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  • Changements climatiques : Les prix vont suivre la température

    La question de l’écologie et de la préservation de notre environnement est vue parfois comme un problème secondaire, comme une préocupation réservée à ceux qui n’ont que cela à faire. Le cynisme n’est pas étranger au regard que certains portent sur les modifications du climat : « plus de soleil, plus de bronzage ! ». Pourtant, il s’agit d’un problème crucial et pour notre avenir immédiat également.

    Souvent, les militants écologistes ont été vus comme des farfelus. Mais bon, il est vrai que pour un travailleur aux prises avec l’exploitation qu’il subit sur son lieu de travail – avant de replonger dans la vie familliale et les problèmes des enfants, des factures à payer,… – il n’est pas toujours évident d’être sensible au drame que représente la disparition d’un petit mammifère en Asie. D’autant plus que les solutions proposées par les Verts – « officiels » et autres – n’ont régulièrement été que des délires utopistes ou des taxes supplémentaires (évidemment, uniquement pour les consommateurs afin de ne pas effrayer les principaux pollueurs que sont les entreprises).

    Depuis quelques temps, les rapports du GIEC (Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat), d’autres organismes similaires ou encore ceux de l’ONU ont fait la une de l’actualité. Il est maintenant devenu complètement absurde de nier les effets de l’activité humaine sur la terre. Mais pour beaucoup de gens, les chiffres donnés restent abstraits ou lointains. Pourtant, 50 millions de « réfugiés écologiques » en 2010 à cause des sécheresses et innondations croissantes, ce n’est pas rien. Le culte de l’individualisme qui a déferlé sur la société ces dernières années n’est pas pour rien dans le désintérêt surprenant à l’égard des enjeux du problème.

    Un article paru dans le « Wall Street Journal » et relayé dans le « Courrier International » du 10 au 15 mai donne des données beaucoup plus concrètes sur l’impact du réchauffement climatique sur notre quotidien immédiat. Tout l’article est centré autour de la flambée des prix (l’inflation) alimentaires qui va découler des mauvaises récoltes dues aux températures anormalement élevées et à l’absence de pluie.

    Par exemple, dans le Land de Saxe, dans l’est de l’Allemagne, les prix des denrées alimentaires ont augmenté quatre fois plus que les autres produits de consommation durant le mois de mars de cette année. Et dans l’ensemble du pays, le volume des pluies a été 90% inférieur à la normale durant le mois d’avril. « C’est le mois d’avril le plus sec, le plus chaud et le plus ensoleillé jamais enregistré » déclare le service national de météorologie allemand.

    En France, les températures durant ce mois ont été globalement 10% supérieures aux moyennes saisonnières tandis qu’en Espagne, les bassins de rétention d’eau ne sont remplis qu’à 40% de leur niveau normal. De fait, le mois d’avril 2007 a été le plus sec depuis au moins un siècle en Europe ; jamais en Belgique nous n’avons connu de pareilles chaleurs en avril depuis au moins 1830.

    En Italie, l’organisation patronale redoute les fermetures d’usines durant l’été et le gouvernement est sur le point de décréter l’Etat d’urgence.

    La Banque d’Angleterre a, quant à elle, expliqué que si le Royaume-Uni a eu une inflation de plus de 3% c’était en raison « d’une hausse des prix alimentaires provoquée par une réduction mondiale de l’offre en raison des conditions climatiques ». Et si l’inflation annuelle a atteint 3,1% en mars, les prix de la production agricole ont connu une inflation deux fois supérieure.

    Le tableau est similaire partout en Europe. « L’augmentation des prix est imminente » déclare le patron de Pinguin (conditionneur belge de légumes surgelés). Les prix se situent à « un niveau trompeusement bas depuis des années» dit-il encore.

    Il y a d’ailleurs encore quelques mois, les organisations agricoles misaient sur des récoltes exceptionnelles en raison de l’hiver particulièrement doux que nous avons connu. L’Union Européenne avait même commencé à vendre ses stocks de blé, ce qui avait en conséquence fait diminuer (un peu) les prix.

    Le problème ne se situera pas seulement au niveau de l’alimentation, mais également au niveau de l’électricité car la pénurie d’eau aura aussi des effets sur les centrales électriques.

    A cela, on peut encore ajouter que la canicule de 2003 avait causé plus de 70.000 décès à travers l’Europe et que les services de soins de santé publics se sont dégradés depuis lors…

    Tout ces éléments démontrent que les questions environnementales nous concernent réellement tous. Il est urgent de réfléchir aux solutions à mettre en oeuvre face à la dégradation de l’environnement et ses conséquences, comme par exemple la montée des prix de l’alimentation.

    Conscientiser… ou culpabiliser ?

    De nombreuses campagnes sont mises en oeuvre pour « conscientiser le citoyen ». Il est certain que le gaspillage d’eau et la pollution sont l’oeuvre de toutes les couches de la société, mais en définitive, les véritables responsables ne sont pas les personnes visées par ces campagnes. Culpabiliser le « citoyen » est un moyen commode pour masquer les premiers pollueurs.

    Dans un système basé sur la compétition entre entreprises, il est logique de voir leurs propriétaires faire ce qu’ils peuvent pour éviter de couler. La course aux profits est une nécéssité si un entrpreneur ne veut pas finir dans les poubelles de l’économie. Alors, avec une logique pareille, l’environnement, on s’en préoccupe peu. Pas assez rentable. Frein à la liberté d’entreprendre.

    Alors, comme l’ensemble des politiciens tiennent pour acquis que ce sont les entreprises qui créent l’emploi et qu’il faut les séduire et non les effrayer, on ne fait rien à leur niveau. Et si des lois passent, leur respect est encore tout théorique, sans parler des entreprises qui préfèrent payer des amendes qui reviennent de toute façon moins chères que le respect des normes.

    Donc… on s’attaque au « citoyen ». Mais les taxes touchent tout le monde de la même manière : le patron de Fortis paie la même taxe sur sa cannette de Coca que le livreur intérimaire de Pizza Hut. Il en va de même avec les incitants pour produits écologiquement meilleurs, comme par exemple les voitures moins polluantes. Mais, dans les faits, ce n’est même pas le cas. Car quand on a les moyens, ce n’est pas un problème de changer de voiture, d’installer une série de panneaux solaires ou de consommer des produits plus respectueux de l’environnement, mais aussi plus chers. En définitive, quand on « conscientise le citoyen », on attaque en réalité les travailleurs, les chômeurs, les femmes au foyer, les jeunes,… La majorité de la population ne pourra pas adapter son comportement puisqu’elle n’en a pas les moyens, et en a d’ailleurs de moins en moins.

    De toute façon, les nouveaux impôts ne servent bien souvent même pas à augmenter le budget pour la protection de l’environnement.

    Que faire donc ? L’écologie et le capitalisme sont opposés. Lutter pour préserver l’un, c’est détruire l’autre. Le capitalisme est basé sur le gaspillage. La loi du marché et de la concurrence signifie que personne ne sait ce qui est produit avant que cela le soit. Un peu comme si un étudiant allait à son examen de math pour voir ce qu’il doit étudier. Dans ces conditions, on produit trop et sans que cette production ne soit même nécessaire puisque la base est de rapporter aux actionnaires et aux chefs d’entreprises et non de satisfaire les besoins de la population.

    Le système qui préserverait le mieux l’environnement est une économie démocratiquement planifiée, c’est-à-dire où les moyens de produire sont aux mains des travailleurs – et non pas d’une minorité de profiteurs – qui décideraient eux-même de ce qu’ils doivent produire en fonction de leurs besoins. Et parmi ces besoins figure la protection de la planète. L’écologie et le marxisme révolutionnaire sont étroitement liés, contrairement à l’image qu’à pu en donner la caricature productiviste stalinienne des ex-pays « socialistes ». A la lutte pour nos emplois, contre la cherté de la vie, contre le racisme,… doit être liée la lutte pour la préservation de notre éco-système.

  • Hongrie 1956 : quand les conseils ouvriers ont fait trembler la bureaucratie soviétique et la bourgeoisie du monde entier

    Cédric Gérôme

    Ce 23 octobre 2006, cela faisait exactement 50 ans que s’est déclenchée la révolution hongroise de 1956. Cet anniversaire, ainsi que les violentes émeutes qui l’ont accompagné, ont remis la Hongrie et le souvenir de la révolution au centre de l’actualité. L’ensemble de la presse et des politiciens se rejoignent tous pour saluer au passage « la première révolution dirigée contre la tyrannie communiste ». Contre la tyrannie ? Très certainement. Mais de là à faire l’amalgame stalinisme = communisme, il n’y a qu’un pas que la majorité des commentateurs bourgeois franchissent allègrement. Lors de la commémoration du soulèvement de 1956, organisé ce mardi en grande pompe par le gouvernement hongrois, José Manuel Barroso, président de la Commission Européenne, n’hésitait pas à dire que « les Hongrois, par leur sacrifice, ont préparé la réunification de l’Europe ». Les groupes d’extrême-droite hongrois, quant à eux, revendiquent la paternité de la « révolution contre les communistes, qui sont d’ailleurs toujours au pouvoir. » Face à cet amas d’hypocrisie et de confusion idéologique, il ne nous semble pas superflu de revenir sur les événements de ‘56, ses acteurs, son caractère et ses implications…

    Hongrie 1956 : quand les conseils ouvriers ont fait trembler la bureaucratie soviétique et la bourgeoisie du monde entier

    « Comment les dirigeants pourraient-ils savoir ce qui se passe ? Ils ne se mêlent jamais aux travailleurs et aux gens ordinaires, ils ne les rencontrent pas dans les bus, parce qu’ils ont tous leurs autos, ils ne les rencontrent pas dans les boutiques ou au marché, car ils ont leurs magasins spéciaux, ils ne les rencontrent pas dans les hôpitaux, car ils ont leurs sanas à eux. »

    « La honte n’est pas dans le fait de parler de ces magasins de luxe et de ces maisons entourées de barbelés. Elle est dans l’existence même de ces magasins et de ces villas. Supprimons les privilèges et on n’en parlera plus. » (Gyula Hajdu et Judith Mariássy, respectivement militant communiste et journaliste hongrois en 1956)

    1) La Hongrie au sortir de la guerre

    Après la deuxième guerre mondiale, les Partis Communistes et l’URSS avaient acquis une grande autorité suite à la résistance héroïque de la population russe contre l’invasion du pays par l’armée nazie. L’URSS sortit renforcée de la guerre : ayant repoussé l’armée allemande jusqu’aux frontières de l’Elbe, elle avait conquis la moitié d’un continent. La conférence de Yalta en février 1945 consacra cette nouvelle situation : les parties de l’Europe qui avaient été « libérées » par l’Armée Rouge resteraient sous la sphère d’influence russe.

    La fin de la seconde guerre mondiale était allée de pair avec une radicalisation des masses et des événements révolutionnaires dans toute une série de pays. En effet, les masses ne voulaient pas seulement en finir avec le fascisme ; elles voulaient aussi extirper la racine sociale et économique qui l’avait fait naître : le capitalisme. Dans la plupart des pays européens, la bourgeoisie devait faire face à des insurrections de masse. Mais s’il y avait bien un point sur lequel les Partis Communistes stalinisés et les capitalistes s’entendaient parfaitement, c’était sur le fait qu’une révolution ouvrière devait être évitée à tout prix. Dans les pays capitalistes, les PC –tout comme les partis sociaux-démocrates- usèrent de leur autorité pour venir en aide aux classes dominantes, en ordonnant aux partisans de rendre les armes et en participant à des gouvernements d’ « union nationale » avec les partis bourgeois (en France, en Italie, et en Belgique notamment). En vérité, il s’agissait bien là d’une contre-révolution, mais sous un visage « démocratique ». En France, pour ne citer qu’un seul exemple, les groupes de résistance, sous l’instruction des dirigeants staliniens, durent rendre leurs armes au prétendu « gouvernement de Libération Nationale ». Maurice Thorez, secrétaire général du PCF de l’époque, déclarait : « Les Milices Patriotiques ont très bien servi dans la lutte contre les nazis. Mais maintenant, la situation a changé. La sécurité publique doit être assurée par la police régulière. Les comités locaux de libération ne peuvent pas se substituer au pouvoir du gouvernement. »

    Dans les pays de l’Est (Roumanie, Bulgarie, Hongrie, Pologne, etc), si l’entrée de l’Armée Rouge avait souvent été perçue comme une libération, la bureaucratie du Kremlin était pourtant déterminée à maintenir la situation sous son contrôle et à empêcher que la classe ouvrière entre en mouvement de manière autonome. Petite anecdote illustrative : en Bulgarie, lorsque la machine militaire nazie s’effondra durant les mois d’automne 1944, les milices ouvrières, à Sofia puis dans d’autres villes, désarmèrent et arrêtèrent les fascistes, élirent des tribunaux populaires, organisèrent des manifestations de masse. Sentant le danger, le Haut Commandement russe ordonna tout de suite à ses troupes stationnées dans le pays : « Faites tout pour revenir à la discipline antérieure. Abolissez les comités et les conseils. Nous ne voulons plus voir un seul drapeau rouge dans la ville. »

    Après la guerre, dans des pays comme l’Italie ou l’Allemagne, la bourgeoisie avait sciemment maintenu dans l’appareil d’Etat du personnel politique ou militaire ayant occupé des fonctions importantes sous le fascisme ; les staliniens, quant à eux, firent exactement la même chose à l’Est. A cette époque, gagner les masses à un programme révolutionnaire n’aurait été que trop facile ; mais c’était là précisément ce que la bureaucratie stalinienne voulait éviter à tout prix. Dans les pays occupés par l’Armée Rouge, nombre de communistes et de travailleurs actifs dans la résistance seront liquidés, car jugés peu fiables. Qualifiés pendant la guerre de « braves combattants », ils devenaient à présent des « bandits », des « forces ennemies », voire même des « éléments pro-hitlériens », et étaient soumis en conséquence à la plus sévère répression. Plusieurs milliers d’entre eux seront torturés ou exécutés, pour la simple raison d’avoir voulu contester la toute-puissance de la bureaucratie. Pour mener à bien ce travail peu reluisant, les meilleurs alliés que les staliniens pouvaient trouver étaient…les vermines de l’ancien régime, convertis en « communistes » pour l’occasion. En Roumanie, le vice-Premier ministre du gouvernement nouvellement formé, un certain Tatarescu, avait par exemple dirigé en 1911 la répression contre un soulèvement dans les campagnes qui avait causé la mort de 11.000 paysans. En Bulgarie, le premier ministre, le Colonel Georgiev, et le ministre de la guerre, le Colonel Velchev, avaient tous deux été membres de la Ligue Militaire, une organisation fasciste sponsorisée par Mussolini. En Hongrie enfin, en décembre 1944, un gouvernement de « libération » fut formé ; son premier ministre était Bela Miklos, à savoir le tout premier Hongrois à avoir reçu personnellement des mains d’Hitler la plus grande décoration de l’ordre nazi !

    La population hongroise avait connu la défaite d’une première révolution en 1919. Ensuite elle dût subir les conséquences de cette défaite par l’instauration du régime fasciste de l’Amiral Horthy. Celui-ci liquida avec zèle les syndicats, tortura et massacra les communistes et les socialistes par milliers. Pendant la guerre, le pays fut occupé par les troupes nazies, accompagnées d’une nouvelle vague de terreur. Compte tenu de ces antécédents, il est clair que pour la population hongroise, le fait de constater qu’un régime qui portait sur son drapeau les acquis de la révolution russe d’octobre 1917 reconstruise l’appareil d’Etat avec les pires crapules de l’ancien régime n’en était que plus insupportable.

    Après la guerre, la Hongrie, comme tous les pays tombés sous l’égide de l’Armée Rouge, s’intégra au modèle économique russe et nationalisa son économie. A la fin de 1949, le processus de nationalisation de tous les principaux secteurs de l’économie hongroise était achevé. Bien évidemment, cela ne se faisait pas à l’initiative ni sous le contrôle des masses ouvrières : dès le début, celles-ci furent placés sous le joug d’une bureaucratie parasitaire calquée sur le modèle de l’URSS, qui disposait en outre d’une des polices secrètes les plus brutales de tout le bloc de l’Est, et s’accaparait, de par ses positions politiques, des privilèges exorbitants : en 1956, le salaire moyen d’un travailleur hongrois était de 1.000 forints par mois. Celui d’un membre de base de l’A.V.O. (=la police politique) était de 3.000 forints, tandis que le salaire d’un officier ou d’un bureaucrate de haut rang pouvait varier entre 9.000 et 16.000 forints par mois.

    Sur papier, beaucoup de travailleurs hongrois restaient encore membres du Parti Communiste. Cependant, cela était davantage lié au climat de terreur régnant tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du parti, plutôt qu’à des considérations politiques. Pour preuve, en octobre 1948, l’éditeur principal du « Szabad Nep » -le journal officiel du parti- se plaignait lui-même du fait que seuls 12% des membres du parti lisait le journal. Autre chiffre particulièrement révélateur de la répression politique qui sévissait en Hongrie à cette époque : entre 1948 et 1950, le PC hongrois expulsa de ses rangs pas moins de 483.000 membres !

    2) La rupture

    Le bureaucratisme stalinien constituait un système de gouvernement et de direction économique de moins en moins adapté aux nécessités de son temps, et de plus en plus en contradiction avec la situation réelle, tant en URSS que dans les pays dits « satellitaires » d’Europe de l’Est. L’annonce de la mort de Staline par le Kremlin en mars 1953 fut perçue comme un signal par les populations ouvrières du bloc de l’Est et ouvrit une période de résistance dans ces pays contre les méthodes de terreur et de despotisme qui devenaient chaque jour plus intolérables. En juin de la même année, les travailleurs de Plzen, un des principaux centres industriels de Tchécoslovaquie, démarrèrent spontanément une manifestation de masse demandant une plus grande participation de leur part aux décisions dans les usines et sur les lieux de travail, la démission du gouvernement ainsi que la tenue d’élections libres. Deux semaines plus tard, le 17 juin 1953, les travailleurs de Berlin-Est se rebellaient à leur tour par des manifestations et des grèves, mouvement qui culminera dans une grève générale se répandant comme une traînée de poudre dans toute l’Allemagne de l’Est. Il sera réprimé sans ménagement par les troupes russes, au prix de 270 morts.

