Tag: Afghanistan

  • La résistance de masse et la solidarité internationale sont essentielles contre le régime des talibans

    Le chaos qui règne à l’aéroport de Kaboul illustre à quel point de nombreux Afghans craignent le nouveau régime taliban. Ils savent ce que les talibans ont signifié pour les femmes, les travailleurs et les opprimés la dernière fois. Ce groupe islamiste extrêmement conservateur a pu s’emparer sans trop de difficultés de la capitale afghane quelques jours après le départ des troupes américaines et revient sur le devant de la scène sans avoir jamais vraiment disparu. Pour l’impérialisme américain, c’est la fin humiliante de 20 ans de guerre et d’occupation dont n’ont bénéficié que les grandes entreprises, notamment dans l’industrie militaire.

    Par Geert Cool, article tiré de l’édition de septembre de Lutte Socialiste

    Les talibans contre les droits des femmes, des travailleurs et des pauvres

    En 20 ans, les États-Unis ont dépensé plus de 2.000 milliards de dollars pour cette guerre et cette occupation. L’Afghan moyen, cependant, n’en a pas bénéficié. Beaucoup d’argent a disparu dans les poches des grandes entreprises, mais aussi dans celles des seigneurs de guerre locaux et des hauts responsables, par le biais de la corruption et des pots-de-vin. Après 20 ans, l’Afghanistan est toujours un désert social pour les masses. Ce contexte explique pourquoi le fondamentalisme islamique a pu se développer.

    Il est possible qu’une partie de la population adopte une attitude attentiste : après toutes ces années, les gens sont las de la guerre et à aspirent à la stabilité et à la paix. Les talibans ne sont pas une solution ; tant sur le plan interne qu’au niveau international, leur position est intenable.

    Le nouveau régime taliban est un désastre pour le peuple afghan. Les talibans restent essentiellement un mouvement rural qui veut brutalement imposer sa version particulièrement rétrograde d’un modèle social du 19ème siècle. Les droits des femmes, sans parler des droits des personnes LGBTQI+, n’y ont pas leur place. Les minorités sont opprimées. Les travailleurs qui défendent leurs droits sont réduits au silence.
    Le régime taliban n’aura toutefois pas la tâche facile. Par rapport au régime précédent, entre 1996 et 2001, la population s’est beaucoup plus urbanisée et rajeunie. Kaboul compte aujourd’hui plus de quatre fois plus d’habitants qu’il y a 25 ans : 4,5 millions de personnes, soit environ 10 % de la population totale. Près de la moitié des Afghans ont moins de 15 ans.

    Au cours des 20 dernières années, des progrès timides et insuffisants ont été réalisés en matière de droits et d’éducation des femmes. Même si des niveaux spectaculaires n’ont pas été atteints, dans le contexte de la croissance des mobilisations féministes à travers le monde, cela a toutefois permis de sensibiliser l’opinion publique. Les moyens de communication modernes ne sont pas très répandus, mais la population est liée au monde extérieur par le biais des proches qui ont fui le pays.

    À cela s’ajoutent de nombreux autres problèmes internes tels que les divisions ethniques et les conflits entre seigneurs de la guerre rivaux auxquels des armes et des ressources ont été distribuées ces dernières années dans l’espoir illusoire que cela pourrait stabiliser la situation. La production et le commerce de drogues joue par ailleurs un rôle important. Les talibans ont annoncé vouloir sévir, mais leur expérience passée s’est limitée à freiner la production et le commerce de façon à augmenter les prix du marché pour empocher plus de bénéfices, notamment via des taxes directement versées aux talibans. Le changement climatique et les conditions météorologiques extrêmes menacent l’agriculture du pays et peuvent conduire à la famine. À cela s’ajoutent l’extrême pauvreté, le manque de vaccins contre le Covid-19, le manque d’infrastructures et bien d’autres problèmes qui frappent durement la population mais qui rendent également difficile la stabilisation du régime des talibans.

    Une guerre ratée

    Certains se demandent s’il n’aurait pas été préférable que les troupes américaines restent plus longtemps en Afghanistan. Le mouvement anti-guerre s’était déjà opposé à l’invasion en 2001 et a continué à exiger le retrait des troupes par la suite. Le fait que les talibans aient pu prendre le pouvoir aussi rapidement démontre l’échec total de l’occupation.

    Au cours des 20 dernières années, la situation de la majorité de la population ne s’est pas améliorée. L’ancien président Ashraf Ghani lui-même a dû reconnaître que 90 % des Afghans ont un revenu inférieur à 2 dollars par jour. Seuls 43% savent lire et écrire, 55% n’ont pas accès à l’eau potable et 31% ne disposent pas d’installations sanitaires. Si l’impérialisme n’avait pas investi dans la guerre et la corruption, mais dans le développement réel de l’économie et des infrastructures, le fondamentalisme ne serait pas aussi fort aujourd’hui. Mais les intérêts de la majorité de la population ne sont jamais des priorités pour les impérialistes.

    Les États-Unis et leurs alliés n’ont attiré l’attention sur l’Afghanistan qu’après 2001. À l’époque, les talibans étaient au pouvoir depuis cinq ans déjà et l’oppression des femmes et des minorités était de notoriété publique. Ce n’est qu’après les terribles attentats perpétrés par Al-Qaïda aux États-Unis le 11 septembre 2001 que les faucons nationalistes ont eu le champ libre et se sont concentrés sur l’Afghanistan. Le régime taliban, contrairement au régime pakistanais plus opportuniste, a refusé de tourner le dos à Al-Qaïda. Le président George Bush voulait restaurer le prestige des États-Unis, ébranlé par les attentats, avec une victoire militaire rapide en Afghanistan. Vingt ans plus tard, il est clair que l’occupation afghane est un échec, de même que la guerre contre le terrorisme.

    Une nouvelle guerre froide

    Les talibans sont un produit de la précédente guerre froide. À l’époque, deux systèmes différents s’affrontaient, l’impérialisme capitaliste d’un côté et l’économie stalinienne bureaucratiquement planifiée de l’autre. Les talibans sont nés dans la lutte contre l’intervention des troupes soviétiques en Afghanistan à partir de 1979. Ils ont en grande partie été formés dans des écoles coraniques pakistanaises au cours des années 1980, lorsque la dictature de Zia ul-Haq réprimait impitoyablement les travailleurs et la jeunesse tout en procédant à un démantèlement effroyable de l’enseignement et des autres services publics.

    Aujourd’hui, la stratégie internationale des États-Unis est axée sur la nouvelle guerre froide avec la Chine capitaliste émergente. Le champ de bataille géopolitique ne concerne jamais la démocratie ou les droits des femmes, mais le prestige, les positions stratégiques, l’accès aux matières premières,… Le retrait humiliant des troupes américaines en Afghanistan a immédiatement été souligné par les régimes chinois et russe. Leur joie face à la défaite américaine est cependant tempérée par les problèmes que cela leur pose. La Chine et la Russie sont toutes deux disposées à coopérer avec les talibans, mais elles posent des conditions et se montrent prudentes. Le renforcement des militants ouïgours en Chine ou des groupes fondamentalistes en Asie centrale menace leurs intérêts. C’est pourquoi ils souhaitent la mise en place d’un gouvernement « inclusif » à Kaboul et à la non-ingérence dans les affaires étrangères. Les dirigeants militaires pakistanais sont dans une situation similaire : ce régime instable ne veut pas couper ses liens historiques avec les talibans, mais il est lui-même miné par une faillite virtuelle, par la violence d’une variante locale des talibans et par les protestations croissantes de sa propre population, notamment contre les projets chinois dans le pays. La stabilité ne peut être attendue ni des talibans, ni de l’impérialisme, ni des puissances régionales.

    Quelle réponse ?

    Il y a plus de dix ans, le regretté journaliste de la VRT Jef Lambrecht déclarait dans une conversation avec l’auteur pakistanais Ahmed Rashid : « Sans sécurité, il ne peut y avoir de développement, mais sans développement, il n’y a pas de sécurité. » Il comparait la situation au fameux débat sur la poule et l’œuf : qui est venu en premier et, surtout, que se passe-t-il si les deux sont absents ? Sans une approche de classe, il est en effet difficile d’envisager une solution, et encore moins d’utiliser les ressources et les richesses disponibles pour servir les intérêts de la majorité de la population.

    Ni les talibans ni l’impérialisme ne le désirent. Le plus grand obstacle pour les talibans est le peuple afghan lui-même. De premières protestations extrêmement courageuses ont déjà eu lieu, elles méritent toute notre solidarité. Des actions de solidarité internationales sont essentielles pour soutenir les masses afghanes. La cause des femmes afghanes devra par exemple figurer au cœur des mobilisations féministes des journées d’action internationales du 25 novembre et du 8 mars. Le mouvement ouvrier doit également entrer en action pour défendre le droit d’asile pour les réfugiés afghans et s’opposer à la droite réactionnaire, à l’impérialisme et au capitalisme.

    Il faut un mouvement de masse contre les talibans et contre l’impérialisme. La classe ouvrière, les paysans pauvres, les femmes et les jeunes doivent se soulever ensemble et défendre leur propre gouvernement démocratique. Cela ne peut réussir que dans le cadre d’une lutte internationale dans laquelle la classe ouvrière des autres pays de la région, en particulier le Pakistan mais aussi l’Iran, a un rôle essentiel à jouer. Ces pays bénéficient d’une tradition de mouvements de masse qui ont montré à plusieurs reprises leur potentiel pour renverser les régimes réactionnaires et l’oppression capitaliste. La misère inhérente au capitalisme nous conduit vers la barbarie. C’est pourquoi nous nous battons pour une société socialiste.

  • La résistance de masse et la solidarité internationale sont essentielles contre le régime des talibans

    Image : wikicommon

    Le chaos qui règne à l’aéroport de Kaboul illustre à quel point de nombreux Afghans craignent le nouveau régime taliban. Ils savent ce que les talibans ont signifié pour les femmes, les travailleurs et les opprimés la dernière fois. Ce groupe islamiste extrêmement conservateur a pu s’emparer sans trop de difficultés de la capitale afghane quelques jours après le départ des troupes américaines et revient sur le devant de la scène sans avoir jamais vraiment disparu. Pour l’impérialisme américain, c’est la fin humiliante de 20 ans de guerre et d’occupation dont n’ont bénéficié que les grandes entreprises, notamment dans l’industrie militaire.

    Par Geert Cool, article tiré de l’édition de septembre de Lutte Socialiste

    Les talibans contre les droits des femmes, des travailleurs et des pauvres

    En 20 ans, les États-Unis ont dépensé plus de 2.000 milliards de dollars pour cette guerre et cette occupation. L’Afghan moyen, cependant, n’en a pas bénéficié. Beaucoup d’argent a disparu dans les poches des grandes entreprises, mais aussi dans celles des seigneurs de guerre locaux et des hauts responsables, par le biais de la corruption et des pots-de-vin. Après 20 ans, l’Afghanistan est toujours un désert social pour les masses. Ce contexte explique pourquoi le fondamentalisme islamique a pu se développer.

    Il est possible qu’une partie de la population adopte une attitude attentiste : après toutes ces années, les gens sont las de la guerre et à aspirent à la stabilité et à la paix. Les talibans ne sont pas une solution ; tant sur le plan interne qu’au niveau international, leur position est intenable.

