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Tag: Trade Union Congress
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Nigéria : une lutte héroïque pour le salaire minimum, malgré la trahison des dirigeants syndicaux
Au moment où nous écrivons cet article, la grève des travailleurs de l’état d’Oyo pour la pleine entrée en vigueur du salaire minimum de 18.000 naïras (87 €, 57.000 francs CFA) par mois a été suspendue ce jeudi 5 avril 2012, à la suite de l’annonce par le gouvernement étatique mené par l’ACN (Action Congress of Nigeria, libéral) qu’il était prêt à un nouveau tour de négociations, après qu’une première tentative d’imposer aux travailleurs un accord pourri ait été vaincue. Cette grève, qui a commencé le 19 mars, a duré dix-sept jours et a complètement paralysé les activités du secrétariat d’état et de l’administration publique !
Lundi 24 mai 2012, la grève a pris un tournant plus radical à la suite d’une réunion à l’hôtel de ville entre le gouverneur et l’ensemble du personnel de l’état. La réunion, qui était censée mettre un terme au conflit, a mené à une impasse lorsque l’exécutif du Comité de négociation des services publics (JPSNC, Joint Public Services Negociating Committee) a refusé de signer le nouveau barème salarial qui lui a été proposé par le sénateur Abiola Ajimobi, gouverneur de l’état d’Oyo.
Le JPSNC, réputé être un allié incorrigible du gouvernement, a refusé de signer le barème qui lui était présenté par le gouvernement du fait de la féroce opposition qui y a été exprimée par la masse des travailleurs, qui a insisté sur le fait que le barème ne doive pas être signé avant qu’il n’ait été certifié par une assemblée des travailleurs. Étant donné cela, l’exécutif du JPSNC n’avait pas d’autre choix, surtout vu que sa légitimité en tant qu’organe de négociation était remise en question par les travailleurs qui, quelques semaines auparavant, l’avaient carrément dissous lors d’une assemblée. Immédiatement après la réunion à l’hôtel de ville, les travailleurs se sont rendus par milliers au secrétariat d’Oyo du Congrès du Travail du Nigéria (Nigeria Labour Congress, NLC), où s’est tenue une assemblée d’urgence, modérée par le comité provisoire dirigé par la Fasasi.
Lors de cette assemblée, les travailleurs ont rejeté à l’unanimité le nouveau barème qui leur a été présenté, parce qu’il n’existait aucune différence substantielle entre le nouveau barème et celui qui avait déjà été rejeté plus tôt. Selon le nouveau barème, la grande majorité des travailleurs de catégorie 6 à 17 ne gagnaient que 500 naïras (2,5 €, 1500 fCFA) de plus par rapport à la somme présentée pour les mêmes catégories dans le barème publié le 14 mars 2012. Cela, en plus de l’absence de l’allocation spéciale prévue pour les enseignants par la TSS.
L’assemblée a par conséquent établi un comité technique composé de représentants du cadre du JPSNC et de plusieurs membres des comités mis en place par l’assemblée afin d’établir un barème qui reflète les attentes de la généralité des travailleurs de l’état d’Oyo. L’assemblée a également décidé de réinstaurer le comité exécutif du JPSNC qui avait été dissous, auquel elle a demandé de faire une déclaration publique concernant leur soutien inconditionnel à la poursuite de la grève.
Le contexte de la lutte
Il faut se rappeler que les travailleurs ont déjà organisé toute une série de grèves et d’actions l’an dernier. L’état a d’ailleurs connu les premières manifestations de masse de travailleurs du pays contre le refus de la part des gouverneurs de faire entrer en vigueur le salaire minimum légal de 18 000 naïras par mois. La lutte a atteint son pic le 8 juillet 2011 lorsque les travailleurs ont suspendu les dirigeants syndicaux pour leur connivence avec le gouvernement étatique qui avait offert un salaire de seulement 9400 naïras, au lieu des 18 000 naïras promis. Tout comme c’est le cas à présent, un comité avait été inauguré par les travailleurs afin de mener la lutte pour la pleine application du salaire minimum. Les dirigeants syndicaux ont toutefois été réinstaurés plus tard, le 21 juillet 2011, et mandatés pour donner le mot d’ordre immédiat de grève indéfinie jusqu’à la pleine entrée en vigueur du salaire minimum.
Cette grève indéfinie, qui n’a duré que cinq jours, avait forcé le gouvernement à proposer un salaire minimum de 13 500 naïras qui devait être payé pour les mois de juin et de juillet 2011, tous les arriérés devant être payés pour la fin aout. Malheureusement, depuis juillet 2011, il y avait eu un silence criminel de la part tant du gouvernement que des dirigeants syndicaux, jusqu’au 14 mars 2011, lorsque le gouvernement ACN de l’état d’Oyo, dirigé par Abiola Ajimobi, avait finalement publié le nouveau barème salarial. Selon cette nouvelle grille salariale frauduleuse, le salaire de base des travailleurs les moins bien payés de l’état ne devait s’élever qu’à 10 405 naïras au lieu de 18 000.
Cela va tout à fait à l’encontre des déclarations du gouvernement, qui affirmait avait déjà commencé à payer 19 113 naïras. Le salaire minimum de 19 113 naïras n’était en réalité que le total du salaire de base de 10 405 naïras, auquel s’ajoutait le loyer (4628,25 naïras), les frais de transport (1945,74 naïras), les subsides pour les repas (1040,50 naïras), et autres frais (1040 naïras). De plus, cette hausse ne valait réellement quelque chose qu’en ce qui concerne les salaires des travailleurs de classe 1 à 4, qui ne représentent qu’une toute petite fraction du personnel. La grande majorité des travailleurs, qui sont de classes supérieures, ne recevaient pour seule hausse que la somme ridicule de 1000, 2000 ou 3000 naïras supplémentaires. De même, en ce qui concerne les enseignants, l’allocation spéciale TSS, qu’ils n’avaient gagnée qu’au prix de plusieurs mois de lutte, avait été supprimée du nouveau barème.