    Les dirigeants de l’URSS comme des pays « satellitaires » commençaient à s’inquiéter. Il fallait trouver les moyens de calmer les esprits, les voix de plus en plus nombreuses qui s’élevaient contre le régime d’oppression politique imposé à la population. Effrayée par la possibilité d’explosions plus importantes encore, la bureaucratie décida d’adopter un « cours nouveau » : une certaine relaxation politique consistant en réformes et concessions venues d’en-haut (=initiées par la bureaucratie elle-même) afin d’éviter une révolution d’en-bas (=une révolution politique initiée par la classe ouvrière). Ainsi, en Hongrie, les tribunaux de police spéciaux furent abolis, beaucoup de prisonniers politiques furent libérés, il fut permis de critiquer plus ouvertement la politique du gouvernement. Sur le plan économique, on accorda plus d’importance à la production de biens de consommation et moins à l’industrie lourde. Dans les campagnes, on mit un frein aux méthodes de collectivisation forcée. Cependant, cela ne fit qu’ouvrir l’appétit aux travailleurs et aux paysans ; car ce que ceux-ci désiraient en définitive, c’était chasser pour de bon la clique dirigeante du pouvoir.

    Historiquement, l’année 1956 fut incontestablement une année cruciale dans la crise du stalinisme. Car si 1956 fut l’année de la révolution hongroise, cette dernière n’était elle-même qu’une composante d’une crise générale traversée par les régimes staliniens. La révolution de 1956 marquait un point tournant : elle indiquait la fin d’une époque et le début d’une ère nouvelle. Précurseur d’autres mouvements contre la bureaucratie stalinienne, tels que le Printemps de Prague de 1968, elle était la première véritable révolution dirigée contre ceux-là même qui continuaient à se proclamer les héritiers de la révolution russe de 1917. Or, comme Trotsky l’avait expliqué déjà 20ans auparavant, ceux qui se trouvaient au Kremlin n’étaient plus les héritiers de la révolution, mais bien ses fossoyeurs.

    Déjà, en février 1956, au 20ème congrès du PC russe, et trois ans après la mort de Staline, Nikita Kroutchev, premier secrétaire du parti, avait lancé une véritable bombe politique dans le mouvement communiste mondial en exposant son fameux « rapport secret », qui détruisait le mythe du « Petit Père des Peuples » et dévoilait publiquement la terreur de masse, les crimes abominables et la répression politique menée méthodiquement par le régime de Staline pendant des années. Auparavant, ne pas avoir la photo de Staline chez soi était considéré comme un acte de défiance au régime. A présent, on transformait en diable celui qui avait été mystifié des années durant comme un dieu vivant ! Les raisons de ce revirement peuvent en être trouvées dans cet extrait d’un article de la « Pravda » -organe de presse du PC russe- : « Le culte de la personnalité est un abcès superficiel sur l’organe parfaitement sain du parti. » Il s’agissait de donner l’illusion que maintenant que le « Petit Père des Peuples » avait trépassé, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes.

    Mais les travailleurs n’étaient pas dupes. En outre, il est difficile de continuer à pratiquer une religion à partir du moment où l’on a détruit son dieu. Car si Kroutchev et ses supporters tendaient à rompre avec les aspects les plus tyranniques du stalinisme, ils étaient bien incapables, de par leur propre position, à s’attaquer à la racine même de cette tyrannie : c’est pourquoi Kroutchev se verra obligé d’écraser dans le sang la révolution hongroise en utilisant les mêmes méthodes que celles qu’il avait dénoncées quelques mois plus tôt.

    3) L’explosion

    De juin à octobre 1956, un mouvement important des travailleurs polonais oblige la bureaucratie polonaise à faire d’importantes concessions. Des postes dans le parti sont attribués à des anti-staliniens et fin octobre, le poste de 1er secrétaire du parti est attribué à Gomulka, un vieux communiste relativement populaire qui avait été jeté en prison par Staline. Si Gomulka restait un homme de l’appareil, sa nomination à la tête du parti était malgré tout perçue comme une victoire importante. Un responsable haut-placé du régime commente ces événements en affirmant qu’ « il faut voir ces incidents comme un signal alarmant marquant un point de rupture sérieux entre le parti et de larges couches de la classe ouvrière. » Toutefois, en Pologne, la bureaucratie sera capable de maintenir le mouvement sous contrôle. Mais en Hongrie …

    En Hongrie, depuis quelques mois, l’agitation s’était accentuée, essentiellement parmi les intellectuels et dans la jeunesse, autour du cercle « Petöfi », formé fin ‘55 par l’organisation officielle des jeunesses communistes (DISZ). Celle-ci prend des positions de plus en plus virulentes par rapport au régime : « Il est temps d’en finir avec cet Etat de gendarmes et de bureaucrates » est le type de déclarations que l’on peut lire dans leurs publications. La « déstalinisation » leur permet à présent d’exprimer au grand jour ce qu’ils pensaient depuis longtemps tout bas.

    A partir de septembre et de début octobre, les travailleurs commencent à leur tour à s’activer. En octobre, lorsque les travailleurs et les jeunes apprennent la nouvelle de ce qui s’est passé en Pologne, il se sentent pousser des ailes. Le 21 octobre, les étudiants de l’Université Polytechnique de Budapest tiennent une assemblée, où ils réclament la liberté de la presse, de parole, d’opinion, la suppression du régime du parti unique, l’abolition de la peine de mort, l’abolition des cours obligatoires de « marxisme ». Ils menacent d’appuyer leur programme par des manifestations de rue s’ils n’obtiennent pas satisfaction. Le 22 octobre, le cercle Petöfi lance pour le lendemain le mot d’ordre d’une grande manifestation publique en solidarité avec leurs frères polonais.

    L’interdiction initiale de la manifestation, plusieurs fois répétée à la radio, puis la décision soudaine de l’autoriser, produisent un effet de choc. La population tout entière a pu constater les hésitations des dirigeants, et elle voit la décision finale des autorités comme une capitulation devant la force potentielle du mouvement. La manifestation est un succès, rassemble plusieurs dizaines de milliers de personnes. En tête, des jeunes portent d’immenses portraits de Lénine. On peut lire des slogans tels que « nous ne nous arrêterons pas en chemin : liquidons le stalinisme », « indépendance et liberté » etc. Vers 18h, les bureaux et les usines se vident, et les ouvriers et employés qui sortent du boulot rejoignent les étudiants. Le mouvement gagne en ampleur, les transports publics s’arrêtent de fonctionner ; on dénombre bientôt plus de 300.000 manifestants dans les rues de Budapest.

    Un groupe de plusieurs centaines de personnes issues de la foule décident de se rendre à la Place où se dresse une statue géante en bronze de Staline et la déboulonnent. Une délégation de 16 personnes se rend à l’immeuble où est localisé le centre de radio de Budapest, afin de tenter de diffuser leur appel sur les ondes. Comme la délégation tarde à sortir de l’immeuble, la foule s’impatiente. C’est dans la confusion générale qu’éclatent les premiers coups de feu dans la foule, tirés par des membres de l’A.V.O. Il y a trois morts. Ensuite, les premiers tanks et camions arrivent en renfort. Cette échauffourée met le feu aux poudres : la révolution hongroise a commencé.

    4) La force des travailleurs en action

    Les travailleurs commencent à s’armer pour riposter : certains s’emparent d’armes dans les armureries, d’autres se rendent vers les casernes. Comme à Barcelone en 1936, certains soldats leur ouvrent les portes, leur lancent des fusils et des mitraillettes par les fenêtres, ou amènent carrément dans la rue des camions chargés d’armes et de munitions et les distribuent à la population. Beaucoup rejoignent les rangs des manifestants. Dès le 24 au soir, il n’y aura pratiquement plus aucune unité de l’armée hongroise qui obéisse au gouvernement. Seule la police politique combat les insurgés. Des barricades commencent à se dresser ; dans certains quartiers de Budapest, même des enfants apportent leurs jouets pour aider à la construction des barricades.

    Les batailles de rue durent toute la nuit. A une heure du matin déjà, la plupart des grosses artères de la ville sont occupés par des travailleurs armés. Vers 8h du matin, le gouvernement hongrois annonce qu’il a fait appel à l’aide militaire russe pour écraser ce qu’il appelle « des petites bandes de contre-révolutionnaires armés qui pillent la ville. » Les bureaucrates du Kremlin et leurs agents de l’appareil hongrois sont décidés à conserver à tout prix le contrôle de la situation, quitte à noyer dans le sang la révolution naissante. Cette décision ne fait que renforcer la détermination des révolutionnaires et radicalise encore davantage le mouvement. Le premier conseil de travailleurs et d’étudiants est formé à Budapest.

    Les chars russes commencent à entrer dans la ville dans la matinée du 24 octobre. Au début, certains soldats russes envoyés pour écraser l’insurrection ne savent même pas qu’ils sont en Hongrie : on leur a raconté qu’ils ont été envoyés à Berlin pour « combattre des fascistes allemands appuyés par des troupes occidentales. »

    Les combats de rue se prolongent pendant plusieurs jours. Rapidement, les quartiers prolétariens deviennent les bastions de l’insurrection. Un correspondant de « The Observer » explique: « Ce sont les étudiants qui ont commencé l’insurrection, mais, quand elle s’est développée, ils n’avaient ni le nombre ni la capacité de se battre aussi durement que les jeunes ouvriers. ».

    Dès l’annonce de l’envoi de troupes russes, la grève générale insurrectionnelle est déclarée ; elle se répand rapidement dans tout le pays. Elle se traduit immédiatement par la constitution de centaines de comités et conseils ouvriers qui s’arrogent le pouvoir. Avant le 1er novembre, dans tout le pays, dans toutes les localités, se sont constitués, par les travailleurs et dans le feu de la grève générale, ces conseils qui assurent le maintien de l’ordre, la lutte contre les troupes russes et contre celles de l’A.V.O. par des milices d’ouvriers et d’étudiants armés ; ils dissolvent les organismes du PC, épurent les administrations qu’ils ont soumises à leur autorité, assurent le ravitaillement de la capitale en lutte.

    Un journal aussi réactionnaire que « La Libre Belgique » publiait le lundi 23 octobre l’interview d’un certain Nicolas Bardos, docteur en sciences-économiques, qui a fui la Hongrie en 1956. Celui-ci relate : « A la sortie d’une pause de nuit, je suis tombé dans la rue sur une manifestation où ouvriers et employés étaient accompagnés d’étudiants derrière un drapeau troué. Deux jours plus tard, je me suis rendu compte de la décomposition de l’Etat. Tout s’est arrêté et réorganisé très vite. Des conseils ouvriers se sont mis en place… ». Ces conseils renouent spontanément avec les formes d’organisation caractéristiques de la démocratie ouvrière : ils sont élus par la base, avec des délégués révocables à tout moment et responsables devant leurs mandats. Leurs revendications politiques diffèrent, mais tous comprennent : l’abolition de l’A.V.O., le retrait des troupes russes, la liberté d’expression pour tous les partis politiques, l’indépendance des syndicats, l’amnistie générale pour les insurgés emprisonnés, mais aussi et surtout la gestion par les travailleurs eux-mêmes des entreprises et des usines.

    Ce dernier point apporte un démenti flagrant à la version prétendant que cette révolution était dirigée contre le « communisme » en général. Le 2 novembre 1956, un article paraît dans « Le Figaro » affirmant ceci : « Les militants hongrois sont soucieux de restaurer une démocratie à l’occidentale, respectueuse des lois du capitalisme. » Cette affirmation est pourtant contredite par les militants révolutionnaires eux-mêmes. La fédération de la jeunesse proclame fièrement : « Nous ne rendrons pas la terre aux gros propriétaires fonciers ni les usines aux capitalistes » ! Dans le même registre, le Conseil Ouvrier Central de Budapest déclare : « Nous défendrons nos usines et nos terres contre la restauration capitaliste et féodale, et ce jusqu’à la mort s’il le faut. » Certes, dans l’atmosphère générale, des réactionnaires ont pu s’infiltrer et pointer le bout de leur nez. Pas plus. Un seul journal réactionnaire a paru. Il n’a publié qu’un seul numéro, car les ouvriers ont refusé de l’imprimer dès le lendemain. Cela n’a pas empêché les journaux bourgeois en Occident de parler de « floraison de journaux anti-communistes ».

    5) Les chars russes

    Au fur et à mesure que les soldats russes restent sur place, ils comprennent de mieux en mieux pourquoi on les a envoyés : ils n’ont pas vu de troupes occidentales, ils n’ont pas vu de fascistes ni de contre-révolutionnaires ; ils ont surtout vu tout un peuple dressé, ouvriers, étudiants, soldats. Certains soldats russes doivent être désarmés et renvoyés vers la Russie, du fait qu’ils refusent d’appliquer les ordres. D’autres fraternisent avec les révolutionnaires et rejoignent carrément le camp des insurgés. Dès le second jour de l’insurrection, un correspondant anglais signale que certains équipages de tanks ont arraché de leur drapeau l’emblème soviétique et qu’ils se battent aux côtés des révolutionnaires hongrois « sous le drapeau rouge du communisme ».

    L’utilisation de l’armée russe à des fins répressives devient de plus en plus difficile. Après un premier repli stratégique pour s’assurer des troupes plus fraîches et plus sûres, le 4 novembre, le Kremlin lance une seconde intervention, armée de 150.000 hommes et de 6.000 tanks pour en finir avec la révolution. Une bonne partie des nouvelles troupes viennent d’Asie soviétique, dans l’espoir que la barrière linguistique puisse empêcher la fraternisation des soldats avec les révolutionnaires hongrois.

    Pendant quatre jours, Budapest est sous le feu des bombardements. Le bilan de la deuxième intervention soviétique à Budapest est lourd : entre 25.000 et 50.000 morts hongrois, et 720 morts du côté des soldats russes. La répression par les troupes de l’A.V.O., qui « nettoient » les rues après le passage des tanks, est extrêmement féroce : des révolutionnaires attrapés dans les combats de rue sont parfois pendus par groupes sur les ponts du Danube ; des pancartes sont accrochées sur leurs cadavres expliquant : « Voilà comment nous traitons les contre-révolutionnaires ». Tout cela se fait bien entendu dans l’indifférence totale des soi-disant « démocraties » occidentales. Le secrétaire d’Etat des USA affirme dans un speech à Washington : « D’un point de vue de la loi internationale sur la violation des traités, je ne pense pas que nous puissions dire que cette intervention est illégale ». Ce positionnement de l’impérialisme américain permet d’apprécier à sa juste valeur l’ «hommage » rendu aux insurgés de ’56 par George W.Bush lors de sa visite en Hongrie en juillet dernier !

    Les combats durent pendant huit jours dans tout le pays. Si l’intervention des chars russes leur a assénés un sérieux coup, les travailleurs ne sont pourtant pas encore complètement battus. Une semaine après le déclenchement de la seconde intervention russe, la majorité des conseils ouvriers sont encore debout. Une nouvelle grève générale, assez bien suivie, aura même encore lieu les 11 et 12 décembre ! Pourtant, le répit obtenue par la réaction à travers cette deuxième intervention militaire–nettement plus efficace que la première-, combinée au manque d’un parti ouvrier révolutionnaire avec une stratégie claire visant à destituer la bureaucratie de ses fonctions, permet à la terreur contre-révolutionnaire de déclencher une offensive sans précédent. Le 20 novembre, les derniers foyers de résistance commencent à s’éteindre. Début décembre, le gouvernement lance la police contre les dirigeants des conseils ouvriers ; plus d’une centaine d’entre eux sont arrêtés dans la nuit du 6 décembre. Sous les coups de la répression, les conseils ouvriers nés de la révolution disparaissent les uns après les autres. La révolution hongroise recule.

    Le 26 décembre 1956, la force des conseils ouvriers hante encore la bureaucratie. Un ministre hongrois, un certain Gyorgy Marosan, déclare que « si nécessaire, le gouvernement exécutera 10.000 personnes pour prouver que c’est lui le vrai gouvernement, et non plus les conseils ouvriers. »

    Le 5 janvier 1957, en visite à Budapest, Kroutchev, rassuré, affirme qu’ « en Hongrie, tout est maintenant rentré dans l’ordre. »

    Le 13 janvier de la même année, la radio diffuse une annonce officielle déclarant qu’ « en raison de la persistance d’activités contre –révolutionnaires dans l’industrie, les Tribunaux ont désormais le pouvoir d’imposer la peine de mort à quiconque perpétuera la moindre action contre le gouvernement. » Cela implique le simple fait de prononcer le mot « grève » ou de distribuer un tract.

    6) Conclusion

    La version que la bourgeoisie présente de ces événements est sans ambiguïté : le peuple hongrois a démontré sa haine du communisme et sa volonté de revenir au bon vieux paradis capitaliste. Pour des raisons quelque peu différentes, la version des staliniens s’en rapproche étrangement : les révolutionnaires sont sans vergogne qualifiés par la bureaucratie de « contre-révolutionnaires », de « fascistes », d’ « agents de la Gestapo ». Dans un cas comme dans l’autre, les insurgés sont présentés comme des éléments pro-capitalistes. Or il n’en est rien : tout le développement de la révolution hongroise dément une telle analyse.

    En 1956, le programme qu’exprimaient des millions de travailleurs de Hongrie à travers les résolutions de leurs conseils et comités, reprenait dans les grandes lignes le programme tracé vingt ans plus tôt dans « La révolution trahie » par Trotsky, où celui-ci prônait pour la Russie une révolution politique contre la caste bureaucratique au pouvoir, comme seule issue afin d’empêcher un retour au capitalisme qui renverrait l’Etat ouvrier des décennies en arrière.

    Trotsky disait : « L’économie planifiée a besoin de démocratie comme l’homme a besoin d’oxygène pour respirer ». Les travailleurs ne refusaient pas la production socialisée ; ce qu’ils refusaient, c’était que cette dernière se fasse au-dessus de leurs têtes. Ils se battaient pour le véritable socialisme, c’est-à-dire un socialisme démocratique. C’est pour cette raison que la victoire des conseils ouvriers était apparue comme un péril mortel à la bureaucratie de l’URSS. De plus, son exemple était un danger direct pour toute la hiérarchie de bureaucrates de que l’on appelait hypocritement les « démocraties populaires ». Mao, Tito, et tous les autres, sans exception, supportèrent sans hésiter la ligne suivie par Moscou. Le Parti Communiste Chinois alla même jusqu’à reprocher aux Russes de ne pas avoir réagi assez vigoureusement pour écraser la révolution hongroise. Dans les pays occidentaux, les PC estimaient que l’intervention soviétique était inévitable et nécessaire si l’on voulait « sauver le socialisme » : il leur en coûtera des dizaines de milliers de membres, le PC anglais perdant plus du quart de ses effectifs.