    Le nouveau régime taliban est un désastre pour le peuple afghan. Les talibans restent essentiellement un mouvement rural qui veut brutalement imposer sa version particulièrement rétrograde d’un modèle social du 19ème siècle. Les droits des femmes, sans parler des droits des personnes LGBTQI+, n’y ont pas leur place. Les minorités sont opprimées. Les travailleurs qui défendent leurs droits sont réduits au silence.
    Le régime taliban n’aura toutefois pas la tâche facile. Par rapport au régime précédent, entre 1996 et 2001, la population s’est beaucoup plus urbanisée et rajeunie. Kaboul compte aujourd’hui plus de quatre fois plus d’habitants qu’il y a 25 ans : 4,5 millions de personnes, soit environ 10 % de la population totale. Près de la moitié des Afghans ont moins de 15 ans.

    Au cours des 20 dernières années, des progrès timides et insuffisants ont été réalisés en matière de droits et d’éducation des femmes. Même si des niveaux spectaculaires n’ont pas été atteints, dans le contexte de la croissance des mobilisations féministes à travers le monde, cela a toutefois permis de sensibiliser l’opinion publique. Les moyens de communication modernes ne sont pas très répandus, mais la population est liée au monde extérieur par le biais des proches qui ont fui le pays.

    À cela s’ajoutent de nombreux autres problèmes internes tels que les divisions ethniques et les conflits entre seigneurs de la guerre rivaux auxquels des armes et des ressources ont été distribuées ces dernières années dans l’espoir illusoire que cela pourrait stabiliser la situation. La production et le commerce de drogues joue par ailleurs un rôle important. Les talibans ont annoncé vouloir sévir, mais leur expérience passée s’est limitée à freiner la production et le commerce de façon à augmenter les prix du marché pour empocher plus de bénéfices, notamment via des taxes directement versées aux talibans. Le changement climatique et les conditions météorologiques extrêmes menacent l’agriculture du pays et peuvent conduire à la famine. À cela s’ajoutent l’extrême pauvreté, le manque de vaccins contre le Covid-19, le manque d’infrastructures et bien d’autres problèmes qui frappent durement la population mais qui rendent également difficile la stabilisation du régime des talibans.

    Une guerre ratée

    Certains se demandent s’il n’aurait pas été préférable que les troupes américaines restent plus longtemps en Afghanistan. Le mouvement anti-guerre s’était déjà opposé à l’invasion en 2001 et a continué à exiger le retrait des troupes par la suite. Le fait que les talibans aient pu prendre le pouvoir aussi rapidement démontre l’échec total de l’occupation.

    Au cours des 20 dernières années, la situation de la majorité de la population ne s’est pas améliorée. L’ancien président Ashraf Ghani lui-même a dû reconnaître que 90 % des Afghans ont un revenu inférieur à 2 dollars par jour. Seuls 43% savent lire et écrire, 55% n’ont pas accès à l’eau potable et 31% ne disposent pas d’installations sanitaires. Si l’impérialisme n’avait pas investi dans la guerre et la corruption, mais dans le développement réel de l’économie et des infrastructures, le fondamentalisme ne serait pas aussi fort aujourd’hui. Mais les intérêts de la majorité de la population ne sont jamais des priorités pour les impérialistes.

    Les États-Unis et leurs alliés n’ont attiré l’attention sur l’Afghanistan qu’après 2001. À l’époque, les talibans étaient au pouvoir depuis cinq ans déjà et l’oppression des femmes et des minorités était de notoriété publique. Ce n’est qu’après les terribles attentats perpétrés par Al-Qaïda aux États-Unis le 11 septembre 2001 que les faucons nationalistes ont eu le champ libre et se sont concentrés sur l’Afghanistan. Le régime taliban, contrairement au régime pakistanais plus opportuniste, a refusé de tourner le dos à Al-Qaïda. Le président George Bush voulait restaurer le prestige des États-Unis, ébranlé par les attentats, avec une victoire militaire rapide en Afghanistan. Vingt ans plus tard, il est clair que l’occupation afghane est un échec, de même que la guerre contre le terrorisme.

    Une nouvelle guerre froide

    Les talibans sont un produit de la précédente guerre froide. À l’époque, deux systèmes différents s’affrontaient, l’impérialisme capitaliste d’un côté et l’économie stalinienne bureaucratiquement planifiée de l’autre. Les talibans sont nés dans la lutte contre l’intervention des troupes soviétiques en Afghanistan à partir de 1979. Ils ont en grande partie été formés dans des écoles coraniques pakistanaises au cours des années 1980, lorsque la dictature de Zia ul-Haq réprimait impitoyablement les travailleurs et la jeunesse tout en procédant à un démantèlement effroyable de l’enseignement et des autres services publics.

    Aujourd’hui, la stratégie internationale des États-Unis est axée sur la nouvelle guerre froide avec la Chine capitaliste émergente. Le champ de bataille géopolitique ne concerne jamais la démocratie ou les droits des femmes, mais le prestige, les positions stratégiques, l’accès aux matières premières,… Le retrait humiliant des troupes américaines en Afghanistan a immédiatement été souligné par les régimes chinois et russe. Leur joie face à la défaite américaine est cependant tempérée par les problèmes que cela leur pose. La Chine et la Russie sont toutes deux disposées à coopérer avec les talibans, mais elles posent des conditions et se montrent prudentes. Le renforcement des militants ouïgours en Chine ou des groupes fondamentalistes en Asie centrale menace leurs intérêts. C’est pourquoi ils souhaitent la mise en place d’un gouvernement « inclusif » à Kaboul et à la non-ingérence dans les affaires étrangères. Les dirigeants militaires pakistanais sont dans une situation similaire : ce régime instable ne veut pas couper ses liens historiques avec les talibans, mais il est lui-même miné par une faillite virtuelle, par la violence d’une variante locale des talibans et par les protestations croissantes de sa propre population, notamment contre les projets chinois dans le pays. La stabilité ne peut être attendue ni des talibans, ni de l’impérialisme, ni des puissances régionales.

    Quelle réponse ?

    Il y a plus de dix ans, le regretté journaliste de la VRT Jef Lambrecht déclarait dans une conversation avec l’auteur pakistanais Ahmed Rashid : « Sans sécurité, il ne peut y avoir de développement, mais sans développement, il n’y a pas de sécurité. » Il comparait la situation au fameux débat sur la poule et l’œuf : qui est venu en premier et, surtout, que se passe-t-il si les deux sont absents ? Sans une approche de classe, il est en effet difficile d’envisager une solution, et encore moins d’utiliser les ressources et les richesses disponibles pour servir les intérêts de la majorité de la population.

    Ni les talibans ni l’impérialisme ne le désirent. Le plus grand obstacle pour les talibans est le peuple afghan lui-même. De premières protestations extrêmement courageuses ont déjà eu lieu, elles méritent toute notre solidarité. Des actions de solidarité internationales sont essentielles pour soutenir les masses afghanes. La cause des femmes afghanes devra par exemple figurer au cœur des mobilisations féministes des journées d’action internationales du 25 novembre et du 8 mars. Le mouvement ouvrier doit également entrer en action pour défendre le droit d’asile pour les réfugiés afghans et s’opposer à la droite réactionnaire, à l’impérialisme et au capitalisme.

    Il faut un mouvement de masse contre les talibans et contre l’impérialisme. La classe ouvrière, les paysans pauvres, les femmes et les jeunes doivent se soulever ensemble et défendre leur propre gouvernement démocratique. Cela ne peut réussir que dans le cadre d’une lutte internationale dans laquelle la classe ouvrière des autres pays de la région, en particulier le Pakistan mais aussi l’Iran, a un rôle essentiel à jouer. Ces pays bénéficient d’une tradition de mouvements de masse qui ont montré à plusieurs reprises leur potentiel pour renverser les régimes réactionnaires et l’oppression capitaliste. La misère inhérente au capitalisme nous conduit vers la barbarie. C’est pourquoi nous nous battons pour une société socialiste.

  • Russie : Appel à la solidarité avec les féministes emprisonnées

    6 activistes d’Alternative Féministe Socialiste ont été arrêtées ce lundi

    Par des correspondants de Sotsialisticheskaya Alternativa, section russe d’ASI

    Ce lundi, SocFemAlternative et Sotsialisticheskaya Alternativa avaient organisé en Russie des piquets de solidarité avec les femmes afghanes. Dans notre appel posté le même jour (liké par 1715 personnes), nous avons souligné que « les femmes afghanes se battent pour leurs droits depuis plus de 40 ans contre l’impérialisme, le fondamentalisme et le capitalisme. Nous sommes solidaires de ces femmes qui ont manifesté, tenu des piquets de grève et qui ont souvent dû résister à la fois contre les talibans et contre les occupants impérialistes. Elles ont fait preuve d’un inspirant courage dans leur combat contre la pauvreté, les violences et le chaos. Elles ont besoin de notre solidarité. Nous appelons toutes celles et ceux qui sont d’accord à exprimer leur solidarité avec les femmes afghanes qui luttent contre le fondamentalisme et l’intervention impérialiste, dans leur combat pour les libertés démocratiques et pour la séparation de la religion et de l’Etat ! »

    Ces piquets de solidarité ont eu lieu dans plusieurs villes, notamment à Moscou et Saint-Pétersbourg. Mais aujourd’hui, même les « piquets de grève d’une seule personne » censés être légaux et ne nécessitant pas d’autorisation de l’État sont considérés comme illégaux ! Six de nos camarades ont ainsi été embarqué.e.s sans ménagement par la police. Quatre ont été inculpé.e.s d’infractions passibles d’une amende pouvant aller jusqu’à 200 euros, deux autres dont Kseniia Bezdenezhnykh, notre candidate aux prochaines élections législatives, ont été retenus toute la nuit et seront traduits en justice pour des infractions passibles d’une peine de trente jours de prison ou de 3 400 euros.

    L’absurdité de toute cette situation est que les talibans ont été déclarés “organisation terroriste” en Russie. Mais maintenant, la Russie souhaite conclure un accord avec le gouvernement taliban. Les droits des femmes sont sacrifiés tant en Afghanistan qu’en Russie.

    Veuillez envoyer des protestations urgentes aux ambassades russes dans votre pays pour demander que toutes les charges soient abandonnées contre Kseniia Bezdenezhnykh et les cinq autres personnes détenues et emmenées à l’OVD Presnensky, à Moscou, avec copie à info@socialisme.be.

    • Ambassadeur de Russie en Belgique – Alexander TOKOVININ // E-mail : amrusbel@skynet.be

     

  • Soyons solidaires des femmes et des travailleurs afghans. La résistance se développera !

    Pour une politique migratoire qui respecte les droits humains !

    De tous les revers subis par les femmes et les travailleurs dans le monde au cours de l’année écoulée, celui-ci est l’un des pires. L’impérialisme a fait en sorte que l’un des régimes les plus oppressifs à l’égard des femmes, le régime taliban en Afghanistan qui repose sur un pur apartheid entre les genres, soit maintenu.

    Déclaration de ROSA – International

    Afghanistan, fondé sur un pur apartheid de genre, soit de retour. Alors que les talibans se préparent à établir leur nouvel “émirat”, les femmes, les jeunes filles et les minorités sexuelles envisagent avec effroi ce que cela signifiera pour leur vie.

    Nombreux sont celles et ceux, dans le pays et à l’étranger, qui se souviennent que le premier règne des talibans, entre 1996 et 2001, a déclenché un torrent d’abus misogynes épouvantables et de violences sexistes systématiques. Mais une chose a changé : la lutte des femmes. Dans le contexte de la conscience et des mouvements féministes qui se sont développés au niveau mondial ces dernières années, cette lutte a évolué au fil des ans et elle soulèvera cette fois-ci une plus grande résistance. D’autre part, contrairement à ce qui s’est déroulé en 1996, il y a maintenant une large connaissance de ce à quoi les gens sont confrontés avec les talibans.

