Tag: Asie

  • Aidez-nous à mettre le MAS à l’ordre du jour !

    Du 12 au 14 décembre, le Mouvement pour une Alternative Socialiste va vivre son 11e Congrès national depuis février 1992. Ce Congrès s’inscrit dans une période de crise profonde pour le capitalisme. La bourgeoisie essaie par tous les moyens possibles de sauver son système, en recourant largement aux moyens de l’Etat, rompant ainsi avec ses propres règles néolibérales.

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    > Version pdf de cet appel
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    Les travailleurs et leur famille sont clairement les grandes victimes de cette crise, et tous les moyens invoqués par la classe dominante pour soi-disant sauver l’économie ne font que pousser un peu plus loin dans la misère l’immense majorité de la population mondiale. Aux Etats-Unis, des centaines de milliards de dollars ont été injectés par l’Etat pour renflouer les banques, pour collectiviser les pertes. Les travailleurs américains n’ont à nouveau pas eu droit à leur part du gâteau et des centaines de milliers d’entre eux ont été forcés de quitter leurs maisons, qu’ils ne pouvaient plus payer. La crise financière a peu à peu fait place à la crise économique avec des centaines de milliers de pertes d’emplois perdus dans les secteurs de la finance, de l’automobile, de l’aéronautique, de la construction, du transport, des soins de santé,…

    En Belgique aussi, le gouvernement, habituellement si frileux pour dépenser le moindre euro, n’a pas hésité cinq minutes avant d’offrir plus de 20 milliards d’euros au total pour sauver Fortis, Dexia, Ethias et KBC de la faillite. Et pour sauver l’emploi et en créer de nouveaux ? Pour assurer des allocations décentes ? Pour assurer des soins de santé, des logements, des transports publics de qualité et à prix abordable ? Pas un euro, bien évidemment.

    Depuis le début de cette année, les travailleurs luttent pour des salaires et des allocations plus élevées. Nous avons vécu une énorme vague de grèves et d’actions spontanées dans les secteurs métallurgique, pharmaceutique, pétrochimique, alimentaire, de la fonction publique, du non-marchand,… et ceci malgré le frein sur ces actions joué par les directions syndicales. La combativité est donc certainement présente. Une combativité à laquelle le patronat répond d’ailleurs de plus en plus avec des attaques sur le droit de grève, notamment par l’envoi d’huissiers et de policiers pour casser les piquets.

    Ces 20 dernières années, le socialisme a été poussé dans la défensive. Pendant toute cette période, nous avons mené une lutte pour sauvegarder nos idées, notre programme. Mais les idées socialistes sont aujourd’hui en train de ressurgir. En Allemagne, les ventes du « Capital » de Karl Marx ont déjà triplé cette année par rapport à 2005. Actuellement, selon les sondages, Die Linke pourrait devenir la troisième force politique du pays. De temps en temps, la gauche a droit à plus d’attention médiatique, comme le montre la couverture actuelle et l’engouement pour Olivier Besancenot en France, crédité de 13% dans certains sondages. Mais cela ne remplace pas la nécessité d’un parti capable de réellement changer la société. En Amérique latine, nous avons toujours dit que la position de Chavez n’était pas tenable à long terme sur base capitaliste. Avec la crise actuelle, le choix à faire entre capitalisme et socialisme va devenir sans cesse plus insistant.

    Le CIO et le MAS/LSP doivent donc plus que jamais mettre leurs idées et leur programme en avant. Cette nouvelle période nécessite un caractère plus affirmé de notre parti, un profil plus clair. C’est la raison pour laquelle, lors du Congrès national, nous voulons aussi donner un nom de parti à notre organisation du côté francophone. Et c’est aussi pourquoi, à partir d’aujourd’hui, nous devons plus investir dans la propagande.

    Nous devons aujourd’hui construire nos forces pour être capable d’accueillir ces jeunes et ces travailleurs qui se radicaliseront demain. Mais pour ce faire, nous avons évidemment besoin de temps, d’énergie, mais aussi d’argent. Nos membres ont déjà fait d’énormes efforts sur ces trois terrains et nous avons toujours pu compter sur le soutien régulier de beaucoup de sympathisants. Mais de nouveaux besoins s’imposent et nous espérons donc, à l’occasion de notre Congrès National, que nous pourrons à nouveau compter sur votre soutien.

    En 2006 et 2007, nous avons pu récolter plus de 15.000€ de dons lors de nos Conférences. A chaque fois, nous avons pu compter sur beaucoup de dons petits et moyens, mais aussi sur certains plus élevés. Cette année, notre objectif est de récolter au minimum le même montant.

    Une partie de cette somme sera directement utilisée à la construction de notre Internationale, le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO). Par exemple, 500€ seront immédiatement versés pour la construction de nos sections en Amérique Latine et 3.000€ seront donnés à l’appel financier général du CIO.

    Dans le contexte actuel, nos sections-sœurs à travers le monde ont un énorme potentiel de croissance et des tâches immenses à accomplir. En Amérique Latine, évidemment, mais aussi aux Etats-Unis, où l’énorme enthousiasme autour de la campagne de Barack Obama témoigne d’un regain d’intérêt pour le débat politique, pour une politique qui défende les travailleurs. Sans aucune illusion de leur part dans le nouveau président démocrate, nos camarades ont devant eux, là-bas aussi, une ouverture pour les idées socialistes. En Asie et en Afrique aussi, là où, entre autres, la famine et la malnutrition, aggravée par la crise alimentaire, a causé et cause toujours la mort de millions de personnes, et où la crise économique actuelle fait des ravages, parallèlement à l’augmentation des conflits interethniques.

    Mais les tâches en Europe et dans notre pays ne sont pas moins grandes. L’argent récolté grâce à cet appel financier servira donc aussi à la construction du MAS/LSP. Par exemple, les élections approchant, lors de notre campagne préélectorale qui consiste en la récolte de milliers de signatures de parrainage nécessaires, nous voulons être capable de distribuer un tract du même type que celui de notre campagne autour du pouvoir d’achat et de l’emploi.

    Nous appelons donc tous nos membres à faire un don (ou une promesse de don) le plus grande possible et/ou, pour ceux qui le peuvent, à augmenter leur cotisation mensuelle de membre. Nous faisons également cet appel à nos sympathisants. Si vous le voulez et le pouvez, faites un don ou une contribution mensuelle de sympathisant via un ordre permanent bancaire mensuel de soutien au MAS/LSP. Avec cet appel, nous ne te demandons ni plus ni moins que de t’investir dans la construction d’un parti avec l’objectif de réaliser ensemble une société socialiste.

  • Crise économique, chômage et pauvreté

    La Banque Mondiale a récemment adapté ses données sur la pauvreté dans le monde. En 2000, elle estimait que 985 millions de personnes vivaient sous le seuil d’extrême pauvreté de 1 dollar par jour. Maintenant, il est question de 1,4 milliard de personnes qui vivent sous un seuil relevé à 1,25 dollar par jour… pour l’année 2005, il y a trois ans déjà.

    Par Emiel, MAS-Anvers

    Depuis lors s’est déclenchée la crise alimentaire, avec au bas mot 100 millions de personnes qui ont rejoint l’extrême pauvreté. Près d’un quart de la population mondiale risque donc de ne plus pouvoir se nourrir. Dans des dizaines de pays, des émeutes de la faim ont déjà éclaté.

    Selon les Nations Unies, il y aurait pourtant suffisamment de stocks sur la terre pour nourrir 12 milliards de personnes, deux fois la population mondiale. Où est donc le problème ? Une partie de la population mange trop et l’autre pas assez ? La prospérité grandissante (d’une petite minorité) de Chinois en est-elle la cause ? Ou alors la consommation de viande en Occident ? Sans vanter pour autant les habitudes alimentaires occidentales, nous pensons que ces raisons sont très insuffisantes.

    La distribution inégale des richesses découle de la manière dont est orientée la production, où les profits passent bien avant les besoins. Ainsi, l’université d’Arizona a-t-elle calculé qu’aux Etats-Unis, près de la moitié de la nourriture produite est jetée, notamment parce que la date de péremption a été dépassée (1).

    Autrement dit, la nourriture excédentaire attend d’être périmée et jetée plutôt que d’être mise à disposition de ceux qui ont faim. L’exemple le plus pervers de la course aux profits en matière d’alimentation est la spéculation sur les céréales et les matières premières qui fait exploser les prix.

    L’économie entre en récession

    Aux Etats-Unis, la récession signifie une hausse de la pauvreté, du chômage, des expulsions et des saisies de logements. L’effondrement du marché immobilier américain a donné naissance à des nouveaux quartiers de tentes et de taudis. Les occupants de 2 millions de logements ont été expulsés et, selon les économistes, ce chiffre peut encore grimper jusqu’à 10 millions. L’an dernier, il y avait 37,3 millions de pauvres aux USA, soit 1 million de plus que l’année précédente. 18% des Américains de moins de dix-huit ans vivent dans la pauvreté.

    Le capitalisme américain n’est pas encore sorti d’affaire. Son secteur financier est évidemment le plus atteint. Mais la crise a déjà commencé à se développer dans l’économie réelle, aux Etats-Unis, mais aussi en Europe et en Asie. Les travailleurs du secteur financier ont été les premiers touchés, plus de 60.000 emplois ont déjà disparu essentiellement à New York et à Londres. En Grande-Bretagne, on estime que le chômage va augmenter d’un demi-million. C’est une condamnation sans appel du capitalisme et du néolibéralisme. La domination du marché à seulement conduit à ce qu’une poignée de milliardaires soit responsable de la misère de millions de personnes.

    En Europe, les perspectives de croissance sont mois après mois revues à la baisse et plusieurs pays sont déjà entrée en récession, ce qui signifie pour les salariés une baisse du pouvoir d’achat et des pertes d’emplois. Les travailleurs n’ont pas la chance de recevoir autant d’attention de la part des gouvernements que les grandes banques en crise. Car, si besoin est, celles-ci peuvent même être nationalisées pour éviter une faillite, comme ce fut le cas pour la Northern Rock Bank en Grande Bretagne ou encore pour les sociétés de crédit hypothécaires Freddie Mac et Fannie Mae aux USA. Pour sécuriser les bénéfices des actionnaires, la collectivité doit payer – ce que certains économistes bourgeois ont appelé sans rire « le socialisme pour les riches ». Mais, pour nos revendications salariales, il paraît qu’il n’y a pas de moyens…


    1. Humo, 09/09/08

  • France: Construisons un nouveau parti de lutte contre Sarkozy et le capitalisme !

    Construisons un nouveau parti de lutte contre Sarkozy et le capitalisme !

    Brochure Nouveau parti

    Depuis l’annonce en Juin 2007 par la Ligue Communiste Révolutionnaire de lancer un processus de création d’un nouveau parti anticapitaliste, la Gauche Révolutionnaire (section française du Comité pour une Internationale Ouvrière) s’est déclarée prête à y participer activement. La brochure éditée par leurs soins est donc une contribution et des propositions que nos camarades français soumettent au débat pour faire avancer la construction d’un outils de lutte pour les travailleurs.


    Cette brochure est disponible à 2 euros (sans les frais de port). N’hésitez pas à passer commande au 02/345.61.81 ou en écrivant à: info@lsp-mas.be.

    Voici quelques extraits de cette brochure…

    1) Pourquoi un nouveau parti des travailleurs est nécessaire ?

    Le système capitaliste cherche toujours à se présenter comme le seul système économique progressiste et viable, mais la situation internationale montre tout le contraire. C’est en réalité un capitalisme fragilisé par ses contradictions qui s’illustre dans les guerres et les conflits, dans la misère non résorbée et dans chacune des luttes sociales qui s’étendent dans toutes les parties du globe. Selon la Banque mondiale la croissance mondiale va ralentir à 3,3% en 2008 (autour de 5% les dernières cinq années). Causes principales de ce ralentissement : "l’affaiblissement du dollar, le spectre d’une récession aux Etats-Unis et la volatilité croissante des marchés financiers". Les institutions comme les groupes d’affaires envisagent fortement une récession aux Etats-Unis et annoncent une croissance américaine de 1,9 %. Une récession qui touchera fortement les économies notamment en Asie et dans l’Union européenne.

    Dans ce contexte de crise et concurrence accrue entre impérialistes, il ne s’agit plus pour Sarkozy d’essayer de maintenir un rang mondial impossible à conserver mais de tout axer autour de quelques secteurs stratégiques. Car la politique présidentielle est clairement au service de la haute bourgeoisie et des plus gros capitalistes français. Elle est donc prête à sacrifier le reste afin de maintenir et développer la petite dizaine de secteurs performants. Pour cela il est nécessaire d’accélérer les privatisations et les attaques contre le droit du travail afin de pouvoir créer ces super entreprises.

    Pour maintenir les profits les capitalistes français doivent abaisser directement et indirectement le coût du travail, c’est-à-dire la part de la valeur créée par le travail de l’ouvrier que le patron lui concède. C’est le but de l’offensive générale du gouvernement et de la haute bourgeoisie : allonger la durée du temps de travail, maintenir la politique de bas salaires, remettre en cause tout ce qui garantissait encore quelques droits aux salariés à travers les cadres des conventions collectives ou des contrats, définis nationalement, accentuer la concurrence entre les travailleurs avec ou sans emploi, relancer la croissance en la faisant porter par l’endettement des ménages. La manœuvre est simple : museler la classe ouvrière en lui ôtant toute possibilité de lutte, aussi bien légale que financière.

    Cette politique de Sarkozy n’est pas liée à une vision personnelle mais à une nécessité absolue du capitalisme français. Il n’y a pas de capitalisme amendable ou à visage humain. Aussi toutes les forces qui refusent de remettre en cause ce système visent donc de fait à servir cette politique. Le tout pour elles sera de placer un vernis plus ou moins opaque ou de placer quelques "mesurettes" pour faire baisser un peu la vapeur.

    C’est ce que vise le PS qui au-delà des mouvements de manche à l’assemblée ne développe pas d’opposition de fond à la politique de Sarkozy. Hollande n’a –t-il pas déclaré que "la politique de rigueur est inéluctable" ? On avait déjà pu constater lors de la campagne présidentielle que les programmes économiques du PS et de l’UMP étaient similaires. De plus en plus de travailleurs ont désormais conscience que le PS n’est plus dans leur camp. Cette évolution s’est depuis bien confirmée avec les entrées au gouvernement de Kouchner et Besson (ancien responsable à la direction du PS des questions économiques), avec les déclarations de Royal qui veut "augmenter la productivité de la France". La cerise sur la gâteau a été posée par Strauss Kahn et sa nomination à la tête du FMI (organisation fortement responsable pour la misère dans les pays ex-coloniaux) et qui a jugé dans son bulletin de février 2007 que le gouvernement français doit lutter contre les rigidités sur le marché du travail et doit éviter de nouvelles revalorisations du SMIC.

