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Tag: Wallonie
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Pas de gouvernement de gauche en Wallonie. La faute au PTB ?
Dans son interview du 6 août à la radio publique, le secrétaire général de la FGTB Wallonne Thierry Bodson a chargé le PTB et le CDH pour le retour aux affaires du MR dans les négociations wallonnes : ils ‘‘ont pensé à eux d’abord et pas aux gens d’abord’’. Le PTB porterait la responsabilité de l’échec de la formation d’un gouvernement de gauche en Wallonie comme le souhaitait la FGTB. Le PTB défend que l’absence de politique de rupture l’empêchait de participer. Thierry Bodson répond que le PTB aurait privilégié des calculs politiciens pour les prochaines élections au lieu de répondre aux demandes des jeunes, des travailleurs et des Gilets Jaunes qui ont manifesté. Cette idée rencontre un certain écho auprès de nombreux électeurs de gauche. Beaucoup d’autres estiment au contraire que le PTB a eu le courage de ne pas renoncer à son programme une fois aux portes du pouvoir.Par Boris (Bruxelles)
La note remise au PS en Wallonie, ‘‘les lignes rouges du PTB’’, allait dans la bonne direction avec l’exigence de rompre avec les carcans austéritaires, le refus des partenariats publics-privés (PPP), la gratuité des TEC, la création de 40.000 logements sociaux, l’arrêt des exclusions du chômage, un pôle public de l’énergie et des investissements dans les services publics. Selon le PTB, les discussions avec le PS n’ont été qu’une mauvaise pièce de théâtre pour que le PS parvienne à justifier un futur accord avec le MR auprès de ses électeurs. Elio Di Rupo dément et y a répondu dans sa lettre envoyée à tous les membres du PS : ‘‘fin des partenariats publics-privés, davantage de logements publics, gratuité des TEC en Wallonie, (…), création d’un pôle public de production et de fourniture d’énergie, (…). Nous avons souligné ces convergences et la possibilité de former un noyau de propositions fortes constituant le cœur d’un futur accord de gouvernement. Les représentants du PTB n’ont rien voulu entendre.’’ Le PS est évidemment peu crédible à ce sujet après sa participation à toutes les politiques néolibérales passées. Aucune de ces propositions n’a d’ailleurs été reprise dans la note ‘‘coquelicot’’ commune avec ECOLO, une note où les services publics ‘‘ne sont pas cités une seule fois dans le texte’’ selon Thierry Bodson.
Mais au lieu de quelques heures de discussions en coulisse, le PTB n’aurait-il pas mieux fait de prendre le temps, via des assemblées dans toutes les villes, d’impliquer le plus grand nombre possible de syndicalistes, de militants et d’électeurs dans un large débat public autour du programme et de la manière avec laquelle un gouvernement de gauche peut le réaliser ? Même en cas d’échec des négociations, cela aurait permis de préparer au mieux les mobilisations sociales à venir.
La participation de syndicalistes au débat aurait même pu enrichir la note du PTB en y ajoutant, pour la fonction publique, les revendications d’un salaire minimum de 14€/h et la semaine de travail de 32h sans perte de salaire avec embauches compensatoires. Ces revendications figurent également dans le programme électoral du PS. Ne valait-il pas mieux en faire des conditions strictes pour un soutien de l’extérieur en faveur d’un gouvernement coquelicot tout en clarifiant que les élus PTB ne voteraient aucun budget d’austérité ?
C’est vrai, nous ne devons pas nous bercer d’illusions sur les possibilités qu’un gouvernement minoritaire PS-ECOLO représente un véritable changement pour la vie des gens. Mais, si le PS avait accepté cette proposition, cela aurait pu aider à créer de l’enthousiasme pour développer la campagne de la FGTB ‘‘Fight for 14€’’ et la lutte pour remporter ce combat. Si au contraire le PS l’avait refusée, il aurait alors été évident aux yeux de tous que ce dernier choisissait délibérément de balancer par la fenêtre ses promesses électorales en matière de pouvoir d’achat une fois le scrutin passé.
Le PTB a raison : un plan radical d’investissements publics répondant aux besoins sociaux nécessite de rompre les carcans budgétaires imposés par la Commission européenne et par le gouvernement fédéral. Beaucoup de gens ont été surpris que le PTB rompe les discussions pour un accord de gouvernement wallon sur cette question. Cela s’explique par le manque de préparation durant la campagne. Cette revendication figurait bien dans le programme du PTB, mais enfouie vers la fin de ses 252 pages et diluée parmi 840 autres revendications. Dans les tracts, la sortie des traités d’austérité européens était plutôt présentée comme un élément qui serait défendu par un député PTB dans l’enceinte du Parlement européen. Cela n’a d’ailleurs pas été mentionné par Raoul Hedebouw lorsqu’il énumérait les points de rupture du parti pour entrer en coalition avec le PS et ECOLO lors de ses meetings électoraux. Pendant les élections, seul le PSL a popularisé l’idée de briser les carcans budgétaires volontairement imposés autour de notre appel à voter en faveur du PTB.
Le PTB émet aujourd’hui l’idée qu’un gouvernement de gauche en Wallonie ne saurait rompre avec ce carcan budgétaire s’il est soumis à un gouvernement de droite au Fédéral. Face à ce défi, un gouvernement de gauche en Wallonie devra prendre des initiatives audacieuses en vue de mobiliser le mouvement des travailleurs pour construire un rapport de force favorable tout en développant des liens solides avec le mouvement ouvrier en Flandre et à Bruxelles. Une telle approche préparerait le terrain pour un ‘‘gouvernement de la taxe des millionnaires’’ en Belgique, à condition de s’appuyer sur un programme de mesures socialistes.
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Vers une recomposition du paysage politique en 2019

Photo de Liesbeth Les résultats du sondage Dedicated Research, réalisé du 23 au 27 juin, ont été accueillis avec enthousiasme par de nombreux travailleurs et jeunes, y compris au camp d’été d’EGA et du PSL début juillet. Selon ce sondage, le PTB deviendrait le plus grand parti de Wallonie, progresserait fortement à Bruxelles et franchirait le seuil électoral en Flandre. Le PTB/PVDA deviendrait le plus grand groupe au Parlement fédéral avec 26 sièges, à pied d’égalité avec la N-VA. Cette recomposition du paysage politique pourra enflammer le parlement, orienter les débats politiques dans une direction différente et faire entendre la voix du mouvement des travailleurs bien au-delà du parlement.
Par Eric Byl, édito de l’édition de septembre de Lutte Socialiste
Ce n’était pas l’intention du MR quand il a commandé ce sondage. Il voulait mesurer l’impact électoral des scandales autour de Publifin et Samusocial, en espérant qu’il serait particulièrement mauvais pour le PS. C’est le cas, il plonge à 16%, la moitié de son résultat déjà médiocre de 2014. Mais ce n’est ni le MR (-2,6%) ni le CDH (-4,2%), dans les scandales jusqu’au cou, qui en bénéficient. Ecolo (+ 3,1%) et Défi vont de l’avant, mais c’est surtout le PTB et ses parlementaires au salaire d’un travailleur qui confirme et renforce la percée observée dans les sondages antérieurs.
La fin de la stabilité
Nous voyons ici encore que la conscience est habituellement en retard sur la réalité, qui ne progresse pas de manière linéaire mais par chocs, que l’histoire n’est pas le produit de l’évolution mais de la révolution en d’autres termes. L’époque où il était possible de masquer les contradictions de classe sur base de la croissance d’après-guerre est déjà loin. À cette époque, le parti interclassiste CVP pouvait encore se présenter comme l’architecte de la reconstruction, mais c’est devenu intenable au début des crises économiques en 1974-75 et cela explique les divisions politiques en Flandre. A la même période, la social-démocratie revendiquait la paternité de l’État-providence.
Pendant longtemps, le PS semblait immunisé à la crise internationale de la social-démocratie. Il pouvait compter sur un réservoir de travailleurs combatifs qui étaient envoyés vers le PS par les dirigeants syndicaux et, en même temps, se profiler dans les gouvernements de coalition comme une opposition interne à la majorité flamande de droite. Il n’a pas été puni pour le clientélisme et l’enrichissement personnel, jusqu’à ce que Di Rupo dirige un gouvernement austéritaire et que le PTB, avec ses premiers élus, fournisse une alternative électorale à gauche.
Ce sondage gêne également l’illusion développée par les dirigeants syndicaux selon laquelle le gouvernement Michel I serait presque automatiquement électoralement punis en 2019, après quoi la situation se ‘‘normaliserait’’ avec un gouvernement de centre-gauche. Au lieu de s’appuyer sur la force du mouvement des travailleurs, ils ont placé tous leurs espoirs dans leurs partenaires politiques traditionnels. Mais la N-VA prospère justement sur les frustrations créées par sa casse sociale. La repousser exige une force qui repose sur le mouvement unifié des travailleurs. Avec sa percée électorale, le PTB peut jouer un rôle important dans les deux régions du pays.
Que Lutgen attendait son moment pour envoyer le cdH vers la droite, ce n’était pas vraiment une surprise. Le PS lui a offert cette opportunité sur un plateau d’argent. Avec la formation d’une majorité alternative de centre-droit en Wallonie, la reconduction du centre-droite au niveau fédéral est également plus palpable. C’est en soi une petite révolution que Michel ne doit pas à ses propres forces, mais à la faiblesse de l’opposition politique et sociale.
Percée du PTB
Mais, avec la progression du PTB, cette révolution est immédiatement éclipsée par une plus grande encore. Michel peut s’imaginer être premier ministre, peut prétendre que lui et son gouvernement ont créé des emplois et peut parler d’un printemps économique, tout cela est très fragile. La grande majorité de la population ne remarque rien, ou si peu, et croit que le gouvernement sert les riches et les classes moyennes supérieures. Le gouvernement a reporté l’équilibre budgétaire, mais il nous fera encore subir des économies considérables et une ‘‘réforme fiscale’’ favorable aux entreprises. Si à cela s’ajoute une nouvelle crise financière internationale, le ralentissement de la croissance européenne et, par conséquent, la baisse des exportations, ou encore une augmentation des taux d’intérêt sur la dette publique, cela causera des problèmes et le PTB pourrait encore accroitre son score électoral.