    La Campagne ROSA – International se tient, avec la plus grande solidarité possible, aux côtés des femmes, des jeunes, des groupes ethniques opprimés, des travailleurs et des pauvres afghans en ces jours sombres. Nous rencontrons dans nos activités des jeunes qui ont déjà fui l’Afghanistan pendant la guerre et qui pâlissent aujourd’hui d’inquiétude pour leurs familles, leurs proches et leurs amis restés au pays, qu’ils ne peuvent joindre ou dont les nouvelles sont effrayantes.

    “J’ai 32 ans, donc je me souviens du régime taliban de la dernière fois”, a déclaré Zahra Aqeli lors d’une manifestation à Stockholm. “Quand j’étais petite, je n’étais pas autorisée à aller à l’école. J’étudiais donc dans une école secrète dans une grotte dans les montagnes. J’ai réussi à apprendre à lire en secret. Mes amis et mes proches me disent que tout le monde a peur maintenant. Personne ne croit les talibans quand ils disent qu’ils vont accorder des droits aux femmes. Aucune femme ou fille n’ose sortir dehors aujourd’hui. Si les talibans découvrent qu’une personne a une liaison sans être mariée, elle sera tuée. Je suis fière que mon village dans la province de Gazni ait résisté pendant 40 jours avant que les politiciens et les chefs militaires ne vendent la résistance dans la capitale provinciale, qui a donc cessé et sans laquelle mon village ne pouvait pas résister.”

    Ali nous a raconté que là où vit sa famille, dans le village de Pashi à Gazni, les talibans ont détruit le poteau de téléphonie mobile. Ils ont occupé l’étage supérieur de la maison familiale. De là, ils attaquent tout le monde. Ils ordonnent aux filles de plus de 14 ans de les épouser. Hamid, de Kaboul, a raconté que son frère a été exécuté par les talibans il y a un mois et qu’il est maintenant responsable de sa mère, de la veuve de son frère et de quatre jeunes enfants.

    C’est avec dégoût que nous nous opposons à nos gouvernements qui, à ce stade, ne discutent pas de la manière d’aider les victimes de la guerre, mais se préoccupent de défendre leur bilan désastreux en Afghanistan et de la manière d’élever au plus vite des murs encore plus hauts contre les réfugiés, afin que celles et ceux qui réussissent à s’échapper au règne de terreur des talibans ne trouvent pas refuge en Europe ou aux États-Unis.

    Défense du droit d’asile maintenant !

    Nous exigeons que tous les réfugiés qui ont déjà fui l’Afghanistan reçoivent immédiatement un permis de séjour permanent et qu’ils puissent demander de l’aide pour leurs familles qui se trouvent encore en Afghanistan. Ensuite, des voies d’évacuation sûres doivent être établies pour les nouveaux réfugiés qui arrivent et le droit d’asile doit être accordé. Ce n’est pas l’argent qui manque. Les milliards utilisés par l’UE et les États-Unis pour combattre en Afghanistan – les États-Unis ont dépensé 300 millions de dollars par jour pour cette guerre – peuvent maintenant être utilisés pour soutenir les réfugiés.

    La paix et la démocratie ne pourront jamais être obtenues par les bombes. Nous, féministes socialistes, avons déjà manifesté il y a 20 ans contre l’intervention impérialiste et avons averti qu’elle ne donnerait pas naissance à la paix. Nous n’avons jamais non plus accepté le mensonge selon lequel l’impérialisme américain a envahi et occupé l’Afghanistan pour sauver ou libérer les femmes afghanes. L’administration Bush et ses alliés internationaux ont exploité le traitement horrible des femmes afghanes sous le premier régime taliban pour justifier sa prétendue “guerre contre le terrorisme”.

    Cette propagande ne tenait pas compte du fait que la politique étrangère américaine elle-même avait joué un rôle déterminant dans l’émergence des talibans. Les préoccupations relatives aux droits des femmes n’ont pas pesé lourd dans la balance lorsque, tout au long des années 1980, les forces américaines et la CIA, ainsi que la monarchie saoudienne, les services de renseignement pakistanais et un certain nombre d’autres gouvernements européens ont généreusement financé et armé les ancêtres des talibans, les moudjahidin fondamentalistes, dans leur croisade contre l’Union soviétique. Plus tard, afin de renverser les talibans qui avaient pris le pouvoir à Kaboul, les États-Unis ont soutenu l’”Alliance du Nord” – une coalition de seigneurs de guerre et de chefs tribaux dont les attitudes patriarcales à l’égard des femmes, dans certains cas, ne diffèrent que marginalement de celles des talibans eux-mêmes.

    Mais les prétentions “féministes” et le mythe libérateur de la guerre menée par les États-Unis contre l’Afghanistan se sont également heurtés à la réalité vécue par la majorité des femmes et des filles pendant les 20 années d’occupation militaire et les forces et gouvernements fantoches successifs soutenus par les États-Unis. S’il est vrai qu’après l’effondrement du premier régime taliban en 2001, les femmes afghanes ont récupéré certains des droits perdus pendant leur brutale soumission par ce régime, la situation est loin de la “libération” promise par l’impérialisme. La violence et l’oppression sexistes sont restées extrêmement répandues.

    En outre, la guerre et l’occupation ont déclenché un nouveau cycle de souffrances pour des millions d’Afghanes, tuant, blessant, affamant et déplaçant des milliers d’entre elles. Le cours de cette guerre a finalement ramené au pouvoir les talibans archiréactionnaires, menaçant les femmes et les minorités afghanes d’une nouvelle série d’attaques extrêmes contre les gains et les libertés, même limités, qu’elles pouvaient connaître auparavant.

    Une corruption en coopération avec l’impérialisme occidental

    La corruption et la pauvreté cultivées par le régime d’Ashraf Ghani en coopération avec l’impérialisme occidental ont suscité la méfiance et sapé l’opposition aux talibans.

    En Afghanistan, la proportion de personnes vivant sous le seuil de pauvreté national – équivalent à 26,6 dollars par personne et par mois – est passée en 2020 de 54,5 % à 72 % de la population. Au lieu de la nourriture, la culture de l’opium a augmenté presque chaque année depuis 2000. Cette année, 40 % de la récolte de céréales est détruite par la sécheresse et 14 millions de personnes sont menacées par une famine aiguë, tandis que l’aide de l’Occident, après avoir diminué ces dernières années, disparaît désormais du jour au lendemain. Seuls 4,6 % de la population sont vaccinés contre le covid19.

    L’Afghanistan était déjà considéré comme l’un des pays les plus dangereux au monde avant la prise du pouvoir par les talibans. La proportion de femmes et d’enfants parmi les victimes civiles de la guerre a atteint 43 % l’année dernière et a continué à augmenter fortement cette année, selon les Nations unies, notamment lors de l’attaque terroriste bestiale contre une école de filles à Kaboul le 8 mai, qui a fait au moins 68 morts et 150 blessés. Les talibans ont été identifiés comme responsables.

    Alors que le président américain Joe Biden a du mal à expliquer comment la plus longue guerre des temps modernes a pu se terminer par cette catastrophe, alors que la Russie et la Chine négocient pour établir des liens avec les talibans afin de promouvoir leurs propres régimes oppressifs, d’enrichir leur commerce et d’accroître leur influence – nous, les féministes socialistes, sommes du côté des masses opprimées. Les grandes puissances aiment croire les talibans quand ils disent que les femmes devraient être autorisées à étudier et à travailler (dans certains emplois sélectionnés). Cela améliore l’héritage qu’elles laissent au pays. Mais les femmes, les personnes LGBTQ et les minorités persécutées comme les Hazaras en Afghanistan n’ont évidemment aucune confiance dans cette hypocrisie. Le premier travail pour nous, dans la classe ouvrière, est de faire sortir la vérité, de montrer à quoi ressemble la réalité.

    Un apartheid de genre

    En juillet, les talibans ont promulgué la charia dans la province de Balkh, en imposant des restrictions aux femmes qui ne sont pas autorisées à rester dehors sans être accompagnées d’un homme. Dans de nombreuses autres provinces, des stations de radio ont été fermées et des codes vestimentaires imposés. La situation en Afghanistan aujourd’hui est décrite comme un cauchemar. Les journalistes et les interprètes disparaissent et les travailleurs humanitaires sont pourchassés. Les talibans vont de maison en maison à la recherche de personnes qui sont enlevées et tuées. Une femme de 21 ans a été tuée la semaine dernière à Mazar-e Sharif parce qu’elle restait dehors sans être accompagnée d’un homme.

    L’interprétation de la charia de l’ère précédente des talibans repose sur l’apartheid entre genres, les femmes étant la propriété des hommes. C’est pourquoi elles doivent cacher tout leur corps sous un voile intégral. Personne d’autre que leur mari ne doit les voir. Le contrôle de la sexualité des femmes est un mécanisme de contrôle basé sur la société de classe qui existe partout dans le monde de façon plus ou moins libre, mais sous les talibans de façon extrême.

    Mais il y a toujours une résistance. Au cours des 20 dernières années, les luttes des femmes en Afghanistan ont lentement changé certaines de leurs conditions. Aujourd’hui, 40 % des élèves dans les écoles sont des filles et la moitié des femmes ayant reçu une éducation complète ont commencé à travailler elles-mêmes comme enseignantes. C’est un facteur dont les talibans sont bien conscients et qui motive en partie leur campagne de relations publiques actuelle autour de leur supposé “respect des droits des femmes”. Il sera difficile pour les talibans de forcer les femmes à retourner dans leurs foyers et des manifestations, notamment de femmes à Kaboul, ont déjà eu lieu contre les talibans. D’autre part, l’Unicef a indiqué en 2018 que de moins en moins d’enfants en Afghanistan vont à l’école en raison de la guerre, de la pauvreté et de la discrimination (alors 44 % des enfants n’allaient pas du tout à l’école, et deux tiers des filles). La guerre, la violence, le terrorisme et la réduction de l’aide ont eu tendance à saper les petits progrès réalisés.

    Nous nous souvenons comment les femmes kurdes ont combattu et, avec d’autres, vaincu un régime islamiste encore plus brutal, le soi-disant “État islamique”, ou Daesh, en Syrie. Malgré de sérieuses limitations politiques, une orientation féministe liée à des projets sociaux a renforcé leur lutte. Lorsque Daesh s’est emparé de Shangal, Rojava et Basur en 2014 et que toute une population de femmes Yedizi (Yazidis) a été capturée, violée et transformée en esclaves sexuelles, la “communauté internationale” a détourné le regard tandis que des groupes féministes se sont lancés dans l’organisation clandestine pour obtenir la libération de ces milliers de femmes.

    La résistance populaire se développera contre les talibans. Cette résistance doit être totalement opposée à l’ingérence de l’impérialisme, qui implique toujours des divisions de classe, la corruption, l’oppression et la division. Lorsque la résistance repose sur le besoin du peuple de construire la société ensemble – en assurant des soins de santé, des vaccins, des logements, un bon enseignement et de l’alimentation pour toutes et tous – c’est alors que la résistance obtient une base sociale qui la rend extrêmement forte.

    Les féministes socialistes feront tout ce qui est en leur pouvoir pour soutenir la lutte féministe en Afghanistan. Notre lutte est connectée dans le monde entier. La victoire du droit à l’avortement en Argentine, la grève des travailleuses et travailleurs de la santé pour des salaires plus élevés aux États-Unis, l’essor du féminisme en Chine, en Iran et en Irak, la rage contre la culpabilisation des victimes de viol en Australie,… sont autant de luttes qui se renforcent mutuellement dans la vague mondiale des luttes des femmes.

