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Pour l’indépendance réelle et pour le socialisme !
50 ans d’indépendance formelle de la RD Congo, suka wapi (*) ?
Ce 30 juin 2010, au regard du bilan de ces 50 ans ‘‘d’indépendance’’, on verra qu’il ne reste plus grand-chose de cette indépendance et que la grande fête du 30 juin 1960 n’aura que peu duré. Depuis lors, le Congo n’a connu que la dictature pro-impérialiste de Mobutu, les guerres, la souffrance et la misère. Pour une réelle indépendance et pour que les énormes richesses du pays reviennent à la population, une société socialiste est nécessaire.
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République Démocratique du CongoPopulation en 2009 : 68.692.542 (6 fois la Belgique, autant qu’en France)
Quelques dates :
- 1885: Léopold II achète le Congo en tant que propriété personnelle, et s’enrichit par la vente de caoutchouc. Entre 1885 et 1908, au moins 5 millions de Congolais meurent des suites de l’exploitation et de la maladie
- 30 juin 1960: le Congo obtient son indépendance, sous la Présidence de Kasavubu et avec Lumumba comme Premier Ministre. Lumumba est assassiné en 1961
- 1965-1997: le Général Mobutu prend le pouvoir. En 1971, le Congo est rebaptisé Zaïre. En 1984, la fortune de Mobutu était estimée à 4 milliards de dollars
- 18 mai 1997: Kabila entre dans Kinshasa avec ses troupes de l’AFDL
- 1998: début de la guerre civile, lorsque le Rwanda et l’Ouganda se liguent contre Kabila
- 2001: Kabila est assassiné lors d’une tentative de coup d’Etat, son fils prend le pouvoir à sa suite
- 2006: Kabila Jr. remporte les élections
Une indépendance arrachée de haute lutte
‘‘L’indépendance du Congo constitue l’aboutissement de l’œuvre conçue par le génie du Roi Léopold II’’ voilà ce que déclare le roi Baudouin à Léopoldville (Kinshasa) le 30 juin 1960, en affirmant que l’indépendance est le sommet de l’œuvre civilisatrice de la Belgique en Afrique. Un beau mensonge, destiné à justifier la colonisation afin de garder une mainmise ‘amicale’ (sic) sur le Congo et à préserver le prestige de la Belgique sur la scène internationale. La vérité, la voilà : l’indépendance du Congo a été acquise au prix de la lutte implacable du peuple congolais et au prix du sang de nombreux combattants de cette indépendance.
Ainsi, le 4 janvier 1959, la foule de Léopoldville s’était attaquée aux symboles du colonialisme, police et armée en tête, après l’interdiction et la répression d’un meeting de l’ABAKO de Joseph Kasa-vubu(1), au prix d’une centaine de morts. Ce n’est qu’après cet événement que la Belgique s’est résolue à l’indépendance, en comprenant qu’elle était incapable d’assumer une lutte prolongée. Avant cette date, l’indépendance était inconcevable à court terme. Ainsi, le professeur Van Bilsen, de l’UCL, parlait alors d’une éventuelle indépendance du Congo par l’intermédiaire d’un plan étalé sur 30 années.
Cette cérémonie du 30 juin à Kinshasa révèle trois choses. Premièrement, la Belgique ne compte nullement abandonner sa mainmise sur le Congo. Deuxièmement, le discours du président Kasa-Vubu montre que la plupart des élites congolaises est prête à vendre cette indépendance que le peuple a obtenue pour quelques privilèges personnels. Le président Kasa-Vubu remercie ainsi Baudouin pour avoir ‘‘aimé et protégé’’ la population du Congo. La troisième chose rétablit la vérité sur l’indépendance du Congo et est révélée dans le discours de Patrice Lumumba(2), qui affirme que ‘‘cette Indépendance (…) nul Congolais digne de ce nom ne pourra jamais oublier que c’est par la lutte qu’elle a été conquise, une lutte de tous les jours, une lutte ardente et idéaliste, une lutte dans laquelle nous n’avons ménagé ni nos forces, ni nos privations, ni nos souffrances, ni notre sang.’’
C’est de ce discours, où Lumumba salue les combattants de l’indépendance, ses ‘‘frères de lutte’’, dont nous nous souviendrons ce 30 juin 2010.
Du colonialisme au néocolonialisme
Comme l’a annoncé Baudouin, la Belgique ne compte pas abandonner ses ‘‘droits’’ sur le Congo et, plus spécifiquement, sur les richesses minières du pays. Quand il se rend compte que Lumumba, le premier ministre, veut vraiment faire profiter les richesses du pays aux Congolais, l’Etat belge décrète sa mise à mort ainsi que celle de son gouvernement nationaliste. Cela se concrétise tout d’abord par un soutien à la sécession du Katanga (où se trouvent la plupart des richesses minières et la puissante Union Minière) et à celle du Sud-Kasai (où se trouvent les ressources diamantifères) et ensuite par l’assassinat de Lumumba et le soutien au Coup d’Etat du général Mobutu.
Le régime mobutiste est un régime de dictature et de terreur instauré avec le soutien de la Belgique et des Etats-Unis, à travers la CIA qui travaillait déjà avec Mobutu depuis plusieurs années. La formule qui dit que ‘‘contre des privilèges personnels, les élites congolaises sont prêtes à vendre leur pays aux intérêts occidentaux’’, se vérifie.
Le régime de Mobutu est soutenu par les puissances occidentales afin de protéger les intérêts économiques occidentaux au Congo (devenu Zaïre en 1971) et pour être la plaque tournante de la CIA contre le ‘‘communisme’’ en Afrique. Ainsi, le Zaïre a par la suite été la base arrière de l’UNITA, qui luttait pour les intérêts occidentaux en Angola contre le Mouvement Populaire de Libération de l’Angola (MPLA) au pouvoir.
Grâce à une aide occidentale considérable, le régime de Mobutu peut offrir quelques miettes à la population ; le niveau de vie s’améliore durant quelques années, avec des résultats corrects dans l’éducation par exemple. Mais cette relative et très brève période de réussite n’est due qu’au financement occidental et, quand les régimes occidentaux décident que Mobutu va trop loin et qu’ils le lâchent définitivement après la chute du mur de Berlin et la fin de la ‘‘nécessaire lutte contre le communisme’’, le régime s’effondre.
Dépourvu du soutien occidental, le Zaïre de Mobutu sombre dans le chaos et la violence : Kengo wa Dondo, le chef du gouvernement du parti unique MPR (et actuel président du Sénat), ‘‘remet de l’ordre’’ dans les finances de l’Etat en pratiquant une politique néolibérale brutale, saccageant tous les acquis des travailleurs et de la population et allant même jusqu’à ne plus payer les fonctionnaires. Cette politique engendre une violence généralisée dans le pays et on assiste aux grands pillages opérés par les FAZ (l’armée officielle), qui n’avait plus touché leur salaire depuis longtemps.
Cette période où l’impérialisme lâche Mobutu voit aussi l’organisation de la Conférence nationale souveraine (CNS) sensée opérer une transition démocratique pour le pays. On voit alors ‘‘l’opposant’’ de Mobutu, Etienne Tshisekedi (3) et son UDPS, monter en puissance pour finalement accepter de devenir premier ministre de Mobutu à plusieurs reprises. Cela illustre une fois de plus à quel point les élites congolaises sont prêtes à vendre leur pays pour quelques privilèges.
La fin de Mobutu
Extrait de l’édito de ce journal en juin 1997
«Kabila a accompli ce que tous les pouvoirs impérialistes voulaient éviter à tout prix: prendre d’assaut Kinshasa. La position de Kabila est donc forte aujourd’hui. Ce qu’il va ensuite faire reste provisoirement une énigme. Les besoins sont immenses: emplois, salaires, soins de santé, enseignement, logement, transport et communications… L’objectif n’est pas seulement la reprise de l’économie et sa gestion dans l’intérêt des masses, mais aussi la reconstruction d’une économie totalement ruinée.’’
«Cela ne peut se faire en ouvrant le pays à la dictature du marché et au capitalisme mondial. L’Alliance semble pourtant suivre cette voie: avant la prise du pouvoir, des accords d’exploitation ont déjà été signés avec des entreprises américaines et sud-africaines. Cela ne peut aboutir qu’à des zones franches dans les provinces disposant de richesses minérales où des journées de 16 heures de labeur avec des salaires de famine seront la norme.’’
«Seul un gouvernement qui nationalise et planifie l’économie en faveur des masses peut offrir une solution. Les ouvriers et les paysans pauvres doivent être impliqués dans la mise sur pied et l’application d’un plan de reconstruction.’’
«Le Congo devra évidemment faire du commerce avec le capitalisme mondial. Il sera donc soumis à une pression gigantesque. En restant indépendant de l’impérialisme et en mettant l’intérêt du peuple au centre de ses préoccupations, le Congo peut être un exemple pour tous les Africains et un pôle de solidarité internationale.’’
[/box]Les erreurs de Laurent-Désiré Kabila
C’est dans ce contexte d’un Etat chancelant que démarre, en 1996, la guerre de l’AFDL, dont le porte-parole est Laurent-Désiré Kabila, qui tenait son maquis d’inspiration maoïste à Hewa Bora au Sud-Kivu depuis les années ’60. En réalité, derrière cet homme se trouvent les armées rwandaise et ougandaise, désireuses de profiter de la faiblesse du Zaïre pour piller les richesses de l’Est du pays (or, coltan, cassitérite, etc.) et pour traquer les génocidaires hutus de 1994 réfugiés au Zaïre. Vouloir ‘‘libérer’’ le pays avec des armées liées à l’impérialisme dans son dos, voilà la première erreur de Kabila.
La population, qui veut en terminer avec le pouvoir chaotique de Mobutu, accueille favorablement les miliciens de l’AFDL jusqu’à Kinshasa, où le régime passe définitivement aux mains de Kabila le 17 mai 1997. Enfermé dans la théorie maoïste des deux étapes, et redevable envers ses ‘‘amis’’ rwandais, ougandais, angolais, zimbabwéens,… et occidentaux ; Kabila veut accueillir les ‘‘bons’’ capitalistes contre les ‘‘mauvais’’ qui avaient soutenu le régime mobutiste. Il octroie donc des concessions aux sociétés multinationales qui avaient financé la guerre de l’AFDL. Seconde erreur: impossible de libérer un pays du joug de l’impérialisme en l’accueillant à bras ouvert sur son sol ; impossible de développer un pays en permettant à des sociétés assoiffées de profits d’exploiter ses richesses. Un réel développement indépendant passe par la mise sous contrôle des travailleurs des entreprises pour que les richesses produites profitent à la population toute entière, que le développement s’effectue sur base nationale et pour éviter l’exportation des bénéfices vers l’étranger.
Alors que les Congolais avaient accueilli l’AFDL à bras ouverts pour mettre fin au chaos mobutiste et à la dictature de parti unique du MPR ainsi qu’au ‘‘multi-mobutisme’’ instauré avec la CNS (celles-ci avaient permis la création de parti ‘d’opposition’, tous d’anciens mobutistes convertis à la démocratie comme Kengo, Tshisekedi, Karl-i-Bond, etc.), Kabila échoue à intégrer les masses dans un projet révolutionnaire. Les CPP (comités de pouvoir populaire) devaient, à la base, être le centre du pouvoir de Kabila, son instrument démocratique. Mais, au lieu de cela, les CPP jouent rapidement le rôle de courroie de transmission des ordres du haut vers le bas et non de réel pouvoir populaire. Rien d’étonnant : la lutte de Kabila était avant tout une lutte armée plus qu’un mouvement révolutionnaire populaire.
Les caractéristiques principales d’une lutte armée sont de ne pas impliquer toutes les masses pauvres mais seulement les combattants ainsi que d’obéir à un système hiérarchique strict où la démocratie n’a pas place. C’est ce modèle qui s’applique désormais à l’ensemble de la société congolaise. C’est la troisième erreur fondamentale de Kabila et, lorsque les alliés rwandais et ougandais se sont retournés contre l’enfant turbulent Kabila, celui-ci n’a pu compter sur aucune base et s’est retrouvé seul, sans réel appui autre que celui de l’Angola jusqu’à son assassinat en 2001.
Les parrains contre le filleul, le fils contre le gendre
En 1998, Kabila s’émancipe trop de ses parrains, et ceux-ci décident de lancer une nouvelle guerre de ‘‘correction révolutionnaire’’ (sic). Ainsi nait le RCD, où se retrouvent pêle-mêle les anciens cadres de l’AFDL, des anciens FAZ, des membres de l’UDPS,… Bref, toute la clique pro-impérialiste du pays et tous les aventuriers prêts à gagner quelques privilèges contre services rendus à l’impérialisme. En réalité, les armées rwandaises et ougandaises ne tardent pas à se disputer la part du lion. Les troupes s’entretuent à Kisangani et l’Ouganda crée le MLC dirigé par Jean-Pierre Bemba, gendre de Mobutu. Le vieux Kabila assassiné, le fils prend la relève et, quelques millions de morts plus tard (on parle de 4 millions), on arrive aux accords signés à Sun City en 2002, qui prévoient un gouvernement commun Kabila-MLC-RCD et des élections en 2006. Cet accord a été rendu possible car les différentes parties étaient finalement d’accord sur l’essentiel depuis la mort de Kabila : satisfaire les occidentaux en accueillant les institutions financières internationales et répartir les postes de pouvoir. Quel cynisme ! Le fils de l’ancien président Kabila et le gendre de Mobutu (Jean-Pierre Bemba est également le fils de Jeannot Bemba Saolona, ancien président de l’ANEZA – association nationale des entreprises du Zaïre sous Mobutu, le patron des patrons), ensemble pour l’occident et les privilèges.
Les élections donnent Kabila vainqueur et celui-ci réalise la politique voulue par l’impérialisme et les institutions financières internationales. Mais il n’y a aucun doute sur le fait que Jean-Pierre Bemba aurait réalisé le même programme, voire encore pire, lui qui est le fruit de l’union entre Mobutu et le patronat zaïrois.
Un pays sous tutelle
Aujourd’hui, à qui profitent les richesses du Congo ? Certainement pas à son peuple qui se voit accablé d’une pauvreté extrême. Dans des provinces comme l’Equateur ou le Bandundu, le taux de pauvreté atteint les 90%. Dans l’ensemble du pays, l’espérance de vie atteint péniblement les 54 ans et 1 million de personnes décèdent chaque année du SIDA. Et, en effet, le Congo n’a pas son avenir en main. En acceptant les plans des institutions financières internationales, Joseph Kabila leur a donné les clés de la maison. Aujourd’hui, par exemple, c’est un Canadien qui dirige la Gécamines, ancien fleuron de l’économie zaïroise et société nationale active au Katanga. Celui-ci a pour mission d’octroyer des concessions minières au plus offrant et c’est tout le capitalisme sauvage qui se retrouve au Katanga : du capitaliste belge Georges Forrest aux sociétés chinoises en passant par les multinationales venues d’Inde, du Canada, etc.
Les programmes sociaux d’éducation, de santé,… sont inexistants. Les fonctionnaires ne reçoivent que rarement leur salaire, s’adonnant à la corruption pour survivre. Les infrastructures promises par Kabila dans ses ‘‘5 chantiers’’ sont invisibles. Rester dans le cadre du FMI ne pourra que faire perdurer cette situation : avec la dette immense laissée par Mobutu (pour construire des villas en Suisse, ce que les bailleurs savaient parfaitement), le Club de Paris – les grands créanciers des pays endettés – possède un moyen de pression extraordinaire pour pousser le régime congolais à libéraliser au maximum son économie, faisant ainsi place aux capitalistes qui pillent le pays. Cette question de la dette empêche également le Congo de toute capacité d’action puisque le budget de l’Etat s’en retrouve amoindri.