    Le PS est devenu un parti entièrement pro-capitaliste, un parti bourgeois qui ne défend plus les intérêts des travailleurs. Quant au PC, ce parti se contente de vouloir gérer "un peu mieux" le capitalisme sans construire une véritable opposition à la politique de Sarkozy au service des capitalistes. Certains militants ont cru peut-être à un renouveau avec notamment les collectifs pour le "non" au référendum sur la Constitution européenne. Mais faute de perspectives et d’alternative concrète à proposer aux travailleurs, son déclin s’est trouvé confirmé une fois de plus par les dernières élections. Et sous des dehors un peu radicaux, le PC se contente d’accompagner le PS et de faire des alliances avec celui-ci afin de sauvegarder son réseau d’élus mais n’apparaît plus massivement comme le parti qui représente les travailleurs. […]

    […] Un nouveau parti des travailleurs permettrait de regrouper les travailleurs des différents secteurs et les jeunes, tous ceux qui veulent lutter contre cette politique au service des riches et des patrons. Au sein de ce nouveau parti, les travailleurs et les jeunes pourraient discuter et décider des revendications et du programme, du fonctionnement et de comment construire un mouvement de masse pour stopper des attaques. Plus généralement ils pourraient discuter de la nécessité de s’opposer à la logique du profit et de se battre pour une véritable alternative au capitalisme : le socialisme. La création d’un tel parti pourrait être donc un pas positif et permettrait de commencer à construire une véritable opposition à Sarkozy et au capitalisme.

    2) Les bases programmatiques et l’orientation du nouveau parti des travailleurs

    […] Le nouveau parti devra être clair sur la cause des attaques, le système capitalisme lui-même. Ce parti devra se distinguer des partis traditionnels qui ont représenté les travailleurs et pour qui ils votent encore parfois. Il devra être clairement anticapitaliste et se battre pour une société débarrassée de la misère et de l’exploitation générée par la loi du profit.

    Le nouveau parti devra se distinguer de ceux qui acceptent de gérer les affaires pour les capitalistes. Il faudra refuser de soutenir dans les élections ceux qui privatisent, licencient ou acceptent d’expulser. Et dans les luttes, il faudra développer une orientation pour leur construction, leur renforcement et leur coordination comme le seul moyen durable de stopper les attaques. Le nouveau parti mettra alors en pratique une politique d’indépendance de classe face aux politiques capitalistes.

    Pour que cette société marche à l’endroit, c’est-à-dire pour les besoins de tous, c’est aux travailleurs de prendre les choses en mains. Ce ne sont pas les entreprises qui créent les richesses mais les travailleurs qui y travaillent. Le programme du nouveau parti doit montrer le rôle essentiel des travailleurs dans le fonctionnement du système capitaliste et les intérêts communs qu’ont tous les travailleurs. Le combat contre ce système qui n’apporte plus rien de bon durablement à la majorité des travailleurs et des jeunes doit être l’objectif du nouveau parti. La perspective du socialisme en alternative au capitalisme doit devenir une perspective crédible pour un nombre grandissant de travailleurs. La seule qui peut donner un avenir à l’humanité et à la planète.

    Quel programme pour le lancement d’un nouveau parti ?

    Le programme pour un nouveau parti des travailleurs doit établir les mots d’ordres permettant aux travailleurs de défendre leurs acquis et leurs emplois mais doit également donner une vraie perspective aux travailleurs pour pouvoir se débarrasser de l’exploitation et de la misère : la lutte pour le socialisme. Seul le socialisme mettra fin à l’exploitation et satisfera les besoins de toutes et de tous.

    C’est dans ce sens qu’un programme de défense des travailleurs doit développer des revendications immédiates pour lutter contre les attaques du gouvernement et des patrons. Ces revendications doivent s’inscrire dans le cadre plus global de la lutte pour le renversement du capitalisme et dans celui de la lutte pour le socialisme, car les acquis gagnés par les travailleurs sont en permanence remis en cause par les capitalistes, par leur volonté d’augmenter sans cesse leurs profits.

    (Seuls les titres sont reproduits ici, dans la brochure tout un programme de revendications est dévelopé)

    I) Un programme de défense des travailleurs

    […] Salaires, emploi, retraite, contre les licenciements, logement, services publics ….

    II) Luttons pour les droits démocratiques

    III) Non à l’impérialisme !

    IV) Pour la solidarité ouvrière internationale !

    V) Pour le renversement du capitalisme, pour le socialisme !

    Tant que les capitalistes possèdent des moyens de production, les travailleurs seront toujours exploiter et auront toujours du mal à subvenir à leurs besoins, même aux plus fondamentaux. Seule la propriété publique des principaux moyens de production permettra une organisation de l’économie dans l’intérêt de tous. Dans un premier temps, les entreprises du CAC 40 et des secteurs clés (énergie, transports, communications, banques, distribution…) doivent être expropriées. L’économie sera ainsi contrôlée et gérée démocratiquement par les travailleurs eux-mêmes et l’économie sera planifiée en fonction des besoins réels des travailleurs. Une telle gestion et planification constituera la base matérielle pour la construction d’une société socialiste. Une société où les décisions seront prises démocratiquement, grâce à des élections directes des représentants au niveau local, régional et national avec le seul objectif de satisfaire les besoins de tous et de faire disparaître chaque forme d’oppression, d’exploitation et de discrimination.

    Comment construire un Nouveau parti des travailleurs ?

    Aujourd’hui, la majorité des travailleurs et des jeunes ne sont pas organisés. Ils ont pourtant massivement lutté ces dernières années contre les politiques capitalistes, contre la casse des acquis sociaux. Ils ont également voté massivement pour les organisations anticapitalistes, comme récemment 2 millions pour LO et la LCR au premier tour des élections présidentielles. Cela montre le potentiel pour la création d’un nouveau parti anticapitaliste. La popularité d’Olivier Besancenot confirme dans une certaine mesure ce potentiel. De plus, aujourd’hui, l’absence d’un parti des travailleurs pèse sur les luttes. Les difficultés pour lutter contre la propagande des capitalistes contre les grévistes, "privilégiés et prenant en otages les autres travailleurs" pourraient être combattues par un parti des travailleurs qui mènerait une campagne de coordination et de soutien aux luttes. En ayant la possibilité de s’organiser, les travailleurs et les jeunes les plus combatifs auraient plus confiance, seraient plus efficaces dans la construction de leur lutte et plus forts dans la bataille dans les syndicats pour une orientation combative.

    C’est à cette couche des travailleurs et des jeunes que ce nouveau parti doit s’adresser en priorité car il est évident que ce nouveau parti ne peut pas être un simple regroupement des forces politiques déjà existantes. L’échec des collectifs antilibéraux avant les élections présidentielles en est une illustration. Pour le lancement du nouveau parti il faut donc une approche large et inclusive qui dépasse le cadre des organisations existantes. Ceci ne veut pas dire que les organisations anticapitalistes et révolutionnaires ne devraient pas participer à la construction du nouveau parti. Elles peuvent être à l’origine d’une telle initiative, être partie prenante, être constructrices et moteurs mais devraient toujours avoir le souci d’impliquer un maximum de travailleurs et jeunes encore inorganisés. […]

    […] Il faudrait donc que le nouveau parti s’oriente vers les luttes, se construise dans celles-ci et propose un programme, des revendications et des perspectives pour les luttes. Il doit être donc dès le début un véritable parti de combat contre les politiques capitalistes et il doit faire ses preuves dans les luttes à venir. L’intervention dans les luttes est cruciale pour pouvoir gagner le soutien des travailleurs et jeunes inorganisés à la recherche d’un outil pour défendre leurs intérêts, mais aussi pour gagner le soutien des travailleurs déjà organisés et plus expérimentés (syndicalistes, militants politiques et associatifs).

    3) Quel fonctionnement pour ce nouveau parti?

    Il ne s’agit pas de vouloir tout ficeler dès le départ mais d‘avancer des propositions qui nous semblent essentielles pour que ce parti puisse fonctionner démocratiquement et réponde aux enjeux auxquels il doit faire face.

    Ce nouveau parti doit être attractif et rassembler des jeunes et des travailleurs qui veulent se battre contre le capitalisme et les attaques du gouvernement. Un des enjeux sera de s’adresser aux jeunes et aux travailleurs qui ne sont pas organisés et de les convaincre de le faire. Ce parti doit être vu et utilisé comme un outil permettant de défendre les intérêts de la classe ouvrière, d’organiser les jeunes et les travailleurs dans la lutte contre la politique du gouvernement et contre le capitalisme.

    Il est donc important que son fonctionnement soit réellement démocratique afin de permettre à tous [espace] ces nouveaux militants de s’impliquer dans la vie de ce nouveau parti , de participer à l’élaboration de son programme politique, de discuter de son orientation dans les luttes, de prendre des responsabilités. Ainsi, ces nouveaux militants pourront mieux intervenir sur leur lieu de travail [espace] , dans leurs quartiers, à la fac ou dans les lycées, pour construire les luttes, les soutenir et mobiliser. Pour cela il est indispensable que ce parti se dote de structures à l’échelle nationale, régionale et locale où les militants se retrouveront régulièrement.

    Une structuration permettant un fonctionnement démocratique

    La structuration de ce nouveau parti, avec des sections dans chaque ville, l’organisation d’assemblées générales régulières et de congrès nationaux est un élément central pour permettre aux militants d’agir et de décider ensemble. Les décisions devront être votées et des élections des instances devront être régulièrement organisées et ce à tous les échelons : locaux, régionaux, nationaux.

    Dans chaque ville, les sections se réuniraient régulièrement pour que les militants discutent de l’actualité politique, des luttes, de l’intervention du nouveau parti dans ces luttes, des points du programme politique… Les décisions prises par les sections seront remontées dans les instances.

    Seule une telle structuration garantit un fonctionnement réellement démocratique. Elle permet que chaque militant participe à l’élaboration du programme et que la ligne programmatique qui soit mise en avant par les dirigeants corresponde à celle définie par l’ensemble de ses militants. […]

    4) La Gauche Révolutionnaire et le nouveau parti

    La Gauche Révolutionnaire se bat pour un monde débarrassé de la guerre, de la misère, de l’exploitation. Nous sommes membres du Comité pour une internationale ouvrière (CWI/CIO) qui est présent dans plus de 37 pays sur tous les continents. […]

    […] Un nouveau parti des travailleurs pourrait être un pas positif pour redonner à la classe ouvrière une indépendance politique De nombreux exemples de révolutions ont montré que l’absence de parti révolutionnaire démocratique et ancré dans la classe ouvrière peut être fatale. Un tel parti révolutionnaire est indispensable pour faire une révolution socialiste et continuer la bataille avec tous les travailleurs pour que le pouvoir leur revienne vraiment. La Gauche révolutionnaire lutte pour la construction d’un parti révolutionnaire de masse, car pour défendre les idées réellement socialistes il faut être organisé et avoir un programme qui se donne comme objectif l’établissement du socialisme. Le mouvement ouvrier est assailli quotidiennement par les idées de la bourgeoisie, et il est traversé par différents courants. La création d’un nouveau parti devra permettre de clarifier le programme et la méthode pour que les travailleurs renversent le capitalisme, il devra donc réhabiliter les idées socialistes. Pour que cela soit possible il faudra qu’existe un courant révolutionnaire organisé dans ce parti et qui défende consciemment un programme authentiquement socialiste.

    Le PS et le PC ont depuis longtemps abandonné la perspective du socialisme et également la volonté de construire des luttes contre les politiques capitalistes. Les travailleurs n’ont donc plus d’outil pour se défendre, c’est pourquoi les capitalistes semblent si forts aujourd’hui. Un nouveau parti de lutte contre le capitalisme serait un pas positif pour redonner une indépendance et une représentation politique aux travailleurs et à la jeunesse. C’est le combat que mène la Gauche Révolutionnaire en France et les autres sections du Comité pour une internationale ouvrière.

    Les membres de la Gauche Révolutionnaire militent activement sur leur lieu de travail, dans les quartiers, dans les syndicats, dans la jeunesse, pour contribuer à construire les luttes et leur donner une orientation réellement combative. Que ce soit sur des questions immédiates (licenciements, dégradation des conditions de travail, de vie…), ou pour faire avancer les idées authentiquement socialistes, la Gauche révolutionnaire est ouverte à tous ceux qui partagent nos idées et qui sont prêts à lutter. Nous sommes donc disponibles pour la construction d’un nouveau parti des travailleurs et pour en discuter le programme (c’est l’un des objectifs de cette brochure). Nous n’avons pas la taille de la LCR et de LO mais nous militons activement pour que naisse dans les luttes et sur le terrain politique une véritable opposition à Sarkozy et au capitalisme.

    Les militants de la Gauche Révolutionnaire seront partie prenante du lancement de ce parti et de sa construction. Ils construiront ce parti loyalement en participant à ses réunions et activités, en le popularisant… Nous ne nous contenterons pas d’être des activistes de ce parti, nous interviendrons dans les discussions au sein du nouveau parti afin de contribuer à améliorer son fonctionnement et son programme.

    C’est dans ce cadre que la Gauche Révolutionnaire participera à toute initiative de lancement d’un nouveau parti des travailleurs ; en gardant sa structuration, ses instances, ses publications et son affiliation internationale.

    Parce que le capitalisme est un système mondialisé, notre combat ne s’arrête pas à la France. Dans de nombreux pays nous construisons des partis plus larges. Au Brésil notre organisation est l’une des initiatrices du nouveau parti (Parti Socialisme et Liberté, PSOL) qui a été créé il y a 3 ans. Lorsque de telles initiatives existent, et qu’elles sont réellement tournées vers la masse des travailleurs, des chômeurs, des jeunes etc., nous nous y investissons, défendant nos idées, et la construction d’un parti basé sur les luttes et la perspective d’un monde débarrassé du capitalisme, un monde socialiste. Et nous appelons tous ceux et toutes celles qui se retrouvent dans nos perspectives à nous rejoindre


    Visitez le site de nos camarades français:

  • www.gr-socialisme.org


    Liens:


    A lire également:

    “Mai ’68: Un mois de révolution”, par Clare Doyle, édité par le Mouvement pour une Alternative Socialiste, 90 pages, 7 euros. Présentation du livre ici. Un "must" pour éviter que l’expérience de Mai ’68 ne se perde pour les luttes d’aujourd’hui!

    N’hésitez pas à passer commande au 02/345.61.81 ou en écrivant à: info@lsp-mas.be.


  • Le capitalisme se dirige-t-il vers une crise économique profonde?

    Récession aux USA – Bientôt ici aussi ?

    L’économie mondiale est sans doute à un tournant. Une récession économique ou une crise aux USA aurait des conséquences bien plus profondes que la baisse des Bourses à laquelle nous avons assisté ces derniers mois. Elle se traduirait très certainement en Europe par de nouvelles vagues de licenciements massifs, de délocalisations et d’attaques contre les salaires et contre la sécurité sociale.

