Tag: Wisconsin

  • New York : La répression de la Police ne suffit pas à stopper l’occupation

    Rapport et réflexions d’un participant

    Ce samedi 24 septembre, “l’occupation de Wall Street” est partie en manifestation, après huit journées où des jeunes, des travailleurs et divers militants ont commencé l’occupation d’une place dans le district financier de Manhattan, à deux blocs de Wall Street. Tout commença comme une manifestation normale. Les slogans habituels pouvaient être entendus: “Les banques sont renflouées, nous sommes plumés !”, “A qui sont ces rues ? Ce sont les nôtres !”, “A quoi ressemble la démocratie? Voici à quoi ça ressemble !”

    Par Jesse Lessinger, Socialist Alternative (CIO-USA)

    Le cortège, dès le début, était très énergique. Cette occupation avait reçu une attention nationale et internationale, et était vue comme une tentative de se soulever contre l’avarice et la domination des grandes banques sur notre économie, notre gouvernement et nos vies. L’inspiration pour cette occupation était directement issue des occupations de masse de la jeunesse en Espagne, en Grèce de même que des soulèvements révolutionnaires en Tunisie, en Egypte et à travers le Moyen Orient et l’Afrique du Nord.

    De nombreux participants à l’occupation de New York sont des militants de longue date, organisés depuis des années. Mais d’autres sont totalement nouveaux dans l’organisation de protestations et participant pour la première fois de leur vie à une lutte sociale. Alors que la plupart d’entre eux sont inexpérimentés, ils ont su faire preuve d’une détermination et d’un esprit combatif à toute épreuve. Tout comme les autres, ils chantaient : “Toute la journée et toute la semaine : occupation de Wall Street!”

    Alors que nous marchions, notre nombre grandissait graduellement et la manifestation commençait à bloquer le trafic. Etant donné que nous n’avions pas de route prédéterminée, ni permission officielle, la police a tenté de nous éjecter et a tenté en vain de contrôler la manifestation et de la repousser vers le côté.

    “A qui sont ces rues ? Ce sont les nôtres!”

    Contrairement à la plupart des manifestations à New York, nous n’avons pas été parqués comme des animaux, forces à marcher sur les trottoirs, isolés et marginalisés du reste de la ville. Les passants pouvaient nous voir, et certains nous ont d’ailleurs rejoints, surtout des jeunes. Nous étions alors plus de 1.000, marchant librement à travers les rues de Manhattan, nos voix portant loin, claires et décidées.

    J’ai déménagé à New York il y a de cela 4 ans, et j’ai participé à un nombre incalculable de manifestations et d’actions. Mais ce que je n’avais encore jamais vu, c’était une manifestation qui prenait place dans les rues elles-mêmes. Nous avons parcouru quelques kilomètres. Nous n’avions pas eu à subir de tir de gaz lacrymogènes et n’avons pas du affronter des motards de la police. Pour la première fois depuis bien longtemps, les gens étaient capables d’exercer leur droit de se rassembler librement dans les rues de New York, sans restriction d’aucune sorte.

    C’était une petite victoire pour les travailleurs et les jeunes de la ville, une victoire que la police et le gouvernement ne voulait pas voir perdurer. Cette occupation, qui durait alors depuis une semaine, n’était pas une simple nuisance. L’establishment est en fait très apeuré que ce genre d’initiative puisse se répandre et menace le bon “ordre” de la ville, un ordre où les riches deviennent plus riches et où le reste n’est qu’une masse de laissés pour compte, un ordre où la super-élite, le “top 1%,” dirige la société alors que les “99% restant” n’ont pas voix au chapitre. C’est pourquoi l’occupation de Wall Street avait pour slogan “Nous sommes les 99%!”.

    Après quelques brèves prises de parole, la manifestation s’est retournée pour rentrer “à la maison”, au campement baptisé Liberty Plaza (place de la liberté). La police avait amassé de plus grandes forces derrière nous. Dans un premier temps, il semblait qu’il n’avaient l’intention que d’entourer le cortège, de nous séparer en petits groupes et de disloquer ainsi l’action. Mais nous avons vite compris qu’ils voulaient arrêter le plus grand nombre de personnes possibles.

    La police deviant violente

    La police est alors devenue agressive, a violement repoussé les manifestants, se saisissant de certains pour les jeter à terre, et procédant à des arrestations. Nous avons couru, mais ils ont bloqué des dizaines de personnes à la fois entre eux et les bâtiments. J’ai pu ‘échapper et rejoindre les autres qui, de l’autre côté du cordon de police, criaient des slogans pour exiger la libération de leurs camarades.

    Nous étions pacifiques. Ils étaient violents. Nous ne faisions qu’exercer notre liberté d’expression et notre droit de nous rassembler. Ils ont brutalement violé ces droits. Un petit groupe de jeunes femmes, encerclées, avaient une attitude parfaitement pacifique, mais elles ont été les cibles de jets de sprays anti-émeute sans aucune raison. La vidéo de cet incident a fait le tour du monde. Environ cent personnes ont été arrêtées – dont des passants qui n’avaient rien à voir avec la protestation – détenues dans des bus et jetées en cellules durant des heures, pour n’être finalement relâchées que vers 5 heures le lendemain matin.

    La police n’avait qu’un seul objectif: intimider. Ce comportement scandaleux visait à briser l’esprit combatif de la jeunesse. La violence policière a peut-être bien pu réussir à refroidi certains face aux protestations, mais cela a aussi causé une indignation très large, ainsi qu’une grande solidarité. La majorité du mouvement est d’ailleurs restée poursuivre l’occupation.

    Cela illustre le rôle hypocrite de la police et de l’Etat. Ils ont brutalement réprimé une tentative de parler librement contre la domination des grandes entreprises. Alors que les vrais criminels se rendent librement à Wall Street, et amassent des milliards sur notre dos, exigeant que ce soit à nous de payer pour leur crise, ce régime oppresseur les protège, et abuse des lois s’il le peut, de la force aussi.

    La plupart d’entre nous sont donc revenus à la place occupée, exténués mais excités aussi, choqués mais en colère, et surtout déterminés. J’ai su plus tard qu’un de nos camarades avait été arrêté. Il a par la suite realisé cette vidéo de la manifestation, avec sa propre arrestation. Bien entendu, nous étions tous inquiets de la santé des personnes arrêtées.

    Extension de la lutte

    J’ai aussi commence à me demander où allait ce mouvement qui avait su saisir l’imagination de centaines de personnes et capter l’attention de milliers, peut-être même des dizaines de milliers, à travers le monde. Les discussions sont constantes quant à la meilleure manière d’étendre le mouvement. Nombreux sont ceux parmi les nouveaux arrivants, électrisés par l’énergie et le fort sens de la collectivité présents à l’occupation, qui demandent : “Pourquoi n’y a-t-il pas plus de monde ici?”

    Il n’y a pas de réponse simple, mais nous pouvons être sûrs d’une chose. Des milliers de personnes regardent ce mouvement avec sympathie, nombreux sont ceux qui veulent rejoindre, mais qui ne le peuvent pas. Ils ont un travail ou une famille. Ils ne peuvent pas se permettre d’occuper la place indéfiniment. Ils ne sont pas capables, ou peut-être pas encore prêts, à faire de grands sacrifices. Mais ils veulent soutenir l’action. La question n’est pas simplement de savoir comment obtenir plus de monde à l’occupation, mais comment nous pouvons être plus impliqués dans le mouvement général.

    Avec l’attention dont bénéficie cette occupation et l’armée de militants à temps plein qui existe, Liberty Plaza peut devenir un point de rassemblement pour organiser des luttes plus larges. Une prochaine étape pourrait être d’appeler à une nouvelle manifestation de masse un samedi, avec quelques revendications de base comme: ‘‘Faites payer Wall Street pour la crise; Taxez les super-riches; des emplois, pas d’austérité; Enseignement et soins de santé, pas de guerre et de renflouement des banques; Non à la brutalité policière, défendons nos droits démocratiques.’’ De cette façon, des milliers de personnes pourraient participer aider à développer le mouvement. L’occupation de Wall Street devrait publiquement appeler toutes les organisations progressistes, particulièrement les syndicats, à participer à ces manifestations de masse et à mobiliser pour elles.

    Des occupations se développent également aux autres villes, comme à Washington, D.C. pour le 6 octobre (www.october2011.org). Quelque chose est en train de changer dans ce pays. Les travailleurs et les jeunes se politisent et se radicalisent. La colère est profonde et s’amplifie de jour en jour dans la société américaine, juste sous la surface. Elle ne pourra pas être contenue éternellement. Elle explosera.

    L’occupation de Wall Street reflète la colère et la radicalisation de la société. Du Wisconsin à New York, nous faisons l’expérience du tremblement de terre social qui se développe à travers la planète en réaction aux tensions nées de la crise économique. L’épicentre de cette vague de protestations de masse est peut-être bien dans la région de l’Europe, du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord, mais il ne faudra pas longtemps avant que les USA ne soient profondément affectés.

  • A propos du parti – Nouvelles du PSL

    Cette nouvelle rubrique de socialisme.be vous proposera régulièrement des nouvelles de notre parti, de ses activités et initiatives,… Cette rubrique comprendra donc divers courts rapports d’actions, des brèves de campagne, des appels pour des conférences, des rapports de réunion, ou encore de petits textes de nouveaux membres qui expliquent pourquoi ils ont rejoint notre parti.


    [box type=”shadow” align=”alignright” width=”100″]

    A noter dans votre agenda

    • 16-18 septembre : Camp de formation marxiste de Etudiants de Gauche Actifs destiné à préparer cette nouvelle année académique
    • Di. 25 septembre : Bruxelles. Slutwalk – protestation contre le sexisme, RDV 14h30 Gare du Nord
    • Sa. 29 octobre : Seconde Journée du Socialisme en Flandre, à l’initiative de la Table Ronde des Socialistes
    • sa.-di. 26-27 novembre : Congrès régionaux du PSL
    • 3 décembre : Manif climat
    • 8 mars 2012: manifestation anti-NSV à Louvain
    • 25 mars 2012 : protestations contre le rassemblement des réactionnaires antiavortement à Bruxelles

    [/box]

    Pourquoi je suis devenu membre

    Thomas, Liège

    D’abord, j’aimerais dire que je suis une personne qui prend conscience du monde dans lequel elle vit et qui est convaincue qu’il faut agir au lieu de simplement constater.

    J’ai toujours senti en moi le besoin de m’indigner face à des situations que je ne jugeais pas justes et, à partir de ce moment, il m’est venu la nécessité de militer au sein du PSL.

    En effet, ce qui m’a plu au PSL, c’est la mentalité non-électoraliste de ses membres et leur acharnement face à un monde qui ne croit qu’en la réussite personnelle, tel un “american dream” étendu sur la planète entière.

