvreté et à l’oppression. Mais cela ne peut être atteint en restant dans le cadre de ce système. Cela exige un changement révolutionnaire. La collectivisation des principaux leviers de l’économie pour instaurer une économie démocratiquement planifiée, reposant sur les besoins humains, jetterait les bases du développement d’une société socialiste égalitaire, dans laquelle l’exploitation et toutes les formes d’oppression pourraient être éradiquées.

    Avec l’escalade de la crise climatique internationale, la nécessité pour l’humanité de passer du capitalisme au socialisme n’a jamais été posée aussi clairement. Rejoignez Socialist Alternative pour nous aider à lutter pour un Green New Deal pour ls travailleurs et en faveur du socialisme !

  • USA. Utiliser la campagne ‘‘Bernie 2020’’ pour lancer une riposte de masse des travailleurs


    Bernie Sanders a officiellement lancé sa course à la présidence des États-Unis pour 2020, jurant d’organiser ‘‘une campagne populaire historique et sans précédent qui débutera avec au moins un million de personnes de tout le pays’’. 24 heures après l’annonce de sa candidature, il avait déjà recueilli 5,9 millions de dollars en dons et comptait plus de donateurs individuels que tous les autres candidats actuels à la présidence réunis !

    Par Kshama Sawant, Socialist Alternative

    La nouvelle campagne de Bernie Sanders commencé à un point beaucoup plus élevé que lorsque le sénateur du Vermont avait appelé pour la première fois à une ‘‘révolution politique contre la classe des milliardaires’’ au printemps 2015. Il avait alors massivement été ignoré par les grands médias. Même s’il est encore tôt dans la campagne, Sanders est bien placé pour définir politiquement la nature des prochaines primaires démocrates.

    L’annonce vidéo de Sanders commençait par la déclaration : ‘‘Le vrai changement n’a jamais lieu du haut vers le bas, mais toujours du bas vers le haut.’’ Je suis tout à fait d’accord avec cela. C’est pourquoi Socialist Alternative et moi-même allons travailler avec d’autres pour lancer des campagnes de base dans les communautés locales, les syndicats, les écoles et les lieux de travail à travers les États-Unis afin de construire une lutte de masse de la classe des travailleurs autour de la campagne de Sanders.

    Les enjeux de ces élections sont considérables. Il est urgent de chasser Trump, et les socialistes et la gauche doivent profiter pleinement du potentiel actuel pour s’organiser aux côtés des millions de personnes qui se battent déjà et qui seront maintenant mobilisées autour de Bernie.

    Mais nous devons aussi tirer les leçons de 2016. Les primaires démocrates avaient été truquées contre Bernie. Le Comité national démocrate (DNC) s’était mobilisé contre lui, les manœuvres furent légion dans une série de caucus et de primaires, le système antidémocratique des super-délégués avait été utilisé contre lui tandis que les grands médias et les figures démocrates ‘‘progressistes’’ n’avaient pas économisé leurs attaques cinglantes. Les travailleurs ont besoin de leur propre parti, un parti indépendant du monde de l’argent et des entreprises, un parti qui lutte aux côtés des mouvements sociaux plutôt que contre eux.

    Je pense que Bernie devrait se présenter aux élections en tant que socialiste indépendant – tout comme je l’ai fait moi-même à Seattle – et utiliser sa campagne pour lancer un nouveau parti de masse pour les travailleurs, au lieu de se présenter dans un parti capitaliste dont la direction est déterminée à l’arrêter à n’importe quel prix. Bernie a malheureusement pris sa décision et se présente aux primaires démocrates. Mais il n’est pas acceptable que notre mouvement politique soit emprisonné dans ce processus. Les élections de 2016 ont eu de terribles conséquences politiques. Avant de lancer sa première campagne il y a quatre ans, Sanders a dit qu’il envisageait de se présenter en tant qu’indépendant ou démocrate et qu’il voulait savoir ce que les gens pensaient. Cette fois-ci, il a court-circuité cette discussion et il commet une erreur fondamentale, même si de nombreuses personnes sont sans doute d’accord avec lui sur une base pragmatique ou dans l’espoir que le Parti démocrate puisse être transformé d’une manière ou d’une autre en un parti du peuple.