Conflit avec la bureaucratie syndicale
C’est donc là l’historique de la reprise de l’action de grève à partir du 19 mars 2012. Lors d’une assemblée générale qui s’est déroulée le 16 mars 2012, les travailleurs ont rejeté à l’unanimité le nouveau barème salarial. Les travailleurs membres des syndicats affiliés au Congrès du Travail du Nigéria et au Congrès syndical (Trade Union Congress, TUC), ont également démis les directions de leurs centrales syndicales de leur mandat de représentation lors des négociations avec le gouvernement. L’exécutif du JPSNC a également été dissous. L’assemblée générale des travailleurs a entrepris cette action à l’encontre des dirigeants syndicaux officiels pour protester contre leur trahison lors des négociations avec le gouvernement.
L’assemblée a par conséquent établi un comité provisoire afin de poursuivre la lutte dans les véritable intérêts des travailleurs qui ont refusé de reprendre le travail et qui se sont rendus tous les jours au secrétariat du NLC à partir du 19 mars. Cette action, menée indépendamment de la direction syndicale officielle, a pu bénéficier d’un soutien de masse.
Lutter pour gagner
Le DSM, dont les membres ont été impliqués de manière active dans l’action des travailleurs, applaudit la détermination et la ténacité des travailleurs. Grâce à une stratégie et à une approche correctes, la grève peut gagner. Tout en annonçant la suspension de la grève pour deux semaines à partir du 5 avril 2012, les travailleurs ont décidé d’organiser une assemblée chaque vendredi afin de suivre l’état d’avancée des négociations. Ceci est un pas important afin de prévenir toute nouvelle trahison. Les travailleurs doivent exiger de la direction de toujours revenir à l’assemblée pour demander son approbation avant de signer le moindre accord salarial avec le gouvernement.
Toutefois, malgré la détermination des travailleurs, l’isolation de la lutte, du fait du manque de solidarité de la part de la direction nationale du mouvement syndical, risque de constituer un frein à l’élan des travailleurs et de limiter l’ampleur de l’accord obtenu avant que le mouvement ne s’épuise. Nous appelons donc la direction nationale du mouvement syndical à accorder un soutien actif aux travailleurs de l’état d’Oyo et à les aider à gagner la lutte, en veillant de même à ce qu’aucun de ces travailleurs ne perde son emploi. Une victoire à Oyo pourrait encourager les travailleurs des autres états, qui se sont également vu refuser le salaire minimum ou qui ont été contraints à des accords pourris, à se dresser pour rejoindre la lutte pour la pleine entrée en vigueur du salaire minimum légal. La direction du mouvement syndical doit lancer une action nationale pour forcer tous les gouvernements à appliquer le nouveau salaire minimum légal.
Il est également très important de mettre en avant l’exemple qu’ont donné les travailleurs de l’état d’Oyo et la manière dont ils sont parvenus à surmonter les obstacles placés par la bureaucratie syndicale en travers de la lutte. L’élection d’un “comité provisoire” par les travailleurs de l’état d’Oyo, tout comme le “comité congressionel” mis en place l’an passé afin de mener la lutte indépendamment des dirigeants syndicaux officiels, montre un bel exemple de la manière dont les travailleurs à la base syndicale peuvent commencer à reprendre le contrôle de leur syndicat.
(1) État d’Oyo dont la capitale Ibadan, à 100 km de Lagos, est la troisième plus grande ville du Nigéria (1 million d’habitants), et siège de la toute première université du Nigéria
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Nigéria : Les élections générales de 2011 seront-elles différentes de la farce de 2007 ?
Le problème clé est : quel choix nous offre-t-on ? Que défendent les différents partis ? Et, l’un d’entre eux représente-t-il les intérêts de la classe ouvrière, des pauvres et de tous ceux qui s’opposent à la classe capitaliste corrompue ?
Democratic Socialist Movement (CIO-Nigéria)
Le professeur Attahiru Jega, président de la Commission électorale indépendante nationale, et le président Goodluck Jonathan ont, à plusieurs reprises, juré que les élections générales de 2011 seront bel et bien libres de tout incident. Même les pays capitalistes avancés, les principaux bénéficiaires du système capitaliste au Nigéria et dans d’autres pays sous-développés, expriment leurs sentiments selon lesquels le reste du monde serait heureux d’assister à des élections transparentes et paisibles en 2011. Lors de ses premières interventions devant les médias, le nouvel ambassadeur américain au Nigéria, M. Terence McCulley, a résumé son point de vue et celui des pays impérialistes lorsqu’il a déclaré : ‘‘J’espère que le processus de 2011 sera meilleur et respectera la volonté du peuple nigérian.’’ Par conséquent, nous posons la grande question : les élections générales de 2011 au Nigéria seront-elles plus “transparentes” et “respecteront-elles la volonté du peuple nigérian” mieux que la grande farce qui a été connue sous le nom d’“élections générales” de 2007 ?
Les commentateurs bourgeois voudraient pouvoir répondre immédiatement à cette question avec une note d’optimisme. Ils se dépêcheront de mettre en avant le passé radical du président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) actuel, largement perçu comme un militant respectable, en tant qu’ancien président du syndicat du personnel académique des universités (Academic Staff Union of Universities – ASUU), un syndicat de gauche, et qui ne va certainement pas permettre que qui que ce soit utilise la CENI pour manipuler ou truquer les élections. Au contraire de l’ancien président Obasanjo, qui avait ouvertement déclaré que les élections fédérales de 2007 seraient une affaire de “vie ou de mort”, le président Jonathan a, au cours de ses divers discours et visites auprès des gouvernements régionaux à travers le pays, répété à de nombreuses reprises sa promesse selon laquelle le gouvernement va assurer des élections libres et honnêtes en 2011, où chaque vote comptera. Hélas, si l’on prend en compte de manière scientifique l’ensemble des principaux facteurs, logistiques et politiques, qui détermineront la nature de ces élections, le peuple nigérian devrait s’attendre à ce que la période postélectorale soit faite d’une continuation de la détérioration de son mode de vie et d’attaques encore plus grandes sur ses droits démocratiques, quel que soit le parti ou la coalition qui sortira vainqueur de ce processus, que ce soit au niveau fédéral ou au niveau des régions.