    Je suis le genre de personne qui pense que le bien être personnel est amené par le bien être collectif au sein de n’importe quelle société et je suis convaincu que nous pouvons tendre vers ce type de société si chacun peut apporter sa pierre à l’édifice, conscient de la nécessité de changer la prison dorée dans laquelle nous vivons depuis le XVIIIème siècle.

    En conclusion, j’ai rejoint le PSL par besoin personnel, par nécessité et surtout pour l’humanité qui habite chacun de ses membres.

    Pour une société meilleure, amis camarades, vive la révolution !


    Ecole d’été réussie avec 360 marxistes de 33 pays

    Par Hanne (Anvers)

    Le PSL fait partie d’une organisation internationale, le CIO (Comité pour une Internationale Ouvrière), qui est active dans une cinquantaine de pays sur tous les continents. Fin juillet, l’école d’été européenne du CIO s’est déroulée à Louvain et a rassemblée 360 participants issus d’Europe mais aussi des Etats-Unis, du Venezuela, du Brésil, du Nigéria, de Tunisie, d’Israël, de Palestine, du Liban, d’Inde, de Malaisie, du Kazakhstan ou encore d’Australie.

    Cette école d’été fut particulièrement intéressante au vu de la situation politique internationale. Nous avons connu les renversements de régimes dictatoriaux en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, la lutte de masse dans des pays Européens comme la Grèce, des mouvements aux Etats-Unis (au Wisconsin). Même Israël connaissait alors les débuts d’un mouvement de masse. En même temps, le capitalisme connaît une crise profonde et les capitalistes ne savent plus comment guérir leur système malade.

    Il faut remonter aux années ’60 pour retrouver autant de mouvements de révolte au même moment, avec des slogans et des tactiques qui se reprennent et se diffusent à large échelle. Cela illustre le sentiment de solidarité internationale. Dans un contexte de changements rapides et de mouvements, des discussions internationales telles que celles menées à cette école d’été sont indispensables.

    Les participants ont été particulièrement intéressés par les discussions sur les récents mouvements de masse, et les sessions consacrées à la Grèce, au Moyen-Orient et à l’Afrique du Nord ont par conséquent très certainement constitué le point d’orgue de cette semaine. Tant là où nos forces sont un peu plus développées (en Grèce par exemple) que là où nous posons nos premiers pas (en Espagne, en Tunisie ou en Egypte), la question du programme à défendre et des perspectives sur lesquelles le baser est un élément des plus cruciaux.

    Tout au long de cette école, le fil conducteur a sans doute été le fait que nous nous trouvons actuellement à un tournant de la situation objective mondiale. Mais le CIO s’y était déjà préparé depuis un bon moment, et nous faisons actuellement de très bonnes interventions. En Grèce, nous attirons une couche de militants ouvriers et de jeunes ; en Espagne, nous avons posé les premières bases destinées à construire une section solide. Le retour de la lutte des classes en Grande-Bretagne a immédiatement conduit à une croissance du Socialist Party qui, pour la première fois depuis des années, a à nouveau franchi la barre significative des 2000 membres. En Irlande, nous avons maintenant deux élus au Parlement – Joe Higgins et Clare Daly – qui, tout comme notre député européen Paul Murphy, étaient présents à l’école d’été.

    Chaque jour a connu son lot de discussions diverses et variées sur la lutte syndicale, la position des femmes, la lutte contre l’homophobie et la défense des LGBT, la situation particulière du Kazakhstan aujourd’hui, l’Asie, le Nigéria, l’antifascisme,… Un enthousiasme gigantesque était présent, de même que la volonté de profondément s’engager dans les luttes.

    L’enthousiasme s’est d’ailleurs notamment illustré lors de l’appel financier, dont la récolte s’élève à pas moins de 25.000 euros pour aider à la construction de nos forces au niveau international. Sur base de sérieuses discussions politiques et de notre programme socialiste cohérent, nous pouvons faire des pas en avant même si, dans la période actuelle, les éléments compliquant ne manquent pas.


    Fonds de lutte : 73% de notre objectif trimestriel obtenu après deux mois

    Voici ci-dessous un état des lieux de notre récolte de fonds de lutte pour la période Juillet-septembre 2011. Chaque trimestre, nous voulons récolter 11.000 euros de soutien financier parmi nos membres et nos sympathisants. Après deux mois, nous avons obtenu 8.044,45 euros de soutien, soit 73% de notre objectif. Il est donc parfaitement possible de réaliser le reste de notre objectif au cours du mois de septembre.

    Vous voulez participer à cet effort ? C’est bien entendu possible, en prenant un ordre permanent de soutien par exemple. A partir de 2 euros ou plus par mois, vous recevrez d’ailleurs chaque mois un exemplaire de notre mensuel, Lutte Socialiste. Versez votre contribution sur le compte n°001-2260393-78 du PSL avec pour communication “soutien”.

    • Hainaut-Namur : 75%
    • Brab. FL – Limbourg : 74%
    • Bruxelles Brab.Wall. : 62%
    • Flandre Or. et Occ. : 60%
    • Anvers : 59%
    • Liège-Lux.: 16%
    • National : 271%
    • TOTAL: 8.044,45 €, soit 73%
  • Capitalisme en crise : Un monde en mutation

    Début avril s’est tenue la réunion annuelle du Bureau Européen du Comité pour une Internationale Ouvrière, dont le PSL est la section belge. Els Deschoemacker résume ici l’essentiel de la discussion qui y a pris place. Les thèses adoptées à cette réunion sont disponibles sur notre site (voir ici).

    Par Els Deschoemacker, article tiré de l’édition de mai de Lutte Socialiste

    Depuis le début de cette année, le capitalisme a subi de nombreuses secousses. Les masses tunisienne et égyptienne ont concrètement illustré qu’un mouvement révolutionnaire peut conduire à des changements réels tandis que le désastre nucléaire au Japon est l’énième exemple des conséquences de l’irresponsabilité d’un système capitaliste qui ne voit qu’à court terme. La maximalisation des profits a motivé la construction de centrales nucléaires là où elles n’auraient pas dû être implantées. La sécurité maximale était garantie, mais en mots uniquement. Dans les faits, toutes les règles et les conseils des spécialistes ont été bafoués ; les intérêts économiques et politiques immédiats de l’élite ont pesé bien plus lourd ! Les conséquences pour la population japonaise sont dramatiques.

    La conscience des travailleurs et des jeunes à travers le monde a été secouée, beaucoup de choses ont été clarifiées. Ces deux développements ont sans doute renforcé la colère concernant le fonctionnement de la société et nous ont enseigné d’importantes leçons sur ce qui est nécessaire afin d’aboutir à de véritables changements.

    L’impact des révolutions

    Une révolution a rarement eu un impact immédiat sur la volonté de lutte au niveau international au point de la révolution tunisienne ou égyptienne. La victoire, acquise par une ténacité et une volonté formidable de sacrifice des masses tunisiennes, a initié une vague qui continue à déferler sur les pays de la région. Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord ne seront plus jamais comme avant. Même si la lutte n’est pas encore finie, même si la classe dominante fait tout son possible pour reconquérir le vide du pouvoir et même si les révolutions sont clairement menacées, les élites de la région doivent dorénavant tenir compte d’une population qui a déjà acquis sa première expérience de lutte révolutionnaire. Les salariés et les jeunes tunisiens ont mis en garde l’ancienne élite : ‘‘si vous voulez revenir, nous le pouvons aussi !’’ Ils ne sont pas prêts à perdre leurs droits récemment et chèrement acquis.

    Dans le monde entier, les régimes dictatoriaux ont muselé internet et ont censuré les nouvelles révolutionnaires afin d’éviter une révolte massive venant d’en bas. Les révolutions ont inspiré les travailleurs et les jeunes au-delà du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. D’ores et déjà, nous protestons au Wisconsin ‘‘comme un Égyptien’’, nous crions en France ‘‘Sarkozy, dégage’’ ou nous menaçons de faire chuter l’élite en Grèce ‘‘comme Ben Ali’’.

    La nouvelle situation économique a causé la révolution

    Cette énergie a directement résulté de la crise économique auquel est confronté le capitalisme. Le chômage et les hausses des prix du pain et de la nourriture ont souvent été à l’origine de situations révolutionnaires. En Tunisie et en Égypte s’y est rajouté le ravage néolibéral de la société. Et l’eau a débordé du vase.

    Le capitalisme n’a pas de réponse face à cette crise, ni dans le monde néocolonial, ni ailleurs. Les stimuli précédents et les paquets de sauvetage qui ont sauvé les banques et les grandes entreprises ont bel et bien évité une dépression profonde comme celle des années trente, mais ils ont engendré de nouveaux problèmes. Une nouvelle crise a alors commencé: celle des dettes des gouvernements.

    Les premières victimes des montagnes de dettes trop élevées ont été les pays dits ‘périphériques’ en Europe, les maillons les plus faibles. Mais dans les pays industrialisés plus riches également, des dettes astronomiques se sont accumulées. Aux USA, moteur de l’économie mondiale, les dettes ont atteint les 100 % du PIB. Chaque jour, la dette augmente de quatre milliards de dollars ! La pression pour passer à des coupes budgétaires plus drastiques se fait aussi plus importante. Après l’offensive républicaine, un message très clair de l’agence de notation S&P a été adressé au gouvernement : commencez les coupes, sinon la note des USA sera abaissée.

    Un tel plan d’assainissement serait catastrophique pour la classe ouvrière américaine. La période des stimuli n’a déjà pas pu éviter que, pour la quatrième année consécutive, un million de personnes aient été expulsées de leurs propres maisons aux USA. Le pays compte aujourd’hui au moins 24 millions de chômeurs. Divers Etats sont au bord de la faillite et doivent sabrer dans leurs budgets en fermant des parcs, des écoles, des hôpitaux, des bibliothèques, en limitant les salaires et les droits syndicaux des travailleurs, etc.

    Le plan d’assainissement pour lequel l’opposition républicaine se bat réduirait à néant le peu de pouvoir d’achat encore présent dans l’économie et ferait déborder la faible croissance poussée par le gouvernement vers une nouvelle période de récession. Mais Obama et les Démocrates ne sont pas non plus vierges de tout péché dans les Etats locaux et dans les assainissements antisociaux au niveau local. Ils appellent eux aussi à ‘travailler dur’ et à l’instauration d’assainissements brutaux. La lutte des travailleurs du Wisconsin illustre toutefois que la lutte de classe est de retour aux USA. Une nouvelle période de radicalisation a commencé. Un élément de cette lutte contre les assainissements est le combat pour le lancement d’un mouvement politique pour et par les salariés et les jeunes, un mouvement totalement indépendant des deux grands partis du capitalisme. Ce sont des partis dont on sait qu’ils ne se distinguent que par le rythme des attaques qu’ils proposent.