Que le PTB mette en garde contre des attentes excessives est compréhensible. Mais une chance telle que celle-ci se présente rarement et si le PTB ne fait aucun effort pour la maximiser, l’élan peut passer. Les formules les plus réussies à l’étranger sont celles qui ont reposé sur des actions concrètes : Podemos en Espagne avec les Indignados, Sanders avec Occupy, Corbyn et Mélenchon avec des manifestations et meetings de masse. Ils ont généralement dû lutter contre la résistance des dirigeants syndicaux conservateurs qui ont soutenu Clinton, le PSOE espagnol et les adversaire de droite de Corbyn. Ce ne sera pas différent en Belgique.
Chacun d’entre eux a opté, non pas sans opposition, pour une approche inclusive. La France Insoumise de Mélenchon a mis en place des groupes de soutien dans tout le pays, Podemos a participé à des listes de convergence de gauche aux élections locales, etc. Une approche tout aussi axée sur l’action et inclusive aidera le PTB à maximiser le potentiel présent. Le PSL a d’ailleurs soumis par écrit une proposition au PTB pour voir comment nous pouvons y aider, y compris en offrant des candidats au PTB pour les élections communales de 2018.
Vers des majorités progressistes ?
Il est vrai que le PTB n’est pas encore en mesure de ‘‘former un gouvernement qui entrera en collision avec les principes actuels de concurrence et de déséquilibre’’ et qui ‘‘à cette fin demandera le soutien actif de la population’’, comme l’écrit Peter Mertens. Mais si le PTB confirme les résultats des sondages en octobre 2018, la question de majorités progressistes au niveau local peut être rapidement posée. Elles pourraient servir de levier en faveur de l’idée d’un gouvernement majoritaire de gauche, un gouvernement des travailleurs, d’abord au niveau régional.
Cela exige que ces majorités locales précisent qu’elles ont l’ambition d’appliquer une politique fondamentalement différente. L’introduction immédiate d’une semaine de 30 heures sans perte de salaire pour tous les employés communaux avec embauches compensatoires, le remplacement des contrats précaires par des statuts de fonctionnaire ou au moins des contrats à durée indéterminée, un programme massif d’investissements publics pour plus de logements sociaux, de qualité et énergétiquement neutres, et entre-temps assurer l’accueil pour tous les sans-abris ou ceux qui vivent dans la pauvreté, etc. Cela et bien d’autres mesures concrètes pourraient poser les bases d’une mobilisation massive de la population.
Le PTB et les majorités progressistes entreront en collision avec la crise financière dans laquelle les gouvernements régionaux et le fédéral maintiennent les communes. La mobilisation et l’organisation autour d’une lutte pour exiger plus de moyens seront nécessaires, ainsi qu’une préparation politique via des discussions ouvertes et démocratiques, mais aussi la défense et la popularisation d’un programme qui rend possible de parvenir à la victoire. Des propositions et mesures concrètes sont indispensables, mais également un projet pour ce qu’il conviendra de faire si l’establishment essaie de se nous étouffer, un projet qui ne peut être que celui du véritable socialisme démocratique car sinon ‘‘les marges pour changer la politique’’ n’existe pas.
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Crise politique: Vers des gouvernements de droite en Wallonie et à Bruxelles?

L’Élysette, le siège de la présidence du Gouvernement wallon. Photo: Flickr, Myben.be Benoit Lutgen, président du Cdh, a sonné le glas des coalitions avec le PS en Wallonie, à Bruxelles et en Fédération Wallonie-Bruxelles, ouvrant ainsi la voie pour la constitution de gouvernements de droite dans les entités fédérées avec le MR. Pour y parvenir, ils devront en payer le prix afin d’embarquer à bord Défi, incontournable à Bruxelles, et éventuellement Ecolo.
Edito, par Boris (Bruxelles)
Les nombreuses affaires Publifin, Kazakhgate, Samusocial,… ont remis à l’avant plan ce secret de polichinelle : les politiciens du PS, MR et CDH sont rongés par le carriérisme et la cupidité. L’avalanche de révélations ne semble plus s’arrêter. L’affaire du Samusocial à Bruxelles-Ville, où des mandataires PS se servent dans les caisses destinées aux plus démunis, a provoqué un profond dégoût. L’instrumentalisation de ce sentiment par le CDH pour tirer la prise des gouvernements des entités fédérées est d’une hypocrisie crasse, ce parti étant lui-même mouillé dans plusieurs affaires. Mais avec des sondages toujours plus mauvais faisant poindre la menace d’une 5e place en Wallonie et d’une 6e à Bruxelles, il fallait probablement faire quelque chose pour tenter de sauver la peau du CDH.
La bourgeoisification de la social-démocratie et son adhésion à la logique de casse sociale néolibérale ont favorisé l’arrivée de politiciens qui veulent se remplir les poches à la hauteur des cadres de haut vol du privé même dans des anciens partis ouvriers. A la différence des scandales qui ont frappé le PS de plain fouet au milieu des années 90 (INUSOP, Agusta,…) et au milieu des années 2000 (La Carolo), cette fois-ci, la grande récession de 2008 est passée par là. Elle a ouvert un processus de crise profonde pour la social-démocratie à travers l’Europe. En Grèce, en France, aux Pays-bas,… les partis-frères du PS ont été dépassés sur leur gauche. Chez nous, le PS avait encore pu tenir le coup auparavant, grâce à l’absence d’un concurrent de la gauche conséquente et en parvenant à se présenter comme une sorte d’opposition à l’intérieur des gouvernements nécessaire pour adoucir les mesures de casse sociale. Mais, depuis, il y a eu le gouvernement Di Rupo en charge d’éponger les dettes privées sur le dos de la collectivité, qui a ouvert la voie à un gouvernement thatchérien au fédéral.
Après les révélations du scandale Publifin, le PTB est passé pour la première fois devant le PS dans un sondage en Wallonie, laissant présager une prochaine percée électorale historique. Ce climat de scandales à répétition a donné tout son sens à la pratique d’élus rémunérés à hauteur du salaire moyen des travailleurs. Des élus exigent forcément des rémunérations correspondantes à la classe sociale qu’ils défendent. Mais la crise de la social-démocratie ne fait pas sentir ses effets qu’à gauche, tel que nous avons pu le voir avec l’émergence de La République en marche ! d’Emmanuel Macron en France, dont tente de s’inspirer Lutgen.
Dans les rangs patronaux, la crise politique en Wallonie et à Bruxelles est considérée comme une opportunité de renforcer le gouvernement Michel. Ainsi, pour l’Union Wallonne des Entreprises : ‘‘Cela rétablirait une certaine symétrie. Et ce serait a priori une bonne chose, car les mesures que prend le fédéral pour réduire le coût du travail et son projet de réforme de l’impôt des sociétés sont d’une grande importance pour les entreprises.’’ Au sein du MR, certain ironisent aujourd’hui sur le terme de ‘‘gouvernement kamikaze’’ qui avait été collé au gouvernement fédéral à ses débuts. Pourtant, à l’automne 2014, le mouvement de grèves l’avait bel et bien mis à genou. Mais l’occasion de lui porter le coup de grâce a été manquée.
S’en remettre à l’espoir que les élections de 2019 puissent délivrer un tout autre gouvernement est une illusion. Le gouvernement Michel reste fragile, mais sa plus grande force est la faiblesse de son opposition, avec en premier lieu un PS discrédité. Aujourd’hui, l’idée d’une opposition PS-CDH via les entités fédérées a volé en éclat. Cela conforte la possibilité de l’arrivée du CDH au fédéral après les élections de 2019 en cas de besoin pour reconduire un nouveau gouvernement de droite dure. L’avertissement est sérieux pour le mouvement des travailleurs. Nous avons besoin de mesures concernant la transparence de la vie publique mais elles ne sont en soi pas suffisantes. Il nous faut également, et surtout, un programme de lutte pour construire un rapport de force favorable aux travailleurs et à leurs familles. Mais aussi des élus qui vivent d’un salaire similaire au nôtre pour défendre un tel programme de changement social. C’est dans cette optique que le PSL, malgré ses forces modestes, tend la main au PTB pour l’aider à saisir au maximum les opportunités actuellement présentes.
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Wallonie : Le gouvernement Magnette-Prévot entame le sale boulot
Les majorités commencent à être élaborées dans tout le pays et, avec la constitution de ces gouvernements, les lignes politiques commencent à se dessiner. Si les coalitions peuvent sembler très diverses de Flandre en Wallonie en passant par Bruxelles et le Fédéral, il se trouve néanmoins un point commun majeur : l’application de la politique d’austérité !
Dans les pages du Soir, Paul Magnette avait fièrement déclaré en pleine campagne électorale que le gouvernement Di Rupo avait fait le « Dirty Work » (le sale boulot). Et, en effet, la politique menée a représenté plus de vingt milliards d’euros d’économies ! La majeure partie de cette somme a été trouvée via des coupes budgétaires qui ont touché travailleurs et allocataires sociaux. Et il y a encore eu l’imposition par le gouvernement Di Rupo d’une norme salariale synonyme de blocage des salaires hors indexation pour deux ans. Magnette, Prévot & Co veulent maintenant eux aussi faire le « sale boulot » au niveau régional.