Une autre période électorale dominée par le chaos et les intérêts personnels
À moins d’un amendement de la constitution de 1999, de nouveaux gouvernements doivent être élus aux niveaux fédéral et régionaux avant le 29 mai 2011. Ceci signifie donc que la CENI doit faire tout ce qui est en son pouvoir afin d’organiser les élections générales partout dans le pays avant la fin avril 2011. Au moment où nous écrivons, la CENI a provisoirement décidé que le mois de janvier sera utilisé pour commencer à établir le nouveau registre des électeurs, la condition minimale pour la tenue d’élections démocratiques, surtout étant donné que beaucoup de questions se posent quant à la crédibilité et à l’exactitude du registre des électeurs actuel, qui a été compilé par la CENI dirigée par le très douteux Professeur Maurice Iwu. Cela signifie que la CENI n’aura qu’environ deux à trois mois pour rédiger le nouveau registre des électeurs qui reprendrait au moins 80 millions de Nigérians sur une population estimée à 140 millions. Jusqu’à présent, on attend toujours que soient rédigés le Décret électoral et l’amendement constitutionnel qui doivent servir de base légale à ces élections ! Et si on prend aussi en compte que la période d’après les élections sera comme d’habitude dominée par les disputes et plaintes de tous les candidats, et le processus qui est requis pour résoudre tout ce bazar par la voie légale, alors il semblera clair à tout élément conscient de la jeunesse et de la classe ouvrière que les élections de 2011 ne seront rien d’autre qu’un grand vacarme, un autre tour de magouilles et de chamailleries !
Mais pour les masses laborieuses du Nigéria, l’enjeu va au-delà d’un registre électoral crédible pour une élection démocratique. Le véritable enjeu est : quel choix avons-nous ? Que défendent tous ces différents partis, et y a-t-il l’entre eux qui représente les intérêts de la classe ouvrière, des pauvres, et de tous ceux qui s’opposent à la classe dirigeante corrompue ?
Que ce soit le PDP actuellement au pouvoir, ou que ce soit un des grands partis d’opposition, tous, sans exception, défendent une politique anti-pauvres dans tous leurs programmes et mesures économiques.
Au lieu de se pencher sur un programme et sur des mesures qui puissent mettre à contribution les immenses richesses naturelles et humaines que possède le Nigéria, afin de garantir des conditions de vie décentes pour tout un chacun, tous ces partis qui nous dirigent, au fédéral comme dans les régions, se bousculent pour proposer et mettre en œuvre des mesures anti-pauvres qui ne vont faire qu’empirer les conditions de vie du peuple nigérian partout dans le pays. C’est pourquoi tous les PDP, ANPP, ACN, APGA et même le gouvernement de l’Etat d’Ondo qui est le seul à être contrôlé par le Labour se font les champions de mesures capitalistes pro-riches de privatisation, dérégulation, commercialisation, etc. À présent, dans tout le pays, quel que soit le parti politique au pouvoir, l’Etat ou les conditions des infrastructures de base telles que les routes, l’électricité, l’eau, ou des services sociaux indispensables telles que le logement, la santé ou l’éducation n’ont jamais été pires. Malgré cette situation déplorable, tous les partis dirigeants sont bien décidés à poursuivre la mise en œuvre d’une politique qui ne fera que remplir encore plus les poches des éléments capitalistes et des grandes corporations.
C’est pourquoi tous ces grands partis prônent religieusement le concept du “partenariat public privé” en tant que meilleure solution pour développer l’économie et l’industrie ruinées du Nigéria. Selon ce concept douteux, le manque honteux de bonnes routes carrossables est censé être compensé par des profiteurs privés qui seront autorisés à construire des routes puis à prélever des péages afin de récupérer leur investissement. Mis à part le fait que sur base de l’expérience concrète, cette approche a déjà montré qu’elle ne peut s’appliquer qu’à certaines routes potentiellement bien profitables, le cout réel de cette politique pour la société est impossible à chiffrer. Selon l’idéologie pro-riches et pro-capitaliste qui prévaut aujourd’hui et qui est embrassée par tous les partis dirigeants, chaque aspect essentiel de la vie, comme le logement, la santé, l’éducation, les offres d’emploi, les routes, les voies aériennes et fluviales, est une marchandise qui ne devrait être accessible qu’à ceux qui ont l’argent de se la payer.
C’est la raison centrale pour laquelle tous les partis au pouvoir partout dans le pays se sont mis d’accord sur le fait que l’éducation, la santé, l’électricité, l’eau, etc. doivent être entièrement privatisés au bénéfice des marchands de profits.
Il était donc aisé de prévoir que les grands partis bourgeois et leurs apprentis égoïstes ne se sont focalisés que sur des questions de division, telles que la “régionalisation”, le “caractère fédéral”, les embrouilles “Nord-Sud” ou “chrétiens-musulmans” et toutes sortes d’autres histoires qui n’ont rien à voir avec le vrai problème, à savoir comment apporter des conditions de vie décentes aux masses de la population, qu’elles habitent dans le riche delta du Niger, ou dans le reste du Nigéria.