    Au nom de la solidarité internationale

    Les développements de ces dernières années, la façon dont le capitalisme traite la pandémie qui provoque un raz-de-marée de revers pour les femmes, l’accélération de la crise climatique et maintenant le retour des talibans, renforcent la prise de conscience que les petits pas en avant ne suffisent pas. Qu’ils peuvent être retirés à tout moment et tout rejeter en arrière. Cela nous amène à la conclusion que ce qui est nécessaire est un changement radical, révolutionnaire et total.

    ROSA se bat pour l’abolition du système capitaliste avec sa recherche du profit à glacer le sang, ses croisades impérialistes et son soutien éhonté à des groupes fanatiques de toutes sortes – ce système doit être renversé. Nous nous battons pour un monde socialiste où une propriété commune de l’économie et la gestion démocratique de la société par la classe ouvrière, les pauvres et tous les opprimés poseront les bases de l’égalité, de la liberté et de la paix pour toutes et tous. La manière de gagner passe par la lutte des travailleuses et travailleurs, le féminisme socialiste et la solidarité internationale.

  • Les talibans prennent le pouvoir, l’impérialisme américain est humilié, les masses afghanes en paient le prix

    Alors que les puissances impérialistes s’inquiètent des conséquences pour elles, elles ignorent celles du peuple afghan.

    Les vingt années d’occupation de l’Afghanistan par les forces américaines et alliées ont été un désastre pour les habitants du pays. Au moins un quart de million de personnes, combattants et civils, ont été tuées, et probablement beaucoup plus. La corruption est omniprésente, du chef du gouvernement à la police, en passant par l’armée et les tribunaux. Alors que les seigneurs de guerre enrichis par la drogue se maintenaient grâce aux pots-de-vin, le PIB par habitant est resté inférieur à 500 dollars par an. Des millions de personnes se sont tournées vers la drogue pour échapper à la réalité. Si dans les villes, la situation des femmes s’est légèrement améliorée, celles qui vivent dans les zones rurales – la grande majorité – sont confrontées à l’extrême pauvreté, aux menaces de violence et à la guerre.

    Par Rob Jones

    Nous assistons aujourd’hui à un nouveau désastre humiliant pour l’impérialisme américain – Corée, Vietnam, Somalie, Syrie, Libye et maintenant Afghanistan. Les images de milliers de personnes se pressant à l’aéroport de Kaboul, de centaines de passagers s’entassant dans la soute d’un avion de transport américain et les vidéos atroces de gens cherchant désespérément à quitter le pays tombant d’un avion en vol ont mis en évidence la gravité du coup porté au prestige de l’impérialisme américain par ces événements. Tout cela ridiculise les propos tenus par Joe Biden début juillet, en référence à l’évacuation forcée des États-Unis de Saigon (Vietnam) en 1975, lorsqu’il a déclaré : “Il n’y aura pas de circonstances où vous verrez des gens être embarqués du toit d’une ambassade…”.

    Il ne s’agit pas seulement d’une humiliation personnelle pour Joe Biden, alors qu’il poursuit le programme de politique étrangère de Donald Trump, mais d’un énorme coup porté aux intérêts américains. Lancée sous le nom d’”Opération Liberté Immuable” en 2001 après que le gouvernement taliban de l’époque ait refusé d’abandonner le groupe Al-Qaïda responsable des attentats contre les tours jumelles, et soutenue initialement par une coalition de quarante pays, la guerre a dévoré d’énormes ressources humaines et monétaires.

    Plus de 100 000 soldats afghans, pro-gouvernementaux ou pro-talibans, ont perdu la vie, tandis que plus de 3 500 soldats de la coalition et autant de “contractuels” (combattants engagés à titre privé) ont été tués. Des dizaines de milliers de civils afghans sont morts.

    Dans le même temps, le gouvernement américain a dépensé plus de 2 000 milliards de dollars pour cette guerre. La moitié de cette somme a été consommée par le ministère de la Défense. Incroyablement, 530 milliards de dollars sont allés aux banques en paiements d’intérêts sur l’argent emprunté pour payer la guerre. Ce dernier chiffre dépasse celui des dépenses consacrées à la formation des forces de défense afghanes (100 milliards de dollars) ou aux projets d’infrastructure, généralement payés à des entrepreneurs et ONG occidentaux (144 milliards de dollars). Les États-Unis paieront cette guerre sous la forme d’indemnités et de pensions pour les anciens combattants et continueront à payer des intérêts pendant de nombreuses années.

    Concurrence stratégique

    Biden a justifié le retrait soudain en déclarant : “les troupes américaines ne peuvent et ne doivent pas se battre et mourir dans une guerre que les forces afghanes ne sont pas prêtes à mener pour elles-mêmes.” Bien sûr, beaucoup auront une certaine sympathie pour cette déclaration, bien que les anciens combattants américains et britanniques aient déjà fait entendre leurs protestations. Un démineur invalide de guerre a tweeté : “Cela en valait-il la peine, probablement pas. Est-ce que j’ai perdu mes jambes pour rien, on dirait bien. Mes camarades sont-ils morts en vain ? Oui. Pour mon 11e bangaversaire (anniversaire de l’explosion dont il a été victime), c’est un jour très sombre. Beaucoup d’émotions passent par ma tête, la colère, la trahison, la tristesse, pour n’en citer que quelques-unes…”.

    Malgré ses tentatives de justifier ainsi le retrait des troupes, la réalité est que Biden poursuit l’approche de “compétition stratégique” de Trump, destinée à déblayer le terrain pour une bataille ouverte avec la Chine. Mais les événements de Kaboul ont, au contraire, affaibli de l’impérialisme américain et potentiellement renforcé la position de ses principaux adversaires dans la région, en premier lieu la Chine, mais aussi l’Iran et la Russie. Désormais, ils seront certainement enhardis dans leurs actions.

    Déjà, le régime chinois, par le biais de son porte-parole, le “Global Times”, a averti que “l’abandon de l’Afghanistan par l’Amérique après 20 ans est un “présage” du “destin futur” de Taïwan”. Bien que le Premier ministre Su Tseng-chang ait déclaré que “Taïwan ne s’effondrerait pas comme l’Afghanistan en cas d’attaque”, ces événements vont alimenter les craintes qu’en cas d’attaque chinoise, les États-Unis ne puissent ou ne veuillent pas venir en aide à l’île.

    Pourquoi le régime de Ghani s’est-il effondré si rapidement ?

    Le dernier dirigeant international à avoir blâmé le gouvernement afghan pour cette situation est le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, qui déclare : “En fin de compte, les dirigeants politiques afghans n’ont pas réussi à tenir tête aux talibans et à trouver la solution pacifique que les Afghans souhaitaient désespérément”.

    Après vingt ans et deux mille milliards de dollars, les puissances impérialistes, y compris l’OTAN qui a participé à la guerre jusqu’en 2014, n’ont pas réussi à établir un régime stable capable de résister aux talibans. Le Pentagone insiste sur le fait que l’armée et la police afghanes étaient 4 fois plus nombreuses que les talibans. Pourtant, elles ont succombé aux talibans en quelques jours.

    Depuis le début, l’approche américaine repose sur l’illusion et le souhait de pouvoir soumettre l’Afghanistan. En 2006, le secrétaire à la défense de George W. Bush, Donald Rumsfeld, celui-là même qui a autorisé l’utilisation de la torture contre les prisonniers afghans, a déclaré : ” [Il y a quelques années,] Al-Qaida et les talibans [brutalisaient] le peuple afghan. Aujourd’hui, les camps d’entraînement des terroristes ont été fermés, les stades de football sont utilisés pour le football au lieu des exécutions … c’est certainement un hommage au peuple afghan.”

    Le président Obama, avec Joe Biden comme vice-président, a prétendu que sa “montée en puissance”, le triplement des troupes américaines à 100 000 hommes, mettrait fin à la guerre en 2014, date à laquelle il devait briguer un second mandat. L’augmentation des effectifs a été interrompue lorsque des membres des forces de défense afghanes ont commencé à attaquer les troupes américaines – ce que l’on appelle des “attaques de l’intérieur”.

    Trump aussi, croyant que les talibans pourraient être légitimés par les négociations à Doha, a annoncé le retrait des troupes qui a maintenant été mis en œuvre par Biden. Il pensait que la force de défense afghane pouvait contenir les talibans. Au pire, les États-Unis estimaient que l’avancée des talibans durerait des mois.

    Les forces de défense afghanes – pourries jusqu’à la moelle

    Pourtant, même l’académie militaire américaine de West Point a estimé que le nombre de soldats et de policiers annoncé par le Pentagone était dramatiquement exagéré et que, de plus, les troupes existantes étaient mal entraînées. La corruption au sommet est omniprésente, avec l’existence de nombreux “soldats fantômes” dont la solde remplit les poches des généraux. De nombreux soldats sont analphabètes, et environ 25 % désertent chaque année. Dans cette situation, l’approche du Pentagone consistant à équiper l’armée de drones de haute technologie et à soutenir les actions contre les talibans par des frappes aériennes n’a pu être maintenue après le retrait des troupes américaines. En mai, le secrétaire américain à la défense, Lloyd Austin, a promis de continuer à soutenir les opérations aériennes grâce à des “conférence zoom” – une idée ridicule dans un pays où Internet fonctionne à peine. Comme si cela ne suffisait pas, la plupart du personnel des forces de défense était payé sur le budget du Pentagone jusqu’à récemment, et beaucoup n’ont maintenant plus de salaire. Il n’est pas surprenant qu’ils aient opposé si peu de résistance.

    Le fait qu’Ashraf Ghani, le président, ait fui l’Afghanistan si rapidement sans même tenter de résister aux talibans reflète l’absence totale de base sociale pour son régime. Les dernières élections présidentielles ont été très controversées. Bien que Ghani ait remporté la majorité des voix, le taux de participation était inférieur à 20 %. Selon Ghani lui-même, 90 % des Afghans ont un revenu inférieur à 2 dollars par jour. Seuls 43 % sont alphabétisés, tandis que 55 % manquent d’eau potable et 31 % d’installations sanitaires. Le PIB du pays est de 20 milliards de dollars, un chiffre minuscule comparé aux sommes dépensées par les États-Unis en 20 ans. Si, au lieu de cela, l’impérialisme avait aidé au développement d’une véritable économie, bon nombre de ceux qui sont engagés dans le commerce de la drogue ou la contrebande (les principales sources de commerce extérieur de l’Afghanistan) ou qui soutiennent les talibans pour des raisons économiques pourraient maintenant être engagés dans un travail socialement utile, et le fondamentalisme aurait pu être privé de base.

    Pendant une courte période, il a semblé que certains des seigneurs de guerre locaux, qui tirent d’énormes profits du commerce de l’opium et d’autres actions illégales, croyant que la Force de défense allait prendre position, se préparaient à s’opposer aux talibans. Trois des chefs de guerre les plus influents – Atta Muhammad Noor, Abdul Rashid Dostum et Haji Muhammad Muhaqiq – se sont réunis pour forger un front commun avec l’armée. Mais alors que les villes tombaient rapidement aux mains des talibans, ils ont abandonné la lutte et se sont enfuis à l’étranger. D’autres chefs de guerre, bien sûr, auront temporairement accepté leur sort et se seront alignés sur les talibans.

    La réponse des puissances impérialistes

    La défaite humiliante de l’impérialisme américain a, bien entendu, suscité une réponse de Biden qui a tenté de se dédouaner dans une émission télévisée. Le plus rapidement possible, les États-Unis et d’autres puissances impérialistes telles que le Canada, l’Allemagne, l’Australie et le Royaume-Uni évacuent depuis l’aéroport assiégé de Kaboul leurs citoyens et certains des Afghans qui ont travaillé pour eux comme traducteurs ou à d’autres titres. L’Iran, la Chine, la Russie et bien sûr le Pakistan maintiennent leurs ambassades.