800 millions d’euros à trouver… au moins
C’est en effet la somme qu’il faudra trouver pour les années 2015 et 2016. Rien n’indique que les choses seront amenées à être différentes par la suite. Le président de l’Union Wallonne des Entreprises (UWE), Jean-François Héris, avait donné le ton une fois les élections passées : « Nous avons une législature de 5 ans. Il faut en profiter. On doit faire des économies pour dégager des moyens que l’on injectera dans l’économie, dans l’enseignement. Jusqu’à présent, austérité, c’est resté un vilain mot. On parle de rigueur, de ‘recette belge’. Il faut mettre plus de tonus là-dedans. On doit oser parler d’austérité. » Paul Magnette lui avait répondu que « L’austérité serait une erreur parce qu’elle aggraverait la crise mais le contexte budgétaire ne sera pas simple. Il faudra trouver des marges partout où cela n’atteindra pas les citoyens et la création d’emplois ». Mais une fois à l’épreuve des faits, force est de constater que toute cette joute oratoire ne concernant que l’utilisation des termes…
La Région doit intégrer de nouvelles compétences transférées par le fédéral dans le cadre de l’application de la 6e Réforme d’Etat, mais sans que les budgets correspondants n’aient été transmis ! A côté de cela, certains « investissements » notamment liés aux Partenariats-Public-Privé (PPP) doivent maintenant être considérées comme des dépenses selon les nouvelles normes comptables européennes (cela représenterait 500 millions d’euros de dépenses supplémentaires dans les 3 ou 4 prochaines années).
La Déclaration de Politique Régionale (DPR) stipule notamment qu’un fonctionnaire sur cinq partant en pension seulement serait remplacé de 2015 à 2016, un sur trois ensuite de 2017 à 2019. Qui prétendra sérieusement que cela « n’atteindra pas les citoyens et la création d’emplois » ? Quant aux mesures pour l’emploi, l’engagement des jeunes peu qualifiés sera encouragé par un taux de cotisations sociales de 0%. Un beau cadeau pour le patronat, qui servira de plus à monter encore plus les différentes catégories de travailleurs les unes contre les autres.
Comme l’a déclaré l’un des deux députés régionaux du PTB, l’ancien sidérurgiste Frédéric Gillot, le menu du gouvernement wallon : « C’est l’austérité en entrée, en plat principal et en dessert. C’est pour ça que la DPR me reste en travers de la gorge. C’est la soupe aux cailloux. Un menu indigeste. » Nous ne pouvons que nous retrouver sur ce constat. Et les nouvelles ne seront pas meilleures concernant la Fédération Wallonie-Bruxelles, comme l’ont déjà laissé entendre les lourdes menaces qui pèsent sur l’enseignement.
Ne nous laissons pas endormir par de belles paroles !
La coalition wallonne « progressiste » fera tout pour dire que ce gouvernement est radicalement différent des autorités fédérale ou flamande afin de tenter d’amoindrir la résistance sociale contre ses mesures. Il est vrai que le gouvernement flamand est officiellement ancré à droite, mais la suppression de la gratuité des transports en commun pour les plus de 65 ans en Flandre est par exemple une idée soufflée par la précédente législature wallonne (la mesure est entrée en vigueur en 2013 pour les TEC), la coalition prétendument progressiste de l’Olivier !
Les mesures d’austérité vont arriver de toutes parts : du fédéral, des Régions, de la Fédération Wallonie-Bruxelles et des communes. Nous ne devons pas laisser la force du mouvement des travailleurs être divisée, nous devons riposter tous ensemble ! Et en plus des diverses mesures que prendront les autorités néolibérales, n’oublions pas que les négociations pour le prochain Accord Interprofessionnel se profilent à l’horizon !
Le jour-même des élections, le secrétaire fédéral de la FGTB Jean-François Tamellini avait lancé un appel pour un « vaste mouvement social » sur les réseaux sociaux. Il déclarait notamment : « Ce ne sont pas les politiques ou les gouvernements qui nous permettront de sortir de la dictature de la finance et de l’exploitation capitaliste. Ceux-là continueront simplement à discuter du poids des chaînes. SI LA VOLONTÉ EST DE BRISER LES CHAÎNES, CE N’EST QU’EN ORGANISANT UN VASTE MOUVEMENT SOCIAL QUE NOUS Y PARVIENDRONS! » De son côté également, le PSL n’a cessé de défendre durant toute la période de la campagne électorale la nécessité de construire un large front de résistance contre l’austérité, à tous les niveaux de pouvoir. Nous devons organiser la lutte pour défendre nos conquêtes sociales et en obtenir d’autres. De nombreuses organisations politiques, syndicales et associatives veulent résister contre la logique capitaliste qui nous est imposée, elles doivent œuvrer à l’émergence d’une lutte conséquente menée en commun sur le terrain, avec un bon plan d’action audacieux et allant crescendo, qui lie campagnes de sensibilisation et mobilisation vers une succession d’action jusqu’à la grève générale, et même plusieurs si besoin est.
Une autre logique est possible, et nécessaire. Suffisamment de richesses existent aujourd’hui pour en finir avec la pauvreté, le manque d’emplois, le manque de logements sociaux, le manque de moyens pour l’enseignement, les soins de santé, etc. Mais alors que nous n’avons jamais créé autant de richesses, il n’est question que d’appauvrissement et d’efforts pour la majorité de la population : ce qui est créé par la force et la sueur des travailleurs ne sert qu’à satisfaire la soif de profit des capitalistes. Nous devons riposter contre les attaques antisociales, c’est vrai, mais ce combat ne pourra véritablement rencontrer la victoire que s’il est lié à la lutte pour une autre société, une société où les secteurs-clés de l’économie seront démocratiquement gérés par les travailleurs, une société socialiste.
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[DOSSIER] Pour un relais politique des luttes des travailleurs!
27 avril. Meeting à Charleroi pour une alternative à la gauche du PS et d’Ecolo
“Construisons ensemble une alternative de gauche à la crise capitaliste.” Voilà le thème d’un important meeting à Charleroi ce 27 avril, à la suite du discours osé que fit Daniel Piron, secrétaire général de la FGTB Charleroi Sud-Hainaut, le premier mai dernier. Durant ce discours, il constatait que le PS et Ecolo ne représentent plus les intérêts de la population et lançait un appel à ‘‘un rassemblement à gauche du PS et d’Ecolo afin de redonner espoir et dignité au monde du travail.’’ Le meeting de Charleroi est une initiative commune de la FGTB Charleroi Sud-Hainaut, de la CNE Hainaut et de plus ou moins tous les partis et groupes conséquemment de gauche.
Par Eric Byl
Meeting pour une alternative à la gauche du PS et d’ECOLO Samedi 27 avril de 13h30 à 17h30 à la Géode, rue de l’Ancre – 6000 CHARLEROI (en voiture : sortie ‘expo’ sur le ring de Charleroi, en train, descendre à ‘Charleroi-Sud’) Plus d’infos
Le discours de Daniel Piron n’était pas le fruit d’une irritation personnelle irréfléchie mais au contraire le résultat d’une réflexion parvenue à maturité avec toutes les centrales de la régionale, sur base de discussions avec les militants. Parmi ces derniers, l’appel fut d’ailleurs bien reçu. Mais il a donné des frissons aux appareils du PS et d’Ecolo et probablement aussi à certaines parties des syndicats. Les medias, lesquels ignorent normalement de telles déclarations, ont bien été forcés de la commenter. Après tout, Piron représente une régionale de la FGTB forte de 110.000 membres et d’une grande tradition syndicale. Dans les milieux de droite et patronaux, où le dédain s’est mêlé à l’espoir qu’il ne s’agisse que d’un phénomène passager, il serait surprenant qu’aucun œil attentif n’ait été rivé sur l’initiative.
Les secrétaires de cette régionale de la FGTB auraient pu choisir une voie plus facile. Comme tellement d’autres, ils auraient pu hausser les épaules et attendre que quelqu’un d’autre ose faire le pas. Il y a toujours une raison pour dire qu’il est soit trop tôt, soit trop tard, ou encore que les gens ne sont pas encore prêts, que les autres régionales ne suivent pas, que ce sont les politiques qui doivent prendre l’initiative, etc. Au lieu de cela, ils ont agi selon les habitudes de leurs meilleurs militants. Passer à l’action, cela comporte toujours un risque. Le patron cherche-t-il la provocation ? La base suivra-t-elle ? Les autres syndicats seront-ils de la partie ? Ne court-on pas le risque de s’exposer et d’être vulnérable aux représailles? Ces considérations sont légitimes et ne doivent pas être traitées à la légère. Mais celui qui n’entreprend jamais rien a perdu d’avance.
S’ensuivit alors une période de plusieurs mois durant laquelle le terrain a été tâté, notamment en donnant des interviews et en participant à des débats. Finalement, à partir du mois de janvier, une réunion a rassemblé les représentants des partis réellement de gauche afin d’évaluer leurs réactions et de considérer leurs propositions. Dès le début, les secrétaires ont été clairs : ils ne voulaient rien précipiter, ils ne désiraient pas une répétition de Gauche Unie (3) ou mettre pression sur qui que ce soit, mais ils espéraient obtenir un consensus. D’un autre côté, ils indiquèrent bien l’urgence du projet. Jouer gros jeu, ça, ils l’avaient déjà fait le premier mai 2012. Le prochain pas devait être posé en tenant compte des difficultés et des sensibilités diverses, tout en répondant à l’urgence.
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PSL et PTB+
Le PSL ne veut pas diminuer les mérites du PTB. Aux dernières élections communales, ce parti a obtenu 53 élus. Ce résultat a été préparé avec un engagement militant maintenu des années durant, une implantation importante dans les quartiers et les entreprises et une stratégie médiatique intelligente. Le PTB est la composante de la gauche conséquente la plus visible. Mais un facteur important dans la croissance du PTB, au niveau de ses membres et de son électorat, est constitué par le changement de cap de 2008, vers plus d’ouverture. C’est pour cela que le PTB a pu toucher une fraction du public pour une formation de gauche conséquente.
De nombreux nouveaux membres et encore plus de nouveaux électeurs du PTB ont notamment déterminé leur choix grâce à ces signes visibles de plus d’ouverture, non pas pour en finir avec, mais justement pour encourager ce développement et l’approfondir. A côté du PTB, il existe de nombreux militants organisés et non-organisés qui disposent aussi d’une implantation importante. Le pas logique suivant est donc de les impliquer et d’utiliser leur potentiel de manière maximale. Le PSL comprend bien la prudence du PTB, sa peur de rentrer dans une aventure et sa volonté absolue de ne pas risquer son nom, mais laisser ce potentiel de côté pourrait bien avoir un effet contraire. Le PSL a déjà précédemment suggéré au PTB et aux autres partis et groupes de la gauche conséquente d’élaborer ensemble un projet pilote. Nous restons prêts à réfléchir ensemble à ce sujet.
