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  • Les révoltes mondiales contre ce système sans perspective suscitent la recherche d’une alternative (1)

    1. L’été dernier, l’illusion selon laquelle le capitalisme mondial allait parvenir à s’extraire du pétrin dans lequel il se trouve depuis 2008 a de nouveau volé en éclats. On était parvenu à changer la Grande Dépression en une Grande Récession. C’est pourquoi on avait ouvert les robinets à argent, les dettes privées avaient été transférées aux gouvernements et les stimulants de masse avaient sauté. Depuis lors, une question cruciale tient en suspens les économistes et les politiciens : à partir de quand les déficits budgétaires peuvent-ils être purgés, sans pour autant de nouveau rejeter l’économie dans la récession ?

    2. Bonne question ! Au lieu de redémarrer au turbo sur les starting-blocks, l’économie mondiale continue à cahoter. Cela suscite des tensions, qui deviennent difficiles à cacher même avec diplomatie. Ces derniers 18 mois, les États-Unis et la FED ont continué à arroser l’économie avec leur pompe à pognon. C’est entre autres comme cela que le déficit budgétaire des États-Unis va atteindre cette année un nouveau record de 1.645 milliards $. Dans le meilleur des cas, cela pourra redescendre en-dessous de 1.000 milliards $ à partir de 2013. En même temps, le bilan de la FED, l’autorité monétaire destinée à lubrifier l’économie, a grimpé de 1.000 milliards $ avant la crise du crédit, à 3.000 milliards $ en juillet de cette année.

    3. Le gouvernement chinois a encore une fois surpassé l’américain. En pourcentage du PIB, les stimuli chinois dépassent de moitié les américains. Grâce à ses banques sous contrôle d’État, 3000 milliards $, soit 60% du PIB, sont passés au crédit. Cela n’a pu se faire que par la nature hybride de l’État chinois. Même si cela fait bien longtemps déjà que la demi-caste, demiclasse dirigeante a décidé de passer à une économie de marché, elle dispose encore toujours de leviers qui lui permettent de mobiliser les forces productives d’une manière dont les autres économies purement de marché ne peuvent que rêver. Le régime a ainsi pu neutraliser l’effet de la grande récession sur son économie et dans la foulée soutenir l’économie américaine afin d’éviter d’être entrainé en chute libre avec elle.

    4. La Chine a accumulé 3.200 milliards $ en réserve au cours de ces dernières décennies, 66% en dollars, 26% en euro. Elle aimerait bien diversifier ce trésor. Un peu partout dans le monde, les détenteurs de capitaux sont très conscients de cela. C’est pourquoi la Chine se trouve sous pression. Le moindre signe qu’elle commence à vendre ses réserves en dollars causera une fuite subite, chacun cherchant à se débarrasser de ses dollars, conduisant à une implosion de cette devise, et à une baisse subite de la valeur de ses réserves. Mais sur un plus long terme, le fait de garder ces réserves en dollars pourrait s’avérer encore plus grave.

    5. L’économie chinoise est bien la deuxième au monde par sa taille, mais avec 1.250 millions d’habitants, la consommation des particuliers est sous celle de l’Allemagne, avec ses 82 millions d’habitants. La Chine a exporté près de 1.600 milliards $ en 2010. La dépendance envers le marché américain est énorme. Le surplus commercial (c.à.d, les exportations moins les importations) avec les États-Unis en 2010 était de 273 milliards $, plus que le surplus commercial total, qui est lui de 183 milliards $. Face au surplus commercial avec les États-Unis, il y a il est vrai un déficit commercial avec les pays fournisseurs de matières premières et de mains d’oeuvre encore meilleur marché dans la plupart des pays d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique. La Chine a donc tout intérêt à ce que l’économie américaine continue à tenir le coup.

    La Chine – nouvelle superpuissance mondiale ?

    6. Les mesures prises par le gouvernement chinois ont assuré une poursuite de la croissance dans toute une série de pays, dont par exemple le Brésil et l’Australie, mais cela n’est pas sans risque. Le Brésil présente à nouveau des signes d’économie coloniale qui produit essentiellement des matières premières et des produits semi-finis et en échange ouvre son marché aux produits manufacturés chinois. On y voit même un processus de désindustrialisation. Avec l’immense hausse de la productivité en Chine, en moyenne de 9,6% entre 2005-2009, cela a fait croître l’illusion que la Chine est sur le point de détrôner les États-Unis en tant que principale puissance mondiale. Tout comme les États-Unis après la Deuxième Guerre mondiale avaient chassé de cette position le Royaume-Uni.

    7. Cela est cependant peu probable. Aussi bien le Royaume-Uni que les États-Unis disposaient durant toute leur phase ascendante des techniques de production les plus modernes. C’était leur efficience de production qui déterminait les limites scientifiques et technologiques du reste du monde. Tous deux ont connu leur période de gloire dans une période d’expansion économique. Les Etats-Unis – après que ses plus importants concurrents aient été aplatis sous les bombardements, l’Amérique latine leur étant tombée dans les mains comme un fruit bien mûr – ont pu imposer leurs termes commerciaux et leur monnaie au reste du monde capitaliste, et ont développé une économie de guerre, sans pour autant avoir à subir les désavantages de la guerre. Voilà quelles ont été les conditions par lesquelles les techniques de production qui étaient déjà connues avant la Deuxième Guerre mondiale, mais qui se heurtaient auparavant aux limites du marché, ont pu être appliquées pour la première fois à une échelle de masse.

    8. Déjà en 1950, les États-Unis étaient beaucoup plus productifs que leurs concurrents. La productivité de l’Allemagne et de la France n’atteignait même pas la moitié de la productivité américaine. L’Union Soviétique n’en atteignait à peine que le tiers, et le Japon un cinquième. Les seuls qui atteignaient des résultats comparables étaient l’Australie, le Canada et… le Venezuela. Le Royaume-Uni était alors déjà un bon quart moins productif, juste un peu mieux que l’Argentine, mais derrière Hong Kong. Dans les années ’60 et ’70, la productivité aux États-Unis ne s’est cependant accrue que de moins de +3%, alors qu’elle s’accroissait de +5% dans les quinze pays de l’Union Européenne et de +8% au Japon. Comment cela se fait-il ? Selon la FED, à New York (Current Issues v13, n8), parce que lorsque la quantité de capital placée par travailleur est basse, le capital est relativement productif. Il a alors un haut produit marginal (la quantité par laquelle la production s’accroit pour chaque nouveau travailleur engagé) et contribue visiblement à la croissance de la productivité.

    9. Ce phénomène a déjà été expliqué par Marx. Il a fait remarquer le changement dans la composition organique du capital. Avec la composition organique, on détermine le rapport entre capital “vivant et variable” et capital “mort et constant”. Le capital vivant est consacré aux heures de travail de la main d’oeuvre et fournit une plus-value. Le capital mort est consacré aux bâtiments, aux matières premières, aux machines, et transmet sa valeur à celle du produit final, mais sans y ajouter de plus-value. La concurrence force les capitalistes à au moins suivre les techniques les plus modernes, et donc à investir de plus en plus dans du capital mort, aux dépens du capital vivant. L’effet clairement contradictoire de cela est le fait que le taux de profit – le profit réalisé par unité de capital investie – a une tendance à baisser. Les marxistes appellent cela “la loi de la baisse tendancielle du taux de profit”.

    10. Comme seconde raison pour expliquer la faible croissance de la productivité aux USA dans els années ’60 et ’70, la FED explique que des pays connaissant une degré moindre de technologie et de techniques de production, qui attirent des investissements étrangers et autres joint-ventures, pouvaient facilement copier les USA. On appelle cela la “loi de l’avancée en tant que frein” ou, pour employer une terminologie plus multilatérale et plus marxiste, la “loi du développement inégal et combiné”. Cela explique la croissance plus rapide de la productivité au Japon après la Deuxième Guerre mondiale, mais aussi pourquoi un pays qui se coupe du monde extérieur est au final condamné à stagner et à rester en arrière. La Corée du Nord ou l’Albanie d’Enver Hoxha, de véritables caricatures d’autarcie, en sont des témoins flagrants.

    11. La rapide hausse de la productivité au Japon et dans l’Union européenne a cependant cessé au début des années ’90. Selon la FED, cela s’est produit en Europe à cause de la “rigidité du produit et du travail”. Selon nous, cela s’est produit parce que le mouvement ouvrier en Europe est mieux parvenu qu’aux États- Unis à résister contre les tentatives du patronat de rehausser le taux d’exploitation. Pour le Japon, la FED explique qu’au fur et à mesure que la productivité d’un pays atteint son summum, le produit marginal baisse, et il devient plus difficile de copier, et de ce fait la hausse de la productivité devient plus difficile à réaliser. Nous ajouterions ceci : à moins qu’il ne survienne une situation exceptionnelle. La destruction massive de l’infrastructure et des moyens de production pendant la Deuxième Guerre mondiale constituait une telle situation exceptionnelle.

    12. Les États-Unis ont connu leur période de gloire durant l’âge d’or des années ’50 et ’60. À ce moment, la croissance économique était tirée par l’État social, avec la hausse des salaires, la baisse du temps de travail, l’apparition de véritables allocations sociales, de services publics et d’un système d’impôt progressif. L’économie chinoise est au second rang si on compare sa taille pour tout le pays mais, en termes de richesse par habitant, elle se trouve à la 95e place. Le pays connait une énorme croissance de la productivité de par les raisons définies ci-dessus, auxquelles il faut ajouter son infrastructure, son niveau d’enseignement et sa centralisation, tout cela hérité de son économie planifiée. Pourtant, la productivité par travailleur en 2005 n’y était que de 15% supérieure à ce qu’elle est aux États-Unis. La Chine devrait surmonter cela, alors que nous sommes en plein milieu d’une période de contraction économique.

    Les déséquilibres de l’économie chinoise

    13. Tout comme pour le Japon en son temps, la croissance économique chinoise est essentiellement poussée par les investissements. Au début, cela permet une croissance fébrile mais, après un certain temps, cela devient un frein. Entre 2000 et 2010, les investissements se sont accrus chaque année en moyenne de 13,3%, mais la consommation des particuliers n’a cru que de 7,8%. Cela signifie un transfert de la consommation vers les investissements. La baisse des salaires, l’expansion du crédit et un cours de change sous-évalué ont tous contribué à cela. La part de la consommation dans le PIB au cours de cette période est passée de 46% à 34%, tandis que celle des investissements passait de 34% à 46%. Pour 1% de croissance du PIB, il fallait encore dans les années ’90 une croissance du capital de 3,7%, en 2000, ce 1% de croissance exigeait par contre une hausse des investissements de 4,25%. On voit donc que la rentabilité de l’investissement diminue.

    14. C’est pourquoi Wen Jiabao, le premier ministre chinois, a déclaré l’économie ‘‘instable, déséquilibrée, non-coordonnée et au final, non-durable’’. On craint que ‘‘ne soient piégés les revenus moyens.’’ C’est le phénomène où un pays ne parvient plus à croître à partir du moment où il a atteint un niveau bien défini. L’incapacité à livrer l’accès aux couches moyennes pour la majorité de la population est un de ces symptômes. Les bas salaires et la répartition inégale sont il est vrai la source de la croissance des investissements. En fait, la croissance devrait être plus basée sur la consommation des particuliers. La croissance des investissements devrait être inférieure à celle du PIB. Dans les années ’80, le Japon a tenté de soutenir la croissance avec le crédit d’investissement, sans effet : cela a conduit à une explosion du crédit. Dans les années ’90, la correction est arrivée, avec les conséquences catastrophiques que l’on connait.

    15. Plus encore qu’à l’époque au Japon, les investissements en Chine sont basés sur du crédit. Sans un soutien artificiel, une grande partie ne serait pas rentable. Le moindre affaiblissement de la croissance à 7% ferait s’écrouler les investissements à 15% du PIB. Toute tentative de réorienter les moyens vers les ménages causerait une encore plus grande baisse des investissements. De ce fait, on voit que les investissements deviennent une source de stagnation, au lieu d’être un moteur pour la croissance. La Chine a maintenant un PIB par habitant comparable à celui du Japon en 1950 (juste après la guerre et juste avant le début de sa phase de croissance rapide longue de 25 ans). On dit que le PIB par habitant de la Chine pourrait atteindre 70% de celui des États-Unis en 2035, comme l’a fait le Japon en 1975 – à ce moment, l’économie chinoise serait plus grande que celle des États-Unis et de l’Europe ensemble. Bien que la taille de la population chinoise offre une échelle et des possibilités supplémentaires pour la répartition du travail, il y a aussi d’importants inconvénients qui y sont liés, le gigantesque besoin en matières premières n’est pas des moindres.

    16. La création d’argent avec laquelle le gouvernement chinois a tenté de repoussé la crise en 2009 et 2010 n’a pas réduit sa dépendance face aux exportations et aux investissements. Sur le marché de l’immobilier, il y a énormément de spéculation, dont l’argent est financé par des prêts. Cela a causé une énorme hausse des prix. La bulle immobilière a entrainé avec elle du capital spéculatif. Les investisseurs courent, il est vrai, le risque d’une réévaluation du yuan par rapport au dollar. Les hausses salariales sont compensées par la hausse des prix à la consommation. Le taux d’inflation “alarmant” provient apparemment de la croissance rapide du crédit et de la monnaie et de la hausse du prix du pétrole, des matières premières et des denrées alimentaires ; cela est renforcé par les spéculateurs qui attendent que la demande augmente. L’exportation massive de produits chinois fait en sorte qu’il y a un afflux massif de devises étrangères. Les entreprises tout comme les particuliers peuvent facilement prêter de l’argent, comme le robinet à crédit a été coupé sur injonction des autorités. Mais tandis que le gouvernement national coupe le robinet à crédit, celuici reste grand ouvert auprès des autorités locales.

    Guerre des devises et commerciale

    17. L’Occident trouve que le dernier plan quinquennal s’attaque insuffisamment aux problèmes structurels. On doit faire quelque chose pour résoudre la dépendance aux exportations et le fossé entre riches et pauvres. L’Occident a peur d’un affaiblissement de la croissance. Nouriel Roubini avertit d’un danger de crash. Mais leurs remarques ne sont certainement pas désintéressées. Ils espèrent gagner en compétitivité en forçant la Chine à réévaluer sa monnaie. Ils veulent aussi gagner l’accès à quelques miettes du marché intérieur chinois, mais celui-ci doit d’abord être mis sur pied. Pour la Chine, ils défendent par conséquent ce que partout ils combattent à tout prix : de meilleurs salaires et une sécurité sociale. Mais l’idée que la Chine puisse subitement gonfler sa consommation sans toucher aux intérêts des détenteurs de capitaux privés est une illusion. L’économie chinoise est une économie de marché libre dans la mesure où une hausse significative des salaires ou une réévaluation comparable du yuan provoquerait une chute du niveau d’investissements, et avec elle, de la croissance économique.

    18. Les gouvernements américains et européens demandent à la Chine ce qu’eux-mêmes ne peuvent pas se permettre. À première vue, c’est plutôt agréable. Dans la pratique, il s’agit d’une manoeuvre audacieuse. Ainsi, l’assouplissement quantitatif dont a fait usage la FED avait comme prévu affaibli le dollar au milieu de l’an passé. Cela a incité les spéculateurs à s’adonner au “carry trade”, c.à.d. à emprunter des dollars à un taux quasi nul pour les placer dans des pays avec un taux plus élevé. L’investisseur encaisse la différence de taux, sans même y engager son propre argent. L’affluence d’investissements a poussé la valeur des devises des pays receveurs, au détriment de leur compétitivité. Le premier à utiliser le terme de “guerre monétaire” a été le ministre des finances brésilien Guido Mantega, mais il exprimait ainsi ce à quoi beaucoup d’autres gens pensaient déjà. Le Brésil demande à l’OMC de prendre des sanctions contre les pays qui laissent filer trop bas leur taux de change. Il y a aussi le dumping. La Chine menace d’une guerre commerciale si les États-Unis décident de placer des taxes à l’importation sur les produits chinois.

    États-Unis : la politique anticyclique échoue

    19. Les États-Unis sont désespérément à la recherche de quelqu’un qui puisse reprendre une partie de leurs problèmes. De là viennent la pression sur la Chine pour qu’elle réévalue sa monnaie, la guerre monétaire à peine voilée, et le plaidoyer en faveur d’une politique monétaire plus conviviale en Europe. Depuis la catastrophe qu’a été le passage du “war-president” George W Bush avec ses cadeaux fiscaux aux riches, l’idée dominante est à présent de lutter contre la crise par une politique anticyclique. Ce courant est représenté par le président Obama, son ministre des Finances Timothy Geithner, et le président de la FED Bernanke. Tout comme leurs opposants, ils trouvent que l’État doit remettre de l’ordre dans ses dépenses, mais pas d’une manière qui risque d’hypothéquer la croissance. Ils craignent que des économies drastiques ne rejettent à nouveau l’économie dans la récession, voire la dépression. En plus de cela, ils souhaitent une participation de la part des riches, pour éviter des réticences de la part de la population face au plan d’austérité. Le gourou de la Bourse Warren Buffet affirme publiquement vouloir payer plus d’impôts.

    20. Cette politique s’est composée des stimuli de 800 milliards $ au début 2009, et de deux opérations d’assouplissement quantitatif par la FED, pour un total de 1850 milliards $. Entretemps, on a lancé le QE 1.5, avec lequel des remboursements libérés sont consacrés à des prêts d’États supplémentaires. La FED a également décidé de bétonner le taux nul jusqu’à 2013. Au final, elle a vendu pour 400 milliards $ de bons d’État à court terme (jusque 3 ans) et a acheté pour un montant semblable en bons d’État à long terme (de 6 à 30 ans). Rien ne semble cependant fonctionner. La consommation des particuliers n’a pas repris parce que les ménages tentent maintenant de rembourser leurs dettes, parce que le chômage sape le pouvoir d’achat, et parce que les autorités locales économisent sur les services et sur le personnel. Malgré des taux très bas, les entreprises américaines continuent à simplement stocker leur argent, pour un montant de 1,84 milliards de dollars, et préfèrent racheter leurs propres actions plutôt que d’investir.