    La politique des assainissements en Europe conduit à plus de dettes et de récession économique

    Après pas moins de quatre plans d’assainissement sur les finances publiques, on s’attend à ce que la dette du gouvernement grec (de 130% avant les plans) continue de grimper jusqu’à 160 % ! L’économie s’est rétrécie de 4,5 % en 2010 et presque tout le monde commence à reconnaître qu’une restructuration de la dette grecque est inévitable. Les perspectives de l’économie irlandaise ne sont pas meilleures. La crise bancaire s’étend, ce qui fait que les injections financières représentent déjà 50 % du PIB irlandais. La dette totale de l’Etat et des banques représente 122.000 euros par salarié. En 2013, l’Irlande paierait annuellement 10 milliards pour les intérêts sur sa dette, plus que ce que le pays consacre à l’enseignement ! Le Portugal aussi a été contraint de faire appel au fonds de sauvetage de la Banque Centrale Européenne et du Fonds Monétaire International. Il n’y a pas d’espoir que ces pays puissent encore rompre la spirale de la dette.

    Les critiques sur la politique d’assainissement se développent. Dans le quotidien flamand De Tijd (du 19 avril), il est fait référence à ce qui vit parmi la population grecque : ‘‘On est dans un cercle vicieux. Nous ne pouvons pas sortir de la crise avec une politique qui nous jette encore davantage dans la récession.’’ C’est un sentiment général qui revient tant en Grèce, qu’en Irlande ou au Portugal. Les politiciens ne peuvent plus descendre dans les rues sans être physiquement attaqués.

    Ni l’Union Européenne, ni le FMI n’arrivent à échapper à la colère du peuple. Ils sont rejetés, à raison, comme les chiens de garde des intérêts des banques allemandes et françaises. Les banques allemandes sont présentes dans les dettes irlandaise, grecque et portugaise à hauteur de 386 milliards d’euros. Pour l’ensemble des banques de la zone euro, ce montant s’élève à 560 milliards d’euros ! La crainte d’une nouvelle crise bancaire est très importante. Les plans de sauvetage servent uniquement à sauvegarder ces investissements et à faire payer la population locale.

    Même là où l’on parle d’un rétablissement économique après la crise (sur base des exportations notamment vers la Chine), les travailleurs ne sont pas à l’abri. Le redressement économique peut bien avoir conduit au retour des profits, des bonus et des dividendes record, les salariés n’en profitent pas. Ces derniers ne connaissent qu’attaques contre leurs salaires, leurs retraites et leurs soins de santé.

    Rompre avec le système et lutter pour le socialisme

    La majorité de la population nourrit une méfiance très profonde envers les partis bourgeois. Dans un sondage européen, seuls 6 % des sondés ont déclaré avoir confiance dans leur gouvernement, 46 % peu confiance et 32 % aucune confiance. Seuls 9 % trouvent que les politiciens sont honnêtes…

    Cela ne signifie pas encore que les illusions dans le système ont disparu. Lors de la manifestation du 26 mars à Londres, trois sentiments étaient présents. Une minorité importante était convaincue que la société actuelle ne fonctionne pas et est prête à considérer des solutions socialistes. Une autre partie voulait lutter contre toutes les mesures d’austérité, mais une grande partie trouvait aussi que les assainissements étaient quand même inévitables. Ils espèrent que les efforts d’aujourd’hui rétabliront finalement l’économie. Quand cet espoir s’évapora, nous serons confrontés à une situation explosive.

    La période qui est devant nous, sera marquée par des changements brusques. L’autre côté de la médaille, en revanche, c’est le danger de la contre-révolution, la réaction face à l’action. Si la gauche ne réussit pas à offrir une alternative progressiste et socialiste au vide que ce système pourri a créé, la droite et l’extrême-droite le feront avec une rhétorique populiste jouant sur l’égoïsme au détriment des plus faibles.

    Le retour aux recettes réformistes de l’état-providence n’offre pas d’issue. Cela n’était possible qu’avec une conjoncture exceptionnelle, pas dans une situation de crise capitaliste mondiale comme aujourd’hui. La crise systémique requiert une alternative qui propose de rompre avec ce système. En Irlande, la population s’est d’abord trouvée dans une situation de choc, un tremblement de terre politique a suivi. Mais le nouveau gouvernement est la copie de l’ancien et les illusions disparaîtront comme neige au soleil.

    Avec Joe Higgins au parlement, les véritables socialistes disposent d’une énorme plate-forme pour mener une opposition socialiste. Joe et le Socialist Party (notre section-sœur irlandaise) ont saisi cette position pour mettre sur pied une unité à gauche, l’United Left Alliance, qui compte désormais cinq parlementaires.

    Ils se rendent compte que la classe ouvrière n’aura aucun autre choix que de lutter. Avec l’ULA, ils veulent anticiper cela pour que les salariés irlandais puissent compter sur un instrument politique qui défende leurs revendications au Parlement et qui se serve de cette plate-forme pour populariser à son tour ces revendications.

  • Ils organisent notre misère, organisons notre lutte!

    Selon la Banque Nationale, fin 2010, le Belge avait en moyenne 66.700 euros d’économies et de placements. Mais où sont mes 66.000 euros ? Et les vôtres ? En fait, ce chiffre reflète surtout le fossé gigantesque entre riches et pauvres dans un pays où, selon l’Union Européenne, il y a 2,2 millions de personnes sous le seuil de pauvreté et où le patron de Delhaize gagne en 3 jours plus que ce que gagne en un an une caissière avec une ancienneté de cinq ans…

    Nous avons derrière nous les mobilisations syndicales contre la proposition de norme salariale scandaleuse de 0,3% et, maintenant, l’indexation automatique des salaires, déjà vidée d’une bonne partie de sa substance, est dans le collimateur de l’Union Européenne. Mais pour nos patrons, il en va autrement. Ainsi, le patron le mieux payé du Bel20, Carlos Brito d’AB Inbev, a reçu l’an dernier pas moins de 4,4 millions d’euros. Le second est le patron de GDF Suez, propriétaire d’Electrabel : 3,1 millions d’euros en 2010. Ensuite arrive le patron de Belgacom (2,5 millions d’euros), celui de Dexia (1,8 millions d’euros) ou encore celui de Bpost (1,07 million d’euros). A tout cela, il faut encore rajouter les bonus, les stocks options, les primes de bienvenue et autres parachutes dorés.

    S’il existe une reprise économique très incertaine et fragile, elle profite aux spéculateurs et grands actionnaires, car le cauchemar continue pour la toute grande majorité de la population mondiale. Et même si nous ne subissons pas encore en Belgique des plans d’austérité de l’ampleur de ceux qui frappent le Royaume-Uni (plus de 100 milliards d’euros en moins dans les dépenses d’Etat en quatre ans…), la Grèce (qui en est à son quatrième plan d’austérité!), l’Irlande, le Portugal ou l’Espagne, les effets de la hausse des prix, de la pénurie d’emplois, de la multiplication de l’emploi précaire et mal payé,… sur le niveau de vie des travailleurs sont tout de même dévastateurs.

    La colère qui découle de cette situation est immense, et on a pu la voir s’exprimer aux quatre coins du globe ces derniers temps : au Wisconsin (Etat-Unis) ou encore à Londres, avec une manifestation de 700.000 personnes, la plus grande manifestation depuis les années ’80. En Afrique du Nord et au Moyen-Orient, le processus révolutionnaire a illustré de manière éclatante l’actualité et la puissance des mobilisations de masse ainsi que la force de la classe ouvrière quand elle entre en mouvement. De l’Amérique à l’Asie, de nombreux travailleurs entrent en lutte les yeux tournés vers ces régions.

    Mais en Belgique aussi, les actions syndicales de ces derniers mois ont pu démontrer que quelque chose se produisait sous la surface des choses. La colère est présente, l’envie d’en découdre également. Mais les militants syndicaux savent que pour transformer la colère et la rage en action efficace, il faut bien plus qu’une promenade à Bruxelles. Une large campagne de sensibilisation dans les entreprises ainsi qu’un plan d’action soigneusement planifiés et préparés avec la base sont nécessaires pour construire le puissant rapport de force dont nous avons besoin.

    En ce mois de mai qui débute par la Fête internationale des travailleurs, quelques semaines à peine après les commémorations de la grève générale de l’hiver 60-61 en Belgique, le passé nous rappelle que ce sont les mobilisations de masses et la pression des grèves et de la rue qui nous ont permis d’obtenir des acquis sociaux. Regardons ce passé et tirons-en les leçons nécessaires pour mieux lutter au présent et nous forger le meilleur avenir qui soit : un avenir dénué de l’exploitation capitaliste, un avenir socialiste.

  • Monde et Europe: Une nouvelle période d’instabilité et de révolutions (1)

    Thèses du bureau européen du CIO

    Début avril, des dirigeants du CIO venus d’Europe, mais aussi du Pakistan et d’Israël, se sont rencontrés pour discuter des développements internationaux, et en Europe en particulier. Les thèses suivantes y ont été discutées et amendées après discussion.

    Il y a à peine trois mois que s’est tenu le Congrès Mondial du CIO, et depuis la situation mondiale a radicalement été modifiée par les révolutions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Puis, il y a eu la double catastrophe naturelle du séisme et de l’immense tsunami au Japon. Ces événements ont servi à renforcer l’impression, créée par la crise économique persistante, d’un monde en chaos. Le danger de la fusion des réacteurs nucléaires – et des répercussions que cela pourrait avoir avec la possibilité de retombées radioactives à la Tchernobyl – a aussi eu pour effet de souligner l’irresponsabilité du capitalisme en ce qui concerne l’environnement. La construction de centrales nucléaires sur des lignes de faille sismiques reconnues, avec la fuite de particules radioactives et les dangers de tout un héritage de déchets nucléaires pour les générations futures, a horrifié le monde.

    La révolution au Moyen-Orient et en Afrique du Nord

    Le CIO avait bel et bien prédit les événements du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord. Dans le dernier document sur les relations mondiales adopté lors du 10ème Congrès du CIO en décembre 2010, nous avions correctement anticipé le fait que le Moyen-Orient était au bord d’une explosion sociale, mettant en avant la possibilité du renversement du régime Moubarak. Nous avions entre autres écrit ceci : ”Un autre “point chaud” pour l’impérialisme est le Moyen-Orient. Il n’y a aucun régime stable dans la région” (paragraphe 54). En particulier, nous avions prédit dans le même document que : ”Bien que le conflit entre les Arabes et les Israéliens est important, ce n’est pas le seul facteur qui doit être pris en considération lorsque nous établissons les perspectives pour cette région. Plus que jamais, la situation économique de ces pays les prépare à de grands mouvements sociaux et politiques. C’est particulièrement le cas pour l’Égypte … des revirements d’une ampleur sismique sont à l’ordre du jour dans ce pays. Le règne de Moubarak, long de 30 ans, approche de sa fin”. (paragraphes 62-63). Ce pronostic a été confirmé par les événements tumultueux qui se déroulent encore en ce moment, et par lesquels la révolution ou l’idée de révolution a bondi d’un pays à l’autre.