C’est ainsi que nous en sommes finalement arrivés à ce meeting, où la question d’un relai politique sera présentée sans autres détours à plusieurs centaines de militants. Des militants d’autres syndicats et d’autres centrales et régionales qui ont peut-être encore des doutes pourront venir sentir l’atmosphère avant de risquer le plongeon. Les partis et groupes véritablement de gauche pourront non seulement y échanger leurs opinions mais avant tout venir évaluer comment la base syndicale réagit. Finalement, et c’est le pourquoi de cette date du 27 avril, la base peut être posée afin que cette question cruciale soit clairement présente parmi les militants lors des innombrables activités du premier mai.
Le mouvement ouvrier belge a fortement souffert des innombrables mécanismes de ‘diviser pour régner’ que la bourgeoisie a intégrés dans notre système, surtout sur base linguistique et religieuse. Heureusement, chez les secrétaires de la régionale, aucune illusion régionaliste n’était perceptible. Les militants flamands sont plus que bienvenus, non pas en tant que spectateurs mais comme des alliés indispensables. Si l’initiative arrive à s’étendre d’avantage, ce sera une donnée à prendre en considération. De surcroit, le syndicat chrétien des employés (la CNE) prendra place à la tribune à côté de la FGTB Charleroi Sud-Hainaut. Les déclarations de son secrétaire général Félipe van Keirsbilck connaissent un soutien considérable parmi sa base, bien que la CNE (170.000 membres) reconnaisse que la discussion n’est pas encore à un stade aussi avancé parmi ses membres qu’au sein de la régionale FGTB.
Cela explique pourquoi une mobilisation interne de quelques centaines de militants a été décidée au lieu d’une large mobilisation publique avec d’innombrables tracts dans les entreprises et en rue. Espérons que cela soit pour une autre fois. Bien entendu, les opposants à cet appel vont exagérer ses faiblesses. Sous le titre ‘‘Menaces à gauche pour le PS et Ecolo’’, l’hebdomadaire Le Vif signala que ‘‘Piron et les siens sont confrontés à un problème d’envergure: leur isolement dans le syndicat socialiste.’’ Subtilement, on remarque que la CNE exclu de faire un appel direct pour une liste en 2014. Félipe van Keirsbilck est cité : ‘‘Nos règlements nous interdisent d’avoir des amis politiques’’. Mais van Keirsbilck ajoute tout de même que les élus qui prochainement vont signer le pacte budgétaire européen ‘‘n’auront pas notre confiance en 2014. Dans l’isoloir, cela va déjà éliminer pas mal de candidats.’’
L’appel de Piron n’est pas le premier du genre. L’attitude loyale de la social-démocratie et des verts face à la casse sociale ne date pas d’hier. La résistance contre le Plan Global en 1993 avait déjà conduit à Gauches Unies. En 1994, à Anvers, le Mouvement pour le Renouveau Social est né. Pour les élections européennes de 1999, Roberto D’Orazio (de la lutte de Clabecq) avait rassemblé la gauche radicale sur une liste européenne sous le nom de ‘Debout!’. Mais tout cela est arrivé après la chute du Mur de Berlin et du stalinisme, qu’on présentait alors erronément comme étant du ‘‘socialisme’’, et dans une période de croissance économique dans les pays occidentaux. L’illusion selon laquelle le capitalisme allait en fin de compte assurer la prospérité de tous existait encore. Nous savons ce qu’il en est aujourd’hui.
Depuis, le PSL a participé à presque chaque tentative de parvenir à un nouveau rassemblement de gauche large, inclusif et pluraliste. Les plus récents ? Le Comité pour une Autre Politique (CAP, né après la lutte contre le Pacte des Générations), Rood avec l’ancien candidat-président du SP.a Erik De Bruyn, le Front de Gauche à Charleroi et La Louvière, le Front des Gauches puis Gauches Communes à Bruxelles, ainsi que VEGA à Liège. Était-ce une faute ? Nous ne le pensons pas, nous avons appris énormément de ces expériences et nous n’avons jamais arrêté la construction du PSL en parallèle.
Mais une idée a beau être correcte, il faut des événements concrets pour qu’elle soit reprise par des couches plus larges de la société. La conscience a de toute façon un retard sur les conditions matérielles pour alors, sur base d’événements concrets, les rattraper par bonds. Pensons aux révolutions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Nous pensons que ce n’est pas une coïncidence quelques années après le début de la plus grande crise du capitalisme depuis les années ’30 une régionale importante de la FGTB et une centrale importante de la CSC mettent si explicitement la nécessité d’une nouvelle formation de gauche à l’agenda.
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Qu’un long chemin soit encore devant nous, personne ne le nie, et certainement pas ceux qui ont pris l’initiative. La question d’une liste commune en 2014 n’est d’ailleurs pas à l’ordre du jour. Mais il y a bien une raison qui explique pourquoi Le Vif s’est senti obligé d’écrire à ce sujet et pourquoi les autres medias ne peuvent eux non plus pas tout simplement ignorer l’initiative: qu’une régionale entière de la FGTB et qu’une centrale de la CSC qui réunissent ensemble 280.000 membres s’expriment explicitement pour une alternative de gauche, c’est une première absolue. Ça ne va pas disparaitre comme ça, c’est une expression de l’écart croissant entre la base syndicale et leurs partenaires politiques traditionnels, un écart qui ne va que s’agrandir dans les mois et années à venir.
Quatre questions auxquelles répondre :
Qu’arrivera-t-il si aucune alternative large de gauche n’est lancée ?
Dans son discours du premier mai 2012, Daniel Piron remarquait que la formule magique ‘‘ce serait pire sans nous’’ fait offense à l’intelligence des syndicalistes. Il citait Jean-Claude Van Cauwenberghe (PS) qui, durant le conflit Splintex, qualifiait les grévistes de ‘‘tache noire sur la carte de la Wallonie.’’ Longtemps, le PS a su se dissimuler derrière une ‘‘Flandre de droite’’ et se profiler comme opposition au sein du gouvernement. C’est bel et bien fini. En tant que Premier Ministre, Di Rupo a introduit le plan d’austérité le plus dur jamais mis en œuvre en Belgique. Est-ce la fin du ‘‘moindre mal’’ ? Bien des travailleurs continueront de voter PS avec une pince à linge sur le nez faute d’une alternative suffisamment développée. Nous ne devons pas chercher bien loin pour nous faire une idée du scenario auquel la Wallonie et Bruxelles peuvent s’attendre si aucune alternative large de gauche n’arrive. Bien plus rapidement que son parti-frère francophone, le SPa flamand s’est défait de son passé “socialiste” et de sa base traditionnelle. De ses maisons du peuple, de sa riche vie associative, de ses meetings fortement fréquentés et de ses cellules jeunes critiques, il ne reste presque plus rien. Durant les conflits sociaux, les travailleurs aperçoivent généralement le SPa de l’autre côté des barricades.
Cependant, à chaque élection, l’appareil de l’ABVV (l’aile flamande de la FGTB) envoie ses militants voter pour ce parti. La Ministre de l’Emploi SPa Monica De Coninck a remercié l’ABVV en ces termes : ‘‘Aussitôt qu’on négocie un accord interprofessionnel, il y a toujours quelque chose qu’ils ne peuvent accepter.’’ (4) Bruno Tobback, Président du SPa, a déclaré que : ‘‘L’ABVV n’a aucune culture pour expliquer les choses difficiles. Vous ne pouvez pas demander le maintien de l’Index et en même temps vous attendre à ce qu’il reste une marge pour une augmentation des salaires.’’ (5) ‘‘Avec les autres, ce serait pire’’, c’est un argument usé jusqu’à la corde.
Faute d’une alternative sérieuse, les militants regardent de plus en plus vers l’opposition la plus visible, même si celle-ci est populiste et économiquement de droite comme l’est la N-VA. En 2010, seuls 32% des membres de l’ABVV ont voté pour le SPa contre 22% pour la N-VA et 19% pour le Vlaams Belang! Pour l’ACV (l’aile flamande de la CSC), ce n’est pas mieux: 27% ont voté CD&V, 31% N-VA et 13,5% Vlaams Belang. (6)
Un parti syndical ?
Le professeur Jan Blommaert (université de Gand) écrivait en mars : ‘‘Pourquoi pas un parti syndical ?’’ (7) ‘‘Un parti de la Solidarité, de l’Action Sociale, ferait battre bien des cœurs, y compris dans l’isoloir… Il mettrait les thèmes socioéconomiques à l’agenda, pas dans la marge des débats mais bien au centre. (…) L’idée d’un parti syndical provient des milieux syndicaux eux-mêmes. (…) Plus j’y pense, plus logique et plus important cela me parait. Si les syndicats prennent leur rôle historique au sérieux, tout comme leurs origines, alors ils doivent poser ce pas en avant maintenant. Dans une crise aussi profonde et avec de telles répercussions, ils ne peuvent éviter la question du pouvoir.’’
Pour lui, il va de soi que l’initiative parte des syndicats. La place nous a manqué pour publier ici l’intégralité de l’appel pour le 27 avril (voir Construisons ensemble une alternative de gauche à la crise capitaliste) Ce texte répète le constat du 1er mai 2012 en confirmant son actualité et en affirmant également : ‘‘Il nous faut mettre ce système capitaliste aux oubliettes de l’histoire. Ce système ne peut être réformé. Il doit disparaître. Mais se contenter de l’affirmer du haut de cette tribune ne suffit pas. Faut-il encore nous en donner les moyens et le relais politique pour concrétiser notre objectif.’’ S’il faut compter sur le sommet syndical pour ça, alors nous avons encore un long calvaire devant nous.