    21. L’absence de résultat sape la crédibilité du gouvernement. Cela renforce la confiance des opposants, qui avaient pourtant pris un fameux coup avec la disparition de Bush. Cela a fait changer de camp ceux qui hésitaient. Au sein de la FED, Bernanke doit de plus en plus compter avec l’opposition, mais il ne doit pas se présenter à des élections. Obama et ses Démocrates n’ont pas ce luxe. Au niveau des Etats et au niveau plus local, des économies copieuses sont déjà bien avancées, même là où des Démocrates sont au pouvoir. Le mouvement Tea Party a sauté sur le mécontentement pour se présenter en tant que défenseur de l’Américain travailleur. Pour les Républicains, ces radicaux de droite étaient des partenaires bienvenus qui les ont aidés à obtenir la majorité à la Chambre basse en 2010.

    Le fouet de la contre-révolution

    22. Mais ce soutien pourrait bien s’avérer être un cadeau empoisonné. Le rôle des partisans du Tea Party dans l’attaque brutale contre les conditions de travail et les droits des travailleurs, entre autres au Wisconsin, a provoqué une réaction de masse. Pour les jeunes et les travailleurs, cela a été un moment décisif. Cela, en plus de son empressement à laisser les États-Unis faire défaut sur leurs paiements (pendant le débat sur le plafond légal de la dette), a endommagé le soutien populaire du Tea Party. Cela pourrait être décisif pour les élections présidentielles de 2012. Trouver un équilibre entre l’establishment des Républicains et les activistes qui exigent un plus grand rôle avec le Tea Party, devient de plus en plus difficile. Un Républicain modéré a officiellement une plus grande chance de récupérer des votes démocrates. Mais c’est surtout les dangers liés au fouet de la contre-révolution, qui font que l’establishment se réunit catégoriquement derrière la candidature de Mitt Romney. Il n’est pas exclu que ce “Grand Old Party” se dirige vers une scission après les élections présidentielles, et que le système des deux partis ne se rompe en premier lieu sur son flanc droit.

    23. Cela ne signifie pas pour autant qu’Obama a déjà gagné. Pour relever le plafond de la dette, on prévoit des économies pour 2.500 milliards $ au cours des dix prochaines années. Pas un mot sur plus d’impôts pour les riches. Le nombre de pauvres a augmenté l’an passé jusqu’à 46,2 millions, le nombre le plus élevé en 52 ans. 15% des Américains sont pauvres, le plus haut chiffre depuis ’93 : 10% des Blancs, 12% des Asiatiques, 26% des Hispaniques et 27% des Noirs. 50 millions d’Américains sont non-assurés, 48 millions des personnes entre 18 et 64 ans sont sans travail. Le revenu médian des ménages est retombé à son niveau de 1996. Le revenu médian personnel d’un travailleur adulte masculin, rapporté en dollars de 2010, était l’an passé inférieur à celui de 1973. Entre 1980 et 2009, le revenu des 20% les plus riches s’est accru de 55%, celui des 20% les plus pauvres a baissé de 4%. En 2007, 23,7% du revenu national allait aux 1% les plus riches, soit la même proportion que ce qui avait été atteint en 1929, juste avant la Grande Dépression.

    24. À chaque fois que l’on espère que l’économie a été sauvée et que l’on pense alors à débrancher la mise sous perfusion par la FED, apparait l’une ou l’autre statistique qui envoie tout valser. En août, pas un seul job n’a été créé. Les chiffres parus en juillet ont dû être fortement revus à la baisse. Immédiatement est réapparue l’angoisse que l’économie allait droit vers une nouvelle récession. Obama a lancé un nouveau plan d’emploi pour 447 milliards $, dont 240 milliards pour la réduction de moitié des impôts sur salaire, une mesure essentiellement destinée à soutenir les PME. De l’argent a été libéré pour des investissements dans des autoroutes, des chemins de fer et des écoles, et des moyens ont également été prévus pour tempérer le nombre de licenciements d’enseignants dans les écoles d’État. Pour réduire le chômage officiel de 9,1% à 5% en 5 ans, il faudrait cependant créer tous les mois 300.000 nouveaux emplois. Depuis le début de 2010, cela n’a été que 100.000 en moyenne, mais cela aussi s’est fortement réduit ces derniers temps.

    25. Ce plan ne suffira pas à remettre sur pied l’économie américaine pour une croissance durable. Il n’est qu’une répétition du plan précédent, en mode mineur. Avec de la chance, cela pourrait de nouveau tirer la croissance de l’emploi, jusqu’à la fin de ce plan. Le problème fondamental n’est toutefois pas un manque de moyens pour investir. Les entreprises ont tous les moyens qu’il leur faut. Elles ne croient cependant pas que l’investissement dans la production pourra rapporter suffisamment. Bon nombre d’entreprises reçoivent aujourd’hui bien plus de profits de par leurs transactions financières que de leur production. De plus, il n’est plus garanti qu’il existe encore un marché pour pouvoir absorber la production. Avec le développement actuel de la science et de la technique, les innovations nécessitent des années de recherche pour un rendement qui doit être réalisé dans un délai de plus en plus court. À peine un produit est-il développé qu’avec les possibilités actuelles il suffit tout au plus de quelques années pour saturer le marché mondial.

    26. Entretemps, l’État américain accumule les dettes. Tôt ou tard, il faudra bien les payer. Jusqu’à récemment, on considérait que cela était une donnée sûre. L’impasse dans le débat autour du plafond de la dette a cependant semé le doute. Qui aurait pensé que les politiciens aller amener les États-Unis au bord d’un défaut de paiement afin d’obtenir gain de cause dans la discussion budgétaire ? L’agence de notation Standard & Poors a décidé pour la première fois dans l’Histoire de baisser la garantie sur crédit de l’État américain. Elle a pris cette décision au lendemain d’un rapport avec une faute de calcul de pas moins de 2.000 milliards $. En plus, les marchés s’en foutaient de cette notation. La demande en bons du Trésor américain n’a pas descendu, de sorte que les États-Unis peuvent prêter au même taux que l’Allemagne. Cela ne va encourager la FED à faire de la lutte contre l’inflation une priorité. Au contraire, un peu d’inflation serait plus que bienvenu afin d’éponger la montagne de dettes. Le seul problème à cela est la difficulté de doser l’inflation.

    Zone euro : priorité à l’austérité

    27. La visite du ministre des finances américain Timothy Geithner au sommet européen de Wrocław n’a pas été extrêmement bien reçue. Geithner était là pour avertir l’Europe. Il aura remis en mémoire le glissement incontrôlable de Lehman Brothers jusqu’à la faillite, pour convaincre l’UE d’abandonner les spéculations sur la banqueroute de l’État grec. Il y a aussi plaidé en faveur d’un large élargissement du fonds de stabilité européen, qu’il fallait selon lui quadrupler. Les dirigeants des États-Unis craignent une nouvelle crise de l’économie mondiale, cette fois avec d’encore plus grandes conséquences que pendant la Grande Récession, déjà aussi parce que les Banques centrales et les États au cours de la précédente récession ont déjà épuisé toutes leurs munitions. Il y a apparemment plaidé en faveur d’une injection ferme et résolue de moyens afin de tuer dans l’oeuf la crise de la dette.

    28. Pour l’Europe, cela est cependant encore plus difficile que l’assainissement du budget aux États-Unis ou que la rehausse de la consommation des particuliers en Chine. Les politiciens européens sont également partagés quant à la manière de combattre la crise au mieux. Aux États-Unis domine pour le moment la tendance qui veut mettre la priorité sur la croissance plutôt que sur l’austérité. Mais il ne faut pas s’étonner que les rapports de force en Europe soient tout à fait opposés. La tendance qui veut donner la priorité à l’austérité “afin de soutenir la croissance de manière structurelle” y est dominante. Ce n’est guère surprenant. La zone euro est une union monétaire, mais pas une union fiscale ni politique. Elle consiste en 17 pays qui ont tous leur propre bourgeoisie, leur propre gouvernement et leurs propres intérêts. À qui rapporte le fait que la priorité soit mise sur la croissance ? Aux récipiendaires directs. Et à qui est-ce que ça rapporte qu’on ait des économies d’abord, avant les dépenses ? Les payeurs nets. Ces derniers sont les pays les plus forts, qui sont dominants dans la détermination de la politique de la zone euro et de la BCE.

    29. Le PSL et le CIO ont toujours été d’avis que l’unification européenne n’est pas possible sur une base capitaliste. Nous sommes également depuis longtemps convaincus du fait qu’une récession économique mettrait une croix sur le projet d’une monnaie unique européenne, même avant que l’euro n’arrive en existence. Les unions monétaires ne sont pas quelque chose de nouveau. Les pays insulaires autour de l’Australie utilisent le dollar australien et il existe encore quelques anciennes unions monétaires coloniales, telles que le franc CFA. D’autres unions monétaires ont existé par le passé sur une base volontaire entre des États plus ou moins comparables. L’Union monétaire scandinave par exemple, qui a duré de 1873 à 1914. Ou l’Union latine, à partir de 1865 entre la Belgique, la France, la Suisse et l’Italie, qui a ensuite été rejointe par l’Espagne et la Grèce, et enfin par la Roumanie, la Bulgarie, la Serbie, Saint-Marin et le Venezuela (entre autres). Cette union a tenu jusqu’en 1914, bien qu’elle n’ait été officiellement dissoute qu’en 1927. Nous pensions cependant que la conjoncture économique, cette fois, exclurait complètement l’idée d’une nouvelle union monétaire. Nous nous sommes trompés. Nous restons néanmoins convaincus que la crise va à un moment donné faire éclater la zone euro, mais pas au point d’avant l’introduction de l’euro.

    30. Les bourgeoisies nationales d’Europe n’ont jamais eu l’intention, ni avec l’Union européenne, ni avec la zone euro, d’unifier les peuples d’Europe par la paix. Cela n’a jamais été que de la rhétorique, derrière laquelle était caché la signification réelle, c’est-à-dire la création de leviers pour la maximalisation du profit et de la casse sociale. C’est évident, la réalité de la division du travail croissante et le besoin de devenir plus fort dans la concurrence avec d’autres blocs commerciaux aura joué, mais jamais jusqu’au point où cela irait au prix des intérêts nationaux particuliers. Le traité de Nice et plus encore celui de Lisbonne ont en tant que but de faire de l’Europe la région la plus compétitive au monde. C’était sans doute l’intention de laisser converger petit à petit les économies nationales, même si les normes de Maastricht et le pacte de stabilité qui ont été institués à cette fin ont été abusivement utilisés par les politiciens nationaux pour rejeter sur eux la responsabilité de la politique nationale. La plupart des pays n’ont jamais atteint les conditions requises par les normes de Maastricht, encore moins du pacte de stabilité, et la Belgique non plus.

    31. Jusqu’à avant la crise de la dette, les économistes étaient convaincus que la convergence était un fait. Ils voyaient les caractères communs superficiels, mais pas les contradictions croissantes sous la surface. Ils voyaient surtout ce qu’ils voulaient voir. En 2006, Marc De Vos, de l’agence Itinera, écrivait dans une carte blanche dans De Tijd : « L’Irlande nous apprend qu’une relative inégalité de revenu est le prix à payer pour une expansion économique rapide, dont néanmoins tout le monde, y compris les pauvres en termes absolus, s’enrichit ». De Vos ne raconterai plus aujourd’hui de telles sornettes de la même manière, mais en ce temps-là, il était complètement aveuglé par l’expansion économique. Dans notre réponse dans les textes de notre Congrès de 2006, nous indiquions déjà une contradiction que lui-même n’allait découvrir que quelques années plus tard : « … le symptôme spécifique par lequel l’Irlande depuis des années a connu un taux d’intérêt réel négatif. Le taux d’intérêt est il est vrai défini par la Banque centrale européenne et se trouve depuis des années sous les chiffres de l’inflation irlandaise. Le crédit extrêmement bon marché est indirectement financé par un grand afflux de capital étranger ». À cela, nous ajoutions : « Une profonde récession sur le plan mondial fera cependant éclater l’économie artificiellement gonflée de l’Irlande (du Sud) ».

    32. Aujourd’hui, tout le monde reconnait que les contradictions n’ont pas diminué, mais plutôt augmenté. Avec la politique du bas taux d’intérêt qu’ont exigé de la BCE les pays à la plus forte économie, d’énormes bulles immobilières et paradis fiscaux ont été créés dans la périphérie, ce qui ailleurs a été utilisé pour casser les acquis sociaux et mettre sur pied des secteurs à bas salaires. Le fait que cette bulle se viderait à un moment donné, cela fait des années que les socialistes le prédisent. Les spreads, la différence de coûts que doivent payer les Etats nationaux pour pouvoir emprunter, n’ont jamais été aussi grands. Dans Le Soir, le professeur d’économie Paul De Grauwe (KUL) expliquait qu’il s’était trompé. Au sujet d’un pays qui adhérait à une union monétaire, il dit : « Nous avions toujours pensé que ce pays devenait plus fort, mais non ! » L’Espagne a un plus petit déficit budgétaire et une plus petite dette que le Royaume-Uni, mais ce dernier peut financer sa dette à 2,52% sur dix ans, tandis que l’Espagne doit le faire pour deux fois ce prix. Cela vient, selon De Grauwe, du faite que la Banque centrale britannique peut si besoin est imprimer de l’argent elle-même afin de satisfaire à ses obligations, mais l’Espagne dépend pour cela de la BCE.

    Tragédie grecque

    33. Les pays en-dehors de la zone euro peuvent stimuler l’exportation par la dévaluation de leur propre monnaie. Qui se trouve dans la zone euro est condamné à la “dévaluation interne”, un terme à la mode pour dire “casse sociale”. Il n’y a entre temps plus un seul pays de la zone euro qui n’est pas en train d’assainir. Les uns parce qu’ils ont dû faire appel à l’aide de la “troïka” de la Commission européenne, de la BCE et du FMI, les autres pour pouvoir éviter d’avoir à faire un tel appel. Les plans d’austérité dure doivent diminuer les déficits budgétaires et améliorer la compétitivité, mais ça ne marche pas. Ils sapent au contraire le pouvoir d’achat par la baisse des salaires, les attaques sur toutes les allocations sociales, la hausse du chômage et dans la plupart des pays une hausse des impôts directs sur les biens de consommation. Cela touche à son tour la petite bourgeoisie, les entreprises de distribution et les entreprises qui sont orientées vers le marché interne de chaque pays. Les véritables investisseurs sont découragés d’investir, les spéculateurs qui espèrent des rachats d’entreprises (d’État) sont encouragés. Avec la vente urgente des entreprises d’État, on perd des revenus annuels fixes en échange d’une cacahouète. Les revenus des impôts se ratatinent, et les dépenses sociales augmentent, car de plus en plus de gens y font appel.

    34. Les pays qui sont mis sous curatelle de la troïka partent directement dans une spirale de croissance négative. Dans le deuxième trimestre de 2011, l’économe grecque s’est contractée de 6,9% par rapport à l’année précédente. Le déficit budgétaire va apparaitre de 8,5% au-dessus de l’objectif de la troïka. À quoi d’autre peut-on s’attendre ? Le revenu moyen des ménages a été diminué de moitié l’an passé. Le pays menace à tout moment de faillite. Lorsque la Grèce a reçu le premier paquet de sauvetage de 110 milliards d’euro qui lui avait été promis, c’était afin d’éviter le défaut de payement sur le prêt d’État de 8 milliards d’euro devant être payé le 19 mai 2010. C’était le plus grand paquet jamais vu. Entretemps, le taux d’intérêt auquel cet emprunt a été mis à disposition de la Grèce a été diminué, et le délai de payement a été doublé. Néanmoins la Grèce a dû être soutenue une bonne année plus tard avec la promesse d’un nouveau paquet.

    35. Cette fois, il s’agit de 109 milliards d’euros. À compléter avec une contribution théorique du secteur financier via un échange d’obligations volontaire par lequel les détenteurs d’obligations grecques devraient accepter une “tonte” de 21%, d’une valeur totale de 37 milliards d’euro. Pour les banques, c’est une bonne affaire, mais pour l’État grec, cela ne va pas énormément arranges son problème de dette. Ses obligations sont il est vrai déjà maintenant échangées sur le marché secondaire à moins de 50% de leur valeur nominale. Et même avant que ce nouveau plan soit accepté par les parlements nationaux des pays de la zone euro, la Grèce est cependant de nouveau au bord du défaut de paiement. Les analystes supposent que la question n’est plus de savoir si la Grèce va vers la faillite, mais de savoir à partir de quand elle le sera.

    36. Lorsque cela se produira, les conséquences en seront catastrophiques. L’État ne pourra plus prêter ses prêts et allocations, ou alors de manière extrêmement réduite. Les factures ne seront plus payées, ou alors pas avant de longs délais. Par le non-paiement (complet ou partiel) des dettes, le pays se verra dépourvu de liquidités. Le secteur financier entrera en faillite, tout comme de nombreuses entreprises. Les pensions, aussi bien celles des pensionnés actuels que celles des futurs pensionnés, seront fortement minées. Les investisseurs tenteront de quitter le pays. Les épargnants tenteront de récupérer leur argent. Il y aura un raid sur les banques. Des troubles sociaux, mais certainement aussi des pillages seront à l’ordre du jour. Lorsque l’Argentine a fait faillite en 2001, des dizaines de gens sont morts dans des émeutes, l’état d’urgence a été instauré et la situation n’a finalement pu se stabiliser qu’après que la monnaie soit tombée à 25% sous sa valeur.

    37. Pour quelques économistes, c’est là le seul scénario possible, et il vaut peut-être mieux le commencer tout de suite parce que le cout social et économique n’en sera autrement que plus grand. Nouriel Roubini plaide en faveur d’une faillite et d’un départ de la zone euro, dans l’espoir qu’une forte dévaluation rétablisse la compétitivité à terme. Remonter le temps n’est cependant pas sans un certain cout. Quitter la zone euro est différent que de ne jamais y avoir adhéré. Qui va financer les dettes si la Grèce introduit sa propre monnaie ? Maintenant elles s’élèvent déjà à 142% du PIB. Ces dettes sont surtout en euro. Si la drachme est réintroduite, et qu’on a comme on s’y attend une dévaluation de 60% par rapport à l’euro, la dette sera soudainement équivalente à 230% du PIB. Il faudra alors des mesures encore plus drastiques afin d’éviter un raid sur les banques et imposer des contrôles de capital. Les entreprises avec des prêts dans le pays entreront en faillite. Les produits importés deviendront plus chers et le niveau de vie des familles sera encore plus réduit. Sur une base capitaliste, il n’y aura à ça non plus aucune réponse.