    En conséquence de ces mouvements, on a une fois de plus vu venir à l’avant-plan la théorie trotskiste de la Révolution permanente. Toutefois, les idées de Trotsky ne se prêtent pas à une interprétation superficielle et unilatérale de la manière dont le processus de Révolution permanente va se dérouler. Trotsky n’a jamais envisagé un processus linéaire et direct. Les révolutions russes n’ont pas triomphé sans de sérieuses tentatives de contre-révolution. En Tunisie et en Égypte, étant donné la non-préparation des masses et le manque d’organisations indépendantes, couplés au fait que l’appareil sécuritaire militaire du vieux régime n’a pas été complètement démantelé, la contre-révolution allait forcément poser une grave menace à la victoire encore non assurée des masses. L’impact de la révolution était à son tour conditionné au fait que les masses venaient d’émerger de la nuit noire de décennies de dictature, ce qui était également renforcé par le manque de véritables partis ouvriers révolutionnaires, avec des cadres capables de rapidement orienter les masses politiquement. Néanmoins, chaque effort de la contre-révolution n’a fait que provoquer une opposition tenace, et, à chaque fois qu’il semblait hésitant ou endormi, a ressuscité le mouvement de masse contre les restes des vieux régimes et, en Tunisie, a poussé la révolution plus en avant.

    En Égypte, l’occupation du quartier général de la police secrète – après des rumeurs selon lesquelles ses agents tentaient de détruire des fichiers détaillant la torture sous le régime Moubarak et le rôle que l’armée a joué dans celle-ci –, de même qu’un mouvement tout aussi tenace que celui de Tunisie, indiquent qu’une révolution ne peut pas être aussi facilement balayée. Mais l’intervention impérialiste en Libye (la soi-disant “zone d’exclusion aérienne”) fait partie d’une tentative d’intimider les masses révolutionnaires. Elle se fait passer pour un soutien à l’opposition libyenne alors qu’en réalité, elle est partie prenante d’une offensive générale de la réaction dans la région et à l’échelle internationale qui tente de stopper et de compliquer le processus révolutionnaire. Elle est aussi une tentative d’assurance de la part de l’impérialisme occidental afin d’assurer le maintien de son emprise sur les ressources pétrolières de la Libye. Après avoir courtisé Kadhafi, lui avoir fourni des armes, etc., la meilleure manière maintenant, selon les calculs de l’impérialisme, d’accomplir ses objectifs est d’abandonner son ancien “ami” pour s’assurer d’être “du bon côté de l’Histoire” – surtout de l’Histoire économique ! Comme l’ont montré les événements en Égypte, en Tunisie et, plus récemment, au Yémen, ils n’y parviendront pas.

    Le massacre brutal au Yémen n’a servi qu’à renforcer la résolution du mouvement de masse, menant à la plus grande manifestation encore jamais vue contre le régime, et au départ probable de Saleh. La défection du chef du personnel de l’armée, qui est passé au camp de la révolution, a été un moment crucial. Ceci indique que Saleh n’a pas assez de forces sur lesquelles se baser. Mais l’accueil qui a été fait au général par l’opposition yéménite montre la confusion de la conscience – c’est le moins que l’on puisse dire – parmi les rangs de la révolution. Son portrait a été enlevé de la gallerie des méchants contre-révolutionnaires, et replacé parmi les anges !

    L’intervention brutale de l’Arabie saoudite au Bahreïn pour y écraser la révolution est destinée à intimider les masses bahreïnies, de même que les travailleurs et paysans des pays qui ne se sont pas encore engouffrés dans la vague révolutionnaire, afin de les décourager de marcher dans les traces de l’Égypte et de la Tunisie. En interne, dans chaque pays, la contre-révolution attend son heure – forcée maintenant de plier sous le vent révolutionnaire – jusqu’à ce qu’elle puisse utiliser les déceptions engendrés par les résultats de la révolution afin de contre-attaquer. Le référendum sur les amendements constitutionnels des généraux venait seulement d’être terminé en Égypte, que l’armée a annoncé son intention de restreindre et de bannir les manifestations et les grèves. Néanmoins, la tendance dans la prochaine période sera à un approfondissement de la révolution mais, bien sûr, les perspectives varient d’un pays à l’autre.

    De plus, il ne faut pas exclure une nouvelle guerre au Moyen-Orient. Le déclenchement d’une telle guerre pourrait provenir de la recrudescence de violence entre Palestiniens et Israéliens, avec l’attentat qui a fait sauter un bus à Jérusalem et l’accroissement du conflit à et autour de Gaza. Si une telle guerre survenait, et en particulier si elle venait à se développer en un conflit majeur, elle pourrait impliquer les États arabes ; l’armée égyptienne, par exemple, qui n’est plus maintenant tenue en laisse par le régime servile pro-USA et pro-Israël de Moubarak. Dans la nouvelle situation, la pression de la part des masses arabes pour défendre les Palestiniens sera intense. Ceci sera encore plus le cas si des mouvements de masse comme celui du 15 mars en Cisjordanie continuent à se développer.

    Au moment où ce document était en préparation, la Libye se tenait dans l’œil du cyclone. Pour toutes les raisons que nous avons expliquées – dans les articles sur notre site – la situation en Libye est bien plus compliquée que les processus en Égypte et en Tunisie, étant donné le caractère particulier du régime Kadhafi. Il ne fait aucun doute que le régime Kadhafi est couvert de sang. L’insurrection de Benghazi a tout d’abord vaincu les troupes de Kadhafi – dirigées par ses fils – qui ont alors fui pour se mettre à l’abri à Tripoli. Des comités populaires ont commencé à prendre forme, mais ont malheureusement été dominés – et ceci a été renforcé depuis – par des forces bourgeoises et petites-bourgeoises, dont d’anciens ministres du régime Kadhafi. Notre revidencation qui demandait que ces comités soient fermement ancrés parmi les masses, avec une pleine démocratie ouvrière, et sur base d’un programme clair, aurait pu mener, si nécessaire, à la formation d’une armée révolutionnaire. Celle-ci aurait pu se développer de la même manière que les colonnes de Durutti après l’insurrection contre les fascistes à Barcelone au début de la Guerre civile espagnole en juillet 1936. La simple annonce d’une telle force aurait pu en soi avoir été l’étincelle qui aurait mené à une insurrection victorieuse contre Kadhafi à Tripoli.

    Le caractère tribal de la Libye – renforcé par des divisions régionales, en particulier entre l’Ouest et l’Est – a permis à Kadhafi d’obtenir une certaine marge de manœuvre. Le fait de brandir le drapeau royaliste – le roi Idris provenait de Benghazi et était à la tête de la “tribu” Senoussi qui regroupe un tiers des Libyens – a permis au régime de Kadhafi de dépeindre Benghazi comme étant la base des forces contre-révolutionnaires qui souhaitent renverser le cours de l’Histoire. Cette impression a été renforcée par la décision des dirigeants du mouvement de Benghazi de faire appel à l’assistance de l’impérialisme – avec leur “zone d’exclusion aérienne”. Ceci représentait une volte-face par rapport à la position précédente à Benghazi, qui s’opposait à l’intervention impérialiste en disant : ”Les Libyens peuvent le faire eux-mêmes”.

    Il est difficile de définir exactement de quelle manière la situation va se résoudre. Le soutien pour la zone d’exclusion aérienne va se désintégrer si les résultats ne mènent pas à un renversement rapide de Kadhafi. L’opinion publique aux États-Unis – où il y a une massive majorité de deux tiers en faveur d’un retrait d’Afghanistan – est opposée à toute campagne terrestre. Les forces US et françaises sont incapables d’entamer une offensive au sol efficace. Qui plus est, l’opinion publique, qui semblait initialement en faveur du bombardement de Kadhafi, pourrait se renverser en son contraire si le nombre de pertes venait à s’accroitre. Les États-Unis et le Royaume-Uni sont déjà débordés par le bourbier afghan. En outre, le soutien pour des mesures militaires au Royaume-Uni est extrêmement ténu, avec une crainte largement répandue – y compris parmi la bourgeoisie – que l’action soit limitée et se mue petit à petit en un engagement militaire prolongé.

    L’impérialisme – associé aux forces de Benghazi – espère qu’une pression militaire suffisante mènera à une répétition de ce qui s’est passé au Yémen, avec la défection des généraux de Kadhafi. D’un autre côté, un blocage sur le plan militaire pourrait survenir, et on assisterait à une partition de la Libye dans les faits. Ceci mènerait probablement à des campagnes militaires ou terroristes contre les principales puissances impérialistes qui se sont engagées contre le régime de Kadhafi. Il est fortement improbable que les forces des grands pays arabes – comme l’Égypte – puissent être utilisées pour renverser Kadhafi, étant donné la nature instable et suspicieuse de l’opinion publique dans le monde arabe en ce qui concerne les interventions extérieures dans la région. Même Amr Moussa – le chef de la Ligue arabe – qui a tout d’abord soutenu la zone d’exclusion aérienne, a été forcé de faire marche arrière lorsque, comme c’était inévitable, des civils ont été tués et blessés par les frappes aériennes britanniques, américaines et françaises. En fait, les grandes puissances impérialistes sont déjà divisées – malgré la résolution des Nations-Unies qui a sanctionné leur action – et ces divisions vont s’accroitre si cette guerre venait à se prolonger et à s’intensifier.

    L’Égypte est une arène cruciale où pourrait se décider la bataille épique entre les forces de la révolution et de la contre-révolution. Les chefs de l’armée, en collusion avec l’establishment politique, les Frères musulmans et les restes du NDP (le parti de Moubarak) ont organisé un référendum visant à supprimer certaines des lois répressives du régime Moubarak et à poser la base pour des élections dans les six mois. Les éléments les plus conscients de l’opposition à l’armée ont appelé à un boycott. Mais l’appel au boycott a eu un certain effet ; il n’y a eu que 41% de participation. Toutefois, l’opposition n’a pas eu assez de succès pour faire échouer le référendum ; 77% de ceux qui ont voté se sont déclarés en faveur des amendements. Notre revendication en faveur d’une véritable assemblée constituante révolutionnaire garde donc toute sa force. Ce qui est crucial par contre est la tâche urgente de construire les forces ouvrières indépendantes, en particulier les syndicats, et de poser la base pour un nouveau parti des travailleurs de masse. L’impérialisme – via les dirigeants syndicaux de droite en Europe et aux États-Unis – intervient comme il l’a fait lors de la révolution portugaise afin de dévoyer les nouveaux syndicats dans une direction pro-capitaliste. Au Portugal, ils ont utilisé les dirigeants syndicaux allemands, alliés au SPD, pour construire le Parti socialiste de Mario Soares et son syndicat affilié, l’UGT, pour contribuer à faire dérailler la révolution.

