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  • [INTERVIEW] Salvatore, l’un des incitateurs de la lutte des travailleurs des sous-traitants de Ford

    Après l’annonce de la fermeture de son usine à Genk, Ford voulait à tout prix poursuivre la production de quelques milliers de voitures. Ce fut loin d’être évident, essentiellement grâce à la résistance des travailleurs des sous-traitants de Ford. Ils craignent qu’un plan social ne les laisse de côté et sont donc entrés en lutte pour le maintien de leurs emplois.

    Par Els Deschoemacker

    Depuis le 21 janvier, vous êtes retournés travailler, sous menace d’un huissier. Quelle est l’atmosphère dans l’usine ?

    ‘‘Les discussions sont nombreuses. Beaucoup se demandent ce que l’on a vraiment obtenu. On a obtenu pas mal, sinon nous ne serions pas retournés au travail. Les journées de grève seront finalement payées comme du chômage technique, mais nous avons perdu deux jours de congé. Le sentiment est mitigé : on aurait voulu être payé avec un salaire normal. De cette manière, Ford ne paye rien.’’

    ‘‘Un autre élément c’est que les négociations ont finalement commencé alors que l’idée était d’abord de les entamer dans 6 mois. Un plan social doit être sur table pour la mi-février, sinon toutes les entreprises seront à l’arrêt. Ce n’est pas seulement notre revendication (celle du comité d’action des sous-traitants), mais celle de tout le monde au boulot. Tout le monde sait que nous voulons obtenir les mêmes conditions que celles des travailleurs de Ford. Nous travaillons tout de même pour Ford !’’

    Comment pensez-vous pouvoir concrétiser la revendication de ‘‘maintien de l’emploi ou des salaires jusqu’en 2020 ?’’

    ‘‘En 2011, Ford a réalisé un profit net de 9 milliards d’euros. Pour payer tous les ouvriers et les employés, toutes primes incluses, il ne faut que 1,2 milliard d’euros. Trois semaines encore avant l’annonce de la fermeture, la direction nous disait encore que l’usine resterait ouverte. La clause ‘‘sauf si’’ dans le contrat de travail (selon laquelle le contrat ne compte pas en cas de problèmes économiques) est trop vague. Qu’est ce qui a fondamentalement changé au cours de ces trois semaines ? Ils nous ont menti pour reporter les mauvaises nouvelles après les élections. Leurs promesses doivent être tenues !"

    Quels sont les prochains plans du comité d’action ?

    ‘‘Maintenant, nous sommes rentrés dans nos usines [le comité d’action avait réuni des travailleurs de quatre usines, NDLR]. Le plus grand danger est maintenant que le comité d’action s’évapore, que les délégués et militants se retrouvent isolés face à leurs patrons respectifs. Nous n’avons plus la même approche du combat : le plan social est maintenant discuté entreprise par entreprise. Nous devons poser collectivement nos revendications sur table.’’

    Le comité d’action ne peut-il pas exiger la nationalisation de Ford, à l’instar du front commun syndical d’ArcelorMittal ?

    ‘‘La riposte syndicale chez ArcelorMittal parle à l’imagination, en effet. Notre direction syndicale appelait à une ‘‘bonne fermeture avec un plan social’’ quand la question de la fermeture n’était pas encore concrètement posée. La lutte pour le maintien des emplois n’a jamais été à leur agenda. Chez nous, cette revendication ne vivait pas, ça ne nous est pas venu à l’esprit. Nos idées doivent encore se développer, nous avons laissé les choses aux mains de la direction syndicale pendant trop longtemps. Mais maintenant, la nationalisation est mise en avant en France et en Wallonie.’’

    ‘‘Ce serait bien qu’il y ait une grosse manifestation à Bruxelles, pas seulement avec nous, mais également avec ceux d’Arcelor et tout ceux qui risquent de perdre leur travail. Je suis inquiet pour Volvo à Gand car, quand on commence à recourir au chômage technique, il faut s’attendre au pire…’’

    Un des arguments pour la fermeture d’ArcelorMittal est la fermeture de Ford Genk. Ici, la fermeture touche les sous-traitants, les commerces locaux, toute la région,… C’est un domino de casse sociale. Un gouvernement au service de la population devrait nationaliser cette entreprise, et l’utiliser pour le bien de la société. Il y a une usine, il y a les terrains, il y a les travailleurs, il y a une université,…

    ‘‘L’université d’Hasselt a beaucoup travaillé sur les moteurs à hydrogène.’’

    … Et il y a de l’acier à proximité. Résoudre le problème des pics de pollution avec des bus fonctionnant à l’hydrogène est possible…

    ‘‘Tout pourrait être fabriqué chez nous. Nous avons toujours dit aux médias que ce qu’ils sont en train de faire n’est pas juste. Nous sommes ceux qui veuillent travailler, qui luttent pour le maintien de nos emplois. Avec tous les moyens possibles !’’

    Le retour à l’usine a été un désavantage, avec l’éclatement du comité d’action. Peut-on tourner cela en avantage avec l’organisation d’assemblées générales pour que le comité d’action se répande ?

    ‘‘C’est l’idée. Nous organiserons chaque semaine une session d’information sur les négociations. Nous n’avons confiance qu’en le comité d’action. Il n’y a aucune raison pour que ce comité ne fasse pas partie des négociations. Ils nous entendrons encore !’’

    Que pouvons-nous faire pour soutenir votre lutte ? Que pensez-vous d’une pétition destinée à chercher du soutien pour vos revendications (la reconnaissance du comité d’action par exemple) parmi d’autres délégations syndicales, dans la rue,… ? Ou pour collecter des fonds, car la lutte n’est pas encore finie, et un fonds de solidarité sera plus que nécessaire !’’

    ‘‘Bonne idée, je vais proposer ça !’’

  • Industrie. Ne jamais gâcher une bonne crise ?

    L’annonce de la fermeture de Ford Genk a donné du travail aux médias dominants : comment sauver l’industrie en Belgique ? Le quotidien Flamand De Tijd a proposé un plan d’action de 10 points, Le Soir a proposé 10 mesures de relance avec toute une série de dossiers consacrés à ces mesures d’urgence. On retrouve ce thème décliné de diverses manières dans tous les médias. Mais on n’y trouve rien de neuf. Toutes ces propositions se résument à dérouler le tapis rouge pour les investisseurs industriels. Est-ce vraiment un début de solution ? Le drame de Ford-Genk n’illustre-t-il plutôt pas une fois encore ce qui arrive quand on se plie en quatre pour les désirs du patronat ?

    Par Eric Byl

    Salaires

    La direction de Ford a réfuté l’argument selon lequel ce drame arrivait en conséquence du coût du travail en Belgique, et ça, les patrons ne l’ont pas apprécié. Même la fédération patronale du métal, Agoria, a dû admettre que les salaires à Genk sont actuellement inférieurs de 5% à ceux d’Allemagne (1). Peter Leyman, l’ancien président de l’organisation patronale flamande Voka et ancien directeur-général de Volvo-Gand, a lui-même admis que les coûts de production ne représentent que 10 à 15% du prix d’une voiture à l’achat. Le reste est absorbé par la logistique, le marketing et le développement. Les coûts de travail ne représentent que 6 à 8% (2). Le spécialiste du secteur automobile Vic Heylen affirme quant à lui que les coûts salariaux dans l’assemblage ne représentent que 5,5% des coûts totaux. Mais malgré toutes ces données, l’establishment quasiment au grand complet se mobilise pour nous convaincre que le grand problème, ce sont les coûts salariaux.

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    Remplacer l’industrie par une économie de connaissance?

    Depuis 1995, le nombre d’emplois industriels a diminué de 134.000 postes pour arriver atteindre les 585.000. En 1995, 18,6% de la population active travaillait dans l’industrie, contre 12,6% maintenant (10).