    38. Certains plaident en faveur d’une reconversion des obligations nationales en obligations européennes, dans l’espoir de décourager les spéculateurs. L’idée est de répartir le risque en empaquetant ensemble les bonnes et les mauvaises obligations d’État, un peu comme ce qui avait été fait avec les hypothèques foireuses. On craint cependant le célèbre dégât moral, par lequel la pression en faveur d’une discipline budgétaire diminue et le nombre de mauvaises obligations d’État après un certain temps entraine avec elles les bonnes vers le bas. Au lieu de répartir en tant que tel le risque jusqu’à ce qu’il n’en reste plus, cela détériorerait au contraire les bons emprunts, comme on l’a vu en 2008 avec les subprimes. D’autres espèrent pouvoir limiter cela en transformant seulement 60% de ces dettes d’État en obligations européennes. Mais cela aussi ne résoudrait rien du tout, car les spéculateurs continueraient à spéculer en pourcentage au-dessus de 60%. Les pays les plus forts de la zone euro s’opposent à l’introduction d’obligations européennes. Pour reprendre les mots de Karel Lannoo dans Knack : les obligations européennes sont le point de conclusion d’une union fiscale et politique, pas le point de départ.

    Payer ou se séparer

    39. Paul de Grauwe, selon ses propres mots, dit ne rien comprendre. « Nous disposons des moyens », dit-il, « la BCE peut imprimer de l’argent autant qu’elle veut ». Cela ne causera pas d’inflation, ajoute-t-il. Mais les pays forts de la zone euro ne sont pas prêts à cela. À part le fait qu’ils abandonneraient également ainsi le contrôle sur la politique monétaire, joue à nouveau le fait que cela enlèverait la pression pour remettre de l’ordre dans les budgets. Le problème le plus important est cependant réellement le danger de l’inflation. Il est vrai que le simple fait d’imprimer de l’argent ne mènera pas immédiatement à une forte inflation. Après tout, l’inflation se produit du fait que la quantité d’argent en circulation grandit plus vite que la quantité de biens et de services disponibles. Cette quantité n’est pas seulement définie par la quantité d’argent dans la société, mais aussi par la rapidité avec laquelle cette quantité d’argent change de propriétaire. Quand l’argent est retenu par les épargnants, les investisseurs en actions comme au début de ce siècle lorsque a eu lieu le phénomène de l’inflation du prix des actifs, ou quand les entreprises qui l’entassent sans le dépenser, alors cet argent ne va pas vers l’économie réelle et n’a aucun ou quasi aucun effet sur l’inflation.

    40. Une comparaison avec le mouvement actuel du prix du pétrole, et de manière plus large de toutes les denrées énergétiques, clarifie cependant ce que l’effet pourrait être d’une création large d’argent par la BCE. À chaque fois que la croissance économique stagne, le prix du pétrole diminue, par lequel il existe un espace pour respirer. Mais dès que l’économie repart à la hausse, le prix du pétrole remonte à nouveau, par lequel la croissance est entravée. Le même peut se produire avec une trop grande hausse de la quantité d’argent. À chaque fois que l’économie stagne, le danger de l’inflation laisse la place à un danger de déflation, mais aussitôt que l’économie repart et que l’argent recommence à rouler, une trop grande quantité d’argent peut mener à une explosion d’inflation. La Chine a maintenant déjà à se battre contre une inflation galopante. Les politiciens allemands gardent encore toujours un traumatisme dû au souvenir de l’hyperinflation pendant la république de Weimar. En outre, le souvenir plus réaliste de la stagflation des années ’70 est encore plus frais dans la conscience.

    41. Le lecteur critique peut interjeter que la création d’argent aux États-Unis n’a tout de même pas mené à une inflation hors de contrôle. Nous avons déjà attiré l’attention sur le fait que les États-Unis, en opposition à la zone euro, sont un État-nation avec une bourgeoisie nationale qui non seulement dispose de sa propre monnaie, mais aussi d’une unité politique et fiscale. En outre, les réserves en dollars existent déjà et elles sont réparties à travers le monde entier. Une création d’argent comparable dans la zone euro est facilement une de trop, aussi pour la Chine ou d’autres pays avec d’importantes réserves de valeurs. En 2012, la zone euro doit refinancer 1700 milliards d’euro, dont un quart par la France, 23% par l’Italie, 19% par l’Allemagne et 20% par l’Espagne, la Grèce, l’Irlande et le Portugal tous ensemble. Selon la Deutsche Bank, la Chine pourrait investir pour un montant de 175 milliards d’euro dans des titres de dette européens, soit “une goutte d’eau sur une assiette chaude”.

    42. Le 21 juin, il a été décidé d’élargir la disponibilité du fond de stabilité européen. La hausse espérée des moyens pour le fonds d’urgence est cependant demeurée lettre morte. Juste fin septembre, le parlement allemand a voté l’élargissement déjà décidé auparavant de sa contribution pour les garanties du fonds de stabilité européenne. Ainsi, le fonds dispose maintenant finalement des 440 milliards d’euro annoncés depuis janvier. Pour faire face à une faillite grecque, voire à une infection à d’autres pays européens, cela est largement insuffisant. La Chine et les États-Unis appellent à un élargissement du fonds à 2000 milliards d’euro. Cela illustre le fait qu’ils prennent au sérieux une faillite de la Grèce et ne croient pas en l’illusion que l’on peut placer la Grèce en quarantaine. Malgré la position “unique” de la Grèce, qui a déjà reçu pour 250 milliards d’euro, la crise de la dette des États s’est étendue à l’Irlande, qui a reçu un prêt d’urgence de 86 milliards d’euro, et au Portugal, avec un prêt de 78 milliards d’euro. L’Espagne qui a elle seule autant de dettes (637 mld €) que l’Irlande (148 mld €), la Grèce (328 mld €) et le Portugal (161 mld €) réunis, tente désespérément de rester à flot avec l’aide de la BCE. Si l’Italie, avec une dette (1842 mld €) trois fois plus grande que celle de l’Espagne, venait à glisser, alors même quadrupler le fonds d’urgence ne suffira plus. Comment vont-ils faire accepter cela aux 17 parlements de la zone euro ?

    43. Il y a la menace d’une nouvelle crise bancaire. Les banques françaises sont pour plus de 600 milliards d’euro exposées aux PIIGS, les banques allemandes, britanniques et américaines pour chacun de ces pays, pour environ 500 milliards d’euro. La base du capital des banques européennes a été renforcée après la crise de 2008, mais pas de la manière dont cela a été fait aux États-Unis. La plupart n’avaient pas calculé qu’elles allaient devoir renoncer à leurs obligations d’État grecques. Si demain cependant aussi les obligations espagnoles et italiennes doivent être annulées, le fait que le fonds d’urgence puisse désormais être utilisé pour recapitaliser les banques aussi sera un maigre réconfort. Les bourgeoisies européennes se sont mises dans une situation à la “catch 22”. Abandonner l’euro serait une énorme saignée pour les entreprises qui sans nul doute présenteront la facture aux travailleurs et à leurs familles. Cela serait un énorme coup porté au prestige des bourgeoisies européennes et cela mettrait fin à la collaboration qui a eu lieu après la Deuxième Guerre mondiale. Cela saperait en outre la position à l’export des pays les plus forts de la zone euro. Mais le cout du maintien de la zone euro continue à augmenter, et la question est à partir de quand ce prix sera-t-il trop grand ?

    44. En fait, il existe déjà depuis quelques mois un très grand consensus sur le fait que la politique de la dévaluation interne ne fonctionne pas, mais qu’il n’y a pas d’alternative. En conséquence, on continue contre tout meilleur jugement dans la même politique. La plus jeune réalisation a été le vote au Parlement européen du fameux “sixpack”. Officiellement, cela est la réponse à la crise économique, mais on abuse de cette occasion pour institutionnaliser la politique de l’orthodoxie néolibérale. Les États-membres doivent dorénavant présenter leur budget aux institutions européennes avant de pouvoir les faire valider par leurs parlements nationaux. On peut imposer des entraves budgétaires et des plafonds de dette sont infranchissables. Qui les enfreint peut être sanctionné. En même temps, on discute cependant d’un détour pour pouvoir élargir le fonds d’urgence. Comme si on n’avait pas déjà fait assez de dégâts avec toutes ces manipulations financières, on veut y placer un effet de levier. La BCE prêterait des sommes d’argent illimitées à quiconque veut acheter les obligations d’État des pays faibles de la zone euro, avec les 440 milliards d’euro du fonds d’urgence en tant que garantie. De cette manière, on peut garantir pour quatre ou cinq fois plus d’euro en obligations d’État, et on espère contrer la spéculation contre les obligations d’Italie ou d’Espagne.

    45. On peut bien se demander à quoi ils sont occupés. En fait, ils continuent simplement à faire la même merde jusqu’à ce que la séparation inévitable et douloureuse ne se présente. C’est logique : sur base du capitalisme, il n’y a pas d’issue. Le problème fondamental est il est vrai que le marché capitaliste sous-utilise et contrecarre les capacités scientifiques et techniques. Nous devons libérer l’économie de la chasse au profit et la mettre au service de la société et de son cadre de vie et de travail, par la mise en propriété collective libre des secteurs-clés de l’économie et de la science, et par la planification démocratique. Le gouvernement qui fait cela, se ferait vraisemblablement jeter de la zone euro à coups de pieds au cul. Ce ne serait pas une autarcie délibérément choisie. Les jeunes et les travailleurs partout en Europe comprendraient bien vite que la bourgeoisie tente par là de les isoler de la seule alternative possible. Cela aurait l’effet exactement opposé.

  • Etats-Unis : Quel avenir pour le mouvement ‘Occupy’ ?

    Quelle devrait être la prochaine étape à franchir pour le mouvement?

    Cet article a été initialement publié le 28 octobre dernier sur le site de Socialist Alternative, les partisans du Comité pour une Internationale Ouvrière aux USA. Depuis lors, un sondage d’opinion a montré que 59% des sondés étaient entièrement ou fortement en accord avec les revendications d’Occupy Wall Street (Financial Times, Londres, 31 Octobre, 2011)

    Ty Moore, Socialist Alternative (CIO-USA)

    ‘‘Nous sommes en train de gagner. Bien sûr, nous n’avons pas pris les institutions gouvernementales en main, ni même n’avons gagné de réformes concrètes ou à venir avec des institutions solides pour défendre nos acquis. Nous ne sommes même pas près d’en finir avec la lutte ou avec la création du monde dans lequel nous voulons vivre. Mais – aux côtés des révolutionnaires à travers le monde – nous avons contribué à libérer le potentiel caché et endormi de millions de personnes, prêtes à croire à nouveau qu’il existe une alternative’’, a expliqué Yotam Marom, un des principaux organisateurs de l’occupation de Wall Street (Alternet.org, 13 Octobre, 2011).

    ‘‘Notre mouvement est composé de gens qui luttent pour des emplois, des écoles, l’allégement de leur dette, des logements équitables et pour de bons soins de santé. Nous résistons à la destruction écologique, à l’impérialisme, au racisme, au patriarcat et au capitalisme. Et cela, nous le faisons tous de façon participative, démocratique, féroce et inébranlable.’’

    En quelques semaines, le mouvement ‘Occupy’ a changé la face de la politique américaine. Bien plus de 100 villes connaissent actuellement des occupations, et des militants prévoient des occupations ou des actions de solidarité dans plus de 1.000 autres. Des centaines de milliers de personnes ont participé aux manifestations. Des millions de travailleurs se sont clairement identifiés à ces fameux ‘99%’ qui s’opposent au 1%, et ont été inspirés par la position audacieuse adoptée contre Wall Street et le système politique contrôlé par les entreprises.

    Dès les premiers jours du mouvement, les membres de Socialist Alternative ont énergiquement aidé à organiser les occupations dans les villes où ils étaient présents, en faisant des propositions concrètes pour des actions de sensibilisation, etc. Nous avons ajouté nos voix aux cris proclamant ‘‘qu’un autre monde est possible", en soulignant fortement le fait que cela exigeait une transformation de la société vers le socialisme démocratique.

    Aujourd’hui, aux côtés de nombreux autres dans le mouvement, nous sommes aux prises avec cette question cruciale : que faire maintenant ?

    Quelle prochaine étape?

    Premièrement, nous devons reconnaître que, tout d’un coup, nous sommes devenus une force avec laquelle il faut compter. L’establishment politique et médiatique a tout d’abord tenté d’ignorer les occupations, puis de les discréditer, et ensuite de physiquement les réprimer. Mais maintenant, chaque institution de la classe dirigeante, de la campagne présidentielle d’Obama au Tea Party, essaye de réorienter sa stratégie politique pour répondre à cette explosion sociale.

    Notre succès pour briser le black-out des médias et pour gagner un large soutien pour notre mouvement a également attiré l’attention du Parti Démocrate. Avec le début la campagne présidentielle, les Démocrates courtisent le mouvement. Obama nous a offert de belles paroles, tout en quémandant en même temps des millions de dollars de Wall Street pour sa campagne. Nous devons être bien clairs : le Parti Démocrate n’est pas l’ami des mouvements sociaux. Ils ne nous tendent la main que pour s’attirer le mouvement et pour canaliser nos énergies vers leur campagne électorale pro-capitaliste.

    Nos amis sont ailleurs, avec les autres mouvements sociaux, et plus particulièrement le mouvement ouvrier. Le mouvement d’occupation doit construire des liens plus étroits avec les luttes sociales et économiques. Nous devons relier les étudiants sur les campus universitaires aux préoccupations des travailleurs et des pauvres qui souffrent tous de cette récession économique dévastatrice.

    Le 15 octobre dernier, la journée d’action internationale a attiré plus de 25.000 manifestants à Manhattan, et un nombre encore plus grand à travers l’Europe. Maintenant, Adbusters – le magazine qui a lancé l’appel d’Occupy Wall Street – propose des protestations mondiales le 29 octobre pour revendiquer une "taxe Robin des bois" sur les transactions financières. [Cet article a été publié le 28 octobre, NDLR]

    De tels appels pour une action coordonnée autour de points de revendication clairs et précis vont dans la bonne direction. Mais, tandis que la ‘‘taxe Robin des Bois’’ peut être une idée populaire chez les militants. Mais pour attirer les travailleurs et les jeunes – dont la colère s’ancre profondément dans les coupes budgétaires, le chômage, l’endettement des étudiants, les saisies de logements, les soins de santé, etc. – et parvenir à avoir des protestations beaucoup plus grandes, le mouvement doit se positionner clairement contre l’austérité brutale en cours d’élaboration au Congrès

    En fait, le Congrès et Barack Obama nous donnent involontairement un point de ralliement idéal à destination d’unifier le mouvement Occupy et d’approfondir le soutien actif que nous avons dans les diverses communautés des travailleurs les plus touchés par les coupes d’austérité.

    Après des années de compressions budgétaires sévères au niveau de l’Etat et au niveau local, désormais, le Congrès et Barack Obama se préparent à des coupes historiques dans la sécurité sociale fédérale. Le 23 novembre, un ‘Super Comité’ bipartite décidera du sort de centaines de milliards de dollars pour les programmes sociaux dont dépendent les personnes âgées, les malades, les pauvres, les étudiants, les travailleurs, les femmes, etc. La sécurité sociale, les soins de santé, le financement de l’éducation et d’autres programmes vitaux sont en pleine ligne de mire.

    Occupy Congress!

    Ces coupes budgétaires historiques exigées par les grandes banques et les grands actionnaires constituent la plus grande menace face à nous et face à la classe ouvrière américaine. Si l’ensemble du mouvement Occupy – y compris les syndicats – s’opposent résolument à ces attaques impopulaires et recourent aux tactiques d’action de masse et de mobilisations dans les communautés de travailleurs, il est possible de réduire considérablement l’impact de ces attaques, voire même de les vaincre. Imaginez ce que cela donnerait si, à travers le pays, des assemblées générales Occupy appellent les syndicats du secteur public et les groupes d’étudiants à organiser une action coordonnée de grève nationale contre les coupes, comme les assemblées l’ont fait en Grèce ! Même si de nombreux dirigeants syndicaux ont déjà refusé d’aller plus loin, le niveau de colère est tel que les travailleurs du rang, dans de nombreux secteurs, pourrait organiser elle-même les masses, comme les enseignants du Wisconsin l’ont fait le printemps dernier.

    Imaginez ce que cela donnerait si le mouvement Occupy lancerait un appel à ‘‘Occuper le Congrès’’, à occuper les bureaux locaux des membres du Congrès à moins qu’ils ne signent un engagement à voter contre toutes les coupes proposées, en combinaison de manifestations, de pétitions, de meetings, d’actions,…

    Il y a déjà une semaine d’action ‘‘Jobs Not Cuts’’ (Des emplois, pas de coupes) pour la semaine du 16 au 23 novembre, qui a reçu le soutien de personnalités telles que Noam Chomsky, mais aussi de syndicats, d’organisations locales, de Socialist Alternative et d’autres (voir JobsNotCutsProtest.org) Nous encourageons les assemblées générales Occupy à entériner ces actions et à orienter le mouvement vers une opposition active à ces coupes.

    Soutenir cette campagne n’aura pas pour seul avantage de faire le lien entre le mouvement Occupy et la lutte, plus large, contre les coupes, cela aura l’avantage supplémentaire d’exposer davantage au grand jour le rôle du Parti Démocrate dans la promotion de ces coupes budgétaires. Ainsi, il sera plus difficile pour les Démocrates de tenter de récupérer l’énergie du mouvement pour sauver leurs candidats aux élections de 2012. Il sera important de miser sur l’énergie de cette lutte anti-coupes pour aller vers la présentation d’une réelle alternative pour les électeurs en 2012, en présentant des candidats anti-coupes indépendants, dans le cadre de la construction d’un nouveau parti politique pour et par les 99%.

