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Tag: Belgique
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France et Pays-Bas.
France et Pays-Bas
En France et aux Pays-Bas, ils ont voté respectivement à 55 % et 61 % contre la Constitution Européenne. C’était surtout un vote d’opposition des travailleurs et des jeunes. Alors que tout l’establishment politique appelait à voter pour la Constitution.
Qui a voté contre?
66 % des français qui gagnent moins de 1.500 euros par mois ont voté contre. Parmi ceux qui gagnent plus de 3.000 euros, il y avait une majorité de votes pour.
Dans 18 des 25 régions françaises, la différence est claire. Ce sont les régions où les travailleurs sont traditionnellement les plus forts : Nord, Haute Normandie, Languedoc-Roussillon et les départements du sud de la France. Dans le Pas-de-Calais il y a eu 69,5% contre. Dans les banlieues des grandes villes, le camp du « Non » a récolté plus de 70%.
Le camp du « Non » récolte en outre une majorité parmi les travailleurs à temps partiel, surtout chez les jeunes. Les 18-29 ans ont voté contre à 62 %. Ce n’est pas une coïncidence. Avec la réforme de l’enseignement, il est devenu clair que la « marchandisation » signifie: moins de moyens et prévu surtout pour un enseignement élitaire. Cela va conduire à adapter l’enseignement aux besoins du monde des entreprises, également par l’introduction des accords de Bologne pour l’enseignement supérieur. C’est notament pour ces raisons-là qu’il y a eu des grandes manifestations et grèves lycéennes en France ces derniers mois.
79 % des travailleurs manuels, 71 % des chômeurs, 64 % des salariés du secteur public et 56 % de ceux du secteur privé ont voté contre en France. C’est donc clairement un vote des travailleurs (et aussi des agriculteurs).
On constate un phénomène similaire aux Pays-Bas. Il y a de grandes différences à Amsterdam. Dans les parties les plus riches le résultat est de 50-50. Dans le centre il y a 52 % pour et en périphérie même de 56 à 64 %. Dans les quartiers les plus pauvres il y a un vote pour le Non sans appel: 73% dans le Nord et 71% dans les Sud-Ouest. Dans les quartiers populaires de Volewijk et Buiksloterham il y a eu 79% de Non. 68% des néerlandais qui ont des bas revenus ont voté contre.
Celui qui prétend qu’il n’y a plus d’opposition de classes, ou qu’elles ne ressortent plus, va avoir du mal pour expliquer la composition des votes pour le Non.
Les médias essayent de faire passer le résultat des deux référendums comme une victoire de l’extrême-droite. Néanmoins la victoire du vote d’opposition n’est pas une victoire pour le FN de Jean-Marie Lepen en France ou de Geert Wilders aux Pays-Bas. Malgré qu’il soit omniprésent dans les média, Wilders recule en arrière-plan dans les sondage d’opinion aux Pays-Bas. Dans les sondages français, portant sur les raisons pour lesquelles les gens ont voté contre l’UE, il semble que le thème de l’éventuelle entrée de la Turquie dans l’UE a joué un rôle limité. 18 % des gens qui ont voté « Non » disent que cela les a influencé. Selon les sondages, début 2005, il y avait encore 65 % de soutien pour la constitution en France. En février, ce pourcentage a commencé à diminuer après une série de mobilisations et de grèves contre les plans d’austérité visant la suppression des 35 heures.
La discussion sur la constitution atteignait un autre niveaux lorsque la CGT ( la deuxième plus grande fédération syndicale) a décidé -contre la volonté des dirigeants nationaux- d’appeler à voter « Non ». L’opposition à la constitution devenait alors un thème social, s’intégrant dans la lutte contre la politique néo-libérale, cristallisée sous la forme des mobilisations contre le gouvernement Raffarin (500.000 participants pour la défense des 35 heures le 5 février et plus d’un million le 10 mars). La confiance dans la politique traditionnelle et dans le patronat a atteint son point le plus bas. Moins de 21 % des travailleurs ont confiance dans leurs patrons. La popularité du président Chirac est tombée à 40 %, le chiffre le plus bas en 8 ans. En même temps, le plus grand parti d’opposition, le PS, connait une crise qui divise ses rangs entre le « camp du OUI » et le « camp du NON ».
Aux Pays-Bas, la popularité de la coalition gouvernementale CDA (chrétiens-démocrates), VVD (libéraux) et D66 (libéraux de « gauche ») est tombée à 19 %. De plus, le pays connaît une crise économique incessante et fait partie des trois pays qui ont la plus rapide croissance de chômage dans l’UE. Le parti d’opposition PVDA (social-démocrate) et Groen-Links (vert-gauche) ont appelé à voté pour la constitution européenne. Les partisans pouvaient par conséquent compter sur le soutien de 85 % des parlementaires, ce qui est le même pourcentage de parlementaires que ceux qui en Belgique ont approuvé la constitution au parlement fédéral.
Fin 2004, les travailleurs hollandais avaient déjà montré qu’ils n’acceptent pas sans lutte les énormes mesure austérités du gouvernement Balkenende. Le 2 octobre, 300.000 personnes ont défilé dans les rues pour protester contre la politique du gouvernement. C’était la plus grande manifestation aux Pays-Bas depuis 15 ans. Le camp du « Non » néerlandais s’est trouvé renforcé par le « Non » français. La forte augmentation du nombre de votes pour le « Non » après le résultat en France était une expression de la solidarité internationale. Après le « Non » français et néerlandais, il y a d’ailleurs une tendance similaire au G-D du Luxembourg où le camp du « Non » dans les sondages est en augmentation de 23 % à 45 % (au 9 juin). Les campagnes autour de la Constitution Européenne ont comme conséquences un renforcement de la solidarité entre les travailleurs et les jeunes des différents pays et leur résistance contre le projet européen des grandes entreprises et des riches.
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France. Le NON à la Constitution européenne dynamite la gauche
A l’heure où paraît cet article, nous ne connaissons pas encore les résultats des référendums organisés en France et aux Pays-Bas sur la Constitution européenne. Par contre, en Belgique, une chose est certaine : 100% des Belges n’auront pas été consultés !
Jean Peltier
Il a été un moment question d’organiser en Belgique aussi une consultation populaire sur le sujet. Mais l’opposition des partis socialistes et chrétiens a enterré le projet. Motifs officiels : le seul parti parlementaire opposé au projet de Constitution européenne étant le Vlaams Belang, il ne serait pas indiqué de lui offrir une tribune d’expression « grand format » à l’occasion d’un référendum et il serait dangereux, en plus, de développer de nouvelles tensions communautaires à cette occasion. Au nom d’un antifascisme de pacotille et de la défense de l’unité du pays, on a donc décidé en haut lieu de faire ratifier ce projet à la sauvette par le Parlement fédéral puis les parlements régionaux. Et, pour ne prendre aucun risque, la « grande campagne d’information populaire » annoncée en contrepartie de l’absence de référendum a été enterrée avant même d’être lancée…
La vraie raison pour la non-organisation d’un référendum est bien sûr ailleurs : c’est la peur que, comme en France, l’opposition à cette Constitution soit beaucoup plus forte que prévu et qu’elle provoque de grosses tensions au sein des partis, particulièrement au sein du PS et des Verts, et qu’elle creuse encore un peu plus le fossé entre la FGTB, où l’opposition à la Constitution est forte, et le PS et le SP.a.