Pour un Congo véritablement indépendant – Pour un Congo socialiste
50ans après l’indépendance, nous voyons un pays sous tutelle des institutions financières internationales, un pays où la population ne voit pas un franc de ses richesses. En 2011 auront lieu les élections présidentielles et législatives et, quel que soit le vainqueur (Joseph Kabila, un opposant issu du PPRD, du MLC ou de l’UDPS), cet Etat des lieux de changera pas car tous ont la volonté d’être celui qui plaira le plus à l’impérialisme, tous sont prêts à vendre leur pays pour quelques privilèges. Au parlement, tous seront prêts à aller chercher leur enveloppe de dollars pour voter ‘‘comme il faut’’.
La réappropriation du pays passe par la prise en mains de ses richesses par les travailleurs et le peuple tout entier et par la prise en mains par les paysans des grandes concessions octroyées aux amis de Mobutu.
La résolution de la question agraire et la nationalisation des concessions minières, voilà ce qui permettra, grâce au profit immense qu’elles produisent, de dégager de l’argent pour construire les infrastructures nécessaires au développement du pays, pour investir dans l’éducation et dans la santé. Cette nationalisation doit être véritable et démocratique, c’est-à-dire entre les mains de ceux qui y travaillent et aux mains du peuple tout entier et non entre les mains de quelques dirigeants corrompus.
Ce programme doit être réalisé en tenant compte des leçons enseignées par l’Histoire : ne faisons pas confiance aux élites prêtes à vendre le pays pour quelques privilèges ; ne nous allions pas avec des impérialistes, nos intérêts sont opposés ; ne nous allions pas avec des capitalistes, l’appropriation collectives des richesses est le seul gage d’une indépendance réelle ; impliquons les masses au maximum dans ce processus révolutionnaire, elles seules ont la force de résister aux agressions, elles seules peuvent éviter le pouvoir d’une élite corrompue ; la lutte commence au sein des travailleurs des villes par les grèves et les manifestations, la lutte armée n’est qu’un outil périphérique qui, utilisé seul, mène à la dictature.
(*) Ça se termine où (quand) ?
(1) L’ABAKO est l’Association des Bakongos, un parti régionaliste de la province du Bas-Congo dirigé par le président Kasa-vubu (1913-1969) qui représentait les positions pro-occidentales et soutenait la dictature de Mobutu.
(2) Lumumba (1925-1961) était un chef de file du Mouvement national congolais (MNC) qui a remporté les élections en décembre 1959. Opposé à la déclaration d’Indépendance – parrainée par la Belgique – de la riche province du Katanga, il avait fait appel au soutien de l’Union soviétique. La radicalisation de Lumumba a donné lieu à son assassinat soutenu (ou organisé) par l’Occident.
(3) Etienne Tshisekedi a toujours été un « opposant » au service de l’impérialisme. En 1965, il devient ministre de l’Intérieur sous Mobutu et participe, en 1967, à la rédaction de la nouvelle constitution de parti unique et au manifeste de Nsele qui fonde le MPR, Parti-Etat. Ce n’est qu’en 1982 qu’il fonde l’UDPS pour obtenir le pouvoir qu’il voulait partager avec Mobutu mais que celui-ci monopolisait. Lors de la transition ‘‘démocratique’’ et de la CNS, Tshisekedi sera plusieurs fois Premier Ministre de Mobutu comme demandé par les impérialistes qui voulaient le compromis entre ces deux hommes. Après la chute de Mobutu, l’UDPS a en permanence cherché des alliés contre Kabila. En 2006, l’UDPS soutient Jean-Pierre Bemba au second tour de la présidentielle après avoir boycotté l’élection.
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L’histoire du Comité pour une Internationale Ouvrière
Le capitalisme est un système mondial et il doit être combattu à la même échelle. C’est pourquoi le Parti Socialiste de Lutte fait partie d’une organisation marxiste internationale: le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), un parti mondial actif sur tous les continents. Notre lutte en Belgique s’inscrit dans le cadre d’une lutte des travailleurs du monde entier pour un société socialiste car si la révolution socialiste éclate sur le plan national, elle se termine sur l’arène internationale. La démocratie ouvrière et la planification socialiste de la production ne peuvent se limiter à un seul pays. C’est d’ailleurs l’isolement de la Russie soviétique qui a conduit à sa dégénérescence à partir de 1924.
Le CIO est une organisation socialiste internationale qui comprend des sections dans environ quarante pays sur tous les continents.
Lors du Congrès de fondation du CIO en avril 1974, quatre sections existaient alors (Grande-Bretagne, Allemagne, Irlande et Suède) et des membres étaient présents de Belgique, d’Inde, d’Espagne et du Sri Lanka, des pays où aucune section n’existait encore.
Au moment de notre neuvième Congrès Mondial (en janvier 2007), des représentants de sections du CIO de tous les continents étaient là : d’Allemagne, d’Angleterre et Pays de Galles, d’Australie, d’Autriche, de Belgique, du Brésil, du Cachemire, du Chili, de Chypre, d’Ecosse, des Etats-Unis, de France, de Grèce, d’Inde, d’Irlande, d’Israël, d’Italie, du Kazakstan, de Malaisie, du Pakistan, des Pays-Bas, de Pologne, du Portugal, de Russie, du Sri Lanka, de Suède, de Tchéquie, d’Ukraine et du Venezuela.
Les origines du CIO sont ancrées dans la lutte menée par Léon Trotsky contre la progression du Stalinisme. L’isolement de l’Union soviétique combinée à l’arriération du pays héritée du tsarisme a permis l’émergence du régime totalitaire stalinien. La lutte de Trotsky et de ses partisans contre ce régime a conduit à la fondation de la Quatrième Internationale, organisation internationale créée pour la défense de la démocratie ouvrière et du socialisme. Peu de temps après la fondation de la Quatrième Internationale a éclaté la seconde guerre mondiale et de nombreux militants, dont Trotsky lui-même, ont été assassinés tant par les fascistes que par les staliniens.
La dégénérescence de la Quatrième Internationale
Après la guerre, les dirigeants de la Quatrième Internationale survivants ont été confrontés à d’énormes difficultés dans la compréhension des changements qui étaient survenus dans la situation mondiale. Ils n’ont pas réussi à saisir le caractère de la croissance économique d’après-guerre en Occident, ni à comprendre les raisons du renforcement du stalinisme en Russie et en Europe de l’Est. Cette incompréhension s’est également vue dans l’analyse des révolutions du monde néo-colonial ainsi que dans l’analyse du rôle décisif de la classe ouvrière dans le changement de société.
En effet, la longue croissance économique exceptionnelle de l’après-guerre amena de substantielles améliorations dans le niveau de vie de la classe ouvrière, tout au moins dans les pays capitalistes développés. Beaucoup de ‘marxistes’ en tirèrent un peu vite la conclusion que les travailleurs salariés s’étaient ‘embourgeoisés’, et ne pouvaient dès lors plus constituer le moteur d’un changement socialiste de société. Ce fatalisme les poussa vers la recherche de nouvelles forces sociales pouvant se substituer au mouvement ouvrier.
Sous l’impulsion des mouvements de libération nationale qui explosèrent dans le monde colonial et semi-colonial (Asie, Afrique, Amérique Latine) dans les années’50 et ’60, les dirigeants de la Quatrième Internationale glissèrent vers un soutien acritique à la direction – souvent fortement influencée par le stalinisme – de ces mouvements. Les mouvements à prédominance paysanne et les méthodes de guérilla furent ainsi érigés en modèles, tandis que l’épicentre de la révolution mondiale fut déplacé vers le monde colonial et semi-colonial. Mao Zedong (en Chine), Fidel Castro (à Cuba) ou Hô Chi Minh (au Vietnam) furent ainsi présentés comme des «trotskistes inconscients», pendant que le réveil de la classe ouvrière en Europe, exprimé à merveille par l’immense grève générale des travailleurs français en mai’68, prit de court les dirigeants de la Quatrième Internationale, aveuglés par des perspectives erronées.
Une série d’erreurs politiques de ce type eurent comme conséquence l’effondrement de l’organisation et un fractionnement de celle-ci dans des dizaines de groupes différents.
Le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) puise quant à lui ses racines chez des troskistes britanniques qui n’ont pas ignoré la nouvelle situation, mais n’ont pas cherché à l’exploiter de façon opportuniste pour obtenir des succès faciles ou chercher des raccourcis. Nous ne nous sommes pas non plus limités à l’analyse de la situation, mais avons cherché sans cesse à intervenir autant que possible dans les luttes pour diffuser les idées du marxisme parmi les travailleurs et la jeunesse.
Notre organisation a pendant longtemps été très petite et uniquement active en Grande-Bretagne ; pour autant, nous avons toujours conservé et exprimé sur le terrain une attitude internationaliste intransigeante. Dès ses débuts, notre journal anglais «The Militant» consacrait un nombre significatif de ses colonnes à la couverture des luttes au niveau international. Nous avons ainsi gagné davantage de militants, établi des contacts successifs dans d’autres pays, et à la fin des années ‘60, la possibilité de mettre en place les fondations qui ont été à la base de la création et de la croissance ultérieure du Comité pour une Internationale Ouvrière.
L’entrisme
Pour construire ses forces, le CIO a appliqué différentes tactiques à différents stades de son évolution, en fonction des conditions objectives du moment, tout en maintenant à tout moment une orientation consciente vers le mouvement ouvrier, en particulier vers ses couches les plus combatives.
Avant que la vague néo-libérale des années ’80, puis le tournant majeur représenté par la chute du stalinisme dans les années ’90, ne viennent affecter durablement la composition et le programme des partis sociaux-démocrates, ces derniers exerçaient encore une grande attraction sur un nombre important de travailleurs et de jeunes. Les partis sociaux-démocrates correspondaient typiquement à la définition que donnait Lénine de «partis ouvriers bourgeois» : des partis ouvriers de masse, bien que dominés par une direction réformiste et bureaucratique. A la base, les rangs de la social-démocratie comprenaient encore beaucoup de travailleurs activement engagés pour le parti, et étaient encore traversés de vifs débats politiques. Celui qui voulait être actif dans le mouvement ouvrier pouvait difficilement passer à côté de cette réalité.
La tâche des révolutionnaires demande d’être en contact le plus étroit possible avec les travailleurs. Par conséquent, les militants du CIO étaient d’avis qu’il était préférable de militer à l’intérieur même de la social-démocratie, en défendant conséquemment et ouvertement un programme marxiste, plutôt que de s’isoler en dehors de ces partis. A l’inverse d’autres groupes, cette tactique d’«entrisme» dans la social-démocratie n’a jamais été pour nous une panacée, ou un prétexte pour succomber aux idées réformistes et masquer le programme révolutionnaire. Bien au contraire, nous avons toujours mené notre travail drapeau déployé, défendant nos positions marxistes dans le but de combattre l’influence exercée par la direction bureaucratique sur ces partis d’une part, afin de gagner les travailleurs et les jeunes organisés dans ces partis à nos positions d’autre part. C’est ainsi que nous avons par exemple acquis une solide base de soutien au sein des Jeunesses Socialistes du Labour Party en Angleterre dans les années ‘70, ou de celle du SP en Flandre dans les années ‘80.
Pourtant, dès le milieu des années ’80, mais surtout après la chute du mur de Berlin, la situation a commencé à tourner. La chute des régimes staliniens a ouvert la voie à une offensive idéologique majeure de la part des représentants du capitalisme, et a servi d’excuse aux dirigeants des organisations de la social-démocratie pour retourner définitivement leurs vestes. Les idées de lutte, de solidarité et de socialisme furent mises de côté au profit d’une adhésion aux principes du libre-marché. La trahison des directions ouvrières traditionnelles a laissé place à un vide et à la confusion politique.
Dans ces conditions, l’idée selon laquelle les travailleurs et les jeunes en lutte se dirigeraient en premier lieu vers la social-démocratie devenait de plus en plus invraisemblable. C’est pourquoi petit à petit, la plupart des sections du CIO ont opté pour la création d’organisations révolutionnaires indépendantes et ouvertes, tout en appelant, dès le début des années ’90, à la formation de nouveaux partis larges des travailleurs, sur base de l’analyse de cette bourgeoisification des anciens partis ouvriers.
Liverpool et la lutte contre la Poll Tax
Un élément important dans le développement de quasiment toutes nos sections est notre engagement dans les différentes formes de lutte. Notre rôle n’a d’ailleurs pas seulement été limité à une participation active aux luttes car dans beaucoup de cas, notre organisation a su jouer un rôle crucial.
Les mouvements de lutte les plus importants que nous avons eu à diriger jusqu’à présent se sont déroulés en Grande-Bretagne, notamment contre Margaret Thatcher lorsqu’elle était Premier ministre. Au milieu des années ‘80, nos camarades (dont l’organisation s’appelait à ce moment-là Militant) ont dirigé la lutte de la commune de Liverpool contre les plans d’assainissement, une lutte accompagnée d’actions de grève et de manifestations massives. Plus tard, nous avons aussi été fortement impliqués dans la campagne contre la Poll Tax (un impôt introduit par Thatcher mais rejeté en masse par la population). Une campagne massive de désobéissance civile avait été organisée à tel point que 18 millions de personnes n’ont pas payé la Poll Tax. Les manifestations ont rassemblé jusqu’à 250.000 personnes. Grace à cela Thatcher a été contrainte de retirer cette taxe et même de prendre la porte.
Cette lutte avait été organisée en opposition à la direction du Labour Party (le parti travailliste) et à la plupart des dirigeants syndicaux. A Liverpool, ils ont même appelé les Conservateurs en soutien pour combattre la protestation. Avec la Poll Tax, ils n’ont pas réussi à en faire autant. Notre lutte contre les dirigeants pro-capitalistes du mouvement ouvrier a toujours été une donnée importante dans le développement de notre organisation.
Mais ce genre de lutte est bien plus difficile dans beaucoup de pays tels que la Grèce, l’Espagne, l’Afrique du Sud et la Suède. La direction des organisations ouvrières établies avait peur d’une répétition du succès rencontré en Grande Bretagne où, durant plus de 15 ans, nous avons pu diriger les sections jeunes du parti travailliste et où, dans les années ’80, nous avons pu faire élire trois camarades au parlement sous le slogan : «un parlementaire ouvrier à un salaire d’ouvrier».
Le Comité pour une Internationale Ouvrière a toujours été impliqué dans différents domaines des luttes. Parfois, nous avons même été les précurseurs autour de nouveaux thèmes, comme pour une campagne contre la violence domestique. D’autres initiatives ont également été très importantes, comme la fondation de «Youth against Racism in Europe» («Jeunes contre le racisme en Europe», en Belgique : «Blobuster» et «Résistance Internationale»), une organisation anti-fasciste internationale qui avait organisé une manifestation européenne à Bruxelles en octobre 1992 à laquelle 40.000 manifestants avaient participé.
À côté de nos campagnes sur les lieux de travail et dans les quartiers, les membres du CIO participent aussi aux élections. Dans se cadre là, nous insistons sur le fait que les élus du CIO participent activement aux mouvements de lutte et gagnent un salaire identique à celui des travailleurs qui les ont élus. En ce moment, différents membres du CIO sont élus dans des conseils communaux en Grande Bretagne, en Irlande, en Suède et en Allemagne. Jusqu’il y a peu, nous avons également eu un député au parlement irlandais, Joe Higgins.