    Afin de maintenir notre élan, nous devons apprendre à nous adapter rapidement. Nous avons déjà changé le paysage politique de telle manière que le simple fait de répéter les tactiques et les slogans qui ont donné naissance aux occupations ne sera pas suffisant pour soutenir le développement du mouvement. Des millions de personnes se tournent vers nous afin de fournir un moyen concret d’aller de l’avant, de montrer un chemin vers un changement réel.

    Exiger des réformes des institutions capitalistes ne signifie pas de mettre de côté les aspirations radicales du mouvement Occupy. En fait, notre tâche est d’expliquer que les réformes véritables sont toujours les produits de la lutte des masses, menaçant le pouvoir de la classe dirigeante. Nous avons déjà fait peur aux élites politiques et aux géants du capital. Si nous pouvons continuer à élargir notre influence, à coordonner nos actions et nos revendications et à fournir une stratégie claire pour toutes les couches de la société américaine prêtes à entrer dans la lutte, le sentiment que nous sommes «gagnant» va prendre chair et d’os.

    • Il faut étendre les occupations à travers le pays et vers les écoles et les collectivités. Nous avons besoin d’une campagne de masse pour mobiliser les couches larges de travailleurs, de jeunes et la base syndicale et les impliquer dans la lutte.
    • Organisons des manifestations de masse le week-end qui appèlent au retrait de toute coupe dans les services sociaux, à l’élaboration d’un programme massif de création d’emplois, à l’imposition de taxes sur les super-riches et le Grand Capital, à la fin des guerres, à des coupes massives dans le budget militaire et pour la défense des droits syndicaux et des droits démocratiques.
    • Construisons activement la mobilisation et la semaine d’action nationale du 16 au 23 novembre pour combattre le Super Comité du Congrès qui prévoit des coupes dans les services sociaux à hauteur de 1.500 milliards de dollars. Non aux pertes d’emploi !
    • ‘‘Occupy Congress’’: occupons massivement les bureaux locaux des membres du Congrès jusqu’à ce qu’ils ne signent un engagement à voter contre toutes les coupes antisociales proposées, avec également des manifestations, des pétitions, des meetings, des actions,…
    • Préparons-nous à proposer des candidats anticapitalistes issus de la classe ouvrière en 2012 pour s’opposer aux politiques des deux partis de Wall Street, en tant que première étape pour la constitution d’un nouveau parti des 99%, un parti des travailleurs de masse.
    • Non à la dictature de Wall Street! Plaçons les grandes banques qui dominent l’économie américaine sous propriété publique et gérons démocratiquement par l’élection de représentants des travailleurs et de la population. Des compensations pourraient être accordées aux petits investisseurs sur base de besoins prouvés, pas aux millionnaires.
    • Construisons le mouvement pour qu’il soit capable de remplacer ce système capitaliste pourri par le socialisme démocratique, pour créer une nouvelle société basée sur les besoins humains.
  • [DOSSIER] Pourquoi le capitalisme prépare de puissantes explosions sociales

    Le mois dernier, en une fraction de temps, l’euphorie concernant la ‘‘reprise économique’’ est devenue panique. Commentateurs et analystes s’efforcent à expliquer le phénomène. On fait référence à la psychologie et au manque de leadership politique. Pour nous, ce ne sont là que les symptômes d’une maladie chronique. La plupart de la population ne doit s’attendre qu’à l’appauvrissement et à une exploitation accrue de la part du capitalisme.

    Par Eric Byl, article tiré de l’édition de septembre de Lutte Socialiste

    Si l’on avait consacré les 5.000 milliards de dollars de valeur boursière évaporés ce dernier mois à la lutte contre la faim dans le monde, la Corne de l’Afrique serait probablement un paradis aujourd’hui. Avec les 25 milliards d’euros disparus à Bruxelles, on aurait pu déminer la bombe à retardement du coût du vieillissement. Mais ce n’est pas ainsi que les choses fonctionnent. Il faut d’abord créer la richesse avant de pouvoir la partager, nous disent les libéraux. Ils nous ont aussi affirmé que lorsque l’on enrichi suffisamment les riches, cela arrose le reste de la population. C’est exactement l’inverse que nous constatons : lorsque les pauvres deviennent plus pauvres, cela affecte également le revenu des groupes moyens. Le professeur britannique Richard Wilkinson souligne que tant la crise de 1929 que celle de 2008 sont survenues à un moment où l’inégalité sociale a atteint un sommet.

    Quand les économistes bourgeois sont au bout du rouleau, ils font appel à Marx. Selon le professeur d’économie Nouriel Roubini, celui-ci ‘‘avait partiellement raison en disant que la mondialisation, un secteur financier enragé et la redistribution des richesses issue du travail finiraient par conduire à la destruction du capitalisme.’’ Tout comme le prix Nobel Paul Krugman, il appelle à une restauration progressive des finances publiques, à des stimulants ciblés et à des impôts plus équitables. ‘‘L’alternative, c’est comme dans les années ‘30 du siècle dernier, la stagnation interminable, la dépression, des guerres monétaires et commerciales, des contrôles de capitaux, des crises financières, des gouvernements insolvables et l’instabilité politique.’’ Pour éviter cela, Warren Buffet, le gourou des bourses, appelle à cesser le traitement fiscal favorable aux super-riches. ‘‘Dans les années ‘80 et ‘90, quand je payais encore plus d’impôts, je n’ai jamais hésité à investir’’. Voilà ce que n’aiment pas entendre nos patrons belges, pour qui les propositions – pourtant timides – de Di Rupo représentent déjà un tsunami d’impôts.

    La recette de Roubini a pourtant déjà été appliquée, en 1933, quand le président américain Roosevelt a renversé la politique d’assainissements catastrophique de Hoover avec son New Deal. Dès que Roosevelt a voulu réduire le déficit budgétaire en 1937, l’économie a à nouveau plongé dans la dépression. Si Roubini avait pris au sérieux la seconde partie de sa citation de Marx, il saurait pourquoi. Il a finalement fallu la deuxième guerre mondiale et ses 70 millions de morts, la destruction massive des infrastructures et des entreprises, puis la peur du communisme et par conséquent l’acceptation de la nationalisation de pans entiers de l’économie, de l’organisation des services publics, de la création de la sécurité sociale et de la négociation sociale pour que l’économie se remette complètement de la Grande Dépression.

    Des sociétés et leurs limites

    Marx a dit, en boutade, que l’homme n’a pas été libéré de l’esclavage mais qu’il s’agit de l’inverse. Les sociétés esclavagistes, aussi répréhensibles furent-elles, ont à une certaine époque joué un rôle dans la protection de l’homme, à la merci de la nature. Même si, initialement, les sociétés esclavagistes se situaient à un niveau inférieur et ont étés envahies par des sociétés basées sur ce que Marx appelait le mode de production asiatique, elles l’ont par la suite remporté. Elles étaient plus productives, les esclaves étant totalement à la merci du maître.

    Au fil du temps, cet avantage s’est transformé en son ‘‘opposé dialectique’’. Le nombre d’esclaves était la mesure de toute richesse, un ‘‘investissement’’ à nourrir et à loger, y compris aux moments non productifs. L’amélioration de la production ou de l’utilisation des outils n’intéressait pas les esclaves. Ils frappaient les chevaux jusqu’à ce qu’ils deviennent boiteux. Le besoin continuel de nouveaux esclaves réclamait des efforts de guerre constamment plus importants. Ce n’est que lorsque Rome est complètement tombée en décadence que des sociétés féodales primitives et moins développées ont eu des opportunités de l’envahir.

    Les serfs étaient alors liés à la terre. Ils devaient céder une partie du produit au Seigneur, mais ils pouvaient utiliser eux-mêmes le restant. Eux avaient donc intérêt à accroître la productivité, et c’est ainsi qu’ont été rendus possibles l’utilisation de meilleurs outils et le passage de l’assolement biennal à l’assolement triennal. La croissance de la productivité a également jeté les bases du capitalisme commercial, des expéditions et des pillages coloniaux ainsi que du développement des précurseurs de nos industries (les manufactures) qui, par la suite, se sont heurtés aux limites de la société féodale basée sur la propriété terrienne.

    Selon les économistes actuels, les conditions matérielles ne contribuent guère à expliquer pourquoi le socialisme ne fonctionne pas, contrairement au capitalisme. Seuls leur suffit l’égoïsme de l’homme et son manque de motivation pour être productif sans compétition. Marx ne nierait pas l’existence de caractéristiques psychologiques mais, plutôt que d’expliquer la société à partir de là, il enquêterait sur les caractéristiques matérielles à la base de certains phénomènes psychologiques. Parallèlement, il tiendrait compte d’une certaine interaction.

    Ses conclusions au sujet de l’aliénation associée au développement du capitalisme nous offrent d’ailleurs beaucoup plus de bases pour comprendre les récentes émeutes des banlieues anglaises que les discours des politiciens portant sur la haine et ‘‘l’effondrement moral’’ de la génération actuelle. Marx admirait la manière révolutionnaire dont le capitalisme développait les forces productives. Il reconnaissait le rôle progressiste du capitalisme mais, comme avec toutes les sociétés antérieures, il a en même temps analysé ses limites en profondeur.

    Défauts inhérents et maladie chronique du capitalisme

    La tendance à la surproduction et au manque d’investissements sont des ‘‘défauts inhérents’’ au capitalisme. Le travailleur ne reçoit jamais le produit intégral de son travail sous forme de salaire. Une partie du travail non rémunéré (plus-value) disparaît dans les poches du patron qui, autrement, fermerait rapidement boutique. Mais la compétition favorise la concentration de capital dans de grands conglomérats. Tant que les capitalistes réinvestissent une part importante de la plus-value, la surproduction est principalement un problème cyclique, puisque la production et l’installation de nouvelles machines exige des travailleurs qu’ils consacrent à leur tour leur salaire en biens de consommation et en services.

    Face à la concurrence, les capitalistes sont obligés de recourir à l’usage des techniques de production les plus modernes. Cela nécessite des investissements sans cesse plus importants dans les machines, la recherche scientifique et le développement technologique, qui devront être amortis dans des délais constamment plus courts. Dans la composition du capital, le facteur travail (ou capital variable, générateur de plus-value) souffre donc en faveur du capital fixe. Le bénéfice par unité de capital investi (le taux de profit) a dès lors tendance à baisser. C’est ce qui explique que, surtout depuis le milieu des années ’70, les marchés boursiers ont connu une forte expansion. Beaucoup de capitalistes préfèrent spéculer en bourse plutôt que d’investir dans la production, qui ne génère pas grand chose. Ceux qui sont restés dans la production se sont adressés aux banques afin de financer des investissements coûteux. Toutes les grandes entreprises participent désormais à l’investissement en bourse. L’idée qu’il existerait un capital industriel responsable au côté d’un capital financier téméraire n’est qu’un mythe.

    Par le passé, ces défauts inhérents étaient ‘‘gérables’’. Mais comme la science et la technologie ont atteint un niveau où toute innovation engloutit rapidement le marché capitaliste, la manière dont notre production est organisée constitue un frein continuel au développement. Les innovations nécessitent des années de recherche pour une durée de vie de plus en plus courte. Pourtant, les actionnaires privés exigent du rendement et ne veulent surtout pas courir le risque qu’un concurrent s’envole avec le fruit de leur investissement, d’où le commerce des brevets et le sabotage constant des savoirs scientifiques, qui devraient être librement accessibles.

    Les raisons immédiates de la crise actuelle

    La presse économique cite toute une série de raisons derrière cette ‘‘montagne russe boursière qui donne le vertige à l’investisseur’’. Pour les Etats-Unis : la crainte d’une nouvelle récession, l’impasse entre Démocrates et Républicains et la réduction de la notation triple A. Pour l’Europe : l’extension de la crise de la dette, l’avenir de la monnaie unique et la solvabilité des banques. Pour la Chine : l’inflation galopante, les craintes de l’impact de la récession américaine sur les exportations et la dette des collectivités locales. Nous ne balayons pas ces raisons immédiates, mais la raison sous-jacente est que la science et la technique ont dépassé les limites de l’élasticité du marché capitaliste. Les possibilités modernes aspirent à une libre gestion collective et à une planification démocratique, ce que les capitalistes ne peuvent temporairement contourner qu’en repoussant les contradictions internes jusqu’à devenir incontrôlables !

    Dans les années ’80, déjà, pour tenter de surmonter la surproduction et restaurer les taux de profits, on s’est servi de l’extension des crédits à bon marché sur le plan de la consommation et, sur celui de la production, de restructurations et de fermetures d’entreprises, de réduction des coûts de production de biens et de services ainsi que d’attaques contre les salaires, les conditions de travail, les horaires et les contrats de travail. L’effondrement des caricatures totalitaires de socialisme en Europe de l’Est et en Union Soviétique sous le poids parasitaire de la bureaucratie stalinienne et la décision de la bureaucratie chinoise d’introduire – de façon contrôlée – le marché libre afin de s’enrichir personnellement ont donné une énorme impulsion au transfert de production vers des pays à bas salaires.

    L’économie mondiale est un enchevêtrement de nombreux facteurs qui s’influencent mutuellement. D’où ‘‘l’effet papillon’’ selon lequel un petit mouvement dans un pays, dans des circonstances particulières, peut déclencher une tornade dévastatrice dans un autre. Avec 1.200 milliards de dollars de bons du Trésor américain dans ses réserves de change et encore 800 milliards de dollars en obligations d’institutions liées aux autorités américaines, le gouvernement chinois est effrayé par une dévaluation drastique du dollar. En 2000, la consommation particulière en Chine représentait 46% de son Produit Intérieur Brut et les investissements, 34%. Dix ans plus tard, ces investissements représentaient déjà 46%, tandis que la consommation privée avait chuté à 34%, en conséquence de l’expansion massive du crédit bon marché et de la sous-évaluation de la monnaie chinoise. Cela explique l’inflation galopante et la menace de surchauffe de l’économie. Si le marché américain décroche suite à une récession, on craint que la Chine connaisse un développement semblable à celui que connaît le Japon depuis le début des années ‘90.

    USA : vers une rechute

    L’impasse entre Démocrates et Républicains, en particulier du Tea Party, concernant l’augmentation du plafond d’endettement du pays a illustré à quel point les représentants politiques de la bourgeoisie sont divisés concernant la manière de s’attaquer à cette crise. Rien ne semble fonctionner. Les ménages ne consomment pas parce qu’ils réduisent leurs dettes, que le chômage mine leur pouvoir d’achat et que les gouvernements locaux économisent. Malgré les taux d’intérêt bas, les entreprises continuent de garder leur argent au lieu de l’investir. La Banque Fédérale s’est déjà, à deux reprises, mise à imprimer de l’argent sans que cela n’apporte fondamentalement de solution, et le gouvernement fédéral devra bien un jour endiguer son déficit budgétaire. Comment faire cela sans provoquer une explosion sociale?

    Cependant, certains analystes renversent le raisonnement. Un éditorial du journal boursier flamand De Tijd, fait même appel à Gustave Lebon, qui à publié en 1895 ‘‘La psychologie des foules’’. Selon le rédacteur, les investisseurs aspirent à une poigne de fer, mais ils ne la reçoivent ni aux États-Unis, ni en Europe. Le raisonnement est ainsi fait: il n’y a pas de direction, la confiance disparaît, ainsi la panique se crée et le troupeau court dans toutes les directions. Les fondations, selon ces analystes, sont en effet en bonne santé, parce que les entreprises ont un stock de cash important. L’hebdomadaire The Economist estime toutefois la probabilité d’une récession aux États-Unis à 50% et les investisseurs espèrent quand-même un troisième recours à la planche à billet.

    Si l’agence de notation Standard & Poor a, pour la première fois depuis 1941, dévalorisé la cote des États-Unis, c’est, selon ces mêmes analystes, la faute des politiciens. S&P peut bien prétendre que l’énorme erreur de calcul à hauteur de 2.000 milliards de dollars dans le rapport sur lequel elle se basait n’a pas joué dans la démission du PDG, il est certain que cela y aura certainement contribué. La vague de critiques que S&P a dû avaler et le fait que les investisseurs, au lieu de fuir, ont encore augmenté leurs achats d’obligations du Trésor américain, permettant aux États-Unis d’emprunter à un taux d’intérêt inférieur à celui de l’Allemagne, l’ont probablement achevé.

    Bye, bye Europe ?

    Pour ne pas se faire assommer par les oracles modernes – les agences de notation – les foyers grecs, portugais et irlandais ont fortement serrés leurs ceintures. Mais maintenant, presque tout le monde s’accorde à dire qu’elles sont incompétentes. Parce que ce sont des personnes de chair et de sang, selon le professeur d’économie Paul De Grauwe de Louvain ; parce que ce sont des entreprises privées qui veulent faire du profit et non pas des évaluations appropriées, selon nous. La sévère politique d’économie imposée à la population en échange de l’aide de la troïka (Fonds monétaire international, Banque centrale européenne et Fonds européen de stabilité) a plongé ces sociétés dans une profonde récession.

    L’unification capitaliste de l’Europe et la monnaie unique étaient des leviers de maximisation des profits et de casse sociale. Les différences entre les diverses économies nationales de la zone euro n’ont pas diminué, mais augmenté. Avec la politique de faibles taux d’intérêt que les économies les plus fortes ont exigé de la Banque Centrale Européenne, des bulles immobilières se sont développées et des paradis fiscaux ont été créés dans la périphérie, instrumentalisés ailleurs pour briser des acquis sociaux et mettre en place des secteurs à bas salaires. Cette hydrocéphalie devait se dégonfler à un certain moment, nous le disons depuis des années. Les spreads, la différence entre les coûts auxquels les gouvernements nationaux peuvent emprunter, n’ont jamais été plus grands.

    Des pays non membres de la zone euro peuvent stimuler les exportations en dévaluant leur monnaie. Quiconque est emprisonné dans la zone euro ne peut que recourir à la dévaluation interne, un mot à la mode qui signifie ‘‘casse sociale’’. Les bourgeoisies européennes se sont elles-mêmes placées dans une situation kafkaïenne. Abandonner l’euro provoquerait une hémorragie majeure pour les entreprises qui repousseraient sans doute la facture vers les travailleurs et leurs familles. Mais le coût du maintien de la zone euro pourrait devenir trop élevé. La Grèce a besoin d’une seconde aide, et quelques pays ripostent déjà, mais si l’Espagne et l’Italie glissent elles-aussi bientôt, nous entrerions alors dans une toute autre dimension. Le secteur bancaire européen deviendrait insolvable, la liquidité s’assécherait, une récession mondiale s’ensuivrait et la zone euro s’éclaterait probablement de façon incontrôlée. C’est pourquoi la BCE a relancé son programme d’achats d’obligations d’États. Pour l’instant, cela semble fonctionner, mais personne ne croit que cela puisse être suffisant à terme.