    Malheureusement, les travailleurs hongrois se sont lancés dans la révolution sans disposer d’une direction révolutionnaire permettant de faire aboutir le mouvement jusqu’à sa conclusion : là était le gage d’une possible victoire. Il est regrettable que certains commentateurs de gauche tirent des conclusions complètement opposées. C’est le cas de Thomas Feixa, journaliste au « Monde Diplomatique », qui écrit : « La grève générale et la création de conseils autonomes opérant sur la base d’une démocratie directe bat en brèche la formule du parti révolutionnaire défendue par Lénine et Trotsky, celle d’une organisation autoritaire et centralisatrice qui réserve les décisions à une élite savante et restreinte. » La contradiction qui est ici posée entre les conseils ouvriers d’un côté, et le parti révolutionnaire de l’autre, n’a pas de sens. Les conseils ouvriers existaient également en Russie : les soviets, qui permettaient précisément que les décisions ne soient pas « réservées à une élite savante et restreinte », mais impliquaient au contraire la masse de la population dans les prises de décision. Que les soviets aient finalement perdu leur substance et furent sapés par la montée d’une bureaucratie totalitaire qui a fini par gangréner tous les rouages de l’appareil d’Etat, c’est une autre histoire que nous n’avons pas l’espace d’aborder ici. Mais une chose est certaine : la victoire des soviets russes a été permise parce qu’ils disposaient d’une direction révolutionnaire à leur tête, représentée par le Parti Bolchévik. Si l’héroïsme des travailleurs hongrois avait pu être complété par l’existence d’un parti tel celui des Bolchéviks en 1917, le dénouement de la révolution hongroise aurait été tout autre, et la face du monde en aurait peut-être été changée.

    Andy Anderson, auteur anglais d’un livre appelé « Hungary ‘56 », explique quant à lui : « Les travailleurs hongrois ont instinctivement, spontanément, créé leurs propres organes, embryon de la société qu’ils voulaient, et n’ont pas eu besoin d’une quelconque forme organisationnelle distincte pour les diriger ; c’était ça leur force. » Encore une fois, ce qui constituait la faiblesse principale du mouvement –sa spontanéité- est ici transformée en son contraire, et présentée comme sa force principale. Il est d’ailleurs assez révélateur de constater qu’aucun de ces deux auteurs n’aborde la question de savoir pourquoi la révolution hongroise a échoué. Elle a échoué car il manquait aux travailleurs hongrois la direction capable de coordonner leur action, de construire un soutien solide dans les populations ouvrières des autres pays de l’Est par une stratégie consciente visant à étendre la révolution à l’extérieur et ainsi desserrer l’étau qui pesait sur les révolutionnaires hongrois, de déjouer les pièges de la bureaucratie et, surtout, de balayer définitivement celle-ci du pouvoir. C’est bien à cause de cela que les conseils ouvriers sont restés en Hongrie à l’état d’ « embryons de la nouvelle société » et ne sont jamais devenus des organes de pouvoir effectifs.

    Sources :

    • « La révolution hongroise des conseils ouvriers », Pierre Broué.
    • « Hungary ‘56 », Andy Anderson
    • « Le Monde Diplomatique » (octobre 2006)
    • « La Libre Belgique » (23 et 24 octobre 2006)
  • Leurs profits explosent, pas nos salaires!

    Le Bel 20 regroupe les 20 principales sociétés cotées à la Bourse de Bruxelles. Et les 20 patrons les mieux payés aussi, chacun d’entre eux percevant en moyenne 1,75 million d’euros par an. Le salaire des membres de la direction des entreprises du Bel 20 a augmenté de presque 10% en 2005.

    Salaires des managers: + 12% en 1 an

    Bénéfices des entreprises: + 25%

    Part des salaires dans le PNB: -10%

    Pouvoir d’achat des travailleurs en 20 ans: -2%

    Pour défendre les hauts salaires des top managers, Karel Vinck, ancien administrateur délégué d’Umicore et de la SNCB, a déclaré qu’« un manager en Europe sait ce que gagne son collègue en Amérique et ne veut pas recevoir moins ». Mais quand on discute de nos salaires, ce n’est pas avec les salaires américains qu’on fait la comparaison mais avec ceux d’Europe de l’Est ou d’Asie !

    Vinck dit que les super-salaires sont raisonnables parce que “le job d’un manager est devenu beaucoup plus difficile” et que “c’est logique que les gens qui prennent une telle tâche sur eux doivent être payés plus.”

    Cette logique n’est jamais utilisée dans le débat sur les salaires des travailleurs. Ici, on parle tout le temps du “handicap salarial” provoqué par la concurrence exercée par les pays à bas salaires. Et on ne tient jamais compte de l’augmentation de la productivité des travailleurs, qui fait que la pression au travail est devenue plus forte sur chacun. Tout cela permet aux patrons de dire qu’il n’est pas “logique” que les travailleurs soient “payé plus” et que cette revendication est immédiatement dénoncée comme “conservatrice” !

    L’actuelle explosion des profits ne se limite évidemment pas aux cadres de (très) haut vol. Les actionnaires, eux aussi, se frottent les mains. Les profits des entreprises ont augmenté en Belgique de près de 25 % en un an selon la Banque Nationale. Pendant ce temps, la pauvreté augmente. 15% des Belges vivent en-dessous du seuil de pauvreté et 6% des travailleurs en Belgique sont pauvres.

    La part représentée par les salaires dans le Produit Intérieur Brut (l’ensemble des richesses créées par le système économique) n’a cessé de reculer au cours des 20 dernières années (10% en moyenne pour les pays développés). Les salaires des travailleurs ont progressé bien moins vite que la production. C’est ce qui a permis aux

    Hypocrisie sur les hauts salaries

    Verhofstadt prépare un super-conseil des ministres consacré au maintien de la compétitivité pour la mi-juin. Objectif de l’opération : geler les salaires des travailleurs.

    A l’occasion du 1er Mai, le parti socialiste flamand (SP.a) a critiqué les très hauts salaires des managers tandis que le PS a plaidé pour la « transparence » en matière de hauts revenus.

    En faisant semblant de s’en prendre aux très gros salaires, les partis socialistes préparent la discussion sur la modération salariale. Des concessions symboliques demandées aux top managers (par exemple la limitation de leurs allocations de préavis à l’équivalent de deux années de salaire) vont être utilisées pour imposer la “modération” à tous les autres travailleurs. Préparer une politique antisociale avec un discours apparemment social, voilà bien l’hypocrisie des partis « socialistes » !

  • Népal. Mouvement de masse et crise révolutionnaire

    Une grève générale de 18 jours, doublée de protestations de masse, ont contraint le roi du Népal Gyanendra à rétablir le parlement le 24 avril. La crise était profonde. S’il y avait eu un parti socialiste révolutionnaire de masse au Népal, la question de la création d’un Etat des travailleurs et des paysans se serait posée sans aucun doute.

    Peter Delsing

    Depuis le 1er février 2005, le roi dictatorial tenait fermement les rènes du pouvoir. Il avait alors proclamé l’état d’urgence pour trois mois. En 2005, la moitié des cas de censure recensés dans le monde étaient dus au Népal d’après un rapport de Reporters Sans Frontières.

    Le roi sest lui-même isolé chaque jour davantage de toutes les couches de la population au fur et à mesure que la répression et le marasme social s’accentuaient. Non seulement les travailleurs et les paysans le rejetaient, mais aussi la classe moyenne. Il y a eu des élections communales au Népal le 9 février de cette année. Le roi voulait de cette manière restaurer quelque peu son image. Ce fut pourtant un coup d’épée dans l’eau. Les rebelles maoïstes ont appelé à une semaine de grève et une grande manifestation de l’opposition a rassemblé 150.000 participants. Le régime était clairement aux abois.

    Les 18 jours de grève en avril n’ont pas choqué que l’élite népalaise. Les USA et les grandes puissances régionales comme la Chine et l’Inde redoutaient elles aussi une insurrection populaire. L’Inde est elle-même aux prises avec une rébellion maoïste dans certaines régions. Le gouvernement chinois avait encore envoyé à la fin de l’année passée 18 camions remplis d’armes au Népal. Elles devaient servir à réprimer la guérilla maoïste et les mouvements de protestation subversifs en général. Ce soutien militaire est révélateur de la politique des dirigeants chinois qui font passer leurs intérêts économiques et diplomatiques avant tout et ne veulent surtout pas voir triompher une révolution à leurs portes.

    Les derniers jours de la grève d’avril ont vu des centaines de milliers de personnes participer aux manifestations. Les fonctionnaires et la plupart des syndicats ont rallié la grève générale. Lorsque la police a abattu 3 manifestants le 20 avril, cela n’a fait que radicaliser le mouvement dans les jours qui ont suivi. Les masses ne voulaient plus continuer à vivre de cette façon à tel point que la peur de mourir les avaient quittées ; la classe moyenne soutenait le mouvement; l’appareil d’Etat commençait à se fissurer;… Les conditions d’une crise révolutionnaire étaient réunies.

    Par crainte d’une manifestation monstre – 2 millions de participants attendus – prévue pour le 25 avril, le roi a décidé la veille de restaurer le parlement. L’opposition parlementaire est cependant largement discréditée. Le Parti du Congrès népalais a mené une politique néolibérale dans les années ‘90 quand il dirigeait le pays. Quant au Parti communiste unifié – marxiste-léniniste qui a une audience plus large, il se prononce pour une “république démocratique “ en renvoyant le socialisme à un futur lointain, selon la théorie stalinienne de la révolution en deux stades. L’un comme l’autre veulent ménager leurs alliances avec des partis bourgeois.

    La guérilla maoïste – qui détient 75% des campagnes – ne répugne pas non plus à des accords avec les partis bourgeois et ne prône qu’une “république démocratique” à court terme.

    Il n’est pourtant pas possible de sortir le Népal du marasme économique et social dans le cadre du capitalisme. Il faut combiner les revendications démocratiques comme la réforme agraire et les droits démocratiques avec des revendications comme les nationalisations et le contrôle ouvrier. Un appel à une fédération socialiste d’Asie aurait des répercussions importantes dans la région et sur le plan mondial.

  • La lutte des classes émergente et la crise capitaliste en Asie

    Conférence Internationale du CWI

    « Si l’économie et les relations mondiales sont dominées par les développements sociaux et économiques dramatiques en Chine, alors pour l’Asie le pas et l’ampleur de ces développements sont encore plus significatifs. » Clare Doyle ouvrit la discussion sur les développements en Asie lors de la conférence du Comité Exécutif International du CWI en décembre dernier. Une fois que l’économie chinoise commencera à faiblir, voire à s’effondrer, cela aura des conséquences terribles à l’intérieur de la Chine et à travers toute la région.

    Article de www.socialistworld.net

    Bien que la plupart des économies en Asie sont toujours sujettes à une croissance relativement grande, celle-ci est extrêmement fragile. Tout comme la Chine, ces économies reposent sur une main d’œuvre bon marché, sur de hauts niveaux d’investissement, et sur le commerce, avec les USA aussi bien qu’avec les autres pays asiatiques.

    Elles n’ont pas été capables de développer aucun marché interne sérieux pour y écouler leurs marchandises. La course néolibérale mondiale vers les superprofits, conduite à la fois par les capitalistes nationaux et internationaux, n’a mené à aucune amélioration de la capacité de la majorité asiatique frappée par la pauvreté à acheter même les produits vitaux de base. Au contraire, énormément de pays asiatiques ont été ceux où le fossé entre riches et pauvres s’est le plus vite creusé.

    Le boom présent, mené par les investissements, pourrait rapidement laisser place à une nouvelle crise asiatique comme celle de 1997, mais à une échelle encore plus grande. La crise de 1997 a été suivie par des mouvements de masse, qui dans certains cas ont pris des proportions révolutionnaires. Un certain nombre de régimes dans la région ont été ébranlés quand la dictature du Général Suharto, en Indonésie, fut défaite. Maintenant, et surtout si l’immense bulle de surproduction chinoise devait éclater, ou si des luttes de classe majeures devaient commencer dans ce pays, nous pourrions nous attendre à des convulsions révolutionnaires encore plus grandes qui se répercuteront sur toute la région.

    L’Asie est toujours le foyer d’un grand nombre de régimes qui emploient des méthodes dictatoriales pour maintenir leur prise sur le pouvoir. Certains, incluant la Chine, interdisent même les droits démocratiques les plus basiques à leurs citoyens. 60 prisonniers en Chine ont été arrêtés pour « offenses par internet ». La Chine est 159è sur 167 dans le classement de liberté de la presse qui a été établi par « Reporters sans frontières ». Les demandes pour les droits élémentaires peuvent, dans des circonstances telles que celles qui existent sous les dictatures asiatiques, devenir révolutionnaires par elles-mêmes.

    Des manifestations de rue, des grèves générales, ont été aperçues à travers toute la région – de l’Indonésie et des Philippines, avec des protestations massives contre le décollage des prix du carburant et de la nourriture, jusqu’à l’Inde et à la Corée du Sud, où des millions de travailleurs sont partis en grève contre les privatisations et la dérégulation.

    Hong Kong a accueilli un quart de million de manifestants dans ses rues le 4 décembre, qui demandaient le droit élémentaire au suffrage universel, et a été chamboulé par des manifestations anti-OMC dans la semaine qui a suivi. Aucune des grandes puissances mondiales n’était optimiste quant aux discussions qui n’ont pas abouti à quoi que ce soit pour aucune d’entre elles. Comme il a été suggéré lors de la discussion, peu d’élites asiatiques anticipent l’avenir avec confiance.

    Ces perspectives soulignent l’urgence de la construction de nouveaux partis des travailleurs de masse, et de cadres révolutionnaires forts dans la région.

    La Chine

    Le CWI a, depuis un certain temps, été enclin à mieux comprendre les processus qui se déroulent en Chine, et en particulier les attentes et l’attitude de sa population. Dans la rapide industrialisation et transition vers les relations capitalistes de marché qui a terriblement accéléré lors des dernières années, la grande majorité de la population a été laissée de côté. Il y a plus de pauvres absolus en Chine qu’en Inde. Des 248 millions de foyers ruraux, 200 millions dépendent de parcelles de terre d’une taille moyenne de 0.65 hectares ! D’un autre côté, la plus grande classe ouvrière du monde a été créée.

    Mais, en dépit de l’étiquette « communiste » officielle de l’élite dirigeante en Chine, ainsi que Laurence Coates, de Suède, a fait remarquer, aucune protection légale n’existe pour 60% des lieux de travail. « Ceci est la plus grande force de travail non-syndiquée du monde », où l’on parle d’un syndicat en tant qu’authentique organisation des travailleurs, indépendante de l’Etat. Et pourtant, « il y a 160 grèves ou manifestations chaque jour, et de 90 à 120 manifestations dans les zones rurales ». Et comme le montra PerAke Westlund, ceci signifie qu’il y en a maintenant plus dans les villes qu’à la campagne.

    Néanmoins, les fermiers et leurs familles sont constamment impliqués dans des conflits brutaux avec les forces de l’Etat quand ils mènent bataille contre les expropriations du gouvernement ou des investisseurs privés. Depuis 1992, une région de la taille de l’Italie a été illégalement saisie par des privés. Il y a une résistance opiniâtre contre le bulldozing des maisons entrepris afin de faire de la place pour les sites de construction des Jeux Olympiques, et une bataille particulièrement tragique fut le blocage durant trois semaines d’une grand’ route à Chonging, une ville de 30 millions d’habitants ( avant la fin de notre Conférence, des rapports nous sont parvenus, faisant état d’un des pires massacres de civils depuis celui de la place Tiananmen, au village de Dongzhou dans la province de Guangdong ).

    La catastrophe de Harbin a éveillé la colère et l’indignation de 9 millions de personnes dans la région à qui on avait menti. Des souvenirs de la manière dont a été étouffée l’affaire de l’épidémie de SARS, et les craintes d’une grippe aviaire pourraient se raviver et se développer sans avertissement officiel. La rancœur vis-à-vis des désastres de ce genre, ou de ceux vécus dans l’industrie minière – où 10 000 travailleurs meurent chaque année – s’accumule. Les suicides touchent un quart de million de fermiers pauvres chaque année. Combien de temps faudra-t-il avant que ce niveau de frustration et de colère prenne la forme de luttes – d’abord régionales, puis nationales – comparables à celles de la fin du 19è siècle et du début du 20è siècle en Russie ? demanda Clare.

    Les membres du Parti Communiste Chinois ( PCC ) vont avoir de plus en plus difficile à étouffer les informations au sujet de ces calamités et, le pire pour eux, au sujet de la corruption et de la mauvaise gestion de leurs propres dirigeants nationaux et locaux. Même en gonflant le nationalisme en guise de diversion, ils pourraient susciter des mouvements de protestation qui pourraient se retourner contre eux-mêmes.

    En s’accrochant à l’image de Mao et en prêchant toujours la parole « marxiste », tout en poursuivant le tournant vers des relations capitalistes complètes dans la production, le PCC tient une épée à double tranchant. Il y a d’office des sentiments profondément ancrés en faveur de la justice, de l’égalité, de la propriété et de l’entreprise collectives dans la majorité de la population. Etant donné que l’« expérience » d’une ouverture vers le capitalisme a commencé en Chine il y a plus de 30 ans, les illusions qu’il peut bénéficier à la population doivent s’être réduites à peau de chagrin.

    En tentant d’éviter la « thérapie de choc » de la transition directe vers le capitalisme qui accompagna la chute de l’Union Soviétique, le PCC accumule ce qui deviendra une explosion gigantesque quand les choses iront mal pour eux. Au sujet de ce qu’ils feront le jour où l’économie chinoise se prendra un mur, le débat est toujours ouvert, mais il serait douteux que la clique dirigeante actuelle échappe à l’orage. Lors d’une crise, certaines mesures de renationalisation pourraient être introduites, mais un retour complet à la propriété étatique et à la planification centralisée de jadis n’est pas sur l’agenda.