    Contrairement à 2003, lors de la dernière grande restructuration de Ford Genk, les médias pensent aujourd’hui que c’est alarmant. Dans le temps, les spécialistes disaient encore que c’en était fini avec l’industrie en Europe de l’ouest et que l’on devait miser sur les centres de connaissances. Les marxistes n’étaient pas d’accord avec cette position. Nous avons souligné l’importance de l’industrie. Nous avons écrit et défendu que si la production se déplace, il ne faudra pas longtemps avant que les centres de connaissance suivent le même chemin. Toute cette idée de l’économie de la connaissance n’a pas encore complètement disparu. Mais, heureusement, ce n’est plus considéré comme une solution magique. Les médias doivent avouer que l’exportation des marchandises est encore beaucoup plus importante que l’exportation des services et que c’est à l’industrie que l’on consacre le plus de recherches et de développements.

    Les travailleurs et leurs familles, ainsi que les nombreux militants du PSL, voient tous les jours que l’industrie prend des coups. Pourtant, nous voulons souligner qu’une partie considérable des pertes d’emplois résulte de l’externalisation des activités non-essentielles des entreprises industrielles. La maintenance, le nettoyage et l’administration qui appartenaient à l’industrie sont externalisés et sont maintenant souvent considérés comme étant des services. De plus, les pertes d’emploi ne s’accompagnent pas d’une baisse de la valeur produite. Selon un rapport publié par le Centre pour l’Economie Régionale de l’université de Louvain, l’emploi industriel en Flandre a diminué de 20% entre 2001 et 2010. Mais dans la même période, la valeur ajoutée a augmenté de 40%. Toujours dans cette période, la productivité du travail a augmenté de 50%, avec même avec 200% d’augmentation dans le secteur chimique. (11)

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    Pour le gouvernement Di Rupo, la priorité centrale du budget 2013 n’est pas la lutte contre la pauvreté, mais la lutte contre notre prétendu handicap salarial par rapport aux pays voisins. Le Soir et De Tijd en ont fait l’axe central de leur programme en 10 points. Dans son dernier rapport annuel, celui de 2011, la Banque Nationale a calculé que depuis l’introduction de la loi sur la protection de la compétitivité en 1996, les salaires ont en Belgique augmenté 4,6% plus vite que la moyenne pondérée de l’Allemagne, de la France et des Pays-Bas (3). Mais ce n’est le cas qu’à cause de la situation en Allemagne car, durant cette même période, les salaires hollandais ont augmenté 14% plus vite que chez nous. En France, c’était 3% plus vite. Ça, De Tijd ne le dit pas. Toute son attention est concentrée sur l’Allemagne, parce que les salaires y ont augmenté 14% moins vite qu’en Belgique. Et alors, pas un mot sur l’unification allemande et sur la pression à la baisse qui en a résulté pour les salaires. Quand on compare nos salaires avec ceux des pays voisins, il n’est également pas question de prendre en compte les subventions salariales et les autres avantages fiscaux. Ces montants représentent déjà plus de 10 milliards d’euros par an, soit plus de 5,5% de la masse salariale totale. Si ces avantages sont intégrés dans le calcul, notre soi-disant handicap n’est plus que de 1%.

    La productivité

    Les salaires horaires, ce n’est encore qu’une partie de l’histoire. Selon l’OCDE, un travailleur belge a en moyenne produit une valeur de 59,2 dollars par heure en 2011, contre 59,6 dollars aux Pays-Bas, 57,5 dollars en France et en 55,3 dollars en Allemagne. (4) Ce chiffre prend en compte l’ensemble des secteurs économiques. En mars dernier, PriceWaterCoopers a publié une étude comparant les entreprises privées de plus de 250 travailleurs. Les entreprises du secteur financier, du non-marchand et de l’intérim n’étaient volontairement pas reprises. Pour obtenir le même chiffre d’affaires que 100 travailleurs en Belgique, il en faut 126 aux Pays-Bas, 131 en France, 132 en Allemagne et même 175 en Grande-Bretagne (5).

    Au cours des récentes discussions budgétaires, les médias et les politiciens ont évoqué la possibilité de supprimer un jour férié ou d’aller de trouver d’autres manières de prolonger le temps de travail. Sur cet élément également, l’OCDE dispose de données intéressantes. Aux Pays-Bas les salariés travaillent annuellement 200 heures de moins qu’en Belgique en moyenne. En France il s’agit de 100 heures et de 150 heures en Allemagne. (6) Les travailleurs grecs ont peu de temps pour se reposer au soleil, ils travaillent en moyenne 460 heures par an de plus qu’en Belgique. Comme il n’y a quasiment pas de grandes entreprises en Grèce, la productivité y est plus basse. La productivité n’y est qu’à peine plus élevée que dans la majorité des petites entreprises de moins de 10 travailleurs chez nous (34 dollars par heure).

    Pourquoi fermer Ford Genk alors ?

    Quelles sont les raisons données par les vrais spécialistes du secteur automobile concernant la fermeture des sites à Genk et Southampton ? Ferdinand Dudenhöffer, professeur à l’institut CAR de l’université de Duisburg-Essen : ‘‘Fermer d’autres sites européens était beaucoup plus difficile. A Valence il est difficile de licencier des travailleurs. Là c’est fortement réglementé. Et en Allemagne, c’était aussi impossible au vu des engagements courant jusqu’en 2015 ou 2016.’’ (7) L’analyste Colin Lagnan d’UBS a déclaré que le choix de Genk était logique : ‘‘Fermer un site en Allemagne sera plus difficile sur le plan social’’ (8) The Wall Street Times a dit que la Belgique est un pays ‘‘avec des syndicats plus dociles dans l’automobile.’’ (9)

    Des alternatives

    Nier que la soif insatiable de compétitivité conduit à la surcapacité serait inutile. L’usine de Genk est une entreprise ultramoderne. Cela vaut aussi pour d’autres entreprises en cours de restructuration ou de fermeture. Les entreprises comprennent des laboratoires modernes, des outils de productions qui peuvent facilement être adapté et toute une machinerie robotisée assistée par ordinateurs. Avec quelques reprogrammations, on y peut produire presque tout.

    Pourquoi sacrifier ces richesses à la soif de profit privé et utiliser les moyens de la collectivité pour dérouler le tapis rouge aux requins du profit ? Exproprier ces installations et ces terrains et faire usage des nombreux centres de connaissance de nos universités ainsi que du savoir-faire technique et des travailleurs expérimentés nous permettrait de répondre aux besoins réels : une mobilité écologiquement responsable et rationnellement planifiée, un plan de construction de logements sociaux, de bâtiments scolaires et d’autres infrastructure. Voilà la base d’une véritable politique industrielle. C’est à l’opposé de cette logique de compétitivité où les moyens de la collectivité sont utilisés pour monter les travailleurs les uns contre les autres au détriment de leurs conditions de travail, de leur revenu et de leur environnement.