    Presque à l’unisson, les différentes puissances disent qu’elles attendront de voir si elles reconnaîtront le gouvernement taliban. Boris Johnson, s’exprimant dans un débat parlementaire d’urgence extrêmement hargneux, a déclaré que “la légitimité de tout futur gouvernement taliban dépendra de son respect des normes internationalement reconnues en matière de droits de l’homme et d’inclusion.” Mais les impérialistes occidentaux disposent, pour l’instant, de peu de leviers pour exercer une pression sur le nouveau gouvernement afin de garantir le respect de ces normes.

    Les puissances impérialistes non occidentales – Chine, Russie, Iran – ont été remarquablement renforcées par ces événements. La Chine n’a pas tardé à se réjouir de la défaite américaine – l’agence de presse Xinhua l’a qualifiée de “glas de l’hégémonie américaine en déclin”, où “le bruit des avions qui vrombissent et les foules qui se retirent précipitamment reflètent le dernier crépuscule de l’empire”. Mais ces puissances considèrent toujours que la situation présente à la fois des risques et des opportunités.

    Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Zhao Lijian, déclare par exemple que la Chine n’accordera la reconnaissance diplomatique aux talibans qu’après la formation du gouvernement, qui devra être “ouvert, inclusif et généralement représentatif”.

    Face à la menace d’une vague de réfugiés, la Chine a rapidement pris des mesures pour renforcer sa frontière de 70 kilomètres entre la province du Xinjiang et l’Afghanistan. Elle craint notamment que la victoire des talibans ne renforce la position des Ouïgours musulmans et insiste auprès des talibans pour qu’ils prennent des mesures visant à restreindre les activités du “Mouvement islamique du Turkistan oriental”, un groupe ethnique ouïgour, et d’autres groupes.

    Lors des récentes négociations avec les talibans, la Chine a évoqué la possibilité de grands projets dans le cadre de l’initiative “Nouvelle Route de la Soie” (Belt and Road Initiative, BRI) si ces groupes sont maîtrisés. Mais ces projets n’ont de sens que s’ils permettent à la Chine d’étendre son corridor à travers le Pakistan. Les initiatives de la BRI dans ce pays semblent toutefois être au point mort en raison de l’opposition locale, notamment des attaques terroristes contre des travailleurs chinois, et de l’éventuel défaut de remboursement par Islamabad des dettes liées à la BRI.

    Les Chinois ont déjà un historique en Afghanistan. Même sous l’occupation américaine, la Chine était le plus gros investisseur du pays, en partie en raison de sa relative stabilité. Les gisements prouvés de fer, de cuivre, de talc et de lithium sont d’une valeur estimée à plus de mille milliards de dollars. Le lithium, en particulier, est essentiel pour la production de véhicules électriques. L’Afghanistan a même été appelé “l’Arabie saoudite du lithium”. Bien que les deux gouvernements aient signé un accord pour l’exploitation du cuivre en 2007, le projet est au point mort.

    Tout investissement futur dépendra non seulement de la capacité des talibans à assurer la stabilité du pays, mais aussi de la situation au Pakistan, où la victoire des talibans renforcera la position des groupes islamiques opposés à la Chine. C’est pour ces raisons que la Chine, comme l’Iran, souhaite vivement que des négociations soient menées entre les talibans et d’autres groupes pour former un “gouvernement inclusif”.

    La Russie n’a pas la même force économique que la Chine, mais elle dispose d’une armée puissante et a conclu un accord de sécurité avec le Tadjikistan et l’Ouzbékistan, qui ont tous deux de longues frontières avec l’Afghanistan. Le Turkménistan, la “Corée du Nord” de l’Asie centrale, devra veiller à ses propres frontières, tandis que la Turquie serait en train de renforcer un mur à sa frontière pour repousser les réfugiés.

    Comme à son habitude, le ministère russe des affaires étrangères fait preuve d’une hypocrisie cynique. L’ambassadeur russe à Kaboul a même déclaré, alors que les talibans prenaient le pouvoir, qu’ils “prenaient le contrôle de la ville au sens positif du terme. Ils maintiennent la loi et l’ordre”. Aujourd’hui, des combattants talibans protègent l’ambassade de Russie à Kaboul.

    Mais depuis que les talibans ont envoyé des combattants et leur soutien aux militants tchétchènes en 1999, ils sont considérés comme une organisation terroriste en Russie. Cela ne les a pas empêchés d’envoyer une délégation pour discuter avec le gouvernement russe en juillet. La Russie aussi veut voir, selon les termes du ministre des affaires étrangères Sergey Lavrov, “un gouvernement avec la participation d’autres forces politiques” avec le “début d’un dialogue inclusif et la participation de tous les groupes politiques et ethniques”. Elle aussi cherche à obtenir des garanties pour empêcher les groupes extrémistes de s’infiltrer en Asie centrale et à assurer la stabilité pour éviter des vagues massives de réfugiés. La Russie a déjà envoyé 7 000 soldats pour renforcer la frontière tadjike, préoccupée par les informations selon lesquelles des militants tadjiks ayant combattu avec les talibans sont désormais chargés de patrouiller de l’autre côté de la frontière, dans le nord-est du Badakhshan.

    Fausses comparaisons

    Il est compréhensible que beaucoup aient établi des comparaisons avec la retraite des États-Unis de Saigon en 1975. Même le présent article l’a fait ! Mais la situation de l’époque, au plus fort de la première “guerre froide”, était complètement différente. La guerre froide opposait alors deux systèmes politiques et économiques concurrents : l’impérialisme capitaliste et le bloc stalinien non capitaliste. La guerre au Vietnam représentait les efforts d’un ancien peuple colonial pour se détacher du capitalisme, et la victoire basée sur la lutte massive des paysans, la réforme agraire, l’introduction d’éléments d’une économie planifiée, étaient une victoire pour le mouvement ouvrier international. Cependant, la défaite de l’impérialisme américain n’a pas seulement renforcé l’autre puissance capitaliste-impérialiste – la Chine – mais a également vu une force réactionnaire, religieuse et pratiquement féodale arriver au pouvoir.

    D’autres se sont également souvenus de la précédente “retraite humiliante” d’Afghanistan, celle de l’Union soviétique en 1989. Le régime chinois a même jubilé, cette semaine, en qualifiant l’Afghanistan de “cimetière des empires”, même si, bien entendu, l’URSS n’était pas un empire au sens marxiste du terme.

    La retraite soviétique a eu lieu dans le contexte de l’effondrement rapide du bloc stalinien. L’invasion initiale de l’Afghanistan en 1979 par le régime Brejnev, ostensiblement à “l’invitation du gouvernement afghan”, a fourni aux impérialistes occidentaux une arme de propagande. Néanmoins, les troupes soviétiques ont contribué à soutenir le régime de Najibullah, les réformes agraires et les améliorations partielles en matière de soins de santé et d’éducation, les femmes ayant une égalité au moins formelle. Leur retrait a entraîné l’effondrement du régime trois ans plus tard. Mais c’est le soutien apporté à l’époque par l’impérialisme américain aux moudjahidines, notamment par l’intermédiaire d’Oussama Ben Laden, en leur fournissant des armes et des ressources pour combattre les troupes soviétiques, qui est à l’origine de la montée des talibans, le monstre de Frankenstein de la stratégie de guerre froide de l’impérialisme.

    Alors, les talibans ont-ils maintenant changé ?

    La guerre civile a suivi l’effondrement du gouvernement de Najibullah, avec l’affrontement de différents groupes. Les talibans se sont développés à partir de ces groupes de moudjahidin avec le soutien du Pakistan. Nombre d’entre eux ont été formés dans les madrassas fondamentalistes d’Arabie saoudite. En 1996, ils ont pris Kaboul. Leur régime a interdit tous les groupes d’opposition, les partis politiques et les syndicats, a pratiquement réduit les femmes en esclavage, a mis fin à l’éducation des filles, a empêché les femmes de travailler et a interdit la musique, les sports et les jeux. Les transgresseurs de la charia des talibans étaient impitoyablement réprimés. L’adultère des femmes était passible de lapidation et les homosexuels étaient enterrés vivants. Un stade de football financé par les Nations unies à Kaboul a été utilisé pour organiser des exécutions publiques.

    On se demande maintenant si les talibans ont changé par rapport à ce qu’ils étaient il y a vingt ans. Bien sûr, le temps nous le dira. Certains signes indiquent qu’ils seront contraints d’adoucir leur approche. Dans les années 1990, les partisans n’étaient même pas autorisés à utiliser le téléphone. Aujourd’hui, on voit des militants à Kaboul prendre des selfies et utiliser Twitter. Sur un plan plus fondamental, les dirigeants assurent que les droits des femmes seront respectés et qu’il y aura une presse libre, dans le respect, bien sûr, des “règles de l’islam”. Ils affirment qu’il y aura une amnistie pour ceux qui ont servi le régime précédent. Cependant, il existe déjà de nombreux exemples où les femmes ont été suspendues de leur travail ou obligées de porter le hijab.

    Les talibans restent une organisation fondamentalement rurale. Au cours des vingt dernières années, l’urbanisation du pays a augmenté – Kaboul est passé de 1,5 à 4 millions d’habitants. La population urbaine est passée de 2,6 à 10 millions. En outre, 46 % de la population a moins de 15 ans. Il est donc probable que les tensions s’accroissent au sein des talibans, jusqu’à présent unis dans la lutte contre un ennemi commun, entre ceux basés dans les régions rurales arriérées et fondamentalistes et ceux des zones urbaines plus ouvertes. L’existence d’autres groupes fondamentalistes exacerbera cette situation. Toutefois, il est également possible que les talibans, qui rencontrent une opposition croissante dans les villes, se replient sur leurs anciennes méthodes.

    Les talibans peuvent-ils établir un gouvernement stable ?

    Le précédent gouvernement taliban a été au pouvoir de 1996 à 2001, date à laquelle il a été renversé par l’invasion américaine. Durant cette période, il n’a jamais contrôlé l’ensemble du pays, rencontrant une opposition importante, notamment de la part de l’Alliance du Nord, soutenue à l’époque par l’Iran, l’Inde et la Russie. Il rencontre déjà une certaine résistance avec des manifestations anti-talibans qui attirent des milliers d’habitants à Jalalabad et peut-être aussi dans la province de Khost. On signale également des tentatives de constitution d’une “Alliance du Nord 2.0” dans la vallée du Pandjchir.

    Mais de nouvelles forces sont également apparues en Afghanistan. Les femmes, qui ont bénéficié d’une certaine liberté au cours des dix dernières années environ, avec la solidarité du mouvement des femmes mondial, ne vont pas accepter si simplement de nouvelles restrictions. La population jeune également, avec ses perspectives internationales et ses communications modernes, peut résister. Le mouvement des travailleurs n’est pas fort, car l’industrie est faible, mais il existe, et le principal organisme syndical a d’ailleurs subi la répression du régime de Ghani.

    Alors qu’ils tentent d’établir leur autorité, les talibans risquent de rencontrer de nombreuses difficultés. Les seigneurs de la guerre conserveront-ils leur soutien passif ? Les talibans eux-mêmes resteront-ils unis ? D’autres puissances telles que l’Iran, la Russie et la Chine soutiendront-elles, par leurs interventions, des intérêts différents ? La Russie serait déjà en discussion avec certains seigneurs de guerre.