On constate malheureusement que la morale pro-riche et pro-capitaliste qui constitue désormais la base de la politique des partis dirigeants en ce qui concerne l’économie ou la société a été maintenant ouvertement ancrée dans les affaires politiques et dans le processus électoral. À présent, le Décret électoral tout comme la direction de tous les partis politiques au pouvoir ont prescrit d’immenses sommes, appelées “frais de nomination”, pour quiconque désire se présenter en tant que candidat. Dans les faits, ceci signifie que seuls de gros richards et/ou les personnes sponsorisées par ces mêmes sacs à pognon peuvent espérer jouer un rôle quelconque dans les élections à venir. Il suffit donc de faire remarquer qu’une campagne électorale où seuls peuvent se présenter les plus riches personnes au sein des divers partis, ne pourra jamais être appelée “transparente” ni ne reflétera la “volonté” des Nigérians dans leur masse. En outre, la véritable raison pour laquelle de nombreux candidats à la candidature se disaient prêts à payer eux-mêmes leur “frais de nomination” est qu’ils espèrent bien pouvoir rembourser ces couts électoraux en mangeant l’argent public si jamais ils parvenaient à être élus. Par conséquent, les masses ordinaires doivent affronter bien en face le fait que ces élections ont déjà été truquées à leur détriment, bien avant que la campagne électorale à proprement parler n’ait même commencé.
Une méga-coalition des partis d’opposition peut-elle changer les choses ?
Certains prétendent que seule une grande coalition de tous les partis d’opposition parviendra à reprendre le pouvoir au PDP et ainsi à mettre un terme à la putréfaction qui domine à présent l’ensemble du paysage économique et politique de notre pays. Hélas, cette proposition qui semble de prime abord attractive ne peut se réaliser que si les soi-disant partis d’opposition ont un programme et une manière d’être qui soient fondamentalement différentes du détestable PDP qu’ils cherchent à remplacer. À présent, il y a beaucoup de bruit au sujet des grands partis d’opposition qui sont en train de s’associer afin de présenter une alternative unie et coordonnée face au PDP.
Il faut cependant noter que ceci n’est pas quelque chose de nouveau dans la politique du Nigéria. Au cours des premières et deuxièmes Républiques, les partis d’opposition ont formé ce qu’on a appelé la Grande Alliance Progressive Unie (United Progressive Grand Alliance – UPGA) et l’Alliance des Partis Progressistes (Progressive Parties Alliance – PPA). Sous le régime civil actuel, il y a eu des discussions quant à l’éventuelle formation d’une méga-coalition des partis d’opposition afin de chasser le PDP du pouvoir. Toutefois, dans la mesure où la plupart des éléments de cette soi-disant opposition sont toujours impossibles à différencier du parti qu’ils désirent remplacer, ce phénomène réduit du coup leur opposition aux simples calculs égoïstes qui leur permettront d’être ceux qui hériteront ensuite de la responsabilité de l’injuste ordre économique et politique existant. De la sorte, tous ces partis d’opposition n’ont jamais été capables de mettre sur pied une véritable plate-forme d’opposition contre le parti au pouvoir.
Par conséquent, tout comme dans la période précédente, le désir actuel de former une méga-opposition contre le PDP lors des élections de 2011 peut au final être sacrifié sur l’autel des ambitions personnelles de tous ces individus qui souhaitent devenir présidents, gouverneurs, sénateurs, etc. et surtout maintenant, étant donné l’énormité scandaleuse des salaires et des dotations de responsables politiques, en plus de tous les privilèges et opportunités de piller les ressources et l’argent public que tous ces postes octroient.
Y a-t-il un espoir pour les masses ?
Sur base de la configuration politique du moment, les élections générales de 2011 ne seront comme d’habitude rien de plus qu’une compétition pour le pouvoir politique de la part de différentes sections de l’élite de bandits capitalistes au pouvoir. Malgré les promesses de Jega et de Jonathan d’organiser des élections libres et démocratiques, le résultat des élections, dans la situation actuelle, sera certainement à l’avantage des riches et de ceux qui contrôlent aujourd’hui le pouvoir politique en utilisant une combinaison d’argent et d’appareils d’État.
Seuls un véritable programme ouvrier, avec la perspective d’utiliser les ressources humaines et naturelles du pays de manière planifiée et démocratique pourra fournir une plateforme politique réellement capable de susciter le soutien enthousiaste et les sacrifices héroïques de la part des masses populaires, et pourra triompher des politiciens capitalistes égoïstes et de tous les partis politiques au pouvoir lors des élections de 2011. Malheureusement, la grande majorité des dirigeants syndicaux et du Labour Party formé par le Congrès du travail nigérian (Nigeria Labour Congress – NLC) ne sont pas en ce moment en train de réfléchir ou de travailler à une telle alternative politique et économique pour la classe ouvrière. Au lieu de s’efforcer à bâtir le Labour Party en tant que voix politique des masses laborieuses, ses principaux dirigeants font tout ce qui est possible pour en faire tout bêtement un autre parti bourgeois.
Le Labour Party ne dispose pas d’un programme économique et politique clair qui soit radicalement différent de celui des grands partis capitalistes tels que le PDP, l’ANPP, l’ACN, etc. Dans l’état de Ondo, qui est le seul à être gouverné par le parti, on professe la même politique néolibérale, pro-capitaliste de privatisation et de dérégulation des secteurs-clés de l’économie. Aujourd’hui, afin d’espérer devenir président ou gouverneur sous le régime PDP au pouvoir, les candidats doivent payer à leur parti la somme non remboursable respectivement de 10 millions et de 5 millions de naïras (50 000 € et 25 000 €). Ce qui est très embarrassant, c’est que c’est la direction du Labour Party qui a été la première à mettre en place cette mesure honteuse, et que le PDP n’a en fait fait que copier le Labour. Donc, plutôt que d’avoir un Labour Party qui se développe en tant que plate-forme pour la classe ouvrière et pour les masses opprimées en général, il est en train de rapidement devenir un autre parti bourgeois, un phénomène qui pourrait rendre le parti incapable de décoller pour de bon, sans parler de véritablement servir les intérêts politiques et économiques des masses populaires lors des élections à venir.