    1. De Tijd 24/10/2012. “Zoek de autosector in Europa’s plan voor een industriële revolutie”
    2. Le Soir 24/10/2012. Leyman: ‘‘chaque centime d’euro compte”
    3. Un groupe de travail technique du gouvernement pour accompagner le budget 2013 a déclaré que le handicap salarial est de 5,2%. Les détails de ce chiffre ne nous sont pas encore connus. C’est possible mais, comme d’habitude, ces données devront être corrigées lorsque les chiffres véritables arriveront.
    4. http:/stats.oecd.org/Index.aspx?usercontext=sourceoecd
    5. Rapport dans ‘De Tijd’ du 28/03/2012. ‘Belg presteert, maar rendeert niet’
    6. Voire note 4
    7. De Tijd 30/10/2012 ‘Dudenhöffer: ‘Ford kon enkel Genk sluiten’
    8. De Tijd 23/10/2012 ‘Sluiting lost overcapaciteit bij Ford op’
    9. De Tijd 14/09/2012 ‘Autobouwers willen steeds dichter bij hun markt zitten’ (10) De Tijd 25/10/2012 ‘Belgische industrie smelt weg’ (11) Beleidsrapport STORE-B-12-001 ‘Sectoranalyse van de Belgische economie – 3 juli 2012’
  • “Nous voulons des emplois, des logements sociaux et des services publics de qualité’’

    Interview de Bart Vandersteene et Anja Deschoemacker

    Ces dernières années, les déficits dans le secteur du logement, de l’enseignement, des soins de santé, de la garde des enfants,… se sont fortement accrus. Les conseils communaux, de différentes manières, ne mènent plus qu’une politique néolibérale qui a plus d’attention pour le city-marketing que pour les besoins de la population. Nous avons discuté avec Bart Vandersteene, tête de liste pour Rood ! à Gand, et avec Anja Deschoemacker, tête de liste de l’alliance Gauches Communes à Saint-Gilles.

    Toute une série de villes voient fleurir des projets de prestige, avec des budgets qui auraient sans doute pu trouver une meilleure affectation. Mais nos centres-villes sont tout de même plus jolis maintenant, non ?

    Bart : L’objectif du city-marketing est en effet de donner l’impression d’une amélioration et, plus particulièrement, de rendre le centre-ville plus attractif. Le centre-ville n’est plus cette zone grise dans laquelle rien ne se passe, toute une série d’événements et d’attractions créent une certaine dynamique. Mais l’objectif n’est pas tellement de nous rendre la vie plus agréable, il est avant tout d’attirer des capitaux privés, entre autres concernant l’immobilier et le tourisme.

    Les loyers et les prix deviennent dès lors complètement inaccessibles pour les simples travailleurs, souvent forcés de déménager en banlieue ou dans une commune proche. Et là, il ne se passe rien. Les prix de l’immobilier dans les centres-villes, à la location ou à l’achat, conduisent à une plus grande dualité entre cette élite pour laquelle la ville est encore accessible et le reste de la population. Ces prix élevés instaurent une pression sur l’ensemble du marché. Sans disposer de grands moyens, il faut actuellement s’endetter très fortement pour pouvoir acheter.

    Les événements organisés sont orientés vers un public fortuné, avec des entrées fort chères ou des tarifs pas croyables pour manger ou boire quelque chose. L’argument que tout cela bénéficie au moins aux classes moyennes ne tient pas la route non plus. Combien de magasins, de restaurants et de cafés reste-t-il aujourd’hui dans la plupart des grandes villes sans faire partie d’un grand groupe ?

    Anja : Les projets de rénovation urbains sont nécessaires. Il suffit de se balader un peu dans la plupart des quartiers de Bruxelles pour se rendre compte que beaucoup de rues et de maisons ont besoin d’une remise à neuf. Mais les projets de prestige ne profitent pas à la population. Au contraire, la rénovation du centre-ville telle qu’elle est appliquée aujourd’hui sert plutôt à chasser des quartiers une partie de la population – sa couche la plus pauvre – afin de faire de la place pour les projets des promoteurs immobiliers. Vu qu’il n’y a plus d’espace pour construire de nouveaux bâtiments, on ne peut attirer une “meilleure population” qu’en forçant la “moins bonne population” à déménager.

    Les problèmes des communes bruxelloises sont bien connus : taux de chômage élevé, grande pauvreté, prix immobiliers exorbitants y compris pour des logements de piètre qualité. La croissance de la population met constamment sous pression le marché et les prix de l’immobilier. Ça fait vingt ans que les communes de la Région bruxelloise font passer d’autres priorités. Le résultat est absurde. D’un côté, on manque de logements à prix accessibles, de l’autre, il y a un énorme vide : 1,2 million de mètres carrés d’espaces de bureaux vides, soit près de 10 % de l’espace total. On compte aussi 12.000 appartements vides de plus de 100 m². Mais le manque de logements décents nous assure des loyers de 800 euros dans un proche avenir. Qu’attendent donc la Région et les communes pour s’attaquer à tous ces espaces vides ?

    Les campagnes pour les communales se limitent généralement à des débats portant sur les pavés qui manquent ou sur le manque de places de parking. Quelle différence peut-on faire au niveau communal ?

    Anja : Le niveau communal n’est pas différent des autres niveaux. Tout dépend des choix politiques, des priorités du budget et de l’endroit où on va chercher l’argent. Les communes ont de très larges compétences, qui incluent d’ailleurs la récolte d’impôts, les investissements publics (en Belgique, les communes sont responsables de 50 % des investissements publics), la création de services à la population,…

    Certains disent que la politique communale n’a rien à voir avec l’idéologie. C’est faux. Les compétences communales sont bien évidemment limitées par les décisions politiques des niveaux supérieurs, mais nous retrouvons à ces niveaux les mêmes partis qu’aux communes. Une commune pourrait très bien prendre la tête de la lutte contre la politique d’austérité, il serait possible de mobiliser la population sur une telle base. Nous n’avons rien à attendre des partis établis ; nous devons construire une opposition active à l’austérité dans les communes comme ailleurs. Là aussi, l’austérité va frapper de plus en plus dans les années à venir.

    Bart : Pour nous, les élections portent sur les besoins les plus urgents et les plus importants de la majorité de la population. L’emploi, le logement, les services publics tels que l’enseignement, l’accueil des enfants… Un conseil communal peut faire une différence à tous ces niveaux.

    Prenez par exemple notre revendication d’un emploi stable et décent pour tous. Une ville ou une commune peut commencer à créer des emplois par ellemême, dans les services publics déjà existants ou de nouveaux services nouvellement créés. Une commune peut mener campagne pour une “ville sans intérim”, en supprimant les contrats précaires des services communaux et en menant campagne contre les emplois temporaires dans le secteur privé. Ce n’est tout de même pas normal qu’à Gand, des grosses entreprises telles que Volvo emploient plus d’intérimaires que de travailleurs sous contrat ! Et on ne parle même pas encore des soustraitants… Les contrats temporaires et intérims ne représentent aucune valeur ajoutée pour la société, ils n’en ont que pour les employeurs qui peuvent ainsi liguer un groupe de travailleurs contre un autre et licencier plus facilement leur personnel.

    Une ville peut aussi jouer un rôle pionnier avec de nouveaux services publics. Les besoins sont nombreux : rien qu’à Gand, il manque 1000 places dans les crèches. Mais on pourrait aussi construire des cafétérias à prix modiques dans les quartiers, afin de pouvoir s’asseoir à une terrasse dans notre propre voisinage sans courir au centre-ville pour boire une bière ou un café à plus de 2 euros. Restos sociaux, centres de réparation de vélos,… les possibilités sont infinies.

    Tout cela est-il réaliste ? Peut-on dépenser plus alors qu’il y aura encore moins de moyens pour les communes dans les années à venir ?

    Bart : Nous partons des besoins, de ce qui est nécessaire à la majorité de la population, et non pas des exigences des élites qui deviennent de plus en plus marginales au sein de ce système. Ceux qui nous disent qu’il n’y a pas de moyens ou qu’une autre politique n’est pas possible “à cause de l’Europe”, sont ces mêmes politiciens qui siègent eux-mêmes à la tête de leur parti ou du gouvernement fédéral ou régional, mais qui n’ont par contre aucun problème à maintenir la déduction des intérêts notionnels. Se réfugier derrière la phrase ‘‘c’est un autre niveau de pouvoir qui est responsable’’ est ridicule. Les mêmes partis siègent à tous les niveaux et appliquent la même politique d’austérité.