    Dans le même temps, de graves crises se profilent en Afghanistan même. Une troisième vague de Covid est censée balayer le pays, “censée” parce qu’il n’y a pas d’infrastructure de test sérieuse. Une enquête suggère que plus de 40 % des personnes sont désormais infectées ; mais les hôpitaux n’ont pas les moyens de faire face à cette situation. Un médecin affirme qu’ils peuvent à peine traiter un tiers des personnes malades.

    Après la grave sécheresse de 2018, un agriculteur a commenté : “Le ciel a cessé de pleuvoir sur nous, la terre a cessé de faire pousser de l’herbe pour nous”. Les prochains mois devraient être encore pires : 12 millions d’Afghans, soit un tiers de la population, devraient être confrontés à des “niveaux d’urgence d’insécurité alimentaire”.

    Les talibans devront faire face à des défis considérables au cours des prochains mois pour résoudre ces problèmes, ainsi que l’effondrement économique, les flux de réfugiés, les tensions transfrontalières et le trafic de drogue.

    Existe-t-il une issue ?

    Une seule chose est claire. L’intervention impérialiste a été une catastrophe. Le règne des talibans, si on le laisse se poursuivre, sera un cauchemar. En limitant les mesures qu’il a prises pour moderniser la société, et en les appliquant de manière descendante et antidémocratique, le gouvernement de Najibullah, soutenu par les Soviétiques, n’a pas réussi à transformer la société afghane. Tous les problèmes fondamentaux de la société, l’appauvrissement, l’absence de droits démocratiques, l’oppression nationale, le fondamentalisme religieux et la répression sociale, demeurent, et ne peuvent être résolus sur la base du capitalisme.

    Ce qui est nécessaire, c’est la construction d’un mouvement de masse en opposition aux talibans et à l’impérialisme, unissant la classe ouvrière, les paysans pauvres, les femmes, les jeunes, dans une lutte pour établir un gouvernement démocratique des travailleurs et des paysans pauvres. Bien sûr, cela ne peut réussir que si cela se fait dans le cadre d’une lutte internationale impliquant la classe ouvrière d’autres pays voisins, qui pourrait ouvrir la voie à la création d’une véritable fédération socialiste démocratique et volontaire dans la région.

  • Les talibans s’apprêtent à prendre le contrôle de l’Afghanistan

    Le peuple afghan doit faire face à l’amère conséquence de l’occupation américaine

    Alors que les talibans s’emparent de Kandahar et se dirigent vers Kaboul, les gouvernements américain, britannique et autres évacuent leurs ressortissants. Vingt ans après l’invasion américaine de l’Afghanistan, l’impérialisme fait face à l’humiliation.

    Par Tom Crean, Socialist Alternative (ISA-USA)

    Vingt ans après avoir envahi l’Afghanistan en 2001, les troupes américaines quittent le pays avec les autres forces alliées. Des milliers de soldats américains et alliés ont été tués dans la guerre sans fin contre les talibans, des dizaines de milliers ont été blessés tandis que des centaines de milliers d’Afghans ont perdu la vie ou ont été blessés.

    Les médias capitalistes citent de nombreux diplomates et “responsables occidentaux” anonymes affirmant que Biden a commis une grave erreur en ordonnant ce retrait. Ils soulignent que les talibans, profondément réactionnaires, sont plus forts que jamais depuis l’invasion américaine. Les talibans contrôlent désormais la plupart des campagnes et assiègent les villes clés. Ils ont pris le contrôle de la moitié des capitales des provinces du pays. Une crise massive de réfugiés a commencé avec des personnes désespérées fuyant l’avancée des talibans. Quelque 300.000 personnes auraient fui leur foyer depuis janvier.

    La rapidité avec laquelle la position des militaires entraînés par les États-Unis s’effrite semble avoir choqué les dirigeants occidentaux. Il est clairement possible que les talibans prennent le contrôle du pays dans les mois à venir, mais les développements actuels pourraient également être le début d’une guerre civile prolongée.

    Après 20 ans, l’effort américain de “construction de la nation” s’est, comme on pouvait s’y attendre, soldé par un échec total. Rien ne prouve que le maintien des forces américaines en Afghanistan pendant 20 ans de plus changerait la donne. L’administration Biden a été contrainte d’accepter l’affaiblissement de l’impérialisme américain dans la région et abandonne l’Afghanistan afin de pouvoir poursuivre plus vigoureusement ses intérêts en Asie de l’Est.

    Une victoire des talibans aurait des conséquences désastreuses pour les droits de la population ordinaire en Afghanistan, notamment concernant les femmes. Alors qu’ils étaient au pouvoir dans les années 90, les talibans avaient interdit aux filles de se rendre à l’école. Leur idéologie défend la soumission totale des femmes.

    Cependant, les critiques de la plupart des commentateurs capitalistes à l’égard du retrait des forces armées occidentales, qui reposent sur la crainte de ce qui va arriver à la population, ne sont que de la pure hypocrisie. Les États-Unis n’étaient pas en Afghanistan pour aider les femmes ou les masses en général.

    La véritable raison de ce malaise est que l’issue de cette guerre représente une défaite humiliante pour l’impérialisme américain, probablement la plus grave depuis la défaite au Vietnam en 1975. C’est un coup dur pour leur “prestige” et une opportunité pour ses rivaux, la Chine et la Russie.

    Les socialistes ne se soucient pas du tout du prestige des bellicistes et des criminels de guerre et nous nous réjouissons de la fin de cette aventure impérialiste inutile. Cependant, nous devons examiner de près comment cela s’est produit et ce qui attend le peuple afghan.

    La vérité sur 20 ans d’occupation américaine

    Les États-Unis ont envahi l’Afghanistan sous le prétexte qu’ils voulaient mettre fin au rôle du pays en tant que “refuge” pour Al-Qaïda, l’organisation terroriste à l’origine des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis. Ces derniers, tout comme Al-Qaida, étaient le prolongement des moudjahidines soutenus par la CIA qui avaient combattu les Soviétiques en Afghanistan dans les années 1990. En ce sens, la CIA a joué un rôle direct dans la création de la force qui est revenue massacrer des milliers de personnes dans la ville de New York le 11 septembre.

    La véritable raison de l’invasion de l’Afghanistan est que la classe dirigeante a vu dans l’horreur du 11 septembre une occasion de réaffirmer le rôle de l’impérialisme américain au Moyen-Orient et de surmonter le “syndrome du Vietnam” dans la population américaine, à savoir la réticence à soutenir des aventures militaires après cette défaite historique. En bref, il s’agissait d’une tentative d’inverser le déclin à long terme de la puissance américaine. La même logique s’est appliquée à l’invasion encore plus désastreuse de l’Irak en 2003, avec l’incitation supplémentaire du contrôle des énormes réserves de pétrole de ce pays.

    Bien que la capacité militaire d’Al-Qaïda ait été réduite assez rapidement après 2001, les États-Unis ne sont pas partis et les objectifs de leur “mission” ont continué à changer pour inclure la construction d’un État afghan stable et servile aux intérêts capitalistes occidentaux. Mille milliards de dollars ont été dépensés dans cet effort, en grande partie pour le conflit militaire avec les talibans. Cela a été une aubaine pour les fabricants d’armes et les entrepreneurs militaires, mais cela a très peu profité au peuple afghan. Le régime soutenu par les États-Unis, appuyé dans le passé par divers seigneurs de guerre locaux, a été incroyablement corrompu et son armée a été presque aussi brutale que les talibans. Pourtant, on ne cessait de proclamer que le “vent tournait” et que les talibans pouvaient être vaincus si l’on envoyait davantage de troupes ou si l’on consacrait plus d’argent à la formation des forces locales.

    Les “Afghanistan Papers”, un ensemble de documents secrets internes du gouvernement révélés il y a près de deux ans, ont mis en lumière la campagne massive de tromperie du public américain depuis des décennies. Comme nous l’avons résumé dans un article à l’époque, il a montré : “…des décennies de dysfonctionnement continu, d’instabilité et de violence généralisée à travers l’Afghanistan, résultat direct de l’intervention américaine. La stratégie anti-insurrectionnelle américaine a été décrite par une personne interrogée comme “coloniale” dans son manque d’intérêt pour les Afghans ordinaires. D’autres personnes interrogées décrivent une tolérance généralisée à l’égard des “seigneurs de la guerre”, des dizaines de milliards dépensés en “aide au développement” qui se sont traduits par une corruption massive, et une absence totale de stratégie cohérente à long terme.”

    L’avenir de l’Afghanistan

    Comme indiqué précédemment, même si les talibans, historiquement très implantés dans les régions pachtounes de l’est et du sud du pays, ne parviennent pas à prendre le contrôle de l’Afghanistan à court terme, il existe un réel danger de guerre civile menée selon des critères ethniques. En effet, l’État central afghan, dirigé par le président Ashraf Ghani, n’a pratiquement aucune autorité. Le véritable pouvoir derrière l’État est constitué par les seigneurs de guerre ethniques semi-féodaux, dont beaucoup sont presque aussi brutaux que les talibans eux-mêmes et totalement corrompus. Ghani, qui a essayé de se séparer des seigneurs de guerre, cherche maintenant désespérément leur aide. L’attrait des talibans dans les années 90, lorsqu’ils sont arrivés au pouvoir après une guerre civile brutale, tenait en partie au fait qu’ils étaient moins corrompus que ces éléments et que beaucoup espéraient qu’ils ramèneraient l’ordre. Aujourd’hui, les talibans suscitent beaucoup moins d’illusions, même s’ils bénéficient toujours d’un soutien important dans certaines couches de la population.

    Les impérialismes régionaux et mondiaux se disputent depuis longtemps l’influence et le contrôle de l’Afghanistan, qui se trouve à un carrefour clé de l’Asie centrale, à la frontière de nombreux pays. Les Talibans ont toujours été soutenus par le Pakistan, qui cherche à utiliser l’Afghanistan comme contrepoids à son grand rival, l’Inde. Mais le régime chinois intervient également, en accueillant récemment des représentants des Talibans et en leur faisant promettre de ne pas intervenir dans les affaires chinoises en échange d’une reconnaissance de facto. Les Chinois veulent que les Talibans n’apportent aucune aide aux minorités ethniques musulmanes, comme les Ouïghours, qui subissent une répression féroce. La Russie a envoyé des forces au Tadjikistan alors que les réfugiés afghans fuient à travers la frontière tadjike.

    Une solution socialiste

    Compte tenu de l’histoire récente du pays et de la faiblesse de son mouvement ouvrier, il peut être difficile d’envisager une solution à court terme pour les travailleurs, les paysans et les jeunes en Afghanistan.

    Ce qui est clair, c’est que ni l’intervention impérialiste, ni la domination des fondamentalistes islamiques n’offrent une voie d’avenir aux masses. Aucun des problèmes du pays, notamment la pauvreté massive, la corruption, l’absence de droits démocratiques fondamentaux et l’oppression des minorités nationales, ne peut être résolu sur la base du capitalisme.

    Ce qu’il faut, c’est un mouvement de masse reposant sur l’opposition à l’intervention de toutes les forces impérialistes, visant à créer un gouvernement démocratique ouvrier et paysan qui défend explicitement la libération des femmes. Ce mouvement pourrait gagner une grande partie de la population urbaine croissante de l’Afghanistan. Un tel mouvement devrait s’unir à la classe ouvrière du Pakistan et des autres pays voisins, en vue d’une fédération socialiste dans la région, fondée sur le respect du droit des différentes nationalités à l’autodétermination.