    Il est certain que Bernie disposera d’une énorme plate-forme dans les primaires démocrates, mais déclarer maintenant qu’il se présente comme indépendant et utiliser sa campagne pour poser les bases d’un nouveau parti créerait un séisme massif dans la politique américaine.

    Dans un article du New York Times intitulé ‘‘L’Amérique devient-elle un État à quatre partis ?’’, Thomas Friedman attaque Alexandria Ocasio-Cortez, qui se décrit elle-même comme socialiste démocratiques, mais il souligne à juste titre que ‘‘les partis politiques du monde démocratique explosent’’ et que les bases existent pour fonder un véritable parti de gauche aussi bien qu’un parti d’extrême droite.

    Si l’establishment démocrate réussit une fois de plus à bloquer Bernie, il devrait poursuivre sa campagne en tant que candidat indépendant jusqu’en novembre 2020. L’histoire n’offre pas un nombre illimité d’occasions de bâtir le genre de force politique dont les travailleurs ont besoin, et nous devons tirer les leçons du passé. Si la direction démocrate réussit une fois de plus à faire élire un autre candidat opposé au changement, nous courons le risque que Trump soit réélu malgré son impopularité et sa mauvaise position dans les sondages à l’heure actuelle. Il est certain qu’un candidat de l’establishment pourrait aussi être en mesure de vaincre Trump, à l’image de ces candidats qui ont remporté les élections de mi-mandat de l’automne dernier qui étaient essentiellement un référendum sur l’administration Trump. Mais la politique capitaliste en faillite des Démocrates Joe Biden ou Kamala Harris n’est pas un atout pour vaincre la droite ou représenter les besoins des travailleurs. C’est tout l’inverse !

    Sanders est aujourd’hui l’homme politique le plus populaire du pays, et les revendications de la classe ouvrière au centre de sa campagne de 2016 – Medicare for All, un enseignement supérieur public gratuit et un salaire horaire minimum fédéral de 15 dollars – ont été au centre du discours politique américain. Bien que populaires depuis longtemps, elles jouissent maintenant d’un soutien écrasant dans les sondages grâce à l’appui de Sanders et des forces populaires. De nombreux politiciens du Parti démocrate, y compris des candidats comme Kamala Harris, ont été forcés de se prononcer en leur faveur, même si ce ne sont que des paroles en l’air.

    En 2016 et depuis lors, le fait que Sanders se soit défini comme ‘‘socialiste démocratique’’ a joué un grand rôle dans la création d’un débat de masse sur les idées du socialisme, un processus qui existe principalement suite à l’échec du capitalisme et à son incapacité à assurer un niveau de vie décent à la classe ouvrière ou un avenir aux jeunes gens. Comme Sanders l’a souligné dans sa récente réponse au discours sur l’état de l’Union de Trump, aux États-Unis, les travailleurs gagnent moins qu’en 1973, lorsque l’on prend l’inflation en compte, et 80 % des Américains vivent maintenant de chèque de paie en chèque de paie sans pouvoir mettre d’argent de côté.

    Aujourd’hui, les sondages montrent qu’une majorité de jeunes considèrent le socialisme d’un bon œil.

    Ces derniers mois, Sanders s’est joint à Ocasio-Cortez dans l’appel pour un “Green New Deal”. Cette demande extrêmement populaire a le potentiel de rallier des millions de jeunes et de travailleurs dans le contexte actuel de catastrophe climatique imminente.

    Quand la chaîne CBS lui a demandé en quoi sa nouvelle campagne serait différente, Sanders a répondu : ‘‘Nous allons gagner.’’ Mais comme mon organisation, Socialist Alternative, l’a souligné, aucune des revendications des travailleurs – ni Bernie Sanders lui-même – n’est acceptable pour la classe dirigeante. Sanders devra faire face à une lutte acharnée à chaque étape, et toutes sortes de manœuvres et de tactiques vicieuses seront déployées si jugées nécessaires pour empêcher Sanders de remporter les primaires démocrates.

    L’appel de Bernie en 2016 pour une ‘‘révolution politique contre la classe des milliardaires’’ a surpris l’establishment démocrate et la classe dirigeante. Ils s’attendaient à ce qu’il soit totalement marginalisé. Mon organisation a été l’une des rares à reconnaître le potentiel de développement de la politique que Sanders représentait. Mais cette fois-ci, si la campagne de Bernie prend de l’ampleur, il devra faire face à une riposte plus immédiate et plus décisive de la part de l’élite.