De son point de vue, Di Rupo a raison de se méfier des remous qu’un véritable débat sur cette Constitution pourrait provoquer dans son parti et dans la gauche belge quand on voit ce qui se passe chez nos voisins. C’est une véritable fracture qui s’est développée au sein de la gauche française. Les directions du Parti Socialiste et des Verts, ainsi que le syndicat CFDT, se sont ralliés sans le moindre état d’âme au libéralisme. Elles mènent activement campagne pour le Oui à la Constitution, aux côtés des partis de droite et du patronat et avec l’appui d’un bombardement médiatique rarement vu.
Mais, malgré cela, elles se retrouvent aujourd’hui minoritaires au sein de l’électorat de gauche sur cette position. Car beaucoup de travailleurs et de jeunes ont vu l’occasion de transformer ce référendum en « raffarindum » et entendent bien se saisir de l’occasion qui leur est donnée pour dire à la fois « Non à Raffarin » et « Non à la Constitution ». Les dirigeants de droite et de gauche ont beau hurler que ces deux « non » n’ont rien à voir, de moins en moins de gens les croient. Car la politique de Raffarin – détricotage des 35 heures, attaques contre la Sécurité sociale, privatisations en cours à la Poste et dans les services publics de l’électricité et du gaz (EDF-GDF), suppression du lundi de congé de Pentecôte,… – n’est que l’application en France de la politique que la Commission européenne préconise et que la Constitution renforcerait.
S’appuyant sur ce rejet populaire de la politique libérale du gouvernement, une alliance pour un « Non de gauche » s’est développée au cours de la campagne entre le Parti Communiste, les courants de gauche dans le PS et les Verts, une partie de l’extrême-gauche (la LCR), ATTAC, des syndicats de travailleurs (CGT et SUD), de paysans (Confédération Paysanne) et d’étudiants (UNEF) et quantité d’autres mouvements et associations. Les porte-parole de ce « Non de gauche » n’ont pas une perspective de rupture avec le capitalisme ni même avec l’Union de la Gauche qu’ils veulent simplement réorienter un peu plus à gauche que sous l’ère Jospin. Mais ces fractures dans la gauche politique et sociale et surtout l’ampleur de la mobilisation militante pour le Non montrent – quel que soit le résultat final du référendum – le potentiel énorme qui existe pour la formation d’un nouveau parti qui défendrait clairement les intérêts des travailleurs et se placerait en rupture avec les exigences du capitalisme. Le drame est qu’il n’y a actuellement que très peu de forces militantes qui mettent clairement en avant cette perspective.
Pour une critique de la Constitution européenne, voir l’article« Une camisole de force ultra-libérale »
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Les derniers acquis de la Révolution d’Octobre attaqués en Russie
C’était en janvier-février de cette année, à Saint-Pétersbourg et ailleurs en Russie; des dizaines de milliers de personnes étaient descendues dans les rues, bloquant voies ferrées, autoroutes,… Tout en réclamant la démission de Vladimir Poutine. Pour la première fois depuis son accession au pouvoir en 1999, les sondages faisaient apparaître une majorité de russes le contestant.
Nicolas Croes
En cause, ce que l’on appelle la " monétarisation " des allocations. Les pensionnés bénéficiaient jusqu’alors de 50% de réduction pour leurs loyers et des transports en commun gratuits, avantages dont bénéficiaient également plusieurs secteurs de l’Etat. Tout cela fut supprimé et remplacé par une compensation financière ridicule. Les mobilisations qui suivirent furent les plus massives de l’ère Poutine, et prirent un tournant particulier, car ces attaques visaient les derniers acquis sociaux issus de la période soviétique, et se déroulaient très exactement un siècle après la révolution avortée de 1905. Ce n’était pas seulement Poutine qui était décrié, mais également le régime, et, de plus en plus, le capitalisme en lui-même.
Différentes études parues lors des élections présidentielles de 2004 notamment avaient déjà permis de démontrer que l’offensive extrêmement violente menée à l’encontre du passé soviétique de la Russie n’avait pas abouti aux résultats attendus. Malgré le flot ininterrompu depuis 1991 d’articles, d’analyses d’archives, de livres ou d’émissions télévisées ou radio dénonçant le "communisme" et promouvant les "valeurs marchandes démocratiques", 57% des Russes veulent revenir au régime soviétique, même dégénéré et bureaucratisé comme il l’était.
Quinze années après la chute de l’Union Soviétique, 45% de la population considèrent encore ce système comme meilleur que l’actuel, et 43% veulent une "révolution bolchévique". Quant à l’opinion des russes concernant les privatisations, 80% les définissent comme criminelles… Il faut toutefois nuancer cela, les jeunes n’ayant pas ou peu connu l’URSS sont de loin plus perméables à la propagande du Kremlin actuel.
Les raisons d’un tel sentiment, malgré l’absence de démocratie ouvrière que connaissait l’URSS depuis le milieu des années vingt? C’est qu’à côté de la bureaucratisation de la société sortie de la révolution d’octobre subsistaient encore des acquis de cette révolution. Mais ceux-ci n’étaient plus que l’ombre de ce qui fut décidé à l’origine. On trouve à ce sujet d’intéressantes données dans le livre de Boukharine et Préobrajensky L’ABC du Communisme, publié en 1919. Ainsi, il était interdit d’utiliser le travail des mineurs âgés de moins de 16 ans, alors qu’ils étaient encore envoyés dans les mines en Belgique. Ceux-ci étaient graduellement retirés du travail et, tout en assurant leur vie matérielle, placés dans des écoles. Les femmes enceintes, ou ayant accouché, recevaient une allocation spéciale égale à leurs appointements, pour tout le temps de leur inactivité, ainsi qu’un subside supplémentaire pour les soins à apporter à l’enfant. De plus, les journées de travail étaient fixées à un maximum de 8 heures, moins pour les travaux plus pénibles, qui étaient par ailleurs interdit pour les adolescents et les femmes.
Il existe une multitude d’exemples, comme l’assurance en cas d’accident, qui permettait d’indemniser toute la famille,… Les malheurs que connurent les travailleurs russes à ce moment n’étaient pas dus à de mauvaises lois, mais à une grande insuffisance découlant du blocus décrété par les puissances impérialistes et de la guerre civile.