  • Afghanistan : Les Talibans progressent alors que les troupes occidentales se retirent

    Photo: SSGT JEREMY T. LOCK, USAF

    Avec la date de retrait des forces américaines et de la coalition du contrôle de l’Afghanistan fixée par Biden à la fin du mois d’août, un élan s’est créé derrière les talibans. Une guerre ingagnable, initiée par le président Bush et le premier ministre Blair il y a presque deux décennies, est en train de connaître une conclusion ignominieuse et humiliante pour l’impérialisme occidental. Malgré toutes les destructions, les morts, les milliers de milliards de dollars dépensés et les promesses vides, les États-Unis et leurs alliés n’ont retiré aucun avantage tangible du conflit, et encore moins le peuple afghan,

    Par Bob Sulatycki, Socialist Alternative (ASI Angleterre, Pays de Galles et Ecosse)

    Le président Ghani et le gouvernement afghan voient leur pouvoir s’évaporer à l’œil nu à mesure que se retire la base de leur soutien, les forces armées américaines et alliées. On assiste à un effilochage de l’autorité centrale. Chaque jour, des rapports font état de défections de troupes de l’armée afghane et de leurs armes au profit des talibans. Des unités entières ont fui à travers les frontières vers le Tadjikistan voisin. Très rapidement, la plupart des postes frontières, de tous les côtés du pays, sont tombés aux mains des talibans. Un tiers des districts sont désormais sous la coupe des talibans, même si, pour l’instant, les principales zones urbaines échappent à leur contrôle direct.

    La situation comporte des similarités avec les derniers jours du régime fantoche du Sud-Vietnam en 1975, dont le pouvoir et l’autorité se sont effondrés lorsque les États-Unis ont mis fin à leur intervention militaire directe. Les scènes chaotiques qui ont accompagné le retrait final du personnel américain de Saigon (aujourd’hui Ho Chi Minh Ville) ont longtemps hanté la classe dirigeante aux États-Unis, et il est certainement possible qu’un tel scénario se reproduise plus tôt que prévu à Kaboul.

    Les talibans ne peuvent bien entendu pas être considérés comme une force progressiste contrairement aux forces qui ont mené la lutte pour la libération nationale au Vietnam (en dépit de toutes leurs déficiences staliniennes). Ce sont des obscurantistes religieux et des réactionnaires qui ont brutalement persécuté des minorités et les femmes, y compris en leur refusant le droit à l’éducation et au travail. Ils exercent un contrôle répressif sur tous les aspects de la vie des femmes au moyen de punitions barbares telles que la flagellation.

    La rapidité et l’ampleur de l’effondrement ont surpris et alarmé une grande partie de la classe dirigeante en Europe et aux États-Unis. Nombreux sont ceux qui, surtout en Europe, espéraient que le nouveau président Biden reviendrait sur l’accord signé à Doha à l’automne 2020 entre l’administration Trump et les talibans, qui marquait la fin de l’intervention américaine directe en Afghanistan. Mais en fait, Biden a doublé la mise sur le retrait des forces, en essayant de faire en sorte que celui-ci prenne place le plus rapidement possible.

    L’histoire de l’intervention occidentale est celle d’une guerre brutale menée contre de larges pans de la population rurale, qui, loin de faire reculer l’opposition, a contribué à l’alimenter et à reconstituer le soutien dont bénéficient les talibans. Le pays n’a absolument pas réussi à éradiquer le tribalisme, la corruption et le népotisme, à développer l’économie ou à construire une infrastructure. Pour tous les trillions dépensés par l’Occident en bombes au cours des deux dernières décennies, seule une somme dérisoire a été dépensée pour améliorer la vie des Afghans. Kaboul reste ainsi la seule capitale d’Asie sans gare ferroviaire.

    L’espoir de Biden est de rallier les talibans à sa cause. Toute l’argumentaire des États-Unis selon lequel ses intérêts en Afghanistan découlent de préoccupations liées aux droits humains s’effondre.

    Bien sûr, on oublie souvent que les talibans étaient à l’origine des protégés des États-Unis dans les années 1980, agissant de concert avec les services secrets pakistanais, lorsque l’objectif principal était de renverser le régime « communiste » en Afghanistan, un régime soutenu militairement par l’Union soviétique. Mais, comme pour Al-Qaïda, les talibans se sont très vite retournés pour mordre la bête (américaine) qui les avait nourris.

    Le principal intérêt de Biden est de s’assurer que ni Al-Qaïda ni l’État islamique n’établissent une base en Afghanistan d’où ils pourraient diriger des attaques contre les États-Unis. Une guerre de longue haleine et une instabilité continue pourraient rendre ce scénario de cauchemar plus probable. C’est pour cette raison que les États-Unis ne comptent pas simplement sur la survie du gouvernement afghan actuel, mais qu’ils sont prêts à traiter avec les Talibans à condition qu’ils ne soutiennent ni Al-Qaïda ni l’État islamique.

    En fait, le régime islamique d’Iran a les mêmes considérations que les États-Unis. Face à la perspective du chaos, le régime iranien vient de conclure des pourparlers à Téhéran avec de hauts représentants des Talibans. Bien que le régime iranien et les Talibans promeuvent deux versions très différentes de l’Islam, Téhéran tient à assurer la stabilité dans la région, à condition que la minorité sunnite des zones frontalières de l’Iran ne soit pas encouragée à faire valoir ses intérêts et que l’État islamique soit maintenu sous contrôle. Rien de tout cela n’est certain, bien que la dernière fois que les Talibans étaient au pouvoir, les deux régimes aient coexisté de manière assez heureuse, opprimant tous deux leurs populations et imposant un islam fondamentaliste – l’un dans sa version chiite, l’autre dans sa version sunnite.

    Que va-t-il se passer dans un avenir immédiat ? L’armée afghane, formée et armée par l’Occident, semble démoralisée et incapable de monter une campagne militaire sérieuse. Ghani se tourne de plus en plus vers les chefs de guerre discrédités pour qu’ils fassent appel à leurs milices privées afin de mener la guerre. Ces forces ne bénéficient pas d’un soutien populaire, même dans les zones opposées aux talibans.

    Le retrait des forces de l’OTAN entraînera également le retrait du soutien logistique de l’armée de Ghani, ainsi que du soutien aérien et d’une grande partie du réseau de renseignement. Selon les estimations des services de renseignement américains, ce n’est qu’une question de mois avant que Kaboul et les autres centres urbains ne tombent aux mains des talibans. Toutefois, cela n’est pas encore certain.

    Les talibans eux-mêmes dépendent fortement du soutien des Pachtounes, mais les autres minorités nationales, surtout dans le nord du pays, les considèrent avec hostilité. En outre, dans les zones urbaines, notamment à Kaboul, les talibans sont détestés.

    Il semblerait que des milices populaires aient été créées, surtout des milices de femmes, pour se défendre contre les talibans. Bien que ces initiatives n’en soient qu’à leurs débuts, si des milices populaires dotées de structures démocratiques peuvent être créées dans les zones urbaines, une véritable résistance populaire aux talibans pourrait être possible.

    Avant tout, comme l’expérience de l’année dernière l’a montré, il ne faut pas compter sur les pays impérialistes, qui défendront toujours leurs intérêts impérialistes en premier lieu. C’est aussi vrai en Afghanistan qu’auparavant au Kurdistan.

    Un véritable mouvement de résistance devra reposer sur la classe ouvrière et les pauvres, en liaison avec les comités de femmes, et en toute indépendance des seigneurs de guerre et des chefs tribaux dont l’héritage de corruption et de brutalité a été un facteur important de la résurgence des Talibans. La classe ouvrière en Afghanistan et dans les pays de la région, en Iran et au Pakistan, et au-delà en Chine, en Inde et en Russie, est la clé d’une solution durable à la guerre, à la pauvreté et au sous-développement qui frappent l’Afghanistan depuis si longtemps.

  • Capitalisme et tragédie des réfugiés : Nul ne fuit pour son plaisir !

    Stop à la politique de déportation inhumaine !

    Selon diverses estimations, 3.300 personnes ont perdu la vie en essayant d’arriver en Europe via l’île italienne de Lampedusa ces dix dernières années. Quant à ceux qui arrivent, ils se heurtent à une montagne de problèmes à franchir dans leur recherche désespérée d’un meilleur avenir, à l’image du jeune plombier de Wielsbeke, Navid Sharifi, qui a dû quitter sa copine, ses amis et son boulot en étant expulsé et renvoyé dans le chaos afghan.

    Par Jarmo Van Regemorter

    Expulsé vers l’Afghanistan…

    Selon la Secrétaire d’État à l’Asile, à l’Immigration et à l’Intégration sociale, Maggie De Block (Open VLD), la politique d’asile belge n’est pas asociale puisque de tous les réfugiés afghans dans notre pays, 56% ont obtenu la protection de l’Etat ces dernières années. Navid s’est sans doute posé cette question : pourquoi une intégration parfaite et un emploi avec CDI ne suffisent pas pour faire partie de ces 56% ? Il n’a sans doute pas non plus compris comment Maggie De Block réussit à décrire le sort qu’elle lui a réservé comme n’étant “pas asocial”. La ministre ne voit que les chiffres, elle ne perçoit pas les drames humains qui se cachent derrière.

    Les médias belges ont entretemps publié à plusieurs reprises l’histoire de Navid en Afghanistan. Il ne peut se rendre chez personne, son oncle refuse de l’accueillir à cause d’un conflit familial qui date de plusieurs années. Un jeune qui se construit un avenir en Belgique a donc été renvoyé dans un pays où il court quotidiennement un danger mortel et où il n’a aucun contact.

    Un pays et un avenir incertains

    Maggie De Block déclare qu’elle n’est pas une “impératrice romaine” qui, arbitrairement, attribue ou non un permis de séjour de son pouce levé ou baissé. Selon elle, cette décision est prise sur base d’une analyse profonde et objective de la situation sécuritaire en Afghanistan et en fonction du danger potentiel que la personne en question y court. Les demandeurs d’asile qui ne sont “pas en danger” doivent ainsi, irrévocablement, être renvoyés.

    Il y a aussi eu l’histoire d’Arif, le jeune de 22 ans qui est retourné “volontairement” après quatre demandes d’asile refusées. Il n’a pas réussi à se construire un avenir en Belgique, largement à cause de la politique d’asile rétrograde en vigueur en Belgique. Après avoir dormi à la Gare du Nord à Bruxelles pendant quatre ans sans aucune perspective d’amélioration de sa situation – pas même un permis de résidence – il est retourné dans son pays d’origine. Mais à son arrivée en Afghanistan, il s’est fait tué, probablement parce qu’il refusait de rejoindre une milice terroriste islamiste.

    Alors que le gouvernement n’a pas ménagé ses efforts dans les médias pour montrer à l’opinion publique que tout était fait pour éviter que des jeunes belges n’aillent combattre en Syrie, des jeunes afghans sont forcés de retourner dans un pays où refuser de rejoindre une milice revient à être condamné à mort.

    Comment le gouvernement belge peut-il dire ou même s’imaginer que la situation en Afghanistan puisse être sécurisée, même un tant soi peu, et qu’il y a dépensé 113 millions d’euros en 2012 en opérations militaires ? Nous pourrions également nous demander ce qui aurait pu être fait pour les réfugiés afghans dans notre pays avec cet argent. Mais Maggie De Block ne se pose pas cette question. Elle part d’une rhétorique perverse selon laquelle ceux qui fuient une situation créée en coopération avec le gouvernement belge, ne doivent pas venir frapper aux portes de “l’Europe Forteresse”. “Si tu es né en Afghanistan, c’est malheureux, mais se faire bombarder pas les F-16 belges ne te donne pas le droit de fuir ton pays et chercher un avenir en Belgique !”