    D’où l’illusion de transférer – en partie ? – les dettes nationales vers l’Europe et de les mutualiser dans des obligations européennes. Selon Karel Lannoo, le fils, cela sous-entend une responsabilité commune, un trésor européen et donc des revenus d’impôts européens. Tous les 17 parlements nationaux auraient à l’approuver. Par ailleurs, on sait très bien que la crise en 2008 avait été déclenchée parce qu’on avait saucissonné de mauvais prêts, en particulier les hypothèques à grands risques, pour les emballer avec de meilleurs prêts, en espérant qu’ainsi, les risques seraient tellement éparpillés qu’il n’y en aurait plus. Qui ose prétendre que la même technique, parce que ce sont les obligations européennes, fonctionnerait lorsqu’il s’agit de dettes publiques ?

    Fuite vers des refuges

    Les investisseurs fuient vers de prétendues valeurs refuges. En cas de croissance, ce sont des matières premières, particulièrement le pétrole, mais la hausse des prix conséquente étrangle la croissance. Les récoltes sont aussi très populaires, mais elles ont déjà entraîné des émeutes de la faim. Aujourd’hui, les obligations des gouvernements américain et allemand sont populaires, mais elles rapportent chacune moins que ce que l’on perd par inflation. Ensuite viennent l’or et les francs suisses. Le prix de l’or dépasse de loin le coût de production et la Suisse risque de devenir victime de son succès. La demande pour les francs fait tellement rebondir la monnaie que sa propre industrie risque d’être enrayée et que l’industrie du tourisme risque de s’effondrer. Des consommateurs suisses vont de plus en plus faire leurs achats de l’autre côté des frontières. Cet avertissement, l’Allemagne le prendra en considération, car ce scénario risque de lui arriver dans le cas d’un éclatement de la zone euro.

    Explosions sociales

    Ces dernières années, les fidèles lecteurs de Lutte Socialiste et du site ‘‘socialisme.be’’ ont pu lire dans nos publications de nombreux articles consacrés aux révolutions, aux grèves générales et aux mouvements provoqués par les premiers effets de la crise. Selon nous, ce ne sont là que des signes avant-coureurs des explosions sociales qui nous attendent. Lors de ces explosions, le mouvement ouvrier va se réarmer tant sur le plan organisationnel que programmatique. Le Parti Socialiste de Lutte est déterminé à y apporter une contribution importante.

  • Monde et Europe: Une nouvelle période d’instabilité et de révolutions (1)

    Thèses du bureau européen du CIO

    Début avril, des dirigeants du CIO venus d’Europe, mais aussi du Pakistan et d’Israël, se sont rencontrés pour discuter des développements internationaux, et en Europe en particulier. Les thèses suivantes y ont été discutées et amendées après discussion.

    Il y a à peine trois mois que s’est tenu le Congrès Mondial du CIO, et depuis la situation mondiale a radicalement été modifiée par les révolutions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Puis, il y a eu la double catastrophe naturelle du séisme et de l’immense tsunami au Japon. Ces événements ont servi à renforcer l’impression, créée par la crise économique persistante, d’un monde en chaos. Le danger de la fusion des réacteurs nucléaires – et des répercussions que cela pourrait avoir avec la possibilité de retombées radioactives à la Tchernobyl – a aussi eu pour effet de souligner l’irresponsabilité du capitalisme en ce qui concerne l’environnement. La construction de centrales nucléaires sur des lignes de faille sismiques reconnues, avec la fuite de particules radioactives et les dangers de tout un héritage de déchets nucléaires pour les générations futures, a horrifié le monde.

    La révolution au Moyen-Orient et en Afrique du Nord

    Le CIO avait bel et bien prédit les événements du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord. Dans le dernier document sur les relations mondiales adopté lors du 10ème Congrès du CIO en décembre 2010, nous avions correctement anticipé le fait que le Moyen-Orient était au bord d’une explosion sociale, mettant en avant la possibilité du renversement du régime Moubarak. Nous avions entre autres écrit ceci : ”Un autre “point chaud” pour l’impérialisme est le Moyen-Orient. Il n’y a aucun régime stable dans la région” (paragraphe 54). En particulier, nous avions prédit dans le même document que : ”Bien que le conflit entre les Arabes et les Israéliens est important, ce n’est pas le seul facteur qui doit être pris en considération lorsque nous établissons les perspectives pour cette région. Plus que jamais, la situation économique de ces pays les prépare à de grands mouvements sociaux et politiques. C’est particulièrement le cas pour l’Égypte … des revirements d’une ampleur sismique sont à l’ordre du jour dans ce pays. Le règne de Moubarak, long de 30 ans, approche de sa fin”. (paragraphes 62-63). Ce pronostic a été confirmé par les événements tumultueux qui se déroulent encore en ce moment, et par lesquels la révolution ou l’idée de révolution a bondi d’un pays à l’autre.

    En conséquence de ces mouvements, on a une fois de plus vu venir à l’avant-plan la théorie trotskiste de la Révolution permanente. Toutefois, les idées de Trotsky ne se prêtent pas à une interprétation superficielle et unilatérale de la manière dont le processus de Révolution permanente va se dérouler. Trotsky n’a jamais envisagé un processus linéaire et direct. Les révolutions russes n’ont pas triomphé sans de sérieuses tentatives de contre-révolution. En Tunisie et en Égypte, étant donné la non-préparation des masses et le manque d’organisations indépendantes, couplés au fait que l’appareil sécuritaire militaire du vieux régime n’a pas été complètement démantelé, la contre-révolution allait forcément poser une grave menace à la victoire encore non assurée des masses. L’impact de la révolution était à son tour conditionné au fait que les masses venaient d’émerger de la nuit noire de décennies de dictature, ce qui était également renforcé par le manque de véritables partis ouvriers révolutionnaires, avec des cadres capables de rapidement orienter les masses politiquement. Néanmoins, chaque effort de la contre-révolution n’a fait que provoquer une opposition tenace, et, à chaque fois qu’il semblait hésitant ou endormi, a ressuscité le mouvement de masse contre les restes des vieux régimes et, en Tunisie, a poussé la révolution plus en avant.

    En Égypte, l’occupation du quartier général de la police secrète – après des rumeurs selon lesquelles ses agents tentaient de détruire des fichiers détaillant la torture sous le régime Moubarak et le rôle que l’armée a joué dans celle-ci –, de même qu’un mouvement tout aussi tenace que celui de Tunisie, indiquent qu’une révolution ne peut pas être aussi facilement balayée. Mais l’intervention impérialiste en Libye (la soi-disant “zone d’exclusion aérienne”) fait partie d’une tentative d’intimider les masses révolutionnaires. Elle se fait passer pour un soutien à l’opposition libyenne alors qu’en réalité, elle est partie prenante d’une offensive générale de la réaction dans la région et à l’échelle internationale qui tente de stopper et de compliquer le processus révolutionnaire. Elle est aussi une tentative d’assurance de la part de l’impérialisme occidental afin d’assurer le maintien de son emprise sur les ressources pétrolières de la Libye. Après avoir courtisé Kadhafi, lui avoir fourni des armes, etc., la meilleure manière maintenant, selon les calculs de l’impérialisme, d’accomplir ses objectifs est d’abandonner son ancien “ami” pour s’assurer d’être “du bon côté de l’Histoire” – surtout de l’Histoire économique ! Comme l’ont montré les événements en Égypte, en Tunisie et, plus récemment, au Yémen, ils n’y parviendront pas.

    Le massacre brutal au Yémen n’a servi qu’à renforcer la résolution du mouvement de masse, menant à la plus grande manifestation encore jamais vue contre le régime, et au départ probable de Saleh. La défection du chef du personnel de l’armée, qui est passé au camp de la révolution, a été un moment crucial. Ceci indique que Saleh n’a pas assez de forces sur lesquelles se baser. Mais l’accueil qui a été fait au général par l’opposition yéménite montre la confusion de la conscience – c’est le moins que l’on puisse dire – parmi les rangs de la révolution. Son portrait a été enlevé de la gallerie des méchants contre-révolutionnaires, et replacé parmi les anges !

    L’intervention brutale de l’Arabie saoudite au Bahreïn pour y écraser la révolution est destinée à intimider les masses bahreïnies, de même que les travailleurs et paysans des pays qui ne se sont pas encore engouffrés dans la vague révolutionnaire, afin de les décourager de marcher dans les traces de l’Égypte et de la Tunisie. En interne, dans chaque pays, la contre-révolution attend son heure – forcée maintenant de plier sous le vent révolutionnaire – jusqu’à ce qu’elle puisse utiliser les déceptions engendrés par les résultats de la révolution afin de contre-attaquer. Le référendum sur les amendements constitutionnels des généraux venait seulement d’être terminé en Égypte, que l’armée a annoncé son intention de restreindre et de bannir les manifestations et les grèves. Néanmoins, la tendance dans la prochaine période sera à un approfondissement de la révolution mais, bien sûr, les perspectives varient d’un pays à l’autre.

    De plus, il ne faut pas exclure une nouvelle guerre au Moyen-Orient. Le déclenchement d’une telle guerre pourrait provenir de la recrudescence de violence entre Palestiniens et Israéliens, avec l’attentat qui a fait sauter un bus à Jérusalem et l’accroissement du conflit à et autour de Gaza. Si une telle guerre survenait, et en particulier si elle venait à se développer en un conflit majeur, elle pourrait impliquer les États arabes ; l’armée égyptienne, par exemple, qui n’est plus maintenant tenue en laisse par le régime servile pro-USA et pro-Israël de Moubarak. Dans la nouvelle situation, la pression de la part des masses arabes pour défendre les Palestiniens sera intense. Ceci sera encore plus le cas si des mouvements de masse comme celui du 15 mars en Cisjordanie continuent à se développer.

    Au moment où ce document était en préparation, la Libye se tenait dans l’œil du cyclone. Pour toutes les raisons que nous avons expliquées – dans les articles sur notre site – la situation en Libye est bien plus compliquée que les processus en Égypte et en Tunisie, étant donné le caractère particulier du régime Kadhafi. Il ne fait aucun doute que le régime Kadhafi est couvert de sang. L’insurrection de Benghazi a tout d’abord vaincu les troupes de Kadhafi – dirigées par ses fils – qui ont alors fui pour se mettre à l’abri à Tripoli. Des comités populaires ont commencé à prendre forme, mais ont malheureusement été dominés – et ceci a été renforcé depuis – par des forces bourgeoises et petites-bourgeoises, dont d’anciens ministres du régime Kadhafi. Notre revidencation qui demandait que ces comités soient fermement ancrés parmi les masses, avec une pleine démocratie ouvrière, et sur base d’un programme clair, aurait pu mener, si nécessaire, à la formation d’une armée révolutionnaire. Celle-ci aurait pu se développer de la même manière que les colonnes de Durutti après l’insurrection contre les fascistes à Barcelone au début de la Guerre civile espagnole en juillet 1936. La simple annonce d’une telle force aurait pu en soi avoir été l’étincelle qui aurait mené à une insurrection victorieuse contre Kadhafi à Tripoli.

    Le caractère tribal de la Libye – renforcé par des divisions régionales, en particulier entre l’Ouest et l’Est – a permis à Kadhafi d’obtenir une certaine marge de manœuvre. Le fait de brandir le drapeau royaliste – le roi Idris provenait de Benghazi et était à la tête de la “tribu” Senoussi qui regroupe un tiers des Libyens – a permis au régime de Kadhafi de dépeindre Benghazi comme étant la base des forces contre-révolutionnaires qui souhaitent renverser le cours de l’Histoire. Cette impression a été renforcée par la décision des dirigeants du mouvement de Benghazi de faire appel à l’assistance de l’impérialisme – avec leur “zone d’exclusion aérienne”. Ceci représentait une volte-face par rapport à la position précédente à Benghazi, qui s’opposait à l’intervention impérialiste en disant : ”Les Libyens peuvent le faire eux-mêmes”.

    Il est difficile de définir exactement de quelle manière la situation va se résoudre. Le soutien pour la zone d’exclusion aérienne va se désintégrer si les résultats ne mènent pas à un renversement rapide de Kadhafi. L’opinion publique aux États-Unis – où il y a une massive majorité de deux tiers en faveur d’un retrait d’Afghanistan – est opposée à toute campagne terrestre. Les forces US et françaises sont incapables d’entamer une offensive au sol efficace. Qui plus est, l’opinion publique, qui semblait initialement en faveur du bombardement de Kadhafi, pourrait se renverser en son contraire si le nombre de pertes venait à s’accroitre. Les États-Unis et le Royaume-Uni sont déjà débordés par le bourbier afghan. En outre, le soutien pour des mesures militaires au Royaume-Uni est extrêmement ténu, avec une crainte largement répandue – y compris parmi la bourgeoisie – que l’action soit limitée et se mue petit à petit en un engagement militaire prolongé.

    L’impérialisme – associé aux forces de Benghazi – espère qu’une pression militaire suffisante mènera à une répétition de ce qui s’est passé au Yémen, avec la défection des généraux de Kadhafi. D’un autre côté, un blocage sur le plan militaire pourrait survenir, et on assisterait à une partition de la Libye dans les faits. Ceci mènerait probablement à des campagnes militaires ou terroristes contre les principales puissances impérialistes qui se sont engagées contre le régime de Kadhafi. Il est fortement improbable que les forces des grands pays arabes – comme l’Égypte – puissent être utilisées pour renverser Kadhafi, étant donné la nature instable et suspicieuse de l’opinion publique dans le monde arabe en ce qui concerne les interventions extérieures dans la région. Même Amr Moussa – le chef de la Ligue arabe – qui a tout d’abord soutenu la zone d’exclusion aérienne, a été forcé de faire marche arrière lorsque, comme c’était inévitable, des civils ont été tués et blessés par les frappes aériennes britanniques, américaines et françaises. En fait, les grandes puissances impérialistes sont déjà divisées – malgré la résolution des Nations-Unies qui a sanctionné leur action – et ces divisions vont s’accroitre si cette guerre venait à se prolonger et à s’intensifier.

    L’Égypte est une arène cruciale où pourrait se décider la bataille épique entre les forces de la révolution et de la contre-révolution. Les chefs de l’armée, en collusion avec l’establishment politique, les Frères musulmans et les restes du NDP (le parti de Moubarak) ont organisé un référendum visant à supprimer certaines des lois répressives du régime Moubarak et à poser la base pour des élections dans les six mois. Les éléments les plus conscients de l’opposition à l’armée ont appelé à un boycott. Mais l’appel au boycott a eu un certain effet ; il n’y a eu que 41% de participation. Toutefois, l’opposition n’a pas eu assez de succès pour faire échouer le référendum ; 77% de ceux qui ont voté se sont déclarés en faveur des amendements. Notre revendication en faveur d’une véritable assemblée constituante révolutionnaire garde donc toute sa force. Ce qui est crucial par contre est la tâche urgente de construire les forces ouvrières indépendantes, en particulier les syndicats, et de poser la base pour un nouveau parti des travailleurs de masse. L’impérialisme – via les dirigeants syndicaux de droite en Europe et aux États-Unis – intervient comme il l’a fait lors de la révolution portugaise afin de dévoyer les nouveaux syndicats dans une direction pro-capitaliste. Au Portugal, ils ont utilisé les dirigeants syndicaux allemands, alliés au SPD, pour construire le Parti socialiste de Mario Soares et son syndicat affilié, l’UGT, pour contribuer à faire dérailler la révolution.

    En Tunisie, ce sont les mêmes tâches fondamentales qui se posent, mais bien entendu la situation n’est pas identique à celle de l’Égypte. La Tunisie a une certaine histoire d’opposition organisée clandestinement contre Ben Ali, rassemblée en particulier autour des syndicats. Il faut ajouter à cela une conscience culturelle et politique relativement élevée, ce qui veut dire que les masses sont bien conscientes que la révolution a été faite par leurs sacrifices, mais qu’elles n’en ont pas encore récolté les fruits. Néanmoins, ce mouvement de la base est parvenu à renverser toute une série de gouvernements. Nos camarades, en Égypte comme en Tunisie, ont accompli des efforts héroïques afin d’atteindre les forces les plus conscientes et de chercher à les attirer à la bannière du CIO. Ce travail doit continuer au cours de la prochaine période.