Tout cela peut se réduire au fait que la priorité n’était pas de faire du profit. Il y eut durant les premières heures du régime soviétique un réel accent sur le bien-être des travailleurs, et ce en dépit de l’isolement, de la guerre et de la famine. Non pas secondairement et dans le seul but de justifier le pouvoir accaparé par la bureaucratie comme ce fut le cas sous Staline et ensuite, mais tout simplement parce que là est le seul objectif du socialisme.
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Allocations et pensions en danger!
Il y a 60 ans, alors que la Belgique était encore occupée, le patronat et les syndicats négociaient un " Projet d’Accord de Solidarité sociale " qui jetait les bases de la Sécurité sociale actuelle. Il s’agissait surtout pour la bourgeoisie de préserver sa position de classe dirigeante alors que le stalinisme exerçait un grand pouvoir d’attraction sur la classe ouvrière du fait du rôle des partis communistes dans la Résistance et du prestige de l’URSS. Depuis la crise des années 70, la bourgeoisie n’a eu de cesse de démanteler la Sécu pour sauvegarder ses profits.
Thierry Pierret
Avant la Seconde Guerre mondiale, la Sécurité sociale en Belgique n’était qu’embryonnaire. Au 19ème siècle, les ouvriers ont créé les premières mutualités pour se prémunir contre les risques de l’existence. La misère était telle que la mort fut le premier risque à être couvert. Après avoir mené une vie infra-humaine, les ouvriers tenaient à avoir un enterrement et une sépulture dignes de ce nom. Ensuite, les mutualités ont tenté de prendre en charge les risques liés aux accidents de travail, aux maladies professionnelles et à la vieillesse. La question de la vieillesse était particulièrement brûlante, car les ouvriers n’avaient pas les moyens d’entretenir leurs parents âgés. Des milliers de mutuelles partiellement subsidiées par l’Etat voient le jour pour tenter de pallier à cette situation. En 1913, on comptait 5.000 sociétés d’assurance-maladie avec quelque 500.000 membres et 200 caisses de retraite avec 300.000 membres. Certaines de ces associations ne comptaient que quelques dizaines d’affiliés, ce qui rendait impossible de répartir les risques sur une base large. Si on ajoute que les cotisations étaient très basses, on comprendra aisément que la protection offerte était aléatoire et largement insuffisante pour couvrir les besoins.
Le Pacte social de 1944
Le Projet d’Accord de Solidarité sociale – en abrégé Pacte social – sera coulé en forme de loi par l’Arrêté-Loi du 28 décembre 1944. Il instaure un système basé sur 4 piliers : vieillesse (pensions), maladie-invalidité, chômage, allocations familiales. Le système est basé sur la triple contribution des patrons, des travailleurs et de l’Etat à l’Office national de Sécurité sociale (ONSS) qui finance les différentes branches de la Sécu. Cette triple contribution est évidemment un leurre. En réalité, la distinction entre cotisations patronales (versées directement à l’ONSS avant payement du salaire brut) et cotisations des travailleurs (prélevées sur le salaire brut) est purement technique. En effet, l’argent que les patrons versent directement à l’ONSS est une composante du salaire puisqu’il sert pour l’essentiel à financer des allocations de remplacement (pensions, chômage, maladie-invalidité) qui ne sont rien d’autre qu’un salaire différé. Cette présentation des choses permettait à la bureaucratie des syndicats et du PSB de justifier idéologiquement le maintien de l’autorité du patron dans l’entreprise comme " contrepartie " à la participation des patrons au système.
La période de croissance économique exceptionnellement longue qui a suivi la fin de la Seconde Guerre mondiale a permis à ce modèle de collaboration de classe de fonctionner jusqu’à la moitié des années 70. A ce moment, la baisse tendancielle du taux de profit (il faut toujours plus de capital pour un même niveau de profit) a rendu impossible le maintien du système tel quel pour les patrons. Les patrons doivent absolument restaurer le taux de profit en rognant sur le niveau de vie des travailleurs. Les patrons et les gouvernements successifs n’auront de cesse de réduire la part des revenus du travail dans le Produit intérieur brut (PIB) en bridant la croissance des salaires et des allocations sociales. La chute du stalinisme en 1989 ouvrira la voie à une offensive idéologique de la bourgeoisie contre les acquis sociaux et à la transformation des partis sociaux-démocrates en partis bourgeois. Désormais, l’offensive de la bourgeoisie contre la Sécu ne sera plus seulement quantitative (réduire le montant des allocations en termes réels et en exclure une partie des bénéficiaires), mais aussi qualitative. Il s’agit désormais de démanteler le système de la Sécu tel qu’il a été conçu en 1944.
L’Etat social actif
La philosophie qui soustendait la Sécurité sociale à sa fondation reposait sur l’idée d’assurance sociale. Les travailleurs s’assurent contre les risques de l’existence et cotisent pendant les périodes où ils sont actifs. Ils ont donc droit aux prestations de la Sécu dès lors qu’ils ont cotisé. Ce principe va être progressivement mis à mal. D’abord on va exclure du droit aux allocations plusieurs groupes de bénéficiaires. C’est surtout l’assurance chômage qui sera dans le collimateur ces deux dernières décennies qui sont caractérisées par un chômage de masse. On introduit l’article 80 qui permet d’exclure les chômeurs cohabitants (qui sont surtout des chômeuses) pour "chômage anormalement long". Un premier coup de canif est ainsi donné au droit illimité dans le temps aux allocations de chômage. Des dizaines de milliers de chômeuses seront ainsi exclues du chômage. Les chefs de ménage ne seront pas épargnés pour autant. Les chômeurs doivent accepter tout emploi convenable qui leur est proposé. Mais la notion d’emploi convenable va être interprétée de façon toujours plus large de telle sorte que nombre de chômeurs ont été contraints d’accepter un emploi bien en-deçà de leur qualification ou dans une région très éloignée de leur domicile. Le droit aux allocations est conditionné à la disponibilité sur le marché de l’emploi. Lorsqu’il n’y avait pas de chômage de masse, on estimait que cette condition était remplie dès lors que le chômeur ne refusait pas un emploi convenable. On va désormais exiger que le chômeur suive formations sur formations ou cherche activement un emploi et en fasse la preuve.