    Anja : Il est toujours plus facile d’aller chercher l’argent parmi la majorité de la population avec toutes sortes de taxes communales et d’amendes que de faire contribuer l’élite. Un éboueur ne peut pas déménager dans un paradis fiscal. D’immenses profits sont réalisés dans notre pays, mais les patrons et les grands actionnaires ne vont pas nous livrer cette richesse sur un plateau. Nous devons collectivement prendre le contrôle des richesses existantes. Les secteurs-clés de l’économie (énergie, sidérurgie, finance,…) doivent passer aux mains du public.

    Quand, dans les années ′80, les camarades anglais du PSL sont parvenus au pouvoir à Liverpool, toute la ville a été transformée en un grand chantier. Une grande campagne médiatique a alors été lancée à contre ce conseil communal dominé par les marxistes. Mais un lecteur a alors écrit au journal local : ‘‘Je ne sais pas qui était Léon Trotsky, mais à en juger par le nombre de nouveaux logements qui sont en train d’être construits à Liverpool, il devait certainement être un fameux maçon.’’ Qu’en est il pour notre pays ?

    Bart: “C’est également nécessaire. Rien qu’à Gand, il y a 7.500 personnes sur la liste d’attente des logements sociaux. Cela correspond environ au nombre de logements sociaux promis par tous les partis ces 18 dernières années – partis qui sont parvenus, au cours de la même période, à construire en tout et pour tout 750 logements.

    Nous sommes pour une politique de construction et de rénovation urbaine axée sur les logements sociaux. Cela nécessite de reprendre le secteur du bâtiment entre nos propres mains, afin de rehausser la qualité des édifices, mais également d’assurer la qualité et la sécurité de l’emploi du secteur. Répondre à la demande de logements sociaux réduirait cette liste d’attente, certes, mais instaurerait également une grande pression à la baisse sur les prix de l’immobilier dans le privé.

    La tendance à laquelle nous assistons aujourd’hui est exactement inverse. Quant aux subsides au loyer pour ceux qui ne s’en sortent pas, cela revient à subsidier les loyers élevés qui, grâce à ces subsides, deviennent tout d’un coup accessibles pour les ménages à bas revenu. Un programme massif de construction de logements sociaux aurait l’effet inverse de faire baisser tous les prix. La ville de Vienne, en Autriche, est aujourd’hui le plus grand propriétaire de logements de toute l’Europe, suite à la mise sur pied d’une compagnie publique de construction par les socialistes au pouvoir dans les années ′20.

    Anja : À Liverpool, le conseil communal élu a tenu ses promesses. Ici, les campagnes se suivent avec les mêmes belles promesses, rarement suivies d’effets. L’accord de gouvernement de la Région bruxelloise prévoit de parvenir à 15 % de logements sociaux en ville d’ici 2020, contre 9 à 10 % à l’heure actuelle. Cela signifierait la construction de plus de 34.000 logements sociaux. À Saint-Gilles, avec ses 8,5 % de logements sociaux, il faudrait construire 1717 nouveaux logements d’ici 2020 ; à Ixelles ou Uccle, qui comptent 4 % de logements sociaux, il en faudrait 5000. Les communes sont en fin de mandat, et le conseil régional actuel n’a plus que deux ans jusqu’aux prochaines élections. Au rythme de construction actuel, ces 15 % resteront sur papier, alors que cela ne suffirait même pas. Cet objectif de 34.000 nouveaux logements (alors que la liste d’attente comprend 50.000 personnes) ne prend en compte ni les évolutions de ces huit prochaines années, ni toutes les familles qui ne se sont même pas inscrites sur liste d’attente, en sachant très bien que “ça ne sert à rien”.

    Vous envisagez donc les choses dans un contexte plus global. Mais que dire de tous ces petits problèmes tels que la propreté, les pavés manquants ou les rues défoncées ?

    Anja : Toutes ces rues mal entretenues dans des quartiers populaires dégueulasses ne sont jamais que le revers de la médaille des projets de prestige orientés uniquement vers le city-marketing, vers les attractions touristiques et toutes sortes de projets commerciaux (shopping-centers,…). À d’autres moments, le mauvais état de certains quartiers se voit tout à coup utilisé comme prétexte pour “rénover” ces mêmes quartiers, ce qui signifie bien souvent que les couches les plus pauvres devront céder la place à des ménages à plus hauts revenus. Le conseil communal de Liverpool des années ′80 avait construit des logements sociaux, mais a aussi amélioré les conditions de travail du personnel communal et en a engagé suffisamment que pour s’occuper de la propreté et de l’entretien de l’infrastructure publique.

    Bart : La propreté à Gand ne s’est pas améliorée depuis la privatisation d’Ivago à la fin des années ′90. Les sacs poubelles sont devenus de plus en plus chers et, pour être sûr que les gens n’abandonnent pas leurs déchets dans la rue, on a diminué le nombre de poubelles publiques. On nous a ainsi encouragés à ramener tous nos déchets à la maison, pour utiliser les sacs payants. L’entreprise de collecte de déchets Ivago tire chaque année un revenu de 3,5 millions d’euros rien que de la vente des sacs poubelles jaunes (sans compter tout le reste). Cet argent est en grande partie redistribué en dividendes pour la ville et pour des actionnaires privés, tels que le groupe Suez. Il est possible de revenir à une collecte de déchets gratuite, sans que cela ne coute quoi que ce soit à la collectivité ; seuls les actionnaires privés ont à y perdre. Mais les actionnaires ont-ils vraiment besoin de tirer profit des déchets qu’ils nous ont déjà vendus auparavant ?

    Une collecte gratuite des déchets, une poubelle à chaque coin de rue, un parc à containers dans chaque quartier: voilà comment lutter contre les ordures. Mais cela va à l’encontre de la politique communale libérale, où on ne se soucie que des profits des actionnaires privés tandis que la responsabilité pour les problèmes nés de cette politique est refourguée sur le dos des victimes de cette politique.

    Quelle est l’objectif de la participation électorale de Rood ! à Gand ?

    Bart : Rood ! a l’ambition de former une large force de gauche, nous voulons donc renforcer la gauche grâce à cette campagne. Cela aurait été plus facile si on avait obtenu une initiative unitaire également avec le PTB ; de véritables cartels de gauche pourraient nous donner plus d’élus. Une campagne enthousiaste avec laquelle nous pouvons positionner Rood ! en tant que véritable acteur peut renforcer la possibilité d’aller vers une campagne de gauche unie en 2014 (élections fédérales, régionales et européennes). Dans notre pays aussi, il y a une grande ouverture pour la gauche. Les frontières nationales ne me semblent pas être si étanches au point que nous ne pourrions pas connaitre la même situation qu’avec le SP aux Pays- Bas ou avec Mélenchon en France.

    À Gand, on nous dit qu’après les élections communales, il y aura la coalition la plus à gauche possible, avec le cartel SP.a-Groen. Leur politique ne sera néanmoins pas différente des précédentes. La crise économique va conduire à des plans d’austérité, la politique du city-marketing va continuer à fleurir, mais une couche de plus en plus grande de la population va remettre en question cet emballage certes fort joli, mais vide. Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser la droite se présenter comme la seule opposition à cette politique ; il faut construire une forte opposition de gauche qui soit capable d’organiser la résistance. C’est le défi que Rood ! veut relever.

    Et quel est l’objectif de Gauches Communes à Saint-Gilles, Jette, Ixelles et Anderlecht ?