    Peter Delsing

    Au cours des années ‘90, le capitalisme a connu une forte croissance économique grâce, entre autres, aux nouvelles technologies (en particulier en informatique) ainsi qu’aux privatisations et aux délocalisations. L’ouverture de l’Europe de l’Est, de la Russie et de la Chine au capitalisme a aussi permis de réaliser des profits massifs parce que les sociétés multinationales ont trouvé sur place une gigantesque réserve de main-d’œuvre qualifiée et à bon marché. Tout cela a provoqué en retour une forte pression à la baisse sur les salaires dans les pays capitalistes les plus développés, encore une fois au bénéfice des patrons.

    Mais les années ‘90 ont aussi déjà connu différentes « bulles spéculatives » (des hausses de prix excessives sur différents marchés) à cause de l’afflux d’argent provenant des énormes profits réalisés par les entreprises. Ainsi, en 1997, la crise asiatique a entraîné une chute des monnaies et de valeurs boursières surestimées ainsi que l’éclatement d’une première bulle immobilière.

    Spéculation: le capitalisme de casino

    La part des sociétés financières dans le chiffre des profits globaux de toutes les entreprises après impôt a considérablement augmenté aux USA : elle est passée de 5% en 1982 à 41% en 2007 ! Ce poids des profits spéculatifs illustre le caractère malsain et pourri du capitalisme actuel. Les grands actionnaires se servent de la richesse qu’ils se sont appropriées sur le dos des travailleurs pour investir non pas dans la production réelle, mais bien dans toutes sortes de constructions financières en espérant réaliser ainsi de plus grands profits basés sur la spéculation.

    Après la crise de 2001, ce développement malsain et parasitaire du capitalisme n’a pu être maintenu que par la consommation des salariés. Mais comme leurs salaires réels avaient chuté, ceux-ci ont été incités à dépenser de l’argent qu’ils n’avaient pas encore gagné – en l’empruntant. En 2005, aux USA, les dettes pour le remboursement d’une maison s’élevaient en moyenne à 98% du revenu disponible alors que ce chiffre n’était encore “que” de 60% dans les années ’90.

    Afin de contrôler cette montagne de dettes, la Banque Centrale des Etats-Unis, la Federal Reserve (Fed), a commencé très progressivement à augmenter le prix de l’emprunt. Mais cette hausse – même limitée – des taux d’intérêts a eu immédiatement un effet ravageur sur les subprimes (les crédits à haut risque) et les prêts « NINJA » (pour « No Income, No Job, No Assets » : sans revenu, sans travail et sans patrimoine). Grâce à de tels emprunts, des gens qui n’étaient pas du tout solvables avaient tout de même pu acheter une maison puisqu’ils étaient sensés s’enrichir grâce à la hausse de la valeur de celle-ci et pouvoir décrocher ensuite de nouveaux prêts plus avantageux. Mais la saturation du marché et la hausse des taux d’intérêt par la Fed a fait s’écrouler cette illusion.

    L’économie américaine au-dessus de ses moyens

    Tant que les prix de l’immobilier augmentaient, beaucoup d’Américains ont eu l’impression de s’enrichir et ont ainsi contracté massivement d’autres types d’emprunts (voitures, MasterCard, etc.). C’est cette bulle de crédit qui a poussé la croissance américaine dès 2001 et qui a aussi gonflé artificiellement le dollar. Comme le gouvernement américain recevait aussi beaucoup d’argent, il pouvait se permettre de maintenir pour une certaine période des prix bas pour les bons d’Etats, c’est-à-dire les emprunts qu’il accorde lui-même. Pour soutenir une économie américaine basée sur la consommation, des pays asiatiques comme la Chine, dont l’économie repose sur l’exportation, ont acheté des bons d’Etats US afin de consolider leur propre position et de maintenir des prix élevés pour les produits américains.

    Cet équilibre artificiel entre les USA et les banques asiatiques devait immanquablement conduire un jour à un retour de flamme économique et à l’éclatement de la bulle du dollar. Les USA vivent depuis longtemps au-dessus de leurs moyens. Le capital américain espérait qu’à travers une baisse progressive du dollar, il pourrait faire endosser la crise au reste du monde. Ainsi, il a joué à la roulette russe avec les banques asiatiques et les investisseurs de l’OPEP en leur disant : « Si nous baissons le dollar, oseriez-vous changer en une autre monnaie vos dollars achetés avec vos surplus commerciaux et provoquer ainsi une crise économique et financière mondiale? »

    La récession touche les salariés et les pauvres

    L’économie américaine ne peut pas se sauver elle-même en se rattrapant sur ses exportations. Le développement de la consommation intérieure demeure crucial. Aujourd’hui, nous ne nous trouvons encore que dans la première phase de la chute des prix de l’immobilier et pourtant les USA sont déjà menacés d’une récession. Alors que les prix de l’immobilier n’ont chuté « que » de 8%, deux mil-lions d’Américains ont déjà perdu leur maison. Or on estime aujourd’hui que cette baisse pourrait atteindre au final 20 ou 30%. Dans un pays où le système de retraites est privé et côté en bourse, la chute de la valeur des maisons couplée à celle des Bourses constitue une catastrophe pour beaucoup de familles.

    A partir du secteur limité des crédits à haut risque, la crise s’est étendue, par l’intermédiaire des banques, au reste du système financier. C’est que les banques avaient « titrisé » ces mauvais emprunts, c’est-à-dire les avaient inclus dans des paquets comprenant aussi des emprunts plus sûrs, des actions et des obligations. L’idée était de répartir le risque et même de l’éliminer mais il s’est en réalité étendu comme un virus en infectant au passage de larges parts du système financier.

    Prises de panique, les banques ont limité fortement leurs opérations de prêts entre elles et aux entreprises, provoquant ainsi un ralentissement de l’activité économique. Au quatrième trimestre de 2007, la croissance américaine a chuté de 0,6% sur base annuelle alors qu’une croissance de plus de 3% serait nécessaire pour garantir le maintien de l’emploi. Deux Américains sur trois estiment déjà que leur pays se trouve en crise économique et la confiance des consommateurs a connu la baisse la plus prononcée depuis seize ans.

    Les bons de consommation ne suffiront pas

    La décision de la Fed de diminuer à nouveau à deux reprises le taux d’intérêt indique qu’une certaine panique s’est installée. En janvier, l’inflation a gonflé de 4,3% sur base annuelle. Si ce phénomène de stagflation – stagnation ou récession économique liée à une inflation – se maintient, le taux d’intérêt devra à nouveau être augmenté pour diminuer la quantité d’argent disponible et une récession profonde s’ensuivra.

    Le reste du monde n’est pas immunisé

    Il est illusoire de penser que le reste du monde est immunisé contre une récession survenant aux USA. Si, jusqu’ici, les répercussions se remarquent surtout sur les Bourses, les prévisions de croissance ont tout de même été revues à la baisse tant en Asie que dans la zone euro.

    D’après une déclaration récente de la Banque Mondiale, le PIB par habitant de la Chine est équivalent à 9,8% de celui des USA. Les classes moyennes limitées de la Chine ou de l’Inde ne pourront pas reprendre le rôle moteur joué jusqu’ici par le consommateur américain.

    L’économie mondiale se trouve à un tournant de la période post-stalinienne. Et au moment même où s’effectue ce tournant, dans des pays comme la Belgique et l’Allemagne, les salariés se mettent en mouvement contre la baisse du pouvoir d’achat. L’intensification du taux d’exploitation qui a permis la croissance économique dans les années 90 commence à se retourner contre le système : il n’existe plus de marge pour que les travailleurs puissent faire face à l’augmentation des prix.

    La plupart des travailleurs n’ont connu la croissance de l’après 2001 que sous la forme d’une baisse du pouvoir d’achat. Dans ces conditions, une nouvelle crise économique entraînera une ouverture plus large pour les idées socialistes et offrira plus d’occasions pour le développement d’une alternative révolutionnaire.

  • La démission de Castro ouvre un nouveau chapitre

    Quelles sont les perspectives pour la révolution ?

    La démission formelle de Fidel Castro du poste de Président de Cuba ouvre un nouveau chapitre dans l’histoire de Cuba et de sa révolution. Depuis le début de sa maladie en 2006 (un problème intestinal) d’intenses discussions ont été menées sur le rôle de Castro, lui-même lié au futur de Cuba. Sa démission indique qu’il ne se remettra probablement pas de sa maladie et que le gouvernement Cubain prépare la population cubaine à sa mort, peut être même bientôt.

    Peter Taaffe, Socialist Party ( CIO Angleterre et Pays de Galles)

    Quand cela arrivera, de nombreuses manifestations de masse, surtout en Amérique Latine, seront organisées. Malgré quelques erreurs et défauts de Fidel Castro, il est reconnu par les masses opprimées dans le monde comme une figure monumentale qui s’est battu avec ténacité contre leurs oppresseurs capitalistes et impérialistes.

    Cependant, les cercles capitalistes (de Bush aux exilés cubain à Miami qui salivent déjà à l’idée de profits plantureux après le « retour » de leur propriété) spéculent peu cette fois-ci, contrairement à 2006, sur l’écroulement imminent du régime de l’île. A l’époque, c’est Bush qui exprimait les prédictions de l’impérialisme américain : des émeutes dans les rues cubaines, un rapide « changement de régime » , non seulement du gouvernement cubain mais aussi de son système social – l’économie planifiée.

    Inversement, des millions d’ouvriers et les pauvres du monde entier espéraient le contraire ; que Cuba et les acquis sociaux de la révolution perdureraient même dans le cas d’un décès de Castro par sa maladie. Il est certain que sa présence considérable sera encore ressentie, mais sa démission traduit son incapacité à exercer le pouvoir comme il l’a fait précédemment et c’est probablement son frère Raul qui le reprendra.

    Depuis 1959 la révolution Cubaine est confrontée à un embargo sauvage imposé par l’impérialisme US, et on compte 600 tentatives d’assassinat à l’encontre de Fidel Castro. Cependant, Cuba a, au travers de son économie planifiée, a pu donner un aperçu des formidables possibilités de l’espèce humaine quand la mainmise des propriétaires terriens et des capitalistes est éliminée. Des figures héroïques comme Che Guevara et Fidel Castro exercent une profonde influence sur de nombreux jeunes et travailleurs dans le monde entier.

    La bonne réputation de Cuba sur sa gestion des problèmes sociaux tels que le logement, l’éducation, et particulièrement la santé a beaucoup progressée recemmnent. Le film incroyable de Michael Moore « Sicko » met bien en valeur le contraste entre le système de santé US, brutal et orienté vers une maximisation des profits et le système de santé gratuit cubain. Des citoyens américains ordinaires se retrouvant sans logement suite à des problèmes de santé (dont une personne ayant développé un cancer) ainsi qu’une travailleuse ayant participé aux secours lors du 11 septembre n’ont pu bénéficier de soins de santés à un prix abordable par le système de santé privé, honteux et orienté vers les entreprises que connaît les Etats-Unis. Ils ont cependant été secourus et soigné gratuitement quand Moore les a amenés à Cuba.

    En outre, huit étudiants américains ont été diplômés l’année passée après six années d’études gratuites. Un de ces diplômés déclara que « les soins de santés ne sont pas considérés comme un commerce à Cuba ». C’est exactement pour cela que par le passé les Etats-Unis et leurs Etats complice en Amérique latine ont tout fait pour essayer de détruire le modèle d’économie planifiée ayant émergé de la révolution cubaine. Et cela a provoqué une réaction massive de soutien à Cuba des populations d’Amérique latine, particulièrement dans la dernière décennie vu le néo-libéralisme sur le continent. Elles comparent les réalisations cubaines à la triste expansion record de la grande propriété terrienne et du capitalisme dans la région, tout comme en Afrique et en Asie.

    Les réalisations de la révolution

    Dans un livre révélateur récemment publié, (« Fidel Castro – ma vie ») pour lequel Castro a collobaré avec l’écrivain Ignacio Ramonet, il rapporte les impressionnantes réalisations de la révolution. Et commente : « Nous avons maintenant plus de 70000 médecins et 25000 jeunes étudiants en médecine… Nos voisins du nord [les USA] ne peuvent envoyer que des hélicoptères et non pas des médecins, ils n’en ont pas assez pour résoudre les problèmes du monde. L’Europe, cette « championne des droits de l’Homme » ne peut rien y faire non plus. Ils ne peuvent même pas envoyer 100 médecins en Afrique où plus de 30 millions de personnes sont infectées par le Sida… Je pense que nous aurons dans dix ans 100 000 médecins et que nous pourrions en avoir formé 100 000 de plus d’autres pays. Nous sommes les plus grands pourvoyeurs de médecins [dans le monde] et je pense que nous pouvons maintenant former dix fois plus de médecins que les Etats-Unis, ce pays qui nous a privé d’un bon nombre de nos médecins et qui a fait tout ce qui était possible pour priver Cuba de médecins. Ceci est notre réponse à cette politique. »

    Entre 1959 et aujourd’hui, l’espérance de vie à Cuba a augmenté de 19 ans. Suite à la contre révolution en Russie au début des années 90 elle est retombée pour les hommes à 56 ans ! Peut-il y avoir un plus grand contraste entre les objectifs de la révolution sociale et la barbarie de la contre-révolution capitaliste ? Et ceci a été mené à bien au moment fort d’une crise économique massive au début des années 90 suite au retrait de l’aide, particulièrement la fourniture de pétrole, d’abords par l’ancien président russe Boris Eltsine puis poursuivie par Vladimir Poutine, comme Castro l’explique dans son livre.

    Alors que les réalisations historiques (éducation gratuite et soins de santé performant) sont préservées à Cuba, un programme d’austérité brutal a cependant été infligé à la masse de la population. Le régime a été obligé de faire des concessions « au marché » et donc au capitalisme. A travers la « dollarisation », une économie parallèle s’est développée et a amené certains privilèges pour ceux travaillant dans le tourisme (payé en dollars) et les secteurs impliquant certains partenariats économiques internationaux.

    Malheureusement, ceux qui restent défenseurs de l’économie planifiée, comme les médecins, les enseignants, etc., sont toujours payé en peso cubain et souffrent énormément. Selon le célèbre auteur de gauche Richard Gott, même le monopole de l’Etat sur le commerce extérieur a été formellement aboli en 1992. Mais Cuba reste essentiellement une économie planifiée, avec des entreprises étrangères requerrant des autorisation du ministère du commerce pour effectuer leurs opérations. La décentralisation c’est opéré avec des centaines d’entreprises pouvant importer et exporter librement. Castro a cependant déclaré « que rien d’utile ne sera privatisé à Cuba et peut donc être maintenue comme une propriété de la nation des collectivité de travailleurs ».