    L’affluence de candidats aux élections primaires démocrates est également une situation différente de celle qui s’est créée en 2016 où Sanders a affronté Clinton.

    Beaucoup de travailleurs et de jeunes prendront le temps d’évaluer les différents candidats qui se présentent sur des plateformes progressistes, y compris Elizabeth Warren et Beto O’Rourke. C’est compréhensible, mais soyons clairs : malgré les faiblesses politiques de Sanders – qui sont réelles – aucun des divers candidats qui se présentent comme progressistes ne représente une force plus forte ou plus fiable en faveur de la classe des travailleurs ou n’est prêt à affronter la classe des milliardaires.

    Elizabeth Warren, la progressiste la plus constante après Sanders parmi les candidats actuels ou potentiels, a ses propres faiblesses politiques. Warren ne s’oriente pas vers les mouvements de la classe des travailleurs, des mobilisations sans lesquelles les revendications clés de sa plate-forme progressiste ne pourraient être obtenues.

    Warren s’est également montré moins disposée à tenir tête à l’establishment démocrate que Sanders. Les partisans de Bernie se souviendront que Warren s’est retirée des primaires de 2016, alors qu’elle était bien placée pour influer sur la lutte pour une politique pro-travailleurs en faisant campagne pour Bernie. Ce n’est que lorsque Sanders a été clairement battu que Warren est intervenue, et uniquement pour soutenir pleinement Hillary Clinton sans la moindre critique. Cela a contribué à conduire à la situation où le candidat confronté à Trump était un candidat démocrate impopulaire et clairement identifié aux grandes entreprises.

    Comme les travailleurs l’ont vu à Seattle, où je siège au conseil municipal, peu d’élus sont prêts à tenir tête aux grandes entreprises et à l’establishment politique. Ce qu’il faudra vraiment pour gagner nos revendications et vaincre le prochain assaut de la classe dirigeante contre Sanders, c’est une vaste campagne populaire indépendante du Parti démocrate faite de millions de travailleurs, avec des structures démocratiques et visant à mobiliser la force la plus puissante possible.

    En tant que membre du conseil municipal de Seattle, j’ai lutté aux côtés des mouvements sociaux et des syndicats pour obtenir le salaire minimum horaire de 15 $, des millions de dollars pour des logements abordables et une série de victoires historiques sur les droits des locataires. Tous ces gains ont été remportés en dépit de l’opposition farouche de l’establishment démocrate, qui dirige depuis longtemps la mairie de Seattle. Mon organisation, Socialist Alternative, a été l’épine dorsale de nos victoires progressistes. Même les membres les plus mieux intentionnés du conseil du Parti démocrate cèdent aux pressions énormes des grandes entreprises et des dirigeants de leur propre parti, comme nous l’avons vu encore une fois à Seattle quand ils ont trahi les travailleurs en capitulant face à Amazon au printemps dernier.

    Le site Web de Sanders s’ouvre sur le thème familier mais puissant de sa campagne de 2016 : ‘‘Not me. Us.’’ Nous devons faire en sorte que cela devienne une réalité – non seulement dans la lutte pour la campagne de Bernie et contre l’establishment politique – mais aussi dans la lutte pour une politique fondamentalement différente.

    Plutôt que d’attendre de voir ce qui nous attend aux primaires démocrates, commençons maintenant.

    Commençons à mettre sur pied des campagnes locales indépendantes dans nos collectivités locales et nos lieux de travail, présentons des motions dans nos syndicats pour appuyer la campagne de Bernie et lançons des groupes étudiants sur nos campus. Profitons de ce moment historique pour lancer la contre-attaque de la classe ouvrière !

    Mais pour vraiment vaincre la droite et gagner la lutte pour une société basée sur les besoins des travailleurs et un environnement durable, nous devons lutter pour une alternative socialiste. J’espère que vous envisagerez de rejoindre mon organisation.