Anticapitaliste ?
Le PSL est d’accord avec l’appel. Nous défendons une économie basée sur la solidarité et non sur la concurrence. Cela exige la nationalisation des secteurs clés de l’économie, du secteur financier, du transport, de l’énergie ainsi que l’enseignement et les soins de santé. Mais aussi des entreprises menacées de fermeture ou de restructuration comme Ford, ArcellorMittal, Caterpillar, MLMK, etc. Non pas avec des chefs d’entreprise comme Didier Bellens ou Johnny Thys, mais sous le contrôle des travailleurs et de la collectivité. Il sera alors possible de planifier l’économie de manière véritablement démocratique en fonction de nos besoins et non plus des profits d’une poignée de capitalistes dont les fortunes disparaissent sous les tropiques.
Nous défendrons également notre programme dans un relai politique qui reste à concrétiser. Mais si, temporairement, nous ne pouvons pas convaincre tout le monde, cela ne nous arrêtera pas pour prendre part à une initiative moins explicitement ‘‘anticapitaliste’’ ou ‘‘socialiste révolutionnaire’’, pourvu qu’une austérité au dépend des travailleurs et des allocataires sociaux ne soit tolérée et que le rétablissement complet de l’index et la revalorisation des allocations fasse partie du programme, pourvu que l’on mette en avant une réduction générale du temps de travail sans perte de salaire pour combattre le chômage, pourvu que la défense des services publics soit dans le programme.
Selon les politiciens actuels, les idées ne se réalisent qu’en prenant part au gouvernement. C’est faux, historiquement et dans les faits. Tous nos grands acquis sociaux ont été le fruit de la construction d’un rapport de force à travers la lutte. Une véritable alternative de gauche ne chercherait pas d’alliés parmi des partenaires de coalition de droite qui l’entrainerait dans une politique d’austérité, mais bien dans les entreprises et dans la rue. Nous devons rompre avec cette politique de coalitions d’austérité et construire au contraire un parti de lutte.
Indépendance syndicale ?
Nous comprenons les militants syndicaux qui défendent l’indépendance syndicale. Aujourd’hui, nos dirigeants syndicaux sont généralement une courroie de transmission pour leurs ‘‘amis politiques’’. Mais ce sont bien des dirigeants syndicaux, surtout ceux de gauche, qui se retrouvent aujourd’hui dans une situation extraordinaire en offrant des facilités (organisationnellement, financièrement et surtout en engageant leurs délégués) pour donner forme à une telle initiative. Pourquoi ne pas s’engager en se mettant eux-mêmes au premier rang ?
Nous ne devons pas être dupes. Durant la formation syndicale de nos nouveaux militants, nous expliquons qu’il y a trois choses qui n’existent pas dans notre société de classe: l’objectivité, la neutralité et l’indépendance. L’indépendance de classe ne compte d’ailleurs pas pour les chefs syndicaux de droite quand il s’agit de faire cause commune avec ceux qui sont au premier rang pour mener la casse sociale. Ne laissons pas notre indépendance syndicale être un obstacle pour mettre sur pied une réelle alternative à la gauche du PS et d’Ecolo. Avec les délégués de gauche, les secrétaires et présidents de gauche dans n’importe quelle centrale ou syndicat ont également à prendre leurs responsabilités.
Pour éviter qu’une véritable alternative de gauche ne prenne le même chemin que les partenaires politiques traditionnels, nous avons avant tout besoin de démocratie, aussi bien au sein de cette alternative de gauche que dans les syndicats eux-mêmes. Cela signifie entre autres qu’un élu doit prendre ses responsabilités et à la rigueur être révoqué et remplacé. Cela signifie aussi que cet élu, tout comme les milliers de délégués et militants dans les entreprises, ne puisse pas gagner d’avantage que la moyenne de ceux qu’il ou elle représente. Comment peut-on après tout représenter des employés si on possède un niveau de vie qui ne ressemble en rien aux conditions dans lesquelles ils vivent et travaillent ?
Notes :
- http://jeunesfgtbcharleroi.wordpress.com/2012/05/03/discours-de-daniel-piron-secretaire-regional-de-la-fgtb-charleroi-1er-mai-2012/
- PTB-PVDA, Rood, Mouvement de Gauche, Front de Gauche Charleroi, Parti Communiste, Parti Humaniste, LCT, LCR-SAP, PSL-LSP
- Voir cadre .
- Humo 19 février 2013
- Het Nieuwblad 21 février 2013
- Sur base d’une étude électorale à la KUL en 2010
- https://jmeblommaert.wordpress.com/2013/03/19/waarom-geen-vakbondspartij/
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Les révoltes mondiales contre ce système sans perspective suscitent la recherche d’une alternative (3)
La Belgique – un pays riche
68. Nous avons montré dans la partie internationale de ce texte la façon dont la crise a accru les divisions parmi la bourgeoisie, au point qu’elle en arrive à une impasse. Ses diverses factions sont en désaccord sur plusieurs choses, mais surtout sur la question de savoir s’il faut mettre tout de suite le couteau sur la gorge des travailleurs ou s’il ne vaut mieux pas le faire graduellement, afin de ne pas causer de réaction incontrôlée. La bourgeoisie belge s’est heurtée plusieurs fois au mouvement ouvrier belge par le passé. La classe ouvrière belge est une des plus productives au monde, qui combine de plus le degré d’organisation du mouvement ouvrier d’Europe du Nord, à la spontanéité de l’Europe du Sud. De ce fait, elle est l’un des mouvements ouvriers les plus effrayants au monde. Les leçons que la bourgeoisie a tiré de cela est qu’elle ferait mieux d’éviter les confrontations directes, en concluant des accords avec les dirigeants d’au moins un des deux syndicats.
69. Cela a plutôt bien fonctionné pour la bourgeoisie belge. Depuis la Deuxième Guerre mondiale, les travailleurs belges ont gagné en termes de productivité, passant du dessous au top cinq mondial. Cette position est tenue depuis déjà trente années. À côté de la position géographique de notre pays, de son infrastructure, et de son niveau d’éducation (et en particulier la connaissance des langues), le fait qu’il s’agit d’une porte d’accès pour l’Europe, que les institutions européennes opèrent à partir de Bruxelles, et le régime fiscal extrêmement favorable pour les multinationales expliquent la productivité des travailleurs belges (c’est-à-dire, la quantité de bénéfice obtenue pour chaque euro payé en salaire, NDT) et la force d’attraction de la Belgique pour les investissements étrangers. Notre pays fait déjà depuis des années partie des destinations privilégiées pour les investissements étrangers directs. L’an dernier, il s’agissait de 62 milliards de dollars, ce qui place notre pays à la quatrième position mondiale. Seuls les USA (228 milliards de dollars), la Chine (106 milliards de dollars) et Hongkong (69 milliards de dollars) ont fait mieux.
70. Une partie de ces investissements doit être nuancée parce qu’ils sont liés à la fonction de port de transit de notre pays. De là, le haut montant d’investissements directs de l’étranger sortants (38 milliards de dollars), soit le dixième plus élevé au monde. Et puis, il y a encore la déduction des intérêts notionnels, qui rend très intéressant pour les entreprises d’artificiellement gonfler leur base de capital afin d’utiliser cette déduction de façon maximale. En 2010, la Flandre était la destination de 68% des investissements étrangers en Belgique, Bruxelles de 13%, et la Wallonie de 19%. En Flandre, la moitié de ces investissements seraient constitués de ce qu’on appelle les “greenfields”, de vrais nouveaux investissements et non pas l’élargissement de projets existants, des participations ou rachats. Ce nombre serait encore plus grand si on le prenait à l’échelle de toute la Belgique.
71. Ces bonnes prestations ont fait de la Belgique un pays riche. La fortune financière des familles est de 931 milliards d’euros, à peu près 270% du PIB. Après avoir retiré les dettes (surtout des emprunts hypothécaires), il reste en tout 732 milliards d’euros en net, soit 210% du PIB – de loin le chiffre le plus élevé de toute l’Europe. Dans la zone euro, ce chiffre est en moyenne de 128%. Les 10% des revenus les plus élevés en Belgique représentent 30% de tous les revenus du travail, mais 53% de la fortune financière et même 32% de la “fortune financière à valeur de marché” (obligations, actions, fonds d’investissement, soit tout ce qui n’est pas cash, dépôts, bons de caisse et investissements dans les sociétés d’assurance et fonds de pension). Ces hautes fortunes sont à peine imposées. Selon l’agence “PricewaterhouseCoopers”, le revenu d’un investissement de 5 millions d’euros – une moitié en actions, l’autre moitié en obligations –, est en Belgique imposé de 15%, aux Pays-Bas de 26%, en Allemagne et en Grande-Bretagne de 30% et en France de 37%.
72. Les entreprises payent elles aussi de moins en moins d’impôts dans notre pays. La CSC a démontré que le taux d’impôt réel pour les entreprises a été raboté de moitié en dix ans : de 19,9% en 2001 à 11,8% en 2009, principalement par la déduction des intérêts notionnels. En 2009, les entreprises avaient réalisé un profit avant impôt de 94 milliards d’euros. Elles ont payé 11 milliards d’euros d’impôts d’entreprise. Au tarif de 2001, l’Etat aurait eu 7,6 milliards d’euros supplémentaire et au tarif légal de 33,99% il aurait été question de 21 milliards d’euros supplémentaires. Parce que la déduction des intérêts notionnels peut être transmise durant 7 ans, les grandes entreprises ont un surplus déductible cumulé de 12,6 milliards d’euros. Si elles utilisent cela, le gouvernement rate encore 4 milliards d’euros. Ici aussi, la règle est que les plus riches s’en vont avec les plus grandes pièces. En 2009, 17,3 milliards d’euros d’intérêts notionnels ont été accordés, dont seul 925 millions d’euros, 5% du total, a été attribué aux PME. En moyenne, ces dernières payent un impôt réel de 21%.