    Nous pouvons nous attendre à de nouveaux mouvements qui vont affecter quasiment chaque pays de la région. En plus de l’Égypte, de la Tunisie, de la Libye et du Bahreïn, les régimes de Syrie, des États du Golfe – malgré les pots-de-vin massifs octroyés par la monarchie saoudie –, d’Iraq et même d’Iran seront affectés. Il n’y a aucun retour possible ; il est impossible de réétablir les vieux régimes sur les mêmes bases qu’auparavant. Il y a une réelle soif d’idées, et une demande insistante pour des droits démocratiques partout, de même qu’une haine viscérale des régimes despotiques et dictatoriaux. Du côté de la classe ouvrière, il y a une tentative de créer des organisations indépendantes à la fois sur le plan syndical et politique. Pris tout ensemble, ceci revient à une situation favorable pour les idées du marxisme authentique et du trotskisme. Ce ne sera pas facile, étant donné les idéologies rivales du marxisme contre lesquelles nous nous voyons forcés de lutter. Mais pour la première fois, peut-être, depuis la faillite des partis communistes/staliniens à cause de leurs théories “en stades” erronnées, le terrain n’a jamais été aussi fertile pour la croissance des idées marxistes et trotskistes. De même, la situation économique et sociale générale – largement dominée par le scénario économique mondial et par son impact dans la région – signifie qu’il ne peut y avoir aucune réelle stabilité. Après tout, ç’a été la détérioration de la situation économique, manifestée par le chômage en progression constante et en particulier chez les jeunes, qui a été le facteur déclenchant des insurrections en Tunisie et en Égypte, et de tout ce qui a suivi. Ceci souligne l’importance cruciale d’avoir des perspectives économiques, comme le CIO l’a toujours mis en avant. Cependant, si la classe ouvrière ne devait pas parvenir à imposer sa marque sur la situation – via ses propres organisations indépendantes – ce serait alors l’islam politique de droite, largement marginalisé jusqu’ici, qui pourrait croitre à nouveau. Les conflits en Égypte entre coptes et musulmans (délibérément encouragés par l’armée) en sont un avertissement, tout comme les efforts délibérés de divisions entre chiites et sunnites au Bahreïn

    L’économie mondiale

    Le Moyen-Orient exerce également une énorme influence sur l’économie mondiale, en particulier à travers la matière première cruciale qu’est le pétrole. Et les remous colossaux dans la région ont exercé des pressions à la hausse sur le prix du pétrole, qui va maintenant probablement atteindre des records fumants étant donné les complications militaires en Libye, pays producteur de pétrole. En conséquence de cela, la “reprise” économique mondiale vacillante va sans doute être stoppée, si pas repartir en chute libre. L’envolée actuelle des prix du pétrole est la cinquième hausse de cette ampleur depuis 1973, et à chacune de ces hausses, le résultat a été une récession. Certains experts s’attendent à ce que le prix du pétrole brut atteigne les 160$/barril, d’autres s’attendent à plus encore. Un résultat inattendu de tout ceci est le bénéfice qu’en retirent les États producteurs de pétrole : ainsi, chaque hausse de 10$ du prix du barril gonfle le revenu de la Russie de 20 milliards de dollars supplémentaires ; l’Iran et le Venezuela, de même que les pays arabes, vont eux aussi en tirer parti. Certains ont été capables d’utiliser ceci – comme c’est le cas pour l’Arabie saoudite – pour racheter, ou du moins tenter de racheter, l’opposition interne croissante. Le chœur d’analystes capitalistes qui proclamaient que le capitalisme était en passe de complètement se remettre de la crise et parlaient déjà un peu plus tôt dans l’année de “sommets économiques ensoleillés” s’est complètement fourvoyé.

    Des prétentions similaires avaient été faites en 2005, comme quoi le boom continuerait à jamais. Il est vrai que l’index boursier au Royaume-Uni a passé la barre des 6040 points au tournant de l’année. Cependant, suivre cette logique revient à dire que le meilleur endroit où investir aujourd’hui serait la Mongolie ou le Sri Lanka ! Même cette prétention a été sapée par les inondations dévastatrices au Sri Lanka, où un million de gens ont été affectés et 20% de la production de riz détruite.

    Le tourniquet des marchés boursiers mondiaux – ce casino géant – n’ont que peu d’intérêt aujourd’hui pour mesurer la santé économique, ni les perspectives de croissance réelle dans le futur. Ce qui a plus d’intérêt, est l’aveu de l’analyste et historien “libéral” pro-capitaliste Simon Schama : ”Les vies de millions de gens dans notre Amérique hamburguerée ne passent que via les banques et les chèques alimentaires. Soixante-dix pourcent de la population a un ami proche ou un membre de la famille qui a perdu son travail. Nous vivons toujours dans l’Amérique en 3D : désolation, dévastation, destitution”. Et nous parlons ici du moteur du capitalisme mondial !

    La Chine

    La Chine et l’Asie, cependant, semblent toujours aller de l’avant, propulsées par l’immense plan de relance en Chine, dont l’ampleur et les effets avaient été prédits par le CIO. Le plan de relance chinois a permis de tirer de nombreux pays vers le haut, avec un certain effet en Europe. Dans le monde néocolonial, certains pays connaissent un boom des matières premières et, dans une certaine mesure, un marché accru pour leurs exportations. Toutefois, le revers de la croissance chinoise est l’accumulation de bulles à une échelle massive, qui pourrait bien mettre un terme brutal à la croissance chinoise, bien plus vite que ne se l’imaginent les économistes capitalistes. L’ampleur du secteur immobilier en surchauffe se reflète dans les effets dévastateurs sur les habitants des villes, en particulier dans des endroits tels que Pékin. L’inflation est toujours un enjeu extrêmement sensible pour l’État chinois, à cause du rôle historique qu’elle a joué dans la révolution chinoise qui a mené au renversement du Guomindang à la fin des années ’40 et qui a amené Mao au pouvoir. En janvier, l’inflation a atteint le record de 5,1%, ce qui a suscité un grand ”mécontentement par rapport aux hausses de prix qui ont atteint leur niveau le plus élevé depuis le début des statistiques en 1999”, selon un récent sondage de la Banque centrale.

    Ce que cela signifie pour les millions de Chinois qui espéraient en vain pouvoir gravir les échelons de la propriété est montré par les estimations qui indiquent ”combien de temps les citoyens devraient travailler pour pouvoir se payer un appartement de 100m² dans le centre de Pékin, qui vaut en ce moment environ 3 millions de renminbi (450 000$). En supposant qu’il n’y ait aucune catastrophe naturelle, un paysan travaillant un lopin de terre moyen ne pourrait s’offrir un appartement que s’il avait commencé à travailler sous la dynastie Tang (qui s’est terminée en l’an 907) ! Un ouvrier chinois qui aurait gagné un salaire mensuel de 1500 renminbi depuis les guerres de l’opium de la moitié du 19ème siècle et aurait travaillé tous les jours depuis et même les week-ends, disposerait alors maintenant de tout juste de quoi se payer son propre logement aujourd’hui.”

    Au même moment, la croissance économique colossale et incontrôlée de la Chine inflige chaque année pour plus de 1000 milliards de yuan (105 milliards d’euro) en dégâts environnementaux, selon les planificateurs du gouvernement. Le cout des déchets, des fuites, de la détérioration du sol et autres impacts a atteint les 1,3 milliards de yuan en 2008 (140 milliards d’euro). C’est l’équivalent de 3,9% du PIB du pays. La perte du sol et de l’eau ”pose de graves menaces à l’écologie, à la sécurité alimentaire et au contrôle des inondations”, a ainsi déclaré le vice-ministre chinois responsable des ressources en eaux. Les réservoirs sont incapables de satisfaire aux demandes d’une population croissante et de plus en plus développée. Pékin dépend déjà de nappes aquifères non-renouvelables pour pallier au déficit en eau de la ville qui s’accumule. Ce dernier pourrait mener à des contrôles dans la consommation de l’eau, surtout pour les gros utilisateurs tels que les usines. D’un point de vue économique, le développement pêlemêle de la Chine sur une base capitaliste n’est pas vivable, et ceci est encore plus évident dès lors que l’on parle d’environnement.

    La radicalisation aux États-Unis

    En ce qui concerne les États-Unis, ceux-ci laissent filer un déficit budgétaire béant (à tous les niveaux de gouvernement) qui promet un naufrage fiscal. À un moment l’an passé, la vente de bons du Trésor, nécessaire pour le financement continu du déficit, n’a obtenu qu’un faible résultat et a amené la menace d’une crise dans les finances du gouvernement. Toutefois, avec tous ces capitalistes qui possèdent des surplus massifs d’argent sans avoir un seul débouché où l’investir de manière productive – ce qui est en soi une expression de la crise organique du capitalisme – la vente de bons suivantes a, elle, été bien accueillie. L’administration Obama est confrontée à la perspective délicate de devoir chercher à réduire le déficit, ce qui aura un grave impact sur le niveau de vie. Si cette réduction se concentre sur l’armée – ce qu’espère la droite républicaine – cela aggravera énormément la situation sociale et mènera à une grande radicalisation.

    Les événements spectaculaires au Wisconsin mettent en valeur ce qu’il se passe lorsque la droite républicaine se lâche contre la classe ouvrière américaine, qui semblait endormie et passive. Enhardi par le succès du Tea Party lors des élections de mi-mandat pour le Congrès, le gouverneur républicain du Wisconsin a lancé une offensive déclarée sur les droits de négociations des syndicats et sur les conditions des travailleurs. C’est ce qui a provoqué un soulèvement de la classe ouvrière sans précédent aux États-Unis depuis des décennies. L’ironie étant qu’il y a beaucoup de travailleurs qui avaient voté pour les candidats du Tea Party et qui sont devenus eux-mêmes victimes de ces attaques, et ont donc rejoint le mouvement d’opposition. Les travailleurs ont soulevé l’exemple de la révolution égyptienne ! Ils ont eu recours à des arrêts de travail spontanés et ont appelé à la grève générale. Des travailleurs d’autres Etats, comme en Indiana et en Ohio, ont suivi le Wisconsin ; ils ont eux aussi subi les mêmes attaques de la part de gouverneurs républicains inflexibles.

    Tel un coup de tonnerre, le Wisconsin a réveillé le géant endormi de la classe ouvrière américaine, et a ouvert la voie à une opportunité très favorable pour notre section américaine. La question de savoir si cela va ou non mener à un revirement à gauche durable dépend, comme ailleurs, de la création d’un pôle d’attraction à gauche sous la forme d’un nouveau parti ou d’une nouvelle formation politique. La majorité des dirigeants syndicaux tente désespérément de diriger ce mouvement vers un soutien aux Démocrates, bien que parfois seulement en tant que “moindre mal”. C’est la même chose qui se passe en Europe avec nos dirigeants syndicaux qui ont peur et qui sont incapables de mener une lutte industrielle victorieuse contre les programmes d’austérité de la bourgeoisie. Ils cherchent à faire dévier le mouvement sur le plan électoral en renforçant le soutien à la social-démocratie. D’un autre côté, le fait d’attaquer l’énorme budget de la “défense” susciterait encore plus de critiques sur Obama et son administration de la part des Républicains de droite – menés par le Tea Party. Jusqu’à présent, il a fait face à cette offensive de droite par des pas en arrière et des concessions, par exemple sur la taxation des riches. Cette attitude pourrait encourager la droite à forcer Obama à faire encore plus de concessions. D’un autre côté, les attaques sur la classe ouvrière par les Républicains de droite amènent un soutien de “moindre mal” en faveur d’Obama pour les prochaines élections présidentielles en 2012. Il sera maintenant probablement réélu.

    L’Europe et l’économie mondiale

    En Europe, l’effondrement économique de l’Irlande menace de se propager au Portugal et même à l’Espagne, qui selon certains économistes capitalistes est la quatrième plus grande économie d’Europe et “est trop grosse pour être sauvée”. Même l’Italie et le Royaume-Uni ne sont pas totalement immunisés des effets de la crise bancaire européenne – parce que c’est bien d’une telle crise qu’il s’agit – qui a été déclenchée par les événements en Irlande. Le renflouement des banques irlandaises est un signe que c’est maintenant une question, comme l’a dit Samuel Johnson, de “tenir ensemble, ou tenir séparés”. Malgré tout, l’Irlande va sans doute faire défaut sur sa dette – ou la “reporter”, comme on dit dans le langage plus diplomatique des économistes capitalistes – en dépit de tous les efforts des États membres de l’UE et de leurs différents gouvernements nationaux pour renflouer le pays. Le Chancelier de l’Échiquier britannique Osborne a trouvé 7 milliards de livres sterling pour aider l’Irlande – en réalité, pour sauver les banques britanniques qui seraient affectées par un effondrement de l’économie irlandaise – en tant que “bon voisin”. Et pourtant, on ne peut pas dire de lui qu’il agit en “bon Samaritain” pour les pauvres et pour les travailleurs du Royaume-Uni, vu qu’il cherche à leur imposer le plus grand plan d’austérité depuis 80 ans.

    Surtout basée sur les développements de l’économie chinoise, la machinerie et les consructeurs automobiles allemands ont pu rapidement se remettre de la première vague de la crise. Utilisant sa force compétitive, le capitalisme allemand semble être le grand vainqueur de la crise. Mais cette reprise se développe sur une base faible et sera remise en question dans un futur pas si lointain. Malgré cette faiblesse sous-jacente, cela a donné au capitalisme allemand une marge économique qui lui a permis de contribuer à éviter un effondrement économique complet en Europe et aussi – bien que de manière réticente et hésitante – de faire quelques concessions pour sauver l’euro jusqu’ici. Cela n’était pas assez pour sauver l’économie européenne ou pour démarrer un nouveau boom ; cependant, cela aura un impact décisif si de futures éruptions économiques en Allemagne venaient à frapper les développements européens.

    Les destins entrelacés de toutes les économies d’Europe à travers la crise de la dette souveraine montre comment des développements cruciaux à l’échelle internationale façonnent les événements à l’échelle nationale, parfois de manière décisive. L’hypothèse sous-jacente du gouvernement ConDem au Royaume-Uni est que, malgré la brutalité des coupes, au final “Tout sera bien qui finira bien”. Les événements devraient selon eux aller dans leur sens, à cause de l’“inévitable” rebond de l’économie. Le cycle économique “normal” devrait se réaffirmer, disent-ils, une crise étant toujours suivie d’un boom, et ainsi le carrousel continue. Ces espoirs seront anéantis par la marche des événements. Car nous n’avons pas affare ici à un cycle similaire à celui des années 1950 à 75, ni à la phase de croissance plus faible des années ‘2000. Cette crise est totalement inhabituelle de par son caractère, sa profondeur et sa gravité, à la fois pour les dirigeants actuels et pour leurs “administrés”.

    Au mieux, l’économie mondiale va continuer à boitiller de l’avant ; elle ne va pas immédiatement reprendre son niveau d’avant la crise de 2008. Ceci signifie que sur le long terme, le chômage endémique tendra à se consolider, bien qu’avec des hauts et des bas. Des millions de travailleurs ne pourront jamais être réintégrés dans l’industrie. Là où ils trouveront un travail, ce travail sera précaire, temporaire, à l’image de ce que l’on appelle aux États-Unis un job “de survie”. Les travailleurs les prendront dans l’espoir vain de pouvoir de nouveau se hisser à la position qu’ils avaient dans le passé. Mais pendant toute la période prévisible devant nous, l’époque des emplois à plein temps, d’un niveau de vie croissant ou même stagnant est terminée pour la majorité de la population.

    La consommation joue un rôle crucial pour soutenir l’économie capitaliste moderne, en particulier dans les économies les plus avancées. Aux États-Unis pendant le 19ème siècle, près de 20% de l’économie provenait de la consommation. Aujourd’hui, aux États-Unis, celle-ci compte pour 70% du produit total. En Chine, d’un autre côté, la consommation vaut aujourd’hui 38% du PIB – ce qui est relativement beaucoup moins que les 50% sous le régime stalinien de Mao. Toutefois, les programmes d’austérité qui sont devenus la principale politique économique de la majorité des gouvernements bourgeois a pour effet de déprimer l’économie, précisément à cause du rôle crucial que jouent les consommateurs. Et ceci n’est pas compensé par la redirection de l’investissement – du surplus social – dans l’industrie productive, comme c’était la norme dans le passé. La politique dévastatrice de la financialisation du capitalisme mondial est enracinée dans le manque de débouchés profitables pour le capital, essentiellement à partir de la fin des années ’70. C’est quelque chose que le CIO a toujours mis en avant, encore et encore, dans son matériel écrit – une position presque unique parmi les marxistes.

    Les investissements colossaux de capitaux fictifs – via le système de crédits – ont jeté la base pour les bulles qui ont maintenant éclaté. Mais le capitalisme, pris dans son ensemble et à une échelle mondiale, n’a rien appris de cela, et n’applique maintenant aucune nouvelle politique ni dans le vieux continent européen ni aux États-Unis. En fait, nous avons vu une répétition de la même politique que celle des années ‘2000, qui ne fait en réalité que gonfler de nouvelles bulles, même alors que le système lutte déjà pour se libérer des immenses conséquences de sa politique précédente, du surplus de dette. Par conséquent, les investissements dans l’industrie – qui est la réelle force pour créer de la valeur – sont à la traine. En fait, les investissements ont en réalité chuté en termes réels dans l’industrie de transformation. Le Royaume-Uni, par exemple, est passé d’une des nations les plus industrialisées du monde au 19ème siècle, à la cinquième position aujourd’hui. Selon le ministre des finances brésilien, sa nation a dépassé le Royaume-Uni et est devenue la cinquième plus grande économie mondiale, surtout après la croissance de 7,5% en 2010, son plus haut taux depuis 1986.

    La reprise sur les marchés boursiers a été acclamée comme étant le précurseur de la croissance économique, ce qui est complètement faux. En fait, les “experts” en comportement des marchés boursiers sont historiquement du côté des “ours” – des pessimistes qui s’attendent à une Apocalypse financière. Une personne a récemment commenté dans le Guardian britannique que : ”Lorsque les marchés entrent une nouvelle phase de folie, moi je reste là à me gratter la tête d’étonnement. L’idée comme quoi nous sommes revenus à une reprise économique durable est aussi grotesque qu’elle l’était en 2005-07. Mais les investisseurs sont de retour sur la piste de danse, pirouettant droit vers la prochaine et inévitable implosion, au sujet de laquelle ils affirmeront une fois de plus par après qu’elle était imprévisible !”

    Le capitalisme moderne semble incapable d’absorber le “surplus de travail” – un euphémisme pour “chômage de masse” – créé par la suraccumulation reflétée par la crise, à moins de pouvoir obtenir un taux de croissance soutenu d’au moins 3%, et même ainsi, à un taux combiné. Pourtant, même les plus optimistes des économistes bourgeois ne se font aucune illusion sur le fait que le capitalisme – même dans les économies qui semblent être dans une position favorable, comme l’Allemagne par exemple – sera capable d’atteindre un tel taux de croissance dans le futur prévisible. Axel Weber, le président sortant et complètement discrédité de la Bundesbank, disait à Londres récemment que l’Allemagne ne reviendrait pas d’ici la fin de 2011 à un niveau d’avant la crise. ”Il ne s’agit pas d’une success story, mais bien de trois années perdues”. Il a ensuite ajouté pour la forme que : ”La tendance de croissance sur le long terme pour l’économie allemande est de 1%. Nous n’avons pas affaire à un moteur dynamique pour l’économie européenne”.