  • Etats-Unis. La vague démocrate socialiste

    La victoire d’Alexandria Ocasio-Cortez à la primaire démocrate pour les élections américaines de la Chambre des représentants en juillet dernier a mis le socialisme démocratique sous les feux de la rampe. Ocasio-Cortez, membre des Democratic Socialists of America (DSA), a battu Joe Crowley, l’un des leaders de l’establishment démocrate à la Chambre, en remportant le vote avec le score étonnant de 57,5%. Son immense popularité à l’échelle nationale et son affiliation aux DSA a également stimulé l’intérêt pour le socialisme démocratique.

    L’écho suscité par Ocasio-Cortez auprès d’un large éventail de gens ordinaires à New York et dans tout le pays est motivé par l’engagement de sa campagne en faveur de revendications audacieuses – semblables à celles soulevées par Bernie Sanders en 2016 – y compris l’assurance-maladie pour tous, l’abolition de l’ICE (Immigration and Customs Enforcement,agence fédérale de police aux frontières), l’enseignement supérieur gratuit et des logements abordables.

    La réalisation de ces revendications représenterait un grand pas en avant pour les travailleurs, mais cela exigera d’élire des représentants sans peur qui refusent l’argent des entreprises et sont la voix du mouvement de masse dans la rue. L’une des premières percées de l’actuel virage à gauche des grandes zones urbaines a eu lieu à Seattle. Dans cette ville, l’élection de Kshama Sawant, membre de Socialist Alternativeau, au conseil de la ville a ouvert la voie à la victoire de la campagne populaire ‘‘15 Now’’ en faveur d’un salaire minimum de 15 dollars de l’heure, qui a arraché l’instauration du premier salaire minimum de 15 dollars de l’heure à l’échelle d’une ville dans le pays.

    La victoire d’Ocasio-Cortez et la formidable croissance d’un climat de protestation plus large dans la société démontrent le potentiel croissant pour le développement des mouvements de masse. Selon un sondage du Washington Post, un Américain sur cinq a participé à une manifestation ou à un rassemblement politique depuis 2016. Des millions de personnes ont déferlé dans les rues dans le cadre des marches des femmes, des récentes manifestations contre les politiques anti-migration de Trump, du mouvement de la jeunesse contre la violence armée ou encore en soutien des grèves des enseignants dans une série d’États cette année.

    Notre vision du socialisme démocratique

    Ocasio-Cortez souligne à juste titre que l’incroyable richesse de notre société devrait servir à satisfaire les besoins fondamentaux des gens, y compris les soins de santé, l’accès à de la nourriture de qualité et le logement. Une société socialiste démocratique fournirait un enseignement gratuit, une couverture de soins de santé universelle et des logements abordables pour répondre aux besoins de la grande majorité de la population.

    Mais une société socialiste irait beaucoup plus loin et prendrait des mesures décisives pour éliminer la pauvreté, la guerre, la ségrégation raciale et le sexisme structurel du capitalisme. Elle reconstruirait notre infrastructure sur base de l’énergie renouvelable. Pour y parvenir, les travailleurs ont besoin de disposer du contrôle total des leviers du pouvoir dans la société, ce qui nous permettrait de construire démocratiquement un monde meilleur pour tous. Au lieu de laisser les grandes entreprises régner sur toute la politique et l’économie, nous devons assurer que les banques et les grandes entreprises deviennent propriétés publiques.

    Dans plusieurs entrevues, M. Ocasio-Cortez a cité comme modèle des pays sociaux-démocrates comme la Norvège et la Suède. Cependant, bon nombre de réformes sociales obtenues dans ces pays, comme les soins de santé universels, ont été érodées et réduites à néant. Dans le monde entier, les intérêts des entreprises cherchent à rentabiliser les soins de santé en privatisant les systèmes de santé publique. La réalité est que le capitalisme a continué à dominer ces sociétés, même sous l’État-providence. Sous le capitalisme, toutes les conquêtes sociales sont temporaires et peuvent être retirées.

    Que nous faut-il pour vaincre ?

    Pour mobiliser suffisamment de forces afin d’ébranler les fondations de ce système pourri, nous devons construire une force politique représentant les intérêts des travailleurs, une force politique indépendante des intérêts des entreprises, liée à un mouvement de masse conséquent sur les lieux de travail, les campus universitaires et dans la rue. Dans les années 1960 et 1970, des mouvements sociaux explosifs ont remporté d’importantes victoires sous le régime réactionnaire de Nixon, y compris le droit à l’avortement, la protection des droits civiques et la fin de la guerre du Vietnam.
    L’incapacité de la gauche à rassembler ces luttes et à leur donner une expression politique claire au travers d’un nouveau parti de masse a ouvert la voie à l’affaiblissement progressif de ces mouvements et explique leur incapacité à plus décisivement défié l’establishment et le capitalisme lui-même. Nombre des victoires remportées à cette époque, y compris le droit à l’avortement, n’ont cessé d’être mises sous pression depuis lors.