73. Tout cela vient en plus de la fraude fiscale, qui est de 30 milliards d’euros par an. Les grands dossiers de fraude débouchent systématiquement sur un cul-desac. Ça a été le cas pour la KBC, ce l’est maintenant pour Beaulieu. Il n’en ira pas autrement pour la fraude récemment dévoilée dans le secteur diamantaire. D’où vient alors cette thèse selon laquelle la Belgique a un taux d’impôts très élevé ? Des 150 milliards d’euros d’impôt que l’État encaisse, seuls 2,5 milliards sont issus des fortunes, et 10 milliards des impôts sur les sociétés. Notre salaire indirect, les contributions sociales ou la parafiscalité indirecte donnent 50 milliards d’euros. Les impôts indirects (surtout la TVA), rapportent encore 44 milliards et l’impôt sur les personnes physique une somme comparable. En bref : la pression fiscale est haute, mais pas pour les fortunes ni pour les entreprises.
D’où provient la dette de l’État ?
74. Dans la période d’après-guerre, les patrons belges étaient prêts à céder aux revendications pour de meilleurs salaires et une plus grande protection sociale. Les profits étaient élevés, la productivité montait rapidement et le mouvement ouvrier avait fait sentir plusieurs fois qu’il n’allait pas se laisser faire. La bourgeoisie belge n’a jamais excellé sur le terrain du renouvèlement de ses outils de production. Quand les secteurs traditionnels sont passés en crise, elle a préféré les voies plus sûres et depuis longtemps utilisées du capital financier, c’est-à-dire vivre de ses rentes. Elle a laissé au gouvernement la construction de l’infrastructure nécessaire et aux syndicats la livraison de la main d’oeuvre par lesquelles étaient attirées les multinationales. Pour la classe moyenne flamande, c’était l’opportunité de promotion sociale par excellence. Quelques-uns sont devenus fournisseurs pour les multinationales, d’autres devenaient managers. De temps en temps, cette classe moyenne se pose en tant que bourgeoisie, mais elle ne s’est jamais libérée de son mélange de jalousie et de flatterie envers la véritable grande bourgeoisie, ni de sa haine pour le mouvement ouvrier.
75. Quand la crise est arrivée dans notre pays en ’75, au début, la bourgeoisie n’osait pas la confrontation avec le mouvement ouvrier. La perte de 250.000 emplois dans l’industrie a été compensée par la création de 350.000 emplois à l’État. Mais cela ne devait rien rapporter à l’État : ainsi, il était interdit à La Poste d’offrir des produits d’épargne à ses clients parce que cela faisait trop concurrence aux banques. Les secteurs en difficulté ont été restructurés aux frais de la collectivité, tandis que les parties intéressantes étaient vendues au plus offrant pour une bouchée de pain. La nationalisation des pertes et la privatisation des profits n’est vraiment pas quelque chose de nouveau qui aurait été inventé pour Dexia. En poussant la facture vers l’État, les chrétiens-démocrates et les sociaux-démocrates (essentiellement), cherchaient à éviter une confrontation entre patrons et travailleurs. Qui plus est, les politiciens se présentaient de plus en plus en tant que représentants de leur propre groupe linguistique et revendiquaient avec la fameuse politique du “moule-à-gaufre” (c’est-à-dire, que chaque investissement dans une région oblige à faire le même investissement dans l’autre) des compensations à chaque fois qu’ils pensaient que leur communauté avait moins reçu que l’autre. Tous les partis ont participé à cette politique, sauf les verts qui n’existaient pas encore.
76. Ceci explique le haut degré d’endettement de l’État belge. Pour la bourgeoisie belge traditionnelle, cette dette n’était au début pas un très grand problème. Au contraire, la dette du gouvernement belge était un bon investissement. En ce temps-là, 90% de la dette de l’État se trouvait encore entre les mains d’investisseurs institutionnels belges. Avec l’introduction de l’euro, ce chiffre a diminué de plus de moitié. À ce moment-là, on partait encore de l’idée que la dette allait diminuer une fois l’économie relancée. Mais cela ne s’est pas passé comme ça. Les dettes ont bientôt atteint 100% du PIB, et on a commencé à craindre un effet “boule de neige”, par lequel il fallait faire de nouveaux emprunts uniquement pour payer les intérêts des emprunts précédents. Il fallait arrêter de “vivre audessus de ses moyens”. On a d’abord essayé de faire passer cela avec des coalitions de droite reprenant libéraux et chrétiens-démocrates, mais cela a conduit à une résistance du mouvement ouvrier, avec le dirigeant de la CSC Houthuys qui à un certain moment s’est mis à crier que Verhofstadt (qu’il qualifiait de “gamin”) lui rendait impossible la tâche de continuer à contrôler sa base. Après une crise gouvernementale longue de 148 jours (qui était à ce moment la plus longue de notre histoire), la bourgeoisie est revenue à sa vieille tactique éprouvée : arriver à un deal avec les dirigeants syndicaux.
77. Cette tactique éprouvée a donné les résultats espérés. La réduction de la dette de l’État, de son point culminant de 134% du PIB en 1993, à son point le plus bas (provisoirement), de 84,2% du PIB en 2007, est aujourd’hui considérée comme un modèle au niveau international. Avec le Plan global, on nous a imposé de “vivre selon nos moyens”. Le taux de pauvreté officiel est grimpé de 6% à 15%, la partie des salaires dans le revenu national a diminué de 10%, les investissements dans les soins de santé, les logements sociaux, l’enseignement, l’infrastructure, etc., ont été postposés. Mais ce n’était pas tout le monde qui devait assainir. Les profits des entreprises battaient chaque année de nouveaux records sur lesquels elles étaient toujours moins imposées. On entend parfois dire que la Belgique est pays de “citoyens riches avec un État pauvre” : ce n’est pas vrai. Quelques citoyens sont ultra-riches, mais la plupart ne peuvent que rêver de la fortune financière moyenne, valant officiellement la somme de 85.000 euros, dont devrait disposer chaque Belge en moyenne. De moins en moins de familles ouvrières se sentent impliquées quand on dit que “nous” vivons au-dessus de nos moyens. Ils ont jeté l’argent par les fenêtres
78. C’est cependant là-dessus que les politiciens se disputent depuis déjà des années : de quelle manière imposer aux travailleurs et à leurs familles de se serrer la ceinture après des années de haut niveau de vie ? De temps en temps, nos politiciens chuchotent aux oreilles des institutions internationales de pseudo conseils à donner “pour notre pays”. Nous en connaissons le contenu : nos salaires sont trop hauts, nous devons travailler plus longtemps, les chômeurs doivent être activés, les dépenses de l’État doivent être diminuées. Tous les politiciens sont d’accord – avec des nuances certes, mais sans plus. La dette de l’État a recommencé à monter depuis la crise du crédit internationale en 2007. Le gouvernement a dû intervenir pour sauver les véritables grands dépensiers : les banques et les spéculateurs. Ceux-ci ont utilisé notre épargne comme garantie pour, grâce à plusieurs leviers, augmenter leurs comptes jusqu’à un montant valant plusieurs fois le PIB du pays. Quand cela a mal tourné, le gouvernement a dû mettre 25 milliards d’euros et donner des garanties pour 80 milliards d’euros. 20
79. Selon Leterme et les autres politiciens, cela ne va rien coûter aux contribuables : pour ces 25 milliards d’euros, ont a reçu des actions BNP-Paribas et pour les garanties, un dédommagement a été donné. Ces actions sont néanmoins cotées à une fraction du prix auquel le gouvernement les a achetées, et cela va prendre beaucoup de temps pour qu’elles retournent à leur ancien niveau – si toutefois cela peut encore se produire. Entretemps, il faut construire des écoles, soigner des malades et construire des routes. Avec quoi ? Le gouvernement devrait en plus emprunter de l’argent et payer des intérêts. Il est vrai qu’il existe un dédommagement pour les garanties mais, si les choses tournent mal, c’est au gouvernement de payer les couts. Le fait que tout cela pouvait bien mal tourner est illustré par Dexia. Selon Paul De Grauwe, cette banque avait dégénéré en un simple hedgefund qui se contentait de faire de l’arbitrage – ce qui dans ce cas, signifiait jouer entre l’intérêt à long terme et celui à court terme. Dexia maximalisait le risque pour obtenir un rendement aussi haut que possible. 80. Les banques n’ont-elles donc rien appris de la dernière crise ? Le retour des bonus et des salaires variables présageait le pire. Aux USA et au Royaume- Uni, des pas ont été faits afin de séparer les fonctions traditionnelles d’une banque et les activités “business”, mais pas en Europe. Le fait que les actionnaires principaux de Dexia sont le Holding communal, la Caisse des dépôts et des consignations (CDC) et le holding coopératif Arco rend tout cela encore plus scandaleux. Le Holding communal a été mis sur pied en 1996 avec comme actionnaires les communes et les autorités provinciales. Arco a 800.000 actionnaires particuliers, avec pour actionnaire de référence les organisations sociales liées au Mouvement ouvrier chrétien. La CDC française est l’ancienne Caisse des pensions d’État, qui a été utilisée pour stabiliser et maintenir entre des mains françaises l’actionnariat des entreprises. Le conseil d’administration de Dexia était bourré de politiciens. Ceux qui pensaient que l’État et une association coopérative seraient plus éthiques en tant que banquiers et prendraient moins de risques sousestimaient la mesure dans laquelle tous ces gens se sont idéologiquement entièrement ralliés à la pensée néolibérale. À l’occasion de l’opération du sauvetage de Dexia – sans doute une nationalisation temporaire dont le coût sera d’environ 4 milliards plus des garanties pour 54 milliards d’euros (15% du PIB !) –, Moody’s a annoncé son intention de diminuer la note de la Belgique. Aucun cout ?