    Le chômage

    La production de l’économie mondiale est revenue au niveau de 1989 ! Le FMI estime qu’en 2008, l’économie mondiale a perdu la somme colossale de 50 trillions de dollars en actifs dévalués et en termes de perte de production, une somme équivalant à la production totale de biens et services du monde entier pendant une année. La crise a laissé un immense legs débilitant que le capitalisme aura du mal à surmonter, si jamais il y parvient entièrement. La politique quasi-keynésienne d’Obama – avec ses divers plans de relance – a complètement échoué à endiguer le chômage, qui se tient officiellement à 9% de la force de travail (mais est dans les faits sans doute à deux fois ce niveau), et est restée à ce niveau depuis les 20 derniers mois sans discontinuer. Quarante-sept états sur cinquante ont même perdu des emplois depuis les plans de relance d’Obama.

    Il y a dans le monde officiellement plus de 200 millions de gens au chômage, dont 78 millions ont moins de 24 ans. Et ceci est sans doute une énorme sous-évaluation, parce que ces chiffres ne tiennent pas compte du sous-emploi, des emplois partiels, etc. Selon l’Organisation internationale du travail, 1,5 milliards de gens sont en situation d’emploi précaire. En outre, la population mondiale va sans doute s’accroitre d’encore 2 milliards de personnes au cours des 40 prochaines années. En Europe, le chômage des jeunes se trouve en moyenne à 20,2% dans 17 pays de la zone euro, alors qu’il était à 14-15% il y a trois ans. Le chômage des jeunes est monté au niveau effarant de 35% en Grèce et même de 40% en Espagne !

    Étant donné qu’il n’y a que très peu de soutien étatique pour les chômeurs dans ces pays – qui sont alors forcés de compter sur le soutien de leurs famille et amis – il est étonnant que nous n’ayons pas encore aperçu d’expression réelle de l’encore plus grand mécontentement que ces chiffres garantissent. Il est vrai que nous avons vu de grandes et furieuses grèves générales, mais étant donné la condition de la classe ouvrière, surtout dans le sud de l’Europe, nous pouvons nous attendre au cours de la prochaine période à des mouvements de protestation ouvrière qui pourraient déborder les limites de la société “officielle”. Déjà en Grèce, nous voyons que les masses, par pur désespoir – très souvent convaincues qu’elles n’ont aucune chance de succès – se sont néanmoins jetées dans la bataille, comme avec les travailleurs des bus d’Athènes, qui insistaient pour continuer leur lutte contre l’avis de leur direction syndicale, malgré le fait que le décret contre lequel ils se battaient avait déjà été mis en application ; ou avec les 2500 travailleurs (temporaires) de la Ville d’Athènes, qui ont occupé la salle du Conseil communal pour empêcher le nouveau maire PASOK de les licencier afin d’engager de nouveaux travailleurs intérimaires avec encore moins de salaire et encore moins de droits. Ce genre d’actions risque de devenir contagieuse – et pas seulement en Grèce – pour d’autres travailleurs qui vont chercher à les imiter, de même que pour les étudiants qui vont une fois de plus entrer en conflit avec le gouvernement ou avec les autorités éducationnelles.

    Mais la conscience politique est toujours en retard, et parfois de manière chronique, par rapport à la situation économique objective. Le krach de Wall Street en 1929 a stupéfait la classe ouvrière américaine, et il a fallu au moins quelques années pour qu’elle puisse rallier ses forces et résister à l’offensive du capitalisme. Un mouvement offensif n’a réellement commencé, comme nous l’avons fait remarquer à maintes reprises, qu’au moment du début du boom à partir de 1934. Il est hautement improbable, surtout à un niveau global, qu’une telle croissance survienne, au moins dans les pays industriels avancés. Comme le Brésil l’a démontré, il est possible qu’un certain niveau de croissance se réalise dans certains pays et certaines régions, même au beau milieu d’une récession mondiale générale. Il y a une raison spécifique dans le cas du Brésil, comme dans d’autres pays ; cette croissance s’est effectuée portée par la croissance chinoise, la Chine cherchant à mettre la main sur des ressources naturelles afin de maintenir son industrie en état de marche.

  • Tunisie, Égypte,… Quelles perspectives et quel programme pour les masses?

    Lors de la discussion sur les perspectives internationales du Comité National du PSL-LSP qui s’est tenu ce weekend, un bonne part des interventions ont eu trait au processus actuellement à l’oeuvre dans le Moyen-Orient et au Maghreb. Le texte suivant reprend quelques uns des éléments qui ont été mis en avant, mais la discussion a été plus large et comprenait aussi des aspects historiques (Nasser, la crise du canal de Suez, le pan-arabisme,…) ou encore la situation au Yémen et en Algérie, thèmes sur lesquels nous reviendrons.

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    Des mouvements qui ne tombent pas du ciel

    Dans le document du 10e Congrès Mondial du CIO consacré au Moyen Orient et à l’Afrique du Nord, il était dit ”tous les despotes et les régimes autoritaires de la région ont peur de mouvements de révolte de masse. Des mouvements en Iran ou en Egypte sont possibles, qui peuvent alors en inspirer d’autres. Si la classe ouvrière n’en prend pas la direction, ces mouvements peuvent prendre des directions très différentes.”

    Le mouvement en Tunisie a constitué une source d’inspiration pour toute la région: le Yémen, la Syrie, la Jordanie, l’Algérie,… Ces actions ne tombent pas du ciel, elles sont le résultat d’un cocktail explosif fait d’un chômage énorme, d’une très large pauvreté très large (en Égypte, 40% de la population vit avec moins de deux dollars par jour), d’une politique répressive de la part de régimes autoritaires, mais aussi des traditions de lutte dans la région.

    Dans cette région aussi, la crise capitaliste a suivi une politique néolibérale très dure. Entre 2004 et 2009, l’Égypte a attiré 42 milliards de dollars d’investissements extérieurs, investissements obtenus avec la promesse qu’il n’y aurait pas de taxes sur les profits. Une partie du secteur bancaire a été privatisée pour des entreprises d’autres pays et les principaux actionnaires des banques viennent d’Italie ou de Grèce. La Bourse égyptienne, entre 2004 et 2009, s’est développée en étant multipliée par douze.

    La crise s’est développée depuis 2009, avec la chute du prix du pétrole et une diminution des investissements, mais l’Égypte est une des places dans le monde où même avec cela, l’économie a continué à croître. Mais cette poursuite de la croissance économique, la population ne l’a pas plus ressentie qu’avant. Différents mouvements avaient déjà eu lieu ces dernières années et qui exprimaient cela.

    Entre 2004 et 2008, 194 grèves s’étaient développées chaque année en Egypte, surtout dans les centres textiles et à Suez. Entre 1992 et 2010, le gouvernement a mené sa politique de privatisation, et c’est dans cette période que ceux qui ont moins de deux dollars par jour sont passé de 20 à 44%. 66% de la population a moins de 25 ans, le poids de la jeunesse est extraordinaire et, parmi les chômeurs, 90% a moins de 25 ans. Cela illustre encore une fois que le mouvement ne tombe pas du ciel. Entre 2008 et 2010 il y a eu 1600 grèves chaque année, soit trois fois plus que durant la période précédente.

    Différentes multinationales sont présentes en Égypte, comme la multinationale française Lafarge (construction). L’Égypte représente pas moins de 10°% de ses profits. Mais on trouve aussi des entreprises Solvay, Unilever, la Société Générale, Heineken,… En Tunisie, quelques 2.500 multinationales sont présentes, dont plus d’un millier de françaises qui engagent 110.000 travailleurs. Les 146 entreprises belges emploient 20.000 travailleurs.

    Ce mouvement n’est pas uniquement basé sur des revendications démocratiques, c’est aussi une expression de la crise mondiale et du fait que toute une génération de jeunes n’a aucune perspective pour l’avenir. La crise capitaliste a brisé chaque espoir d’un meilleur avenir, cette illusion était présente et a été réduite à néant.

    On peut parler de mouvements révolutionnaires dans la région, avec une majorité de la population participant activement au mouvement dans l’intention de changer le statuquo en leur faveur et pour retirer la gestion de la société hors des mains de l’élite et des classes dirigeantes. Les manifestations sont massives et très populaires, avec beaucoup de travailleurs, des pauvres mais aussi des couches moyennes. Les appels initiaux ont été diffusés par des nouveaux médias, c’est une bonne manière de les utiliser. Mais il serait exagéré de dire que c’est une révolution Facebook. Ainsi, seulement 6% de la population égyptienne est sur Facebook.

    Dans les débats autour de ces évènements, il y a beaucoup de comparaisons avec les mouvements révolutionnaires du passé, comme les Révolutions colorées de la décennie précédente. Des explosions de colère ont ressemblé à cela, mais le mouvement actuel est bien plus profond. La conscience des masses est plus élevée et la conscience des classe est présente, c’est plus difficile à récupérer pour la bourgeoisie. On mentionne aussi la Révolution iranienne de 79, mais il est clair qu’il y a beaucoup de différences avec cela. On parle encore de la chute du stalinisme en 89-91. En fait, toutes les comparaisons ont leurs limites, et chaque révolution a ses propres éléments et sa propre dynamique.

    En Tunisie, le mouvement est rapidement parvenu à une première victoire. D’autres régimes tirent la conclusion que faire des concessions est dangereux, cela peut renforcer le mouvement. Chaque concession de Ben Ali a renforcé la confiance des masses, chaque concession a illustré le pouvoir du mouvement. La fuite de Ben Ali n’a ainsi pas stoppé le mouvement, ni la recomposition du gouvernement, ni la démission des ministres de l’UGTT. Les mobilisations continuent, avec toutefois un caractère différent.

    Différents secteurs connaissent des grèves. On essaye là aussi de stopper les protestations avec des concessions: les éboueurs ont reçu une augmentation de salaire de 60%. Des programmes sociaux ont été introduits par le gouvernement. Le régime tunisien a implosé, et cela a constitué un catalyseur pour le développement du mouvement en Égypte.

    L’Egypte

    L’Égypte diffère de la Tunisie au niveau économique (avec le canal de Suez) et politique. C’est aussi la population la plus grande de la région. L’Égypte est un des piliers les plus importants de l’impérialisme américain. Une de ces facettes est la relation avec Israël, un des alliés les plus farouches de Moubarak à l’heure actuelle. Le régime israélien a appelé Moubarak à utiliser la violence contre le mouvement. Le soucis de la classe dirigeante israélienne, c’est l’impact que cela aurait sur les masses palestiniennes. Il y a le problème du blocus de Gaza, auquel le régime de Moubarak collabore. Cette politique est très impopulaire en Égypte même, et ce qui se passerait avec un changement de régime n’est pas clair.

    Depuis mercredi, il est clair que le mouvement révolutionnaire en Égypte est compliqué. Jusque mardi, c’était plutôt joyeux. Mardi, il y avait plus d’un million de manifestants au Caire. La façon dont les choses s’étaient déroulées en Tunisie avait créé des illusions sur la facilité de renverser un régime. Mais depuis mercredi, le régime a utilisé les forces de la contre-révolution. La base sociale pour cela, c’est le sous-prolétariat du Caire, mais aussi les fonctionnaires du régime qui ont beaucoup à perdre. On peut faire la comparaison avec la manière dont le régime tsariste s’est opposé à la révolution de 1905 en Russie. Le mouvement sera-t-il assez fort pour aller contre le pouvoir? Les manifestations de vendredi ont confirmé que le mouvement est encore en train de croître et n’a pas perdu de ses forces, mais le potentiel n’est pas utilisé: pas de marche vers le palais présidentiel par exemple. C’était le ”jour du départ”, mais peu a été fait pour que Moubarak dégage vraiment.

    Pour arriver à une défaite fondamentale du régime, la classe ouvrière doit intervenir en tant que classe. Comme en Tunisie, il y a des liens très forts entre les directions syndicales et le régime. Tous les dirigeants sont membres du parti de Moubarak. Le régime exerce un contrôle sur la fédération syndicale. C’est vrai, mais dans les dernières luttes, des militants de base se sont opposés aux directions syndicales. Le syndicat des contrôleurs de taxes a même quitté la fédération syndicale pour rejoindre une nouvelle structure syndicale qui défend le salaire minimum, la sécurité sociale,… C’est difficile d’avoir énormément de précisions, mais ce nouveau syndicat est impliqué dans les comités de quartier.

    Le mouvement doit partir à l’offensive pour éviter que le régime et les Etats-Unis n’organisent une transition favorable aux capitalistes. Les revendications sociales doivent être centrales dans le mouvement afin d’également mobiliser les couches les plus passives.

    Les Frères Musulmans ont hésité avant de s’impliquer. Mais en même temps, des rapports disent que parmi ceux qui ont défendu la place du Caire, il y avait beaucoup de Frères Musulmans. Les cadres étaient contre tout soutien au mouvement, ce sont les jeunes qui ont fait pression, ce sont ces jeunes qui, mercredi dernier, participaient à la défense des manifestants contre la contre-révolution. Un scénario ”à l’iranienne” est peu probable, mais il est possible que les Frères remplissent le vide politique. Quelque soit le régime qui succèdera à Moubarak, il ne pourra toutefois pas collaborer avec Israël de la même manière. En Palestine, tant le Hamas que le Fatah sont contre le soutien au mouvement, ils voient les dangers pour leur propre position. Tout changement de régime en Égypte modifie en fait radicalement les choses au niveau du moyen-orient.

    Les Frères Musulmans peuvent jouer un rôle, mais ce n’est pas vraiment le cas aujourd’hui. La direction de Frères dit que leur modèle est plutôt celui de l’AKP d’Erdogan en Turquie et pas le modèle iranien. Ce n’est bien entendu que ce qu’ils disent, mais c’est aussi possible que cela soit une réflexion de ce qu’ils constatent: dans la rue, l’idée d’une société islamiste ne vit pas. Bien entendu, ils savent que s’ils rentrent dans le vide politique existant, ils vont se trouver dans une situation très compliquée, et c’est la raison pour la quelle eux aussi mettent en avant El Baradei pour qu’il négocie avec le régime.

    L’armée tente de gagner du temps pour, avec les USA, sauver l’élite et leur propre position dans la société égyptienne. Mercredi, pour beaucoup de manifestants, c’était clair que l’armée avait laissé l’espace pour ceux qui soutenaient le régime. Le chaos peut aider l’armée et cela peut renforcer parmi la population l’idée d’un appel à l’ordre. Mais l’armée n’est pas quelque chose d’homogène. Il y a eu des fraternisations entre soldats et manifestants en certains endroits. Pour les manifestants, il est crucial d’avoir une approche envers les simples soldats pour les détacher de la hiérarchie.

    Extension internationale

    Un des éléments important dans cette vague de révolte et de révolution, c’est la dispersion internationale. C’est un élément important, mais loin d’être neuf. A l’époque de Nasser, lors de la crise du canal de Suez en 1956, ce dernier avait mis en avant une grève générale dans toute la région, appel qui a joué un grand rôle dans la défaite de l’impérialisme. Mais le nationalisme arabe de Nasser a eu ses limites. Khadafi aujourd’hui est un des derniers représentants de cette époque du nationalisme arabe, qui a eu de grandes répercussions dans la région.

    Le développement de cette situation en Égypte a des incidences ailleurs. En Chine, ils essayent d’étouffer les évènements. Les médias ne parlent que de hooligans qui viennent tout casser au Caire. Le régime craint la propagation des protestations, et d’autres aussi, l’Iran par exemple. Khamenei, l’actuel Guide Suprême, a essayé de félicité le ”mouvement pour la libération musulmane” et, comme le Tea Party aux USA, le régime affirme que le mouvement ne vise qu’à instaurer un régime islamiste. De tels mouvements peuvent se développer dans d’autres régions, et un des éléments clé est le prix de l’alimentation. L’agence alimentaire américaine a publié un rapport sur l’insécurité alimentaire qui disait que les gens ont trois options: se révolter, migrer ou mourir. Il y a une grande possibilité qu’une grande révolte se développe sur ce thème.

    L’impérialisme ébranlé

    Personne n’a vu venir le mouvement en Tunisie. En un mois seulement, Ben Ali a tout perdu. L’énorme vitesse à laquelle le régime a été poussé dans la défensive, la vitesse à laquelle l’armée a été séparée de Ben Ali, la formation rapide des comités qui ont notamment jeté leurs patrons, tout cela est phénoménal. Entretemps, le régime cherche à voir comment canaliser la situation de double pouvoir qui existe. Le problème pour la bourgeoisie et l’impérialisme en Tunisie, c’est qu’ils n’ont pas quelqu’un comme El Baradei ou Amr Moussa, le président de la ligue arabe, qui est égyptien. Les USA continuent à miser sur le premier ministre, mais nous devons voir comment les relations de force vont se développer.

    Blair a parlé de Moubarak comme de quelqu’un de très courageux et une force œuvrant pour le bien et Obama, moins directement toutefois, est sur une position similaire. Pour donner une idée du rôle crucial de l’Égypte pour USA: depuis 1979, le pays reçoit 1,3 milliard de dollars de soutien militaire par an de la part des USA. C’est plus ou moins le même montant que ce que les USA donnent au Pakistan et à Israël. L’armée égyptienne est la 10e au niveau mondial, et elle joue un rôle crucial pour défendre les intérêts de l’impérialisme dans la région.

    L’impérialisme recherche des figures capables de restaurer la stabilité, mais c’est dans la rue que le résultat du mouvement va se jouer.

    Le double pouvoir et le rôle d’une direction révolutionnaire

    On peut conclure que le mouvement a jusqu’ici été très spontané et sans véritable organisation, mais on voit aussi un développement important de l’auto-organisation, comme avec la manière dont la sécurité a été organisée place Tahir, très impressionnante, de même que la façon dont des comités de quartier ont été instaurés en Tunisie ou en Égypte pour défendre les quartiers contre les pillages. Des comité sont lancés dans les entreprises aussi, et tout cela peut être la base pour développer un gouvernement des travailleurs et des petits paysans.

    Un processus révolutionnaire ne se développe pas de façon linéaire. En Tunisie, on assiste à un reflux du mouvement, malgré le développement d’une grève dans les métros à la suite de la victoire obtenue par les éboueurs par exemple. Cela contraste tout de même fortement avec la grève générale contre le régime et les protestations des semaines précédentes.