    Ce qu’il nous faut aujourd’hui

    La riposte sociale actuellement en développement offre le même potentiel. Nos luttes doivent être canalisées vers la formation de nouvelles organisations de masse. La victoire d’Ocasio Cortez a renforcé la volonté d’utiliser le Parti démocrate comme véhicule pour développer le défi du socialisme. Mais plus ce défi se développe, plus il se heurtera au contrôle des entreprises au sein de ce parti. L’essentiel, à l’heure actuelle, est de mobiliser les forces les plus larges possibles pour lutter en faveur de la plate-forme d’Ocasio Cortez. La lutte ne fera que devenir plus intense à mesure que d’autres socialistes démocratiques autoproclamés gagneront des élections cet automne.

    Le pouvoir de gagner un monde meilleur pour tous repose entre les mains des millions de travailleurs et de jeunes qui ont déjà commencé à passer à l’action et qui ont le pouvoir de mettre une fois pour toutes fin à ce système oppressif et exploiteur.

  • Boston: 40.000 manifestants contre l’Alt-right

    Ce samedi 19 août, soit une semaine après les événements de Charlottesville en Virginie, 40.000 personnes se sont réunies et ont manifesté contre une manifestation de l’Alt-right (abréviation de ‘‘droite alternative’’, mouvement regroupant divers courant suprémacistes et d’extrême droite) pour la ‘‘liberté d’expression’’ à Boston. Boston a démontré une leçon cruciale au reste du pays : un mouvement de masse, avec une participation et une unité maximales, peut vaincre le racisme et l’extrême droite. Le ‘‘Rassemblement pour la liberté d’expression’’ de Boston était en préparation depuis plus de deux mois et 25 personnes à peine s’y sont présentées ! La manifestation antiraciste n’a été annoncée que moins d’une semaine avant et, aux dires de la police de Boston, elle a attiré plus de 40.000 personnes ! Le rapport est donc de 1600 pour 1 !

    Pour vaincre l’extrême droite, nous avons besoin de la participation la plus large possible au mouvement. Cela signifie que les syndicats, les organisations progressistes clés telles que la NAACP (National Association for the Advancement of Colored People, Association nationale pour la promotion des gens de couleur) et Planned Parenthood (l’un des principaux regroupements de planification familiale aux États-Unis) ou encore des personnalités telles que Bernie Sanders doivent jouer un rôle mobilisateur. Plusieurs syndicats disposaient de contingents à la marche de Boston, parmi lesquels les syndicats d’enseignants Massachusetts Teachers Association, Boston Teachers Union et SEIU 509. Cela représente un grand pas en avant pour le mouvement. D’autres organisations syndicales – comme SEIU 1199 (soins de santé) et Unite Here Local 26 (hôtellerie et services) – ont publié des déclarations de soutien à cette mobilisation. La marche a concrètement été organisée et dirigée par des membres de Black Lives Matter – Cambridge.

    Quelques jours avant la tenue de cette manifestation, la section de Socialist Alternative de Boston a proposé à l’International Socialist Organization de former un contingent socialiste au sein du cortège. Après leur accord, les Democratic Socialists of America, Industrial Workers of the World et le Socialist Party – USA ont également rejoint ce contingent. Plus de 1000 personnes s’y sont retrouvées, ce qui est une illustration du soutien croissant pour les idées socialistes qui se développe aux États-Unis.

    Une grande colère contre les néonazis et Trump

    Il était clair que les 40.000 Bostoniens qui ont battu le pavé ne se sont pas contentés de dénoncer les 25 néo-nazis qui se sont réunis. Ils se sont également prononcés contre Trump, le milliardaire raciste qui aide à renforcer l’Alt-right.