    Anja : Tout comme Rood ! en Flandre, les organisations et individus qui participent à l’alliance Gauches Communes ont surtout l’ambition de renforcer le camp de la gauche. La création d’une formation large, qui prenne réellement en compte les revendications du mouvement ouvrier et des mouvements sociaux, et qui soit prête à se lancer dans la lutte pour défendre ces intérêts, sera une étape absolument nécessaire afin de rompre l’impasse que représente le capitalisme en crise, de quitter le cercle vicieux qui signifie toujours plus de pauvreté, toujours plus de désespoir pour de plus en plus larges groupes de la société.

    Gauches Communes se présente dans quatre communes bruxelloises, dans l’idée de populariser une formation de gauche large, au fonctionnement démocratique, mais aussi de renforcer les forces de gauche existantes dans ces communes, afin de démarrer l’opposition à la politique d’austérité communale au cours de la période à venir. Une encore plus large collaboration aurait été encore mieux. Mais vu le manque d’enthousiasme et l’attitude attentiste de certains partenaires potentiels, nous n’avions pas la possibilité de patienter plus longtemps. Gauches Communes reste bien entendu ouvert à toute discussion en vue d’une encore plus large collaboration dans le cadre de campagnes contre la politique d’austérité ou d’autres formes de protestation.

  • Suède : La nationalisation de l’industrie automobile est maintenant un vif sujet de débats

    La campagne du Rättvisepartiet Socialisterna montre la voie

    Tandis qu’un tsunami de fermetures et de licenciements de masse ébranle la Suède, la décision des deux constructeurs automobiles Ford et General Motors de vendre leurs entreprises suédoises (Volvo et Saab) au plus offrant a choqué les travailleurs, et provoqué un débat soudain sur le besoin de nationaliser l’industrie automobile.

    Arne Johansson, Rättvisepartiet Socialisterna (COI-Suède)

    Les acquisitions de Volvo Cars par Ford en 1999 et de Saab en GM en 2000 sont maintenant généralement perçues comme deux catastrophes majeures pour la plus importante des industries manufacturières suédoise. Maintenant, la décision de se débarrasser de leurs compagnies suédoises à l’agonie va être une précondition pour Ford et GM s’ils veulent recevoir l’argent du Congrès ou du gouvernement américain afin de les sortir de leurs propres faillites imminentes.

    Les effets combinés de la crise du capitalisme mondial financier, de la surcapacité de l’industrie automobile mondiale et de la crise énergétique et écologique ont produit une crise dramatique de la propriété capitaliste. Puisqu’il ne se trouve pas d’acheteurs intéressés avec la capacité et la volonté d’accomplir les investissements massifs requis pour les producteurs suédois, leur propre survie est maintenant en jeu – y compris celle de la pyramide de sous-traitants qui sont les principaux fournisseurs des gros producteurs de camions que sont AB Volvo et Scania.

    Il y a encore quelques semaines, le Rättvisepartiet Socialisterna (RS, Parti de la Résistance Socialiste, CIO-Suède) était la seule organisation demandant la nationalisation de Volvo et Saab de manière explicite. Mais cette revendication a tout d’un coup explosé pour émerger sous la forme d’un débat politique crucial.

    Sans une intervention majeure de l’Etat, il est maintenant possible que l’entièreté de l’industrie automobile suédoise disparaisse complètement dans le futur proche. Cela implique 140.000 travailleurs (2% de la population suédoise en âge de travailler), qui ont produit l’an dernier un sixième de la valeur des exportations suédoises. Ceci aurait des conséquences catastrophiques : cela déclencherait une vague de chômage de masse qui provoquerait à son tour une dépression profonde et de longue durée, achevant ainsi ce qui reste de l’ « Etat providence » déjà à l’agonie.

    Selon un nouveau sondage ordonné par Sveriges Ingenjörer (Ingénieurs de Suède, le syndicat des ingénieurs), 68% des Suédois seraient en faveur d’un plan d’urgence de nationalisation (« étatisation » en suédois) de Volvo, même si ce doit être une mesure temporaire. Ceci représente néanmoins une hausse soudaine de la conscience quant à la profondeur de la crise capitaliste, aussi bien qu’un virage extrême quant à la manière de considérer la propriété publique.

    Rolf Wolff, qui est le chef du Handelshögskolan à Götenborg (une importante université de commerce), a, dans un article paru le 27 novembre dans le journal économique Dagens Industri (Industrie au Quotidien), parlé du fait que les périodes de crise sont aussi des «périodes d’opportunités, des moments pour repenser et penser différemment». Il a poursuivi en disant que «Tandis que les USA, le pays qui a été la machine idéologique qui a lancé le néolibéralisme, avec en tête l’échelle et les valeurs boursières, vont vers la nationalisation des compagnies de prêts hypothécaires, des banques et des compagnies d’assurance pour les sauver, nous autres, en Suède, continuons à refuser de discuter la survie future des plus importantes de nos industries».

    Mais le débat a maintenant explosé au cours des dernières semaines. Parmi ceux qui ont aussi défendu la nécessité d’une solution étatique, se trouvent Hans-Olov Olsson, ex-PDG de Volvo Cars, ainsi que Bo Elkman, un autre ancien patron de Volvo, qui suggèrent que le gouvernement devrait racheter Volvo, de même que Saab, pour «une couronne ou deux». Le syndicat des Ingénieurs suédois, l’Unionen (le syndicat des employés) et IF Metall (le syndicat des métallos) clament tous fortement que la fin de l’industrie automobile signifierait la perte définitive d’un savoir-faire industriel crucial pour la Suède. Ils militent également en faveur d’une intervention majeure de la part de l’Etat, y compris d’une phase de propriété étatique au moins temporaire – partielle si des investisseurs capitalistes sont prêts à participer aux côtés du gouvernement – avec une proposition d’organiser un rachat coordonnés par les fonds de pension de l’Etat et des capitalistes suédois.

    Selon le Financiel Times, GM et Ford ont demandé des prêts pour leurs entreprises suédoises, afin de rehausser leurs valeurs avant de les vendre. Mais les emprunts d’Etat, de même que le soutien de l’Etat à la recherche et au développement sans propriété ne font qu’améliorer le prix que recevront Ford et GM s’ils parviennent à vendre – sans aucune garantie pour la survie future de l’entreprise et pour les salariés.

    Confronté à cette situation, le gouvernement de droite et son Ministre de l’Industrie, Maud Olofsson, ne font pour l’instant que répéter, tels des perroquets, que «Nous (c-à-d, l’Etat) devrions posséder moins d’entreprises», que «L’Etat n’est pas un meilleur propriétaire que l’industrie automobile internationale», et que l’argent des contribuables et des pensionnés ne doit pas être risqué. A la question de savoir ce qu’il arriverait aux contributions et aux pensions si l’industrie automobile devait couler, ils n’ont, bien entendu, aucune réponse.

    Rolf Wolff, dans une interview accordé à un journal de Götenborg, a critiqué ce genre d’arguments, ajoutant qu’un prix d’un dollar pourrait bien être assez pour Volvo Cars (le coût serait de devoir accomplir les investissements requis). Dans une polémique contre des professionnels de la finance et des consultants en gestion qui «ont fait des profits énormes en dupant des gouvernements», il affirme que «Si l’Etat peut posséder des banques et des compagnies énergétiques, il peut posséder des entreprises automobiles… Aucune recherche économique n’a jamais obtenu des résultats permettant de prouver que l’Etat serait en soi un mauvais gérant».

    La campagne du Rättvisepartiet Socialisterna

    Les membres de RS ont milité en faveur d’une campagne syndicale massive pour la fin des fermetures et des licenciements, pour des programmes de recherche et d’éducation, pour une semaine de travail plus courte, et pour la nationalisation de l’industrie automobile. Quelques semaines plus tôt, des travailleurs de l’automobile à Götenborg qui venaient de se faire licencier ont obtenu une couverture médiatique nationale au journal télévisé, pour une première petite manifestation de 130 personnes, qui reprenait les mêmes revendications. Maintenant, ils ont obtenu les signatures de centaines de travailleurs de l’automobile.