    En commentant certains points qui avaient été relevés au cours de la discussion sur la Chine, Peter Taaffe, de Grande-Bretagne, fit remarquer que pour le moment, il ne faisait aucun doute que cette économie au turbo allait toujours de l’avant. Il mentionna la difficulté à se reposer sur les statistiques officielles en provenance du régime (et depuis la fin de la Conférence, les derniers chiffres ont été révisé jusqu’à plus 20% !). Mais Peter sentait aussi qu’il n’y avait guère besoin d’être trop pressé pour pouvoir caractériser la nature actuelle de la société chinoise. PerAke de Suède cita un rapport de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economique) qui disait que la Chine a terminé sa transition d’une « économie planifiée centralisée » vers une « économie de marché libre », mais exprima son accord quant à l’importance de toujours réévaluer la situation concrète. La futur proche contient de grands défis pour le CWI en terme d’analyse et en terme de construction d’un soutien pour les idées et traditions du trotskysme.

    Une période tumultueuse s’ouvre sans aucun doute en Chine, dans laquelle le développement de syndicats indépendants et d’une direction révolutionnaire de la classe ouvrière seront cruciaux. Il est nécessaire d’avoir un programme qui appelle à la lutte dans les secteurs publics contre les privatisations, pour un vrai contrôle des travailleurs, au moyen de la démocratie ouvrière, dans les secteurs publics, pour la renationalisation, et pour un gouvernement ouvrier qui établirait des droits démocratiques pour tous. Mais un tel programme doit être élaboré et développé à travers le dialogue et l’implication des travailleurs en lutte à l’intérieur de ce vaste pays lui-même.

    En guise de note de bas de page à ses commentaires, Clare mentionna le retournement de veste récent du grand gourou Den Xiaoping – l’homme qui a fourni la base idéologique qui décrivait le capitalisme en tant que premier stade du communisme. Apparemment, il serait maintenant en train de dire que l’économie de marché occidentale devrait être bannie des universités, et qu’on devrait y réinstaurer l’économie marxiste !

    La région

    Le reste de la discussion lors de cette session lors de cette session a été surtout concentré sur les développements au sein des pays principaux où le CWI possède des forces, mais l’on fit mention d’un ou deux autres développements significatifs dans la région. Le nouveau parti des travailleurs en Corée du Sud, par exemple, le Parti Démocratique du Travail Coréen ( PDTC ), qui comptait 10 parlementaires et 60 000 membres, était en train de subir un important revers. Un scandale de corruption a mené à la démission de la direction entière de la fédération syndicale indépendante qui l’avait fondé – la CSC, Confédération Syndicale Coréenne. Une importante élection partielle en Ulsan a été perdue par le parti, et la CSC elle-même éprouvait des difficultés à mobiliser les lourds bataillons dans l’industrie d’ingénierie pour ses campagnes contre les intérims et les contrats à durée déterminée.

    A travers la région, les prix du carburant croissants et le retrait des subsides ont mené à de grands mouvements de protestation. Il est possible que les plus fréquents et les plus larges de ces mouvements dans la période récente se soient déroulés en Indonésie. Sous couvert de la lutte contre le terrorisme, des mesures de répression ont été introduites, qui ramenèrent à la surface des souvenirs du régime dictatorial de Suharto.

    Un agréable effet secondaire dû à la pression exercée par l’impérialisme américain dans la région, depuis le 11 septembre et après le désastre du tsunami, a été le pas en avant vers la « résolution des conflits » – en Aceh, Indonésie, au Cachemire, et au Sri Lanka. Mais, sur base du capitalisme, ni une solution finale ni une authentique coopération interethnique ne peuvent être garanties. Ces processus vont connaître des progrès – démilitarisation, démobilisation, négociations – puis de nouvelles explosions de conflit.

    Peter Taaffe montra, par analogie avec ces processus, la nature de va-et-vient de la lutte pour un accord en Afrique du Sud lors des années 90-94. La bourgeoisie voulait un arrangement, mais le pays était en état de quasi guerre civile avant que le suffrage universel ne soit établi. Il utilisa aussi l’exemple de ce que De Gaulle avait réalisé dans les années 50 en France, en guise de perspective quant à ce que pourrait faire le nouveau président sri lankais. Mahinda Rajapakse a été élu sur une base de non-réconciliation avec les combattants de la « libération », les Tigres tamouls. Alors que De Gaulle avait été élu avec le slogan anti-indépendance d’« Algérie française ». De la même manière que, pour éviter une longue et dommageable guerre, De Gaulle se décida à conclure un accord de paix avec le Front de Libération National (FLN), qui accorda l’indépendance au pays, ainsi Rajapakse, sous la pression de l’impérialisme, pourrait être forcé de s’asseoir à la table de négociation avec les TLTE (Tigres de Libération Tamouls d’Eelam), et d’adopter un certain genre de compromis pour éviter une résolution dans la guerre ouverte.

    Cette discussion d’une journée sur l’Asie, à la Conférence de l’Exécutif International du CWI, fut particulièrement enrichie par les contributions de participants actifs à la lute des clases dans la région. Ces camarades expérimentés comprennent bien l’importance vitale qui doit être accordée à la recherche de perspectives pour le développement des événements, de sorte à intervenir le plus efficacement possible. C’est seulement de cette manière qu’il est possible de canaliser les énergies de ces partis et groupes qu’ils représentent sur ces activités qui vont renforcer leurs propres aptitudes de combat, et celles des travailleurs et des pauvres de leurs pays. Ce faisant, ils préparent les forces du CWI à prendre l’avantage des opportunités qui s’ouvrent pour la construction et la consolidation des forces du changement socialiste révolutionnaire.

    Pakistan

    L’arrière-plan de la discussion a été établie par les récents accomplissements majeurs des forces du CWI au Pakistan et au Sri Lanka – en réponse aux deux grands désastres « naturels » des douze derniers mois, et lors des dernières grèves et élections importantes.

    La réputation du SMP (Mouvement Socialiste Pakistanais) et de la campagne pour les droits syndicaux (Trade Union Right Campaign Pakistan, TURC-P) a grandi à pas de géant lors de la lutte de 65 000 travailleurs contre la privatisation des télécommunications – la plus grande grève du secteur public depuis 30 ans – et, plus récemment, durant la magnifique mobilisation d’aide pratique et politique qui a eu lieu après la destruction massive du tremblement de terre en Octobre.

    Treize camarades et sympathisants du PSM ont été élus en tant que conseillers locaux au cours des élections presque démocratiques organisées par le Général Mousharaf. Ils sont maintenant capables d’utiliser ces positions pour aider les travailleurs de bon nombre d’entreprises à s’organiser (seuls 3% des 11 millions de travailleurs pakistanais sont syndiqués, ce travail est donc crucial dans la région). « Le Pakistan est une nation piégée entre une mosquée et une garnison », déclara Khalid Batti en guise d’introduction à sa contribution. Sous Mousharaf, les militaires ont consolidé leur domination. Ils possèdent en tout un capital de 13 milliards de dollars, ce qui représente 24% du PNB. L’armée pakistanaise est maintenant le plus grand propriétaire terrien du pays, possédant au moins 18 millions d’hectares de terre. Elle est devenue, économiquement, l’aile dominante de la classe dirigeante, et a constamment colporté l’idée que l’armée est la seule force à qui l’on peut faire confiance. Depuis le tremblement de terre, il y a eu un changement terrible dans l’attitude de la population. Une haine de mase a explosé contre l’armée. En dépit de tout son armement nucléaire, elle n’a pu trouver que 26 hélicoptères à sa disposition, et a pris 5 jours pour atteindre les zones affectées et commencer son travail de secouriste, alors que les maisons, hôpitaux et écoles de millions de personnes s’étaient effondrés autour d’eux.

    Maintenant, la situation s’est changée en son contraire. Ces jours-ci, insulter les militaires passe pour une expression d’amour pour son pays ! Un sondage récent a montré que 78% de la population ne fait plus confiance à l’armée, que seuls 11% se fient à la police, et que seuls 3% croient en la justice des tribunaux. « 99% des gens détestent les Américains – la classe dirigeante américaine, bien sûr. Surtout pour ce qu’ils sont occupés à faire en Afghanistan », dit Khalid. « 90% de la population souhaite une révolution violente… ils veulent pendre les riches. » Tel est le niveau de pauvreté – 63% vivent sous le seuil de pauvreté, et les salaires ont chuté de 35% l’an passé. La CIA maintenant reconnaît le Pakistan comme un « grand danger pour la stabilité en Asie ».

    Mousharaf s’est trouvé sans aucune base sociale, et a tenté (sans succès apparemment, depuis notre Conférence) de former des alliances avec de vieux adversaires tels que l’ancien Premier Ministre, Nawaz Sharif, qu’il a évincé par son coup d’état militaire, ou tels que Benazir Bhutto du PPP (Parti Populaire Pakistanais). Mousharaf recherchait le soutien de Bhutto, en particulier pour arriver à une sorte de compromis avec l’Inde au sujet du Cachemire. Sous la pression énorme de l’impérialisme américain, il semblerait qu’une période de normalisation des relations peut être à l »ordre du jour, avec peut-être l’établissement d’une zone démilitarisée au Cachemire.

    Comme Khalid l’expliqua, Benazir instaurerait en général le même genre de programme que Mousharaf, y compris en ce qui concerne sa politique économique. Elle accomplirait encore plus de réformes, et n’annulerait aucune privatisation. Elle se vante aussi d’être capable d’« écraser les fondamentalistes de manière plus efficace ».

    En fait, les groupes musulmans fondamentalistes de droite ont déjà subi des pertes considérables de soutien au cours de la dernière période. Seul le tremblement de terre et l’inaction criminelle du gouvernement leur a donné une chance de récupérer un peu.

    A la fin de sa contribution, Khalid cita le fait qu’une grosse vague de hausse du fondamentalisme approche au Bengladesh proche. Jusqu’ici, la « société la plus séculière » de la région, ce pays a connu 700 attaques à la bombes massives lors des quatre derniers mois. L’arrivée d’une franche dictature militaire n’est pas exclue, et le gouvernement américain la soutiendrait. Ainsi que l’a montré la manifestation de masse qui a parcouru le Bangladesh en protestation à une journée de bombardements en août, « la classe ouvrière est la seule force capable de mettre un frein à cette recrudescence de barbarie », et le Bangladesh est un pays dans lequel le CWI doit commencer à construire une base.

    Durant la discussion, Peter Taaffe, qui visita le Pakistan cette année, mentionna le fait que le sentiment prérévolutionnaire se développe à l’intérieur du pays battu par la misère. Il nous rappela aussi d’une discussion importante au sein du CWI quant à la nature de l’Islam politique. Il avait été déclaré qu’en Orient, les formes modérées du fondamentalisme islamique étaient d’une variété assez douce, mais qu’en fait, on a assisté depuis lors à la croissance de formes particulièrement virulentes de « jihadisme ». Il fit remarquer aussi que certaines des plus grandes organisations musulmanes populaires peuvent s’avérer être un grand, voire très grand obstacle, au développement des idées et des partis socialistes.

    Sri Lanka

    Les camarades de l’USP (United Socialist Party, CWI) au Sri Lanka ont joué un rôle vital au sein de la lutte des pauvres de l’île pour la survie et la justice après le passage du tsunami. Le secrétaire du parti, Siritunga Jayasuriya, déclara lors de la Conférence du Comité Exécutif International que « Avec l’aide des camarades du CWI, nous fûmes la seule organisation à agir rapidement au Sri Lanka » Si le gouvernement n’avait pas été si lent à agir, il aurait pu sauver les vies de dizaines de milliers de gens, y compris celles des 2000 personnes qui ont péri dans un train lorsque ce dernier a été jeté hors de ses rails par la seconde vague tueuse. « Ils peuvent téléphoner très vite à New York pour sauver leurs actions et leurs parts, mais ne sont pas capables de prendre le cornet quand il s’agit de vies ! » dit-il.

    L’USP en 2005 a reçu un petit électorat, comparé à celui des deux principaux partis capitalistes, mais est maintenant le troisième parti du pays. « Sur l’échelle de Richter du mouvement ouvrier », comme Peter Taaffe inclut dans sa contribution, « le vote pour l’USP est extrêmement significatif ».

    Siri lui-même a été candidat, et a montré du doigt l’immense publicité qui nous a été faite après les résultats. Un journaliste a dit qu’une véritable bombe a été lancée au milieu des procédures quand Siri a été capable de s’exprimer à la télévision juste après le discours d’introduction de Mahinda Rajapakse. Siri a fait le point sur les conséquences horribles de l’attitude ouvertement communautariste du vainqueur, qui avait polarisé la société sur des bases ethniques. C’est la première fois dans l’histoire que le président a été élu uniquement par la population singhalaise. « Vous avez lâché les chiens, et vous allez avoir du mal à les faire rentrer dans le chenil ! » a-t-il dit, se référant aux forces du JVP (le Front de Libération Populaire) et du JHU (l’organisation des moines bouddhistes), et à la vague de chauvinisme singhalais qu’il a déclenchée.

    La minorité opprimée des Tamilophones du Sri Lanka, dit Siri, savent qu’ils n’ont rien à attendre du nouveau président. Et c’était Chandrika Bandaranaike – la chef de son parti (le Parti de la Liberté du Sri Lanka) – qui avait remporté la victoire avec 62% des voix quand elle avait dit « Je mettrai un terme à la guerre » durant les élections de ’94. « C’est comme quand j’étais gosse, et que mon père m’amenait au manège. On pense avoir voyagé quelque chose comme 2 miles, mais quand on descend, on est toujours au même endroit ! C’est ce que les Tamils ressentent. »

    Plus tard dans la discussion, Mahinda du Sri Lanka nous parla du scandale des 400 000 personnes toujours sans travail après le tsunami, et des dizaines de milliers de familles qui vivent toujours dans des logements temporaires. L’anniversaire du tsunami était proche, mais avec le gouvernement actuel, il n’y aurait aucune réactivation de l’accord connu sous le nom de « P-TOMS » pour la distribution de ressources de survie vers toutes les zones du pays, incluant les parties septentrionales et orientales contrôlées par les TTLTE.

    Le JVP pousse à la guerre, et insiste sur le besoin d’un Etat unitaire, sans aucun élément de décentralisation du pouvoir. Depuis les élections, il y a eu beaucoup d’intérêt dans notre parti pour les Tamilophones qui réalisent que l’USP est le seul parti qui les a défendus. Mais nos camarades reçoivent des coups de fils menaçants de gens qui ne désirent pas les voir défendre les droits de la minorité tamile. D’un autre côté, nous avons également reçu des centaines d’appels de félicitations une fois que les résultats électoraux ont été connus.

    Beaucoup de ceux qui pensaient que la gauche était écrasée et avaient rompu avec les idées socialistes ont maintenant reconnu que l’USP est la force de gauche principale au Sri Lanka. La parti doit s’approprier de nouvelles sources d’énergie et d’initiative afin de réaliser toutes les ouvertures magnifiques qui s’offrent à lui. L’USP peut devenir une réelle force pour un changement socialiste au Sri Lanka, et agir en tant que balise pour les autres socialistes dans la région, et internationalement.

    La Malaysie

    Développant en détail des points importants sur la Malaisie, Ravie, du Parti Socialis Malaysia (PSM) parla des grands espoirs de la population malaise en le fait que, quand Abdullah Badawi a pris le poste de Premier Ministre de Mahathir Mohammad il y a de ça deux ans, tout allait changer pour le mieux. Il avait promis de mener une bataille contre la corruption, et pour améliorer les droits démocratiques de façon significative. En fait, à part assurer que l’ancien vice-Premier Ministre de Mahathir, Anwar Ibrahim, soit bien relâché de prison et libre de toute décharge à son nom, Badawi n’a fait que régler leur compte à quelques petits politiciens et hommes d’affaires corrompus, sans toucher aux « gros requins » qui constituent le vrai problème. Il a promulgué une version progressive et « politiquement correcte » de l’Islam afin de contrecarrer l’opposition du Parti Islamique (PAS), ainsi que des valeurs et traditions du « premier-monde » pour remplacer celles du « tiers-monde »

    Badawi et le gouvernement de Front National ont maintenu, et même renforcé, l’agenda pro-capitaliste de Mahathir. La brutalité policière et la corruption à chaque niveau du gouvernement sont devenues de plus en plus courantes. La destruction environnementale, telle que le problème du brouillard de pollution, est devenue encore pire. De la main d’œuvre étrangère illégale est renvoyé chez elle par la force. Les droits des travailleurs et de leurs syndicats sont sous attaque, et de nouvelles tentatives de privatisation des soins de santé, de l’éducation et des produits de base tels que l’eau courante sont opérées. La TVA qui sera appliquée dès 2007 va se matérialiser par plus de taxes pour les consommateurs, pour accroître les profits des capitalistes.

    La Malaysie est à présent le pays avec la plus grande disparité entre riches et pauvres en Asie du Sud-Est. Le parti au pouvoir en Malaysie – l’Organisation Nationale des Malais Unie (ONMU) – est parvenu à maintenir son emprise totalitaire sur le pouvoir depuis 48 ans depuis l’indépendance. C’est le parti dominant en Malaysie dans le BN, ou Front National, avec différents autres petits partis raciaux (Chinois, Indiens, et autres). Il a pu s’accrocher au pouvoir politique pendant 48 ans car il a correctement utilisé la règle du « diviser pour régner » qui lui ont été apprises par le Colonialisme Britannique. La « Nouvelle Politique Economique », et d’autres mesures, a été conçue au départ pour alléger la pauvreté des Malais, mais a été utilisée à la place pour créer des magnats malais qui seraient en mesure de concurrencer les hommes d’affaires chinois ! Les compagnies d’Etat, qui ne représentent que 5% des firmes cotées sur les bourses Malaises, mais qui valent 36% de sa capitalisation sur le marché, sont en crise. La rhétorique nationaliste employée pour justifier l’établissement d’entreprises étatiques semble maintenant être passé en-dehors de la mode. Une part de 5% des Telekom a été vendue à un partenaire singapourien. « C’est un Américain qui dirige maintenant la fonderie de micro-puces de SilTerra, et c’est un Hollandais qui gère les trains de navetteurs à Kuala Lumpur ». Volkswagen pourrait acheter une partie de proton, la fabrique de voitures nationale, qui est entrée en lutte, tout comme d’autres entreprises d’Etat, telles que Malaysian Airlines, ou la Banque Islamique.