Les principaux dirigeants syndicaux n’ont malheureusement pas offert une véritable alternative ouvrière face à la pourriture politique et économique du capitalisme. Politiquement, ceci est causé par leur perspective qui s’efforce de faire du mouvement ouvrier un arbitre cherchant à obtenir des élections libres et démocratiques entre les différentes couches de bandits capitalistes ! Au lieu de chercher à construire un parti politique ouvrier indépendant avec pour but de former un gouvernement ddes travailleurs et des pauvres, qui ferait passer les secteurs-clés de l’économie entre les mains du public, via leur contrôle et leur gestion démocratiques par des comités élus de travailleurs, de paysans et de jeunes, en tant que base pour garantir les besoins politiques et économiques de tout un chacun, et non pas seulement des quelques éléments capitalistes et des classes moyennes, comme c’est aujourd’hui la règle – au lieu de faire cela donc, la plupart des dirigeants Labour actuels conservent la perspective erronée selon laquelle les véritables intérêts des masses laborieuses peuvent être obtenues sans devoir renverser ce système injuste.
Par exemple, d’importants dirigeants du NLC et de la Confédération syndicale (Trade Union Congress – TUC) croient réellement qu’une oasis économique, capable de pourvoir aux besoins économiques des travailleurs, peut être créée à travers des projets économiques directs de la part des syndicats. Voilà l’impression qui est créée par des dirigeants centraux des deux fédérations syndicales qui existent en ce moment, tandis qu’ils sont en train de négocier des prêts valant des milliards de naïras afin de mettre sur pied des services de transport gérés par les syndicats.<^>Le Président-général de la TUC, Peter Esele, a récemment tenté de fournir un genre de justification théorique pour ce qui n’est rien de plus qu’une tentative d’effectivement intégrer le mouvement ouvrier dans le ccapitalisme, en défendant le fait que les besoins de la classe ouvrière doivent être satisfaits par la création d’entreprises sans but lucratif et “pro-labour” dans le cadre global de l’économie capitaliste ! Écoutez-le plutôt : « Je n’appartiens pas à l’école de pensée selon laquelle le Labour devrait être neutre, parce que je crois que c’est par la participation que nous pourrons pousser le pays dans la direction vers laquelle il doit aller. Le Labour ne doit pas être neutre ; nous devons avoir une position sur tous les enjeux, et une manière dont on peut faire cela, est qu’il nous faut des muscles financiers. Donc, si nous nous asseyons tous dans une pièce et perdons notre temps à nous critiquer, et non pas afin d’offrir des solutions ni d’apporter de nouvelles idées, je ne pense pas que je veux appartenir à un tel mouvement » (The Guardian du 5 novembre 2010).
Oui, nous autres membres du DSM sommes entièrement d’accord avec Esele sur lee fait que « Le Labour ne doit pas être neutre et doit avoir une position sur chaque enjeu », que ce soit un enjeu économique ou politique, et qui a le potentiel de susciter l’intérêt des travailleurs, positivement ou négativement. C’est pourquoi, depuis notre fondation, nous avons toujours défendu le contrôle public sur les secteurs-clés de l’économie, y compris les banques, et leur contrôle et gestion démocratique par les travailleurs et par les couches populaires. Cependant, cette stratégie révolutionnaire doit être radicalement différente de la conception de Esele qui désire apporter des « muscles financiers » aux syndicats, un phénomène qui ne ferait qu’accentuer l’étranglement bureaucratique du mouvement syndical, avec le développement de syndicats qui se reposent en grosse partie sur le business et non sur les cotisations de leurs membres, ce qui sape le pouvoir des travailleurs de la base à exercer un contrôle sur leurs dirigeants.
Les défis à relever par les masses
Sur la base de tout ce que nous venons d’expliquer, les travailleurs et les pauvres ne peuvent s’attendre après les élections de 2011 qu’à un approfondissement de leurs souffrances et de l’oppression. Toutefois, les capitalistes et les exploiteurs ne doivent pas trop se réjouir de la faiblesse politique des dirigeants syndicaux et du Labour Party qui en ce moment tend à renforcer l’idée fausse qu’il n’y a pas d’alternative à la putréfaction capitaliste actuelle et à l’échec complet des politiciens capitalistes. Mais il ne faut pas non plus oublier ni sous-estimer le bon côté de la situation politique actuelle.
Malgré le manque d’une direction générale et cohérente de la part des hauts dirigeants syndicaux, il y a une nouvelle tradition de lutte et de résistance qui se développe parmi les sections de la classe ouvrière. Le personnel enseignant de toutes les universités de la zone sud-est sont en ce moment en grève à durée indéterminée depuis des mois dans certaines zones pour de meilleures conditions de travail et plus de moyens pour l’éducation. Depuis quelque temps, les syndicats du secteur de l’électricité mènent de l’agitation contre la privatisation de la Compagnie énergétique du Nigéria (Power Holding Company of Nigeria – PHCN) et pour un financement adéquat du secteur. Les travailleurs de la santé dans de nombreux états de la fédération sont soit en grève, soit en train de mener une agitation féroce pour plus de financement des hôpitaux publics et pour de meilleures conditions de service pour toutes les couches du personnel. Bien que l’Histoire ne se répète jamais de la même manière, il ne faut pas oublier que seulement deux mois après la farce des “élections” de 2007, il y a eu une grève générale massive et largement sooutenue qui n’a malheureusement pas permis de satisfaire aux revendications parce que les dirigeants syndicaux ont signé un compromis boiteux.