    En Tunisie, ce sont les mêmes tâches fondamentales qui se posent, mais bien entendu la situation n’est pas identique à celle de l’Égypte. La Tunisie a une certaine histoire d’opposition organisée clandestinement contre Ben Ali, rassemblée en particulier autour des syndicats. Il faut ajouter à cela une conscience culturelle et politique relativement élevée, ce qui veut dire que les masses sont bien conscientes que la révolution a été faite par leurs sacrifices, mais qu’elles n’en ont pas encore récolté les fruits. Néanmoins, ce mouvement de la base est parvenu à renverser toute une série de gouvernements. Nos camarades, en Égypte comme en Tunisie, ont accompli des efforts héroïques afin d’atteindre les forces les plus conscientes et de chercher à les attirer à la bannière du CIO. Ce travail doit continuer au cours de la prochaine période.

    Nous pouvons nous attendre à de nouveaux mouvements qui vont affecter quasiment chaque pays de la région. En plus de l’Égypte, de la Tunisie, de la Libye et du Bahreïn, les régimes de Syrie, des États du Golfe – malgré les pots-de-vin massifs octroyés par la monarchie saoudie –, d’Iraq et même d’Iran seront affectés. Il n’y a aucun retour possible ; il est impossible de réétablir les vieux régimes sur les mêmes bases qu’auparavant. Il y a une réelle soif d’idées, et une demande insistante pour des droits démocratiques partout, de même qu’une haine viscérale des régimes despotiques et dictatoriaux. Du côté de la classe ouvrière, il y a une tentative de créer des organisations indépendantes à la fois sur le plan syndical et politique. Pris tout ensemble, ceci revient à une situation favorable pour les idées du marxisme authentique et du trotskisme. Ce ne sera pas facile, étant donné les idéologies rivales du marxisme contre lesquelles nous nous voyons forcés de lutter. Mais pour la première fois, peut-être, depuis la faillite des partis communistes/staliniens à cause de leurs théories “en stades” erronnées, le terrain n’a jamais été aussi fertile pour la croissance des idées marxistes et trotskistes. De même, la situation économique et sociale générale – largement dominée par le scénario économique mondial et par son impact dans la région – signifie qu’il ne peut y avoir aucune réelle stabilité. Après tout, ç’a été la détérioration de la situation économique, manifestée par le chômage en progression constante et en particulier chez les jeunes, qui a été le facteur déclenchant des insurrections en Tunisie et en Égypte, et de tout ce qui a suivi. Ceci souligne l’importance cruciale d’avoir des perspectives économiques, comme le CIO l’a toujours mis en avant. Cependant, si la classe ouvrière ne devait pas parvenir à imposer sa marque sur la situation – via ses propres organisations indépendantes – ce serait alors l’islam politique de droite, largement marginalisé jusqu’ici, qui pourrait croitre à nouveau. Les conflits en Égypte entre coptes et musulmans (délibérément encouragés par l’armée) en sont un avertissement, tout comme les efforts délibérés de divisions entre chiites et sunnites au Bahreïn

    L’économie mondiale

    Le Moyen-Orient exerce également une énorme influence sur l’économie mondiale, en particulier à travers la matière première cruciale qu’est le pétrole. Et les remous colossaux dans la région ont exercé des pressions à la hausse sur le prix du pétrole, qui va maintenant probablement atteindre des records fumants étant donné les complications militaires en Libye, pays producteur de pétrole. En conséquence de cela, la “reprise” économique mondiale vacillante va sans doute être stoppée, si pas repartir en chute libre. L’envolée actuelle des prix du pétrole est la cinquième hausse de cette ampleur depuis 1973, et à chacune de ces hausses, le résultat a été une récession. Certains experts s’attendent à ce que le prix du pétrole brut atteigne les 160$/barril, d’autres s’attendent à plus encore. Un résultat inattendu de tout ceci est le bénéfice qu’en retirent les États producteurs de pétrole : ainsi, chaque hausse de 10$ du prix du barril gonfle le revenu de la Russie de 20 milliards de dollars supplémentaires ; l’Iran et le Venezuela, de même que les pays arabes, vont eux aussi en tirer parti. Certains ont été capables d’utiliser ceci – comme c’est le cas pour l’Arabie saoudite – pour racheter, ou du moins tenter de racheter, l’opposition interne croissante. Le chœur d’analystes capitalistes qui proclamaient que le capitalisme était en passe de complètement se remettre de la crise et parlaient déjà un peu plus tôt dans l’année de “sommets économiques ensoleillés” s’est complètement fourvoyé.

    Des prétentions similaires avaient été faites en 2005, comme quoi le boom continuerait à jamais. Il est vrai que l’index boursier au Royaume-Uni a passé la barre des 6040 points au tournant de l’année. Cependant, suivre cette logique revient à dire que le meilleur endroit où investir aujourd’hui serait la Mongolie ou le Sri Lanka ! Même cette prétention a été sapée par les inondations dévastatrices au Sri Lanka, où un million de gens ont été affectés et 20% de la production de riz détruite.

    Le tourniquet des marchés boursiers mondiaux – ce casino géant – n’ont que peu d’intérêt aujourd’hui pour mesurer la santé économique, ni les perspectives de croissance réelle dans le futur. Ce qui a plus d’intérêt, est l’aveu de l’analyste et historien “libéral” pro-capitaliste Simon Schama : ”Les vies de millions de gens dans notre Amérique hamburguerée ne passent que via les banques et les chèques alimentaires. Soixante-dix pourcent de la population a un ami proche ou un membre de la famille qui a perdu son travail. Nous vivons toujours dans l’Amérique en 3D : désolation, dévastation, destitution”. Et nous parlons ici du moteur du capitalisme mondial !

    La Chine

    La Chine et l’Asie, cependant, semblent toujours aller de l’avant, propulsées par l’immense plan de relance en Chine, dont l’ampleur et les effets avaient été prédits par le CIO. Le plan de relance chinois a permis de tirer de nombreux pays vers le haut, avec un certain effet en Europe. Dans le monde néocolonial, certains pays connaissent un boom des matières premières et, dans une certaine mesure, un marché accru pour leurs exportations. Toutefois, le revers de la croissance chinoise est l’accumulation de bulles à une échelle massive, qui pourrait bien mettre un terme brutal à la croissance chinoise, bien plus vite que ne se l’imaginent les économistes capitalistes. L’ampleur du secteur immobilier en surchauffe se reflète dans les effets dévastateurs sur les habitants des villes, en particulier dans des endroits tels que Pékin. L’inflation est toujours un enjeu extrêmement sensible pour l’État chinois, à cause du rôle historique qu’elle a joué dans la révolution chinoise qui a mené au renversement du Guomindang à la fin des années ’40 et qui a amené Mao au pouvoir. En janvier, l’inflation a atteint le record de 5,1%, ce qui a suscité un grand ”mécontentement par rapport aux hausses de prix qui ont atteint leur niveau le plus élevé depuis le début des statistiques en 1999”, selon un récent sondage de la Banque centrale.

    Ce que cela signifie pour les millions de Chinois qui espéraient en vain pouvoir gravir les échelons de la propriété est montré par les estimations qui indiquent ”combien de temps les citoyens devraient travailler pour pouvoir se payer un appartement de 100m² dans le centre de Pékin, qui vaut en ce moment environ 3 millions de renminbi (450 000$). En supposant qu’il n’y ait aucune catastrophe naturelle, un paysan travaillant un lopin de terre moyen ne pourrait s’offrir un appartement que s’il avait commencé à travailler sous la dynastie Tang (qui s’est terminée en l’an 907) ! Un ouvrier chinois qui aurait gagné un salaire mensuel de 1500 renminbi depuis les guerres de l’opium de la moitié du 19ème siècle et aurait travaillé tous les jours depuis et même les week-ends, disposerait alors maintenant de tout juste de quoi se payer son propre logement aujourd’hui.”

    Au même moment, la croissance économique colossale et incontrôlée de la Chine inflige chaque année pour plus de 1000 milliards de yuan (105 milliards d’euro) en dégâts environnementaux, selon les planificateurs du gouvernement. Le cout des déchets, des fuites, de la détérioration du sol et autres impacts a atteint les 1,3 milliards de yuan en 2008 (140 milliards d’euro). C’est l’équivalent de 3,9% du PIB du pays. La perte du sol et de l’eau ”pose de graves menaces à l’écologie, à la sécurité alimentaire et au contrôle des inondations”, a ainsi déclaré le vice-ministre chinois responsable des ressources en eaux. Les réservoirs sont incapables de satisfaire aux demandes d’une population croissante et de plus en plus développée. Pékin dépend déjà de nappes aquifères non-renouvelables pour pallier au déficit en eau de la ville qui s’accumule. Ce dernier pourrait mener à des contrôles dans la consommation de l’eau, surtout pour les gros utilisateurs tels que les usines. D’un point de vue économique, le développement pêlemêle de la Chine sur une base capitaliste n’est pas vivable, et ceci est encore plus évident dès lors que l’on parle d’environnement.

    La radicalisation aux États-Unis

    En ce qui concerne les États-Unis, ceux-ci laissent filer un déficit budgétaire béant (à tous les niveaux de gouvernement) qui promet un naufrage fiscal. À un moment l’an passé, la vente de bons du Trésor, nécessaire pour le financement continu du déficit, n’a obtenu qu’un faible résultat et a amené la menace d’une crise dans les finances du gouvernement. Toutefois, avec tous ces capitalistes qui possèdent des surplus massifs d’argent sans avoir un seul débouché où l’investir de manière productive – ce qui est en soi une expression de la crise organique du capitalisme – la vente de bons suivantes a, elle, été bien accueillie. L’administration Obama est confrontée à la perspective délicate de devoir chercher à réduire le déficit, ce qui aura un grave impact sur le niveau de vie. Si cette réduction se concentre sur l’armée – ce qu’espère la droite républicaine – cela aggravera énormément la situation sociale et mènera à une grande radicalisation.

    Les événements spectaculaires au Wisconsin mettent en valeur ce qu’il se passe lorsque la droite républicaine se lâche contre la classe ouvrière américaine, qui semblait endormie et passive. Enhardi par le succès du Tea Party lors des élections de mi-mandat pour le Congrès, le gouverneur républicain du Wisconsin a lancé une offensive déclarée sur les droits de négociations des syndicats et sur les conditions des travailleurs. C’est ce qui a provoqué un soulèvement de la classe ouvrière sans précédent aux États-Unis depuis des décennies. L’ironie étant qu’il y a beaucoup de travailleurs qui avaient voté pour les candidats du Tea Party et qui sont devenus eux-mêmes victimes de ces attaques, et ont donc rejoint le mouvement d’opposition. Les travailleurs ont soulevé l’exemple de la révolution égyptienne ! Ils ont eu recours à des arrêts de travail spontanés et ont appelé à la grève générale. Des travailleurs d’autres Etats, comme en Indiana et en Ohio, ont suivi le Wisconsin ; ils ont eux aussi subi les mêmes attaques de la part de gouverneurs républicains inflexibles.