Le système des Agences locales pour l’Emploi (ALE) qui oblige les chômeurs à accepter des petits boulots en partie subsidiés par les pouvoirs publics inaugure, sans avoir l’air d’y toucher, un changement fondamental de la philosophie du système. Ce changement de philosophie sera amplifié et prolongé par la réforme de la loi sur le minimex. Bien que le minimex ne dépende pas de la Sécurité sociale, cette réforme n’est pas sans incidence sur son fonctionnement. En effet, nombre de chômeurs exclus se sont retrouvés au CPAS où ils vivotaient grâce au minimex. Ils doivent maintenant travailler pour garder leur droit au "Revenu d’Intégration" qui remplace désormais le minimex. La philosophie qui soustend ces réformes est "l’activation des allocations de chômage". On n’a plus droit au chômage parce qu’on a cotisé, mais on doit désormais "mériter" son allocation en acceptant un job d’appoint sous-payé. Les allocations de chômage deviennent donc un moyen de faire payer par la collectivité les salaires d’une série de petits boulots. C’est un formidable outil pour casser le marché du travail dans la mesure où cela met une pression énorme sur les conditions de travail et de salaire de l’ensemble des salariés. C’est ce qu’on appelle "l’Etat social actif". On peut dire que c’est la marque de fabrique de la social-démocratie recyclée en outil politique principal de la bourgeoisie.
L’offensive contre les pensions
Après les allocations de chômage, c’est désormais le régime des pensions qui est dans la ligne de mire. Le gouvernement, les médias, les économistes font chorus pour nous mettre en garde contre le "péril gris". Ils évoquent l’an 2010 avec des accents quasi messianiques. A cette date, les générations nées après la guerre arriveront d’un coup à la retraite, ce qui mettrait en péril le financement des pensions. Et d’évoquer une pyramide des âges inversée à l’horizon 2050 où les plus de 60 ans représenteront le double des actifs contre la moitié aujourd’hui. Il ne s’agit pas de contester ces évolutions démographiques, mais bien les conclusions qu’ils en tirent.
En effet, le financement actuel des pensions est basé sur le principe de la répartition. C’est-à-dire que les générations en âge de travailler cotisent pour payer les pensions de ceux qui sont partis à la retraite. On voudrait nous faire croire que le vieillissement de la population rendrait ce système intenable vu qu’il y aura de moins en moins d’actifs pour un nombre croissant de pensionnés. Et de mettre en avant la capitalisation comme alternative. Les travailleurs ne cotiseraient plus pour les générations précédentes, mais pour eux-mêmes. Des fonds de pension privés se chargeraient de récolter ces cotisations qu’ils investiraient en actions ou obligations. Ils les revendraient au profit du travailleur dès lors qu’il arrive à l’âge de la retraite. Le hic, c’est que, comme le démontre Gilbert De Swert dans son livre 50 mensonges sur le Veillissement, l’argument du veillissement joue aussi en défaveur de la capitalisation. En effet, il y aura toujours moins d’acheteurs potentiels de ces actions ou obligations puisque la génération suivante est moins nombreuse que la précédente. La faiblesse de la demande fera chuter leur valeur, ce qui privera le travailleur d’une pension décente. En outre, la capitalisation expose les travailleurs aux crises boursières qui résultent de la non-réalisation des profits escomptés. Le vieillissement sert d’alibi à une campagne idéologique en faveur de la privatisation des pensions.
Le veillissement de la population est un fait et les projections démographiques à long terme sont spectaculaires. Mais, curieusement, les auteurs de toutes ces études "omettent" de faire les mêmes projections pour les baisses de charges patronales. Les baisses de charges cumulées totalisent à ce jour 5 milliards d’euros par an… Faites le compte de ce que la Sécu aura perdu d’ici 40 ou 50 ans. Il en va de même de la hausse cumulée de la productivité. A raison de 1,3% en plus chaque année, les générations futures produiront plus de richesses que les actuelles malgré le vieillissement.
L’offensive actuelle de la bourgeoisie vise à faire table rase de tout ce qu’elle a dû concéder à une époque où le rapport de forces était plus favorable aux travailleurs tant sur le plan économique que sur le plan idéologique et politique. D’où l’idée d’un "financement alternatif" qui ne pèserait soi-disant plus sur les revenus du travail, mais qui permettrait surtout de passer d’un système de solidarité entre travailleurs à un système d’assistance "pour ceux qui en ont vraiment besoin". La Sécurité sociale sera le principal enjeu des luttes futures entre la bourgeoisie et le mouvement ouvrier.
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La lutte pour une organisation de jeunesse révolutionnaire
Les jeunes et la politique
Les jeunes (les lycéens, les étudiants et les jeunes travailleurs) ont accumulé une tradition énorme de lutte et de sacrifice. Leur lutte a inspiré la grève générale de Mai 68 en France, ils ont mis en marche le mouvement qui a jeté l’Apartheid dans les poubelles de l’histoire, ils ont affronté les chars staliniens en Chine, etc. Aujourd’hui aussi, les jeunes ont tout intérêt à lutter pour un avenir. Les jeunes sont les premières victimes de la crise et de l’exploitation. En France, des dizaines de milliers de lycéens ont fait grève il y a peu contre les réformes dans l’enseignement. Le gouvernement a pourtant refusé de céder quoi que ce soit. C’est pourquoi nous pensons que la défiance envers toute forme de politique ne fait pas avancer la lutte pour nos droits.
Emiel Nachtegael
La JGS dans les années trente
Comme exemple édifiant d’une organisation politique combative en Belgique, il y a la JGS (Jeune Garde Socialiste), l’organisation du POB dans les années 30.
Le chômage prenait alors des proportions hallucinantes: l’armée des chômeurs a crû jusqu’à un demi-million en février 1932 ! Les jeunes figuraient parmi les premières victimes. Les remous sociaux se généralisent et atteignent un point d’ébullition dans la grève des mineurs en 1932 où les JGS, avec les communistes et les trotskystes, ont joué un rôle de premier plan.
En 1933, Hitler arrive au pouvoir sans rencontrer la moindre résistance de la part des puissants partis ouvriers allemands social-démocrate et stalinien (SPD et KPD) ; il les supprime l’un et l’autre ainsi que les syndicats. Les jeunes travailleurs belges ressentent instinctivement la menace et affluent massivement dans les organisations ouvrières. La JGS passe de 6000 membres en 1929 à 25.400 en 1934. En 1935, pas moins de 35.000 jeunes défilent lors de la manifestation annuelle de la JGS. Ils réclament des ‘réformes structurelles’ anti-capitalistes dans l’industrie et dans les banques afin de lutter contre la crise. Le congrès de la JGS en 1933 a traduit ce sentiment en se prononçant contre la participation gouvernementale, contre le parlementarisme et pour l’action énergique contre le danger de l’extrême-droite.
La menace fasciste
La JGS, la jeunesse communiste et les jeunes trotskystes concluent en 1934 un accord pour l’action unifiée contre le fascisme. Bientôt suivront des initiatives d’unité sur le plan local entre des sections du POB et le PC. Et ce malgré la direction nationale du POB qui a toujours condamné ces initiatives et qui leur préférait les alliances gouvernementales… avec les banquiers et les Catholiques. Face à cette position ambigüe, les JGS étaient au premier rang dans la lutte : dans les milices ouvrières armées, en mobilisant massivement contre des meetings fascistes, etc.