Ce qui manque par contre, et c’est regrettable, est une lutte et une campagne unies impliquant les travailleurs du public comme du privé, aux niveau fédéral comme régional, et une direction nationale cohérente au sein des syndicats et sous la forme d’un véritable parti ouvrier qui puisse donner à cette résistance ouvrière non-coordonnée la vision et la force appropriées. Quoiqu’il en soit, la direction du NLC et de la TUC ont accepté d’organiser une grève d’avertissement de trois jours du mercredi 10 novembre au vendredi 12 novembre 2010, quant au refus du gouvernement du président Jonathan de faire appliquer le salaire minimum pourtant ridicule de 18 000 naïras (85€) par mois qui a été négocié avec les représentants du gouvernement aux niveaux fédéral et régional.
C’est là un premier pas dans la bonne direction, qui s’était long fait attendre. Nous, membres du DSM, avons toujours défendu l’idée que seule des actions de masse et non pas des “tactiques de relations industrielles” peuvent forcer les élites dirigeantes de tous les différents partis politiques à mettre en application des mesures capables d’améliorer le mode de vie de la population. Force est pourtant de constater que la direction du mouvement ouvrier n’apparait pas encore vouloir accepter le fait que la lutte de masse est une nécessité et non pas un outil pour “effrayer” ou “intimider” la classe dirigeante. Écoutons John Odah, le secrétaire général du NLC : « Nous soupçonnons le président Jonathan d’être en train de faire pression sur les gouverneurs d’état pour qu’ils n’appliquent pas le nouveau salaire minimum national. Le président Jonathan a un rendez-vous avec l’Histoire. Il peut soit se placer du côté des travailleurs opprimés et voir son nom être inscrit en lettres d’or dans les cœurs des Nigérians, soit se ranger du côté des gouverneurs et rater l’occasion en or d’être adulé par les travailleurs nigérians » (The Nation du 7 novembre 2010).
Plutôt qu’une perspective futile, qui cherche apparemment à liguer une section des brigands capitalistes contre l’autre, le DSM appelle de tous ses vœux à des mobilisations et à des luttes de masse y compris des manifestations et des grèves, là et quand elles sont nécessaires, avec une attention particulière sur la construction d’un parti politique ouvrier de masse qui puisse arracher le pouvoir de manière permanente aux pillards capitalistes et sur cette base commencer l’édification d’une société socialiste véritablement démocratique, dans laquelle les ressources de la société seront véritablement utilisées pour pourvoir aux besoins de tous et non pas d’une infime minorité, comme c’est le cas dans l’injuste désordre capitaliste actuel.
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[DOSSIER] Les grèves générales à nouveau à l’ordre du jour
Ces dernières années ont véritablement été explosives pour le capitalisme mondial. On aurait bien peine maintenant à trouver un pays ou une région que l’on pourrait considérer comme stable, sous l’onde de choc de la crise et de ses répercussions : licenciements, développement d’un chômage de masse, coupes budgétaires,… mais aussi riposte des travailleurs. Et dans ce contexte réapparait aujourd’hui une des plus formidables armes de la classe des travailleurs : la grève générale.
Dossier tiré de l’édition d’octobre de Lutte Socialiste
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La grève générale insurrectionnelle et révolutionnaire de l’hiver 1960-61
Dans les médias, quand on parle de mai ’68, on remarque régulièrement que cette révolte est réduite à un mouvement d’étudiants contestataires, plus intéressés par l’accès au dortoir du sexe opposé qu’à une réelle transformation de la société. Cette propagande cherche en fait à masquer la grève générale numériquement la plus grande de toute l’Histoire de l’humanité, avec quelques 10 millions de grévistes dans tout le pays (sur une population totale de 42 millions). Pourtant, quand on parle de la "grève du siècle", on se réfère à quelque chose d’autre ; la grève de l’hiver 1960-61 qui s’est déroulée en Belgique et a bloqué le pays entier cinq semaines durant.
Laissons ici la parole à Gustave Dache, militant ouvrier qui a connu cette grève et y a récemment consacré un livre que nous publions et sur lequel nous reviendrons :
"Ce combat, pour tous ceux qui y ont participé, est inoubliable. C’est la grève générale du ‘siècle’, la plus gigantesque qui ait été menée par les travailleurs de tout le pays. Cinq semaines de grève générale totale dans tous les secteurs, en plein hiver; il n’y a pas de précédent dans l’histoire du pays."
"[Cette grève générale a été] l’extraordinaire démonstration de la puissante force de combat déployée par la classe ouvrière, renouant avec les traditions révolutionnaires capables de renverser la société capitaliste. Le fait qu’en 1960 et 1961, les travailleurs furent si proches de réussir dans leur tentative doit inciter tous les marxistes révolutionnaires à continuer la lutte et à répéter inlassablement ce qu’ils disent depuis longtemps que: les conditions historiques sont mûres pour la révolution socialiste. Ce qui manque cruellement aujourd’hui comme hier, c’est une direction véritablement marxiste révolutionnaire, audacieuse, prenant exemple et s’appuyant sur l’audace et la volonté de combat des masses en action dans les grands conflits de classe."
‘‘La grève générale insurrectionnelle et révolutionnaire de l’hiver 1960-61’’, par Gustave Dache, éditions marxisme.be, 354 pages, 15 euros Passez commande au 02/345.61.81 ou par mail à redaction@socialisme.be.
L’année 2009 a notamment été marquée par la grève générale dans les Antilles françaises, initiée en Guadeloupe et, en Grèce, uniquement au cours de la première partie de cette année, 6 grèves générales se sont déroulées. On peut encore parler de la grève générale espagnole du 29 septembre et, dans les pays où il n’est pas encore question d’en organiser une dans l’immédiat, les discussions se développent avec plus ou moins d’ampleur autour de ce fantastique instrument de lutte.