    Il n’est pas exact actuellement de dire que la bureaucratie et les inégalités n’existent pas à Cuba. Fidel Castro l’a déclaré par le passé ainsi que dans son dernier livre. Il n’est pas la copie conforme de Staline comme l’on essayé de faire croire ses opposants capitalistes. Aucun culte de la personnalité financé par l’Etat n’existe à Cuba, et on ne voit aucun portait, statue ou image de Castro tant qu’il est vivant. De plus, alors qu’il admet ouvertement avoir commis des erreurs et zigzagué d’une politique à l’autre en causant significativement du tort lors des 49 dernières années, rien de tout cela n’est comparable aux crimes monstrueux du stalinisme : collectivisation forcées, grandes purges, etc.

    Politiques changeantes

    Ce livre révèle aussi un comportement parfois erratique de Fidel Castro. Il a par exemple proposé au dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev lors de la crise des missiles en 1962 une « première attaque » nucléaire soviétique contre les Etats-Unis. Khrouchtchev répondit à Castro : « Vous me proposez de mener une « première attaque » contre le territoire ennemi. Ceci ne sera pas une simple attaque mais le début d’une guerre thermonucléaire. » [p281]

    Castro s’en prend parfois à Staline : « Il a été responsable, de mon point de vue, pour l’invasion en 1941 de l’URSS par la puissante machine de guerre Hitlérienne, sans même que les forces soviétiques ai entendu un appel de mobilisation… Tout le monde connaît ses abus de pouvoir, la répression, et sa personnalité, le culte de la personnalité. ». Mais il affirme aussi que Staline « a l’immense mérite d’avoir industrialisé le pays, déplacé les industries militaires en Sibérie ; des facteurs décisifs dans la grande bataille mondiale contre la nazisme. ».

    Il affirme que Staline c’est « lui-même désarmé », mais en réalité a démantelé les défenses de l’union soviétique alors que les Nazis se préparaient à attaquer. Mais Staline n’était pas le concepteur originel du « plan quinquennal » ainsi que de son idée d’industrialisation. C’est Trotsky et l’opposition de gauche qui a formulé ces idées en premier. Staline les a empruntés et appliquées bureaucratiquement à grands frais inutiles pour l’Union Soviétique et sa population. Et Castro nie ostensiblement – à tort comme l’a indiqué Célia Hart – que Che Guevara a pu avoir des « sympathies trotskystes ». Castro affirme qu’il « ne l’a jamais entendu parler de Trotsky… Il était léniniste et, sur certains point reconnaissait des mérite en Staline ». Che Guevara, il est vrai, n’était pas un trotskiste conscient et convaincu. Mais lors de sa dernière période à Cuba il est devenu critique par rapport à la bureaucratie, et particulièrement dans les pays dis « socialistes » qu’il avait visité. De plus il avait un livre de Trotsky dans son sac de voyage quand il a été assassiné en Bolivie en 1967.

    Castro révèle dans ces commentaires, au mieux, une compréhension inégale du Stalinisme, d’un point de vue « sociologique » et politique. L’erreur des collectivisations forcées, les procès monstrueux, les purges, l’anéantissement des derniers restes de l’héroïque parti bolchevique n’étaient pas juste le résultat de la personnalité de Staline ou des « erreurs » mais bien les conséquences du caractère bureaucratique de la machine qu’il a mis en place. Staline dirigea une contre-révolution politique bureaucratique qui craignait le mouvement indépendant de la classe ouvrière et les idées de démocratie ouvrière, comme l’analysa brillamment Trotsky. Fidel Castro et Che Guevara se distancient de Trotsky et de sa critique du Stalinisme car le régime cubain est, en fin de compte, lui aussi dirigé par une élite bureaucratique détachée des masses populaires.

    Cuba et sa révolution est différente en de nombreux points avec la révolution russe, et Castro n’est pas Staline. Cependant, malgré son énorme popularité à ses débuts, ses faiblesses étaient traduites par le manque de contrôle et de gestion démocratique ainsi que par l’absence de conscience de classe claire parmi la classe ouvrière et les pauvres. Castro affirme lui-même qu’une « conscience socialiste » n’était pas présente au début. En outre, il n’y a tout au long du livre pas de perception claire du rôle de la classe ouvrière – comme expliqué par Marx- dans le rôle de moteur de la révolution socialiste, ni de son rôle de contrôle, avec les paysans pauvre, de l’Etat ouvrier né de la révolution.

    Il parle de 1968 mais reste silencieux sur le mouvement ouvrier en France cette année là, la plus grande grève générale de l’histoire. Il ignore aussi honteusement les massacres d’étudiants la même année au Mexique. A ce moment, à cause des liens diplomatiques avec le Mexique (le seul Etat d’Amérique latine a avoir reconnu Cuba à l’époque) Castro n’a pas dis un mot à propos des actions meurtrière du gouvernement mexicain.

    Quel est le caractère de l’Etat cubain ?

    La conséquence de tout cela est que l’Etat dominé par Fidel Castro et Che Guevara, tous deux énormément populaire pour avoir guidé et installé la révolution aux portes du monstre US, n’est pas contrôlé par des conseils ouvriers et paysans, comme c’était le cas en Russie en 1917. Ceci classe historiquement l’Etat cubain et le type de société qui émergea par la suite.

    Ceci se reflète dans la pensée de Castro à propos du caractère de l’Etat qu’il préside. Questionné par l’auteur Volker Skierka, Castro affirme directement : « Je ne pense pas qu’il faut avoir plus qu’un parti… Comment notre pays aurai t’il pu tenir debout en étant coupé en dix pièces ?… Je pense que l’exploitation de l’homme par l’homme doit cesser avant qu’on puisse avoir une réelle démocratie. »

    Cependant, sans réelle démocratie ouvrière, la transition vers le socialisme est impossible. La fin du monopole du parti unique, des élections libres et transparentes pour des conseils ouvriers avec le droit à tous de se présenter (incluant les trotskystes), un contrôle strict des revenus et le droit de révoquer les élus est le minimum d’exigences pour un Etat ouvrier démocratique. Sans réel contrôle et sans gestion de l’Etat et de la société, une machine bureaucratique va inévitablement se mettre en place et remettre en cause l’existence de l’économie planifiée. Ceci peut être une réalité dans une économie fort avancée et développée, pas comme Cuba qui n’a qu’un PIB représentant 0,3 % du PIB des Etats-Unis.

    Il est vrai qu’au début des années 90, faisant face à une situation économique en détérioration, un débat ouvert sur la constitution est apparu à Cuba, et des amendements constitutionnels (incluant une forme d’élections directes) furent proposé à l’assemblée nationale. Cette démarche était cependant toujours réalisée sur la base d’un candidat par siège au parlement. C’était une forme de « démocratie » permettant aux électeurs de choisir un candidat d’une liste, mais juste d’un seul parti. Aux récentes élections de janvier 2008, il y avait 614 candidats pour 614 sièges ! Parallèlement, les membres du comité central du parti communiste, le politburo et le conseil d’Etat, étaient soumis au veto, si nécessaires, de Fidel Castro.

    Dans « Ma vie », Fidel Castro semble contrer l’idée d’avoir un tel pouvoir quand il commente l’exécution du chef de l’armée Arnoldo Ochoa pour trafic de drogue présumé. Il affirme : « C’était une décision unanime du conseil d’Etat, qui avait 31 membres… Le conseil d’Etat est devenu un juge… La chose la plus importante est que vous avez à lutter pour vous assurer que chaque décision est prise par consensus entre tous les membres. » Le fait qu’une décision consensuelle a pu être prise au conseil d’Etat dans une situation aussi importante et hautement controversée en dis long sur cette institution et sur le pouvoir détenu par Castro.

    Dans l’introduction de son livre, même Ramonet déclare que Castro « prend toutes les décisions, petites et grandes. Malgré le fait qu’il consulte avec beaucoup de respect et de professionnalisme les autorités politiques concernées du parti et du gouvernement pendant le processus de décision, c’est Fidel qui a le dernier mot. ». Castro réfute cette accusation : « Beaucoup de monde me considère comme un voisin, me parle. ». En fin de compte, le pouvoir est détenu dans tout Etat par des dirigeants et des partis. Mais chaque direction et chaque parti devrait, spécialement dans un Etat ouvrier sain, être strictement contrôlé par les masses de la base.

    Dans un Etat ouvrier sain, tel qu’il existait en Russie entre 1917 et 1923, ce pouvoir était détenu par les soviets (assemblée) avec un contrôle strict des différences salariales, un droit de révocation des élus,etc. Ceci n’existe malheureusement pas encore à Cuba. C’est pourquoi le dilemme posé en Union Soviétique est également posé à Cuba, mais à une échelle plus réduite et sans l’héritage monstrueux du Stalinisme. Léon Trotsky a posé la question il y a 70 ans en parlant de l’Union Soviétique : « La bureaucratie va t’elle dévorer l’Etat ouvrier, ou la classe ouvrière va-t-elle nettoyer la bureaucratie ?… Les ouvriers ont moins peur, en jetant dehors la bureaucratie, d’ouvrir la voie de la restauration capitaliste. »

    Mécontentement grandissant

    Pour de grandes parties de la population cubaine, ceci résume probablement l’état d’esprit actuel. Le mécontentement s’étend, et particulièrement parmi la nouvelle génération. En effet 73% de la population est née après le triomphe de la révolution en 1959. L’aliénation de la nouvelle génération risque d’amener une « révolution sans héritiers ». Le remplacement de Fidel Castro par son frère Raul ne résoudra pas le problème sous-jacent. Il est associé à l’armée cubaine comme ministre de la défense.

    Au début des années 90, Raul était confronté à une forte austérité et eu l’idée d’utiliser l’armée dans quelques « expériences sur l’économie de marché ». Des officiers étaient envoyés étudier la gestion hôtelière en Espagne et la comptabilité en Europe. Raul a visité la Chine plusieurs fois afin d’étudier les politiques économiques de Pékin. Hans Modrow, le dernier premier ministre de la RDA, est actuellement en visite à Cuba pour partager des expériences sur la transition de son pays vers le capitalisme. Raul a aussi réduit la taille de l’armée et a poussé à une série d’innovations : des marchés de fermiers, le travail indépendant des plombiers, coiffeurs et autre entrepreneurs peu importants. C’est au travers de telles mesures que le capitalisme a déjà été réintroduit à Cuba, mais pas encore dans une position permettant la destruction des principaux aspects de l’économie planifiée.

    Il y a sans aucun doute des divisions au sein même de l’élite bureaucratique qui contrôle Cuba. Une partie voudrai « s’ouvrir » au capitalisme dans une forme « démocratique ». Leur difficulté est la loi Helms-Burton américaine. Même ces bureaucrates qui souhaiteraient le démantèlement de l’économie planifiée sont confronté à la perspective du retour à Cuba des réfugiés de Miami protégé par l’impérialisme US : « Pour mettre aux enchères les entreprises publiques, et vendre au plus offrant » (The wall street journal). Tout comme en Allemagne de l’est après la chute du mur, ces brutes demanderont vigoureusement le retour de « leur propriété », y compris des maisons occupées par des ouvriers et des paysans aujourd’hui. De plus, ils n’hésiteront pas à recourir à des bains de sang à l’encontre toute personne associée au régime de Castro.

    Plusieurs événements, et particulièrement les élections présidentielles américaines, pourraient avoir un effet profond sur Cuba. Barack Obama a déjà indiqué qu’il adopterai une ligne moins dure par rapport aux ennemis traditionnels des Etats-Unis : Cuba, Iran etc. B. Obama ou même Hillary Clinton – malgré ses récentes déclarations belliqueuses à l’encontre du régime cubain – pourrait agir pour démanteler partiellement ou totalement l’embargo. En Floride, la récession économique américaine apparaît avec des rangées entières de propriété vides. Même la nouvelle génération de réfugiées de Miami a atténué son opposition à la fin de l’embargo, pourtant longtemps implacable.

    Il y a déjà une pression considérable d’agriculteurs, du secteur touristique, sans parler de McDonald’s, afin de baisser les barrières pour prendre de bonnes parties bien profitable de Cuba. 100 membres du congrès américain demandent la levée de l’embargo. Et c’est bien cela qui est le plus grand danger pour les restes de l’économie de marché à Cuba. Des millions de touristes américains envahissant Cuba, même avec des dollars dévalués dans leurs poches, risque de donner un sérieux coup, peut-être mortel aux éléments restant de l’économie planifiée. Comme l’a expliqué Léon Trotsky, le réel danger pour un Etat ouvrier isolé n’est pas vraiment une invasion militaire mais « des biens bon marché dans les bagages de l’impérialisme ». Cette « invasion » de Cuba prendrai de nos jours vraisemblablement la forme du tourisme et des investissements capitalistes si le régime « s’ouvrait » dans le futur, sous Raul ou tout autre dirigeant. Mais ceci est une perspective peu probable, tant que Fidel sera en vie. Un réel danger de restauration capitaliste est cependant toujours existant.

    Le pétrole vénézuélien est vital pour Cuba. Mais que se passera t’il en cas d’explosion des cours du pétrole, ce qui est probable avec le début de la récession économique mondiale ? Le Venezuela sera profondément affecté, et par conséquent Cuba aussi.

    Il y a , et cela ne fait aucun doute, une autre frange de la direction et de la bureaucratie cubaine qui fera tout pour maintenir l’économie planifiée. Les marxistes, comme Trotsky l’a préconisé, devraient dans cette phase critique former un bloc avec cette frange de la direction et de la bureaucratie cubaine et chercher à mobiliser une résistance cubaine de masse contre toute menace de retour au capitalisme.

    Démocratie ouvrière

    Ceux qui, comme le membre du parlement britannique George Galloway, affirment que c’est l’embargo capitaliste sur Cuba qui est un important facteur de manque de démocratie sur l’île ont raison. Toutes les révolutions – même la guerre civile aux Etats-Unis – confrontées à une contre-révolution armée ont refusés de donner la liberté d’agir à ses opposants sous prétexte de « démocratie ». Mais nous ne soutenons pas à Cuba la liberté pour la contre-révolution de s’organiser afin de renverser la révolution. Vu les avantages de l’économie planifiée, et particulièrement si celle-ci s’organiserai dans le cadre d’une confédération socialiste démocratique rassemblant le Venezuela, la Bolivie et éventuellement l’Equateur, les contre révolutionnaire désirant revenir à la barbarie de la propriété terrienne et du capitalisme tel qu’il existe sur le continent Latino Américain auraient peu de marge de manœuvre.

    Cependant, si la question de l’interdiction de partis politiques de droite désirant un retour au capitalisme peut être un sujet un débat, ce ne devrai pas être le cas de la question de la démocratie ouvrière. Tout ceux qui soutiennent l’économie planifiée, y compris les trotskystes et autres, devraient pouvoir agir à Cuba. Ceci devrai faire partie du maintien et de l’extension de l’économie planifiée. Sans démocratie ouvrière, Cuba pourrait se retrouver des décennies en arrière et avec cela les espoirs de révolution socialiste en Amérique latine et dans le monde sérieusement mis à mal. Le maintien de cette révolution ne devraient pas être mis dans les mains d’un seul homme, aussi loyal et courageux soit t’il, ni dans les mains d’un groupe d’hommes et de femmes, mais dans les mains d’une classe ouvrière cubaine engagée et politiquement consciente, et liée aux masses d’Amérique latine et d’ailleurs.