    Stop à l’Europe forteresse

    Partout dans le monde, des gens crèvent chaque jour à la recherche d’un avenir plus humain. Le mois dernier, 200 réfugiés sont morts, en une fois, au large de l’île italienne de Lampedusa. Ces tragédies humaines sont la conséquence directe de la politique d’asile européenne. Ces 20 dernières années, près de 20.000 personnes ont connus ce même sort. Les politiciens expriment leur compassion dans les médias, mais ils continuent ensuite leur militarisation des frontières de l’UE. A ce stade, une étude est menée au sujet de la possibilité d’impliquer des drones dans la traque des candidats refugiés.

    Nous vivons dans un système capitaliste qui force, continuellement, des millions de personnes à abandonner tous ce qu’ils ont et connaissent derrière eux, toutes leurs relations sociales, dans leur lutte pour survivre. C’est pour ça que le PSL défend la revendication d’une régularisation de tous les sans-papiers : personne n’est illégal! L’étiquette “d’illégal” n’est pas utilisée que pour déporter des gens, mais aussi pour mettre une pression à la baisse sur les salaires de tous via le travail au noir et l’exploitation de leur position de faiblesse.

    On entend très souvent dire que l’on ne peut pas “accueillir toute la misère du monde”. Nous ne proposons cependant pas de maintenir cette misère, mais au contraire de la contrecarrer en arrêtant la politique du pillage néo-colonial. Personne ne fuit par plaisir, c’est l’expression du désespoir comme conséquence de la misère et/ou de la guerre. Afin d’arrêter les grandes multinationales et les seigneurs de guerre impérialistes qui sont responsables, il faut une rupture anticapitaliste. Seule une société socialiste et démocratique peut en finir avec cette exploitation barbare, cette répression et ces condamnations à mort arbitraires !

    L’AFGHANISTAN : UNE DESTINATION DE REVE ?

    A en croire Maggie De Block, il faudrait presque courir à l’agence de tourisme la plus proche pour passer nos prochaines vacances en Afghanistan. Apparemment, la ministre et ses services ont oubliés que le pays est le théâtre, depuis déjà plus d’une décennie, d’une guerre de longue haleine entre les armées occidentales et les Talibans. Quelle est la réalité de la sécurité de ce pays où De Block renvoie de jeunes plombiers innocents ? Les Talibans ont tout sauf disparu d’Afghanistan. Ils poursuivent une lutte quotidienne contre la présence des “infidèles” et contre le régime fantoche du président Hamid Karzai. Ils opèrent principalement à partir de la région frontalière avec le Pakistan. Tous les jours tombent des citoyens innocents et des soldats de l’ISAF (International Security Assistance Force, la force de sécurité mise sur pied par l’OTAN). Les Talibans se sont renforcés au Pakistan, ils peuvent frapper à chaque instant et dans chaque partie du pays.

    En plus, les autorités régionales afghanes se posent de plus en plus comme des seigneurs de guerre indépendants, qui se moquent de l’autorité centrale. Ils font tout pour s’enrichir, luttent entre eux et oppriment la population locale dans tout cela.

    Si on dit que l’Afghanistan est une prison pour la large majorité de la population, ce n’est sans doute pas une thèse honnête. Dans une prison, on peut, par exemple, encore écouter de la musique. En Afghanistan ce n’est pas le cas. A cause de l’influence croissante des Talibans, il n’y a plus de musique, plus de système judiciaire qui fonctionne, les femmes n’ont plus le droit de sortir de leurs maisons, ni les filles de se rendre à l’école. Par contre, on peut être contrôlé par la police religieuse pour la longueur de sa barbe. L’image traditionnelle de l’Afghanistan sous contrôle des Talibans redevient, de plus en plus, une réalité dans de grandes portions du pays.

    L’intervention occidentale en Afghanistan a eu un effet comparable à celui de l’invasion soviétique dans les années ‘80 : le pays a été réduit au rang d’entrepôt de ferrailles, un vide que les Talibans ont pu instrumentaliser. Les Talibans, qui ont grandi durant les interventions militaires, terrorisent aujourd’hui la population. Résultat : des gens tentent de fuir le pays. L’année passée, 2,6 millions d’Afghans se sont ainsi enfuis, mais ces 10 dernières années, 5,7 millions de réfugiés y ont été renvoyés. Ces énormes vagues de réfugiés causent de nombreux problèmes logistiques. De plus, les réfugiés renvoyés sont une cible importante des Talibans. Ces derniers, pensant qu’ils sont devenus riches en Europe, les enlèvent pour réclamer des rançons.

    Il faut en finir avec le régime meurtrier en Afghanistan ainsi qu’avec les seigneurs de guerre étrangers (comme De Crem) qui continuent à encourager la guerre et la barbarie. Entretemps, nous devons nous concentrer sur la lutte contre les déportations inhumaines de victimes innocentes vers les Talibans et sur l’opposition à l’intervention belge en Afghanistan.

  • Manif sans papiers : une incroyable énergie, un combat de longue haleine.

    Ce samedi 19 octobre a eu lieu une manifestation organisée par divers collectifs autour de la question de la régularisation des sans-papiers dans le double contexte de la tragédie de Lampedusa et du meurtre par les talibans d’Aref, sans papier afghans renvoyés en Afghanistan par le ministère de Maggie De Block.

    Par Clément (Bruxelles)

    Initialement prévue à 14h au carrefour Art Loi, dès 13h15, le groupe s’est mis en marche organisant une manifestation improvisée illustrant l’énergie et des sans-papiers et des militants solidaires ainsi que leur volonté de lutte. Malgré des pressions policières constantes, la manifestation s’est déroulée sans incident, comptant 500 personnes et s’est terminée devant le parlement européen au cri de ‘‘l’Europe assassine’’, pointant ainsi du doigt la responsabilité des partis traditionnels européens dans le drame de Lampedusa. Au delà du symbole qu’est le parlement européen, c’était assez clair pour tous que le problème ne venait pas que de l’UE mais également du système actuel et de ses représentants policiers ou politiques qui ne montrent aucune intention de vouloir remédier à la situation.

    Néanmoins, il faut noter le manque cruel de syndicalistes ou de délégation syndicale lors de cette manifestation. Car avant d’être afghans ou sans papiers, ce sont des travailleurs, des collègues avec lesquels on se serre les coudes sur un chantier. Et l’organisation primale des travailleurs sont les syndicats, a fortiori en Belgique avec le poids des syndicats. Les collectifs de sans-papiers sont limités matériellement et on peut être confronté au risque de voir le mouvement s’essouffler puis se marginaliser et arriver en fait dans une situation où les sans papiers se retrouveront seuls contre l’appareil répressif d’Etat.

    Les partis traditionnels (Ecolo, PS) ayant clairement montré qu’ils ne bougeront pas d’un iota sur cette question, et De Block prouvant qu’elle ira jusqu’au bout de sa logique, peut être que la seule option positive qui reste serait le lien et le soutien des organisations de masse du mouvement des travailleurs pour obtenir la régularisation au minimum.

    D’ailleurs une autre question qui se pose derrière l’Afghanistan et Lampedusa, c’est la responsabilité des guerres impérialistes menées par l’Europe et l’étranglement économique des puissances occidentales envers les pays dits ‘‘en voie de développement’’. Un argument en faveur des sans-papiers serait de rappeler que les organisations du mouvement des travailleurs ont une longue tradition de luttes victorieuses contre l’impérialisme économique ou militaire.

    Et la victoire aujourd’hui est plus que nécessaire si l’on ne veut pas que le cas d’Aref se répète.

  • Non au terrorisme! Non au racisme! Non à la guerre!

    L’assassinat gratuit, barbare et vicieux d’un soldat désarmé à Woolwich avant-hier est un évènement terrible qui a du être profondément traumatisant pour les personnes qui y ont assisté et, bien sur, une effroyable tragédie pour la victime, sa famille et ses amis. Le voisinage a fait preuve d’une incroyable bravoure en intervenant pour tenter de secourir la victime.

    Déclaration du Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles), section de Greenwich

    Le Socialist Party condamne totalement cette attaque, tout comme il a condamné les attentats de Londres et les évènements du 11 septembre à New-York ainsi que toutes les attaques similaires basées sur des massacres sans distinction. Ce dernier meurtre est apparu comme étant purement aléatoire, la victime n’ayant probablement été choisie que par le t-shirt ”Help for Heroes” qu’elle portait.

    Les responsables ont déclaré avoir agi au nom de l’Islam et en protestation contre les occupations en Irak et en Afghanistan. Cependant, la vaste majorité des musulmans a été elle aussi écœurée et horrifiée par cette attaque, tout autant que le reste de la population.

    Les occupations impérialistes brutales en Irak et en Afghanistan, qui ont conduit à la mort de plus d’une centaine de milliers de civils, ne sont pas de la responsabilité des soldats ordinaires, mais des gouvernements qui ont pris la décision d’envahir et ensuite d’occuper.

    Le Parti Travailliste a participé à l’invasion de l’Irak malgré l’opposition de la majorité de la population, avec notamment la plus grande manifestation de l’histoire britannique, à laquelle le Socialist Party avait participé.

    Le terrorisme

    Le terrorisme est une méthode de lutte complètement erronée et contre-productive. C’est le terrorisme de masse du 11 septembre 2001 qui a donné à George Bush l’occasion de se justifier pour envahir l’Afghanistan puis l’Irak.

    Un des responsables de l’attaque à Woolwich a appelé le peuple de Grande Bretagne à renverser le gouvernement. C’est ce dernier qui poursuit l’occupation de l’Afghanistan et qui applique de terribles mesures d’austérité sur les travailleurs britanniques. Cependant, cet assassinat brutal sera utilisé par le premier ministre David Cameron pour tenter de renforcer le soutien à son très impopulaire gouvernement faible et divisé.

    Dans le sillage de cet évènement, les voyous racistes de l’EDL (English Defense League) ont déjà tenté cyniquement d’utiliser ce meurtre pour attiser le racisme contre les musulmans. Deux attaques contre des mosquées ont déjà eu lieu dans la nuit du meurtre de Woolwich. Le Socialist Party est totalement opposé au fait de prendre les musulmans comme boucs émissaires à la suite de ce tragique assassinat.

    Pour combattre les méthodes erronées et dommageables de n’importe quelle section de la société, l’unique manière de faire est d’unir les travailleurs, de toutes origines, pour construire un mouvement contre le racisme, contre le terrorisme, mais aussi contre l’austérité incessante du capitalisme.

    Droits démocratiques

    Nous devons également résister à toutes les tentatives du gouvernement d’utiliser cet évènement comme excuse pour attaquer nos droits démocratiques. La législation anti-terroriste a été utilisée pour saper toutes les protestations contre l’austérité. De simples travailleurs se sont battus et ont péri pour ces droits par le passé.

    Ce n’est pas la première fois que les travailleurs de Greenwich ont du se dresser contre les tentatives de division. A deux minutes à pied sur la même route que le lieu de la dernière tragédie, l’IRA (Irish Republican Army) avait bombardé le pub Kings Arms en 1974. La communauté de Greenwich s’est alors opposée à ceux qui tentaient d’attiser le sentiment anti-irlandais de l’époque.

    En 1993, Stephen Lawrence fut assassiné à Eltham, à juste vingt minutes de là. Une campagne de masse contre le racisme fut mise sur pied par les membres du Socialist Party (alors appelé Militant) et d’autres. Cela a conduit à la fermeture des locaux de Welling de l’organisation d’extrême droite BNP (British Nationalist Party).

    Il est important aujourd’hui, plus que jamais, que les travailleurs de Woolwich et du pays dans son ensemble se souviennent de cette histoire de solidarité et de lutte.

    Nous devons nous dresser contre les tentatives de nous diviser dans le sillage de cet évènement tragique.

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