    Tel un coup de tonnerre, le Wisconsin a réveillé le géant endormi de la classe ouvrière américaine, et a ouvert la voie à une opportunité très favorable pour notre section américaine. La question de savoir si cela va ou non mener à un revirement à gauche durable dépend, comme ailleurs, de la création d’un pôle d’attraction à gauche sous la forme d’un nouveau parti ou d’une nouvelle formation politique. La majorité des dirigeants syndicaux tente désespérément de diriger ce mouvement vers un soutien aux Démocrates, bien que parfois seulement en tant que “moindre mal”. C’est la même chose qui se passe en Europe avec nos dirigeants syndicaux qui ont peur et qui sont incapables de mener une lutte industrielle victorieuse contre les programmes d’austérité de la bourgeoisie. Ils cherchent à faire dévier le mouvement sur le plan électoral en renforçant le soutien à la social-démocratie. D’un autre côté, le fait d’attaquer l’énorme budget de la “défense” susciterait encore plus de critiques sur Obama et son administration de la part des Républicains de droite – menés par le Tea Party. Jusqu’à présent, il a fait face à cette offensive de droite par des pas en arrière et des concessions, par exemple sur la taxation des riches. Cette attitude pourrait encourager la droite à forcer Obama à faire encore plus de concessions. D’un autre côté, les attaques sur la classe ouvrière par les Républicains de droite amènent un soutien de “moindre mal” en faveur d’Obama pour les prochaines élections présidentielles en 2012. Il sera maintenant probablement réélu.

    L’Europe et l’économie mondiale

    En Europe, l’effondrement économique de l’Irlande menace de se propager au Portugal et même à l’Espagne, qui selon certains économistes capitalistes est la quatrième plus grande économie d’Europe et “est trop grosse pour être sauvée”. Même l’Italie et le Royaume-Uni ne sont pas totalement immunisés des effets de la crise bancaire européenne – parce que c’est bien d’une telle crise qu’il s’agit – qui a été déclenchée par les événements en Irlande. Le renflouement des banques irlandaises est un signe que c’est maintenant une question, comme l’a dit Samuel Johnson, de “tenir ensemble, ou tenir séparés”. Malgré tout, l’Irlande va sans doute faire défaut sur sa dette – ou la “reporter”, comme on dit dans le langage plus diplomatique des économistes capitalistes – en dépit de tous les efforts des États membres de l’UE et de leurs différents gouvernements nationaux pour renflouer le pays. Le Chancelier de l’Échiquier britannique Osborne a trouvé 7 milliards de livres sterling pour aider l’Irlande – en réalité, pour sauver les banques britanniques qui seraient affectées par un effondrement de l’économie irlandaise – en tant que “bon voisin”. Et pourtant, on ne peut pas dire de lui qu’il agit en “bon Samaritain” pour les pauvres et pour les travailleurs du Royaume-Uni, vu qu’il cherche à leur imposer le plus grand plan d’austérité depuis 80 ans.

    Surtout basée sur les développements de l’économie chinoise, la machinerie et les consructeurs automobiles allemands ont pu rapidement se remettre de la première vague de la crise. Utilisant sa force compétitive, le capitalisme allemand semble être le grand vainqueur de la crise. Mais cette reprise se développe sur une base faible et sera remise en question dans un futur pas si lointain. Malgré cette faiblesse sous-jacente, cela a donné au capitalisme allemand une marge économique qui lui a permis de contribuer à éviter un effondrement économique complet en Europe et aussi – bien que de manière réticente et hésitante – de faire quelques concessions pour sauver l’euro jusqu’ici. Cela n’était pas assez pour sauver l’économie européenne ou pour démarrer un nouveau boom ; cependant, cela aura un impact décisif si de futures éruptions économiques en Allemagne venaient à frapper les développements européens.

    Les destins entrelacés de toutes les économies d’Europe à travers la crise de la dette souveraine montre comment des développements cruciaux à l’échelle internationale façonnent les événements à l’échelle nationale, parfois de manière décisive. L’hypothèse sous-jacente du gouvernement ConDem au Royaume-Uni est que, malgré la brutalité des coupes, au final “Tout sera bien qui finira bien”. Les événements devraient selon eux aller dans leur sens, à cause de l’“inévitable” rebond de l’économie. Le cycle économique “normal” devrait se réaffirmer, disent-ils, une crise étant toujours suivie d’un boom, et ainsi le carrousel continue. Ces espoirs seront anéantis par la marche des événements. Car nous n’avons pas affare ici à un cycle similaire à celui des années 1950 à 75, ni à la phase de croissance plus faible des années ‘2000. Cette crise est totalement inhabituelle de par son caractère, sa profondeur et sa gravité, à la fois pour les dirigeants actuels et pour leurs “administrés”.

    Au mieux, l’économie mondiale va continuer à boitiller de l’avant ; elle ne va pas immédiatement reprendre son niveau d’avant la crise de 2008. Ceci signifie que sur le long terme, le chômage endémique tendra à se consolider, bien qu’avec des hauts et des bas. Des millions de travailleurs ne pourront jamais être réintégrés dans l’industrie. Là où ils trouveront un travail, ce travail sera précaire, temporaire, à l’image de ce que l’on appelle aux États-Unis un job “de survie”. Les travailleurs les prendront dans l’espoir vain de pouvoir de nouveau se hisser à la position qu’ils avaient dans le passé. Mais pendant toute la période prévisible devant nous, l’époque des emplois à plein temps, d’un niveau de vie croissant ou même stagnant est terminée pour la majorité de la population.

    La consommation joue un rôle crucial pour soutenir l’économie capitaliste moderne, en particulier dans les économies les plus avancées. Aux États-Unis pendant le 19ème siècle, près de 20% de l’économie provenait de la consommation. Aujourd’hui, aux États-Unis, celle-ci compte pour 70% du produit total. En Chine, d’un autre côté, la consommation vaut aujourd’hui 38% du PIB – ce qui est relativement beaucoup moins que les 50% sous le régime stalinien de Mao. Toutefois, les programmes d’austérité qui sont devenus la principale politique économique de la majorité des gouvernements bourgeois a pour effet de déprimer l’économie, précisément à cause du rôle crucial que jouent les consommateurs. Et ceci n’est pas compensé par la redirection de l’investissement – du surplus social – dans l’industrie productive, comme c’était la norme dans le passé. La politique dévastatrice de la financialisation du capitalisme mondial est enracinée dans le manque de débouchés profitables pour le capital, essentiellement à partir de la fin des années ’70. C’est quelque chose que le CIO a toujours mis en avant, encore et encore, dans son matériel écrit – une position presque unique parmi les marxistes.

    Les investissements colossaux de capitaux fictifs – via le système de crédits – ont jeté la base pour les bulles qui ont maintenant éclaté. Mais le capitalisme, pris dans son ensemble et à une échelle mondiale, n’a rien appris de cela, et n’applique maintenant aucune nouvelle politique ni dans le vieux continent européen ni aux États-Unis. En fait, nous avons vu une répétition de la même politique que celle des années ‘2000, qui ne fait en réalité que gonfler de nouvelles bulles, même alors que le système lutte déjà pour se libérer des immenses conséquences de sa politique précédente, du surplus de dette. Par conséquent, les investissements dans l’industrie – qui est la réelle force pour créer de la valeur – sont à la traine. En fait, les investissements ont en réalité chuté en termes réels dans l’industrie de transformation. Le Royaume-Uni, par exemple, est passé d’une des nations les plus industrialisées du monde au 19ème siècle, à la cinquième position aujourd’hui. Selon le ministre des finances brésilien, sa nation a dépassé le Royaume-Uni et est devenue la cinquième plus grande économie mondiale, surtout après la croissance de 7,5% en 2010, son plus haut taux depuis 1986.

    La reprise sur les marchés boursiers a été acclamée comme étant le précurseur de la croissance économique, ce qui est complètement faux. En fait, les “experts” en comportement des marchés boursiers sont historiquement du côté des “ours” – des pessimistes qui s’attendent à une Apocalypse financière. Une personne a récemment commenté dans le Guardian britannique que : ”Lorsque les marchés entrent une nouvelle phase de folie, moi je reste là à me gratter la tête d’étonnement. L’idée comme quoi nous sommes revenus à une reprise économique durable est aussi grotesque qu’elle l’était en 2005-07. Mais les investisseurs sont de retour sur la piste de danse, pirouettant droit vers la prochaine et inévitable implosion, au sujet de laquelle ils affirmeront une fois de plus par après qu’elle était imprévisible !”

    Le capitalisme moderne semble incapable d’absorber le “surplus de travail” – un euphémisme pour “chômage de masse” – créé par la suraccumulation reflétée par la crise, à moins de pouvoir obtenir un taux de croissance soutenu d’au moins 3%, et même ainsi, à un taux combiné. Pourtant, même les plus optimistes des économistes bourgeois ne se font aucune illusion sur le fait que le capitalisme – même dans les économies qui semblent être dans une position favorable, comme l’Allemagne par exemple – sera capable d’atteindre un tel taux de croissance dans le futur prévisible. Axel Weber, le président sortant et complètement discrédité de la Bundesbank, disait à Londres récemment que l’Allemagne ne reviendrait pas d’ici la fin de 2011 à un niveau d’avant la crise. ”Il ne s’agit pas d’une success story, mais bien de trois années perdues”. Il a ensuite ajouté pour la forme que : ”La tendance de croissance sur le long terme pour l’économie allemande est de 1%. Nous n’avons pas affaire à un moteur dynamique pour l’économie européenne”.

    Le chômage

    La production de l’économie mondiale est revenue au niveau de 1989 ! Le FMI estime qu’en 2008, l’économie mondiale a perdu la somme colossale de 50 trillions de dollars en actifs dévalués et en termes de perte de production, une somme équivalant à la production totale de biens et services du monde entier pendant une année. La crise a laissé un immense legs débilitant que le capitalisme aura du mal à surmonter, si jamais il y parvient entièrement. La politique quasi-keynésienne d’Obama – avec ses divers plans de relance – a complètement échoué à endiguer le chômage, qui se tient officiellement à 9% de la force de travail (mais est dans les faits sans doute à deux fois ce niveau), et est restée à ce niveau depuis les 20 derniers mois sans discontinuer. Quarante-sept états sur cinquante ont même perdu des emplois depuis les plans de relance d’Obama.

    Il y a dans le monde officiellement plus de 200 millions de gens au chômage, dont 78 millions ont moins de 24 ans. Et ceci est sans doute une énorme sous-évaluation, parce que ces chiffres ne tiennent pas compte du sous-emploi, des emplois partiels, etc. Selon l’Organisation internationale du travail, 1,5 milliards de gens sont en situation d’emploi précaire. En outre, la population mondiale va sans doute s’accroitre d’encore 2 milliards de personnes au cours des 40 prochaines années. En Europe, le chômage des jeunes se trouve en moyenne à 20,2% dans 17 pays de la zone euro, alors qu’il était à 14-15% il y a trois ans. Le chômage des jeunes est monté au niveau effarant de 35% en Grèce et même de 40% en Espagne !