    Ceci ne peut être accompli par le haut, comme l’ont montré les erreurs de Hugo Chavez au Venezuela. Les décisions doivent être prise tout de suite pour organiser une campagne de masse à Cuba afin de préparer le terrain à une vraie démocratie ouvrière. La crise mondiale du capitalisme globalisé et la révolte contre le néo-libéralisme en Amérique latine renforcent la perspective de défendre et de consolider les acquis de la révolution cubaine. Mais il ne faut pas perdre de temps dans lutte pour la démocratie ouvrière et le socialisme à Cuba, au Venezuela, en Bolivie et ailleurs.

  • L’impérialisme américain : affaibli et impopulaire, mais quelle est l’alternative ?

    L’impérialisme américain s’embourbe dans les problèmes. La guerre contre le terrorisme en Afghanistan et en Irak a provoqué plus d’instabilité et de terrorisme. D’autres alliés, comme le Pakistan, sont également touchés par ces convulsions. Aux USA, le moteur économique commence à capoter et on parle de récession. Ce dossier se propose de brosser l’état des lieux de l’impérialisme américain.

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    Vers une récession dure? Quelques citations

    “Si, en plus, le protectionnisme freine l’arrivage de marchandises bon marché venant d’Asie, nous entrerons bientôt dans une situation de récession économique combinée à une inflation galopante de 5 à 8 % (voire plus), bref à une stagflation. Une telle situation est à l’ordre du jour, mais le calendrier exact est difficile a estimer. Cela peut se produire à tout moment comme cela peut également être reporté. Mais plus ce sera postposé, plus la crise frappera durement, tout comme la désintoxication est plus dure si l’intoxication a été longue. L’effet sur la lutte de classe est difficile à juger. La période précédente de stagflation a provoqué une vague révolutionnaire qui a menacé l’existence du système. Les réserves construites pendant la période d’après- guerre et l’autorité qu’avaient les partis sociaux-démocrates et « communistes » (là où ils avaient une base de masse) ont finalement pu freiner ce mouvement. Mais il suffit de se rappeler les acquis de Mai ’68 – le mouvement de démocratisation de l’enseignement qui n’est toujours pas entièrement détruit – ou la Révolution des Oeillets au Portugal et les diverses révolutions dans les anciennes colonies pour en mesurer l’impact.” (“Stagflation: syndrôme d’une maladie chronique” Alternative Socialiste no 126, novembre 2007, à relire sur les sites socialisme.be ou marxisme.org)

    “Les USA n’ont connu que deux récessions ces 25 dernières années qui étaient l’une et l’autre une récession brève et douce. Il y a lieu de penser que la prochaine crise, lorsqu’elle viendra, sera plus grave.” (Wall Street Journal)

    “Le marché immobilier américain a connu la crise la plus grave depuis les années septante, avec des baisses de prix de 8% en moyenne depuis le pic de 2005, mais de 40% dans les régions les plus touchées. Le marché part de l’idée que la baisse pourrait continuer jusqu’à 30%. Cela augure de la direction que l’économie américaine pourrait prendre. Avec un taux de chômage record depuis deux ans (5% en décembre) et qui pourrait atteindre les 7% selon certaines estimations, le consommateur américain (qui a longtemps été considéré comme le moteur de la croissance mondiale) pourrait jeter le gant. La consommation des ménages a chuté de 0,4% en décembre. Les ‘experts’ en discutent encore, mais six Américains sur dix jugent que le pays est déjà en récession.” (The Economist du 12 janvier 2008)
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    La guerre contre le terrorisme n’est pas une grande réussite. Dès le début de la guerre en Irak en 2003, nous avons publié une brochure écrite par Peter Delsing qui expliquait les tenants et les aboutissants de cette “guerre pour le pétrole”. Cinq ans après, nous avons interrogé Peter sur la situation actuelle de la guerre.

    Trente mille soldats supplémentaires ont été envoyés sur place, l’impérialisme américain a-t-il réussi à stabiliser l’Irak après cette augmentation des troupes? Quelle est la situation en Irak même?

    “L’invasion en 2003 faisait partie des projets de l’aile néoconservatrice des Républicains. Ces projets existaient depuis longtemps et visaient au remodelage du Moyen-Orient. Les attentats du 11/09 ont fourni le prétexte rêvé à leur mise en oeuvre. Cette guerre devait permettre à Bush et Cie de rétablir leur emprise sur cette région vitale et pétrolifère et aussi de soutenir leur allié local : Israël. Les régimes en Irak et en Iran étaient une cause permanente d’exaspération pour les Etats-Unis. Bush n’aurait jamais envahi l’Irak s’il n’y avait pas eu de pétrole sous son sol. Mais Bush s’est fourvoyé sur la possibilité d’y établir un régime à sa botte.”

    “Le gouvernement de Maliki en Irak est assis sur un cimetière social. Chaque jour, des centaines d’adultes et d’enfants meurent des conséquences de l’occupation : le terrorisme, la violence, la misère, le grand banditisme, etc. En réalité, une guerre civile intercommunautaire y fait rage, entre chiites et sunnites ou entre Arabes et Kurdes. L’eau potable, l’électricité et même l’essence font défaut. L’augmentation des troupes a eu pour effet de militariser quasi complètement la ville de Bagdad et n’a fait que déplacer la violence ailleurs. Par exemple, les attentats terroristes se sont récemment multipliés au Kurdistan.

    “Ces divisions communautaires que les Américains ont institutionnalisées ne peuvent mener qu’à des conflits de plus en plus aïgus pour la répartition des maigres ressources encore disponibles. La seule alternative viable serait une lutte commune des masses laborieuses et pauvres pour assurer leur propre sécurité et la défense des besoins de base. Cette lutte devrait être liée au respect du droit à l’autodétermination des différentes composantes de l’Irak et enfin à la lutte pour la transformation socialiste de la société.”

    Quels sont les effets de cette politique impérialiste sur le reste du Moyen-Orient?

    “Parlons d’abord de l’autre aventure impérialiste, celle d’Afghanistan. Un politicien britannique a récemment déclaré qu’on sous-estimait la position délicate du gouvernement de Karzaï. Fin janvier, les USA ont déplacé 2.200 marines vers l’Afghanistan, car la menace d’une offensive des Talibans se précisait dans le sud du pays. Lors du Forum Economique Mondial à Davos, Karzaï a même mis en garde contre “un embrasement du terrorisme” dans la région. Une telle instabilité – que renforcerait encore un possible effondrement de la société au Pakistan – montre bien l’impossibilité de développer ces pays dans le cadre du capitalisme et de l’impérialisme. Les conditions sociales y sont déjà telles qu’une récession mondiale pourrait donner le coup de grâce à plusieurs régimes instables.”

    “Au Moyen-Orient, comme dans les pays du Golfe, il existe une élite riche qui nage littéralement dans les profits pétroliers. De l’autre côté, il y a une population souvent jeune, mais désorientée par la décadence capitaliste. La politique de Bush et de ses marionnettes locales a joué en faveur du fondamentalisme islamique, au Liban avec l’ascension du Hezbollah, à Gaza avec celle du Hamas. La soi-disant initiative de paix de Bush à Annapolis, en novembre de l’année passée, a donné plus de moyens au Fatah en Cisjordanie. Mais Israël continue à y construire des logements pour les colons.”

    “En janvier, Bush a aussi fait une tournée dans sept pays arabes. Pour contrecarrer l’influence de l’Iran, il a vendu à l’Arabie Saoudite des bombes à guidage pour une valeur de 123 millions de dollars. Il en a aussi livré gratuitement 10.000 à Israël. D’autres contrats sont prévus pour une valeur totale de 20 milliards de dollars. La région devient une poudrière et l’exemple pakistanais n’a pas servi de leçon.”

    Quels seront les effets d’une récession aux USA sur la position de l’impérialisme?

    “Le prix du baril de pétrole a chuté légèrement depuis son pic de 10 dollars, mais il oscille toujours à un niveau élevé, entre 85 et 90 dollars. La crise financière actuelle – qui se traduira bientôt par des licenciements de masse, par des fermetures d’entreprises et par de nouvelles attaques sur les salaires et la sécurité sociale – se caractérise par l’éclatement des bulles artificielles qui maintenaient à flot le capitalisme en crise.

    “Dans les années 80, dans le sillage de Reagan et de Thatcher, les gouvernements ont relancer les profits en sapant le pouvoir d’achat des salariés et des allocataires sociaux. Ils ont cependant préféré recourir provisoirement à l’emprunt public plutôt que de lancer une offensive encore plus dure contre la classe ouvrière. Dans le cas de Reagan, il s’agissait d’investir dans l’appareil militaire.”

    “Au cours des dix dernières années, et surtout depuis la récession en 2001 aux USA, les dirigeants capitalistes ont essayé de différer une crise encore plus profonde en laissant enfler une bulle de crédits à bon marché. C’était le seul moyen pour que la population continue à consommer malgré des revenus qui ne progressaient plus ou même baissaient. C’est ainsi que les salariés se sont mis à dépenser leurs revenus futurs.”

    “La bulle du marché immobilier est en train d’éclater aux USA. A l’heure actuelle, les prix n’y ont diminué “que” de 8%. Mais avec quelles conséquences ! Cela a cependant suffi pour que la Bourse américaine recule sérieusement, entraînant derrière elle toutes les Bourses à travers le monde. En Inde, la bourse a chuté de 11% en une journée. Les analystes n’en estiment pas moins que la chute des prix pourrait atteindre les 30%. La bulle d’autres formes de crédits aux USA pourrait produire des effets comparables.

    “La bulle du ‘dollar fort’ est déjà en train d’éclater depuis un moment. Si elle devait éclater pour de bon, les exportations européennes auraient du mal à se maintenir et l’économie mondiale pourrait encaisser des chocs plus importants encore. “En outre, on ignore encore l’ampleur de la diffusion des ‘créances douteuses’ qui ont été converties en paquets d’actions. Un géant bancaire américain comme Citigroup a fait ses plus grosses pertes depuis 196 ans ! Un sentiment d’inquiétude, et même de panique, commence à s’installer parmi les dirigeants capitalistes. Il suffit de voir l’intervention énergique de la Federal Reserve (Banque Centrale Américaine) qui a réduit d’un coup ses taux de 0,75%. Les Américains sont endettés jusqu’au cou, mais Bernanke (le président de la FED) les incite à continuer dans cette voie.

    “Les remèdes des rebouteux néolibéraux fonctionnent de moins en moins. La classe ouvrière américaine sera appelée à jouer un rôle important dans la construction de nouveaux partis pour les pauvres, les salariés et leurs familles, dans le feu de la lutte pour une autre société, une société socialiste.”

  • Le débat chinois. La contre-révolution capitaliste chinoise

    Dans notre série d’articles "Le Débat Chinois", entamée dans le numéro d’avril 2007 de Socialism Today (magazine du Socialist Party of England and Wales, section britannique et galloise de notre Internationale), nous publions ici un article de Vincent Kolo, qui offre son point de vue sur la nature de l’Etat chinois, sujet actuellement en débat dans notre internationale.

    Vincent Kolo

    La contre-révolution capitaliste chinoise

    Les marxistes, comme tout le monde d’ailleurs, débattent beaucoup au sujet de la Chine, un pays qui est devenu crucial dans les développements économiques et politiques au niveau mondial. Un aspect important de cette discussion est la manière dont nous considérons l’Etat chinois. Tout Etat (la police, l’armée, la justice et, dans le cas de la Chine, le Parti « Communiste » au pouvoir) est, comme l’a expliqué Lénine, « une machine destinée à maintenir la domination d’une classe sur une autre » (1). Mais dans le cas de la Chine, quelle est la classe dominée, et quelle est la classe dominante ?

    Cette discussion peut être énormément bénéfique dans l’approfondissement de notre compréhension des processus en Chine et des perspectives pour la période à venir. Notre point de départ est la contre-révolution sociale brutale des dernières deux décennies, qui a vu l’ancienne bureaucratie maoïste-stalinienne, à l’instar de ses alter-egos de l’Union Soviétique et d’Europe de l’Est, abandonner la planification centrale et passer à une position capitaliste. Si on nous demandait quelle classe en Chine a bénéficié de ce processus, nous répondrions sans hésiter que c’est la bourgeoisie, à la fois la bourgeoisie chinoise et la bourgeoisie mondiale. En 1949, la révolution chinoise a signifié un bouleversement dans le rapport de forces des différentes classes à l’échelle internationale. Aujourd’hui, la contre-révolution a complètement renversé ce rapport de force. Il n’y a absolument rien de progressiste dans l’Etat chinois actuel.

    La Chine d’aujourd’hui est synonyme d’ateliers de misère géants, et de la plus brutale exploitation du travail par le capitalisme domestique et mondial. La majorité de la « nouvelle » classe ouvrière industrielle, pour la plupart composée d’immigrés ruraux qui sont chez nous l’équivalent des immigrés « sans-papiers » d’Europe et d’Amérique, travaillent douze heures ou plus chaque jour, pour un salaire de misère, dans des usines non-sécurisées, sous un régime quasi-militaire, plein de règles et d’amendes. Cet édifice de super-exploitation est bâti autour de l’Etat répressif unipartiste du PCC (Parti « Communiste » Chinois), qui réprime violemment toute grève et toute tentative de construire des syndicats indépendants.

    Les propriétaires des usines et des mines, lesquels sont impliqués dans des « accidents » de travail effarants et en dépit de toute réglementation (136 000 morts au travail en 2004), sont protégés par les dirigeants du PCC et par la police. Après la mort de 123 mineurs l’an passé dans une mine de charbon de la province de Guangdong (Canton), il a été découvert que la moitié des actionnaires étaient des dirigeants du parti. Un officier de police avait des actions dans cette mine pour une valeur d’environ 30 millions de yuan (€2,8 millions).

    C’est là le portrait d’un capitalisme mafieux, aussi brutal et irresponsable que celui de Russie et d’autres régions de l’ancienne Union Soviétique. Les hauts échelons de l’Etat chinois, y compris le gouvernement central de Beijing (Pékin), sont maintenant complètement intégrés dans le système capitaliste mondial – grâce à la politique d’ouverture que le président Hu Jintao décrit comme étant « la pierre angulaire » du développement économique de la Chine. La conséquence est que la Chine a été retournée sens dessus-dessous, d’une des sociétés les plus égalitaires du monde à une des plus inégales – dont le gouffre entre riches et pauvres est plus grand que ceux des Etats-Unis, de l’Inde ou encore de la Russie. Ce programme « complètement capitaliste » est crucial dans toute discussion portant sur la nature de classe de l’Etat et du régime du PCC.