    Le premier choc a aussi donné lieu à plus de manifestations. Il y a quelques semaines, une manifestation forte de 1.000 travailleurs a été organisée par la centrale syndicale métallurgique locale de Volvo Trucks à Umeå, afin de demander l’interdiction de licenciement pour deux ans, des lois visant à une meilleure protection du travail, un jour de travail plus court, etc. Dans un discours à la fin de la manifestation, ceci était relié à la revendication d’une campagne nationale pour considérer la prise en charge des banques et des principales entreprises.

    RS se réjouit du fait que la question de la propriété de l’industrie ait été soulevée en tant que point urgent. Il est maintenant nécessaire de militer en faveur d’une mobilisation syndicale massive et nationale afin de défendre les emplois, le bien-être social et la protection de l’environnement – reliée à la nationalisation d’urgence de l’industrie automobile toute entière. Un dollar semble être un prix raisonnable.

    Bien sûr, cela ne devrait pas être une mesure temporaire, mais devrait être considéré comme une mesure stratégique sur le long terme afin de non seulement protéger les emplois, mais également d’accomplir la transformation écologique nécessaire de l’ensemble du secteur du transport, en plus de rompre avec le capitalisme.

    La transformation nécessaire du secteur des transports ne peut être accomplie sur base des profits capitalistes. Celle-ci requérrait des investissements étatiques massifs dans la production de modèles de voitures non-polluantes, en plus d’un revirement majeur en faveur des systèmes de transport en commun – des trains à grande vitesse qui remplaceront les vols domestiques et continentaux, des lignes de bus confortables et gratuites qui remplaceront l’absurde trafic automobile. Il serait également assez possible d’utiliser les ressources de l’industrie automobile afin de développer l’énergie éolienne et marémotrice, etc.

    Pendant leur temps libre et ce, à titre bénévole, plus de cent ingénieurs de Volvo Cars ont déjà développé une centaine de propositions de voitures vertes, dont 13 ont été transférées au département recherche et développement de l’entreprise. Pendant longtemps, il y a eu de vives critiques par rapport à la mauvaise gestion de leur entreprise par les gérants de Ford et de GM, qui ont activement bloqué toute proposition visant à développer des voitures non-polluantes et à consommation minimale. Ces arguments sont parfaits pour montrer la nécessité d’accomplir la nationalisation sous le contrôle des travailleurs, en cogestion avec un futur gouvernement socialiste.

    RS/Offensiv se réjouit de la remise en question de la propriété des banques et de l’industrie automobile. Mais la crise de la propriété va bien plus loin que cela et parcourt toutes les grandes entreprises, dont les propriétaires font maintenant la preuve de leur plus profond mépris vis-à-vis de leurs salariés, avec des licenciements de masse, déjà alors que nous ne sommes qu’au tout début de la crise. Il y a un arrêt quasi total de l’activité dans le secteur du bâtiment, en dépit du besoin pressant de construire des maisons et de rénover des centaines de milliers de logements sociaux construits dans les années 60 et 70, et de ce faire d’une manière qui permette à la fois d’économiser de l’énergie, et de fournir un logement qui soit à la portée des jeunes et des travailleurs.

    Revendications

    Le temps est venu pour les travailleurs et les socialistes d’exiger une campagne syndicale massive pour les emplois, le bien-être social et le climat – reliée à la revendication de la nationalisation urgente des banques et de l’industrie automobile, sous le contrôle des travailleurs. Ceci signifierait également des revendications concrètes en terme de lois du travail permettant le veto par rapport aux licenciements, une semaine de travail plus courte, une hausse des allocations sociales, de meilleurs services publics (enseignement, santé, prise en charge des enfants et des personnes âgées, etc.), et un programme massif d’investissements publics afin de sauver l’environnement.


    Post Scritpum du 16 décembre :

    Depuis que cet article a été écrit, le gouvernement suédois a présenté un plan de crise pour le secteur automobile d’une valeur de 28 milliards de couronnes (2,5 milliards d’euro), basé sur des garanties d’emprunt et un soutien étatique pour une nouvelle compagnie de recherche et développement automobile, à charge de l’Etat, et qui soutiendrait les entreprises automobiles privées. Ceci a joué en défaveur des propositions plus radicales, et n’aura de bénéfices que pour une durée très limitée. Toutefois, l’Unionen, le syndicat des employés, a amené la revendication d’une fusion de Volvo et Saab en une seule entreprise avec un nouveau propriétaire – quelque chose qui semble très difficilement réalisable sans nationalisation.

  • Baisse de production chez Volvo Cars. L’équipe de nuit menacée?

    Jusqu’il y a peu, Volvo semblait être une exception dans l’industrie de l’assemblage automobile de ce pays. Renault-Vilvorde, Ford-Genk, VW-Forest, GM-Anvers ont connu des attaques très dures. Par contre, Volvo ne cessait de croître. Mais maintenant une baisse de la production y a été annoncée avec des conséquences potentiellement très dures pour les salaries. L’équipe de nuit a déjà lancé des actions spontanées.

    Un correspondant

    Un travailleur de Volvo nous a expliqué que « depuis longtemps, nous étions au courant qu’en 2008, on allait produire moins de voitures et que la XC60 ne sera produite qu’à partir de la fin 2008. C’est pourquoi, il y a quelques semaines, les chaînes ont été ralenties et un rééquilibrage a été introduit. La baisse de la production sera de 240.000 unités en 2007 et devrait être de 220.000 en 2008. Mais il y a peu, nous avons appris que les modèles plus petits n’allaient plus être vendus aux USA à cause de la faiblesse du dollar, ce qui signifie pour Gand une baisse de production d’au moins 17.000 voitures ».

    La production réduite actuellement envisagée pour 2008 pourrait se faire avec seulement deux équipes à Gand. Une décision à ce sujet devrait être prise par la direction au cours des deux semaines à venir. Mais d’autres scénarios sont encore possibles et la crainte grandit parmi les salariés de Volvo-Cars.

    La direction belge a proposé d’introduire un rééquilibrage (ralentir les chaînes et répartir le volume de travail) et l’application du chômage « individuel » : aujourd’hui, une personne au chômage, demain une autre, le lendemain quelqu’un d’autre encore,… Les syndicats ont déjà fait savoir qu’ils n’atient pas d’accord, car tout le monde ne serait en réalité pas touché de la même manière et certains même pas du tout. On suspecte aussi la direction d’espérer que beaucoup de travailleurs quittent l’entreprise de leur propre chef afin d’éviter de devoir payer des primes de départ.

    C’est un calcul assez réaliste de sa part. La pression de travail est élevée et le secteur de l’automobile n’est pas renommé chez nous pour sa sécurité de l’emploi ! Si on y ajoute l’incertitude liée à la diminution de la production, beaucoup de travailleurs pourraient essayer de trouver un nouvel emploi qui leur offre peut-être plus de sécurité. De plus, beaucoup de personnes devraient partir en préretraite l’année prochaine.

  • Opel-Anvers suit le scénario VW : 1.400 travailleurs victimes du nouveau carnage social

    La direction de General Motors a enfin clarifié les choses ! Oui, mais au détriment des salariés d’Opel à Anvers… Ce sont 1.400 emplois qui disparaîtront d’ici la fin de l’année. En outre, la nouvelle Astra ne sera pas construite à Anvers. Un modèle de Chevrolet, au succès incertain, sera construit là-bas. Les salariés ont arrêté le travail mais le mot ‘grève’ n’est pas prononcé.