    Étant donné qu’il n’y a que très peu de soutien étatique pour les chômeurs dans ces pays – qui sont alors forcés de compter sur le soutien de leurs famille et amis – il est étonnant que nous n’ayons pas encore aperçu d’expression réelle de l’encore plus grand mécontentement que ces chiffres garantissent. Il est vrai que nous avons vu de grandes et furieuses grèves générales, mais étant donné la condition de la classe ouvrière, surtout dans le sud de l’Europe, nous pouvons nous attendre au cours de la prochaine période à des mouvements de protestation ouvrière qui pourraient déborder les limites de la société “officielle”. Déjà en Grèce, nous voyons que les masses, par pur désespoir – très souvent convaincues qu’elles n’ont aucune chance de succès – se sont néanmoins jetées dans la bataille, comme avec les travailleurs des bus d’Athènes, qui insistaient pour continuer leur lutte contre l’avis de leur direction syndicale, malgré le fait que le décret contre lequel ils se battaient avait déjà été mis en application ; ou avec les 2500 travailleurs (temporaires) de la Ville d’Athènes, qui ont occupé la salle du Conseil communal pour empêcher le nouveau maire PASOK de les licencier afin d’engager de nouveaux travailleurs intérimaires avec encore moins de salaire et encore moins de droits. Ce genre d’actions risque de devenir contagieuse – et pas seulement en Grèce – pour d’autres travailleurs qui vont chercher à les imiter, de même que pour les étudiants qui vont une fois de plus entrer en conflit avec le gouvernement ou avec les autorités éducationnelles.

    Mais la conscience politique est toujours en retard, et parfois de manière chronique, par rapport à la situation économique objective. Le krach de Wall Street en 1929 a stupéfait la classe ouvrière américaine, et il a fallu au moins quelques années pour qu’elle puisse rallier ses forces et résister à l’offensive du capitalisme. Un mouvement offensif n’a réellement commencé, comme nous l’avons fait remarquer à maintes reprises, qu’au moment du début du boom à partir de 1934. Il est hautement improbable, surtout à un niveau global, qu’une telle croissance survienne, au moins dans les pays industriels avancés. Comme le Brésil l’a démontré, il est possible qu’un certain niveau de croissance se réalise dans certains pays et certaines régions, même au beau milieu d’une récession mondiale générale. Il y a une raison spécifique dans le cas du Brésil, comme dans d’autres pays ; cette croissance s’est effectuée portée par la croissance chinoise, la Chine cherchant à mettre la main sur des ressources naturelles afin de maintenir son industrie en état de marche.

  • Wisconsin : USA, un ‘‘géant endormi’’ s’éveille

    Partout dans le monde, les travailleurs font face à la crise. Dans les pays où les attaques ont été annoncées, les travailleurs ont réagi avec vigueur. Aux États-Unis, la crise a frappé fort avec la perte de millions d’emplois (on parle d’un taux de chômage officiel de 10 à 15%). Obama n’a pas hésité à déposer environ 800 milliards pour permettre à l’économie américaine de se relever. Alors que les patrons et les actionnaires se remplissent à nouveau les poches et que les banques profitent des taux 0 de la Fed (la banque centrale américaine), la note est présentée aux travailleurs.

    Par Alain (Namur)

    Une attaque massive contre les droits syndicaux

    À l’instar de Sarkozy en France – qui avait fait voter le service minimum au tout début de son mandat avant d’annoncer des attaques tous azimuts – les gouvernements de divers Etats américains annoncent des mesures visant à réduire la force de frappe des travailleurs à travers des attaques contre les droits syndicaux. Tel un géant endormi, la classe ouvrière américaine se réveille et lutte contre ces politiques.

    Afin de pouvoir attaquer les salaires et les conditions de vie des travailleurs, les divers gouvernements des Etats américains s’attaquent aux droits syndicaux,:des lois antisyndicales sont à l’agenda dans 18 d’entre eux, de nouvelles législations sur le ‘‘droit au travail’’ sont en préparation dans une douzaine d’Etats et, dans 7 Etats, l’establishment veut fouler aux pieds la législation salariale dans la construction.

    On annonce, de l’échelon fédéral à l’échelon local, quelque 100 milliards de coupes et 300 milliards pour les 2 prochaines années.

    Au Wisconsin, une réaction spontanée des masses a répondu à la tentative de Scott Walker, le gouverneur, de s’attaquer aux droits syndicaux. Le plan du gouverneur était de faire passer une législation visant à s’attaquer aux droits de négociation des syndicats, d’obliger le syndicat à obtenir un vote annuel pour être représentatif et à diminuer le soutien financier des syndicats. Le soulèvement a commencé lorsque Le gouverneur Walker a présenté sa loi de programme budgétaire le 10 février 2011. Alors qu’une grande partie du déficit budgétaire est due à des diminutions d’impôt accordées aux ‘‘super-riches’’ pour un montant de 117 millions de dollars, les travailleurs, eux, ne subissent que des attaques. Ils ont donc organisé des délégations et des protestations. Chaque jour, des milliers de gens sont sortis en rue. Plusieurs bâtiments, y compris le capitole, furent occupés par les jeunes et les travailleurs. Les professeurs se sont déclarés malades, et les étudiants sont sortis pour manifester.

    Un mouvement qui prend de manière large

    Ces mouvements de protestation n’ont pas seulement touché l’Etat du Wisconsin. Des mouvements de solidarité ont touché tout le pays, qui fait partout face à des attaques contre les droits syndicaux. Les manifestations de février ont réuni 50.000 personnes, celle du 5 mars 100.000 et celle du 12 mars 200.000 (soit un 25e de la population de l’Etat !). Notre section-sœur aux USA, Socialist Alternative, appelle à une grève générale dans tout l’Etat afin d’augmenter qualitativement le niveau de la lutte. La force du gouvernement de Walker, c’est qu’il a le temps pour lui. La classe ouvrière a mené diverses actions qui ont permis de postposer le vote de la loi. Mais il ne s’agit pas seulement de faire reporter le vote, mais bien de modifier le rapport de forces afin de faire reculer le gouvernement.

    Aucune confiance ne peut être accordée aux Démocrates. Les 14 démocrates ont refusé le texte de Walker mais dans d’autres Etats, ce sont eux qui mènent les politiques d’austérité. Le décalage entre les promesses d’Obama et leur réalisation illustre que le temps du ‘‘Yes, we can’’ est terminé…

    Ce mouvement a aussi permis de démasquer les mensonges du Tea-Party. La lutte a pointé le fait que l’argent doit être pris dans la poche des riches et des banques pour bénéficier aux travailleurs et aux jeunes. Ceux qui ont forgé les organisations du mouvement ouvrier américain dénonçaient le capitalisme comme source du chômage, de la pauvreté et de l’inégalité sociale. Le capitalisme ne peut garantir le bien-être de l’ensemble des travailleurs et de leurs familles. Alors que le monde est secoué par la crise économique et n’entrevoit pas de voie de sortie autre que de nous faire payer, l’organisation d’un parti des travailleurs américain permettrait au mouvement d’obtenir des victoires et d’organiser le combat.

  • ‘‘Socialisme 2011’’ : les mouvements de masse à nouveau à l’agenda

    Le week-end annuel de discussion ‘‘Socialisme 2011’’ s’est déroulé à un moment particulièrement intéressant. Nous nous trouvons à un point tournant important de l’histoire, avec le retour de la résistance de masse et des mouvements révolutionnaires qui réussissent à mettre fin à des régimes dictatoriaux. Le capitalisme est profondément embourbé tant sur le plan économique (aucune perspective de réelle amélioration de pointe à l’horizon), que sur celui de l’impérialisme (avec nombre de pions importants de l’impérialisme balayés en Afrique du Nord et au Moyen-Orient) ou encore au niveau de l’environnement, comme l’illustre tout récemment le péril nucléaire au Japon suite au dramatique tremblement de terre survenu la semaine dernière.

    Plus de 200 personnes ont profité de ce week-end pour discuter en profondeur de la lutte contre le capitalisme et d’une alternative socialiste. Une grande attention a bien entendu été accordée à la situation en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, avec différents débats spécifiquement consacrés à ce thème, mais ces révolutions ont aussi été prises en considération dans d’autres discussions.

    Des points de grande importance ont été abordés lors des principaux meetings, comme dans le meeting d’ouverture consacré à l’actualité de la lutte pour les droits des femmes. Nous avons aussi pu entendre un témoignage très inspirant de la lutte qui se développe actuellement dans le Wisconsin, tandis qu’au même moment s’y tenait une manifestation massive de plus de 200.000 personnes (soit un 25e de la population de l’Etat…) contre la volonté des Républicains au pouvoir d’imposer des mesures profondément antisociales. Le meeting consacré au développement de la résistance chez nous, avec des orateurs de divers secteurs syndicaux, était particulièrement intéressant, avec en fil rouge le développement croissant de cette résistance ainsi que la nécessité de construire des contacts et des liens tant au niveau syndical que politique afin de pouvoir aider au mieux ce développement.

    Ce n’est bien entendu pas possible de donner ici un aperçu complet du week-end et de toutes les discussions qui y ont pris place avec un petit rapport. Les thèmes de discussions étaient variés, du terrain syndical (entre autres avec Martin Willems) à celui de la théorie (comme avec les discussions concernant la question nationale et le marxisme ou encore celui consacré au socialisme et à l’économie planifiée). Il a aussi été question des luttes de la jeunesse et de la solidarité internationale, notamment avec la campagne Tamil Solidarity et avec la présence de 6 camarades tamouls résidant en Belgique.

    Alors que la situation politique de notre pays semble en apparence toujours aussi bloquée, les premiers signes de résistance sont arrivés. L’Accord Interprofessionnel ne va pas aussi loin que les mesures d’économie que connaissent les pays voisins, mais même ainsi la bourgeoisie a eu des difficultés, avec une majorité des membres des syndicats (y compris dans la CSC) se prononçant contre et avec différentes actions, hélas plus souvent désorganisées que réellement construites. Ces actions ont toutefois très bien illustré la force potentielle que peut prendre la résistance en Belgique.

    Ce week-end était marqué par une ambiance résolue et combative ainsi que par une grande soif d’idées politiques. Il ne suffit plus aujourd’hui d’être clair sur ce sur quoi nous luttons, de se dire simplement anticapitaliste, nous devons aller en profondeur dans les discussions sur ce que pourrait représenter une alternative socialiste au capitalisme et comment y parvenir. Avec les mouvements en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, le changement et la révolution sont à nouveau à l’ordre du jour. Cela offre beaucoup de possibilités et montre la nécessité de développer une force socialiste révolutionnaire conséquente. ‘‘Socialisme 2011’’ doit être considéré dans ce cadre.