    « Néolibéralisme radical »

    « La Chine a mis en œuvre une politique néolibérale parmi les plus radicales au monde », explique Dale Wen, un auteur chinois, dont le rapport, « China copes with Globalisation » (2), fournit un des meilleurs résumés du soi-disant « processus de réformes ». Wen compare la politique des 20 dernières années aux programmes du FMI et de la Banque Mondiale dans le monde néocolonial, faisant remarquer que « la principale différence est que le gouvernement chinois applique ces mesures de plein gré ».

    Sous la pression des masses qui avaient été enthousiasmées par la révolution de 1949, l’Etat maoïste a fourni d’immenses améliorations sociales sur les plans de l’éducation, de la santé, du logement et de la réduction de la pauvreté. Cette politique était rendue possible par le fait que les bases économiques de cet Etat reposaient sur la propriété nationalisée et la planification centralisée, malgré leur confinement aux limites étroites d’un bureaucratisme national. La plupart de ces acquis sociaux ont été démantelés par la contre-révolution capitaliste. Tout ce qui reste pour les masses chinoises, sont les résidus du stalinisme – terreur policière et absence des plus élémentaires des droits démocratiques – combinés aux pires aspects du capitalisme – exploitation extrême et absence de tout réseau de sécurité sociale.

    Les faits suivants illustrent les effets dévastateurs de la politique du PCC :

    • Education: les fonds privés comptent maintenant pour 44% des coûts éducationnels totaux en Chine, la plus grande proportion au niveau mondial, excepté pour le Chili. Il n’existe plus aucune éducation gratuite. Les droits d’entrée normaux pour les écoles secondaires dans la plupart des villes s’élèvent à 200€ par an – l’équivalent de deux mois de salaire pour un salarié moyen. A Shanghai, le ménage moyen dépense 25% de son revenu en frais d’école (comparé à 10% aux Etats-Unis). Il y a plus d’un demi-million de professeurs sous-qualifiés, et des milliers d’écoles bas-de-gamme, non reconnues, qui rassemblent les 20 millions d’enfants d’immigrés privés d’accès aux écoles d’Etat. Le taux d’analphabétisation monte de plus en plus, dû à la décroche scolaire, en particulier dans les zones rurales et chez les filles.
    • Santé: le système des soins de santé chinois faisait à une époque rêver toute l’Asie. Aujourd’hui, le pourcentage de fonds privés dans les soins de santé est plus grand en Chine qu’aux Etats-Unis. A la campagne, un tiers des cliniques et des hôpitaux sont au bord de la faillite, et un autre tiers sont déjà fermés. Quatre cent millions de Chinois, un chiffre équivalent à la population totale de l’Union Européenne, ne peut plus se payer de docteur.
    • Un processus similaire s’est déroulé dans les logements et les transports.

    Le rôle de la Chine dans le monde

    Alors que l’économie mondiale est plus interconnectée que jamais, on ne peut se contenter d’approcher la question du caractère de classe de l’Etat et du régime chinois sur le seul plan national. La Chine est plus intégrée dans l’ordre capitaliste mondial que la Russie et les autres Etats staliniens. Les capitalistes étrangers contrôlent aujourd’hui un quart de la production industrielle chinoise (3). Le modèle économique du PCC est basé sur "un niveau d’ouverture inhabituellement élevé à l’économie mondiale – le commerce international compte pour 75% du PIB", selon Susan L Shirk (dans son livre "Fragile Superpower" (4)). Ce taux est équivalent au double de celui de l’Inde, et au triple de ceux du Japon, de la Russie ou des Etats-Unis.

    Le régime du PCC actuel est un instrument de la mondialisation du néolibéralisme. En aucun cas on ne peut dire que ce processus est ambigu : au contraire, il crève les yeux. Les entreprises chinoises, dont la plupart appartiennent à l’Etat, sont détestées à travers de larges couches en Afrique, en raison de leurs pratiques anti-syndicales, corrompues, illégales et polluantes. Les banques chinoises se sont révélées être aussi parasitaires que n’importe quelle autre banque dans le monde capitaliste – déversant par exemple des milliards de dollars dans les "dérivés" des subprimes américains. En Iraq et dans les autres pays débiteurs, les représentants chinois présentent des contrats avec exactement les mêmes conditions que celles exigées par les autres puissances capitalistes : privatisations, dérégulations et autres politiques néolibérales. Cette politique étrangère n’est bien entendu qu’une extension de la politique intérieure – il n’y a pas ici de grande muraille.

    La contre-révolution agraire

    On estime à 70 millions le nombre de paysans qui ont perdu leur terrain lors des vingt dernières années, expropriés pour faire de la place à la construction d’usines, de routes, et de projets de prestige tels que hôtels et terrains de golf. La plupart de ces expropriations étaient illégales, se jouant des tentatives du gouvernement central de contrôler ce processus.

    On retrouve plus d’une douzaine de magnats de l’immobilier sur la dernière liste du magazine Forbes des 40 plus grands milliardaires chinois. En tête de liste, se trouve Yáng Huíyàn, une dame âgée de 26 ans, à la tête d’un empire immobilier de Guăngdong, et dont la fortune personnelle en 2007 s’élevait à $16,2 milliards, cadeau de son père. En comparaison, une proportion stupéfiante de 42% de la population rurale a subi un déclin absolu de son revenu sur la période 2000-2002.

    Dans les années 1950’s, le régime de Mao avait nationalisé la terre, et cette mesure n’a pas été officiellement annulée, bien qu’une série de "réformes" partielles aient privatisé l’utilisation de la terre, tout en laissant à l’Etat la propriété du sol. Mais, comme l’a expliqué Lénine, la nationalisation de la terre ne constitue pas en elle-même un rempart contre le capitalisme : "Une telle réforme est-elle possible dans le cadre du capitalisme ? Elle n’est pas seulement possible, mais représente la forme la plus pure, la plus cohérente, la plus idéalement parfaite du capitalisme… selon la théorie de Marx, la nationalisation du sol signifie une élimination maximale des monopoles moyen-âgeux et des relations médiévales dans l’agriculture, une liberté maximale dans le rachat et la vente de terres, et une aisance maximale pour l’agriculture à s’adapter au marché" (Démocratie et narodnikisme en Chine, 15 juillet 1912).

    Un Etat en perte de vitesse

    En conséquence des "réformes" néolibérales et de la croissance capitaliste anarchique, le pouvoir économique de l’Etat s’est sérieusement dégradé. Elle est longue, la liste des sphères de l’économie sur lesquels le régime de Bĕijing a perdu tout contrôle : secteurs de la construction et de l’immobilier urbain, crédit et investissement, sécurité médicale et alimentaire, protection environnementale, marché du travail, la plupart de l’industrie manufacturière et, comme nous l’avons vu plus haut, l’attribution des terres agricoles.

    Chaque année, la Heritage Foundation, un cercle de réflexion capitaliste, produit un Index de la Liberté Economique, dans lequel la Chine dépasse régulièrement, et de loin, la Russie et les autres ex-Etats staliniens. Sous la catégorie "Liberté provenant du gouvernement", par exemple, basé sur un aperçu des dépenses gouvernementales et des privatisations, la Chine était jugée à 88,6% "libre" tandis que la Russie avait un score de 71,6%, et l’Ukraine seulement 61,9%. En Chine, la totalité des dépenses gouvernementales en 2006 équivalait 20,8% du PIB, un taux bien inférieur à celuide la Russie (33,6%), de l’Ukraine (39,4%), et à peine un tiers de celui de la Suède (56,7%).

    En Russie comme en Ukraine, les entreprises appartenant à l’Etat et la propriété gouvernementale de la propriété contribuent pour une part significativement plus élevée des revenus gouvernementaux, respectivement 6,1% et 5,6%, que par rapport à leur contribution au budget de l’Etat chinois, 3,1% (chiffres de 2006). Dans le contexte de l’Asie Orientale, avec sa tradition de "capitalisme d’Etat", la faiblesse de ce chiffre est encore plus flagrante. Les gouvernements malaisien et taiwanais tirent pour leur part 11,5% et 14,4% de leur revenu du secteur d’Etat respectivement.

    La taille du secteur d’Etat en lui-même n’est pas décisif pour la détermination de la nature de classe d’une société – quelle classe possède le pouvoir économique ? Dans son analyse du stalinisme, "La Révolution trahie", Léon Trotsky avait prédit qu’une contre-révolution bourgeoise en Union Soviétique serait forcée de conserver un important secteur d’Etat. En Chine, ceci est encore plus le cas, étant donné la tradition confucianiste d’intervention économique de la part du gouvernement, une influence répandue à travers toute l’Asie Orientale. Il existe aujourd’hui des pays qui ont un bien plus grand degré d’étatisation de l’économie que la Chine – l’Iran, par exemple, où l’Etat contrôle 80% de l’économie.

    Privatisation et restructuration

    Selon le Bureau National des Statistiques de septembre 2007, les entreprises étrangères et privées comptent maintenant pour 53% de la production industrielle de la Chine, une hausse de 41% depuis 2002. Les entreprises d’Etat y jouent toujours un rôle important, et prédominent dans la liste des plus grandes entreprises. Mais les seuls secteurs de l’industrie dans lesquels les entreprises d’Etat occupent une position dominante sont les mines, l’énergie et les services. Un rapport de l’OCDE de décembre 2005 révélait que les dans les 23 plus importants secteurs industriels, des textiles aux télécommunications via l’acier et les automobiles, le privé emploie les deux-tiers de la main d’œuvre et produit les deux-tiers de laa valeur ajoutée.

    Aujourd’hui, « les trois-quarts des employés urbains sont en-dehors du secteur d’Etat » (Shirk, "Fragile Superpower"). Ceci est le résultat du rythme frénétique des privatisations et restructurations du secteur d’Etat au cours de la dernière décennie, accélérée par les préceptes de l’OMC. Comme l’a dit Zhou Tianyong, professeur de l’Ecole du Parti du Comité Central du PCC, « le nombre d’employés des entreprises d’Etat et des coopératives est tombé de 130 millions de personnes dans les années 90’s, à 30 millions aujourd’hui » ("China Daily", 8 octobre 2007).

    En termes du nombre d’employés affectés, il ne fait aucun doute que ceci est le plus grand programme de privatisation jamais mis en vigueur dans aucun pays de tous les temps. Etant donné que l’agriculture avait déjà été privatisée dans les années ‘80, la vaste majorité des Chinois – plus de 90% – sont maintenant engagés dans le secteur privé.

    Aujourd’hui, le secteur d’Etat est un levier pour le développement de l’économie capitaliste, fournissant un cadre d’industries essentielles, telles que l’énergie et les communications, auxquelles on doit ajouter les investissements ciblés dans certains secteurs de haute technologie suivant les modèles japonais et coréens. Il serait incorrect de parler de secteurs "capitalistes" et "non-capitalistes", comme si le secteur d’Etat opérait sur une base alternative, non capitaliste.

    Les entreprises d’Etat chinoises ont été transformées, vague après vague de "réformes" corporatistes, de fusions et de licenciements, de rachats d’actions par les cadres, de recrutement de managers éduqués à l’Occident, de listings publics, de joint venture avec du capital étranger, et de différents niveaux de privatisation. Même lorsqu’un entreprise appartient totalement à l’Etat (ce qui est aujourd’hui devenu une rareté), elle père pour faire du profit, de la même manière qu’une entreprise privée. Parlant des attaques du gouvernement Thatcher sur les industries nationalisées en Grande-Bretagne, un journaliste du Financial Times a écrit que « la transformation de British Airways et de British Steel dans les années 80’s n’était pas le résultat d’une privatisation – c’est au contraire la transformation qui a précédé la privatisation et qui l’a rendue possible » (John Kay, 26 septembre 2007).

    C’est exactement cela qu’il s’est passé en Chine – mais sur une toute autre échelle. Les secteurs industriels et commerciaux consistent en unités complètement autonomes et, dans la plupart des cas, semi-privatisés. Ceci représente une forme de « capitalisme étatique » semblable à Gazprom, le conglomérat de l’énergie étatique qui produit à lui seul 8% du PIB russe.

    Investissements dirigés par l’Etat

    Il est vrai que l’essentiel des investissements en Chine proviennent du secteur d’Etat. Mais ceci est également le cas en Russie. En Chine, cependant, la plupart des décisions d’investissement sont prises sur le plan local, et très souvent en contradiction avec la politique du gouvernement central. Une grande proportion des dépenses d’infrastructure des gouvernements locaux va à des projets de prestige, destinés à attirer des « investisseurs » privés – hôtels de luxe, centres de conférences, nouveaux aéroports « internationaux », parcours de golf et centre commerciaux à moitié déserts.

    Ceci représente un gaspillage dément de fonds publics – commandé par un capitalisme débridé – et est le prélude à un crash économique similaire à celui qui a frappé l’Asie du Sud-Est il y a dix ans. Aucun gouvernement socialiste, ni même réformiste à l’ancienne, ne considérerait la question de l’investissement public d’une manière aussi criminelle. Mais aujourd’hui, chaque municipalité et région chinoise veut son lien direct avec le marché mondial, à une époque où la dépendance du pays vis-à-vis de l’étranger est proche de "l’extermination". Le besoin le plus pressant est de développer le marché interne chinois, mais cela ne peut être réalisé que par la rehausse du niveau de vie de la population, et la reconstruction des services publics de base tels que la santé, l’éducation et des logements décents – des secteurs dans lesquels les dirigeants locaux du PCC refusent catégoriquement d’investir.

    Le secteur bancaire chinois appartient en majorité à l’Etat. Mais cela également n’est pas un cas isolé, surtout en Asie. Les quatre plus grosses banques d’Etat chinoises (les "Big Four"") comptent pour 71% de tous les prêts bancaires, et 62% des dépôts. En comparaison, la plus grande banque d’Etat russe accapare 60% des dépôts des ménages et 40% des prêts. En Inde, les banques d’Etat reprennent 75% de toutes les opérations bancaires commerciales (Bank of International Settlements).

    Ce serait une erreur de juger les "réformes" néolibérales (privatisations partielles, fusions avec des entreprises étrangères) dans le secteur bancaire et les autres secteurs comme étant superficielles – les changements sont bien trop réels et extrêmement préjudiciables aux intérêts des salariés ordinaires, en Chine comme à l’étranger. Une part de plus en plus grande de la gigantesque réserve d’épargne chinoise – à peu près 1800 milliards de dollars – est en train d’être rognée par la spéculation partout dans le monde, enrichissant les hedge funds et les autres parasites financiers, plutôt que d’être utilisée à la reconstruction des services public agonisants.

    Réforme ou révolution ?