    Face aux emplois qui se font aspirer vers la Chine, Ravie expliqua que le gouvernement Malaisien a tenté d’attirer de nouveaux investissements étrangers, en mettant en œuvre de nouvelles lois du travail qui devraient permettre de maximiser la flexibilité et de minimiser le coût de la main d’œuvre, notamment grâce à la réduction des droits syndicaux.

    Seuls 8% des travailleurs sont membres en Malaisie du Congrès Malais des Syndicats (Malaysia Trade Union Congress – MTUC) qui, malgré l’élection de quelques leaders « radicaux », semble totalement passif, et désoriente les militants de base. Le MTUC est unique en tant qu’organisation multiraciale, multi-religieuse et plurilingue, avec la capacité de devenir une organisation trsè puissante de la classe ouvrière, comme dans les années 40 et 50. Mais à présent, il n’y a aucune organisation pour secouer le MTUC afin qu’il représente réellement les travailleurs.

    Ravie expliqua comment le gouvernement malais a constamment utilisé l’Internal Security Act et d’autres lois de détention préventive contre les travailleurs, les syndicalistes, les étudiants, les activistes, les partis d’opposition et les medias qui critiquent le gouvernement et défendent les droits démocratiques. Il fit un exposé de la plupart des forces d’opposition, et des perspectives pour la bourgeoisie malaisienne d’utiliser Angwar Ibrahim afin de protéger leur système contre une opposition croissante.

    Il y a un vide énorme au sein de la gauche malaisienne, dit-il. Tout comme Clare l’avait indiqué dans son introduction, le PSM est le seul parti politique de Malaisie qui a soutenu les luttes de la classe ouvrière et des pauvres contre la brutalité du capitalisme. Les régimes stalinistes et maoïstes avec leurs « socialisme » et « marxisme » déformés ont été un obstacle dans le passé pour le développement d’une véritable direction à la classe ouvrière, et bloqué beaucoup de lutte des travailleurs dans différents pays, mais l’internationalisme socialiste était vital pour tirer de ces expériences toutes les conclusions nécessaires.

    L’Inde

    L’existence persistante de grands partis « communistes » en Inde complique encore aujourd’hui la tâche des marxistes. Non seulement ces partis déforment complètement les idées du marxisme, mais à travers leur taille, rendent difficile la mise en avant de l’idée d’un nouveau parti des travailleurs. Les deux partis « communistes » – le CPI (Parti Communiste Indien) et le CPI(M) (Parti Communiste Indien (Marxiste))- soutiennent de l’extérieur le gouvernement de Front Démocratique. Il paraîtrait que celui-ci empêche la poursuite des privatisations et des autres mesures de dérégulation. La forte grève générale de 50 millions de travailleurs le 29 septembre, contre les mesures néolibérales du gouvernement, a montré leur capacité à mobiliser de larges couches de travailleurs, même sans faire d’efforts. Avec des élections prévues au Kerala et au Bengale Occidental, où le CPM contrôle le gouvernement régional, leur image de « gauche » doit être maintenue.

    Mais, en fait, ces administrations montrent bien jusqu’à quel point ils ont abandonné les idées de la lutte pour le socialisme. La devise de Buddhadeb Bhattachariee (ou « Bouddha »), la tête du gouvernement basé à Calcutta, est « la réforme ou la mort » ! Il est célèbre pour encourager les multinationales à se déplacer au Bengale Occidental en leur promettant une main d’œuvre conciliante et en déclarant les grèves illégales, même dans les technologies de l’information, que son gouvernement a désigné comme étant un « service essentiel » ! Clare rappela le scandale des 47 million de dollars des impôts prélevés sur les contribuables (travailleurs) britanniques et qui ont été dépensés par le Département pour le Développement International pour payer les travailleurs au Bengale Occidental et préparer le terrain aux campagnes de privatisations massives du Parti « Communiste ».

    Dans sa contribution à la discussion, Jagadish de Socialist Alternative (CWI-Inde) fut emphatique quant au caractère bourgeois des dirigeants du CPI(M) – ils sont plus comme un parti social-démocrate de droite. Au Kerala, qu’il visita récemment, le CP était un des plus gros propriétaires d’entreprises privées !

    La partie la plus pénible de son discours fut la comparaison de quelques statistiques au sujet de la réalité des deux « géants » asiatiques – la Chine et l’Inde. La valeur de l’économie chinoise est de 1 266 miliards de dollars, tandis que celle de l’Inde est de 510 milliards. Les Investissements Directs Etrangers, d’une valeur de 4,5 miliards en Inde, valent moins de 10% des IDE en Chine. L’espérance de vie est de 8 ans plus élevée en Chine, et le taux de génération d’électricité y est trois fois plus grand.

    « Si l’économie indienne doit décoller, alors elle a besoin de beaucoup d’élan », dit Jagadish, citant Thomas Freidman du New York Times. Même le niveau d’éducation de la nouvelle classe ouvrière en Inde était affectée par l’infrastructure qui existait lors de la période précédente. Comme le commentait Dagga du Nigeria lors de la session précédente, le rapide taux de développement actuel en Chine est lié au développement, pendant des décennies, sous une économie planifiée d’infrastructures de base, d’éducation, etc. Jagadish exposa que, bien que neuf millions d’étudiants soient diplômés en Inde chaque année, seuls 200 000 offres d’emploi leur sont disponibles. Il n’y a pas que les fermiers désespérés qui recourent au suicide pour résoudre leurs problèmes, mais aussi de jeunes gens qualifiés, dont les espoirs en un futur bien rempli s’écrasent sur les rochers de la réalité.

    A la question de déterminer la taille de la classe moyenne grandissante en Inde, il est difficile de répondre. Elle n’est certainement pas assez étendue en elle-même que pour mettre en route un niveau de croissance économique sain, étant donné la pauvreté absolue du reste de la population. Au concours des plus grands niveaux de corruption du monde, l’Inde doit être parmi les premiers. Tout en haut de la société, se trouvent les oligarchies monopolistiques tels que les frères Tata et Hinduja, ainsi que divers poids lourds du gouvernement, parmi lesquels la corruption est notoirement monnaie courante. Mais même les fonctionnaires responsables de la distribution des cartes de rationnement parmi les couches les plus pauvres de la société amassent une fortune. Ils sont les récipiendaires de bakchichs petits mais réguliers de la part de ceux qui veulent échanger leurs cartes de rationnement jaunes contre les cartes vertes, de sorte à recevoir un peu plus de subsides qui leur permettront de s’acheter quelques produits vitaux !

    « Pour les riches en Inde », dit Jagadish, « la mondialisation est une belle œuvre lyrique ; pour les pauvres et les travailleurs ordinaires, ce n’est qu’une morne tragédie ».

    Les autres pays de la région

    Au cours de la discussion, les camarades d’Australie, d’Autriche et du Kazakhstan apportèrent d’intéressantes contributions sur les autres développements dans la région. L’Australie est une puissance importante dans l’Asie Pacifique, et tente d’y jouer un rôle impérialiste. Elle a à présent le bénéfice d’un excédent commercial, expliqua Steve Jolly, mais ce qui se passe en Chine ne présage rien de bon pour l’Australie. Les emplois s’envolent. L’insatisfaction vis-à-vis du gouvernement, y compris envers les avancées dans les lois anti-terroristes, est croissante, et une initiative pour un nouveau parti des travailleurs a été rpise au Victoria.

    Ayant visité la Malaisie en septembre pour le week-end Socialisme 2005 du PSM, Steve était impatient de pouvoir aller plus loin dans la coopération, la solidarité et les échanges mutuels d’idées ploitiques avec ces camarades. Steve insista sur les leçons à tirer des événements dans la région. Tout en se félicitant de la tendance vers la résolution des conflits, les échecs des gouvernements et des mouvements d’opposition à obtenir des rapports complets sur les tueries atroces perpétrées par l’Armée Indonésienne au Timor Oriental et, maintenant, en Aceh, sont inacceptables.

    Au Viêt Nam, ainsi que Sonja Grusch, d’Autriche, nous l’exposa, les deux tiers de la population sont soit au chômage, soit sous-employés. Sonja a récemment visité le pays, et écrit à ce sujet. La moitié de tous ceux qui ont un emploi se trouvent dans le secteur public, bien que ces emplois semblent ne contribuer qu’à 38% de la production du pays. 25% du PNB est maintenant produit à travers l’étranger. La classe capitaliste est très avancée dans son processus de formation. Il va certainement y avoir certaines illusions dans le capitalisme, mais il y a aussi eu d’importantes grèves à Than Pho Ho Chi Minh et ailleurs. Le Viêt Nam est un pays avec de grandes traditions trotskystes, profondément enterrées mais, puisque le capitalisme sera incapable de satsifaire aux besoins basiques de la population, elles vont être remises à jour.

    Sergei du Kazakhstan décrivit la situation dans le pays, qui a maintenant sa place parmi les dix plus grands producteurs de pétrole. C’est ce qui se cache derrière l’arrogance du président-dictateur Nazarbayev et de ses sbires. Personne ne fut surpris d’apprendre que Nazarbayev avait à nouveau remporté les toutes dernières élections (en fait 90% des voix ) ! Vu que sa famille contrôle chacune des neuf chaînes de TV du pays.

    Le soi-disant « parti communiste » a été incapable de construire la plus infime des oppositions, sans parler de sa capacité à présenter une alternative de classe claire au capitalisme mafieux de Nazarbayev. Il a perdu plus de la moitié de ses voix depuis les 12% qu’il avait reçu lors des élections précédentes. Mais il y a eu d’importantes grèves dans les usines détenues par des étrangers, et des occupations de terres face à la privatisation.

    Les camarades du CWI au Kazakhstan, face à d’âpres conditions de répression politique, anticipent sur le fait que, surtout en réponse à l’inflation florissante, il va y avoir un accroissement considérable des luttes de classe à travers le pays. Ceci fournira l’occasion à leurs jeunes camarades de construire un embryon de futur parti des travailleurs des masses.

    Conclusions

    « Les contributions des camarades lors de cette discussion ont souligné l’accroissement en fréquence et en amplitude de la lutte des classes » dit Kevin Simpson lors de la conclusion de cette session. Elles ont aussi indiqué l’accumulation des connaissances et de la compréhension de cette Internationale, et l’influence grandissante de nos partis et groupes politiques. Il y a une montée de la lutte des classes en Chine, mais apporter une compréhension de la situation concrète et de la conscience des travailleurs est vital afin de construire les forces anticapitalistes et, en particulier, révolutionnaires.

    La liberté d’opération de bon nombre de compagnies en Chine, qui appartiennent de manière évidente à des privés ou à des étrangers, est sévèrement restreinte. Si des compagnies étrangères tentent de poursuivre des opérations qui vont à l’encontre des intérêts du PCC au pouvoir, elles sont fermées. Derrière les entreprises « privées » en Chine, se tient une importante présence étatique. S’il devait y avoir un effondrement de l’économie, la réponse du gouvernement chinois ne serait pas une simple répétition de ce que Poutine a fait en Russie, mais il pourrait y avoir un retournement du processus de privatisation. Nous devons aussi être prudents, comme nous le fûmes pour la question de l’Europe Orientale dans les années 80-90, en reconnaissant que la présence d’entreprises dirigées selon les lois du marché n’est pas suffisante en tant que preuve d’un fonctionnement totalement capitaliste d’une société.

    Tandis que certaines couches de la société – en Inde et en Chine par exemple – peuvent bénéficier des hauts taux de croissance, d’autres sections sont pris dans une spirale de pénurie – les professueurs, avocats, et autres membres de la classe moyenne. Le conflit principal dans la région, qui détermine la plupart des dénouements dans la région, est la rivalité entre les deux puissances – la Chine et les USA. C’est une lutte pour le prestige, la puissance, les marchés, et les ressources pétrolières.

    Mais les couches dirigeantes en Asie elle-même ne sont pas confiantes vis-à-vis du futur. Une source d’instabilité importante en Asie est l’émergence de la lutte des classes. Le développement d’une conscience de classe et de nouvelles formations est d’importance vitale pour le CWI dans l’élaboration de ses stratégies et tactiques. Là où il y a une exploitation de masse des travailleurs, on peut avoir des explosions de colère spontanées, mais il existe toujours un gouffre énorme entre l’avant-garde et la majorité des travailleurs. Ceci a été illustré lors de la grève des PTCL au Pakistan, où beaucoup de travailleurs trouvèrent une « solution » par l’incendie de tous les échangeurs téléphoniques !

    Le travail des camarades du CWI dans la région, surtout les tâches onéreuses entreprises dans les zones sinistrées du Pakistan et du Sri Lanka, ont préparé le terrain à une accélération de la croissance de notre Internationale. Kevin insista sur l’importance extrême des expériences précédentes de débats et de prises de décision souvent amers et difficiles, par exemple ceux qui ont eu lieu lors de l’accord Indo-Lankais à la fin des années 80. A la lumière de ceci, ainsi que des leçons de valeur apprises dans la période plus récente, les groupes et partis du CWI en Asie sont bien placés pour se développer en forces trotskystes massives, ou du moins, dans la période la plus immédiate, semi-massives.

  • Le néolibéralisme bloque l’émancipation des femmes

    Indépendamment du continent où elles se trouvent, ce sont les femmes qui sont le plus violemment touchées par les attaques néolibérales que subit la classe ouvrière. Licenciements massifs, précarité dans le monde du travail, bas salaires, attaques sur l’Etat-Providence, sur les droits à la pension, sur les facilités pour les crêches,… ne vont pas seulement mener à une augmentation de la misère et de la souffrance des femmes, mais vont très probablement aussi mener à une radicalisation politique plus développée des femmes et parmi elles de celles issues de la classe ouvrière.

    Dagmar Walgraeve

    11 mars: Débats et discussions à l’occasion de la Journée Internationale des Femmes

    Le MAS/LSP organisera ce samedi 11 mars une journée de débats et discussions en rapport avec la Journée Internationale des Femmes (du 8 mars).

    Il y aura entre autres au programme:

    Discussion plénière: L’émancipation des femmes après 20 années d’attaques néo-libérales. Comment le système actuel sappe-t’il l’émancipation des femmes?

    Ateliers:

    > L’histoire du mouvement féministe et des femmes dans le mouvement ouvrier

    > La violence au sein de la famille: quelle réponse pouvons-nous apporter? Avec un rapport de la Campaign Against Domestic Violence (CADV)

    > Prostitution: la légalisation est-elle une solution? Qu’elle est le point de vue des socialistes?

    Meeting: La place des femmes dans la lutte!

    Avec, notamment, Sinead Daly, membre de la direction du Scottich Socialist Party, formation large à l’intérieur de laquelle notre organisation-soeur (International Socialists) est investie en Ecosse. Sinead est active déjà depuis de longues année dans les campagnes contre les violences familiales (CADV) et d’autres campagnes pour le droit des femmes.

    La journée de débats et discussions aura lieu à Bruxelles (ULB). Elle commencera à 13h00 et se terminera à 20h00. Informez-nous à l’avance si vous avez de jeunes enfants; une garderie est prévue.

    Informations pratiques :

    Cette journée débutera à 13h00 (jusque 20h00) et se déroulera dans le bâtiment H de l’Université Libre de Bruxelles (ULB), Campus du Solbosch, Avenue Franklin D. Roosevelt 50, 1050 Bruxelles.

    PAF :5 € pour les travailleurs, 3 € pour les étudiants et les chômeurs

    Des boissons et des swandich’s seront disponibles sur place.

    Une garderie est prévue. Si vous venez avec de jeunes enfants, merci de nous prévenir.

    Plus d’infos ? -> contactez le MAS-LSP par téléphone au 02/345.61.81 ou par e-mail à info@socialisme.be

    N’hésitez pas à visiter notre page femme: www.lsp-mas.be/mas/femmes

    Féminisation du travail?

    Ces derniers décennies, partout dans le monde, le nombre de femmes sur le marché du travail a augmenté. En soi, cela semble positif, mais le terme de “féminisation du travail” est néanmoins trompeur. Ce phénomène n’a pas mené à l’amélioration générale du statut économique, politique et social des femmes à travers le monde.

    Par l’élargissement des zones de libre échange, les gouvernements, surtout d’Asie et d’Amérique Latine, mènent une politique agressive pour attirer les investissements occidentaux. Il est assez remarquable que 90% des 27 millions de travailleurs de ces zones sont de jeunes femmes gagnant 50% à 80% de moins que les hommes.

    Les employeurs de ces pays partent de l’idée que ces travailleuses vont accepter plus facilement de mauvaises conditions de travail et vont démontrer des sentiments “responsables” (la moitié de ces femmes sont mères célibataires).

    Ces idées patriarcales selon lesquelles les femmes sont plus serviles, ont moins tendance à s’organiser et sont plus facilement licenciée sur base de mariages et de grosesses sont utilisées par le capitalisme.

    La tendance à la “féminisation du travail” n’est donc pas du tout une donnée positive, mais est plutôt la conséquence d’une recherche effrénée de profits pour les entreprises et des forces de travail à bon marchés et flexibles. Les conditions de travail pour beaucoup de femmes dans le monde néocolonial sont pénibles, leurs emplois sont très mal payés, précaires et sans sécurité.

    Seulement 38% des femmes indépendantes économiquement

    Dans les pays occidentaux beaucoup d’emplois occupés par les femmes sont toujours un reflet du travail que celles-ci effectuent à la maison. 85% de toutes les travailleuses belges travaillent comme infirmières, femmes de ménage, cuisinières, coiffeuses, …

    Et dans des pays où le principe du salaire égal est devenu loi, les femmes gagnent souvent moins que les hommes pour le même travail. En Grande-Bretagne c’est en moyenne 19% de moins, et la situation en Belgique est plus déplorable encore. Au sein de l’UE, près de 80% des emplois à temps partiel sont occupés par les femmes. Souvent, ces boulots sont sous-payés et il y a une grande insécurité de travail. Le système du temps partiel (et donc des salaires “partiels”) fait qu’aux Pays Bas, par exemple, seulement 38% des femmes qui travaillent sont économiquement indépendantes.

    Les femmes optent souvent pour le temps partiel par nécessité: 29% pour s’occuper des enfants et 25% pour d’autres raisons familiales. Cela démontre qu’il y a toujours un manque de crêches abordables. 20% des femmes travaillent à temps partiel faute de n’avoir pu trouver d’emploi à temps plein.