Lutter contre les dictatures et la division de la classe ouvrière
Dans d’autres pays, nous avons activement contribué à la lutte contre les dictatures, comme lorsque nous nous sommes impliqués pour la construction de syndicats combatifs en Afrique du Sud à l’époque du régime de l’apartheid. D’autres camarades ont clandestinement milité au Chili contre le régime de Pinochet. Au Nigéria, après l’annulation des élections présidentielles de 1993 par les généraux, l’opposition démocratique a soutenu l’appel de nos camarades pour une grève générale.
Dans certains pays, nous avons été confrontés à des situations extrêmement difficiles. Ainsi nos camarades d’Irlande du Nord et du Sri Lanka ont dû s’opposer à la division nationale ou religieuse. Nous avons toujours défendu la nécessité de l’unité des travailleurs dans les luttes et la résistance contre la répression d’Etat. Nous avons été les seuls dans la gauche à défendre une position constante et principielle à propos de la question nationale en partant des intérêts de la classe ouvrière dans son ensemble.
La chute de l’Union Soviétique a conduit à une situation mondiale fondamentalement différente et a eu d’énormes répercussions sur toutes les organisations politiques. Face à ces évènements, bon nombre d’organisations et d’individus ont été désorientés, confus, et ont abandonné la lutte pour le socialisme en capitulant face à l’idéologie de la classe dominante. Le CIO a analysé et tenté de comprendre la signification de la chute du bloc de l’Est : entre autres le renforcement de la position de l’impérialisme américain et le virage à droite de nombreuses organisations ouvrières. Mais nous avons toujours défendu la nécessité du socialisme comme seule alternative au capitalisme et avons toujours cherché à l’expliquer le plus largement possible.
Le CIO a utilisé la méthode d’analyse marxiste pour approfondir la compréhension des événements et des processus qui se sont développés depuis les années ‘90. Contrairement à beaucoup d’autres groupes de gauche, nous avons ainsi non seulement pu conserver nos membres au cours des très dures années ’90, mais nous avons en outre beaucoup renforcé nos organisations ainsi que gagné de nouvelles forces dans différentes régions du monde. La nouvelle période qui se trouve face à nous aujourd’hui va nous permettre de mettre bien plus en avant le précieux héritage que nous avons préservé dans ces années bien difficiles.
Rejoignez le CIO !
Mais la construction de nos propres forces ne nous a pas empêché d’avoir des discussions avec d’autres groupes pour, si possible, mener des actions en commun. Si ces discussions conduisent à un accord politique sur les principes fondamentaux, une organisation commune peut alors naître, comme cela s’est passé notamment en Belgique ou en France au cours des années ‘90.
Le CIO est ouvert à toute personne qui veut lutter pour un monde meilleur, un monde socialiste, et qui est ouverte à discuter de nos idées. Nous avons toujours été préparés à discuter avec différents groupes et individus qui ont acquis une autre expérience que la nôtre dans les différentes luttes et qui veulent construire un mouvement socialiste.
Alors si vous êtes intéressés par les idées du CIO, n’hésitez pas à nous contacter et à nous rejoindre!
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Manifestation de la Confédération Européenne des Syndicats à Berlin – Reportage photos
A côté de la manifestation de la CES à Bruxelles vendredi dernier, il y avait aussi d’autres manifestations à Madrid (le jeudi), à Prague et à Berlin. Nous avons reçu une série de photos de cette dernière, envoyées par René Andersen, un militant trotskiste et cheminot pensionné qui habite maintenant à Dresdes.
René Andersen, Dresdes
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Madrid – Berlin – Prague – Bruxelles
Madrid – Berlin – Prague – Bruxelles
De partout en Europe, des dizaines de milliers de travailleurs répondent aujourd’hui à l’appel de la Confédération Européennes des Syndicats (CES). Ils protestent contre le chômage massif – temporaire ou complet – contre les pertes de salaire et contre un patronat de plus en plus arrogant. Ils ont été témoins des rémunérations royales que les managers ont reçus pour avoir pillé nos entreprises. Ils ont constaté que les actionnaires ne connaissent pas de «crise», seulement des «opportunités». Qu’importe le profit, on ne touche jamais aux dividendes! Jusqu’à aujourd’hui, tout cela ne se remarquait pas dans les médias, mais bien sur les lieux de travail, dans les quartiers, à la caisse et à la maison : nous ne voulons pas payer pour leur crise. Pourtant, c’est ce que nous sommes déjà en train de faire.
Tract du PSL
De plus, la grande majorité des gouvernements planifient – pour après les élections – des assainissements drastiques à nos frais afin de payer les cadeaux accordés aux banquiers ainsi qu’aux autres spéculateurs. Il est donc plus que temps que les syndicats européens réagissent. "Put people first" clame la CES. Mais pour cela, nous craignons que la "plate-forme" de cette manif’ ne suffise pas. Les revendications de la CES ne sont hélas guère plus qu’une copie des propositions des partis traditionnels : une condamnation du protectionnisme et un appel à "investir afin de relancer l’industrie en donnant un avenir aux secteurs lourdement touchés comme l’automobile et le textile". Nous savons ainsi qui va bientôt encaisser l’argent de nos impôts… L’Europe doit aussi "construire les droits sociaux au lieu de les démanteler", mettre l’accent sur "une croissance verte et des emplois verts", "cesser de restreindre le rôle des pouvoirs publics, du non-marchand et de l’économie sociale, au profit du commerce" et lutter contre la fraude fiscale. Où avons-nous déjà entendu cela?
Espérons que cette manifestation ne soit pas un acte unique pour soutenir les "partenaires politiques privilégiés" à l’approche du scrutin de juin, mais au contraire le début d’un véritable plan d’action pour l’emploi avec une grève générale européenne en point culminant. Cela exige une plate-forme qui offre de vraies solutions : une réduction du temps de travail généralisée sans perte de salaire et avec embauches compensatoires pour réellement combattre le chômage ; interdire la participation au casino des bourses aux entreprises des secteurs clés de l’économie tels que l’énergie, le transport public, la poste, les télécoms et la finance ainsi que leur nationalisation sous le contrôle démocratique des travailleurs et des usagers; la renationalisation des anciens services publics et la mise sous contrôle public de la recherche scientifique pour une production propre. La plate-forme de la CES en est malheureusement très éloignée. Il n’apparaît même pas de condamnation du plan de libéralisation et de privatisation de l’Europe, le traité de Lisbonne. La CES ne sait-elle pas que cette Europe n’est rien d’autre qu’une machine de guerre contre les acquis des travailleurs, avec pour objectif de faire de l’Europe la région la plus compétitive du monde ?
Les syndicats belges ont ajoutés quelques modestes revendications. "Non aux économies sur les allocations sociales." Pourquoi pas leur augmentation? "Non au démantèlement des services publics collectifs". A nouveau : pourquoi pas leur extension? "Oui à des impôts justes, payés en fonction de la capacité contributive" et "Non à un nouveau Pacte des générations" disent-ils encore. Si nous voulons que cela ne reste pas lettre morte, la FGTB devra ravaler son appel à voter pour le PS lancé ce 1er mai et la CSC aussi ne pourra pas appeler à voter pour le PS, Ecolo ou le CDH. Tous ces partis ne laissent pas subsister de doute : après ces élections, des Pactes des générations nous attendent pour chaque année durant au moins quatre ans. Les syndicats belges ont donc suffisamment de raisons de se mettre en tête de la résistance sur le plan européen. A quand notre première journée d’action nationale? Comment pensons nous sinon pouvoir arrêter tout "nouveau Pacte"?
Le Parti Socialiste de Lutte (PSL) est membre d’une organisation socialiste internationale, le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO). Partout, nous plaidons pour de nouveaux partis des travailleurs qui, contrairement à "la gauche officielle", traduit les revendications syndicales sur le plan politique. Nos organisations-soeurs, la Gauche Révolutionnaire en France, Socialistische Alternative en Allemagne et Offensief aux Pays-Bas aident activement à construire respectivement le NPA, Die Linke et le SP. Le PSL voudrait qu’un tel parti existe également en Belgique. Dans cet esprit, en Belgique francophone, nous participons à des listes unitaires, LCR-PSL pour les Européennes et PCPSL- LCR-PH pour la région de Bruxelles. En Flandre, nous n’avons malheureusement pas réussi à convaincre les deux autres organisations de la gauche radicale, la fraction «Rood» du SPa et le PvdA (le PTB en Flandre). Nos sommes pourtant convaincus qu’une initiative commune aurait pu aider des couches importantes des syndicats à franchir le cap en direction d’un nouveau parti large et démocratique des travailleurs.
- Faisons de la manifestation du 15 mai de la Confédération Européenne des Syndicats une journée nationale de grève pour l’emploi tract de mobilisation du PSL
- Appel de la liste LCR-PSL pour la manifestation syndicale du 15 mai à Bruxelles
- Devons nous payer pour leur crise? Tract général du PSL
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II. PERSPECTIVES, TÂCHES ET OBJECTIFS
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"Le PSL – LSP, un parti pour changer de société"
– Préface
– III. Notre programme
– IV. Notre fonctionnement interne
Cette brochure peut être commandée via redaction@socialisme.be et revient à 3 euros (que vous pouvez verser sur le n° de compte 001-2260393-78 du PSL/LSP avec la mention "brochure PSL").
[/box]MARX et les lois générales du développement du capitalisme
Le PSL/LSP ne travaille évidemment pas à partir de rien. Marx avait défi ni les lois générales du développement du capitalisme: la concentration continuelle du capital dans de moins en moins de mains (l’accumulation du capital), la tendance de la production à sortir des frontières (ce qui conduit inévitablement à des conflits commerciaux et des guerres), la tendance à la diminution du profit par unité de capital et, par conséquent, le besoin de plus en plus de capital (baisse tendancielle du taux de profit), les crises de surproduction ou la capacité de surproduction (entre autres à cause de l’exploitation de la classe ouvrière et de la partie de notre journée de travail qui n’est pas rémunérée au bénéfice des capitalistes); la création d’une couche grandissante de travailleurs qui ont pour seule source de subsistance la vente de leur force de travail (en fonction des conditions sociales rencontrées).
Concentration de capital et croissance des profits Le pourcent le plus riche de la population mondiale contrôle 24% de la richesse globale. Aujourd’hui, ces riches capitalistes viennent aussi d’Amérique Latine, du Moyen Orient et d’Afrique (qui a récemment connu la plus grande croissance du nombre de riches) à cause de l’augmentation des prix des matières premières. Ces augmentations ont en fait disparu dans les poches d’un petit groupe de super riches dans le monde néo-colonial. De la même manière, la croissance des pays capitalistes développés a surtout enrichi les milliardaires.
En 1960, il était estimé que les 20% les plus riches sur le plan mondial possédaient 30 fois ce dont disposaient les 20% les plus pauvres. Vers 1997, cette proportion était de 74/1 tandis que pour la fi n 2005, le rapport était de 150 pour 1. Selon une étude de l’université américaine de Michigan, les 2% les plus riches des Etats-Unis ont depuis 1984 doublé leurs revenus pour atteindre une moyenne de 2,1 millions de dollars en 2005. Quant au 1% le plus riche, leur revenu moyen est de 4,9 millions de dollars par an.
Le salaire moyen d’un manager américain est maintenant 300 fois supérieur au salaire moyen, différence 10 fois plus grande que durant les années ‘70. En 2007, le revenu cumulé de tous les milliardaires à travers le monde avait augmenté de 35% en une année seulement ! Le capital se retrouve concentré auprès de moins en moins de personnes mais – à cause de la super exploitation du néo-libéralisme – celles-ci sont de plus en plus riches. Il s’agit d’un phénomène mondial.
En Belgique également, l’élite dominante n’a pas trop de difficultés. Les 10% les plus riches possèdent 50% de la richesse totale. En 2006, les valeurs financières des Belges ont connu un record en atteignant 793,4 milliards d’euros, c’est-à-dire 80.000 euros par Belge (compte d’épargne, actions boursières,…) Beaucoup de travailleurs se demandent sur quel compte se trouve leurs 80.000 euros… Sur celui de leur patron? Ou sur ceux des actionnaires principaux de l’entreprise qui les emploie ? Ou encore sur le compte des politiciens bourgeois ? C’est vrai que ces derniers se sont bien servis avec leurs sièges dans les conseils d’administration des grandes entreprises (entreprises qu’ils ont d’ailleurs toujours bien soigné au cours de leurs carrières politique).
Au regard du développement des profits, l’origine de cette inégalité sociale n’est pas difficile à trouver. Ces dernières 30 années, depuis le début de la politique néolibérale sous le gouvernement Martens – Verhofstadt de 1981, ont été une véritable « ruée vers l’or » pour les capitalistes et leurs partisans. Une ruée vers l’or en direction de moyens initialement prévus pour la sécurité sociale (pensions et autres allocations) et en direction de notre pouvoir d’achat. En Belgique, les profits des entreprises étaient en 1980 de 241 milliards de francs belges. En 1985, ce chiffre avait déjà augmenté jusqu’à 484 milliards FB, jusqu’à 821 milliards FB même en 1994. Cependant, en 2005, les profits des entreprises avaient atteint… 41 milliards d’euros (environs 1.640 milliards d’anciens FB). Même en tenant compte de l’augmentation des prix, les richesses d’une petite élite ont énormément grandi. L’objectif de la politique néolibérale est limpide. La classe dominante a par ce moyen tenté de rétablir le taux de profit face à la compétition sur un marché qui connaissait depuis 1974- 75 une croissance plus faible ou des périodes de stagnation. Un nouveau développement était seulement possible sur base d’une répartition différente des richesses. Les salaires (directs ou indirects à travers les allocations sociales) – que les travailleurs avaient arraché au cours de leurs luttes – ont alors chuté. C’est sur cette base qu’ont pu exploser les profits de la classe capitaliste. Les super-profits permettent d’ailleurs aussi de comprendre la taille appréciable des salaires des managers : un manager d’une entreprise du Bel 20 empoche chaque année en moyenne 1,5 million d’euros brut.
La politique néolibérale a signifié un transfert gigantesque de richesse de la classe ouvrière vers un groupe de super-riches tel que jamais encore l’histoire n’en avait connu. Ces capitalistes ne savent que faire de leur prospérité, beaucoup d’entre eux se sont même lancés dans la charité. Probablement veulent ils ainsi «redistribuer» une part de ce qu’ils ont extorqué aux travailleurs, aux bénévoles,… Plus sérieusement, il s’agit là d’un moyen commode pour redorer son blason dans la société au moment où les capitalistes à la richesse indécente sont de plus en plus perçus comme nuisibles pour la société.
Les riches deviennent plus riches tandis que la classe ouvrière s’appauvrit.
Il n’est pas ici question d’un d’une paupérisation relative face à une minorité « qui a eu de la chance ». La majorité des travailleurs et des employés auraient d’ailleurs soi-disant eux aussi fait des pas en avant vers de meilleurs conditions de vie ces dernières 25 à 30 années. Les statistiques du gouvernement démontrent pourtant le contraire. D’abord, il ressort clairement que la plupart des allocataires (pensionnés, chômeurs,…) a connu un appauvrissement absolu. 21% des pensionnés sont officiellement sous le seuil de pauvreté et 39% des pensionnés ont une pension inférieure à 750 euros. En 1980, l’allocation moyenne de chômage représentait 41,6% du salaire brut moyen ; en 1999, cela avait diminué jusqu’à 27,9%. L’allocation d’invalidité moyenne était équivalente à 43,9% d’un salaire brut moyen en 1980, tandis qu’en 1999, ce chiffre avait baissé jusqu’à 33,3%.
Il n’est donc pas surprenant que la pauvreté touche – malgré la croissance des richesses – de plus en plus de personnes. Aujourd’hui, elle représente 15% de la population alors que dans les années ’80, on parlait de quelques 6%. Une situation pareille est honteuse pour un pays soi disant « prospère ». Il faut y voir le résultat direct des attaques sur la protection sociale des divers gouvernements néo-libéraux, avec ou sans le PS, le SP.a ou les verts.