Au congrès de la JGS de 1934, l’aile “révolutionnaire” dirigée par Dauge gagne la majorité: il faut répondre à la menace de guerre par la grève générale et l’insurrection armée des travailleurs. Le congrès reconnaît aussi la nécessité de construire un parti révolutionnaire sans toutefois se départir de sa position ambigüe envers la direction du POB. Ces tergiversations ont été sévèrement critiquées par le révolutionnaire russe Trotsky. La JGS ne s’opposera pas ouvertement à la participation gouvernementale du POB. Cette ambiguïté finira par conduire la JGS à la faillite.
La lutte contre la crise allait de pair avec une lutte politique pour le pouvoir : soit le pouvoir des banquiers et des patrons avec un scénario fasciste soit le pouvoir des travailleurs dans une économie démocratiquement planifiée. Mais le POB a tout fait pour dépanner les partis capitalistes ; ceux-ci ne pouvaient plus diriger le pays sans le POB au gouvernement, qui seul pouvait endiguer les luttes.
Le POB au pouvoir
En 1935, le POB entre ainsi dans le gouvernmement d’Union Nationale de Van Zeeland, un banquier. Du « Rien que le Plan De Man !» scandé par le POB, il n’en restera que le premier mot. Cependant, De Man et les autres ministres socialistes s’acquittent très bien de leur tâche… en envoyant les gendarmes contre la grève générale en 1936.
Quand ce gouvernement décide de garder les miliciens dans les casernes après leur service militaire, les comités de soldats de la JGS organisent des actions dans les casernes. Ces actions conduisent à des émeutes et à des manifestations de soldats. Lors de la grève générale, ces soldats refuseront de réprimer les grévistes. Le capitalisme belge tremblait sur ses bases et n’a dû son salut qu’à la direction du POB. La polarisation augmente de jour en jour. Lors des élections de 1936, tant les communistes que les rexistes (fascistes) en sortent vainqueurs. La direction du POB y répond par des exclusions et des mesures disciplinaires contre l’aile gauche. En 1936, 600 membres sont ainsi exclus de la JGS ; ils formeront ensuite la base d’une organisation de jeunesse trotskyste.
Le refus de la direction d’opter résolument pour un programme révolutionnaire clair et sa politique de ‘soutien critique’ à la direction du POB ne pouvaient que conduire la JGS à la capitulation. Le processus de dégénérescence, commencé en 1935, aboutit en 1940 à un appel à la jeunesse belge à se rallier à la ‘défense nationale’. Les parlementaires de la JGS voteront en faveur des crédits de guerre. Après sa dissolution, beaucoup de militants de la JGS combattront côte-à-côte avec les staliniens et les trotskystes dans la résistance armée contre l’occupation. Mais la JGS ne sera plus que l’ombre d’elle-même.
Aujourd’hui, le MAS-LSP pense qu’il faut plus que jamais s’organiser autour d’un programme socialiste qui doit faire l’objet d’un débat démocratique. Les jeunes du MAS renouent avec les traditions combatives de la jeunesse des années trente. Mais ce que nous retenons aussi des années trente, c’est qu’il nous faut un parti révolutionnaire des jeunes et des travailleurs pour ne pas laisser la victoire nous échapper. Construisons ensemble cette alternative ! Rejoignez le MAS-LSP !
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ATTAQUES CONTRE LES pensions en europe
Attaques contre les pensions en Europe
La lutte contre les pensions est menée avec hargne par les patrons et les gouvernements à l’échelle internationale. Les raisons sont les mêmes dans tous les pays. Les gouvernements de l’Union européenne qui n’ont pas de déficit budgétaire peuvent être comptés sur les doigts de la main. Avec une population qui vieillit et une croissance économique extrêmement faible, les dirigeants craignent que la croissance des dépenses pour les pensions ne gonflent les dettes déjà immenses. De leur côté, les patrons espèrent augmenter leurs profits par des allocations de pensions plus basses. Par un système plus privatisé, ils veulent libérer de l’argent pour placer en bourse. L’argent ne doit pas stagner dans les coffres des gouvernements mais doit servir à faire du profit par la spéculation.
Peter Delsing
L’attaque généralisée contre les pensions est surtout due au changement du rapport de force entre les travailleurs et les patrons après la chute du stalinisme. L’offensive néo-libérale s’est accélérée ces 15 dernières années. Les patrons s’imaginent qu’ils peuvent abolir tous nos droits pour se remplir les poches. Beaucoup d’exemples montrent cependant que le thème des pensions est très sensible. Ce sujet peut provoquer des mouvements de masse dans la classe ouvrière. En Autriche, les attaques sur les pensions ont déclenché, en mai 2003, la plus grande grève générale depuis un demi siècle et ce après des décennies de luttes isolées et sporadiques.
Italie
En 1994, le premier gouvernement Berlusconi a échoué dans sa tentative de démanteler les pensions. Une grève et des manifestations de masse avaient suffit pour que la Ligue du Nord, partenaire dans la coalition, fasse tomber le gouvernement. Sa base ne pouvait pas avaler la réforme. Le mouvement contre Berlusconi avait ainsi porté au pouvoir la coalition de l’Olivier, qui se revendique de la gauche. Mais le gouvernement Dini a aussi introduit une réforme des pensions : pour les jeunes travailleurs, les pensions ne seraient plus comptées sur base du salaire – plus élevé – des dernières années de carrière, mais sur base des contributions pendant toute la carrière. Les travailleurs qui cotisaient depuis plus longtemps restaient, eux, dans l’ancien système. Le pire, c’est que cette stratégie de division a été soutenue par les trois grandes fédérations syndicales.
De leur côté, les patrons ne voulaient pas du plan de Dini. Ils trouvaient que celui-ci n’allait pas assez loin. La politique antisociale de la coalition de l’Olivier a donné l’opportunité à Berlusconi de revenir au pouvoir. Confronté à des dépenses pour les pensions de près de 15% du PIB et à des dettes toujours plus importantes, Berlusconi a présenté un nouveau plan d’austérité en septembre 2003. Celui-ci prévoyait de faire cotiser les travailleurs italiens pendant 40 ans pour une pension complète, au lieu de 35 ans précédemment, et ce dès 2008. L’âge moyen de la pension, 57 ans, devait systématiquement augmenter à 65 pour les hommes et 60 pour les femmes. A terme, Berlusconi comptait économiser 12,5 milliards d’euros par an, soit 1% du PIB (dès 2012). C’est donc une pure mesure d’austérité. Le président du syndicat CGIL, Epifani, menaçait déjà à l’époque d’organiser une grève générale. Le jour suivant l’annonce du projet, de nombreuses grèves spontanées éclataient de toute part dans la péninsule.