    L’Etat chinois – comme les gouvernements d’Allemagne et de Grande-Bretagne récemment – peut et va intervenir à la rescousse de ses banques en faillite ou d’autres entreprises stratégiques, et ceci pourrait inclure des renationalisations. La renationalisation sur une base capitaliste, toutefois, ne représente pas un retour à la planification. Seul un mouvement révolutionnaire massif des travailleurs surexploités et des paysans peut démolir ce qui sont maintenant des fondations économiques capitalistes puissantes en Chine, étroitement liées au capitalisme mondial. Un tel mouvement ne voudra pas revenir au maoïsme-stalinisme, mais s’efforcera d’atteindre une authentique planification socialiste démocratique, basée sur le potentiel colossal du prolétariat chinois, qui compte maintenant 250 millions de personnes.

    Le processus de contre-révolution en Chine a été complexe et parfois extrêmement contradictoire, mais néanmoins, la victoire de la contre-révolution bourgeoise, bien que sous une forme particulière "confucéenne", est aujourd’hui extrêmement claire. Une révolution politique – "anti-bureaucratique" – n’est plus suffisante pour amener la classe salariée au pouvoir. De la même manière, il n’est pas non plus correct de dire qu’une nouvelle révolution combinera les tâches d’une révolution politique et d’une révolution sociale – ceci est vrai pour chaque révolution sociale, lesquelles induisent une modification des bases économiques et donc, par nécessité, de la superstructure politique, l’Etat. Un changement qualitatif a eu lieu, par lequel un renversement de la contre-révolution capitaliste chinoise n’est plus possible autrement que par une nouvelle révolution sociale prolétarienne, qui devra renverser l’Etat actuel et exproprier ses principaux bénéficiaires, les capitalistes chinois et étrangers. Ce point est extrêmement important lorsque nous parvenons à la question des perspectives et d’un programme pour la Chine.

    Qu’est-ce que la bureaucratie ?

    En tant que marxistes, nous ne basons pas notre caractérisation du régime chinois sur la simple utilisation occasionnelle de symboles et de phraséologie "communistes" (ou plutôt, staliniens). Ce vernis extérieur est un facteur entièrement secondaire, de la même manière qu’il existe des partis "socialistes" ou "communistes" en Europe et ailleurs, qui organisent une manifestation le jour du Premier Mai et chantent "l’Internationale, tout en menant une politique entièrement capitaliste. Le caractère de classe de n’importe quel organisme, parti ou régime est déterminé par la classe dont il sert les intérêts – sa base sociale.

    Le régime maoïste, par la ruse, les manœuvres et la répression, a été un obstacle à toute tentative de la classe salariée de s’organiser en mouvement indépendant. Mais en même temps, afin de maintenir ses propres privilèges et son pouvoir, il a défendu la propriété d’Etat et les acquis sociaux de la révolution. C’est cela qui a donné au régime son caractère contradictoire – une combinaison d’éléments réactionnaires et progressistes. Cela n’est aujourd’hui plus le cas. S’étant vendu corps et âme au capitalisme, l’Etat chinois a perdu son caractère ambivalent et contradictoire.

    Trotsky a décrit la bureaucratie stalinienne comme étant une tumeur, un cancer sur le corps de l’Etat ouvrier. Il a expliqué que "une tumeur peut grandir jusqu’à une taille prodigieuse, et même étouffer l’organisme duquel elle vit, mais elle ne peut jamais vivre indépendamment de cet organisme" ("La nature de classe de l’Etat soviétique", 1933).

    La "tumeur" de la bureaucratie chinoise ne peut acquérir une vie indépendante, étant donné sa relation aux moyens de production, et n’est certainement pas en elle-même le reposoir des mesures socialement progressistes issues de la révolution de 1949. C’est même plutôt l’inverse qui est vrai. Sous le stalinisme et le maoïsme, ces acquis existaient dans la conscience et dans la pression de masse des travailleurs et des paysans, malgré le rôle de désorganisateur et de confusion joué par la bureaucratie. Trotsky a aussi expliqué que « la présence de la bureaucratie, avec toutes les différences de ses formes et de son poids spécifique, caractérise TOUT régime de classe. Sa force est un reflet. La bureaucratie, indissolublement liée à la classe économiquement dominante, est nourrie par les racines sociales de celle-ci, se maintient et tombe avec elle » (ibid., italiques par Vincent Kolo).

    Mais aujourd’hui, quelle est en Chine la classe économiquement dominante ? Avec le démantèlement de l’économie planifiée, ce ne peut plus être la classe salariée. Une partie de l’ancienne bureaucratie maoïste s’est reconvertie par le « processus de réformes » en une nouvelle classe de propriétaires.

    La connexion entre capital privé et étatique n’est pas rigide, mais fluide, reflétant une large gamme d’arrangements intermédiaires, en partie privés, en partie publics. La classe capitaliste est dépendante de l’Etat actuel pour ses contrats, ses emprunts, ses faveurs et, surtout, pour être protégée de la classe salariée. Parmi les 20 000 plus riches hommes d’affaires chinois, 90% sont membres du PCC ou comptent des membres du parti dans leur famille.

    Pas de ‘big bang’ ?

    Le régime du PCC et la bureaucratie dans son ensemble n’ont jamais constitué, en elles-mêmes, un rempart à la contre-révolution capitaliste – c’est là la clé de la compréhension de tout ce qui s’est passé. Comme en Russie et dans les autres ex-Etats staliniens, c’est la résistance de la classe salariée qui était le seul vrai obstacle à la contre-révolution capitaliste. Cette résistance – qui, à certains moments, a acquis des proportions de masse – fut néanmoins vaincue en Chine par toute une combinaison de facteurs. La violence excessive et terrifiante qui fut utilisée pour écraser le mouvement révolutionnaire naissant de 1989 fut un facteur critique. La rapidité de la croissance économique (d’à peu près 10% par an tout au long de la dernière décennie) a aussi fourni au régime une certaine "soupape de sécurité".

    Pour Trotsky, la menace de la restauration capitaliste ne reposait pas sur le fait que le parti stalinien soit ou non renversé. Cela n’était pour lui qu’une des perspectives : « mais la restauration bourgeoise, en parlant de manière générale, n’est concevable que sous la forme d’un revirement brutal et décisif (avec ou sans intervention), ou sous la forme de plusieurs réajustements successifs… »

    « Donc, aussi longtemps que la révolution européenne n’a pas triomphé, les possibilités d’une restauration bourgeoise dans notre pays ne peut pas être reniée. Laquelle de ces deux voies est la plus probable dans nos circonstances : celle d’un revirement contre-révolutionnaire abrupt, ou celle d’une série de glissements, avec un peu de chamboulement à chaque étape, et une dérive thermidorienne pour étape la plus imminente ? Cette question ne peut être tranchée, je pense, que d’une manière extrêmement conditionnelle » ("Le Défi de l’Opposition de gauche", 1926-27, italiques par Vincent Kolo).

    Cette "voie de réajustement successifs" est une excellente description de ce qui s’est passé en Chine. Le capitalisme a été restauré, bien que selon un mode chinois particulier. Cette restauration est le fruit de ce qui fut d’abord un réflexe empirique de la part du régime stalinien à la fin des années 70’s, cherchant à trouver une issue à la crise politique et économique, avec des éléments de guerre civile, qu’il avait hérité de Mao. Dans ses premiers stades, ceci était une tentative d’exploiter certains mécanismes de marché au sein d’une économie étatique stalinienne. Mais de tels processus possèdent une logique qui leur est propre, d’autant plus que la révolution socialiste mondiale se faisait attendre, et étant donné la crise et l’effondrement du stalinisme partout dans le monde, et l’accélération féroce de la mondialisation néolibérale.

    Au contraire de l’Union Soviétique, il n’y a pas eu en Chine de "big-bang", d’implosion de l’Etat unipartite, et le PCC est resté au pouvoir. Mais les classe capitaliste émergente, surtout dans la Fédération du Russie, considérait le démantèlement de l’Etat stalinien comme un pré requis au succès de sa contre-révolution. Dans le cas de la Chine, par contre, avec toute son histoire de guerres féodales et de fragmentation, et la menace immédiate de manifestations de masse, exorcisée par le massacre de 1989, la position de la classe capitaliste émergente était différente. Ici, ce fut la continuation du règne du PCC qui était la base la plus avantageuse pour développer le capitalisme – afin de maintenir "l’ordre" et le pays entier.

    Qui donc aujourd’hui demande un changement de régime en Chine ? Certainement pas les capitalistes, qui comprennent que, par la répression de la gigantesque classe salariée chinoise, le régime actuel est le meilleur qu’ils pourraient sérieusement espérer. Même la bourgeoisie "démocratique" – et elle est en minorité – ne recherche pas la chute du régime du PCC, mais plutôt sa "réforme". Ceci donne la plus claire des réponses qui puisse être données à la question de quels intérêts de classe sert l’Etat chinois aujourd’hui.


    1. Lénine, "De l’Etat", 1919, NDT.
    2. Qu’on peut traduire par "La Chine s’en sort bien avec la mondialisation", NDT.
    3. OCDE, 2005.
    4. Ce qu’on pourrait traduire par "Une frêle superpuissance", NDT.

    Pour en savoir plus :

    Extrait de l’édition de décembre 2007-janvier 2008 de Socialisme Today, le magazine du Socialist Party of England and Wales, section britannique et galloise du CWI

  • Liège : Grève de 24 heures dans la sidérurgie

    Début janvier, la FGTB-Métal avait annoncé qu’elle partirait en grève le 21 du même mois si le Haut Fourneau n°6 de Seraing n’était pas relancé, comme l’avait annoncé la direction du groupe pour cette date. Les filiales d’ArcelorMittal et les sous-traitants ont donc été à l’arrêt, avec la participation de 7.000 grévistes.

    Nicolas Croes

    Mais Francis Gomez, le président de la FGTB-Métal à Liège, insiste sur le fait que la FGTB ne se bat « pas pour polluer, mais pour l’avenir de toute une région ». La phase à chaud liégeoise représente tout de même 2.700 emplois directs et 10.000 emplois indirects.

    Et on comprend la nervosité des travailleurs. Ils ont d’abord subi la fermeture du Haut Fourneau, annoncée en 2003 et effective en 2005. Puis, dans une interview accordée au « Soir » du 16 mai 2007, le numéro 2 de la multinationale avait officialisé la décision de rouvrir le haut fourneau de Seraing, et une première date de relance avait été fixée pour le mois de novembre 2007. Date reportée. Tout cela pour arriver enfin au blocage actuel, officiellement en raison du problème des quotas de CO2.

    Mais Liège Info a relayé l’avis d’un chercheur universitaire selon lequel le problème se situerait plutôt au niveau du coût de l’énergie, qui plomberait les résultats d’ArcelorMittal. Pour ce chercheur, donc, les quotas seraient un bon alibi pour retarder la réouverture du HF6. Pourtant, l’unité liégeoise à chaud de Cockerill a augmenté en 2007 son chiffre d’affaires de 1,890 milliard d’euros (contre 1,766 en 2006) et la croissance du revenu brut a été de 110% en une seule année. Et déjà 20 millions d’euros investit dans la relance du haut fourneau depuis cet été. En pure perte ?

    Les responsables ?

    ArcelorMittal, la Région, le fédéral et l’Union Européenne

    De son côté, la FGTB réclame qu’ArcelorMittal investisse dans des outils visant à réduire la production de CO2. Elle explique : « l’absence de quotas est la conséquence de la décision de fermeture prise par Arcelor en 2003. Cette décision était une idiotie, tout le monde l’admet aujourd’hui. (…) Le groupe Mittal a les moyens de faire un effort : le marché de l’acier tourne à plein ; les profits sont énormes ; Liège est bénéficiaire. »

    Et c’est vrai, la famille Mittal, principal actionnaire d’ArcelorMittal, se porte bien. Par exemple, Lakshmi Mittal est, selon le magazine américain Forbes, la cinquième personne la plus riche au monde, avec une fortune estimée à 32 milliards de dollars… et sa famille devrait recevoir sous peu 637,5 millions d’euros de dividendes issues de leurs actions ! Comme pour illustrer dramatiquement de quelle manière cette richesse a été accumulée, l’annonce de ces résultats avait été précédée, une semaine plus tôt, par celle de près de 600 licenciements d’ici avril 2009 en France, dans une aciérie sur un site de Moselle, à Gandrange. Plusieurs centaines de personnes ont ainsi défilé devant le siège de la multinationale basé au Luxembourg trois jours à peine après la grève de 24 heures dans la sidérurgie liégeoise.

    Mais la multinationale a fait son choix et « Mittal met la pression plus fort que prévu et menace de partir ailleurs, dans les pays où on peut polluer comme on veut », comme l’a déclaré Francis Gomez. En fait, il était à l’origine prévu que les quotas de CO2 allaient être rapidement donnés au HF6, la Région Wallonne a affirmé que c’était possible, pour ensuite négocier des quotas supplémentaires à utiliser à partir de 2010.

    Toujours selon Francis Gomez, « Jean-Claude Marcourt (ministre PS de l’économie, de l’emploi et du commerce extérieur de la Région Wallonne, NDLR) avait fait des promesses mais on ne voir rien venir. » La FGTB en appelle aussi au fédéral (qui a déjà financé l’achat de dix millions de tonnes de quotas de CO2 pour la Flandre) et enfin à l’Union Européenne, « dont la législation va à l’encontre de l’activité industrielle tout en permettant le transfert des pollutions vers l’Afrique et l’Asie ».

    Egidio Di Panfilo (FGTB-SECa) a fait une proposition pour faire pression sur l’Europe : « La région pourrait refuser de ratifier le traité de Lisbonne si l’Europe refuse de revoir sa position sur les quotas. Ce serait un moyen de mettre la pression ». Mais au vu de l’empressement témoigné par « nos » parlementaires régionaux pour ratifier la défunte proposition de Constitution Européenne sans débat – par crainte de voir se développer des mobilisations similaires à celles de la France et de la Hollande – au vu aussi de la manière dont l’Union Européenne a réagi à l’échec de cette proposition – en mettant en place le traité de Lisbonne tout aussi asocial – nous doutons de l’efficacité de cette proposition. Mais proposer à nos politiciens d’agir de cette manière serait toutefois une bonne occasion de les démasquer une fois de plus…

    Toujours sur cette même question des quotas, la FGTB ironise : « Mittal veut-t-il ainsi faire de notre région un laboratoire et prouver l’absurdité du mécanisme actuel de quotas de C02 ? ». Il est vrai que la politique des quotas ne règle rien : quand un capitaliste fait face à un barrage contre ses bénéfices, il va voir ailleurs. « C’est un risque pour Liège, puis pour les autres sidérurgies d’Europe qui vont être bientôt confrontées au même problème » affirme la FGTB.