Mais n’y a-t-il tout de même pas une couche aisée de familles avec deux revenus ayant quand même progressé?
Les médias nous resservent régulièrement cette soupe. Le fait est qu’aujourd’hui, deux travailleurs sont nécessaires dans une famille pour préserver un certain niveau de vie, et cela en dit déjà beaucoup. En réalité, le pouvoir d’achat des salariés normaux a fortement reculé. Les coûts d’une maison ou les loyers, par exemple, ne se reflètent pas dans les augmentations salariales ou dans l’indexation. «L’index-santé» actuel est devenu une caricature face aux augmentations réelles des prix de beaucoup de produits. Comme le remarquent correctement beaucoup de gens : «Tout devient de plus en plus cher, mais nos salaires ne suivent pas».
Déjà au début des années 1980, le gouvernement néolibéral de Martens a forcé une dévaluation de la monnaie et l’index a alors subi des manipulations. Entre 1981 et 1985, les salaires réels ont diminué de 13% à 21%, en fonction de leur catégorie. Depuis ce temps, le coût du logement a pris énormément plus de place dans le budget des ménages – parfois jusqu’à 1/4 ou plus du total – et le pétrole, les cigarettes,… ont été retirés de l’index.
Il n’y a pas beaucoup d’études concrètes sur la chute du pouvoir d’achat de nos salaires, mais ce n’est probablement pas exagéré de l’estimer autour de 30 à 40%. Ceci correspondrait à l’expérience concrète de beaucoup de ménages qui ont besoin de 2 emplois ou d’un emploi et un temps partiel pour préserver un certain niveau de vie. En 1981, les salaires représentaient 59,2% de la production nationale. En 2006, cette partie était arrivée sous la barre des 50%. Et encore, les patrons trouvent que le coût salarial est trop élevé pour leur soif de profit insatiable !
Le néolibéralisme a conduit à une augmentation énorme de la pression au travail et du stress, en combinaison avec une insécurité d’emploi croissante. Beaucoup de ces problèmes – en fait des problèmes sociaux, liés au capitalisme – se retrouvent au sein de la famille et n’ont certainement pas aidé à développer des relations harmonieuses entre partenaires ou entre parents et enfants. Mais quand un nouveau «drame familial» prend place, tout l’establishment jette les mains dans l’air. On les entend beaucoup moins parler des 17% de Belges qui, à un certain moment de leurs vies, sont confrontés à une dépression. Quant à la responsabilité de la politique néo-libérale dans tout cela (avec la disparition de la protection sociale,…), les médias n’en parlent pas.
En Amérique Latine comme en Afrique ou encore dans les ex-pays du bloc de l’Est et même dans les pays capitalistes développés, la crise économique commencée au milieu des années ’70 a conduit à une paupérisation de la population. Toutefois, certains idéologues libéraux ont persisté jusqu’à aujourd’hui à affirmer que le marché «libre» a diminué la pauvreté dans le monde. Ils se basent sur des rapports des Nations Unies qui clament qu’en Asie «des centaines de millions de paysans» sont sortis de la pauvreté. Mais cet exemple Asiatique peut être critiqué. En fait, cette prétendue diminution de la pauvreté en Asie est seulement basée sur l’Inde et la Chine. En ce qui ce concerne l’Inde, la méthode de calcul a été modifiée dans les années ‘90. La soi-disante baisse du nombre de pauvres est un point fortement contesté, même entre «économistes du développement» qui ne remettent pas en doute le «libre» marché.
La Chine est un cas spécial. Sur base de l’économie bureaucratiquement planifiée, le développement de l’agriculture a atteint ses limites dans les années ‘70. La bureaucratie en Chine a commencé à augmenter les prix pour les denrées produites par les paysans, ce qui a entraîné une croissance de la productivité. Beaucoup de paysans sont devenus un peu moins pauvres et sont tombés hors des statistiques des Nations Unies. Mais le fait que la Chine reste essentiellement dépendante des exportations pour sa croissance économique démontre qu’un marché interne n’a pas été créé. Officiellement, les campagnes chinoises sont un peu moins pauvres qu’auparavant. Mais la transition vers le capitalisme a signifié la mort du «bol de riz d’or» (la protection sociale chinoise) sur les plans de l’éducation, des soins de santé, de l’espérance de vie,… Si en Chine également les lois du capitalisme vont de plus en plus jouer, cela ne va que mettre encore plus en évidence – pour ceux qui n’en étaient pas encore convaincus – que combattre la pauvreté dans ce système est une illusion.
La Chine a connu une forte croissance, précisément parce Le PSL/LSP, un parti pour changer de société 27 qu’elle est devenue «l’usine du monde». Cette position a seulement pu être acquise sur base d’une super-exploitation, du manque de législation sociale et de conditions qui rappellent le 19e siècle en Europe (ou pire encore).
En conclusion: devenir riche aujourd’hui n’est en rien une question de chance ou d’intelligence. Dans la plupart des cas, cela veut simplement dire que, sur base de sa position de classe comme grand actionnaire ou propriétaire privé, il est possible de manœuvrer pour obtenir des parties sans cesse plus grandes de «travail gratuit». Dans ce processus, les gouvernements – qui aident à miner les salaires et les allocations, vident les contrats de travail et privatisent les services publics – sont les gentils petits toutous du capital.
Avec leurs salaires, les politiciens sont certains de ne pas ressentir les conséquences de leur politique de casse sociale. L’insécurité croissante et l’absence de perspectives pour l’avenir ont favorisé l’arrivée d’une énorme méfiance vis-à- vis de «la politique» précisément parce qu’il ne s’agit pas d’une politique en faveur des travailleurs et de leurs familles. Ce développement amène aussi une plus grande volatilité lors des élections. La classe dominante possède beaucoup moins d’instruments stables pour pouvoir mener sa politique comparativement à la période de croissance extraordinaire qui a suivi 1945.
Surproduction et crise économique
Karl Marx a expliqué dans «Le Capital» comment la classe ouvrière reçoit une valeur (son salaire) qui ne correspond qu’à une partie de la valeur qu’elle produit elle-même (en biens et en services). Ce travail non-rémunéré est la base de la plusvalue des capitalistes. Les capitalistes peuvent acheter une partie des voitures, des machines à laver, des télévisions,… que les travailleurs produisent pendant la partie non-rémunérée de leur journée de travail et qu’ils ne consomment pas, mais ils ne peuvent acheter toute la production. Donc, à un certain moment, une surproduction ou capacité de surproduction survient inévitablement.
Un autre facteur doit être pris en compte. Sous pression de la compétition, les capitalistes ont une tendance à investir de plus en plus dans de meilleures et de plus modernes machines. De cette façon, ils espèrent augmenter la productivité du travail, diminuer leurs prix et ainsi acquérir une plus grande part de marché. Le problème, c’est que seule la force de travail peut engendrer la plus-value. Les machines se déprécient pendant un nombre d’années calculable. En elles-mêmes, elles ne produisent pas de plus-value, uniquement représentée par le travail non-rémunéré de la classe ouvrière. Quand la plus-value reste égale, tandis que les coûts pour les machines et nouvelles technologies grandissent, le taux de profit (le profit par unité de capital investi) commence à baisser.
Ces deux éléments ont été à la base, vers les années ‘70, de la fi n de la période de forte croissance économique. Les profits ont aussi été amoindris par un autre développement. Dans les ans ‘60 et jusqu’au milieu des années ’70, les travailleurs ont, dans la plupart des pays industrialisés, livré un combat acharné pour de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail, mais souvent également avec des revendications portant sur un changement radical de société, avec les sommets atteints par mai ‘68 en France, la révolution des œillets au Portugal et la lutte contre le régime des colonels en Grèce. Le patronat et les gouvernements ont donc dû faire des concessions. En Belgique, par exemple, les salaires réels ont augmenté pendant plusieurs années durant cette période. Évidemment, cela a d’autant augmenté la pression sur les bénéfices de la classe dominante.
Ces développements ont conduit à un point tournant fondamental pour l’économie capitaliste mondiale. Le taux de profi t était miné et la crise économique a causé, en 1974, une forte augmentation du chômage. Le chômage structurel de masse a dès ce moment été un élément permanent, malgré les diverses tentatives des gouvernements pour masquer et manipuler les statistiques. A ce moment, les bourgeois ont opté pour une politique néolibérale, après une première réaction qui a consisté à de nouveau injecter de l’argent dans l’économie, ce qui n’avait seulement produit que des augmentations de prix et de l’inflation.
Le problème avec les solutions néolibérales pour rétablir le taux de profit, c’est elles conduisent toutes à terme à une crise plus profonde. Faire baisser le pouvoir d’achat des salaires directs et indirects (allocations de chômage, pensions,…), faire travailler les travailleurs plus durement et plus longuement pour le même salaire ou pour un moindre,… tout cela aggrave au final le fossé entre la production et le pouvoir d’achat des masses. Ce phénomène explique pourquoi les économies capitalistes ont également une tendance à connaître des crises de plus en plus graves depuis les années ‘70. Les montagnes de dettes que les gouvernements ont construit dès les années ‘80 ont d’ailleurs été autant de tentatives d’éviter une crise plus profonde et plus rapide. De même, ces dernières années, on a poussé les travailleurs à dépenser les salaires qu’ils n’avaient pas encore gagné (sur base de dettes, d’hypothèques, de différentes formes de crédits,…).
Le problème n’est pas qu’il n’existe pas assez de richesses dans la société. Par contre, cette richesse est constamment plus invisible pour une majorité de travailleurs. Le taux de dettes des ménages belges a augmenté en 2005 vers le record de 43,1% du PIB. Il y a vingt années, il ne s’agissait encore que de 28,1%. Là où dans le passé une important portion des revenus pouvaient encore être épargnée – aux environs de 20% dans les années ‘80 – cela a également beaucoup diminué dans la période néolibérale. Pourtant, c’est avec cette épargne que de nombreux retraités évitent de sombrer dans la pauvreté.
Ces dernières années, on remarque même que les capitalistes ont moins investi dans de nouvelles machines et technologies pour augmenter la productivité. Où pourraient-ils encore vendre tout ces produits sur un marché miné ? Ils tentent, au travers d’assainissements, de rassembler ou de garder des fonds chez les grands actionnaires ou alors les prêtent aux banques, ce qui est à la base d’une stratégie de fusions et de reprises. Ils veulent «devenir plus grands» en achetant d’autres entreprises, puis y faire plus de profits avec moins de gens en effectuant des économies d’échelle. Jan Marijnissen, le président du SP hollandais (à la gauche de notre PS) a convenablement qualifié ce phénomène de «capitalisme prédateur». Malheureusement, en tant que politicien réformiste, il croit encore qu’il peut domestiquer «l’animal prédateur».
L’importance accrue des bourses et de la spéculation financière illustre la dégénérescence du capitalisme qui – à cause de la surproduction – investi moins dans la production réelle. A titre d’exemple, aux Etats-Unis, la part des institutions purement financières dans les profits a grandit de 10 à 15 % dans les années ’50 et ’60 jusqu’à 30 à 40% aujourd’hui.
A son époque, Marx a mené une vive et intense polémique contre les socialistes utopiques et les anarchistes qui attaquaient les phénomènes visibles du capitalisme, mais ne voulaient pas mener une analyse approfondie du système pour voir quelles forces contradictoires étaient présentes.
Marx a ainsi polémiqué contre ceux qui plaidaient pour des îlots «socialistes» dans un océan capitaliste comme les entreprises «socialistes» autogérées et les coopératives et/ou communes autogérées par des socialistes ou des anarchistes. Au contraire, il a démontré que le capitalisme engendre sa propre déchéance avec la création d‘un groupe croissant de travailleurs rassemblés dans de grandes unités de production.
La bourgeoisie a, depuis le début de la crise au milieu des années ‘70, détruit une grande partie de l’industrie. En Belgique, elle a essayé de partiellement remplacer ces emplois en créant des emplois dans «le secteur tertiaire des services». Mais même dans des call-centers ou des PME’s, ces travailleurs ont vu leurs salaires et conditions de travail se détériorer. Les syndicats devraient considérer leur présence et les élections sociales dans les PME’s comme d’une importance majeure.
Ignorer cela équivaut à laisser l’opportunité à la bourgeoisie d’affaiblir notre lutte. De plus, cela pousse les couches non-organisées de notre classe en direction de solutions individuelles – de fausses solutions – et les rend plus perméables à la vague de propagande droitière contre les grèves.
Concurrence capitaliste… ou socialisme mondial ?
En 1848, quand Marx a écrit le «Manifeste du Parti Communiste», la classe des travailleurs salariés n’était même pas encore une majorité dans la société sur le continent européen. Ce qui est particulièrement brillant dans le «Manifeste du Parti Communiste», c’est que l’estimation de la tendance générale du mode de production capitaliste était correcte. Le capital était destiné à conquérir le monde à cause de sa soif d’accumulation et de production de profits.
Observons la situation telle qu’elle se présente actuellement. En septembre 2007, Janssen Pharmaceutica a annoncé le licenciement de 688 de ses travailleurs. Parmi eux se trouvaient aussi 194 de chercheurs hautement qualifiés. Un délégué syndical du Setca a fait remarquer dans la presse: «Janssen Pharmaceutica a réalisé l’année passé un profit de 250 millions d’euros. Tous ces licenciements sont-ils nécessaires? Ou est ce que Johnson & Johnson (l’entreprise mère, NDLR) veut prendre un chercheur en Inde pour chaque place perdue ici ?»
En 2006, un autre géant belge, Inbev, a décidé de délocaliser une partie de son administration vers des pays meilleur marché: la Tchéquie et la Hongrie. L’année précédente, Inbev avait fait un profit de 1 milliard d’euros. Les grandes entreprises sont aujourd’hui des «joueurs mondiaux» à la recherche de la production la plus rentable partout à travers le monde. De grandes parties du monde néo-colonial sont trop instables pour cela, à cause du niveau d’instruction très bas et des structures gouvernementales corrompues. Mais, heureusement pour les maîtres du monde capitalistes, il y a encore les nouveaux Etats membres de l’Union Européenne, l’Inde ou encore la Chine où ce qui reste de la bureaucratie stalinienne garde un oeil sur les travailleurs.
La délocalisation révèle de façon aiguë de quelle manière les systèmes de productions capitalistes, depuis le temps de Marx et du «Manifeste du Parti Communiste», sont inter-connectés sur le plan mondial. En même temps, on ne saurais mettre en avant un meilleur argument en faveur de la nécessité de l’organisation internationale des travailleurs. Le PSL/LSP et son organisation internationale, le Comité pour une Internationale Ouvrière, perpétuent une tradition de solidarité internationale. Sinon, quelle est la norme? Les salaires et conditions de travail de Pologne? Ou alors ceux de Chine? Les travailleurs doivent résister et s’organiser contre cette spirale négative.
Les besoins de la classe ouvrière se heurtent à la dictature des grands actionnaires. Pour ce club, beaucoup de profits ce n’est pas encore assez. La rentabilité est relative et la concurrence renforce ce processus. Des actions baissent de valeur ? Les «assainissements» sont, dans ce système concurrentiel, la seule réponse. Ce ne sont pas seulement les ouvriers industriels qui ont à craindre la «logique» folle du capitalisme, mais aussi des employés et de chercheurs hautement qualifiés.
Comme Marx l’avait déjà démontré, le marché capitaliste traverse les frontières et mène à des tensions commerciales et à des guerres. Si, grâce à la force potentielle du mouvement ouvrier en Europe ou aux Etats-Unis, les pays capitalistes développés sont aujourd’hui épargnés, ce n’est pas le cas du monde néo-colonial.