Une peau de banane communautaire
81. Les tendances qui existent à l’échelle internationale existent aussi en Belgique. Mais ici, cela prend une couleur communautaire : assainir d’abord au niveau fédéral, ou au niveau régional ? Le capitalisme belge se base traditionnellement sur un compromis historique entre bourgeoisie, État, et dirigeants syndicaux. L’État fournit l’infrastructure, comme par exemple un climat favorable aux investissements, et achète la paix sociale si nécessaire. La bourgeoisie investit dans l’augmentation de la productivité et est récompensée avec un régime fiscal favorable. Les travailleurs reçoivent un salaire brut raisonnable avec des prévisions sociales relativement bonnes. A côté des couts, cela demande des impôts relativement élevés, essentiellement prélevés sur le Travail, d’ailleurs. Pour le travailleur, c’est un coût que l’on sait supporter si cela donne de bonnes prévisions sociales. Pour les classes moyennes, par contre, c’est une source de grande frustration. Elles n’ont pas la productivité des grandes entreprises, mais payent quand même de haut salaires bruts, et elles ne peuvent pas profiter des mêmes mesures de régime fiscal favorable.
82. La marge économique et la possibilité qu’a l’État de jouer son rôle dans le compromis se rétrécissent déjà depuis la crise de ’74-’75. Pour la bourgeoisie, ce n’est pas un drame. Elle dispose des moyens nécessaires pour utiliser de façon maximale les opportunités qui surviennent avec la crise. Pendant la crise des secteurs industriels traditionnels, elle n’a pas seulement mis les pertes sur le dos du gouvernement mais, avec le développement de holdings, elle a aussi trouvé le moyen de distribuer son capital entre différent secteurs. Ce que quelques uns interprètent comme la disparition de la bourgeoisie belge, n’est rien d’autre que la nouvelle stratégie anticrise de cette bourgeoisie, par laquelle elle distribue son capital également sur le plan international, surtout chez ses partenaires commerciaux les plus importants. Au cours des neuf premiers mois de 2011, il y a déjà eu pour 20 milliards d’euros de rachats et de fusions dans les entreprises belges – il ne s’agit là que des transactions dont le prix est connu, en réalité cette somme est encore plus grande. Dans les quinze plus grandes transactions, il y en avait onze où l’acheteur était belge, bien qu’il y en avait aussi un certain nombre où tant l’acheteur que le vendeur étaient belges.
83. Pour les travailleurs, ça a été un drame. De plus en plus de gens ont dû faire appel aux allocations sociales. Les allocations de chômage, de pensions et d’invalidité ont souvent été démantelées tranche par tranche – en concertation avec les syndicats – afin de “répondre à la demande croissante”. Pour les classes moyennes, ça a aussi été un drame, parce qu’elles ne disposaient ni d’une batterie de spécialistes fiscaux, ni des capitaux nécessaires. Le compromis historique et les partis qui le représentaient, surtout le CVP, ont commencé à perdre des plumes. Chez les travailleurs, surtout en Flandre, on en avait assez de toujours être prévenus de la volonté d’austérité, premièrement du “danger bleu”, puis du Vlaams Belang, puis de la NVA, alors que les partis liés aux syndicats, le CD&V et le SP.a, n’arrêtaient pas d’assainir durant toute cette période. Pendant sa participation au gouvernement, Groen n’est pas non plus apparu comme voulant se battre contre la politique d’austérité. Le “populisme” était le reproche principal fait à ceux qui voulaient répondre aux véritables aspirations de la population. Parce que les directions syndicales continuaient à coller aux partis qui appliquaient les mesures d’assainissement, et que par conséquent, le mouvement ouvrier n’offrait ni alternative, ni perspective, beaucoup de travailleurs ont commencé à voter “merde”, à se détourner des partis traditionnels, et à devenir réceptifs aux ragots des populistes de droite.
84. Chez les couches moyennes, les frustrations étaient encore plus grandes. Les perspectives de promotion sociales semblaient se fermer, les avantages fiscaux de la bourgeoisie et la haute productivité devenaient inatteignables. Aucune des deux classes principales n’offrait une issue : ni la bourgeoisie, ni le mouvement ouvrier. La classe moyenne a été laissée à elle-même et a commencé à tirer sur le gouvernement, qui voulait bien encaisser des impôts élevés, mais qui n’offrait rien en récompense. Puis elle s’est retournée sur les “profiteurs”, qui voulaient bien recevoir les avantages de la protection sociale, mais qui ne voulaient pas y contribuer en travaillant. Puis sur les immigrés, qui minent les moyens de notre système social, et enfin sur les transferts financiers de la Flandre vers la Wallonie. Les partis traditionnels ont participé à ce petit jeu, avec leur mythe du “flamand travailleur”. Pour eux, l’idée derrière tout ça était de diviser et d’affaiblir les travailleurs. Pas un parti, pas un politicien, pas un dirigeant syndical ne donnait de réponse à cela. De cette manière, on a creusé le lit pour un parti de la classe moyenne, basé sur un nationalisme flamand de droite radicale.
85. Le CD&V n’a pas compris quel monstre de Frankenstein il a fait sortir du placard lorsqu’il a joué la carte flamande de l’opposition, dans le but d’obtenir des profits électoraux. La NV-A a vu son opportunité se profiler. De Wever savait que le CD&V faisait trop partie de l’establishment et était trop lié à la CSC que pour pouvoir continuer à jouer cette carte flamande. Il savait que ce parti allait devoir lâcher cette ligne à un certain moment. L’heure avait sonné pour la N-VA, sur base d’un nationalisme flamand libéral et de droite. Ça fait déjà des années que l’opinion publique en Flandre est principalement formée par cette couche moyenne, faute de réponse du mouvement ouvrier. Celle-ci s’est accrochée à des dossiers symboliques représentant de la meilleure manière l’essence même de leur point de vue. Elle est ainsi bien décidée à ne pas se faire mettre à genoux. Concernant le district électoral de BHV, cette classe moyenne flamande veut une politique d’asile et de migration plus stricte, mais son point le plus important est la question socio-économique. Elle pense pouvoir introduire elle-même en Flandre les assainissements qu’elle ne parvient pas à imposer au niveau fédéral. La classe moyenne flamande est aujourd’hui devenue assez forte que pour pouvoir bloquer le compromis “à la belge” traditionnel, dans lequel il n’y a plus rien pour elle. C’est cela qui a conduit le pays à une impasse politique qui a duré quatre années, et dont la fin n’a commencé à se pointer à l’horizon que lorsque son représentant politique le plus important, la N-VA, a finalement été mis de côté. 86. En Flandre, on répand le mythe selon lequel les politiciens en Wallonie et à Bruxelles ne veulent pas appliquer l’austérité. Pourtant, sur les 8890 chômeurs qui ont vu leurs allocations suspendues durant les six premiers mois de 2011, 5.224 étaient wallons, 2.196 étaient flamands, et 1470 bruxellois. Mais il est vrai que la tendance dominante de l’opinion en Wallonie et à Bruxelles est qu’il faut au moins donner l’impression qu’on assainit de façon équilibrée. Cela s’est exprimé dans la note de Di Rupo (http://www.socialisme.be/psl /archives/2011/07/06/note.html). Il y a là tout un nombre de mesures antisociales orientées contre les chômeurs, lesquels vont avoir plus difficilement accès à leurs allocations ; les régions recevraient même un bonus pour chaque suspension. Les chômeurs vont retomber beaucoup plus rapidement sur le minimum absolu, comparable au revenu minimum d’insertion. Les pensionnés recevront un bonus s’ils continuent de travailler après 65 ans. D’ailleurs, quand on voit le montant actuel des pensions, on se rend compte que la plupart n’auront tout simplement pas le choix. Les prépensions vont être encore plus découragées. Dans les services publics, les pensions des nouveaux arrivés seront calculées sur base des dix dernières années, au lieu des cinq dernières années. Dans les soins de santé, la norme de croissance est limitée à 2% au lieu de 4,5%. En échange de tout ça, Di Rupo veut maintenir l’index et l’âge des pensions à 65 ans.
87. La note Di Rupo représente un “tsunami fiscal”, clament les organisations patronales et les libéraux, NVA en tête. C’est ainsi qu’ils qualifient la proposition d’un impôt temporaire de 0,5% sur les fortunes supérieures à 1,25 million d’euros après déduction de la partie destinée au logement ou à l’activité professionnelle. Sans cadastre de fortune ni abolition du secret bancaire, cette mesure est par ailleurs inapplicable. En plus de cela, il y a le plafonnement de la déduction de l’intérêt notionnel, à 3% au lieu de 3,42%, et surtout, l’abolition de la possibilité de transférer à l’année suivante la partie de la déduction qu’on ne prend pas à une année donnée. Les PME pourraient par contre déduire un demi-pourcent supplémentaire. Le fait que l’exonération fiscale sur les comptes d’épargne soit calculée selon la déclaration d’impôts est une mesure superflue, tout comme d’ailleurs l’augmentation du précompte mobilier sur l’intérêt de 15 à 20%, qui va aussi et surtout toucher les petits épargnants. Tout ceci va être instrumentalisé pour miner la légitimité de l’ensemble des mesures. Un impôt sur les plus-values de 25% sur la vente des effets entre une et huit années après achat, et surtout de 50% pour la vente avant une année, vise les profits des investissements spéculatifs, mais la mesure est minée si l’on accepte le fait que les moinsvalues sont calculées sur la somme des plus-values imposables.
88. Tout cela n’est donc pas grand chose. C’est insuffisant que pour pouvoir faire avaler les mesures antisociales aux syndicats. Mais comparé à ce que revendique la majorité de droite des politiciens flamands, c’est énorme. En Wallonie et à Bruxelles, ils n’ont que le MR pour tenir pareille position. Il y a quelques années, certains pensaient encore que c’en était fini avec le PS, que le MR allait prendre la première place, que Reynders allait devenir le tout premier Premier ministre francophone depuis Van den Boeynants en ’79, qu’une coalition orange-bleue était en préparation, que BHV ne serait jamais scindé sans élargissement de Bruxelles, et que contrairement au cartel CD&V – N-VA, le MR – formé en 1993 par la fusion du PRL, du FDF et du MCC – ne pouvait plus être séparé après toutes ces années, ou encore qu’une scission de la Belgique était à l’ordre du jour pour au tout au plus les cinq années à venir (c’était en 2007), et qu’on allait tous un jour d’une manière ou d’une autre se réveiller dans une confédération. C’est toujours bien de revenir en arrière sur les vieux arguments pour pouvoir les comparer avec ce qui s’est réellement produit.