Le 24 octobre 2003, les trois grands syndicats – CGIL, CISL et UIL – organisaient une grève générale de 4 heures, à laquelle 10 millions de travailleurs ont participé. Plus de 100 manifestations ont été organisées. Bizarrement, le dirigeant de la CGIL Epifani déclarait qu’il ne s’agissait pas d’une « grève politique ». Il disait également que la chute du gouvernement Berlusconi en 1994 était la conséquence de la position de la Ligue du Nord et non pas des manifestations contre la réforme des pensions. Cette position souligne le manque d’alternative politique de la part des dirigeants syndicaux. A Rome, le dirigeant du parti d’opposition le plus important, la Gauche Démocratique (ex-communiste), a pris la parole lors de cette manifestation.
Malheureusement, Bertinotti, dirigeant du grand parti de gauche Refondation Communiste, a essayé de s’appuyer sur les partis discrédités de la coalition de l’Olivier. Alors qu’il fallait garder une attitude totalement indépendante de l’ex-«aile gauche» de la politique bourgeoise. Refondation Communiste ne pouvait et ne peut pas regagner la confiance des travailleurs de cette façon.
Le samedi 6 décembre 2003, à Rome, les syndicats organisaient une manifestation de 1,5 million de participants contre les plans de réforme des pensions de Berlusconi sous le slogan «Défendez votre avenir!». «Les contre-réformes ne passeront pas!», disait Angeletti, dirigeant de l’UIL. Le 26 mars 2004, une deuxième grève générale autour des pensions était organisée. De nouveau, plus d’un million de travailleurs étaient dans la rue. Mais aucun plan d’action réel n’était mis en avant pour chasser définitivement Berlusconi. Cela a permis au gouvernement de faire voter par le parlement les propositions de réforme pendant l’été 2004. Réaction de la direction syndicale: protestation verbale.
France
En France, les attaques contre les pensions ont également suscité des manifestations de masse. Le 13 mai 2003, une grève de la fonction publique, soutenue par quelques secteurs privés, a rassemblé près de 2 millions de manifestants dans 115 villes. Le mouvement contre la réforme des pensions de Raffarin montrait son potentiel à unifier les différentes luttes. Raffarin voulait allonger la durée de cotisation des travailleurs de la fonction publique de 37,5 ans à 40 ans pour une pension complète vers 2008 et à 42 ans vers 2020. Le 19 mai 2003, 700.000 travailleurs sont de nouveau descendus dans la rue.
Les syndicats CFDT et CGC ont néanmoins signé un accord avec le gouvernement de droite, lui permettant ainsi de poursuivre dans la même voie. Cela a provoqué des remous à la base et dans certaines directions régionales à la CFDT. La question de la démocratie interne a été posée et certains ont demandé la démission du président du syndicat. Deux autres syndicats – CGT et FO – ont organisé une nouvelle manifestation, le 25 mai à Paris, contre la réforme des retraites. A nouveau 1,5 million de personnes étaient dans la rue. Dans un sondage publié dans Le Parisien, 65% des sondés déclaraient soutenir ces manifestations.
L’appel pour une grève générale était toujours plus fort. Thibault, dirigeant de la CGT, craignait toutefois de perdre le contrôle de la base. Il s’est prononcé contre une grève générale parce que «ça affaiblirait la CGT pour des années». Le dirigeant du syndicat Force Ouvrière de l’époque, Marc Blondel, se prononçait dans un premier temps contre une grève générale – parce que ce serait «insurrectionnel» et cela poserait la question d’une «alternative politique». Ensuite il a été gagné à cette idée, mais « n’a pas voulu casser le front syndical»… C’est pourtant une grève générale de la fonction publique, en 1995, qui a torpillé le projet de réforme des retraites du gouvernement Juppé et qui a même mené plus tard à la chute du gouvernement. Les dirigeants syndicaux ne voulaient pas faire ce pas. Le 24 juillet 2003, la loi sur les pensions était voté par l’assemblée nationale.
Leçons des mobilisations
Les mobilisations contre la réforme des pensions peuvent mener à une lutte de masse de différents secteurs. Ces mobilisations ont la sympathie de la masse des travailleurs et peuvent – comme en France et en Italie – faire tomber des gouvernements. Les dirigeants réformistes sont un frein au mouvement. À la base,des comités de grève devraient être élus pour pouvoir décider de façon démocratique des objectifs de la grève. Ils devraient se rassembler régionalement et nationalement dans différents secteurs avec une force la plus efficace possible. Et cela pour démocratiser les syndicats et empêcher la trahison par la direction. Sur le plan politique il faut rompre avec les partis « progressistes » qui mènent une politique néo-libérale. La question d’un nouveau parti des travailleurs comme instrument politique de la lutte et la nécessité d’un gouvernement des travailleurs, appuyé sur les masses, deviennent alors des questions clés pour résoudre la situation.
La rôle d’une gauche syndicale combative est fondamentale. En Grande-Bretagne nos camarades ont joué un rôle important dans différents syndicats pour mettre en avant l’idée d’une grève générale contre les plans de pensions de Blair. C’était par exemple le cas dans le PCS, le syndicat des fonctionnaires où plusieurs membres du SP ont été élus au bureau exécutif. Confronté à la menace d’une grève des services publics juste avant les élections parlementaires en mai, Blair a fait marche arrière, du moins temporairement. «Une défaite importante», selon les porte-paroles du capital. Nous devons nous organiser nous aussi en Belgique pour pouvoir répondre aux attaques des patrons et du gouvernement.
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Minerval décuplé à la KUL
Apartir de la prochaine année académique, les étudiants non-EEES (Espace européen de l’enseignement supérieur qui regroupe les pays membres de l’Union européenne ainsi que 15 autres Etats) devront payer 5000 euros de minerval à la KUL au lieu de 505 précédemment.
Tina De Greef
Une exception sera faite pour les étudiants des 72 pays en voie de développement à travers le monde qui auront présenté une “demande motivée”. Sur 30.455 étudiants cette année, 6,5% ne viennent pas de pays EEES, tandis que 0,5% proviennent des pays en voie de développement. Il s’agit d’une double offensive: non seulement les minervals deviennent hors de prix, mais en plus la Belgique était déjà très chère pour la plupart des étudiants étrangers.
Cette mesure est à replacer dans le cadre de l’accord de Bologne qui prévoit une restructuration de l’enseignement supérieur. Dans le Décret du 30 avril 2004 du Ministère de la Communauté flamande concernant la flexibilisation de l’enseignement supérieur en Flandre, on peut lire dans la partie 5 (sur les étudiants étrangers), article 64, que l’organisme de gestion de l’institution peut librement décider du montant du minerval pour les étudiants qui ne touchent pas de bourse. Là-dessus, le 13 décembre 2004, le Conseil académique de la KUL a décidé d’augmenter les minervals de 900% pour ces groupes d’étudiants! De plus, on risque de payer plus de 5000 euros pour certaines orientations, par ex. : pour le « Master of Laws in Energy and Environmental Law » : 9000 euros! Et 290 euros de plus pour ceux qui désirent s’inscrire dans deux orientations.