Regardons l’intervention de Bush en Irak. Même Alan Greenspan, l’ancien chef de la FED (la Banque centrale américaine), admet maintenant que le motif de la guerre en Irak était «principalement la protection du transfert du pétrole». La seule «moralité» du capital est son chiffre d’affaires. La «lutte pour la démocratie» est seulement une façade pour l’impérialisme, derrière laquelle se cachent les profits des grandes entreprises. Seul le mouvement ouvrier a un intérêt à maintenir et à élargir les droits démocratiques.
Un conflit commercial existe aussi entre les Etats-Unis et la Chine qui importe des produits bon marché aux Etats-Unis. De leur côté, plusieurs pays d’Amérique Latine essaient de faire des accords de commerce entre eux afin de contrer quelque peu l’influence de l’impérialisme, surtout américain. En Europe, les bourgeoisies nationales ont tenté de limiter la compétition entre elles par l’introduction de l’euro et la création de la Banque Centrale Européenne. Une crise fondamentale du système liée à des révoltes ouvrières vont pousser les bourgeoisies nationales les plus faibles vers la sortie. Ce développement va à terme casser la zone euro et l’Union Européenne, avec seulement la persistance d’un noyau dur.
La production capitaliste tente de surpasser les frontières, mais elle se heurte toujours au carcan de l’Etat-nation. La propriété privée des moyens de production et l’Etat-nation sont des formes sociales dépassées. Elles doivent être remplacées par une économie démocratiquement planifiée et par le socialisme mondial.
La majorité de la classe ouvrière et l’avant-garde
Sur base des lois générales du développement du capitalisme analysées plus haut, Marx a mis en avant la nécessité d’une société socialiste, une société harmonieuse de producteurs et de consommateurs où la production n’est pas dirigée vers les profits d’une petite minorité, mais vers les besoins de chacun.
Selon Marx, la classe ouvrière est la seule classe capable de réaliser cela au vu de son rôle dans la production. C’est de là que découle sa stratégie visant à essayer de gagner la majorité des travailleurs pour un programme socialiste. En contradiction avec les anarchistes – avec Bakounine, leur plus éminent représentant à ce moment – qui voulaient rendre les travailleurs «conscients» au travers d’actes terroristes, Marx pensait que seule une majorité consciente de la classe ouvrière serait capable de mener une transformation socialiste de la société.
Le terrorisme, comme l’ont toujours expliqué les socialistes de Marx à Trotsky, est l’arme du petit-bourgeois désespéré ou du «prolétaire en haillons» non-organisé. Ces éléments n’ont pas de confiance dans le mouvement de la masse de la population. Ils essaient, en tant que petite minorité, de forcer le développement de la société. Une révolution socialiste peut seulement aboutir si elle est soutenue par la majorité de la population: la classe ouvrière.
Bien sûr, entre la constatation de ce qui est objectivement nécessaire – gagner la majorité de la classe ouvrière pour un programme socialiste – et effectivement atteindre cet objectif, il y a encore beaucoup d’obstacles. Tous les travailleurs ne montrent pas le même degré d’initiative. Parmi les travailleurs comme parmi les jeunes, il y a des individus actifs qui sont ont un rôle décisif pour la réaction de groupes plus larges de travailleurs et de jeunes. C’est surtout cette «avant-garde» qui doit dans un premier temps de radicalisation être gagnée à un programme socialiste. Ce n’est qu’à travers celui-ci qu’il est possible de plus tard atteindre et gagner les couches plus larges. En somme, un parti révolutionnaire doit d’abord s’orienter vers l’avant-garde, la partie la plus active et consciente des travailleurs et des jeunes, afin d’atteindre ensuite sur cette base les couches plus larges. Mais il est très important de ne pas isoler cette avant-garde des couches larges avec un programme ultra-gauchiste, mais d’adopter un programme de transition qui offre la possibilité d’entrer en dialogue avec ces couches larges.
Sous le stalinisme, cette option stratégique a été déformée pour servir les intérêts d’une bureaucratie. Vu l’isolement de la Révolution dans le pays industriellement et culturellement arriéré qu’était la Russie de 1917, une vieille couche de carriéristes a pu envahir le Parti Communiste. Cette couche de carriéristes était principalement constituée de personnes capables de lire et d’écrire, souvent déjà fonctionnaires sous l’ancien régime tsariste. Ils n’avaient évidemment pas fait la révolution (et pour la plupart était même contre). Sous le régime de Staline, ce groupe social a transformé le Parti Communiste en un instrument taillé en fonction de ses propres intérêts bureaucratiques. Tous les éléments de démocratie ouvrière qui existaient encore ont été abolis.
Pour la bureaucratie, il n’était plus nécessaire de gagner l’avant-garde. Au contraire, les staliniens se sont proclamés eux-mêmes l’avant-garde et ont défini leur parti comme celui de l’avant-garde. Cette approche élitiste a sérieusement discrédité l’idée de gagner les couches les plus conscientes des travailleurs et des jeunes. En réalité, les staliniens ont rompu avec la stratégie qui a été proposée par Marx. Ils ont déformé ses idées pour servir leurs propres objectifs bureaucratiques.
Des perspectives comme guide pour l’action
Marx a dévoilés les lois générales du développement du capitalisme et les tâches stratégiques les plus importantes. Ces lois générales de mouvement ainsi que la lutte entre les travailleurs et le capital ne se déroulent pas de façon linéaire. Des moments de progrès et de recul se succèdent.
Pour une organisation révolutionnaire, il n’est pas seulement nécessaire d’étudier le mouvement général à long terme, mais aussi d’estimer comment les choses vont se développer à court et à moyen terme. C’est sur base d’une telle analyse qu’on peut déduire les tâches concrètes pour aujourd’hui et demain.
Prenons une comparaison connue. Sur base du nombre potentiel de spectateurs et des réserves financières, on peut en déduire qu’une équipe de football d’un pays riche a plus de chances d’avoir un bon résultat en compétition qu’une équipe d’une petite ville, avec moins de revenus issus des spectateurs et de la publicité. On pourrait appelé cela une «loi de mouvement général».
L’équipe qui se base seulement sur cette loi de mouvement général et ne se force pas trop ne va pas aller bien loin malgré son futur prometteur. Il est nécessaire que l’équipe comprenne aussi ce qu’elle a à faire aujourd’hui. Si l’équipe joue contre une équipe offensive, elle devra jouer d’une autre façon que contre une équipe avec une attitude défensive. Autrement dit, l’équipe devra aussi estimer à court terme le jeu de l’adversaire et sur cette base décider d’une tactique afin de remporter le match.
L’idée quelle pourrait acheter quelques nouveaux joueurs l’année prochaine ne changera rien au résultat d’aujourd’hui. De plus, une défaite aujourd’hui aurait aussi un effet sur le nombre de spectateurs et la publicité à l’avenir. Une bonne équipe, donc, n’a pas seulement besoin d’une stratégie à long terme, mais doit aussi estimer tactiquement le jeu de l’adversaire à court terme. Sinon, les bonnes perspectives pour le futur pourraient être transformées en son contraire assez rapidement.
Pour une organisation révolutionnaire aussi, il est important d’estimer les rapports de forces de façon correcte, d’analyser les développements à court terme et d’élaborer sur cette base une approche tactique. Mais l’adversaire peu aussi essayer de jouer sur la surprise est décider de jouer d’une autre façon. De la même manière, les perspectives d’une organisation révolutionnaire ne sont pas des prévisions exactes, mais une tentative d’estimer les développements de la façon la plus correcte possible, à court et moyen terme, afin d’y ajuster tactiques et objectifs de façon systématique.
Par exemple, le lancement de Blokbuster, notre campagne antifasciste flamande, a pris place, comme cela a déjà été mentionné, quelques mois avant la percée du Vlaams Blok lors des élections de 1991. Nous avions mis en avant la perspective que, malgré la croissance économique de cette époque, une couche importante de la population des villes connaissait un recul de leur niveau de vie. Une victoire du Vlaams Blok allait probablement provoquer une certaine radicalisation parmi une couche de jeunes. Sur base de ces perspectives correctes, les précurseurs du PSL/LSP ont posé les fondations de la construction d’une organisation révolutionnaire et d’une tradition antifasciste encore largement respectée aujourd’hui.
Perspectives et tactiques
Dans les années ’70 et au début des années ’80, il y avait encore une large conscience socialiste auprès d’une couche importante de travailleurs et de jeunes. L’idée qu’il y avait une alternative au capitalisme, même sans être claire à 100% sur ce que représentait cette alternative dans les détails, était acceptée par un groupe important de travailleurs et de jeunes. Durant cette période, les marxistes avaient surtout à confronter leurs points de vue spécifiques avec les réformistes sociaux-démocrates et les staliniens.
La chute des régimes staliniens et le processus de bourgeoisifi cation de la social-démocratie ont miné cette conscience «socialiste». Aujourd’hui, le rôle des marxistes ne se limite plus à défendre leurs positions contre celles des dirigeants sociaux-démocrates et de ce qui reste des staliniens. Notre tâche est aussi de propager l’idée générale du socialisme.
De là découle l’appel tactique du PSL/LSP pour un nouveau parti de masse des travailleurs indépendant de la bourgeoisie où tous les courants et individus qui résistent à la politique néolibérale seraient les bienvenus. Cet appel pour un nouveau parti des travailleurs date déjà de 1995. Les membres du PSL/LSP étaient dès lors préparés pour des initiatives comme celle du CAP, le Comité pour une Autre Politique qui avait le potentiel d’aller dans la direction d’un tel nouveau parti des travailleurs, sans toutefois avoir pu y parvenir.
Nous sommes convaincus que seul un programme socialiste achevé – une économie planifiée et la démocratie ouvrière – peut résoudre les problèmes quotidiens de l’emploi, de la pression au travail, de la chute du pouvoir d’achat, de la crise du logement, de l’éducation plus chère, de la destruction du climat,… Mais nous voulons discuter de cela de façon ouverte avec des couches plus larges de travailleurs, sans mettre en avant des ultimatums comme les groupes gauchistes.
Mais nous ne pensons pas qu’un nouveau parti des travailleurs ne peut pas avoir comme objectif principal ou pré-condition d’unifier tous les groupes de la gauche radicale. Tout ces courants n’ont pas la même vision de la manière de construire une alternative de gauche, ni la même orientation vers les couches larges de travailleurs, ou encore n’ont pas les mêmes méthodes ouvertes pour arriver à une nouvelle formation. La première tâche des initiatives qui veulent aller en direction d’un nouveau parti des travailleurs est de gagner des couches fraîches de travailleurs et de jeunes à travers des campagnes vers les lieux de travail, les piquets de grève, les quartiers, les écoles et les universités. Au plus il existera de réels courants de gauche voulant participer de façon constructive à ce projet, au mieux cela sera selon le PSL/LSP. Mais, selon nous, il y a une différence fondamentale entre la «recomposition de la gauche» et le lancement d’un nouveau parti des travailleurs.
Pour le PSL/LSP, des nouveaux parti larges des travailleurs sont des instruments importants pour avoir, à nouveau, une organisation de base, pour donner une voix à la lutte des syndicats sur le terrain national et politique, pour rassembler des travailleurs et des jeunes qui auparavant étaient isolés, pour élever la conscience sur le rôle du capitalisme, et pour entamer la discussion sur une société démocratique et socialiste.
Mais les partis larges de travailleurs ne sont pas immunisés à la pression idéologique et matérielle de la bourgeoisie, comme cela peut déjà se remarquer au niveau international. En Italie, Rifundazione Comunista (RC) a participé au gouvernement néolibéral de Romano Prodi. RC était une scission du vieux Parti Communiste stalinien. Ce parti a adopté une position plus ouverte et se tenait à distance des dictatures de l’ancien bloc de l’Est. Dans les années ’90 déjà, RC avait des dizaines de milliers de membres et pouvait mobiliser, sur ses propres forces, une masse de gens dans les rues.
Les dirigeants de ce parti tenaient malheureusement au capitalisme. Vu la crise actuelle de ce système, il n’y a presque plus de marges sociales pour acquérir des améliorations sociales permanentes. De nouveaux partis des travailleurs sont beaucoup plus vite confrontés au choix de s’adapter au marché capitaliste et ainsi mener une politique de casse sociale néolibérale, ou de rompre avec ce système et alors se battre pour une transformation socialiste de la société. En clair: réforme ou révolution. Malheureusement, la direction de RC a choisi les postes parlementaires et le carriérisme. Une crise profonde dans RC en a été le résultat, et l’aile droite du parti a dû partir. Il est aujourd’hui assez peu clair de voir dans quelle direction va évoluer RC et si ce parti pourra se débarasser du discrédit de sa participation gouvernementale.
Le SP, en Hollande, avec des dizaines de milliers de membres Le PSL/LSP, un parti pour changer de société 31 sur papier, présente lui aussi une pensée anti-néolibérale. Ce parti était une alternative au PVDA social-démocrate devenu néolibéral. Mais au sein du SP également, un processus similaire à celui de RC en Italie s’est développé. La direction du SP a dans le passé laissé entendre qu’il était ouvert pour des coalitions même avec le CDA, un parti ouvertement à droite (si toutefois ce dernier devenait un peu plus social). Sur le plan local, le SP participe à des coalitions qui ont mené des privatisations. Il y a beaucoup de mécontentement au sein du SP sur l’absence de démocratie interne. Les vieilles méthodes maoïstes et le parlementarisme de la direction du SP jouent un grand rôle dans ce processus. Plus de 1.000 personnes auraient, à cause des ces problèmes internes, déjà montré un intérêt dans le lancement d’un nouveau parti vraiment socialiste et démocratique. On doit encore voir si la direction de cette nouvelle initiative va mettre en avant les mêmes objectifs, mais la chasse aux sorcières contre les éléments les plus à gauche dans le parti a déjà commencé. Selon le PSL/LSP, il y a un lien entre la forme que revêt une organisation et le programme politique. Si il veut défendre les intérêts des travailleurs et pas ceux d’une élite du parti qui vise des postes parlementaires, un parti doit véritablement fonctionner de façon démocratique.
En Allemagne, Die Linke, avec Oskar Lafontaine, atteint parfois 15 % dans les sondages. C’est une confirmation du vide politique existant à gauche. Le fait que Lafontaine, comme Chavez, fait des références au «socialisme du 21ième siècle» est très positif. La défense des grèves et des grèves générales marque aussi un pas en avant important. Die Linke peut commencer à organiser une nouvelle génération contre la casse sociale néolibérale. Mais l’alternative de Die Linke reste malheureusement limitée. Le programme du parti défend une sorte d’économie capitaliste mixte, avec un plus grand rôle pour le gouvernement au lieu de la nationalisation des secteurs clés de l’économie sous le contrôle des travailleurs. En même temps, Die Linke peut être discrédité par sa participation au conseil néolibéral de Berlin, par exemple avec les empois «1 euro» (un euro par heure en plus d’une allocation de chômage déjà très basse). Le parti court le danger d’être vu comme complice des mesures antisociales.
Selon le PSL/LSP, on peut seulement participer aux conseils locaux sur base d’une majorité socialiste en menant la lutte et en mobilisant les gens dans la rue pour plus de moyens financiers de la part du gouvernement central avec le but d’élaborer un «budget des besoins» qui représente une rupture visible et importante avec la politique néolibérale. C’est ce que nos camarades ont fait à Liverpool dans les années ‘80, alors qu’ils étaient l’aile gauche marxiste du Labour Party, la parti travailliste. Cela doit impérativement être lié à l’idée qu’un changement fondamental n’est possible qu’en brisant, sur le plan national et international, le pouvoir des grandes entreprises et en mettant en place une démocratie ouvrière.