    Lorsque la manifestation est arrivée aux abords du rassemblement d’extrême droite, une quarantaine de membres de Socialist Alternative ont été discuter avec les autres participants de la nécessité d’utiliser cet événement comme un tremplin pour la construction du mouvement. Ils ont discuté de la manière dont le capitalisme a besoin du racisme pour survivre afin de maintenir divisée la classe ouvrière. Pour défier le racisme le plus efficacement possible, nous devons construire un mouvement qui lie le combat contre le racisme à celui à mener contre le capitalisme. La menace du racisme, ainsi celle issue des suprématistes blancs, est institutionnalisée à Boston du fait des coupes budgétaires dans l’enseignement public et dans les services sociaux suite aux réductions d’impôt et autres cadeaux en faveur des grandes entreprises. La majorité des logements actuellement en construction sont des logements de luxe hors de portée des travailleurs, en particulier des personnes de couleur qui sont représentées de manière disproportionnée dans les emplois à bas salaires.

    Nous avons distribué 5.000 tracts appelant à une réunion publique sous le titre ‘‘Le socialisme et la lutte contre le racisme et l’extrême droite’’. Nous avons également vendu plus de 100 exemplaires de notre journal ‘‘Socialist Alternative’’ et recueilli plus de 1.000 $ de solidarité financière grâce à la vente de badges et d’affiches !

    Pouvons-nous compter sur les politiciens ?

    Le maire de Boston, Martin Walsh, s’est tout d’abord publiquement opposé aux suprématistes blancs et a soutenu le soutien à la contre-manifestation. Mais, à la suite d’une conférence de presse la veille de la manifestation, tous les principaux relais de presse de Boston disposaient de journaux ayant pour titre : ‘‘Walsh: Restez à l’écart ce samedi’’. En dépit de cette volte-face, des dizaines de milliers de personnes se sont réunies pour défier l’extrême droite. Et au vu de la participation pathétique au rassemblement de l’Alt-droite (3 des 6 orateurs prévus ont même annulé en raison de la manifestation antiraciste), nous pouvons dire sans aucun doute que c’est la force du mouvement qui a fait reculer l’extrême droite. Si les politiciens et les organisations progressistes veulent être sérieux à ce sujet, ils doivent œuvrer à construire le mouvement et à ne pas s’en éloigner.

    Boston a montré la voie à suivre pour le reste du pays. Cette mobilisation a montré comment nous pouvons repousser la menace de l’extrême droite et a illustré le type de mouvement dont nous avons besoin contre Trump. Socialist Alternative continuera à faire tout ce qui est en son pouvoir pour construire ce mouvement, tout en défendant la nécessité de faire le lien entre le racisme et le système capitaliste.

    Comme le révolutionnaire des Black Panthers Fred Hampton l’a déclaré: ‘‘Nous allons lutter contre le racisme non pas avec le racisme, nous allons nous battre avec la solidarité. Nous n’allons pas combattre le capitalisme avec un capitalisme noir, nous allons le combattre avec le socialisme.’’

  • Mélenchon, Corbyn, Sanders, etc. Le retour du péril rouge ?

    Le mois de juin a connu deux élections aux résultats inédits, des deux côtés de la Manche. En France, aux élections législatives, le PS a confirmé la débâcle des présidentielles. De ses 287 élus obtenus en 2012 (302 avec ses alliés), il n’en reste plus aujourd’hui que 30 (46 avec ses alliés). ‘‘La déroute du Parti socialiste est sans appel’’, a déclaré le premier secrétaire du parti, Jean-Christophe Cambadélis. Quelques jours plus tôt, en Grande- Bretagne, le Parti travailliste dirigé par Jeremy Corbyn arrivait à briser la majorité conservatrice sans pour autant remporter les élections. Mais au-delà de l’arithmétique électorale, une bataille essentielle a été gagnée : celle des idées. Le socialisme est redevenu populaire. Et la panique s’est emparée de la classe dirigeante. En route vers un Octobre rouge ?

    Par Nicolas Croes, article tiré de l’édition d’été de Lutte Socialiste

    Le pari perdu de Theresa May

    Lorsque la Première ministre conservatrice Theresa May a annoncé la tenue d’élections anticipées, elle entendait considérablement renforcer sa majorité parlementaire. Le Labour (parti travailliste) était 20 points derrière les conservateurs dans les sondages et son dirigeant Jeremy Corbyn était contesté en interne. Ce dernier, élu par les membres de base pour défendre un programme anti-austérité, est aux prises avec une véritable guerre civile que lui mène la droite du parti depuis 2015. Dans les faits, deux partis existent actuellement au sein du Labour: celui des partisans de Tony Blair qui soutiennent une politique favorable aux grandes entreprises et aux riches et celui des nouvelles couches qui entendent mettre un terme à la politique d’austérité autour de Jeremy Corbyn.