89. Encore un peu de patience : le gouvernement n’est pas encore là, et un obstacle peut encore arriver. Mais entretemps, le prix d’un échec devient tellement grand qu’il faudrait déjà bien déconner avant de pouvoir stopper la formation de ce gouvernement. Quand cela arrivera, ce sera une tripartite classique, éventuellement combinée aux verts. Ce gouvernement sera dirigé par Di Rupo, et pas par Reynders. Celui-ci a perdu sa dernière chance avec l’annonce du départ de Leterme vers l’OCDE. Postposer la réforme de l’État et élargir les compétences du gouvernement en affaires courantes est dès lors devenu impossible. BHV va être scissionné – pas immédiatement, pas totalement sans compensation, mais sans élargissement de Bruxelles. Le PS reste le parti politique dominant en Wallonie ; la scission du MR n’est certainement pas comparable à celle du cartel CD&V – N-VA, mais la pratique a maintenant prouvé que la scission de vieilles formations est possible. Sur une base capitaliste, il est impossible de garder la Belgique unie sur le long terme. Toute “scission de velours” est cependant exclue tant qu’il n’y a pas de majorité claire en sa faveur ni dans le mouvement ouvrier ni dans la bourgeoisie.
90. La 6e réforme de l’État qui est annoncée est importante – extrêmement importante même, selon Wilfried Martens. Elle fait suite à la plus longue crise politique de l’histoire belge, mais elle n’est pas pour autant copernicienne. Nous ne nous sommes pas encore réveillés dans une confédération. On a fini par trouver un compromis typiquement “à la belge”, où les deux communautés linguistiques peuvent présenter le bilan comme si elles avaient obtenu quelque chose. Cette fois-ci, cela a duré beaucoup plus longtemps que par le passé, presque 500 jours – et cela, après qu’il ait déjà fallu 194 jours en 2007 pour former un gouvernement. Ces longs délais proviennent du manque de moyens pour huiler ces réformes d’État pour les rendre plus faciles à avaler, comme c’était le cas habituellement auparavant. Bref, les Flamands peuvent être fiers d’avoir scissionné la circonscription électorale de BHV avec un minimum de compensations ; les francophones quant à eux peuvent parler du fait que dans les six communes à facilité, on peut maintenant voter pour des listes bruxelloises. En cas de non-nomination, les bourgmestres peuvent aller en appel devant la réunion générale bilingue du conseil d’État, ce que Damien Thierry du FDF appellent la “roulette russe”. Bien qu’elle puisse temporairement aider à supporter le poids écrasant de la surenchère communautaire, cette 6e réforme d’État ne va elle non plus pas conduire à une paix communautaire définitive. Au contraire, le développement des négociations et l’accord final contiennent déjà de nombreux ingrédients pour de nouvelles explosions communautaires.
91. Les inconditionnels du communautaire vont utiliser les frustrations au maximum dans le but d’augmenter les tensions. Par exemple, le fait qu’avec le transfert de la politique du marché de l’emploi, seul 90% du budget est transféré. En Flandre, les 461 millions d’euros prévus pour le refinancement de Bruxelles seront présentés comme un chèque en blanc qui fera que les besoins sociaux en Flandre manqueront des moyens nécessaires. La phase de transition de la nouvelle loi de financement, qui compense Bruxelles et la Wallonie pour leur arriération durant les 10 prochaines années, se traduira par un transfert des moyens flamands vers la Wallonie et Bruxelles. A Bruxelles, le FDF va expliquer le manque de moyens dans l’enseignement, le logement social et l’emploi comme étant une concession de trop à la Flandre. Le FDF va probablement aussi essayer de donner une traduction communautaire au manque de moyens en Wallonie. Libéré de sa volonté d’être acceptable pour l’establishment, le FDF peut mettre sur pied ses propres mobilisations dans la périphérie – contre la circulaire Peeters per exemple, ou à l’occasion de la nomination d’un bourgmestre, ou encore pour revendiquer des moyens pour le social. Il n’est pas non plus exclu que le FDF essaye de présenter des listes francophones – probablement sous le nom de UDF (Union des francophones) – dans la circonscription de Louvain, ce qui, du côté flamand, sera perçu comme étant une provocation.
92. Le FDF va-t-il devenir la N-VA francophone ? Il l’aimerait bien, mais ce n’est vraiment pas probable. À côté d’un sentiment national belge, il vit effectivement quelque chose comme un sentiment d’ensemble parmi les francophones, tant en Wallonie qu’à Bruxelles, mais il n’existe pas de nationalisme francophone comme il existe un nationalisme flamand. Nous devons d’ailleurs ajouter que ce sentiment national flamand ne se traduit généralement pas en un sentiment anti-belge. Chaque nouveau sondage confirme cela. Même après quatre ans de débats communautaires, il n’y a toujours que 22% des Flamands qui se prononcent résolument pour l’indépendance ; 75% sont contre la disparition de la Belgique, et 42% des Flamands se prononcent résolumment contre l’indépendance. La N-VA se base surtout sur les frustrations de la classe moyenne qui se sent freinée dans son aspiration à la promotion sociale. Son programme est libéral, de droite et flamingant mais, temporairement, la N-VA a réussi à tourner à son avantage électoral le manque d’alternative offert par le mouvement ouvrier. Il n’est pas exclu que le FDF puisse, avec une rhétorique anti-austérité, attirer à lui une partie des travailleurs. Après 18 années de participation au MR – et même à l’aile droite du MR –, cela ne sera pas tout de suite crédible. De plus, le poids social des couches moyennes en Wallonie (et, dans une moindre mesure, à Bruxelles) et dans la périphérie n’est pas comparable à celui qu’elles ont en Flandre.
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La Flandre vire-t-elle à droite ?
En Flandre, ce qui est officiellement considéré comme étant de ‘gauche’ (le SP.a et Groen) n’obtient plus qu’à peine 20% des suffrages aux élections. Différents commentateurs concluent alors, un peu vite, que le Flamand est de droite, conservateur et flamingant.
Ils partent de l’idée qu’un soutien électoral pour un parti implique un soutien à son programme. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce n’est pas le cas des 13% d’électeurs de la N-VA qui disent vouloir revenir à une Belgique unitaire… Des études ont démontré que pour les élections de 2009, les thèmes importants qui ont déterminé le vote des électeurs flamands étaient la crise financière (32%), la sécurité sociale (23%) et le chômage (11%). Seuls 8% estimaient que la réforme d’Etat constituait le thème le plus crucial. Côté francophone, les mêmes thèmes sont mis en avant : crise financière (32%), sécurité sociale (14%) et chômage (14%). Et même parmi les électeurs de la NVA, seuls 27% avaient pour priorité la réforme d’Etat (c’est à peine 6% de l’électorat du Vlaams Belang et de la Lijst Dedecker). Dans les différentes parties du pays, les principales inquiétudes des couches larges de la population sont donc similaires.
Après trente années de politique d’austérité, l’autorité des institutions capitalistes est minée, y compris celle de ses instruments politiques. Cela entraîne une recherche d’alternatives et une plus grande instabilité électorale.
En Flandre, il y a eu la percée du VLD (les libéraux), puis du Vlaams Belang, des verts de Groen à certains moments aussi, et puis la Lijst-Dedecker (LDD). En 2004, l’extrême-droite du Vlaams Belang était encore à 24% et maintenant, elle est sous la barre des 10% dans les sondages. Quant à la LDD, elle n’arriverait même pas aujourd’hui à dépasser le seuil électoral pour avoir des élus. Mais dans les sondages de début 2009, c’était encore le deuxième parti de Flandre avec 16,6%. A ce moment, la N-VA était à peine au-dessus du seuil électoral.
Il est vrai que les partis soi-disant de “gauche” entrent à peine en ligne de compte, ce qui provient surtout du fait que le SP.a et Groen n’ont pas vraiment une approche combattive et de gauche. Ils suivent aujourd’hui les positions de De Wever et de la N-VA, pourquoi dès lors ne pas voter pour l’original ? Où la gauche officielle fait-elle encore différence ? De quand date leur dernier spasme idéologique qui n’était pas de nature néolibérale ? La gauche officielle n’est plus à gauche, et cela ouvre la voie à la droite.
La différence qui existe entre la Flandre, la Wallonie et Bruxelles n’est pas due à des différences ‘‘culturelles’’ avec une ‘‘droitisation’’ en Flandre. La Flandre ne se distingue pas vraiment par une montée de la droite mais par la faiblesse de la gauche. Les médias jouent évidemment là-dessus, ce qui fait qu’un point de vue de droite néolibéral devient la norme. Il s’agit surtout d’un développement au sommet de la société. Parmi les couches larges, on se fait un sang d’encre à cause de la crise, de la sécurité sociale et du chômage. Et là, la droite n’a aucune réponse.
(1) Chiffres de “De stemmen van het volk. Een analyse van het kiesgedag in Vlaanderen en Wallonië op 7 juni 2009”. Par Kris Deschouwer, Pascal Delwit, Marc Hooghe, Stefaan Walgrave
Lorsque, le 19 juin dernier, le président du cdH Benoît Lutgen a retiré sa confiance aux gouvernements bruxellois, wallon et de la fédération Wallonie-Bruxelles (ex-Communauté française), il a justifié son geste en dénonçant les écœurants scandales à répétition qui ont frappé le PS. L’hypocrisie avait de suite sauté aux yeux (le parti ‘‘humaniste’’ ayant lui aussi été mouillé), elle fut encore illustrée à la mi-août, quand le site Cumuleo dévoila que pas moins de six des sept ministres du nouveau gouvernement wallon MR-cdH avaient ‘‘oublié’’ de déclarer certains de leurs mandats, fonctions ou professions…