    Geert Cool

    A Opel comme à VW

    General Motors a finalement décidé que la construction de la nouvelle Astra sera effectuée par quatre des cinq sites – Ellesmere Port en Grande-Bretagne, à Bochum en Allemagne, à Gliwice en Pologne et à Trollhättan en Suède – tandis que le site d’Anvers sera consacré à une partie de la production de la Chevrolet.

    Opel suit donc l’exemple de VW. Comme nous l’avons déjà écrit, les parallèles sont trop frappants. Dans les deux cas, la direction a essayé de dresser les différents sites les uns contre les autres afin de décrocher un maximum de concessions sur le plan de la flexibilité. Opel a longtemps laissé planer le scénario le plus sombre en espérant ainsi moins de réactions à l’annonce du plan d’assainissement.

    Solidarité européenne?

    Il règne dans les sites d’Opel une solidarité européenne entre les syndicats des différentes sites. Il a notamment été convenu de répartir les assainissements sur tous les sites. Un succès partiel. Si cette stratégie est importante pour stopper la politique de la direction de « diviser-pour-mieux-régner », cela n’a pas pu arrêter des coups durs.

    Lorsqu’en 2005, General Motors avait laissé courir le bruit que 12 usines et 30.000 salariés devaient disparaître aux USA, il était évident que l’Europe allait suivre. Une épuipe a déjà disparu à Ellesmere Port en Grande-Bretagne (900 salariés), 1000 salariés ont été licenciés en 2006 à Azambuja au Portugal et des milliers d’emplois ont aussi été perdus en Allemagne.

    Ces attaques ont mené à des actions de protestation au niveau européen. Dans onze sites européens de GM (60.000 salariés), le travail a été arrêté pour une courte durée. Au vu de la dureté des attaques, cette politique était trop défensive. La solidarité européenne tiendra-t-elle encore longtemps si Opel-Anvers est transformé en Chevrolet-Anvers avec une usine à capacité réduite ? Et si GM ne réusit pas à lancer les modèles Chevrolet « à prix démocratique » sur le marché européen ? L’arrivée de Chevrolet est en soi loin d’être certaine.

    Chevrolet

    Jusqu’ici, Chevrolet est surtout connue comme une marque de voitures de luxe américaines. Après avoir racheté Daewoo, GM désire avant tout produire d’anciens modèles de la marque coréenne sous le nom de Chevrolet pour le marché européen, Daewoo ayant une réputation trop négative. Ainsi, depuis 2005 déjà, GM commercialise des Daewoo sous l’appelation Chevrolet.

    Par rapport au succès quasi-assuré de l’Opel Astra, le nouveau modèle de Chevrolet court un risque élevé et la direction s’attend déjà à un succès mitigé. Mais le nombre de Chevrolet vendues a connu une croissance, surtout en Europe de l’Est où déjà 350.000 voitures ont trouvé acquéreur. Mais que fera-t-on si la direction de GM décide de construire ce modèle en Europe de l’Est ?

    Réactions syndicales

    Les travailleurs d’Opel ont stoppé le travail quand la suppression des 1.400 emplois a été annoncée. On a en revanche pris soin d’insister sur le fait qu’un arrêt de travail n’équivaut pas à une grève. Les travailleurs ont reçu la permission de rentrer à la maison. Le délégué FGTB Rudi Kennis – sixième candidat sur la liste SP.a pour la Chambre à Anvers… – a déclaré que plutôt que de licencier une des trois équipes, il préfèrait répartir les pertes sur l’ensemble du site. Les syndicats ont donc, semble-t-il, accepté les licenciements d’avance. Les syndicats pourraient tenter de se servir des négociations étalées dans le temps dans le cadre de la loi Renault pour créer un rapport de forces, comme ce fut le cas avec succès à Agfa-Gevaert. Mais il y a de sérieux doutes sur leur volonté de procéder de la sorte.

    Qu’une lutte semblable à celle de VW se développe est également loin d’être garanti. Pour le délégué CSC Luc Van Grinsven: « Opel-Anvers n’a pas une tradition de conflits. Faire la grève maintenant ne jouerait qu’à l’avantage de la direction. » En conséquence, il n’a été permis aux travailleurs que de rentrer à la maison avec la garantie que les salaires continueraient à être payés. C’est tout à l’avantage de la direction face à la colère qui vit parmi les travailleurs et qui, si elle s’exprimait à l’usine, ferait perdre la mainmise de la direction de l’entreprise (et d’une partie de la direction syndicale) sur les salariés.

    Les réactions d’une série de travailleurs étaient sans équivoque: « Nous ne voulons pas voir nos conditions de travail et de salaires descendre à un niveau plus bas encore, nous n’acceptons pas les pertes d’emploi dans l’usine, nous ne voulons pas de scénario « VW ». Les réactions des salariés d’Opel et de VW sont identiques et il est bien commode de tenter d’étouffer l’expression organisée de ce sentiment.

    Réactions politiques

    Les politiciens traditionnels se sont empressés de limiter les dégâts avant les élections. Peu importe à leurs yeux le sort des 1.400 salariés foutus à la porte tant que leur image peut être préservée. Le premier ministre Verhofstadt souhaite, en concertation avec le gouvernement flamand, aboutir à « un scénario de transition plus avantageux pour le modèle Chevrolet à Anvers ». On négociera donc sur plus de flexibilité et plus de baisses de charges patronales. Un air déjà entendu notamment… à VW.

    Jusqu’où peut-on encore pousser davantage la flexibilité et la productivité ? Avec le réglement « plus/minus », il est maintenant possible d’étaler le temps de travail sur… six ans avec la possibilité d’une semaine de travail de 48 heures et une journée de travail de 10 heures. Les charges patronales ont également été abaissées,… Combien de cadeaux supplémentaires le gouvernement accordera-t-il au patronat alors qu’ils sont loin d’avoir pu empêcher le démantèlement d’Opel-Anvers…

    Face à la logique néolibérale de démantèlement social et de pertes d’emploi pour maximaliser les profits, il faut une autre politique. Ces nouvelles pertes d’emplois si près des échéances électorales sont un problème pour des politiciens qui n’ont d’autres réponses à offrir que des recettes périmées comme la réduction des charges patronales et l’augmentation de la flexibilité pour les travailleurs. A cela, nous opposons la lutte internationale pour le maintien de tous les emplois dans le secteur de l’automobile.


    Nombre de travailleurs chez Opel-Anvers:

    • 1990: 10.000
    • 1992: 8.797
    • 1996: 6.814
    • 2001: 5.400
    • 2004: 5.100
    • 2008: 3.700?

    Nombre de travailleurs dans le secteur automobile : – 10.800 entre 2000 et 2010

    • Ford Genk: 11.400 (2000) -> 6.000 (2010)
    • VW-Forest: 7.100 (2000) -> 2.300 (2010)
    • Opel-Anvers: 5.600 (2000) -> 3.700 (2010)
    • Volvo-Gand: 3.700 (2000) -> 5.000 (2010)
  • Une claque dans la gueule des travailleurs

    Beaucoup de travailleurs de VW et des sous-traitants ont connu des semaines d’incertitude avant l’annonce des plans de la direction de VW. Cette incertitude continue. Dans le cadre de la Loi Renault, la direction doit suivre une phase de consultation et d’information de ses « intentions » de restructurations avant que la décision ne devienne officielle.

    L’industrie automobile en Belgique en chiffres

    En ce moment, il y a encore 4 grandes entreprises automobiles en Belgique : Ford à Genk, Volvo à Gand, Opel à Anvers et VW à Forest : 21.600 travailleurs en tout aujourd’hui, 100.000 en comptant la sous-traitance.

    Ces 4 entreprises ont produit à peu près 1 million de voitures en 2000, et 900.000 en 2005. Sur le même laps de temps, 6000 emplois ont été perdus. Avec 22% de travailleurs en moins, la production n’a donc diminué que de 10%. Cela révèle une productivité et une pression au travail qui augmentent à une vitesse vertigineuse.