Pour l’instant, parmi la classe des travailleurs, il n’existe pas encore de conscience large de la nécessité de se diriger vers une société socialiste, où la production est orientée vers les besoins de la majorité de la population et non vers l’avidité d’une élite de parasites. Elle n’existe même pas encore dans un sens plus vague et plus large tel que rencontré dans les années 1970 et 1980. Si la colère est grandissante et que se développe le désir d’aller vers ‘autre chose’, les gens ne savent en général pas encore vraiment ce à quoi cette ‘autre chose’ peut se rapporter. Cela a bien entendu un impact sur la signification des grèves générales qui sont aujourd’hui plutôt vues comme une forme de protestation, de pression ou de menace, mais pas encore comme un moyen de renverser le capitalisme.
Evolution de la conscience des masses et grève générale
Mais il ne faut pas perdre de vue que l’Histoire n’évolue pas toujours au même rythme, de façon linéaire. Elle est au contraire parcourue de soubresauts. Parfois, le mouvement des travailleurs semble ne pas évoluer des décennies durant jusqu’à ce que, poussé par des luttes et l’intervention consciente des militants marxistes, il peut bien vite – en quelques semaines, parfois même en quelques jours – rattraper le retard sur la situation politique réelle. Actuellement, en Grèce, 41% de la population est en faveur de la nationalisation des banques et 32% défendent l’annulation des dettes. Mais, à côté des quelques centaines de membres du Comité pour une Internationale Ouvrière sur place, aucune force ou parti n’est partisan de ces revendications, pas même Syriza (un parti plus large dans lequel la section grecque du CIO est active). Nous devons bien entendu tenir compte de la conscience existante parmi les masses, mais cela ne signifie en aucun cas que nous devons tout simplement refléter cette conscience. Nous devons trouver les moyens de faire graduellement émerger – pas à pas et en partant des besoins actuels – l’idée de la transformation socialiste de la société comme étant la seule issue possible.
Les grèves générales ne sont pas partout à l’ordre du jour. Parfois, il est nécessaire de d’abord promouvoir l’idée d’une manifestation nationale en tant qu’étape vers une grève générale. Telle est la situation actuelle en Grande-Bretagne, en Belgique et dans un certain nombre de pays de l’Europe du Nord. En Grèce, les six grèves générales de la première partie de cette année ont illustré l’énorme colère présente dans le pays, mais également l’attitude des dirigeants syndicaux, qui ne vont pas assez loin. L’idée de comités de grève pour organiser la grève ne trouve pas encore d’écho. Au vu de la conscience existante actuellement parmi les masses, appeler à une grève à durée indéterminée serait prématuré, un tel appel serait erroné. Comme Friedrich Engels le disait : une grève générale est une arme très puissante avec laquelle il faut être prudent. Léon Trotsky, lui, remarquait que l’improvisation était inacceptable dans l’organisation d’une grève générale, surtout dans une grève à durée indéterminée qui, par définition, soulève la question de la gestion de la société. Pour l’instant, en Grèce, nous défendons la nécessité de grèves successives, par secteur ou par région, combinée avec des grèves générales de 48 heures. Cela pourrait stopper la société grecque sans perte de salaires des travailleurs.
En Belgique, lors de la grande grève générale de l’hiver 1960-1961, des comités de lutte avaient paralysé la vie de la société civile. Ces comités sont le début d’une nouvelle organisation, avec des éléments qui font émerger une autre gestion de la société. En 60-61, ces comités avaient pris en charge l’organisation des permis de transport, l’organisation de la distribution alimentaire ou médicale,… Dans une telle situation, la bourgeoisie perd progressivement son contrôle et se pose alors la question de savoir qui contrôle la société. C’était un phénomène régulièrement présent dans les grèves générales du passé. La bourgeoisie et les dirigeants syndicaux étaient très inquiets de tels développements. Pendant la grève générale de 1926 en Grande Bretagne, un politicien conservateur (les Tories) avait ainsi déclaré aux dirigeants syndicaux que, s’ils continuaient la grève, ils deviendraient plus puissants que l’État lui-même. Il leur posait donc la question : "Est-ce que vous-êtes prêts à cela ?"
Le rôle crucial d’une direction
Le capitalisme est un système trop brutal pour que le mouvement des travailleurs et leurs partis soient découragés de prendre le pouvoir. En mai de cette année, au Népal, les maoïstes ont organisé une grève générale de six jours avec des manifestations de masse rassemblant jusqu’à 500.000 participants. La revendication centrale était la démission du premier ministre. Après six jours, la grève a été stoppée, sans résultat. Une grève générale ne peut pas être allumée et éteinte sans que cela ne conduise à la démoralisation. Une grève générale à durée indéterminée pose la question du pouvoir mais, en soi, elle est insuffisante pour prendre le pouvoir. Pour cela, il faut un parti révolutionnaire prêt à jouer ce rôle, et construire cet instrument exige du temps et des sacrifices. A plusieurs reprises au cours du 20e siècle, la classe ouvrière a dû faire face à ce problème, comme lors de la grève générale de 1909 en Suède, où pas moins de 500.000 comités de grève ont été constitués, jusque dans l’armée elle-même. Mais la trahison de la direction a conduit la grève à la défaite, après quoi les salaires et le taux de syndicalisation ont baissé tandis que des assainissements sévères étaient appliqués.
Cela ne signifie nullement que nous voulons appeler à la grève générale uniquement si nous sommes certains de son issue et de sa victoire, nous ne pourrons en fait jamais l’être. En outre, si le mouvement ouvrier ne se met pas en lutte quand la situation l’exige, les défaites sont encore plus graves. Mais un parti capable d’expliquer d’où provient la défaite peut limiter les dégâts et poser la base de futurs succès. La révolution russe de 1905 a forcé le Tsar à faire des concessions, mais elle a été suivie d’une longue vague de répression. Les bolcheviks et la majorité des militants du mouvement ouvrier ont été forgés dans cette répression et ont acquis une expérience cruciale avec la formation des conseils des travailleurs (ou soviets en russe), à la base de la révolution réussie qui s’est déroulée dans la période de février à octobre 1917.