L’université s’attèle consciencieusement à démanteler pas à pas la démocratie dans l’enseignement. C’est le début d’une série d’offensives menées dans le cadre de l’accord de Bologne. L’université commence par augmenter le minerval d’un groupe marginal d’étudiants qui ne peuvent guère résister. Portucala – l’association des étudiants étrangers – est une association estudiantine traditionnelle qui, d’un côté, déplore les mesures, mais les accepte de l’autre, avant même d’en informer les étudiants. Les arguments invoqués pour justifier cette décision sont construits sur une rhétorique nationaliste: la Flandre n’a plus à être responsable des subsides des étudiants étrangers. Faut-il en conclure qu’un Portugais serait plus flamand qu’un Brésilien? Avec cette tactique de diviser pour régner, l’université prépare progressivement l’augmentation du coût de l’enseignement et, de ce fait, le pas à franchir pour introduire cette mesure auprès des étudiants flamands se réduit de plus en plus. La mesure s’inscrit aussi clairement dans le plan de l’université visant à faire de la KUL une université d’élite. La direction y révèle qu’elle mesure la qualité de l’enseignement à son prix. Pas besoin d’être un génie pour comprendre que seuls les étudiants riches pourront financer leurs études à la KUL. Les moins fortunés se tourneront vers des universités plus abordables, dotées – évidemment – de moins bons équipements.
Dans la société actuelle, l’enseignement est devenu une entreprise qui doit être rentable ou, du moins, qui sait s’en sortir avec le moins possible de subventions de l’Etat. Avec EGA-Louvain, nous voulons dénoncer ces mesures et résister activement face à de telles offensives. Si les intérêts des étudiants étrangers sont en danger, ça nous concerne aussi. Si nous restons passifs, tous nos acquis risquent de subir le même sort. L’enseignement est un droit pour tous, pas une marchandise !
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Il y a 120 ans naissait le Parti Ouvrier Belge. De l’espoir à la résignation
"LA BelgiQUe est le confortable paradis et la chasse gardée des propriétaires fonciers, des capitalistes et des curés» résume de manière saisissante Karl Marx en 1865. «Le prolétariat européen doit apprendre à parler belge» affirme en 1902 la révolutionnaire allemande Rosa Luxembourg, impressionnée par les grèves générales successives menées par les travailleurs belges pour l’obtention du suffrage universel.
Jean Peltier
C’est qu’en moins de quarante ans, la combativité et l’organisation de la classe ouvrière belge ont fortement changé, et la création du Parti Ouvrier Belge en 1885 y est pour beaucoup. Qui peut douter en 1865 que la Belgique est un paradis pour les capitalistes et un enfer pour les ouvriers? Si la Belgique est alors la deuxième puissance industrielle du monde derrière la Grande-Bretagne, c’est à l’exploitation sauvage des ouvriers que les patrons belges doivent leur prospérité. La journée moyenne de travail d’un ouvrier est de douze heures, femmes et enfants peinent à l’usine ou à la mine, les accidents de travail sont quotidiens. Le logement est insalubre et plus de la moitié de la population est complètement illettrée. L’alcool fait des ravages et la religion fait le reste, ce qui permet à un industriel de déclarer en 1886 «Donnez Dieu au peuple et il n’y aura plus de révoltes contre le capital».
Vers le suffrage universel
Et pourtant, face au refus des patrons et de leurs politiciens catholiques et libéraux de toute concession qui améliorerait le sort des travailleurs, des grèves éclatent, spontanées et locales, quasiment chaque année à partir de 1866 dans le textile gantois, les mines du Borinage ou les usines métallurgiques liégeoises. Chaque fois, les forces de l’ordre tirent et tuent tandis que les dirigeants de ces grèves sont emprisonnés et lourdement condamnés. Dans ce monde ouvrier qui reste complètement inorganisé naissent dès 1875 les premiers groupes socialistes à Gand puis à Bruxelles.
Il faut pourtant attendre les 5 et 6 avril 1885 pour que naisse le Parti Ouvrier Belge représentant 59 groupes locaux. L’espoir est en marche, celui d’une organisation de l’ensemble de la classe ouvrière pour revendiquer ses droits, et en particulier les droits politiques par le suffrage universel. Celui-ci semble aux dirigeants du POB le meilleur moyen d’imposer des réformes favorables à la classe ouvrière dans un pays où il y a seulement 1 électeur pour 50 habitants! Tout au long des années qui suivent, le POB multiplie meetings et manifestations et prend même l’initiative d’organiser une grève générale en 1893 pour cette revendication. Les avancées conquises suite à cette grève permettent au POB d’envoyer 28 députés socialistes à la Chambre. Ce résultat est d’autant plus impressionnant que le parti ne dispose que de moyens financiers dérisoires, est à peine toléré et que toute sa campagne repose sur le dévouement de militants encore peu nombreux, mais en qui des centaines de milliers de travailleurs se reconnaissent. Il faudra encore deux autres grèves générales, en 1902 et 1913, et surtout la peur de la contagion de la révolution russe au lendemain de la première guerre mondiale pour que la bourgeoisie cède enfin et accorde le suffrage universel – pour les hommes uniquement ! – en 1919 ainsi que la limitation de la journée de travail à 8 heures.
Réformisme et légalisme
Mais si la création du POB a permis à la classe ouvrière de marquer son indépendance politique face à la bourgeoisie, la politique suivie par ce parti a imposé de sévères limites à cette indépendance. Quand éclate la première grève générale belge en 1886, le POB s’en tient prudemment à l’écart. Il dénonce la répression sanglante (24 morts) mais il considère que ce mouvement spontané est un gaspillage d’énergie qui éloigne de la lutte pour le suffrage universel. La composition du parti aide à comprendre cette orientation: les coopératives et les caisses d’assistance mutuelle y ont une forte influence, les groupes purement politiques sont minoritaires et, même au sein de ceux-ci, l’orientation est à la réforme du capitalisme plutôt qu’à la préparation de la révolution.