    Dans les supermarchés notamment, le temps plein n’existe quasiment pas. Lors de l’introduction du temps partiel, il était encore possible de percevoir une allocation supplémentaire si on continuait à chercher un emploi à temps plein.

    Mais très rapidement, cette allocation a été abolie, elle n’a existé que pour promouvoir le temps partiel dans un premier temps. Avec l’article 143/80, les chômeuse de longue durée mais cohabitantes ont perdu leurs allocations. En 1991, 91,6% de ces suspensions concernaient des femmes!

    Double journée de travail

    Encore maintenant, le revenu des femmes est régulièrement vu comme “complémentaire” à celui de leur partenaire. Et ce sont toujours les femmes qui font la plus grande partie du ménage, même si les deux partenaires travaillent à temps plein. Cette double journée de travail fait que les femmes ont, toujours aujourd’hui, bien moins de temps libre que les hommes. Cette différence est relativement limitée chez les couples sans enfants, mais à cause du travail à l’extérieur et des opinions répandues le ménage, le temps libre des femmes tombe fortement (les femmes ont en moyenne 4 heures de temps libre en moins que les hommes).

    Le temps libre des pères tombe en moyenne de 50,1 heure à 31,6 heures par semaine, alors que les mères passent de 46,6 heures à 22,5 heures par semaine. Ces statistiques viennent de Grande-Bretagne, mais les études effectuées en Belgique vont dans la même direction.

    Les mères célibataires, 73% des parents isolés, sont souvent dans l’incapacité de tenir le coup financièrement et de combiner le travail avec la prise en charge de leur famille. 60% des minimexés en Belgique sont des mères célibataires.

    Le Pacte des Générations

    Le nombre minimum d’années de carrière pour être prépensionné a pour conséquence que les femmes sont les plus touchées et les premières victimes du Pacte des Générations.

    2/3 des temps partiel sont occupés par les femmes et ce sont 38% des femmes actives qui travaillent à temps partiel contre 5% des hommes. Proportionellement, celles-ci devront travailler plus d’années avant d’avoir accès à une pension complète. Le temps partiel est souvent le seul recours pour les femmes qui ont à choisir entre une vie de famille et une carrière. Cela devient limpide si on regarde l’âge auquel les femmes travaillent le plus à temps partiel. Entre 20 et 29 ans, il s’agit de 24%. A l’âge où la plupart des femmes commencent à avoir leurs enfants, entre 30 et 40 ans, ce chiffre grimpe jusqu’à 41%, et les années suivantes jusqu’à 45%. Les hommes, durant toutes ces périodes, restent à 4% de travailleurs à temps partiel, pour monter à 12% entre 60 et 64 ans. Pour ces derniers, s’il y a abandon du travail à temps plein, c’est pour vivre plus calmement et pour avoir plus de temps libre. Les mêmes éléments reviennent dans les chiffres sur le crédittemps et l’âge auquel hommes et femmes le prennent.

    Les travailleurs qui vont en pension à ce moment (entre 60 et 65 ans) peuvent en moyenne prouver une carrière de 37 ans à l’âge de 58 ans, 35 ans de travail et deux années assimilables. Les travailleuses qui vont en pension à ce moment (entre 60 et 64 ans), elles, peuvent en moyenne prouver une carrière de 34 ans à l’âge de 58 ans, 26 ans de travail et 8 ans sont des périodes assimilées. Comme 38% des femmes auront eu une carrière à temps partiel, 30% des femmes avec une carrière de plus de 30 ans n’arriveront pas à avoir une pension minimum (pour avoir droit à une pension minimum, il faut avoir travaillé durant 30 années à temps plein), alors qu’il ne s’agit “que” de 8,5% chez les hommes.

    Selons certains calculs, le Pacte des Générations fera que 71% des femmes n’auront plus accès à la prépension parce qu’elles n’auront pas eu de carrière complète de 38 ans.

    1 femme sur 5 confrontée à la violence conjuguale

    Les attaques néolibérales sur nos acquis sociaux mènent à plus de problèmes et de stress au sein des familles, ce qui peut s’exprimer de façon violente.

    Les journeaux ont fait état l’an dernier d’une trentaine de drames familiaux, mais ce n’est là que le sommet de l’iceberg. La violence à l’encontre des femmes est en progression. La violence entre partnenaires est en Europe la cause principale de mort et d’invalidité pour les femmes entre 16 et 44 ans, plus que le cancer ou les accidents de la route. Dans les 15 états-membres de l’UE (avant l’élargissement), chaque année, plus de 600 femmes sont tuées à cause de cette violence, et c’est une femme sur cinq en Belgique qui est confrontées aux coups d’un conjoint.

    Tous les jours, en Flandre, 14 femmes prennent la décision difficile de chercher de l’aide en allant auprès d’un refuge, et la moitié est refusée faute de places. Et s’il subsiste encore de la place, souvent il n’en reste plus pour les enfants. Ces femmes sont donc devant la décision déchirante de laisser leurs enfants chez un partenaire violent ou de retourner à la maison avec eux. Mais pour beaucoup, revenir en arrière est impossible, 11% des femmes qui finalement trouvent une place dans un refuge ont erré pendant un certain temps. Une place dans ces refuges coûte 17 euros par jour (12 pour les enfants). Auparavant, on a déjà mentionné que seule une partie des travailleurs est indépendante financièrement (38% aux Pays-Bas). Cette dépendance financière rend plus difficile encore de quiter un partenaire violent.

    Il a fallu attendre 1998 pour que la violence entre partenaires soit reconnue comme crime, mais cette loi reste lettre morte. Alors qu’il y a 21 plaintes par jour pour coups et blessures entre (ex-)partenaires, 9 plaintes sur 10 sont classées sans suite. Il faut avoir assez d’accueil gratuit pour les victimes, mais les coupables doivent aussi être aidés. Les mettre dans le prison n’est pas une solution.

    Pour lutter contre la violence au sein de la famille, il faut s’en prendre avant tout aux causes sociales. L’ultra-flexibilité engendre beaucoup plus de stress, et cela ne s’exprime pas seulement dans la croissance des dépressions ou l’utilisation grandissante de somnifères… Dans le logement également, des mesures structurelles sont nécessaires car les loyer hors de prix sont aussi une difficulté pour quitter son partenaire. Un accès rapide à une habitation sociale pour les femmes qui veulent échapper a une situation violente ne peut être garanti que si le nombre de logements sociaux augmente fondamentalement des 6% actuellement jusqu’à 40 ou 50% du marché du logement. C’est uniquement en améliorant les conditions de vie et de travail de tous que l’on peut améliorer les relations sociales.

    Les problèmes structurels avec lesquels les femmes sont confrontées aujourd’hui sont inhérents à la structure économique du système capitaliste où le profit se trouve toujours en premier lieu. La lutte des femmes n’est pas une lutte distincte mais doit rejoindre la lutte des travailleurs, des jeunes, des refugiés, des pauvres,… partout dans le monde pour un système dans lequel seront prioritaires les besoins de toute la population mondiale et non plus les profits de quelques uns.

    NOTRE AVIS

    > Halte à la superflexibilité et à la pression croissante au travail. Pour la semaine de 32 heures sans perte de salaire et avec des embauches compensatoires

    > Un véritable emploi pour tous. Pas de statuts précaires, chèques services,…

    > Des services publics de qualité qui assurent le plus possible de tâches ménagèrent

    > Halte au démantèlement des (pré-)pensions

    > Des logements sociaux de qualité

    > Des crêches gratuites et de qualité

  • Le tremblement de terre affecte les plus pauvres : besoin urgent de fonds

    “Je n’ai jamais vu une telle dévastation de toute ma vie. Nous sommes sans nourriture, sans médicaments, sans eau, sans électricité. Nous avons désespérément besoin de médicaments, de tentes et de vêtements chauds. S’il vous plaît aidez-nous, autrement nous allons tous mourir” Sardar Khalid Mehmood, Président de l’association paramédicale du Kashmir.

    Des familles, villes et villages entiers ont été balayés par le tremblement de terre du 8 octobre, dont l’épicentre se situe au Cachemire. La désolation et la souffrance sont les seules choses qui restent. 21 000 morts ont déjà été enregistrés pour le seul Cachemire, alors que les autorités et l’armée n’ont pas encore atteints la majorité des regions affectées. Il n’est pas exclu que le nombre de victimes atteignent les 50.000, voire au-delà. Quatre millions de personnes ont été touchés par le séisme et plus d’un million de Cachemiris ont déjà passé plusieurs nuits à dormir sans abri, à la merci de la grêle et des pluies torrentielles. Nous avons reçu des rapports affirmant que 6 membres du TURCP et du Mouvement Socialiste du Pakistan ont été tués par le séisme à Kalam (Vallée de Swat).

    Les plus affectés par le séisme sont, sans surprise, les travailleurs et les paysans pauvres. Les services d’aide d’urgence sont inexistants. Le gouvernement pakistanais mène depuis des années des coupes budgétaires sur les services médicaux. L’année dernière le gouvernement de Musharraf a dépensé 45% de son budget dans l’armée et seulement 1,3% pour les soins de santé. A certains endroits, les blessés sont soignés (quand ils ont la chance d’être soignés) à l’air libre, du fait que la plupart des hôpitaux, quand ils n’ont pas été détruits, sont complètement débordés. Le nombre de victimes est particulièrement fort aussi du fait que le samedi est un jour scolaire là-bas, et que nombre d’étudiants de primaire et de secondaire ont été littéralement écrasés sous les décombres des écoles détruites par le séisme. La véritable raison est que les bâtiments scolaires sont laissés à l’abandon depuis des décennies, car les gouvernements successifs ont dépensé nettement plus d’argent pour le secteur militaire que pour l’éducation. Les politiques néo-libérales, appliqués par les représentants du big business au gouvernement, ont largement contribué à rehausser le nombre de morts dans ce désastre. Les autorités prétendent que tout est fait pour parer à la situation. C’est complètement faux. Rien n’a été fait pour prévenir une telle catastrophe. Des millions de travailleurs et de jeunes pakistanais et cachemiris se sont mobilisés, dans un gigantesque élan de solidarité, pour récolter nourriture, vêtements et argent pour ceux qui ont souffert de la catastrophe. Mais le gouvernement n’a pas concrétisé cela en terme d’actions sur le terrain.

    Les gouvernements impérialistes de l’Occident n’ont donné que des cacahuètes en réponse au tremblement de terre. Par exemple, les gouvernements anglais et américains ont libéré respectivement 1,4 millions de livres et 50 millions de dollars pour l’aide aux victimes. Toutefois, Bush a dépensé plus de 66 milliards de dollars pour ses opérations militaires en Afghanistan – région qui a également été affectée par le séisme. Suivant l’appel lancé par les autorités pakistanaises, l’administration américaine a décidé d’envoyer 8 misérables helicoptères dans la région. Mais ils ont pourtant beaucoup plus d’hélicoptères à leur disposition quand il s’agit de mener des opérations contre les Talibans de l’autre côté de la frontière…

    Ce sont tous ces facteurs qui ont poussé des activistes de gauche et des syndicalistes à apporter une réponse à la situation. Le TURC au Pakistan et au Cachemire a déjà récolté de la nourriture, et s’organise pour envoyer des convois d’aide à Bagh dans les prochains jours.

    Beaucoup d’agences d’aide vont récolter des fonds dans les prochaines semaines. Malheureusement ces fonds vont être distribués par le même gouvernement corrompu dont la politique a précisément favorisé à aggraver les conséquences de la catastrophe.

    Le TURCP appelle les syndicats à faire des dons qui seront directement destinés à aider la population sur le terrain. Dans l’immédiat, l’argent sera essentiellement utilisé pour acheter des tentes, des matelas, de la nourriture et de l’eau.

    L’argent sera également utilisé pour construire et reconstruire les syndicats dans les régions affectées, ainsi que pour organiser des campagnes afin d’assurer que les efforts de reconstruction seront dirigés dans les interêts de la classe ouvrière et des paysans pauvres et que le big business ne profitera pas une nouvelle fois de la souffrance des gens.

    Toutes les donations seront publiées et connues et des rapports réguliers seront envoyés pour expliquer où et comment l’argent sera utilisé. Notre campagne a ouvert un compte bancaire à Londres pour la récolte des fonds à l’extérieur de l’Asie. S’il vous plaît envoyez vos dons à Trade Union Rights Campaign Pakistan, PO Box 52135, London E9 5WR, Britain. Ou envoyez l’argent par virement à :

    TURCP

    Numéro de compte: 0574699

    code: 30-95-03

    Leytonstone Lloyds TSB Branch, 797-799 High Road Leytonstone

    IBAN No: GB70LOYD30950300574699BIC

    Code: LOYDGB21500

    Swift Code: LOYDGB2L

    Si vous faites un virement, nous vous demandons d’envoyer un e-mail à turcpakistan@yahoo.com, expliquant les détails du transfert, ou d’envoyer une lettre par la poste à l’adresse qui figure ci-dessus.

    Merci d’avance,

    Azad Qadri,

    Secrétaire général, Trade Union Rights Campaign – Pakistan

    et Khalid Bhatti, Organisateur National de “Trade Union Rights Campaign – Pakistan”

    Les syndicats pakistanais suivants participent à la campagne: Railway Workers Union workshops, PTCL joint workers action committee, Ptcl Lions union, Postal Employees union, Muthida Labour Federation, Informal sector workers organisation, Teachers union, commercial workers union Lahore, RMS Employees union, Pakistan state life staff union, Agriculture workers union.


    La “Trade Union Rights Campaign – Pakistan” a été mise sur pied en avril 2005 pour aider à coordonner la solidarité et soutenir les luttes des travailleurs contre la baisse du niveau de vie, les privatisations, et l’agenda néo-libéral de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International mené docilement par le gouvernement de Musharraf.Nous sommes des dirigeants syndicaux et des activistes organisés autour d’une plateforme de lutte radicale pour s’opposer aux attaques massives contre les travailleurs pakistanais par le gouvernement et les grosses enterprises, qui contrôlent l’économie.

    Azad Qadri.

    Samedi 15 octobre 05

  • Venezuela: Rapport du Festival Mondial de la Jeunesse

    Un groupe de membres du Comité pour une Internationale Ouvrière (notre organisation internationale) venus du Chili, d’Autriche, d’Angleterre et du Pays de Galles a fait une intervention très réussie au Festival mondial de la Jeunesse qui s’est tenu à Caracas au Venezuela. Beaucoup de jeunes se présentent comme socialistes et ont envie de discuter si et comment la « révolution bolivarienne » peut conduire au socialisme et faire progresser substantiellement le niveau de vie des masses vénézuéliennes. L’article qui suit reprend des extraits du « Journal de bord vénézuélien » écrit par Sonja Grusch, qui est la porte-parole du Parti Socialiste de Gauche (SLP), notre organisation sœur en Autriche, et membre du Comité Exécutif International du CIO.

    Sonja Grusch

    De grands espoirs (4 août)

    Des milliers de jeunes du monde entier vont se rassembler sur le thème de cette année “Pour la paix et la solidarité – Nous combattrons contre l’impérialisme et la guerre ».

    Mais ce n’est pas la seule raison pour laquelle le Venezuela est pour le moment une destination intéressante. Depuis l’élection d’Hugo Chavez comme président en 1998, le pays se trouve de plus en plus sous les feux de la rampe. La ‘Révolution Bolivarienne’ ne laisse personne indifférent. A côté de fermes partisans, il a aussi des opposants déterminés. Le pays a connu ses premières nationalisations d’entreprises et de terres. Les opposants se trouvent pour l’essentiel dans la classe dominante et dans certains secteurs de la classe moyenne au Venezuela mais également aux Etats-Unis.

    Le Venezuela est un des plus importants producteurs de pétrole pour les USA et un modèle populiste radical comme celui fourni par le gouvernement de Chavez, qui bénéficie d’une sympathie très étendue parmi les masses populaires de tout l’Amérique Latine, est un coin enfoncé dans l’impérialisme US.

    Sur le chemin menant à l’aéroport, j’ai vu une suite sans fin de graffitis et de peintures murales. Les opposants prétendent qu’une invasion cubaine est à l’ordre du jour. Il y a aussi beaucoup de graffitis contre Fidel et contre le communisme. Mais la seule « invasion » cubaine qu’on peut voir, ce sont les 10.000 médecins qui permettent à des milliers de gens d’avoir accès aux soins de santé.

    Mais la majorité des graffitis soutient Chavez et sa politique. Au cours des dernières années, des écoles et des universités ont ouvert, des programmes d’alphabétisation ont été mis en œuvre et d’énormes pas en avant ont été faits dans le secteur de la santé. Mais, malgré toutes ces améliorations, j’ai vu beaucoup de sans-abri dans le centre-ville de Caracas. Les bidonvilles et la misère sont encore largement répandus. Un élément qui illustre le niveau de la misère, ce sont les mesures de sécurité prises par les commerçants et les autres indépendants. Les fenêtres sont grillagées ou barricadées et, dans de nombreux magasins et hôtels, on ne peut entrer qu’une fois les portes déverrouillées et ouvertes de l’intérieur.

    Les attentes sont très grandes dans le pays où 80 % de la population est encore officiellement considérée comme pauvre. Les prochains jours, je veux essayer de comprendre qu’elles sont les attentes et les espoirs des gens et ce qu’ils pensent des changements en cours.

    Au cours des derniers mois, un débat sur le « socialisme » a démarré dans le pays. De plus en plus de gens se demandent s’il est possible de trouver dans le cadre du capitalisme une solution aux nombreux problèmes qui se posent aujourd’hui. Chavez a parlé d’un « socialisme du 21e siècle ». Mais ce que cela signifie pour lui n’est pas clair. Cette question – quel type de socialisme et, plus encore, comment y parvenir et comment le développer – sera la question centrale de ma visite.

    Sous le signe des élections (5 août)

    Dimanche il y aura des élections locales au Venezuela. C’est perceptible à chaque coin de rue, mais la manière de le voir dépend du quartier on se trouve. La différence est frappante entre les quartiers les plus pauvres et les plus riches de Caracas. Les quartiers pauvres de Valle et Coche sont presque entièrement pro-Chavez. A première vue, ces quartiers semblent assez pittoresques. Il y a beaucoup de petites maisons, parfois peintes, s’agrippant à flanc de montagnes. Mais quand on y regarde de plus près, cette impression change rapidement. La plupart de ces maisons ont été construites illégalement, sont très petites et presque construites les unes sur les autres. La plupart ne sont pas cimentées et sont partiellement construites en tôle ondulée.