Une grève générale n’est cependant pas un outil approprié en toutes circonstances pour le mouvement ouvrier. En Allemagne, en mars 1920, la tentative de coup d’Etat des monarchistes (le putsch de Kapp) a été bloquée par une grève générale de quatre jours. Mais lorsqu’en Russie le général Kornilov s’est lui-aussi hasardé dans une tentative de coup d’Etat militaire en août 1917, personne n’a appelé à la grève générale. Les troupes de Kornilov s’étaient progressivement affaiblies jusqu’à s’effondrer avant même de parvenir aux portes de Petrograd, la capitale du pays et le centre de la révolution. Cela n’a été rendu possible que par les nombreux actes de sabotage, par la propagande révolutionnaire et par la perspective d’une confrontation avec les milices des soviets qui organisaient la défense de Petrograd sous l’impulsion des bolcheviks.
Lors de la grève générale grecque la plus récente, le taux de participation aux manifestations était plus bas à cause de la grève des transports publics ce qui illustre que, parfois, il vaut mieux organiser du transport gratuit pour les grandes concentrations des travailleurs. Mais en ce moment, les dirigeants syndicaux recourent aux grèves générales comme un moyen de se défouler, sans plus. Cela est particulièrement le cas en Europe du sud, comme avec les grèves générales de 4 heures en Italie par exemple. En 1972, les dockers britanniques ont été arrêtés pour avoir participé à une grève. La pression sur la direction syndicale du TUC (Trade Union Congress) pour organiser une grève générale en réponse était très forte et cet appel est finalement venu, mais seulement après un accord entre la direction syndicale et le gouvernement pour libérer les dockers.
Construire la grève générale
Grève générale et socialisme
Chaque grève recèle en elle la contestation d’une parcelle du pouvoir capitaliste. Un piquet de grève, par exemple, peut contester au patron le pouvoir de faire entrer qui il veut dans “son” entreprise, de même qu’il remet en question l’idée que seuls le fait de travailler pour un patron et l’acceptation quotidienne de l’exploitation permettent de vivre. Qu’une grève prenne de l’ampleur (d’une grève démarrant dans une entreprise vers une grève locale ou nationale, durant plusieurs jours,…) et la force de cette contestation augmente d’autant, jusqu’à poser la question cruciale : qui est le maître à l’usine, dans l’économie et dans l’Etat : les travailleurs ou les patrons et actionnaires ?
Il ne s’agit pas seulement ici de préparer l’affrontement contre la société capitaliste, une nouvelle société est en germe dans ces luttes. Au fur et à mesure de l’approfondissement d’un tel conflit social, les tâches des comités de grève se développent pour arriver véritablement à une situation de double pouvoir, une situation où, à côté de l’Etat capitaliste, surgit un embryon de nouvel Etat basé sur la coordination des assemblées de travailleurs et leur action. C’est de ce dernier que pourra naître une société enfin débarrassée de l’exploitation et de l’oppression, une société socialiste démocratiquement planifiée et basée sur l’auto-organisation des travailleurs et de la population.
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Les grèves générales sont aujourd’hui plus à l’ordre du jour que durant les 20 dernières années, mais nous portons encore beaucoup d’éléments typiques de la période précédente. La classe ouvrière ne considère pas encore que la grève générale est un moyen de prendre le pouvoir, mais plutôt un outil pour stopper les attaques contre les acquis sociaux. Mais, de l’autre côté, la bourgeoisie ne peut pas se permettre d’arrêter les attaques. Vu le niveau de conscience actuel, dans un certain nombre de pays et notamment en Grande-Bretagne, en Suède, en Allemagne et, jusqu’à un certain point, en Belgique également, il nous faut faire quelques pas intermédiaires. Une grève générale dans les services publics peut par exemple renforcer la confiance de toute la classe ouvrière et l’idée d’une grève générale européenne est un point crucial dans notre propagande depuis le mois de septembre. Dans le sud de l’Europe, cette grève européenne va déjà se manifester le 29 septembre, avec une grève générale en Espagne et des grèves dans d’autres pays. Au nord, surtout dans le cadre de la manifestation européenne contre les assainissements du 29 septembre à Bruxelles, cette revendication fait partie de notre propagande générale. A ces occasions, il est essentiel de lier cette demande à la nécessité d’une transformation socialiste de la société.
La situation en Grèce conduit inévitablement à l’escalade. Nous ne pouvons pas encore déterminer quand, mais la crise du capitalisme va obliger le patronat à lancer une attaque généralisée contre tous les acquis des travailleurs. Au fil du temps, des grèves générales prendront un caractère révolutionnaire. Cela exige quatre conditions. La classe ouvrière doit se révolter contre le capitalisme, les couches moyennes dans la société doivent douter et – partiellement au moins – choisir le camp des travailleurs et la bourgeoisie doit être divisée au vu du manque de moyens pour sortir de la crise. Ces trois conditions ont commencé à mûrir en Grèce. Mais à cette étape la conscience des masses est encore essentiellement au niveau d’une colère contre les banques, le Fond Monétaire International et l’Europe, et pas encore contre le capitalisme lui-même. Malheureusement, la quatrième condition n’est pas encore présente : l’existence d’un parti révolutionnaire de masse capable de canaliser la colère dans une lutte organisée pour le socialisme. Construire cette force pour la phase suivante de la lutte des classes est la tâche principale pour le CIO, tant en Grèce qu’en Belgique et ailleurs.
Dans sa lutte, la classe des travailleurs a besoin de mots d’ordres qui correspondent aux besoins objectifs du moment. Même un petit groupe peut surmonter sa faiblesse numérique et devenir un facteur dans le mouvement, à condition qu’il lance les mots d’ordre appropriés au bon moment.