Le PSL/LSP pense donc qu’il y a une double tâche pour les socialistes révolutionnaires: défendre l’idée d’un nouveau parti des travailleurs, aider activement au lancement d’un tel parti afi n d’établir à nouveau les idées générales de lutte et socialisme, construire en même temps notre propre courant révolutionnaire afin de mettre en avant un programme révolutionnaire achevé et, avec d’autres socialistes, combattre l’influence des bureaucrates et des carriéristes – et leurs idées et méthodes de droites – au sein du nouveau parti. Très certainement dans une situation de victoires électorales, le danger existe que ces couches voient un nouveau parti non pas comme un instrument pour changer de société, mais comme un outil pour acquérir un poste confortable au Parlement.
Un nouveau parti des travailleurs a donc intérêt à avoir une forte aile gauche marxiste afin de donner le plus de poids possible aux points fondamentaux tels que la démocratie interne et un véritable programme socialiste (ou en tout cas les éléments les plus importants d’un tel programme). Sur base de discussions et de l’expérience en commun, nous espérons à terme convaincre la majorité, aussi dans la société, de notre programme révolutionnaire socialiste.
Perspectives et objectifs
Elaborer des perspectives, stratégies et tactiques est une chose, mais tout cela ne vaut rien sans être lié à des tâches et objectifs concrets. Tout comme un entraîneur d’une équipe de football qui, dans le cadre de la stratégie et de la tactique déterminée collectivement, va voir comment chaque joueur peut individuellement contribuer sur base des ses qualités et de ses faiblesse, de la même façon, une organisation révolutionnaire socialiste doit faire le maximum pour utiliser toutes ses qualités et vaincre ses faiblesses.
On ne doit pas mettre en avant des tâches et des objectifs – par exemple pour la vente du journal, la récolte de soutien financier ou le recrutement de nouveaux membres – impossibles à atteindre. On doit motiver les membres pour atteindre un objectif qui est dans leurs capacités. Ce qu’on fait, on doit bien le faire, sans essayer d’en faire beaucoup trop, en mettant en avant des objectifs à chaque niveau, et finalement pour chacun individuellement en s’assurant que toutes les capacités soient utilisées de façon optimales.
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1885 – Naissance du Parti Ouvrier Belge
Aujourd’hui, lorsqu’on regarde les partis sociaux-démocrates, le PS et le SP.a, il est bien difficile de croire que ces partis-là soient les successeurs du Parti Ouvrier Belge, un parti puissant qui a conquis le suffrage universel pour les hommes et la journée de travail de 8 heures. Le POB a joué un rôle central dans l’obtention de grandes avancées pour le mouvement ouvrier, bien que cela se soit toujours produit malgré sa direction plutôt que grâce à celle-ci. Contrairement au POB de jadis, les partis sociaux-démocrates actuels jouent un rôle central dans le démantèlement de ces acquis.
Anja Deschoemacker
PS et SP.a : des partis ouvriers?
Il est très important d’étudier la dégénérescence de ces partis et d’en tirer les leçons correctes. Les défaites les plus importantes du mouvement ouvrier peuvent être mises sur le compte de leurs directions. Nulle part ces dernières n’ont été capables d’arriver même aux chevilles de beaucoup de leurs membres en termes de combativité, de détermination et d’esprit de sacrifice. Ce n’est pas sans raison que Lénine décrivait ces partis comme « des partis ouvriers avec une direction bourgeoise ». Aujourd’hui, ces partis sont néanmoins devenus des partis proprement bourgeois. Leur très longue participation à la politique néolibérale – en combinaison avec leurs méthodes de travail, la suppression des revendications socialistes de leur programme et leur recherche d’un nouveau public petit-bourgeois – ont chassé les travailleurs de leur base.
Ce processus, qui a débuté lors de la période de croissance économique exceptionnellement longue qui a suivi la Deuxième Guerre Mondiale, est arrivé à son terme lorsque la social-démocratie a été placée devant le choix d’accepter la logique néolibérale ou d’adopter un programme anticapitaliste et socialiste. La Chute du Mur a accéléré ce processus en éliminant une alternative au capitalisme. Rien ne bloquait plus l’assimilation totale de ces partis au sein de l’élite capitaliste. Willy Claes est alors devenu dirigeant de l’Otan, Karel Van Miert s’est offert du bon temps à l’Union Européenne et de plus en plus d’ex-« socialistes » ont fait leur entrée dans les conseils d’administration des entreprises capitalistes.
La disparition de ces partis en tant que partis ouvriers a signifié un énorme pas en arrière pour le mouvement ouvrier. Les travailleurs ont besoin de leur propre parti; son absence empêche les revendications syndicales ou celles issues des mouvements sociaux d’être traduites sur le terrain politique. De plus en plus de syndicalistes aboutissent à ce constat.
Le MAS/LSP mène une propagande pour un nouveau parti des travailleurs depuis 1995 déjà. Le manque objectif d’un tel parti est devenu clair au cours de la lutte contre le programme d’austérité de Dehaene en 1993, le Plan Global. Cette lutte a pu être stoppée par la direction syndicale, à l’aide de l’argument selon lequel faire tomber le gouvernement (chrétien-démocrate et social-démocrate) n’avait aucun sens puisqu’il était le « gouvernement le plus à gauche possible ». Bien que la colère des travailleurs contre le PS et, à ce moment encore, le SP (présents depuis 1988 au gouvernement) ait régulièrement explosé dans les années ’90 – entre autres contre le Plan Global, les privatisations de la Sabena et de Belgacom ainsi que les coupes budgétaires drastiques dans l’enseignement francophone – l’absence d’alternative a eu pour résultat que beaucoup de syndicalistes conscients et combatifs ont tout de même voté pour « le moindre mal » ( la social-démocratie), bien souvent avec une pince à linge sur le nez.
En 2005, la lutte contre la réforme des pensions du Pacte des Générations, et surtout le rôle proéminent qu’y ont joué des politiciens du SP.a comme Freya Van den Bossche ont entraîné un débat passionné à la FGTB. La direction du syndicat a réussi à canaliser la discussion sur son lien avec le SP.a dans une voie inoffensive, mais une cassure importante a pris place dans les esprits de beaucoup de syndicalistes et de socialistes. De plus, les victoires électorales importantes remportées par des formations comme le SP aux Pays-Bas et Die Linke en Allemagne ont frappé les imaginations, y compris en Belgique. Une première initiative hésitante s’est formée sous le nom de Comité pour une Autre Politique, mis sur pied par Jef Sleeckx. Si cette initiative a échoué l’an dernier, elle a toutefois eu le mérite de rassembler pour la première fois quelques centaines de syndicalistes, d’activistes, de jeunes, de socialistes plus âgés,… pour discuter de la nécessité d’un nouveau parti pour la classe ouvrière.
Avec cet article, nous voulons utiliser la fondation du POB pour mettre en lumière le processus par lequel ce parti ouvrier est né. Malgré les énormes différences qui existent entre la situation de cette époque et la nôtre, de riches leçons sont à tirer pour aujourd’hui.
Les antécédents: Le développement de la lutte des travailleurs en Belgique
L’histoire est un processus continuel et compliqué, ou plutôt une série de processus liés entre eux et qui s’influencent continuellement. On ne peut l’expliquer en aucune façon comme un processus qui va unilatéralement vers l’avant. Des reculs apparaissent souvent nécessaires afin de créer les conditions pour poser de nouveaux pas en avant. La fondation du POB en 1885 n’est donc qu’un point dans ce processus. D’importants événements de grande ampleur se sont déroulés avant, mais également après, lesquels ont assuré que la fondation formelle d’un parti ouvrier puisse réellement conduire au développement d’un tel parti sans subir le sort de ses précurseurs. Les données utilisées pour cet article proviennent presque exclusivement du brillant ouvrage « Wat zoudt gij zonder ‘t werkvolk zijn ? » de Jaak Brepoels (« Que seriez-vous sans les travailleurs ? », ouvrage qui n’a malheureusement pas encore trouvé de traduction en français).
Dès 1800, le capitalisme a fait son entrée dans ce qui deviendra plus tard la Belgique, à l’époque intégrée dans l’empire français. L’industrie traditionnelle (exploitation du charbon, usinage du fer, tissage du coton, manufacture de drap et industrie textile) connaissait alors un énorme développement grâce, entre autres, à la protection française contre la concurrence britannique. Ce processus ne s’est pas arrêté après la défaite de Napoléon lorsque nos régions ont été ajoutées au Royaume des Pays-Bas, qui servait les intérêts de la bourgeoisie commerciale et coloniale. Les frontières étaient ouvertes aux produits britanniques et la concurrence croissante pressurisait énormément les conditions de travail : des journées de travail de 14 heures n’étaient pas exceptionnelles et les enfants travaillaient dès l’âge de 6 ou 7 ans. Les salaires se situaient loin en-dessous du minimum vital, les patrons pouvant compter sur une réserve de travail rurale presque inépuisable poussée vers la ville par les famines et les prix bas pratiqués pour les produits agricoles.
A côté de la bourgeoisie industrielle en essor, l’aristocratie et l’église avaient toujours voix au chapitre en tant que grands propriétaires fonciers. Au cours de la révolte populaire de 1830, la bourgeoisie a saisi l’opportunité pour dévier ce mouvement vers un mouvement « contre l’occupant hollandais ». Sous le contrôle étroit des grandes puissances du moment, la Belgique indépendante a été mise sur pied, en tant qu’Etat-tampon contre la France.
La législation de cet Etat est restée la même que celle introduite par les Français : la liberté brutale du patronat et du propriétaire foncier était garantie pour exploiter le peuple jusqu’à l’os. Ainsi toute collusion entre travailleurs était légalement interdite et, selon l’article 1781 du code civil, le patron avait automatiquement raison en cas de contestation sur la somme ou le paiement du salaire. Le jeune royaume de Belgique avait aussi réintroduit le « livret du travailleur », tombé en désuétude durant l’époque néerlandaise. Le patron pouvait y écrire son appréciation du travailleur ou garder ce livret quand il le licenciait, afin qu’un travailleur ne puisse pas chercher d’autre emploi. Chaque mouvement des travailleurs devait de plus faire automatiquement face à une répression brutale de la part des forces armées.
Karl Marx n’a donc pas exagéré en décrivant ainsi la Belgique de 1869, dans un texte du Conseil Général de la Première Internationale:
“Il n’y a qu’un pays dans le monde civilisé où on considère avec désir et plaisir chaque grève comme une excuse pour tuer des travailleurs. Ce pays unique est la Belgique, le pays modèle du constitutionalisme, le paradis douillet du propriétaire foncier, du capitaliste et du prêtre…
“Le capitaliste belge est généralement connu pour son amour fou de la liberté du travail. Il est tellement attaché à la liberté de ses travailleurs de travailler pour lui pendant toute leur vie, sans exception d’âge ou de sexe, qu’il refuse chaque loi du travail avec indignation. (…)
“Donnez maintenant aux mains de ce capitaliste tremblant, cruel par lâcheté, la maintenance indivisible et incontrôlée de la dictature absolue, ce qui est le cas en Belgique, et vous n’allez plus vous étonner que dans ce pays le sabre, la baïonnette et le fusil fonctionnent régulièrement et légalement comme un instrument pour pousser vers le bas les salaires et garder hauts les profits. » (4 mai 1869, The Belgian Massacres).
On ne peut décrire la vie des travailleurs à cette époque autrement qu’en disant qu’elle était synonyme de misère pure et dure. Les crises économiques périodiques, la concurrence internationale et l’importation accélérée de machines permettaient de payer des salaires qui ne suffisaient même pas pour vivre, y compris quand toute la famille travaillait. De ces maigres salaires, à peu près 70% étaient consacrés à la nourriture. De l’Etat, il ne fallait rien attendre. Bien qu’il intervenait constamment dans l’économie afin de soutenir la bourgeoisie industrielle qui se développait, chaque intervention sur le plan social était vue comme diabolique. A la fin du 19e siècle, la Belgique se situait loin derrière les autres pays capitalistes sur le plan des droits sociaux et de la législation du travail. Les premières organisations ouvrières prenaient alors la forme de mutuelles, d’assurances et de coopératives qui – avec la charité sur laquelle seuls les travailleurs « obéissants » pouvaient compter – devaient occuper la place d’une politique sociale totalement absente de la part de l’Etat.
Mais la résistance ne tarda pas à arriver. En 1830 déjà, des explosions de rage ouvrière spontanées se déroulèrent dans le Borinage, à Lokeren, à Bruges, à Gand, à Namur, à Liège, à Tournai et ailleurs, souvent contre les machines mêmes, et résultant le plus souvent dans des affrontements avec les forces de l’ordre. L’apogée fut atteinte lors de la « Révolte du Coton » de Gand, du 30 septembre au 2 octobre 1839, situation sanglante où une personne a rencontré la mort et où de nombreux travailleurs ont été gravement blessés. En fait, les mutuelles et toutes les formes de caisses de solidarité, les seules organisations ouvrières permises par l’Etat, étaient de plus en plus utilisées comme des organisations de lutte déguisées.
Entre-temps, les idées socialistes commençaient aussi à faire leur entrée, surtout dans le cadre du radicalisme bourgeois : des libéraux qui se préoccupaient des besoins de la classe ouvrière. Davantage sous l’influence de Saint-Simon et de Fourier que de Marx, ces derniers développèrent un socialisme sentimental et romantique qui se perdait souvent dans des rêveries. Ils n’étaient dangereux qu’en contact avec la masse des travailleurs, ce qui n’était pas le cas de la majorité d’entre eux. Jakob Kats constitua une exception. Cet enseignant-tisseur, implanté parmi les travailleurs bruxellois, menait propagande pour l’obtention de droits égaux, du suffrage universel, des impôts progressifs et de l’enseignement généralisé.
En 1848, la domination capitaliste croissante en Belgique et la révolte qui se répandait de Paris (où Louis-Philippe avait été déposé) ont rendu la bourgeoisie belge réellement consciente de sa classe. Dès ce moment, la gauche et ses organisations ont dû faire face à des tentatives de se faire briser. Au fur et à mesure des mouvements, de nouvelles générations de dirigeants émergeaient, qui ne venaient plus des cercles bourgeois, mais plutôt de l’artisanat. Dès 1870, le prolétariat industriel commença à jouer lui-même le rôle dirigeant dans les mouvements. La conscience ouvrière grandissait, ce qui mena à la recherche de nouvelles formes d’organisation.
Les travailleurs du textile de Gand montrèrent la voie avec la fondation des Tisseurs Fraternels et la Société des Fileurs. Sous couvert de mutuelles, ils formèrent les premiers syndicats industriels du pays et organisèrent la résistance ouvrière, qui éclata entre 1857 et 1861 sur fond de crise du secteur textile, crise que les patrons voulaient faire payer aux travailleurs sous forme de diminutions salariales. La planification était devenue partie prenante du mouvement, et la solidarité n’était plus limitée à une seule entreprise. Malgré une répression très brutale et des condamnations sévères, malgré les provocations des forces de l’ordre et malgré encore la saisie continuelle des fonds pour la lutte, l’organisation des travailleurs gantois continua son existence, avec des hauts et des bas. En 1862, la Ligue des Travailleurs fut mise sur pied entre les tisseurs, les fileurs et les métallos.
La lutte se développa ensuite pour la première fois autour de revendications politiques, comme l’abolition de la loi sur la collusion. Les premiers contacts entre les centres ouvriers de Gand, d’Anvers (la Ligue Générale des travailleurs, mise sur pied en 1861) et de Bruxelles (l’Association Générale Ouvrière) aboutirent à une plate-forme politique minimale.