La direction du parti voit dans la grève générale non pas une expression de la puissance revendicative de la classe ouvrière qui renforce sa confiance pour préparer de nouvelles luttes mais un simple moyen de pression sur la bourgeoisie pour forcer celle-ci à concéder des réformes. Quand les dirigeants du POB se résignent à appeler les travailleurs à la grève pour le droit de grève pour tous, c’est après s’être assuré que ceux-ci seront bien encadrés et qu’il n’y aura pas de poussée insurrectionnelle. Avec cette politique qui a pour but de ne pas effrayer les alliés possibles parmi les libéraux, il ne faut pas s ‘étonner non plus que le POB ne sera jamais en pointe des luttes politiques ni pour les revendications d’égalité des femmes, ni pour la reconnaissance des droits du peuple flamand, ni contre le colonialisme belge en Afrique. Cette politique légaliste et réformiste conduira rapidement le POB à participer au gouvernement, à s’intégrer dans les institutions puis à accepter le capitalisme comme horizon indépassable.
L’histoire du POB et du PS qui lui a succédé montre que la formation d’un parti représentant les intérêts des travailleurs peut être un levier formidable pour la libération de ceux-ci mais que, sans un programme vraiment socialiste et une indépendance totale vis-à-vis de la bourgeoisie, ce parti risque de finir par devenir un frein dans cette lutte.
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Quel instrument politique? Un nouveau parti des travailleurs doit se doter d’un programme socialiste
Depuis la transformation en partis bourgeois des anciens partis ouvriers comme le PS et le SP.a, toutes sortes d’initiatives nouvelles ont vu le jour un peu partout dans le monde pour donner un prolongement politique à la lutte de millions de gens contre les atteintes à notre niveau de vie. Certains de ces nouveaux partis sont issus d’une scission des anciens partis ouvriers. D’autres sont nés dans le feu de la lutte ; d’autres encore sont le fruit du rassemblement de différentes forces de la gauche politique ou syndicale.
Els Deschoemacker
Quelques unes de ces nouvelles formations veulent s’atteler à la construction d’un nouveau parti de lutte. D’autres se limitent à des alliances électorales lors des élections. En tout cas, il y a de multiples leçons à en tirer pour résoudre le problème de l’absence d’un instrument politique et d’un parti de lutte pour la classe des travailleurs.
Un parti comme instrument de lutte et de discussion
Comment lutter contre les pertes d’emploi, pour de meilleurs salaires et conditions de travail, pour le maintien et l’extension de la Sécurité sociale, pour le droit à un enseignement de qualité pour tous,… Ces partis devront apporter des réponses à ces questions. Nous voyons un regain de la lutte des classes en Belgique comme au niveau international. Rien qu’en avril, il y a eu des manifestations des ouvriers du textile, des métallos, des travailleurs du non-marchand et des enseignants.
Leurs revendications n’ont trouvé d’écho chez aucun parti. Toute nouvelle formation ne pourra être viable et former un pôle d’attraction pour les travailleurs en lutte qu’en mettant en avant un programme d’action pour engager la lutte contre les réformes néolibérales. La lutte pour la réduction du temps de travail en tant qu’outil de répartition du travail disponible sur toute la population active en est un exemple. La revendication du maintien d’une Sécurité sociale unitaire en est un autre. Mais la lutte pour de meilleurs salaires, une pension garantie,… doivent également figurer dans le programme.
L’ASG en Allemagne
Bien que nos membres en Allemagne participent à la nouvelle initiative électorale de gauche ASG dont ils mesurent le potentiel, nous ne pouvons pas pour autant en ignorer les faiblesses. L’ASG est une initiative de bureaucrates syndicaux et d’anciens buraucrates du SPD. Elle veut se présenter à la gauche du SPD de Schröder lors des élections. C’est une réaction au mécontentement croissant dans la population et à la chute brutale du SPD dans différents sondages et scrutins.
L’existence d’une liste de gauche et l’attention médiatique qu’elle suscite suffisent à en faire un pôle d’attraction pour ceux qui se détournent avec dégoût du SPD et cherchent une alternative. Ils risquent pourtant de tourner le dos à cette initiative si elle reste absente de la lutte concrète contre les mesures néolibérales. Dans une première phase, l’ASG pourra certainement surfer sur les illusions réformistes et électoralistes qui vivent au sein de larges couches de la population. A terme pourtant, une stratégie purement électoraliste ne pourra qu’aboutir dans une impasse. L’adhésion annoncée de l’ex-dirigeant du SPD Oskar Lafontaine ne manquera pas de renforcer le caractère réformiste de cette initiative. Lafontaine était une personnalité populaire dans le SPD, mais il ne sortira pas du cadre du capitalisme.
On interdit déjà à nos membres – organisés au sein du SAV – d’adhérer à l’ASG à cause de leurs tentatives de faire de l’ASG un parti de lutte. Tout indique que la direction va utiliser des procédés anti-démocratiques pour empêcher les travailleurs et les jeunes d’infléchir le programme dans un sens plus radical.
Le Psol au Brésil
Le développement du Psol au Brésil est d’un tout autre calibre. Ce nouveau parti est issu de la lutte des travailleurs et des jeunes contre le néolibéralisme de ce qui fut un parti des travailleurs – le PT. Des parlementaires dissidents ont été exclus du PT pour avoir voté contre la réforme des pensions de Lula. Ils se sont associés avec des socialistes révolutionnaires pour créer une nouvelle formation, le Parti pour le Socialisme et la Liberté.
Contrairement à l’initiative précédente, cette formation se prononce ouvertement contre le capitalisme et le néolibéralisme qui va de pair. Elle reconnaît le rôle de la classe des travailleurs dans la lutte contre le capitalisme et se prononce pour une transformation de la société dans un sens socialiste.
Surtout, les responsables de l’initiative, parmi lesquels les membres de notre section brésilienne, comprennent que la démocratie et la liberté de discussion sont essentielles pour la construction d’un nouveau parti des travailleurs. A ce stade de la lutte des classes, il y a encore beaucoup de confusion sur la direction à prendre et la stratégie à suivre. C’est pourquoi il est d’une importance cruciale qu’on puisse tester et discuter les différents points de vue pour pouvoir en tirer des leçons utiles pour l’ensemble du mouvement ouvrier.
Mais la pression de l’électoralisme s’y fait aussi sentir. La nécessité d’être prêt pour les élections présidentielles de 2006 afin d’y présenter une alternative au PT met les militants sous pression. Ce serait pourtant une faute énorme de se tourner vers ces élections sans tenir compte du fait que des mouvements de lutte de grande ampleur vont poser la question des méthodes de lutte et du programme. Le Psol risque de manquer une occasion importante de transformer l’écho qu’il reçoit aujourd’hui en sections de parti capables d’organiser les travailleurs et les jeunes radicalisés du Brésil dans la lutte contre Lula.
On peut tourner les choses comme on veut : ce n’est que lorsque la classe ouvrière et les masses paupérisées auront tiré les leçons de leurs confrontations avec l’ordre établi qu’on pourra imposer des changements réels. Lorsque leur expérience de la lutte leur fait prendre conscience du rôle qu’elles peuvent jouer dans la lutte pour une transformation socialiste de la société.