    Au mois de mai, le manifeste électoral travailliste a été rendu public. C’était un plaidoyer en faveur de l’enseignement supérieur gratuit, de l’augmentation des dépenses dans les soins de santé, de la renationalisation de la poste et du rail,… La dérision dominait dans la presse dominante du Royaume-Uni. “Le manifeste du Labour nous ramène dans les années ‘70’’, avait ainsi sarcastiquement titré le Daily Mail. Sauf que pour une bonne partie de la population, confrontée à une austérité sauvage depuis des années, cette idée était plutôt séduisante ! Le Labour a finalement terminé sa campagne avec 40 % des voix en l’ayant commencée à 25%, ce qui constitue son meilleur résultat depuis des années. Avec un gain de 30 députés par rapport à la précédente législature, le Labour est apparu vainqueur des élections puisque les conservateurs avaient quant à eux perdu 13 députés, tout en restant malgré tout en tête. Parmi la jeunesse, 71% des électeurs se sont rendus aux urnes pour se prononcer à 72% en faveur du parti de Jeremy Corbyn.

    ‘‘Je ne veux pas affaiblir le PS, je veux le remplacer’’ – Jean-Luc Mélenchon

    Quand François Hollande a été élu président en 2012, le PS disposait de la majorité à l’Assemblée et au Sénat, dans les deux tiers des départements ainsi que dans toutes les Régions, sauf une. Mais, à l’exception notable du mariage égalitaire (ouvrant ce droit aux couples de même sexe), sa politique fut synonyme de profond recul social, notamment en matière de législation du travail. Aujourd’hui, le parti a quasiment été balayé de la scène.

    A sa gauche, La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon – lui-même élu – est parvenue à obtenir 16 sièges à l’Assemblée tandis que le Parti Communiste Français en obtenait 11. Même si un accord ne survient pas entre le PCF et la FI, cette dernière pourrait constituer un groupe parlementaire. Parmi ses élus figure notamment François Ruffin, rédacteur en chef du journal Fakir et auteur du documentaire césarisé Merci patron !. Il a fait une entrée en fonction fracassante en annonçant qu’il ne garderait de son salaire de parlementaire que l’équivalent du Smic (1480 euros bruts mensuels) et que son mandat serait révocable : ‘‘Si 25% des inscrits de ma circonscription souhaitent que je dégage, eh ben je m’en irai’’, a-t-il assuré.

    Le parti du président Macron peut se targuer de disposer d’une majorité parlementaire, sa légitimité est bien fine compte tenu de l’abstention record qui a marqué ces élections législatives (57% au second tour !), ce à quoi s’ajoutent encore les votes blancs ou nuls (9,9% au second tour) ou encore les électeurs non-inscrits. Jean-Luc Mélenchon décrit la situation comme une ‘‘grève générale civique’’ (en moyenne, les députés n’ont été élus que par 22,4 % des inscrits). Pour lui, cette abstention a une ‘‘signification politique offensive’’ qu’il faudrait transformer en ‘‘Front populaire social, politique et culturel’’ contre le ‘‘coup d’Etat social’’ que préparent Macron et ses alliés.

    Début juin, un baromètre Ifop pour Paris Match indiquait que, pour 39% des sondés, c’est la France Insoumise qui incarne le mieux l’opposition, loin devant Marine Le Pen et le FN, en dépit de leurs efforts visant à instrumentaliser la colère de la population.

    Vers un octobre rouge ?

    Comme constaté précédemment dans la campagne menée par Bernie Sanders aux Etats-Unis, l’enthousiasme et la dynamique que nous avons vus s’épanouir autour de Jeremy Corbyn et de Jean-Luc Mélenchon illustrent que l’audace et les mots d’ordre radicaux savent trouver l’oreille des classes populaires. Mais le plus important est très certainement que cela peut aussi donner confiance pour reprendre le chemin de la lutte.