Dans la Flandre de 1860, le mouvement social s’était constitué une assise plus profonde, bien que les jeunes organisations ouvrières étaient fréquemment réduites à néant à cause de la répression et de la démotivation de devoir tout recommencer à zéro. Entre-temps, la lutte commençait aussi à prendre son essor en Wallonie, de façon moins organisée mais très explosive. Le Hainaut devint entre 1860 et 1870 la scène d’une lutte violente contre les patrons des mines, qui essayaient d’imposer un règlement de travail commun. Le mouvement put alors compter sur le soutien des travailleurs d’autres secteurs et la grève se répandit – malgré les morts au cours de la lutte – pour finalement aboutir à une victoire et à la suppression du règlement.
En 1864, la recherche de l’unité dans la lutte ouvrière trouva une plate-forme internationale : l’Association Internationale des Travailleurs, qui voulait rassembler toutes les organisations ouvrières pour discuter de l’action et des tactiques communes. En Belgique, l’Internationale obtint une influence par l’intermédiaire de l’organisation bruxelloise « Le Peuple », mise sur pied sous l’influence des idées proudhoniennes (1) et de son dirigeant César de Paepe. Dans les polémiques entre les différentes opinions présentes dans la Première Internationale, de Paepe développait une position de compromis entre Marx d’un côté et les anarchistes de l’autre.
L’influence du proudhonisme freinait l’action, mais les Internationalistes se réveillèrent après un mouvement de grèves particulièrement dur contre les licenciements dans les mines, contre les salaires de famine qui continuaient à baisser, et contre la hausse des prix de la nourriture. L’armée avait occupé la région et tué plusieurs travailleurs. Dès lors, le principe de la grève fut reconnu et les Internationalistes commencèrent à intervenir dans la lutte concrète en développant des noyaux à Gand, Anvers et Verviers.
Durant la période de croissance économique de 1871-72, la lutte des travailleurs obtint ses premiers succès: les métallos arrachèrent la journée de travail de 10 h à Verviers et Bruxelles et les charpentiers et travailleurs de l’industrie marbrière obtinrent une sérieuse augmentation de salaires après cinq mois de grève à Bruxelles. La conscience parmi les travailleurs et la solidarité faisaient des sauts de géant.
La défaite de la Commune de Paris (en 1871) entraîna néanmoins dans la Première Internationale d’énormes tensions entre marxistes et anarchistes. Dans la section belge, l’aile anarchiste était de loin la plus forte. Quand, en 1871, le dirigeant anarchiste Bakounine fut exclu de l’Internationale par un vote, la section belge le suivit. La crise économique de ’72-’73 fit le reste et, en 1874, l’Internationale était morte dans les faits.
Avancées et reculs: La fondation d’un parti ouvrier belge.
Après la chute de l’Internationale, l’expérience de l’époque précédente ne reposait que sur les épaules de certains petits groupes. En Flandre surtout, les ex-Internationalistes essayèrent de rassembler et de réorganiser les forces dispersées. Gand s’accrochait à la coopérative neutre des Boulangers Libres. A Bruxelles, l’organisation explicitement neutre de la Chambre du Travail fut mise sur pied en 1875, exemple suivi par la Fédération des Organisations des Travailleurs d’Anvers. La défaite de la Commune de Paris avait temporairement étouffé le socialisme, et le pragmatisme caractérisait la plupart des initiatives.
Néanmoins, sur le plan politique, les choses ne restaient pas statiques. A Gand, on regardait vers la social-démocratie allemande qui avait obtenu plusieurs sièges au parlement. A Bruxelles aussi, les premiers pas étaient faits sur le terrain politique de façon hésitante. En Wallonie, par contre, les tendances anarchistes qui avaient fait leur apparition de par le travail de la Première Internationale continuaient à dominer.
Les Flamands et les Bruxellois impatients n’avaient pas d’autre issue que de s’organiser dans le Vlaamse Socialistische Partij et dans le Parti Socialiste Brabançon. En 1879, ces deux partis rassemblaient aussi quelques noyaux wallons et, en avril, une fusion conduisit à la formation du Parti Socialiste Belge. Le programme était celui du VSP et du PSB, c’est-à-dire une copie du programme de Gotha de la social-démocratie allemande. La base du parti était néanmoins limitée à quelques clubs de propagande, à des cercles d’étude et à quelques organisations syndicales. En Wallonie, on restait très hésitant vis-à-vis de ce nouveau parti et les organisations ouvrières plus neutres étaient effrayées par l’étiquette socialiste. Dans leurs actions, ces dernières continuaient d’être plus proches de l’aile progressiste du Parti Libéral et de sa lutte pour l’élargissement du droit de vote. Le BSP ne décollait pas.
Dans les années 1880, différents courants se retrouvèrent sur base d’un programme pragmatique et radical-démocrate. En 1884, la défaite électorale de la libéral-progressiste Ligue de la Réforme Electorale, qui avait du soutien parmi les milieux d’artisans bruxellois, ouvrit la voie à la formation d’un parti ouvrier indépendant. En avril 1885, à Bruxelles, le Parti Ouvrier Belge (POB) devint un fait lors d’un rassemblement de 112 travailleurs, qui représentaient 59 groupes de base (des syndicats – neutres et socialistes – des coopératives et des mutuelles).
Le pragmatisme caractérise le programme et les actions du POB
Un esprit très pragmatique dominait à la direction du parti, et ce dès le début. Le dirigeant du BSP, Edouard Anseele, défendit pendant le rassemblement à Bruxelles le programme et le nom du BSP, mais il se résigna ensuite face à la crainte des organisations ouvrières neutres qu’un programme radical et le terme « socialiste » puissent effrayer les masses. Les discussions théoriques furent balayées de la table et, en terme de doctrine, le document de fondation affirmait juste que le POB allait essayer «d’améliorer le sort de la classe ouvrière par l’entente mutuelle ».
Le programme se limitait à un cahier de revendications radical-démocrate avec notamment des revendications telles que le suffrage universel, l’enseignement obligatoire, gratuit et neutre, l’autonomie communale, l’abolition du travail des enfants en-dessous de 12 ans en plus de propositions de lois sur les accidents de travail, la sécurité au travail, la transformation graduelle de la charité publique en un système de sécurité sociale, le retrait de toutes les privatisations de propriétés publiques (Banque Nationale, chemins de fer, mines, propriétés communales,…) et leur transfert vers la collectivité, représentée par les communes et par l’Etat.
Ce n’était pas vraiment une nouvelle organisation mais plutôt un rassemblement d’organisations existantes. La vie du parti se déroulait surtout autour de noyaux locaux agissant largement de façon indépendante. La première priorité était la construction locale de coopératives, de mutuelles et de syndicats et, à mesure que le mouvement grandissait, cela était suivi par des fanfares, des clubs de gym, des cafés, etc. Lentement, des fédérations furent créées à partir de groupes de base, fédérations qui envoyaient annuellement des délégués à un Congrès où un Conseil Général était élu pour prendre en main la direction du parti. Ce CG choisissait alors un bureau de neuf membres, dont le secrétaire et des délégués des syndicats, des mutuelles et des coopératives.
Avec le soutien des milieux des artisans à Bruxelles et à Anvers, le bastion du POB était sans aucun doute basé à Gand, où les militants étaient presque exclusivement des travailleurs industriels. En Wallonie, région industriellement plus développée, le parti n’était réellement représenté qu’à Verviers, et cela malgré les mouvements consécutifs de luttes spontanées et inorganisées des travailleurs wallons. Ce n’est qu’en 1886, lorsqu’un énorme mouvement de masse va se conclure par une défaite sanglante, que la nécessité d’une organisation permanente va s’installer profondément dans la conscience.
Cette grève générale de 1886 se déroula à Liège, et fut de suite confrontée à une occupation brutale de la ville par l’armée. Mais la lutte s’étendit rapidement à Charleroi, et peu après vers le Borinage et le Centre avant les carrière de Lessines, de Soignies, de Tournai et de Dinant. Les travailleurs s’armaient, des machines étaient détruites, des usines et des châteaux de patrons incendiés. La réaction du gouvernement fut sanglante. L’armée colora les rues de rouge avec le sang de dizaines de tués et de blessés. Les ténors du mouvement socialiste, dont Anseele, reçurent des peines de prison ou de grosses amendes (des travailleurs arbitrairement arrêtés furent condamnés jusqu’à la prison à vie). Pourtant, le mouvement n’était pas sous la direction du POB, qui n’avait aucune implantation dans la région concernée. La direction du POB fit même tout pour éviter un élargissement vers la Flandre. A Gand, elle ne put qu’à grand peine convaincre les travailleurs de garder le calme. Les grévistes reçurent certes du soutien du POB, mais sous forme de pains des coopératives, d’accueil des enfants de grévistes dans des familles flamandes et de défense des travailleurs arrêtés devant la justice.
En Wallonie, la grève avait profondément fait sentir la nécessité d’une organisation solide. En 1887, beaucoup de travailleurs wallons marchaient déjà aux côtés de leurs camarades flamands, dans une manifestation pour le suffrage universel. De plus en plus de travailleurs wallons rejoignaient le POB où, très vite, se déroulèrent des affrontements entre les tendances révolutionnaires et anarchisantes wallonnes – sous la direction d’Alfred Defuisseaux – et des coopératives modérées et orientées vers le parlement (et donc vers la lutte pour le suffrage universel). La direction du POB exclut les frères Defuisseaux au congrès de 1887, avec pour résultat que toute la classe ouvrière du Hainaut les suivirent vers la porte de sortie. Leur attitude révolutionnaire, mais aventuriste, poussa la classe ouvrière du Hainaut à entamer la « grève noire » massive (de nouveau, des machines et des usines furent détruites et des attentats à la dynamite prirent place). Elle ne connut cependant pas d’élargissement faute de soutien actif de la part du POB. Totalement isolé, le mouvement s’affaiblit.
Plus tard, il fut mis au clair que la direction de la grève avait été infiltrée par la sécurité d’Etat et que celle-ci était responsable des attentats à la dynamite. Le mouvement ouvrier, frappé d’épouvante, fraternisa. La tactique modérée de la direction du POB l’emporta. Toutefois, avec les travailleurs du Hainaut, un courant oppositionnel avait pris naissance dans le parti. Ce courant fera plus tard parler de lui, à nouveau au sujet de la défense de la grève générale comme moyen de lutte, mais aussi en faisant de la propagande pour la combativité et contre la direction modérée et sa volonté de faire des compromis avec les patrons et de coopérer avec la bourgeoisie « modérée ». Plus tard encore, les travailleurs du Hainaut prendront position contre les participations gouvernementales du POB (pour la première fois dans le gouvernement – non élu – mis sur pied pendant la Première Guerre Mondiale).
Pas un instrument idéal, mais un énorme pas en avant
Une certaine bureaucratisation des syndicats à mesure que la concertation sociale se développait, la dégénérescence d’un certain nombre de coopératives les plus importantes qui se transformaient en entreprises capitalistes, la pression pour une politique modérée de la part des mutuelles et de la part des premiers représentants parlementaires du parti,… Ce sont des éléments qui étaient en germe dans le POB dès ses débuts. A tous les moments décisifs de la lutte de classes, les masses de travailleurs étaient beaucoup plus radicaux que la direction du POB, qui courait la plupart du temps derrière les explosions plus ou moins spontanées de rage ouvrière pour, à chaque fois, canaliser la lutte dans des voies inoffensives.
Le POB était très clairement ce que Lénine appelait un parti ouvrier avec une direction bourgeoise. Mais ce parti offrait au mouvement ouvrier un instrument pour mener la lutte nationalement et pour rassembler les forces ; des victoires importantes sur le patronat étaient ainsi acquises. Cela aussi bien sur le plan des droits démocratiques (le droit de vote, mais aussi le droit d’association et de grève) que sur le plan du standard de vie et des conditions de travail (diminution du temps de travail, négociations salariales collectives, salaire minimum, sécurité sociale,…).
Cette réalité, en combinaison avec les fautes du Parti Communiste, qui fut mis sur pied après la Première Guerre Mondiale, mena à une très grande fidélité parmi les travailleurs socialistes, qui étaient préparés à de grands sacrifices pour leur parti. Leurs dirigeants, à l’inverse, allaient résolument pour leur propre carrière dans le parlement -et plus tard dans le gouvernement- et luttaient contre chaque expression d’idées radicales et socialistes. Même avec la trahison répétée de la direction à des moments décisifs, cette situation a perduré jusqu’à il y a très peu de temps, avant que le parti, entre-temps scissionné régionalement en PS et SP, ne soit plus vu par la masse des travailleurs comme « leur » parti (pour le PS, dans une certaine mesure, ce sentiment reste encore présent parmi certaines couches de la classe ouvrière). Ils y revenaient en masse à chaque fois jusqu’à la fin des années 1980, et faisaient constamment des tentatives de pousser le parti vers la gauche.
Un parti des travailleurs offre à l’énorme masse de travailleurs la possibilité de discuter ensemble sur les idées, d’élaborer une stratégie et des tactiques communes, de défendre collectivement un cahier de revendications pour aujourd’hui et un programme à plus long terme. Un tel parti organise la solidarité; et la longue existence du POB sur le plan national a été certainement un élément dans la prévention d’explosions plus violentes de la question nationale. C’est au travers d’un parti ouvrier – même avec une direction bourgeoise – que le mouvement ouvrier belge a été capable d’obtenir un système large de sécurité sociale, de services publics et une concertation salariale centrale.
Les dernières décennies d’érosion néolibérale de “l’Etat-Providence” -ce dernier étant une conséquence de la lutte du mouvement ouvrier, la bourgeoisie n’ayant jamais donné de cadeaux – ont été combinée avec la bourgeoisification des partis sociaux-démocrates.
Des leçons pour la construction d’un nouveau parti des travailleurs
Dans les années à venir, la Belgique va rejoindre la série de pays où des nouvelles formations de gauche et/ou ouvrières sont déjà nées. Comme dans le temps avec la fondation du POB, ce processus sera fait d’avancées comme de reculs, de tentatives avortées aussi bien que de pas en avant. Il faut tirer collectivement les leçons des victoires et des défaites des mouvements de masse de la classe ouvrière. Il existe aujourd’hui dans une série de pays des exemples dont nous devons discuter et nous inspirer quant à la manière avec laquelle de telles formations peuvent se développer. Il y a le P-Sol au Brésil, mais il y a déjà depuis des années des développements dans le même sens dans plusieurs pays européens également. Le SP aux Pays-Bas, Die Linke en Allemagne (qui montre tous les jours au travers de hauts scores électoraux dans les sondages qu’une rhétorique socialiste et de « vieilles » revendications de gauche comme la nationalisation des secteurs-clé de l’économie sont tous sauf un frein pour l’attraction et la sympathie de couches larges de travailleurs) , le PRC en Italie, Syriza en Grèce,…
Aucun de ces développements n’aboutit à une situation “idéale”, et beaucoup de ces nouvelles formations sont extrêmement vacillantes. Les obstacles généraux sont devenus clairs : dans toutes les nouvelles formations, la discussion sur la participation gouvernementale se joue d’une manière ou d’une autre. Choisir cette voie a presque été fatale pour la PRC en Italie, et en Allemagne le développement de Die Linke est freiné dans un certain nombre de régions de l’ex-Allemagne de l’Est, comme à Berlin, par la présence du parti dans le gouvernement régional et par sa participation à la politique néolibérale.