    Durant cette période, la direction doit écouter les remarques et les alternatives proposées par les syndicats. La décision est bien sûr déjà prise mais ne deviendra officielle que quelques semaines ou même quelques mois plus tard. Les travailleurs devront attendre avant de savoir s’ils pourront rester ou pas, en fonction des choix de la direction.

    Nous avons parlé avec Jean-Pierre, ouvrier à VW.

    Depuis combien de temps travailles-tu à VW ?

    Je travaille depuis 28 ans à VW-Forest. A la tôlerie.

    4000 emplois à la trappe ! Quelle a été ta première réaction ?

    C’est honteux ! C’est inhumain ! Comment est-ce que je vais rembourser mon prêt hypothécaire ? Et j’ai 2 filles qui font des études supérieures…

    La réaction du monde politique est-elle à la hauteur de l’agression patronale ?

    Non, pas du tout !

    Et celle des syndicats ?

    Plusieurs délégations d’autres entreprises sont venues ici par solidarité. Notamment Ford, Duferco, les ex-Sabéniens. Mais les syndicats de VW traînent trop à mobiliser les gens.

    Que faire après la manifestation du 2 décembre ?

    Il faut continuer pour sauver le maximum d’emplois. Sinon, ils n’ont qu’à rembourser le pognon qu’ils ont reçu de l’Etat. On doit mettre les points sur les i ! Ils gardent 26% du personnel pour ne pas devoir payer la prime de fermeture aux autres. Mais moi, j’ai 51 ans. Ils ne vont sûrement pas me garder.

  • Des cadeaux aux patrons, des économies sur notre dos. Une nouvelle offensive contre notre niveau de vie

    Vu l’instabilité du gouvernement violet actuel, il est probable que des élections anticipées vont avoir lieu. Les grands partis s’apprêtent déjà à continuer la politique antisociale des dernières années. Tandis que les patrons reçoivent d’énormes cadeaux, les travailleurs et leurs familles font les frais de la politique néolibérale.

    Geert Cool

    En 2006, le gouvernement devra probablement économiser 4,6 milliards d’euros pour atteindre l’équilibre budgétaire. Tous les partis traditionnels partent de l’idée que cela devra aller de pair avec ‘des mesures pénibles’; les seuls points de divergence portent sur le rythme auquel il faudra introduire ces mesures.

    Allocations familiales menacées

    Le gouvernement en a déjà évoqué plusieurs. Tout le monde y passe. On a ainsi lancé l’idée de couper dans les soins de santé, les salaires ou les allocations familiales. Lorsque cette dernière proposition a été attribuée au VLD, ce parti s’est empressé de prendre ses distances avec cette attaque en règle contre les droits de nos enfants. Il s’est avéré depuis lors que cette proposition était bel et bien à l’ordre du jour.

    La proposition de réduire les allocations familiales pour le premier et le troisième enfant ne figurait d’après le VLD que parmi un "éventail de mesures envisageables". Même si l’on ne retient pas l’idée de s’en prendre aux allocations familiales, on peut être sûr que d’autres pans de la sécurité sociale sont dans la ligne de mire.

    Salaires menacés

    La possibilité d’un saut d’index est maintenue. Cela signifie que les salaires ‘sautent’ un tour d’adaptation automatique à l’index, et donc à la hausse du coût de la vie. En réalité, il ne s’agit rien moins que d’une baisse de salaire. L’Union des Classes moyennes et son pendant flamand l’UNIZO vont encore plus loin en revendiquant la suppression pure et simple de l’index. L’organisation patronale exige en outre la limitation des allocations de chômage dans le temps, une réduction de l’allocation de credit-temps et d’amputer la pension de ceux qui partent trop tôt en prépension.

    Mais bien des cadeaux au patronat…

    Les partis traditionnels prétendent vouloir réformer notre "modèle social" sans tabous… hormis celui de la préservation des profits du patronat. Ainsi, le VLD veut consacrer 250 millions d’euros en 2006 à une nouvelle baisse de charge sur le travail en équipe. C’est déjà décidé d’avance comme l’a révélé une interview du manager en chef de Volvo Cars à Gand parue dans De Standaard, où il déclare que la baisse de charges a déjà été intégrée dans le budget 2006 de l’entreprise: "ils s’y sont engagés". Volvo s’est réjoui et a annoncé dans la foulée la suppression de 150 emplois à Gand.

    Les partis traditionnels ont beau s’adonner à des jeux politiciens pour s’impressionner mutuellement à l’approche d’élections anticipées, ils sont au moins d’accord sur un point: les années à venir seront dures pour les travailleurs, les chômeurs et leurs familles tandis que les patrons ont l’assurance d’engranger des cadeaux supplémentaires.

  • Comment se battre contre des multinationales à l’époque de la mondialisation

    Ni la baisse des charges sociales, ni le lobbying politique, ni la loi Decroly n’ont incité Ford à faire des concessions. Des politiciens, des académiciens et des bureaucrates syndicaux en concluront qu’ils sont impuissants contre l’arbitraire des multinationales. De cette manière ils échappent à leur responsabilité et ne doivent rien faire de sérieux. Le MAS sera le dernier à nier le pouvoir des multinationales. Mais aucun pouvoir n’est invincible surtout quand la classe ouvrière est unie.

    Eric Byl

    On vient de le voir chez Ford. Bien que les travailleurs de Genk doivent se battre seuls – à l’exception d’un peu de soutien moral et une manif/concert à Genk – ils ont amené la direction de Ford à faire des concessions. Imaginons-nous ce qui aurait été possible si les appareils syndicaux avaient vraiment mobilisé dans d’autres entreprises et organisé des grèves de solidarité. Une grève régionale au Limbourg ou une grève de solidarité à Volvo à Gand (qui fait partie du groupe Ford) et dans les autres entreprises d’assemblage automobile auraient pu forger un rapport de forces, non seulement envers Ford, mais surtout vis-à-vis du gouvernement qui aurait été contraint d’agir plus efficacement contre la direction Ford, y compris à travers la menace de mise sous séquestre des biens de Ford en Belgique et de redémarrer l’entreprise sous sa propre gestion.

    Une telle attitude n’aurait évidemment pas été bien accueillie par les gouvernements des autres pays et par la classe capitaliste. Par contre, cela aurait suscité beaucoup de solidarité de la part des travailleurs sur le plan international.

    N’oublions pas que tout emploi qui disparaît coûte à la communauté environ 25.000 euros en cotisations sociales, en rentrées fiscales et en allocations de chômage. Le licenciement de 3.000 travailleurs chez Ford coûtera, si on compte les pertes d’emplois directes chez les sous-traitants, 100 millions d’euros la première année. Une étude de la Banque nationale a indiqué que 75% des emplois perdus ne sont jamais compensés. Bref: dans le système capitaliste les travailleurs doivent défendre pied à pied chaque emploi. Dans la société capitaliste la hausse de la productivité signifie plus de chômage, plus de pauvreté et plus de drames sociaux et pas plus de temps libre. Et cela aucune loi ne pourra le changer.

    Sous le socialisme l’augmentation de la productivité allégera la charge de travail pour tous. La surproduction sera éliminée par une diversification graduelle et une transformation vers une production socialement utile. On peut battre les multinationales, même à l’ère de la mondialisation. Si, dans le passé, un compromis était parfois possible en raison d’une conjoncture économique favorable, une troisième voie (entre capitalisme et socialisme) est aujourd’hui exclue. Des victoires à court terme et partielles sur les multinationales sont possibles à condition de forger un rapport de forces. Mais une période de longue durée de concessions systématiques par les multinationales est exclue. Cela exigera une rupture fondamentale et la construction d’une société socialiste.

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