    La pauvreté est omniprésente. Un jeune homme attend à l’extérieur d’un immeuble grillagé à appartements que quelqu’un lui demande de ramener ses courses à la maison. C’est un moyen pour lui de se faire quelque bolivars (la monnaie du pays). Un vieil homme aveugle erre de café en café en faisant tinter une cannette . En regardant les bus et les autos, on se demande comment ils peuvent encore rouler. Les affiches de l’opposition ne durent pas très longtemps ici.

    Dans les quartiers riches de la ville, il en va tout autrement. On se retrouve là comme dans une grande ville européenne : de grosses autos avec des gens bien vêtus. Et ici on trouve des affiches de l’opposition. Ce qui frappe, c’est que les candidats de l’opposition ont pour la plupart un teint beaucoup plus clair que la majorité de la population. Les différences sociales et de classes sont très visibles.

    Même si le soutien à Chavez et sa politique est grand, on se demande si la participation aux élections sera élevée. Il y a des critiques sur la manière dont les candidats sont sélectionnés : ils sont souvent choisis par en haut, beaucoup sont des inconnus dans les circonscriptions où ils se présentent. En fin de compte, il ne sera pas possible de résoudre les problèmes sociaux par la voie des élections.

    Les slogans qui appellent au socialisme se retrouvent partout. Mais le socialisme exige la démocratie et une participation active de la population. Les travailleurs, les paysans, les jeunes et les pauvres ne doivent pas être de simples observateurs, mais doivent prendre la direction du processus.

    Au Venezuela, une grande partie de l’économie, et en particulier l’industrie pétrolière, est nationalisée. En plus, il y a eu d’autres nationalisations au cours des derniers mois. Une discussion sur la « cogestion » est en cours. En fonction des gens avec qui on discute, cela peut signifier une participation des travailleurs, une co-direction de l’entreprise ou une autogestion par les travailleurs. Ce débat et les résultats qui en sortiront seront décisifs pour la période à venir.

    Les élections et le début du festival (7 août)

    14,4 millions de Vénézuéliens peuvent aujourd’hui apporter leur voix pour élire le gouverneur d’Amazonas, deux bourgmestres mais surtout 5.596 représentants locaux.

    Il est impossible de dire combien de partis participent aux élections. Le vote est électronique, ce qui sera probablement utilisé par l’opposition pour accuser Chavez de fraude électorale. Etrangement, cette même opposition ne considère pas que les votes électroniques aux USA soient anti-démocratiques alors qu’il y a eu néanmoins de nombreux « incidents » douteux. Devant les bureaux de votes il y a de longues files, mais il est difficile de préjuger quelle sera la participation.

    Le réceptionniste de mon hôtel me raconte qu’initialement dans ce quartier il y avait presque 100% de voix pour Chavez. Mais un certain nombre d’électeurs sont déçus parce qu’il n’a pas tenu toutes ses promesses et que, de toute évidence, il y a des gens qui se remplissent les poches au passage. Il dit qu’en général la corruption est un problème.

    Il est difficile de contrôler ce genre d’affirmations. Dans les médias qui sont dominés par l’opposition, on trouve beaucoup d’articles négatifs sur Chavez. Il est possible qu’un certain nombre de critiques soient réelles, mais beaucoup sont fausses ou racontées d’une manière complètement déformée.

    Un membre du CIO qui a visité le pays lors du référendum en août 2004 et qui est maintenant du nouveau sur place, raconte comment la situation a évolué depuis lors. A l’époque il y avait des discussions partout, dans la rue, les cafés, les transports publics,… Maintenant, tout cela a presque complètement disparu. Mais, en même temps, le « socialisme » est devenu un thème largement utilisé et un point de référence.

    Un processus révolutionnaire, comme celui qui se développe au Venezuela, porte en lui des éléments contradictoires et ne se développe pas en ligne droite. Mais il y a bien une donnée cruciale : le temps compte. Des possibilités et des opportunités s’ouvrent, mais elles peuvent de nouveau disparaître si elles ne sont pas utilisées à temps. La motivation pour les discussions était plus forte lors du référendum en 2004 quand la menace immédiate de l’opposition était plus palpable. Mais, à ce moment, l’essentiel du soutien à Chavez et à un nouveau Venezuela était orienté vers le terrain électoral.

    Aujourd’hui marque aussi l’ouverture du Festival de la Jeunesse. Mais, aujourd’hui comme hier, il sera cependant difficile de faire la fête parce que la Ley Seca (la « Loi sèche ») interdit la distribution d’alcool la veille et le jour des élections.

    Malgré cela, l’ambiance est bonne parce que le public, très majoritairement jeune, se réjouit de cet événement international et de passer du temps avec des gens qui pensent comme. Ils sont unis dans leur volonté de faire quelque chose contre la faim et l’exploitation, contre l’oppression et la violence et contre la guerre et le capitalisme.

    Les discussions seront intenses et également polémiques. Mais elles seront cruciales pour le Venezuela à cette étape de la lutte. Elles seront l’occasion d’apprendre du passé pour éviter les mêmes erreurs à l’avenir. Les évènements sanglants du 11 septembre 1973 au Chili ont prouvé que les tentatives de trouver un terrai commun et une unité avec la classe capitaliste se termine en défaite pour les travailleurs. Il y a également des leçons importantes à tirer de la révolution cubaine.

    Une opposition enragée et un long début du festival (9 août)

    Des discussions sérieuses se développent à propos du résultat des élections. D’une part, l’opposition se plaint que les bureaux de votes soient restés ouverts plus longtemps que prévu. D’autre part, on discute aussi de l’ampleur de la participation. L’opposition présente des chiffres montrant une abstention entre 77 et 78% des électeurs. Selon la commission électorale, ce chiffre n’atteint que 69,1%. Il faut savoir que ce sont des chiffres normaux pour des élections locales : en 2000, l’abstention était de 76,2%. Une partie de l’opposition avait même appelé au boycott des élections, ce qui rend leurs divagations à propos de la faible participation assez ridicule.

    Le parti de Chavez, le MVR (Mouvement pour une Cinquième République), a récolté 58% des sièges sur le plan national et l’ensemble des partis pro-Chavez en récoltent 80%. Cela semble être la véritable raison de la colère de l’opposition. Certains partis d’opposition ont un lourd passé de fraude électorale. Vu le manque de soutien de la population à leur égard, ils ne semblent pas avoir d’autre solution que de brandir des accusations de fraude.

    Le Festival de la Jeunesse a commencé hier. Les délégations des différents pays se sont rassemblées sur une grande place. Il y avait des jeunes et des moins jeunes. La délégation du CIO, même si elle était petite, a défilé en tant que groupe international. Elle comptait des camarades qui venaient d’au moins cinq pays différents. Notre matériel politique mettait l’accent sur les questions « Qu’est-ce que le socialisme ? », « Comment peut-on construire un mouvement pour le socialisme au Venezuela ? »,… Ces questions ont une énorme importance pour les Vénézuéliens. Nous ne pouvons pas distribuer gratuitement notre matériel. Il coûte assez cher en fonction du niveau de vie au Venezuela – 500 bolivars, l’équivalent d’une grande baguette au festival. Malgré cela, les gens font régulièrement la queue pour en acheter.

    Il y a un énorme intérêt pour les idées politiques. Les gens sont très ouverts et désireux de discuter, mais il y a également beaucoup de confusion sur ce que signifie le socialisme. Il y a un million de réponses à la question de ce qu’est le socialisme qui sont souvent contradictoires. Il n’y a certainement pas de réponse facile mais néanmoins la réponse sera d’une importance cruciale pour l’avenir du Venezuela.

    Le pétrole, source de richesse et de misère (10 août)

    Le Venezuela est un pays riche. Il est le cinquième plus grand producteur de pétrole à travers le monde. Mais l’énorme richesse de ce pays n’est pas redistribuée équitablement, c’est le moins que l’on puisse dire. Depuis l’augmentation du prix du pétrole au milieu des années ‘70, les revenus de l’Etat ont quadruplé. Une partie de cette somme a servi à améliorer le niveau de vie des travailleurs et des pauvres. Mais cela n’a pas duré longtemps. Avec la baisse du prix du pétrole dans les années suivantes sont venues des mesures néo-libérales drastiques d’austérité qui ont eu des conséquences sociales dramatiques.

    Les revenus réels ont chuté. Le pouvoir d’achat de ceux qui touchaient le salaire minimum a été amputé des deux-tiers entre 1978 et 1994. Des coupes sévères ont eu lieu dans les services sociaux à tel point que les dépenses pour la sécurité sociale ont été réduites de moitié. Les pertes d’emplois ont été énormes et les conditions de travail sont devenues de plus en plus précaires. Le taux de chômage a explosé et beaucoup de gens ont dû se tourner vers le secteur informel pour survivre. En 1999, on estimait que 53 % de la population travaillait dans le secteur informel. Le taux de pauvreté a lui aussi explosé : entre 1984 et 1995, le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté est passé de 36 à 66 %.

    Les partis dominants sont entrés en crise, à cause de leur arrogance et de leur implication croissante dans des scandales de corruption, mais surtout de la polarisation de la situation sociale. Chavez a réussi à offrir une alternative en mettant en avant une politique économique et sociale plus juste. Il s’est adressé « aux gens» et s’est engagé dans une direction de plus en plus anti-capitaliste. Un grand nombre d’améliorations ont eu lieu à l’initiative des ministres ou des « Missions » et de nouveaux emplois ont été créés, particulièrement dans le secteur public.

    Pendant le festival, il était parfois difficile de faire une distinction entre les ceux qui participaient aux activités et les salariés des services publics, comme les balayeurs et les nettoyeurs de rue. Tous portaient des T-shirts rouges avec des slogans pro-Chavez.

    Le programme d’alphabétisation mis en place a permis à plus d’un million de gens d’apprendre à lire et à écrire. Pour la première fois, les universités ont été ouvertes aux enfants de travailleurs et 3.200 nouvelles écoles sont aussi été construites. Des millions de gens ont, pour la première fois de leur vie, eu accès à des soins de santé. A tout moment, les gens parlent avec enthousiasme de ces améliorations et de la différence qu’elles font dans leur vie. Casanova, un dirigeant du MVR, a déclaré que « le pétrole était maintenant géré pour le peuple ».

    Il ne fait aucun doute qu’il y a eu d’énormes changements, même si la misère reste également énorme. La base de ces améliorations réside non seulement dans la volonté politique de changement, mais aussi dans le haut niveau des prix du pétrole. 50 % des dépenses publiques sont financées par les revenus pétroliers. Cela pose la question de savoir ce qui se passera si les prix du pétrole baissent.

    Une partie de la population espère que le processus actuel continuera indéfiniment et qu’elle connaîtra une augmentation continuelle et constante de son niveau de vie. Un enseignant m’explique que ce sera un long processus qui pourrait durer peut-être de 20 à 30 ans. Mais les gens sont-ils prêts à attendre si longtemps ? Peuvent-ils se permettre d’attendre si longtemps ? Et l’opposition bourgeoise et l’impérialisme se contenteront-ils d’observer ce processus en restant silencieux pendant encore 20 ans ? A toutes ces questions, on doit répondre par la négative.

    Le salaire minimum qui n’existe que dans le petit secteur formel est de 405.000 bolivars par mois. La compagnie d’électricité, Cadafe paie un salaire moyen de 600.000 bolivars par mois à ses travailleurs. Un repas bon marché coûte 6.000 bolivars, un petit yogourt 1.000. Un ticket de métro coûte entre 300 et 350 bolivars, une bière entre 1.000 et 1.500. Il n’y a pas d’allocations de chômage et les pensions sont une exception. C’est ce qui fait que la discussion sur le socialisme est si importante.

    Mais, comme je l’ai dit, le terme de socialisme a ici beaucoup de significations. Cela vaut également pour ce qu’on appelle la « co-gestion ». Certains y voient ou veulent y voir le contrôle des travailleurs et même la gestion par les travailleurs. Mais ce n’est pas nécessairement ce que le gouvernement entend par là. Ses représentants disent que cela signifie la propriété par l’Etat et l’implication des travailleurs dans la gestion. On en parle aussi comme d’une distribution d’actions et d’un paiement de dividendes aux travailleurs et aux populations locales.

    Une société socialiste signifie plus que de permettre aux travailleurs de se faire entendre et d’avoir mot à dire. Le socialisme signifie un véritable contrôle ouvrier et une gestion par les travailleurs de la production et des moyens de productions.

    Pour préparer un Venezuela socialiste, un programme clair est indispensable. A notre stand au Teatro Teresa Carreno, toutes nos discussions sont centrées sur le socialisme. Nous ne discutons pas qu’avec les participants du festival, mais aussi avec les nettoyeurs, les balayeurs et les gardiens qui travaillent sur place. Tous veulent discuter et sont intéressés à chercher des réponses à leurs questions sur la manière de procéder. Ils souhaitent entendre notre point de vue. Ces discussions sont vraiment excitantes et il y a beaucoup de gens qui sont d’accord avec notre opinion que la question du socialisme est vitale.

    Une fête pour Chavez (12 août)

    Le festival dure depuis quelques jours et de plus en plus il se transforme en une fête massive pour fans de Chavez et de Che Guevara. Il y a des posters de tous les formats montrant Chavez posant face à Bolivar. Il y a des t-shirts avec Chavez, des porte-clés et des petites photos à glisser dans le portefeuille. On peut aussi acheter des discours de Chavez sur CD, des fichus et des bikinis… aux couleurs du drapeau vénézuélien.

    Notre stand est unique en son genre parce qu’il est le seul à l’entrée du Teatro Teresa Carenno à proposer du matériel politique.

    L’enthousiasme pour les changements dans le pays est compréhensible. Mais l’admiration et le soutien sans critique pour Chavez en tant que personne sont autre chose. Chavez est une figure-clé qui peut jouer un rôle décisif, mais il n’est pas seul et il n’est pas infaillible.

    Chavez ne peut pas remplacer l’organisation de la classe ouvrière. En contraste avec l’attitude de beaucoup de Vénézueliens (et je ne parle pas de l’opposition), critiquer Chavez est vu presque comme un acte de blasphème par beaucoup de visiteurs internationaux.

    Beaucoup veulent penser que Chavez est infaillible. S’il commet une erreur, ce sera mis sur le compte de mauvais conseillers. Malheureusement, cette attitude acritique n’aide pas à faire avancer le processus révolutionnaire. Celui-ci a besoin de discussions ouvertes qui permettent de prendre en compte différentes idées et propositions, de les confronter les unes aux autres, de développer des perspectives et, plus encore, de tirer les leçons du passé. La participation active des travailleurs, des jeunes et des pauvres dans la prise de décision est une condition élémentaire. Sans leur participation, il ne pourra y avoir de socialisme véritable et démocratique.

    Au meeting du CIO sur le thème « Qu’est-ce que le socialisme et comment le réaliser ? », un jeune Vénézuélien a expliqué que le Festival ressemblait à un événement destiné à promouvoir le gouvernement. Beaucoup sont contents d’avoir la possibilité de discuter avec nous à notre stand.

    Tous les discours sur l’apolitisme des jeunes ont été démentis une fois de plus. Des jeunes venus de partout dans le monde sont ici pour discuter de politique. Le Festival est aussi l’expression de la solidarité et du soutien à la révolution bolivarienne. Une fois de plus, cela montre clairement que le peuple n’est pas trop mauvais ou trop égoïste pour le socialisme, mais que c’est le capitalisme qui est mauvais pour le peuple.

    Pour le socialisme, mais quel socialisme ? (15 août)

    Aujourd’hui, c’est le dernier jour du festival. Les deux jours précédents s’est tenu le tribunal anti-impérialiste qui a mis en évidence les crimes de l’impérialisme – les guerres contre le Vietnam et l’Irak, la misère et la faim, la répression et les attaques contre les droits démocratiques.

    Des milliers de gens dans la salle et des milliers d’autres dehors sont venus écouter le discours de clôture de Chavez. A côté de nombreuses références historiques à Bolivar, Sandino, Miranda et d’autres encore et de suggestions de livres à lire, Chavez a cité les fameuses paroles de Rosa Luxembourg : Socialisme ou Barbarie. L’enthousiasme avec lequel le socialisme est vu comme une alternative est un développement relativement récent. Après l’effondrement des Etats staliniens à fin des années ‘80, le socialisme était devenu très impopulaire.

    La situation a commencé à changer à nouveau la naissance du mouvement anti-mondialisation et a trouvé son expression dans le slogan « Un autre monde est possible ». Cependant, la signification exacte du mot « autre » n’était pas très claire.

    Depuis lors, beaucoup de choses ont changé. La classe des travailleurs est de retour dans l’arène de la lutte et nous avons assisté à de nombreuses grèves et grèves générales dans de nombreux pays et à de soulèvements et des mouvements insurrectionnels qui ont provoqué la chute de présidents et de gouvernements en Asie, en Afrique, en Amérique Latine et ailleurs.

    La discussion sur ce que peut être « l’autre monde possible » a continué d’avancer. C’est le message que je veux ramener chez moi de ce Festival.

    En 1997, lors du Festival de la Jeunesse à Cuba, la discussion sur le socialisme comme alternative au capitalisme était moins présente. En 2005, à Caracas, il y a presque un consensus sur le fait que le socialisme était l’alternative au capitalisme.

    Chavez a reçu le plus d’applaudissements quand il a fait référence au socialisme. Friedrich Engels a dit en son temps que le socialisme ne marquerait que le commencement de l’histoire de l’humanité. Aujourd’hui, nous nous n’en sommes qu’au début du commencement.

    Mais qu’est ce que c’est exactement le socialisme ? Que veut dire Chavez quand il parle du socialisme du 21e siècle ? Qu’est-ce que les Vénézuéliens et les participants au festival entendent par là ? Il est clair que cela signifie une répartition plus juste des richesses et l’élimination de la misère. Mais, à ce stade, beaucoup n’ont pas une idée plus claire ou plus élaborée de ce que signifie le socialisme.