    Reportage-Photos de Jente


    Reportage-Photos de Johan

  • Japon. Tremblement de terre & cauchemar nucléaire

    Le système capitaliste est incapable de faire face aux désastres naturels – pour un contrôle démocratique sur l’aide et la reconstruction

    Le tremblement de terre massif qui a ébranlé le Nord-est du Japon ce vendredi 11 février et les destructions causées par l’un des plus puissants tsunamis jamais vu est la “pire crise depuis 1945”, selon les termes employés par le Premier Ministre japonais, Naoto Kan. Les terribles évènements du Japon soulèvent de nombreuses questions concernant les folies du capitalisme, et plus particulièrement le développement massif du nucléaire – qui n’est jamais entièrement sûr – dans une région connue pour ses secousses sismiques.

    Par des correspondants du CIO en Chine, Hong Kong et Taiwan, de chinaworker.info

    L’épicentre du tremblement de terre de ce vendredi est situé dans la préfecture de Miyagi, à 400 kilomètres au nord-est de Tokyo. Il aurait atteint 8.9 sur l’échelle de Richter, ce qui en fait le 5e séisme le plus puissant depuis 1900. Sa puissance a été telle qu’elle a, aux dires des géologues, fait bougé 2,5 mètres l’île principale de l’archipel du Japon et que l’axe de rotation de la terre lui-même a bougé de 10 cm. Depuis lors, il y a eu au moins 67 autres chocs, d’une magnitude de 5, y inclus le puissant contrecoup d’une magnitude de 7 qui a lancé un tsunami d’une hauteur de 10 mètres qui a englouti de nombreuses villes côtières de l’Est du pays. La vague monstrueuse a causé d’incroyables destructions aux docks, aux chemins de fer et autres, des navires de plusieurs milliers de tonnes étant tout simplement balayés. Au moins deux trains ont totalement été engloutis dans les eaux. La puissance de l’onde de choc a été ressentie jusqu’à la côte pacifique des Etats-Unis, causant même la mort d’un homme qui filmait les vagues en Californie.

    Les premiers reportages sur le réseau de télévision japonaise NNT parlaient de 1.000 personnes décédées. Mais des dizaines de milliers de personnes sont toujours disparues. Dans la préfecture de Miyagi, fortement touchée, la police a déclaré qu’il y avait encore de “nombreuses” personnes disparues et dans la préfecture de Sanrikucho, la région la plus touchée, un million de personnes sont toujours recherchées. La police a parlé de centaines de milliers de personnes évacuées et que le nombre de bâtiments et de routes détruits était incalculable. Deux millions de maisons sont toujours sans électricité, dans le froid hivernal. Le Shinkansen (train à grande vitesse) et d’autres moyens de transport majeurs sont toujours hors d’état pour la troisième journée consécutive. Les zones affectées par la catastrophe incluent la ville de Tokyo, où de nombreux travailleurs n’ont eu d’autre choix que de marcher pour rejoindre leur foyer après le travail, parfois à plusieurs heures de marche.

    Les explosions de Fukushima – ‘le troisième plus grave incident nucléaire de l’histoire’

    Mais il y a aussi les explosions dans deux réacteurs nucléaires. Le jour suivant le séisme (le 12 mars), le réacteur n°1 a explosé à la centrale nucléaire de Fukushima, à cause d’une fissure dans l’unité de refroidissement. Une seconde explosion a été rapportée, sur le même site hier (le 13 mars). Le porte-parole du gouvernement Yukio Edano a révélé qu’il pourrait y avoir une “fusion partielle” des barres de combustible au réacteur n°1 de Fukushima.

    Le gouvernement a annoncé l’état d’urgence dans la région ainsi que l’évacuation de tous les habitants dans un rayon de 20 km autour du complexe de Fukushima, soit un total d’environ 300.000 personnes. Des fuites radioactives ont été officiellement confirmées, mais le Premier Ministre Kan a déclaré que le niveau n’était pas “élevé” et a assuré la population que cela était “fondamentalement différent de l’accident de Tchernobyl” – une référence à la catastrophe nucléaire de 1986 en Ukraine. Quelque 160 personnes évacuées sont examinées, suspectées d’avoir été irradiées. Les expertes disent qu’il s’agit du troisième plus grave accident nucléaire de l’histoire, après Tchernobyl et la crise de Three Mile Island, en 1979 aux Etats-Unis. Le niveau de radiation par heure dans les centrales affectées au Japon est égal au niveau normalement autorisé en une année. Même les navires et avions américains envoyés pour prendre part à l’effort d’aide ont été déplacés des zones côtières en raison du taux trop élevé de radiations, qui constitue une menace pour le personnel US.

    Au moment d’écrire ces lignes, 11 des 55 réacteurs japonais étaient à l’arrêt, et on parle d’un incident à une troisième centrale à Ibaraki, à 120 km au nord de Tokyo. La méfiance et le scepticisme à l’encontre du gouvernement se répandent. C’est bien compréhensible dans ce pays, le seul à avoir subit une attaque nucléaire, avec toutes les horreurs que cela suppose.

    Cet incident souligne les dangers du nucléaire, qui n’est en rien une solution à la crise énergétique et constitue de nombreux risques pour les hommes et la nature. Les désastres naturels, comme les séismes et les inondations, ou encore les guerres, peuvent causer de dangereuses déstabilisations des centrales nucléaires, avec des dégâts à long terme pour la société humaine. Sous les conditions capitalistes, depuis que les énergies fossiles se raréfient, on assiste à un virage en direction de l’atome. Cette tendance a été renforcée par la pression pour diminuer les émissions de gaz carbonique et pour sembler plus “verts” au vu de la croissance des inquiétudes concernant le climat.

    En Asie et dans le Pacifique, au Japon mais aussi en Chine, en Russie et aux USA, il y a une extension massive du nucléaire. Dans son dernier plan quinquennal, la Chine a prévu de largement étendre ses capacités nucléaires. Il est globalement question de construire 350 nouveaux réacteurs nucléaires pour les 20 prochaines années. L’industrie nucléaire se frotte les mains en imaginant les profits à venir, mais les experts avertissent des nombreux dangers.

    “Les centrales nucléaires japonaises étaient sensées résister aux séismes et être les mieux préparées au monde pour résister aux catastrophes, mais voyez ce qui s’est produit.” a déclaré un porte-parole de Greenpeace. L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a averti que 20% des centrales nucléaires au monde se situent sur des zones d’activité sismique (comme les séismes) “significative”.

    Le ministre chinois de la science et de la technologie, Wan Gang, a récemment annoncé qu’au cours du prochain plan quinquennal, les investissements dans les alternatives aux énergies fossiles seraient principalement concentrées sur le nucléaire et non sur le vent, l’énergie solaire ou d’autres formes d’énergie renouvelable. La Chine est aussi hautement sous le risque de séismes, et a subi les deux tremblements de terre les plus mortels au cours du demi-siècle dernier (Tangshan en 1976 et Sichuan en 2008). Il est donc particulièrement insouciant de la part des autorités chinoises de construire plus de centrales nucléaires. A Taiwan aussi, la crise nucléaire japonaise provoque un grand débat. Il y existe une grande panique concernant d’éventuelles retombées radioactives. Le parti écologiste a connu un certain progrès dans sa popularité avec son opposition à la construction de réacteurs nucléaires, Taïwan en ayant construit deux juste au-dessus d’une faille sismique.

    Sur le front économique, le Japon est en crise depuis 20 ans, et cela va encore être aggravé par le tremblement de terre. La région du Japon la plus affectée a une forte concentration de fer et d’acier, d’entreprises pétro-chimiques, de fabriques, de centrales nucléaires et autres industries clés du pays. Une explosion et un incendie à la COSMO Oil Company, dans la ville de Chiba, a fait fermer la raffinerie. De nombreuses compagnies dans cette region ont été forcées de fermer leurs portes, y compris Mitsui Chemicals, Mitsubishi Chemical, JFE Steel, Sumitomo Metal Industries, Maruzen Oil Company et d’autres grandes entreprises. Nissan Motor et Honda ont annoncé qu’ils allaient stopper la production dès le 14 mars faute de fournitures. Sony et d’autres producteurs d’électronique ont aussi leur chaîne de production affectée par la catastrophe. En raison du poids de l’économie japonaise dans l’économie globale, la catastrophe du 11 mars aura un impact significatif sur les USA, la Chine, l’Union Européenne et d’autres économies.

    Quelques économistes parlent en des termes positifs des investissements qui ont suivi le séisme de Kobe en 1996, et voient une possible croissance dans l’infrastructure. Le Premier Ministre a fait écho à cette théorie en disant à la population de ne pas être pessimiste car le Japon connaîtra une sorte de “ New Deal” avec la restauration de l’économie, sur base des travaux massifs nécessaires à la reconstruction. Mais alors que le gouvernement japonais va être force de faire de grandes dépenses d’urgence, ses caisses sont vides, et le pays connaît le plus grand taux de dette au monde (la dette publique équivaut à 200% du Produit Intérieur Brut), juste après le Zimbabwe. Dans un environnement de crise économique globale, ce tremblement de terre peut avoir des conséquences très néfastes pour le capitalisme. Cela a été illustré par la chute massive sur les marches asiatiques, au vu du fait que les spéculateurs ont pris peur.

    Ces processus exposent entièrement les conséquences de la soif de profit capitaliste, sans aucune considération pour la vie humaine et l’environnement naturel. La théorie économique capitaliste de la “fenêtre brisée” montre aussi la logique complètement folle du système, où la perspective de profits élevés est acclamée, même si cela doit être réalisé par la destruction économique ou la guerre. Le capitalisme et ses idéologues sont les seuls véritables éléments “antisociaux”.

    La reconstruction et l’aide causera de sérieux problèmes spéculatifs. La nécessité d’un grand nombre de projets de reconstruction et d’investissements lies aux assurances provoquera certainement une réduction de liquidités dans l’économie, le tremblement de terre aura donc aussi probablement comme conséquence de pousser le Yen encore plus haut, et affaiblira la position des exportations. Au même moment, les capitalistes lancent partout des attaques massives contre la classe ouvrière – de l’Union Européenne au Wisconsin et d’autres Etats américains – et la classe ouvrière japonaise devra faire face à des mesures similaires de la part de son gouvernement, qui voudra leur faire payer la crise pour sauver les capitalistes.

    Nous revendiquons :

    • L’auto-organisation immédiate des travailleurs et des communautés locales dans les régions affectées afin de gérer les secours et de démocratiquement déterminer les besoins liés à la reconstruction. Pour la solidarité internationale et le soutien actif à la population japonaise !
    • Pour une révision urgente de la politique énergétique et des investissements massifs dans les énergies propres, en alternative au nucléaire! Pour la nationalisation du secteur énergétique sous le contrôle des travailleurs !
    • Aucune confiance envers les profiteurs, les spéculateurs et les capitalistes dans l’organisation des secours et de la reconstruction du pays. Luttons pour le socialisme et la propriété démocratique et publique de l’économie japonaise, seule façon de concilier les besoins des travailleurs et le développement de la nature et de la terre.
0
    0
    Your Cart
    Your cart is emptyReturn to Shop