    Au Royaume-Uni, l’atmosphère sociale a totalement été métamorphosée par la campagne dont la fin fin n’a pas pour autant sonné le glas de la mobilisation. Des manifestations spontanées ont eu lieu dès le lendemain des élections pour poursuivre la lutte contre les conservateurs et Theresa May dans la rue. 3 jours après la tenue des élections, 150.000 personnes avaient rejoint le Labour, qui atteignait donc les 800.000 membres ! John McDonnell, membre du ‘‘cabinet de l’ombre’’ de Corbyn (qui regroupe les principales figures de l’opposition au gouvernement), a directement appelé à ce qu’un million de personnes se mobilisent afin de forcer la tenue de nouvelles élections avec l’aide de ‘‘tous les syndicats’’ et en insistant sur la nécessité de ‘‘sortir dans les rues’’.

    Au moment d’écrire ces lignes, il était question d’une manifestation nationale le 1er juillet tandis que divers dirigeants et militants syndicaux (essentiellement du secteur des services publics) parlaient d’un ‘‘été de la colère’’ menant à un ‘‘octobre rouge’’ qui verrait Jeremy Corbyn devenir Premier ministre.

    Et tout ça, c’était avant le dramatique incendie de la Grenfell Tower de Londres, où plus de 80 personnes ont perdu la vie. Alors que Theresa May n’a pas osé se rendre auprès des sinistrés par crainte d’un accueil glacial, Jeremy Corbyn y a été très favorablement accueilli. Il a tout d’abord appelé à ce que les logements vides du quartier soient saisis pour aider les familles qui devaient survivre à la tragédie et, devant le refus des autorités, il a appelé ses partisans à ‘‘occuper’’ les bâtiments vides pour les victimes de la Grenfell Tower ! Rien de surprenant à ce que le journaliste du Guardian Paul Mason ait décrit l’establishment comme étant ‘‘en pleine panique’’.

    Un potentiel à organiser

    Nos camarades du Socialist Party ont activement soutenu la campagne de Corbyn, tout en soulignant que ces élections devaient être une première étape vers une lutte concrète pour dégager les conservateurs et barrer la route à la politique d’austérité. En France, nos camarades de la Gauche Révolutionnaire ont agi de même dans la campagne de la France Insoumise. Ce combat représente également une excellente opportunité de clarifier avec quel programme, quelles méthodes et quelle stratégie il est aujourd’hui possible de construire une alternative favorable aux travailleurs et aux pauvres.

    Au Royaume-Uni, il faut impérativement lancer une campagne pour transformer le Parti travailliste en un véritable parti démocratique et anti-austéritaire, un parti des travailleurs et de la jeunesse. De prochaines élections générales peuvent avoir lieu à tout moment. Une bonne mobilisation syndicale pourrait d’ailleurs en accélérer la venue. Et il serait intolérable que le Parti travailliste doive à nouveau se mettre à faire campagne alors que la majorité de ses propres candidats s’opposent à son dirigeant et défendent une approche droitière.

    En France, la France Insoumise peut poser les jalons de la construction d’un nouveau parti de masse des travailleurs et de la jeunesse. Dans les deux cas, la situation politique et dans la rue serait métamorphosée s’il existait un nouvel outil de lutte démocratique et fédérateur de masse regroupant différentes sensibilités de gauche tout en leur offrant le droit de participer au débat sur l’orientation politique à adopter.

    Lutter pour le socialisme

    Au Royaume-Uni, en France et aux États-Unis, une nouvelle génération vient de faire son entrée sur la scène politique et s’élance à la recherche d’une alternative. Mais l’hostilité qu’ils ont subie de la part des médias et de l’establishment capitaliste dans son ensemble illustre à quel point le combat sera âpre pour parvenir au pouvoir. Et leur hargne ne fera que croître lorsque nous aurons réussi à gagner une partie du pouvoir.

    Pour empêcher les capitalistes de saper la transformation naissante de la société, des mesures socialistes radicales telles que la nationalisation des plus grandes entreprises et des banques qui dominent l’économie pour les réorganiser dans le cadre d’un plan de production démocratique socialiste. Un gouvernement véritablement socialiste pourrait alors commencer à gérer l’économie de manière planifiée, sous le contrôle et la supervision démocratiques des travailleurs.

0
    0
    Your Cart
    Your cart is emptyReturn to Shop