    Chavez n’est pas plus clair quand il décrit le socialisme du 21e siècle. Il voit comme partenaires tant Fidel Castro (alors qu’à Cuba manque cruellement une démocratie pour les travailleurs) que Lula (dont le parti et le gouvernement sont impliqués actuellement dans un scandale majeur de corruption et qui est confronté à des actions de protestation contre l’application de mesures néo-libérales). Chavez a fait des références positives à Poutine (qui restreint les droits démocratiques et mène une guerre sanglante contre la Tchétchénie) et à l’établissement d’une Zone de Libre Commerce en Amérique Latine.

    Chavez a glissé vers la gauche, mais n’a pas un programme clairement socialiste. Le socialisme ne va pas se réaliser de lui-même. Il faut une progression révolutionnaire consciente vers le socialisme et un renversement actif du capitalisme, sinon le danger existe d’un retour à une politique néo-libérale au Venezuela. Développer un tel programme et travailler au renversement du capitalisme et à la construction d’une véritable société socialiste démocratique est la tâche des socialistes révolutionnaires aujourd’hui.

  • 60 ans après la Seconde Guerre mondiale

    On commémore ces temps-ci le 60ème anniversaire de la fin la Seconde Guerre mondiale. Les médias nous ont abreuvés d’articles et de témoignages historiques sur ce qui fut la plus grande boucherie à ce jour de l’histoire humaine (60 millions de morts). Un dossier de plus? Non, car les commémorations occultent trop souvent les tenants et aboutissants de cette guerre qui a changé pour près d’un demi-siècle les rapports de force au niveau mondial.

    Thierry Pierret

    La Première Guerre mondiale avait été une guerre de repartage du monde entre puissances impérialistes. Pendant des décennies, il y avait une course de vitesse entre les différentes puissances européennes pour s’emparer des différents pays d’Afrique et d’Asie. La Grande-Bretagne et la France étaient sorties gagnantes de cette course de vitesse, l’Allemagne devant se contenter des “miettes” du monde colonial.

    C’est la volonté de l’Allemagne d’imposer un repartage du monde à son avantage qui a plongé le monde dans la “Grande Guerre” en 1914. Les principaux partis sociaux-démocrates s’étaient rangés derrière le drapeau de leur propre impérialisme. C’est la Révolution russe qui a mis fin à la Grande Guerre sur le front de l’est avec l’armistice de Brest-Litovsk. Quelques mois plus tard, la révolution en Allemagne mettait fin aux hostilités sur le front occidental. Malheureusement, la révolution en Allemagne n’a pas abouti à la prise du pouvoir par les travailleurs comme en Russie. Le Parti social-démocrate (SPD) y était autrement plus puissant que les mencheviques en Russie et le jeune Parti communiste allemand (KPD) a commis des erreurs tactiques. La défaite de la révolution en Allemagne, mais aussi en Italie, en Hongrie, en Slovaquie,… ouvre désormais la voie à une période de contre-révolution en Europe qui sera le prélude à une nouvelle conflagration mondiale.

    La montée du fascisme

    La petite-bourgeoisie était prise en tenaille entre le mouvement ouvrier d’une part, la grande industrie et les banques d’autre part. La faillite les guette et, avec elle, la nécessité de vendre leur force de travail pour vivre. Ils aspirent au retour à l’ordre, c’est-à-dire à la situation qui prévalait avant l’industrialisation, à savoir une société de petits producteurs. Les fascistes les séduisent avec leurs diatribes contre “le capital financier” et contre le communisme. La crise économique des années trente verra les secteurs décisifs de la bourgeoisie soutenir le fascisme pour rétablir ses profits en écrasant le mouvement ouvrier et en forçant l’ouverture des marchés extérieurs aux produits allemands.

    Il est donc faux de prétendre que la mégalomanie de Hitler et de Mussolini serait la cause de la Seconde Guerre mondiale. En fait, le programme des partis fascistes correspondait aux nécessités du capitalisme en période de crise aigüe. La seule façon pour la bourgeoisie des pays vaincus (Allemagne) ou mal desservis par la victoire (Italie) de restaurer sa position, c’était d’imposer un nouveau partage du monde par la guerre. Or seuls les partis fascistes étaient déterminés à le faire là où les partis bourgeois classiques étaient soucieux de préserver les équilibres internationaux. Il y a donc un lien entre le fascisme et la guerre dans la mesure où ce sont deux conséquences parallèles de la crise du capitalisme en décomposition.

    Capitulation du mouvement ouvrier

    La victoire du fascisme n’était pas inéluctable. En Allemagne, les partis ouvriers et leurs milices – SPD et KPD – étaient plus puissants que le Parti nazi. Mais le SPD refusait l’affrontement sous prétexte de respecter la légalité là où les nazis n’en avaient cure. Plutôt que d’organiser les travailleurs, il préférait s’en remettre au Président Hindenburg comme “garant de la démocratie”.

    Quant au KPD, il suivait la ligne de Moscou qui professait la théorie absurde selon laquelle la social-démocratie et le nazisme étaient des frères jumeaux (théorie du social-fascisme). Le KPD a même organisé des activités en commun avec les nazis! Cette attitude des dirigeants des deux grands partis ouvriers allemands a complètement désorienté les travailleurs allemands face aux nazis. En 1933, Hitler prenait le pouvoir sans coup férir avec la bénédiction de Hindenburg…

    Le Pacte germano-soviétique

    L’arrivée au pouvoir de Hitler – dont Staline était pourtant largement responsable – a semé la panique à Moscou. Pour assurer sa défense, l’URSS va désormais privilégier une stratégie d’entente avec la France et la Grande-Bretagne. Pour ce faire, il ne fallait rien faire qui puisse effrayer les bourgeoisies française et britannique. Par conséquent, les partis communistes occidentaux devaient adopter un profil bas et privilégier des alliances non seulement avec la social-démocratie, mais aussi avec la “bourgeoisie progressiste”.

    Cette stratégie débouchera sur la formation de gouvernements de front populaire en France et en Espagne en 1936. Pour maintenir coûte que coûte ce front de collaboration de classe, le PC n’hésitera pas à casser la grève générale en France et à liquider la révolution en Espagne. Mais en 1938, Paris et Londres repoussent l’offre de Staline d’agir de concert pour contrer les visées de Hitler sur la Tchécoslovaquie.

    Staline change alors son fusil d’épaule et signe le Pacte germano-soviétique en 1939. Il croit ainsi assurer ses arrières. Bien plus qu’un pacte de non-agression, le Pacte germano-soviétique comportait un protocole secret qui organisait le dépeçage de l’Europe de l’est entre l’Allemagne et l’URSS. Alors que les bolcheviques avaient rendu publics tous les traités secrets en 1917, Staline renouait avec les pires méthodes des puissances impérialistes.

    Une nouvelle guerre de repartage

    La Seconde Guerre mondiale fut, en Europe de l’Ouest, en Afrique et en Asie, une nouvelle guerre de repartage du monde. L’Allemagne, qui avait été privée de toutes ses colonies en 1918, voulait prendre sa revanche. L’Italie, mal desservie par sa victoire en 1918, avait annexé l’Albanie et envahi l’Ethiopie en 1935. Mais l’Ethiopie était le seul pays africain qui restait à coloniser. L’Italie ne pouvait plus étendre son empire colonial qu’en empiétant sur les colonies françaises et britanniques. Il ne faut pas chercher ailleurs les raisons de son entrée en guerre aux côtés de l’Allemagne en 1940. En Asie, le Japon, après avoir annexé la Corée et la Mandchourie, s’était lancé à la conquête de la Chine toute entière. Il lorgnait sur les colonies françaises, britanniques et hollandaises en Asie. Mais les Etats-Unis s’opposaient aux prétentions impériales de Tokyo en Asie et lui ont coupé son approvisionnement en pétrole.

    D’où l’attaque sur Pearl-Harbour en décembre 1941 pour avoir les mains libres dans le Pacifique. Pearl-Harbour a fourni le prétexte rêvé au Président Roosevelt pour engager les Etats-Unis dans la guerre, puisque le Japon était un allié de l’Allemagne et de l’Italie. La guerre est désormais mondiale. Elle oppose les puissances impérialistes établies (Etats-Unis, France, Grande-Bretagne) aux forces de l’Axe (Allemagne, Italie, Japon), c’est-à-dire l’axe des mal servis du partage colonial. Mais entre-temps, il y a eu l’offensive allemande contre l’URSS en juin 1941. Cette nouvelle donne va non seulement changer le cours de la guerre, mais aussi en changer partiellement la nature.

    La victoire soviétique

    Staline avait cru gagner un répit de 10 ans en signant le Pacte germano-soviétique. Il en avait également profité pour ramener la frontière occidentale de l’URSS à celle d’avant 1914 (annexion de l’est de la Pologne, des pays baltes, de la Bessarabie). En revanche, l’invasion de la Finlande se solda par un fiasco. Staline, dans sa lutte acharnée contre l’opposition de gauche, avait liquidé tous les officiers qui avaient été formés par Trotsky. Privée de ses meilleurs officiers, l’Armée rouge s’est révélée incapable de venir à bout de l’armée finlandaise. Hitler en a conclu que l’Armée rouge n’était qu’un tigre de papier et qu’elle s’effondrerait sous les coups de la Werhmacht. Or les nazis, dans leur entreprise de destruction systématique du mouvement ouvrier organisé, ne pouvaient pas tolérer l’existence de l’état ouvrier – tout bureaucratisé qu’il fût – soviétique. Le 22 juin 1941, la Werhmacht envahissait l’URSS à la stupéfaction de Staline qui croyait dur comme fer au Pacte. Les premières semaines de l’offensive ont semblé donner raison à Hitler.

    L’Armée rouge, mal préparée, privée d’officiers compétents, s’effondrait sous les coups de butoir de la Wehrmacht, perdant des centaines de milliers de prisonniers et de tués en quelques jours. Mais Hitler avait sousestimé la capacité de résistance et d’auto-organisation de la population russe.

    Surtout, Hitler avait sousestimé le potentiel d’une économie planifiée même bureaucratiquement. Jamais un pays relativement arriéré comme l’URSS n’aurait pu fournir un tel effort de guerre dans les conditions d’une économie de marché. L’Armée rouge a pu stopper l’offensive hitlérienne avant de partir à la contre-offensive.

    L’URSS payera sa victoire de quelque 27 millions de morts. Les pertes sont d’autant plus lourdes que le régime nazi se déchaîne contre les “sous-hommes” (Juifs, Slaves, Tsiganes). Si l’antisémitisme du régime avait d’abord eu pour but de désigner un bouc-émissaire pratique aux souffrances de la population, il acquiert dès lors une dynamique propre qui conduira à la Solution finale.

    Mais cette pulsion mortifère exprime surtout l’impuissance des nazis à retourner la situation en leur faveur. A partir de ce moment, la guerre change de nature. On assiste à une course de vitesse entre l’Armée rouge et les anglo-américains. Ceux-ci ne se décident à ouvrir un nouveau front (débarquement de juin 1944) que pour endiguer l’avance soviétique. Après la capitulation allemande, cette course se poursuivra en extrême-orient où les Etats-Unis n’hésiteront pas à utiliser l’arme atomique pour contraindre le Japon à capituler sans délai et éviter une partition du Japon comme en Allemagne et en Corée.

    La révolution met fin à la guerre

    Les dirigeants américains et britanniques envisagent même de faire une paix séparée avec l’Allemagne pour repousser l’Armée rouge. Mais les nazis s’obstinent à vouloir mener la guerre sur les deux fronts et le putsch contre Hitler échoue. Surtout, les travailleurs n’auraient pas toléré la prolongation de la guerre et sa transformation en guerre est-ouest. En Italie, en France, en Yougoslavie, en Grèce, les partisans communistes libèrent la majorité du territoire. Ils sont une force avec laquelle les alliés doivent compter. La prise du pouvoir par les communistes était possible dans plusieurs pays, y compris à l’ouest. Mais Staline le leur a interdit et a ordonné aux partisans de rendre leurs armes en échange d’assurances de la part des Alliés. On peut dire que le stalinisme a joué le même rôle contre-révolutionnaire en 1945 que la social-démocratie en 1918. Dans les pays occupés par l’Armée rouge, nombre de communistes actifs dans la résistance sont liquidés car jugés peu fiables. Alors que c’est la révolution (ou la menace de révolution) qui a empêché les Alliés de continuer la guerre contre l’URSS, Staline a cru pouvoir opter pour la coexistence pacifique avec l’impérialisme (accords de Yalta). Mais Staline ne recueillera pas davantage les fruits de sa “modération” que dans les années trente. En 1949, les puissances impérialistes créent l’OTAN pour endiguer l’URSS et le monde bascule dans la guerre froide. Pendant près d’un demi-siècle, la violence de l’impérialisme sera contenue par l’existence du bloc de l’est. Mais les tares du stalinisme ont fini par avoir raison des états ouvriers bureaucratisés. La chute de l’URSS ouvre la porte à une nouvelle ère de tensions interimpérialistes.

  • Trop de familles heurtées par l’endettement

    Economie capitaliste: vers une nouvelle crise?

    En 2004, 51.100 nouvelles maisons ont été construites en Belgique, record inégalé depuis 1994. Depuis la crise économique de 2001 aux USA, les pays développés essaient de stimuler la croissance en rendant l’emprunt plus accessible : les taux d’intérêt sont aujourd’hui historiquement bas.

    Peter Delsing

    Construire une maison n’est sans doute pas à la portée de tous. Pour des familles ouvrières où un partenaire ne travaille pas, ou pour ceux qui habitent seuls, c’est irréalisable. Des chiffres de l’ONEm pour 2004 montrent que 17% de la population active est complètement ou partiellement touchée par le chômage. Avec 1,17 millions de personnes, c’est un record. Pour ces familles, construire une maison est pratiquement exclu.

    Les familles dans lesquelles les deux partenaires travaillent, lorsqu’elles n’appartiennent pas à une catégorie aisée, craignent de ne plus pouvoir continuer à rembourser leurs emprunt si l’un des deux venait à perdre son emploi. Vu l’instabilité actuelle du capitalisme ce n’est pas une crainte irréelle.

    L’emprunt bon marché ne durera pas

    Le gouvernement a mentionné une plus grande consommation pour expliquer la croissance de 2,7% en 2004. Bien que supérieure aux pays voisins, cette croissance ne suffisait déjà pas à faire baisser le chômage, et elle sera encore moindre cette année. On peut s’imaginer les drames qui vont naître du nombre grandissant des pertes d’emplois…

    La croissance de la consommation allait de paire avec l’amnistie fiscale pour l’argent noir placé à l’étranger. De toute manière, emprunter à bon marché ou acheter à crédit ne peut pas se poursuivre éternellement. Le nombre de mauvais payeurs pour des lignes de crédits est passé en Belgique de 99.530 jusqu’à 190.226 entre 1997 et 2003. Aux Etats-Unis, le taux d’intérêt a déjà commencé à croître, afin surtout de ne plus élargir la bulle des dettes et les prix des maisons. Or, 85% de tous les emprunts effectués l’an passé dans notre pays peuvent être adaptés chaque année sur base des changements de taux d’intérêt. Quand le taux d’intérêt augmente, beaucoup de familles subissent une gifle financière.

    Economie mondiale instable

    Nous connaissons actuellement la relance économique la plus faible depuis la seconde guerre mondiale. Beaucoup de pays ont eu une croissance insuffisante pour maintenir l’emploi. En général, l’exploitation aggravée des travailleurs a élargi le fossé entre riches et pauvres. Depuis la crise de 2001, les entreprises américaines ont augmenté la productivité moyenne par travailleur grâce à l’introduction de nouvelles technologies et de nouvelles techniques de management. Durant les 3 derniers mois de 2004, la croissance de la productivité a ralenti, ce qui démontre que ces avantages pour les patrons commencent à être épuisés.

    Un autre élément est l’endettement. Après le 11 septembre, Bush a emprunté chaque année pour mener ses guerres en Irak et en Afghanistan. L’industrie de guerre a été bien servie, au détriment des projets sociaux dans lesquels Bush épargne pour limiter le déficit.

    Le taux d’intérêt peu élevé a stimulé les dettes. Pour chaque dollar de nouvelle croissance entre le début de 2001 et la fin de 2003 aux USA, 3,14 dollars de nouvelles dettes ont été faites par les familles, les entreprises et le gouvernement. Pour la première fois dans l’histoire, les dettes aux Etats-Unis représentent plus du double de la production annuelle (PIB). Ceci a contribué au rôle des Etats-Unis comme "marché de la dernière chance". Cela a aussi provoqué un flux de dollars vers d’autres pays, avec pour effet que la demande de dollars a diminué et donc également sa valeur.

    En Asie, les banques centrales ont massivement acheté des dollars ces dernières années, sous forme d’obligations d’états, afin de faire baisser leur monnaie avec le dollar et ainsi garder leur position d’exportation. S’il y avait une correction du dollar vers le bas, ils pouvaient se diriger vers d’autres monnaies. Une nouvelle forte baisse du dollar secouerait la stabilité internationale financière. L’exportation des pays de l’Europe, avec un euro encore plus cher, serait étouffée. Cela pousserait les pays de la zone euro dans une crise profonde.

    Il y a aussi les prix du pétrole qui grimpent et qui, fin mars, s’approchaient des 60 dollars par baril. Le "contrôle" de l’Irak, sensé entraîner les prix du pétrole vers le bas, est un rêve qui pour Bush est devenu cauchemar. Le prix du pétrole plus élevé mine la rentabilité des entreprises et stimule une augmentation générale des prix.

    Encore des pertes d’emplois

    En Europe, la croissance ne suffit pas à créer des emplois. L’Allemagne, les Pays-Bas et l’Italie ont connu lors du dernier trimestre 2004 une contraction de l’économie, en comparaison avec le trimestre précédent. La moitié de la production dans la zone euro va donc dans la direction d’une récession. En Allemagne le chômage est au niveau le plus élevé depuis les années ’30 : 5,2 millions de sans emplois. La crainte d’une lutte de classe plus intense chez les politiciens bourgeois, entre autre en France et en Allemagne, les pousse à enfreindre les règles budgétaires de la zone euro (le Pacte de Stabilité).

    On ne peut prédire le rythme d’une crise économique. Avec une croissance ralentie ou une récession, les pertes d’emplois vont continuer. Les capitalistes et leurs partisans ont fait leurs temps, il est désormais urgent que le mouvement ouvrier et les jeunes forment leurs instruments syndicaux et politiques pour défendre leurs intérêts dans la très instable période à venir.

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