Dans ces partis, une orientation étroite vers les élections, l’électoralisme, va le plus souvent de pair avec une intervention extrêmement limitée dans la lutte réelle, avec une surestimation des figures dirigeantes et avec une sous-estimation de la construction d’une base active, qui ne peut se faire que par l’intervention dans la lutte réelle. Manier correctement la pression pour une politique plus sociale, qui peut s’exprimer dans une tendance dans ces nouvelles formations de gauche à faire des coalitions politiques, le plus souvent avec les vieux partis ouvriers bourgeoisifiés, est une question fondamentale. Un refus principiel de fonctionner dans un gouvernement néolibéral, va être un élément décisif dans le développement d’un nouveau parti ouvrier et dans sa capacité à s’enraciner de façon permanente dans la classe ouvrière. Une vraie participation de ses membres au travers de structures démocratiques est d’une importance primordiale afin de mettre une nouvelle formation sur le bon chemin, c’est-à-dire vers le développement d’un véritable parti des travailleurs.
Après la chute du CAP, le Comité pour une Autre Politique, la question d’un nouveau parti en Belgique apparaît provisoirement absente de l’agenda (cliquez ici pour une évaluation du développement du CAP ). Mais les conséquences de la crise vont résulter dans le fait que cette question va revenir à l’agenda avec une force plus grande encore. Pour disposer d’une chance de réussite, chaque initiative va devoir montrer aux travailleurs et aux jeunes qu’ils ont une « plus-value » à offrir.
En l’absence de partisans dans au moins certaines franges des syndicats, surtout dans les secteurs les plus combatifs, une telle initiative en Belgique n’aura pas beaucoup de chances d’aboutir. Une telle formation va devoir défendre les revendications du mouvement syndical sur le terrain politique; mais pas seulement les revendications syndicales. Un parti des travailleurs doit prendre en main la lutte pour la défense de toutes les couches opprimées et exploitées de la population, afin de se renforcer fondamentalement dans la lutte contre le patronat et le gouvernement. Un gouvernement qui, par manque d’un parti des travailleurs, est de toute façon un gouvernement au service du patronat, quelle qu’en soit sa composition. En d’autres termes, un tel parti des travailleurs va donc devoir défendre explicitement, ou au moins implicitement, des idées et des valeurs socialistes, comme la solidarité et la lutte contre chaque forme de discrimination.
De nouvelles initiatives vont voir le jour, et le MAS/LSP, comme par le passé, donnera son soutien et sa coopération active à chaque initiative qui présente le potentiel et la volonté de devenir une nouvelle formation de la classe ouvrière. Mais nous allons – comme nous l’avons fait au sein du CAP – s’appuyer sur les leçons de l’histoire. Démontrer la nécessité d’intervenir dans la lutte réelle et d’impliquer autant de travailleurs possible dans la construction. L’époque du POB, en particulier celle de ses débuts, fournit des tas d’exemples de comment, dans tout le pays, des milliers et des milliers de travailleurs s’engageaient activement sur le plan politique, exerçaient constamment une pression sur les directions pour passer à l’action et pour adopter des points de vue plus radicaux. En outre, la nécessité d’une démocratie interne, dont l’absence a généré tellement de dégâts au sein du POB, est une condition essentielle – surtout après les expériences négatives du bureaucratisme stalinien – pour un nouveau parti des travailleurs sain. Chaque membre et chaque groupe de membres doit y avoir la liberté de défendre son programme : une véritable discussion et confrontation d’idées doit pouvoir y trouver sa place.
Au travers de la lutte contre les attaques néolibérales des prochaines années, un tel parti peut émerger. La classe ouvrière belge, fortement organisée sur le plan syndical, disposera alors d’un instrument puissant en plus pour mener sa lutte, non plus seulement sur le plan syndical, mais aussi sur le plan politique.
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Allemagne: Non aux blocages dans l’enseignement!
8,000 écoliers en grève manifestent à Berlin
Non aux blocages dans l’enseignement!
Les grèves dans le secteur public secouent actuellement le paysage politique de Berlin. Ce ne sont cependant pas que les infirmières, la police, les travailleurs des transports publics et les travailleurs communaux qui sont dégoûtés de la politique d’austérité effectuée par la coalition au pouvoir, soi-disant « rouge-rouge » (SPD – l’équivalent allemand de notre PS – et Die Linke – le Parti de Gauche). Jeudi passé, une manifestation combative faite de milliers d’écoliers en colère s’est déroulée dans le centre de Berlin.
Anne Engelhardt, CIO
La combinaison des pressions croissantes exercées sur les écoliers pour être au top malgré la suppression d’une année d’étude (ce qui a réduit l’enseignement de 13 à 12 ans), de la pénurie de professeurs, du nombre d’écoliers dans une classe (30 en moyenne) et aussi de l’instauration d’une charge annuelle de 100 euros par écoliers pour le matériel didactique a fait de la situation des écoles à Berlin un catastrophe.
Les écoliers ont exigé 3.000 professeurs supplémentaires, le retrait de la charge pour le matériel didactique et ont également réclamé un système scolaire différent qui évite que les écoliers se retrouvent dans des écoles secondaires sur base de la richesse de leurs parents après l’école primaire.
Dans une étude de l’OCDE PISA (programme pour l’évaluation internationale des études) comparant différents pays et leur système d’éducation – l’Allemagne s’est avérée être l’un des principaux pays où une bonne éducation dépend de la richesse des parents.
“Non au Super-Stress" et "Des parents riches pour chacun" étaient des revendications que beaucoup d’étudiants ont mis sur leurs banderoles et pancartes. Les membres de l’Alternative Socialiste (SAV – section allemande du CIO) ont été actifs dans la mobilisation avant la grève et ont produit une édition spéciale de leur journal Solidarität. Ils ont aussi pris la parole à la manifestation. Le rappeur Holger Bruner, membre également du SAV, a accompagné la manifestation avec de la musique militante.
Avant la grève, des militants de "Casser les blocages à l’éducation" (alliance des écoliers en grèves) sont allés à beaucoup d’écoles différentes pour établir des comités de grève et tenir des ateliers politiques pour mobiliser le soutien. Jenny Trost, une des membres actives de cette initiative et membre du SAV, a déclaré dans son discours à la manifestation: "Construisons un mouvement contre des coupes d’austérité dans l’éducation et le secteur social. Combattons ensemble et faisons un enfer de la vie des politiciens au pouvoir et des entreprises derrière eux".
Une conférence des écoliers va maintenant faire un bilan de la grève et va planifier les prochaines étapes de protestations pour l’automne. Si le gouvernement "rouge-rouge" ne satisfait pas leurs exigences, les écoliers sont prêts à poursuivre la lutte.
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Qui est Jean-Marie Le Pen ?
Le Pen devint actif en tant qu’étudiant de droite à Paris à la fin des années ‘40. Il faisait partie du groupe "Corpo de Droit" (une fraction de droite à l’intérieur de l’UNEF – Union Nationale des Etudiants Français, le syndicat étudiant).
Il devint graduellement de plus en plus actif politiquement. Comme il l’a lui-même expliqué : « L’invasion de l’Armée Rouge à Berlin m’avait convaincu de la nécessité de lutter contre le communisme – une force de répression et de tyrannie ». Au sein du mouvement anti-communiste, le gouvernement De Gaulle ne pouvait compter que sur très peu de soutien de la part des anciens partisans du régime collaborateur de Vichy mené par le maréchal Pétain (qui n’était rien de plus qu’une marionnette au service de Hitler en France). De plus, en France, la gauche était sortie extrêmement renforcée de la guerre et il y avait le danger d’un mouvement massif qui pourrait porter les communistes au pouvoir. C’est pourquoi De Gaulle n’a jamais réellement condamné le collaborationnisme, mais fit au contraire appel à plusieurs figures connues issues de cette tradition nazie.
Le Pen fut assez rapidement promu à la tête du service d’ordre de Jacques Isorni, un avocat fort discuté, membre du groupe UNIR (Union Nationale Indépendante des Républicains), un groupe défendu par les vichystes. C’est ainsi qu’Isorni apparut en tant qu’avocat de Pétain dans son procès après la guerre.
Parce qu’il prenait au pied de la lettre son désir de lutter contre le communisme, en 1953, Le Pen s’embarqua pour l’Indochine (qui devint plus tard le Vietnam, le Laos et le Cambodge) avec l’armée. Les Français y subirent une grave défaite, comme les Etats-Unis à leur suite, et après qu’un accord de paix ait été conclu en 1954 (avec la scission du Vietnam), Le Pen revint en France pour y devenir actif politiquement.
Le Pen se fit membre du mouvement poujadiste, fondé par Pierre Poujade en guise de protestation contre une taxe imposée aux petits commerçants et indépendants. Poujade tenait un discours populiste pour recevoir un soutien des indépendants. Il pouvait aussi compter sur le soutien de néo-nazis tels que Maurice Bardèche, un auteur connu pour son livre « Nuremberg ou la terre promise » dans lequel il nie l’holocauste (l’édition en néerlandais fut traduite par une certain Karel Dillen (1)…). Bardèche y formulait tout de même quelques critiques concernant Hitler : il trouvait que le fascisme allemand n’était pas assez pur !
Le mouvement poujadiste pouvait compter sur énormément de sympathie de la part de la droite, et obtint une victoire électorale en 1956, grâce à laquelle Le Pen fut élu au Parlement. A la base de cette victoire, se trouvait essentiellement une rhétorique anti-establishment et le rejet des politiciens traditionnels ; nombre des poujadistes provenaient du mouvement du président De Gaulle (Poujade lui-même avait d’abord été parlementaire pour les gaullistes). Les poujadistes tiraient leur image anti-establishment dans une sphère raciste et antisémite. Le gouvernement de France-Mendès fut décrit comme un gouvernement juif qui n’avait rien à voir avec la France.
Le succès des poujadistes fut de très courte durée. On trouvait de nombreuses différences d’opinion parmi ce mouvement. Ainsi, Le Pen était opposé à l’approche relâchée de Poujade, qui refusait d’organiser le mouvement. Poujade disait que ses partisans devaient être « parmi les gens » au lieu de s’organiser en sections locales. Au contraire, Le Pen était partisan de l’édification d’un parti avec un cadre fort. Un autre point de discussion était les positions concernant l’Algérie et la lutte pour l’indépendance qui s’y déroulait. Le Pen et la plupart des poujadistes étaient complètement opposés à la possibilité d’une indépendance. Le Pen déclarait que l’Algérie devait rester une colonie parce que cela donnait la garantie que la race blanche soit protégée par une meilleure répression des Algériens.
Après la scission du mouvement poujadiste, Le Pen se rendit en Algérie pour y servir en tant qu’officier de l’armée. Lors des mois précédents, il était devenu évident que les Français n’étaient pas des tendres et ne reculaient pas devant la torture la plus brutale, les exécutions de masse, etc. Le Pen fit personnellement partie de ces interventions violentes de l’armée française. Il déclara même plus tard : « J’ai torturé parce que cela était nécessaire » (Le Combat, 9/11/1962). Le Pen trouvait cela nécessaire parce que ce serait un signal pour les « barbares ». La répression des Algériens était, selon lui, en partie « biologiquement déterminée ».
De retour en France, Le Pen prit part aux négociations autour d’un éventuel coup d’Etat de la part du groupe terroriste OAS (Organisation de l’Armée Secrète, un groupe qui s’opposait à l’indépendance de l’Algérie), mais il trouva finalement cette participation trop risquée et retira son soutien.
Dans les années 60, la droite fut poussée sur la défensive. L’Algérie, après l’Indochine, s’était avérée être une nouvelle défaite, et l’extrême-droite française était fragmentée, de sorte qu’elle n’avait quasi plus aucun impact. Le Pen se retira dans sa librairie et sa maison d’édition, dans laquelle il publiait de la propagande de droite. Ceci le conduisit à être condamné à deux reprises (en 1965 et 68) pour sa production de disques reproduisant les discours d’Hitler !
Au début des années ‘70, des négociations furent entamées entre les différentes organisations d’extrême-droite en vue d’une alliance, un « front nationaliste ». La plus importante de ces forces était le groupe « Ordre Nouveau », une organisation connue pour la violence de ses membres, lesquels n’hésitaient pas à malmener physiquement leurs adversaires politiques. Cet Ordre Nouveau fut même interdit à un certain moment après une véritable bataille contre des militants de gauche. Lorsque l’alliance du Front National fut lancée en 1972, l’Ordre Nouveau comptait pour un tiers des membres du FN. Le Pen devint assez vite le dirigeant du FN, et entreprit des tentatives d’organiser cette alliance en un parti fortement organisé. Ce fut sa principale préoccupation pendant les années ‘70, ce qui le poussa à écarter l’opposition de l’Ordre Nouveau.
A partir des années ‘80, le FN commença à obtenir un plus grand impact lors des élections. En 1981, le gouvernement de gauche de Mitterand arriva au pouvoir sur base d’un programme qui promettait de rompre avec le capitalisme. Les sociaux-démocrates et communistes au gouvernement refusèrent de rompre réellement avec la logique du système actuel, et se virent contraints, dans une période de crise économique, de mener une politique libérale. Ceci fut à la base d’un mécontentement contre les sociaux-démocrates et les communistes. Un mécontentement que le FN employa habilement afin de se profiler comme étant les seuls à réellement se soucier des intérêts des Français.
Ceci devint clair lors des élections communales de Dreux (près de Paris), lors desquelles le FN obtint ses quatre premiers élus, au début des années ‘80. Le FN y avait mené une importante campagne anti-immigrés. Les journaux de l’époque relataient les histoires de faux colporteurs de produits de luxe qui sonnaient aux portes, et comment Mohammed avait ainsi pu s’acheter deux télés ou un lecteur vidéo. La campagne raciste trouva un accès faute d’une alternative après le désastre du gouvernement Mitterand. En outre, le FN fut aidé par un accord électoral avec le RPR de Jacques Chirac, lequel disait qu’il préférait avoir 4 membres du FN au conseil communal, plutôt que 4 communistes.
Le FN reçut un énorme soutien venant d’un côté inattendu. Mitterand voulait renforcer sa position en modifiant le système électoral (passer à un système proportionnel plutôt que le système majoritaire), de sorte que chaque fraction de la droite puisse gagner des représentants, renforçant ainsi la division de la droite. Mitterand voyait dans le FN un outil idéal pour affaiblir la droite traditionnelle (le RPR de Chirac). Mitterand fut donc le premier à laisser participer le FN à un débat télévisé sur une chaîne d’Etat. La conséquence ne se fit pas attendre : en 1986, le FN récoltait 10% des voix et, par conséquent, 10% des sièges. Mitterand avait commis une erreur cruciale en pensant en termes de calculs électoraux. Le FN avait enfin de compte pris énormément de voix à la social-démocratie, et était porté par les électeurs de gauche dégoûtés.
La percée du FN dans les années ‘80 mena par conséquent la droite à adopter une partie de la rhétorique du FN. Ainsi le Ministre Pasqua (RPR) reprocha-t-il à son propre Premier Ministre d’avoir été trop laxiste avec les immigrés. Le RPR essaya aussi d’arriver à une alliance électorale avec le FN, mais sans succès. Ces éléments rendirent le FN encore plus fréquentable, ce qui rendit également les militants fascistes de plus en plus confiants en eux-mêmes. A partir de la fin des années ‘80, plusieurs cas de violences avaient déjà été rapportés. Par exemple, un cimetière juif fut complètement dévasté en 1988. En 1993, un journaliste fut battu lors d’un meeting du FN.
Le Pen continua à suivre sa ligne dure. Il a laissé échapper que l’holocauste était un « détail de l’histoire », puis fut condamné après qu’il ait frappé un candidat d’un autre parti lors de la campagne électorale,…
(1) Karel Dillen est un des membres fondateurs du Vlaams Belang, parti néonazi flamand
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