    Et quand un capitaliste va voir ailleurs, il en profite ! Les pays où les normes environnementales sont (quasi) inexistantes sont généralement aussi laxistes en termes de législation du travail. Ainsi, 30 mineurs sont encore décédés en janvier de cette année dans une filiale d’ArcelorMittal au Kazakhstan. Les travailleurs y sont payés au rendement et sont donc encouragés à prendre tous les risques pour gagner un peu plus de quoi joindre les deux bouts. Depuis 2004, près de 100 mineurs travaillant pour le leader mondial de l’acier ont ainsi perdu la vie dans des accidents miniers au Kazakhstan. Un responsable régional d’Arcelor Mittal, qui ne manque pas de culot, a déclaré que ces morts étaient dus à « une catastrophe naturelle ». Une catastrophe naturelle, oui, mais uniquement sous le capitalisme…

    Et la grève ?

    Francis Gomez tire un bilan positif de la participation de 7000 travailleurs à cette grève : « c’est une vraie réussite, nous avons atteint notre but ». De plus, durant la journée, une centaine d’ouvriers sont partis rejoindre d’autres militants de la FGTB devant le siège d’Electrabel, rebaptisée pour l’occasion « Electracash », pour y revendiquer la diminution des tarifs du gaz et de l’électricité ainsi que l’instauration d’un chèque énergie pour les plus pauvres. Mais il y a au moins une autre raison, moins réjouissante, de se souvenir de cette journée…

    Comme le dénonce un tract du SETCa diffusé aux piquets, cette grève restera dans les annales de l’histoire sociale de Cockerill comme la première où un représentant syndical a demandé à la direction d’envoyer des huissiers à chaque piquet ! En effet, la CSC avait jugé la grève « trop prématurée » et l’un de ses responsables, Gino Butera, a même été jusqu’à menacer la direction de dénoncer l’ensemble des accords syndicaux si ces huissiers n’étaient pas envoyés.

    Un autre responsable de la CSC, Jordan Atanasov, a déclaré, après avoir estimé que la grève de la FGTB mettait pression inutilement sur le dossier des quotas, que « si rien ne bouge dans les prochaines semaines, nous prendrons également position ». La FGTB a elle aussi parlé d’actions futures, et un calendrier d’actions devrait bientôt être rendu public, en direction de Mittal, de l’Etat belge, de la Région wallonne et de l’Europe. Mais avec ses méthodes, la direction régionale de la CSC a sérieusement mis des bâtons dans les roues de toute future action en front commun syndical. Ce sera à la base de la CSC de démontrer qu’ils ne soutiennent en rien les méthodes antisyndicales de certains.

    Pour la suite

    Pour les responsables de la CSC, l’attitude du syndicat socialiste est « incohérente et unilatérale » car « la grève pourrait compromettre tout le processus de relance du HF6 et le maintien d’une sidérurgie intégrée au-delà de 2012 ». Face à l’ampleur de l’adversaire, le n°1 mondial de l’acier, il est vrai que l’on peut être intimidé. La production de la sidérurgie liégeoise ne représente-t-elle pas que 0,002% au niveau mondial et un peu plus de 2% au niveau d’ArcelorMittal (2,6 millions de tonnes pour 2008, selon les prévisions initiales, contre 118 millions pour le groupe) ? Mais il ne faut pas confondre la quantité et la qualité du travail qu’effectue la sidérurgie liégeoise. De plus, le centre de recherche d’ArcelorMittal à Liège engage un treizième des chercheurs du groupe, ce qui renforce déjà plus la position de Liège.

    Mais c’est un fait que face à ce géant, en plus de mots d’ordres syndicaux combatifs à Liège et en Belgique pour préserver ET l’emploi ET l’environnement, la solidarité internationale s’impose. Il ne s’agit pas d’un combat de « David contre Goliath », mais d’une multitude de David dont la soumission seule fait la puissance d’un Goliath. Les travailleurs Belges, Kazakhs ou Français d’ArcelorMittal font face au même ennemi et à la même logique de profit au détriment de leurs emplois et/ou de leur sécurité.

    Des motions de solidarités peuvent être une occasion de renforcer, même de peu, la combativité des travailleurs d’autres pays et d’ici, mais peuvent surtout être une excellente opportunité pour faciliter et amplifier le développement dans les entreprises des discussions sur la stratégie syndicale à adopter, sur la base d’exploitation sur laquelle sont fondés les profits d’ArcelorMittal (et des autres entreprises d’ailleurs), sur le double jeu des partis traditionnels, etc. Ce climat de discussion renforcerait de beaucoup les mobilisations, y compris de la part de la base de la CSC contre les mots d’ordre de sa direction.

    Comme l’affirme le tract de la FGTB-Métal, « Mittal est un patron comme les autres. Avec lequel on discute d’abord, mais qu’on combat s’il le faut. Et la lutte paye. » Pourquoi ne pas imaginer un lutte en commun avec les travailleurs français, par exemple avec une manifestation commune au Luxembourg, qui pourrait aussi être l’occasion du dépôt d’une motion de solidarité envers les travailleurs exploités partout dans le monde par ArcelorMittal, en prenant appui sur la situation au Kazakhstan ?

    Beaucoup de choses peuvent être faites, mais beaucoup de doivent être faites, comme de mener la discussion sur l’absence actuelle de représentativité pour les travailleurs. Les liens entretenus par la direction de la FGTB avec le PS, et le SP.a en Flandre, freinent tout développement de la combativité des travailleurs et renforcent le syndicalisme de service – dans une situation où la pénurie de moyens se généralise en conséquence des nombreux cadeaux fiscaux et autres accordés au patronat – au détriment du syndicalisme de combat.


    Liens

  • Disparition d’espèces : « Always Coca-cola »

    Tout le monde connaît cette publicité de la célèbre boisson gazeuse américaine où un ours polaire se délecte d’une bouteille de coca tout en clignant de l’œil à l’écran. La multinationale ne pourra bientôt plus utiliser cette publicité : si rien ne change, il n’y aura plus d’ours polaires en 2030.

    En fait, six espèces d’ours sur huit sont menacées d’extinction. En Asie du Sud, la chasse à l’ours est illégale, mais beaucoup de paysans doivent se résoudre, poussés par la pauvreté, à devenir braconnier, un « métier » qui rapporte bien plus que de travailler pour des salaires de misère dans les usines des multinationales ou de leurs sous-traitants. L’ours noir d’Asie, l’ours Lippu, l’ours malais et l’ours des cocotiers payent le prix de la répartition inégale des richesses tandis qu’en Amérique Latine, l’ours Andin est victime du même processus.

    En fait, seuls l’ours brun et l’ours noir résistent à cette menace, mais ils habitent dans des pays moins touchés par la misère et la corruption, où les contrôles sont plus aisés et où personne ne va risquer sa vie pour les quelques dollars que peuvent rapporter aux chasseurs la bile, les pattes ou la fourrure des ours.

    Si les multinationales continuent à imposer leurs diktats sur le monde en méprisant fatalement l’environnement tout comme leurs travailleurs au bénéfice de profits gigantesques, la situation ne peut qu’empirer. Ce n’est pas seulement ce qui entraîne directement le réchauffement climatique ou la disparition d’espèce à cause de l’altération de leurs milieux de vie qu’il faut critiquer. L’exploitation, la misère, la répartition inégale des richesses ou encore l’absence d’accès à de véritables soins (ce qui contribue à faire perdurer des croyances selon lesquelles la bile des ours (ou les os de tigres, etc.) a des vertus « bénéfiques ») sont aussi responsables de la crise environnementale. C’est le système dans son entièreté et au niveau mondial qu’il faut combattre pour accéder à une société où personne n’aura à détruire son environnement pour survivre un jour de plus.

    Au slogan publicitaire « Toujours Coca Cola », opposons celui de Che Guevara « Pour la lutte, toujours ! »

  • Stagflation: syndrôme d’une maladie chronique

    Stagflation. Le mot a lui seul effraie les économistes et les politiciens bourgeois, à leurs yeux le pire mal que puisse contracter l’économie. La stagflation désigne le développement combiné d’une inflation (hausse des prix ) et d‘une stagnation économique.

    Eric Byl

    Intervention de l’Etat

    De la grande dépression de 1929-33 le Britannique John Maynard Keynes avait tiré la leçon que les autorités feraient mieux de « corriger » et de « tenir sous contrôle » l’économie capitaliste. Keynes pensait pouvoir éviter les dépressions catastrophiques du passé par de fortes dépenses publiques, si n écessaire au prix de déficits financiers provisoires.

    Dans la période d’après-guerre, la menace du « communisme » semblait très réelle. Le capitalisme venait de perdre le contrôle d’un tiers du globe. Les capitalistes étaient donc prêts à faire des concessions considérables pour sauver leur système. Ce sont ces conditions exceptionnelles qui ont permis de mettre les idées de Keynes en pratique. Il n’en fallait pas plus aux « réformistes » des partis socialistes pour se convertir au keynésianisme et déclarer que le marxisme était désormais « dépassé ».

    Récession et inflation

    Mais les dirigeants capitalistes étaient étourdis par la croissance économique apparemment indéfinie et n’avaient pas remarqué le réveil du monstre de l’inflation que préparait l’injection massive de crédit. Marx avait pourtant expliqué le rôle de l’argent dans la circulation des marchandises dans un système capitaliste. Il démontrait que si l’on met en circulation deux billets de banques là où il ne pourrait y en avoir qu’un, l’argent supplémentaire sera absorbé par les marchandises en circulation et les prix doubleront.

    Tant que la production capitaliste a continué à croître, aucun problème ne s’est posé. Mais dès qu’elle s’est heurtée aux limites du marché, l’inflation a explosé. La valeur du dollar s’est effritée. Le gouvernement américain à du découpler le dollar de l’or. Cela a mis en danger tout le système monétaire mondial et a déclenché pour la première fois depuis les années ’30 une guerre commerciale. D’une moyenne de 12% par an, la croissance du commerce mondial est tombée à 4% par an entre 1973 et 1978. Pour faire face à la baisse de 12% de la valeur du dollar, les pays producteurs du pétrole réunis dans l’OPEP ont augmenté le prix du pétrole.

    Le facteur fondamental de la crise était néanmoins la baisse du taux de profit (qui mesure le rapport entre le profit réalisé et le capital investi). Le développement de la science et de la technique exige une division du travail de plus en plus prononcée dans des unités de production de plus en plus sophistiquées et de plus en plus coûteuses. Ceci mine le taux de profit et entrave la course au profit. Pendant la crise de 1974-75, la croissance des investissements est retombée de 6% à 2% par an et le chômage dans les pays capitalistes développés a doublé.

    La stagflation a été surmontée au moyen des politiques néo-libérales – lancées par Thatcher en Grande-Bretagne et Reagan aux Etats-Unis et appliquées ensuite ailleurs – qui ont consisté en une attaque directe contre les salaires et les conditions de travail, couplée à une diminution des dépenses publiques et une augmentation des taux d’intérêt. Les dirigeants capitalistes ont en fait décidé de laisser la stagflation suivre son cours – ou plus précisément d’en faire payer les frais par les travailleurs et leurs familles. La Grande-Bretagne est devenue un désert industriel tandis que les Etats-Unis et les autres pays capitalistes avancés ont subi une sérieuse désindustrialisation.

    La pause provoquée par la chute du stalinisme a pris fin

    En partant cette année à la retraite, le dirigeant de la Banque Fédérale américiane Alan Greenspan a déclaré dans son livre « Le temps des turbulences » : « Je n’envie pas mon successeur. A mon époque, il y avait beaucoup de pays en développement qui, après la guerre froide, accueillaient l’idéologie du libre marché. Les bas salaires dans ces pays faisaient baisser les coûts. En conséquence l’inflation restait basse et les banquiers centraux pouvaient stimuler l’économie de façon relativement simple en baissant le taux d’intérêt. Ce temps est fini. »

    Avec la chute des régimes staliniens en 1989, la main-d’oeuvre disponible sur le plan mondial a doublé, le taux d’exploitation des travailleurs a augmenté fortement et le taux de profit s’est restauré. Mais tout cela touche à sa fin : Greenspan s’attend maintenant à une période de stagflation et d’insécurité sur les marchés financiers.

    Au cours des dix dernières années, les Etats-Unis ont servi d’ « acheteur en dernier recours » mais, en 2005, le déficit de la balance des paiements a atteint la somme record de 805 milliards de dollars ! Tout autre pays dans une telle situation aurait été déclaré en faillite. Mais aucun pays ne désire que ce géant économique chute, par peur qu’il entraîne l’économie mondiale dans son déclin. Des investisseurs étrangers détiennent des obligations d’Etat américaines pour une valeur de 12.000 milliards de dollars. Les banques nationales asiatiques, et surtout la banque chinoise, et les institutions de crédit ne sont pas prêtes à perdre tout cela. Elles essaient donc, surtout depuis la crise immobilière de cet été, de diversifier leurs réserves en d’autres monnaies. Par conséquent, le financement de la montagne de dettes des Etats-Unis est de plus en plus menacé. Si le dollar s’écroule, les Etats-Unis devront monter fortement leurs taux d’intérêt pour conserver leur attrait pour les capitaux étrangers. Mais en même temps cela fera tomber la consommation américaine. Cela entraînerait le reste de l’économie mondiale, y compris l’Asie, dans une spirale vers le bas.

    En même temps, l’inflation revient. Certes, certains prix baissent – ceux des produits de consommation durable (télés, ordinateurs, téléphone,…) et ceux des produits bon marché venant de Chine et d’Asie. Par contre, la hausse du prix du pétrole, et à la suite celle du prix des autres matières premières, et les profits phénoménaux des dernières années ont assuré une abondance de capitaux qui a un fort effet d’inflation.. Provisoirement cette abondance de capitaux est absorbée par des investissements non-productifs dans la spéculation sur les actions et les obligations ainsi que dans l’immobilier. Si ces prix s’écroulent aussi, cette masse de capitaux se libérera et provoquera un effet d’inflation terrible. Si, en plus, le protectionnisme freine l’arrivage de marchandises bon marché venant d’Asie, nous entrerons bientôt dans une situation de récession économique combinée à une inflation galopante de 5 à 8 % (voire plus), bref à une stagflation.

    Une telle situation est à l’ordre du jour, mais le calendrier exact est difficile a estimer. Cela peut se produire à tout moment comme cela peut également être reporté. Mais plus ce sera postposé, plus la crise frappera durement, tout comme la désintoxication est plus dure si l’intoxication a été longue.

    L’effet sur la lutte de classe est difficile à juger. La période précédente de stagflation a provoqué une vague révolutionnaire qui a menacé l’existence du système. Les réserves construites pendant la période d’après- guerre et l’autorité qu’avaient les partis socialsites et « communistes » (là où ils avaient une base de masse) ont finalement pu freiner ce mouvement. Mais il suffit de se rappeler les effets qui subsistent de Mai ’68 – le mouvement de démocratisation de l’enseignement qui n’est toujours pas entièrement détruit – ou de la révolution portugaise des Oeillets et des diverses révolutions dans les anciennes colonies afin d’en estimer l’impact profond.

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