    Cette période était en fait déterminée par les premiers éléments d’une situation de double pouvoir où les comités de vigilance et les comités de quartier se développaient face au pouvoir du régime. Le danger du vol de la révolution tunisienne avec la complicité des institutions internationales est réel. La direction de l’UGTT soutient le gouvernement de Ghannouchi composé de patrons issus de l’étranger. Il faut réclamer un Congrès Extraordinaire de l’UGTT basé sur l’élection de représentants de la base afin de changer de direction syndicale.

    Mais il manque aussi une direction révolutionnaire. Le danger le plus grand est constitué par cette absence de direction qui laisse l’espace pour des figures bourgeoises. Il y a des mouvements comme dans les syndicats, qui sont importants et qui rendent très très difficile pour le régime de pouvoir revenir à la précédente situation, tant en Egypte qu’en Tunisie. Le résultat du mouvement sera décidé par l’organisation des masses: il faut renforcer les comités de base et les pousser à l’offensive contre le gouvernement.

    Le limogeage des PDG dans les entreprises en Tunisie et les barrages de travailleurs refusant que les anciens directeurs reviennent posent directement cette question: qui prend la direction des usines? Le gouvernement ? Les travailleurs ? D’autres capitalistes ? Nous devons considérer le développement de comités dans les entreprises, les écoles,… comme la base de la future société socialiste. Il ne suffit pas de s’opposer à la politique libérale, aborder la question du contrôle ouvrier est un point crucial dans le développement du mouvement aujourd’hui.

    Il ne suffit pas de réclamer la dissolution du RCD (le parti de ben Ali), la liberté d’expression et syndicale,… Saluer le développement des comités de base est très bien, mais il faut surtout amener la question de la prise du pouvoir par ces comités, les élargir et appeler à une Assemblée Constituante Révolutionnaire sur base de délégués démocratiquement élus dans les comités de base. Contre des mots d’ordre vagues de formation d’un gouvernement intérimaire qui jouisse de la confiance du peuple, il faut pousser la nécessité d’une démocratie des travailleurs basée sur les comités de base et les travailleurs.

    Concernant la police, réclamer une police basée sur la supériorité de la loi et les droits de l’homme est illusoire et totalement insuffisant à l’heure où l’on voit des bandes contre-révolutionnaires attaquer physiquement les locaux syndicaux, les militants,… La défense du mouvement doit être basée sur l’extension des comités, et cela vaut aussi pour la justice, etc. Ces comités doivent aussi être étendus à l’armée pour organiser les soldats qui ont fraternisé avec la révolution. Cela doit être la base pour fractionner l’appareil d’État. La direction de l’armée a lâché Ben Ali, mais ne veut pas que le mouvement aille plus loin.

    Enfin, concernant notre travail militant, nous devons accorder une grande attention aux sensibilités qui existent vis-à-vis de la question nationale. Il n’est pas question de crier à la révolution du ”monde arabe”, la question est beaucoup plus vaste. Les berbères, par exemple, ne sont pas arabes et sont opprimés au Maroc et ailleurs. On trouve également des berbères en Algérie, en Libye, en Tunisie et en Egypte. Ce terme de ”monde arabe” exclut aussi l’Iran, et l’on se rappelle encore des puissants mouvements de 2009.

    On ne peut jamais prédire comment les choses vont se développer, mais ces mouvements confirment la confiance que le Comité pour une Internationale Ouvrière et ses sections, comme le PSL-LSP en Belgique, a toujours eu envers les capacités des masses pour se battre en faveur de leurs conditions de vie. Une fois ces mouvements initiés, cela a conduit à une détermination très profonde. Ces mouvements ont même confirmé les méthodes traditionnelles de la classe ouvrière, même initiés de façon spontanée par les masses.

    Bien entendu, c’est aussi la confirmation gigantesque de la nécessité d’une organisation révolutionnaire capable de garantir que l’énergie d’un tel mouvement soit utilisée pour aller vers une une société orientée vers la satisfaction des intérêts des masses, c’est-à-dire une société où les secteurs clés de l’économie sont retirés de la soif de profit du privé pour être démocratiquement planifiés, une société socialiste.

  • Etats-Unis : que retenir de la défaite d’Obama ?

    Les élections de mi-mandat aux Etats-Unis se sont traduites par une défaite d’Obama face aux Républicains, sous l’impulsion du nouveau-venu, le ‘‘Tea Party’’, emmené par Sarah Palin. Cela signifie-t-il pour autant qu’Obama est trop à gauche pour des Etats-Unis trop à droite ? Une telle conclusion serait pour le moins erronée lorsqu’on observe le mécontentement qui se cache derrière ces résultats électoraux.

    Par Baptiste (Wavre)

    Fox News, le relais médiatique par excellence de la frange la plus conservatrice des Républicains, insiste sur le fait que cette défaite n’est rien d’autre qu’un rejet du soi-disant agenda politique de gauche du président Obama. Des analystes un peu plus sérieux insistent eux sur le fait que des millions d’Américains ont voté sans toujours être sûr de ce qu’ils voulaient, mais qu’en tout cas ils savaient qu’ils n’étaient pas satisfaits par la politique menée par Obama.

    De fait, depuis qu’Obama est arrivé au pouvoir les travailleurs ont vu le chômage monter et concerner quelques 23 millions de personnes, ils ont vu se faire expulser de leur logement des millions de ménages et des coupes budgétaires dans toute une série de services publics.

    Promesses creuses et poursuite de la politique impérialiste.

    Cette incapacité à donner une réponse à la crise autre que le ‘‘socialisme pour les riches’’ (socialiser les pertes, privatiser les profits) a été renforcée par le constat amer que toutes les promesses d’Obama se sont révélées être des paroles creuses, tant du point de vue d’une réforme des soins de santé que sur le plan de l’implication militaire des États-Unis au Moyen-Orient. Sa réforme n’assurera jamais des soins de santé accessible à tous et de qualité, tant Obama a fait de concessions majeures aux compagnies d’assurances privées et aux grandes entreprises pharmaceutiques.

    Quant à sa politique de guerre, son annonce d’augmenter les troupes en Afghanistan avait déjà créé un grand mécontentement. D’autant plus que l’argument d’Obama assurant que l’augmentation des troupes allait porter le coup fatal aux talibans s’est trouvé infirmé et cette guerre n’en finit plus d’être un bourbier menaçant de s’étendre au Pakistan, qui ne cesse de multiplier les dépenses militaires, les pertes civiles et qui ne cesse de dégrader les conditions de vie des travailleurs et des paysans pauvres de la région. La recherche d’un accord avec des franges modérées de talibans est symptomatique de l’échec de l’intervention américaine au Moyen-Orient, et confirme encore une fois que cette intervention n’était en rien une solution contre les groupes réactionnaires dans la région. Que du contraire, la corruption et le diktat des seigneurs de guerre et autres réactionnaires n’ont fait que s’affirmer depuis le début de l’occupation.

    Mécontentement généralisé contre l’establishment et récupération par le Tea Party.

    L’élection d’Obama à la maison blanche en janvier 2009 était marquée par l’enthousiasme de millions de travailleurs et de pauvres aux USA. Mais moins de deux ans plus tard, cet engouement a fait place à une désillusion sans pareil. L’incapacité d’Obama et des démocrates à répondre à la crise autrement que par le sauvetage de l’élite de Wall Street tout en laissant les conditions de vie et de travail de millions de personnes se dégrader a permis au Tea Party de récupérer un mécontentement populaire largement partagé.

    Selon un sondage, le plan de relance d’Obama a effectivement donné l’impression à 60% des personnes sondées que l’attention avait été prioritairement accordée aux élites financières (qui ont très rapidement recommencé à s’arroser de milliards de bénéfices et de bonus) et non aux emplois. Si l’on regarde un peu plus loin, il n’y a rien d’étonnant à cela : au lendemain de son élection, son cabinet était constitué de toute une série de figures bien connues de Wall Street, comme Larry Summers pour ne citer que lui, qui est passé plus tôt par la direction de la Banque Mondiale et par le cabinet de Clinton. Barack Obama avait déjà très tôt démontré qu’il n’était rien d’autre que le porte-parole des démocrates, un parti pieds et poings liés à la gestion du capitalisme.

    La ‘‘réponse’’ du Tea Party n’en est évidemment pas une, ses discours populistes sont bourrés d’hypocrisie derrière une apparence de ‘‘parti du peuple’’ ce parti n’est rien d’autre qu’un instrument financé par les milieux du ‘‘big business’’ afin de protéger leurs intérêts. Ce n’est rien d’autre que la même tactique vicieuse des autres ‘‘droites folles’’ à travers le monde : en récupérant le mécontentement envers ‘‘l’establishment’’, ces partis profitent du diviser-pour-mieux-régner, ces discriminations et divisions parmi les travailleurs permettant de dissimuler leurs politiques néolibérales antisociales. En outre, ce Tea Party est aussi caractéristique d’une classe moyenne qui se retrouve poussée dans la pauvreté par la crise. Lorsque les affaires tournent, cette classe moyenne accorde une certaine confiance aux partis traditionnels du capitalisme mais, en temps de crise, elle se retourne, enragée, vers des populistes qui s’attaquent à l’establishment. C’est du moins le cas en l’absence d’un parti de masse des travailleurs qui offrirait une alternative au discrédit du capitalisme.

    Une période d’instabilité politique est ouverte.

    S’il s’agit d’une défaite pour Obama, il n’y a pas pour autant un phénomène de ralliement autour des républicains. Que du contraire, les résultats électoraux sont plutôt caractérisés par une volatilité importante et une colère généralisée contre les élites financières et contre l’establishment. C’est ainsi qu’on peut comprendre le phénomène d’un Tea Party sorti de nulle part et la chute de 78% à 45% de la popularité d’Obama. Pour le moment, l’alliance est réussie entre le parti républicain et le Tea Party, essentiellement grâce à une situation d’opposition au Président en place. Mais, à un certain moment, le ‘‘populisme irresponsable’’ du Tea Party peut devenir plus un fardeau pour les républicains qu’un instrument. A ce moment là, les républicains pourraient très bien se retrouver à nouveau discrédités par leurs politiques néolibérales et le Tea Party pourrait très bien disparaître aussi vite qu’il est apparu une fois confronté à ses incohérences programmatiques. Au final, ces élections ont principalement constitué une illustration de la crise politique que traversent les États- Unis. D’ailleurs, les chiffres suivants appuient ce constat : seuls 10% des jeunes entre 18 et 29 ans en âge d’aller voter se sont rendus aux urnes et, plus globalement, seuls 41% des électeurs sont allés voter.

    Une réponse des travailleurs est nécessaire.

    A la suite de sa défaite, Obama a réagi en annonçant qu’il irait à présent encore plus loin dans les compromis avec les républicains, notamment en ce qui concerne les coupes asociales dans les budgets, les privatisations et les accords de libre-échange. Un certain dépit dans la gauche est probable à la suite de ces élections mais, dans un second temps, la colère générée par les politiques de droite menée par une ‘‘cohabitation’’ au pouvoir entre les deux partis du capitalisme américain conduira inévitablement à résister, à s’organiser et à contre-attaquer.

    La gauche fait face dans cette période de crise à un défi historique qui comporte également de nombreuses opportunités. Un mouvement de masse enraciné parmi les jeunes et les travailleurs est nécessaire pour résister à la droite et proposer une véritable alternative politique de gauche aux deux partis du ‘‘big business’’ et à la crise de leur système capitaliste.

    Par le passé, les acquis sociaux ne sont jamais arrivés grâce à la bonne conscience des démocrates ou par du lobbying politique envers eux. Ces acquis ont toujours été arrachés par la lutte des travailleurs et des pauvres, et il est grand temps de remettre ce mot d’ordre à l’ordre du jour. Il est nécessaire de canaliser la colère pour construire un parti politique et un programme socialiste défendant les intérêts des travailleurs. Un tel parti des travailleurs est indispensable pour ne plus laisser la place à la droite folle.

  • 10e Congrès Mondial du Comité pour une Internationale Ouvrière

    Relations mondiales : ‘‘Tout est changé, complètement changé’’

    Rapport de la discussion sur les relations mondiales au 10ème Congrès mondal du CIO

    Le 10e Congrès Mondial du Comité pour une International Ouvrière (CIO) a commencé la semaine dernière en Belgique. Ont participé à cet événement entre autres des délégués et des visiteurs en provenance d’Afrique du Sud, d’Allemagne, d’Angleterre et du pays de Galles, d’Argentine, d’Australie, d’Autriche, de Belgique, du Chili, de Chypre, d’Écosse, d’Espagne, des États-Unis, de France, de Grèce, de Hong Kong, d’Inde, d’Irlande, d’Israël, d’Italie, du Kazakhstan, de Malaisie, des Pays-Bas, du Nigéria, de Pologne, du Portugal, du Québec, de Russie, du Sri Lanka, de Suède, de Taïwan, de Tchéquie, et du Venezuela. Malheureusement, les délégués de Bolivie et du Pakistan n’ont pas pu venir, à cause du refus de leur visa.

    Sarah Sachs-Eldridge, délégation du Socialist Party (CIO – Angleterre et pays de Galles)

    Ce Congrès a duré une semaine et a discuté des principaux enjeux auxquels est confrontée la classe ouvrière internationalement dans cette période d’attaques d’austérité sauvages ainsi que des tâches du CIO.

    Les principales discussions lors du Congrès ont porté sur les relations mondiales, sur l’économie mondiale, sur l’Europe, l’Asie, l’Amérique latine, l’Afrique, et sur la construction du CIO.

    Le CIO est une organisation internationale socialiste et démocratique. Au cours du Congrès, les documents et les résolutions ont été discutés, amendés, puis soumis au vote. Un nouveau Comité Exécutif International a également été élu.

    Nous publierons les versions finales des principaux textes du Congrès. Notre site international (www.socialistworld.net) a déjà publié le projet initial de document de Congrès concernant les relations mondiales. Une version mise à jour de ce document sera publiée par la suite, avec les documents concernant l’Europe, le Moyen-Orient, l’Asie, la Russie et l’Europe de l’Est, de même qu’un document sur la situation en Afrique.

    Ci-dessous, nous publions un rapport de la première discussion du Congrès, celle sur les relations mondiales, rédigé par Sarah Sachs-Eldridge, de la délégation d’Angleterre et Pays de Galles (Socialist Party). D’autres rapports des principales discussions qui ont eu lieu tout au long du 10e Congrès suivront au cours des prochains jours.


    Des millions de personnes ont participé aux manifestations et aux grèves en France. Il y a eu des grèves générales en Grèce, au Portugal – la plus grande depuis la révolution de 1974 -, en Espagne et en Inde où une grève générale a impliqué 100 millions de travailleurs. Un immense mouvement partiellement victorieux s’est développé en Afrique du Sud et de nombreuses autres expressions de colère ont éclaté face à la crise la plus dévastatrice depuis les années ’30.

    Dans son introduction à la discussion, Peter Taaffe du Secrétariat international (SI) du CIO a cité William Butler Yeats, un célèbre poète nationaliste irlandais, qui avait dit : ‘‘Tout est changé, complètement changé’’ à propos des évènements d’Irlande. Pour décrire les événements de ces derniers mois, cette phrase reste d’actualité. Les contributions au débat portant sur les pays d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine, d’Amérique du Nord, du Moyen-Orient, d’Europe et d’Europe de l’Est ont bien démontré que pas un pays au monde n’a été épargné par la crise économique mondiale.

    Une crise prolongée

    Les gouvernements de plusieurs pays et régions peuvent bien clamer haut et fort que leurs économies sont à l’abri de tout danger et sur la voie de la reprise, il existe un potentiel pour une nouvelle chute de l’économie mondiale, ou en tous cas pour une stagnation prolongée avec une croissance faible. En fait, il n’y a aucun “remède” clair à appliquer pour la bourgeoisie, et des divisions existent entre et à l’intérieur des différentes classes dirigeantes quant à savoir quelles mesures devraient être prises.

    En cette époque de changements rapides, les gouvernements peuvent être enclins à des revirements soudains. La situation est lourde de troubles sociaux et politiques d’une ampleur tragique.

    Les relations mondiales sont dans un état d’instabilité croissante. Nous ne vivons plus dans un monde “unipolaire” où le pouvoir ultime des États-Unis, en tant que plus grande économie au monde, est accepté. Ceci peut mener à une hausse des frictions et des conflits.

    L’impression prédominante est que nous sommes dans une période de flux. Des luttes de la classe ouvrière ont lieu ou sont à l’ordre du jour dans chaque région du monde. Les socialistes doivent être prêts à ajuster leur tactique et leurs méthodes organisationnelles au fur et à mesure que la lutte de classe se développe et que les conditions objectives changent. De nouveaux mots d’ordre et revendications seront lancés lorsque cela sera requis.

    Des changements soudains

    Dans son introduction, Peter Taaffe a décrit comment, au cours d’un intervalle relativement court, l’économie irlandaise a été noyée, passant d’une des économies les plus prospères au monde à, non pas la récession, mais la dépression. Dans un sondage effectué il y a six ans auprès de 100 pays, on avait révélé que le peuple irlandais était le plus heureux au monde, sur base de la hausse des salaires et d’une phase de croissance apparemment sans fin. Mais ce 27 novembre, 100.000 manifestants sont descendus à Dublin malgré le froid polaire pour y exprimer leur rage, leur dégout et leur amertume face à la situation complètement différente, dans laquelle la majorité de la population est maintenant confrontée à des coupes sévères dans leur niveau de vie.

    La classe ouvrière irlandaise a montré qu’elle était capable de trouver par elle-même le chemin de la lutte, même lorsque les dirigeants syndicaux ont abandonné de la manière la plus poltronne qu’il soit leur responsabilité qui était de mener celle-ci. La survie du gouvernement, élu il y a moins de deux ans, ne tient plus qu’à un fil.

    La présence en Irlande du CIO et de Joe Higgins, l’eurodéputé socialiste de Dublin, signifie qu’il existe une voix qui est présente afin d’articuler l’opposition à la politique pro-marché, et qu’il existe le potentiel pour défier cette politique lors des élections générales de 2011, autour de l’Alliance de la Gauche Unie (United Left Alliance) récemment établie.

    L’ampleur de la crise économique mondiale, qui a commencé avec la crise des subprimes aux États-Unis en 2007, s’est largement fait ressentie lors de la crise bancaire de 2008. Le CIO a averti du fait que les patrons, dont la rapacité et le système du “tout pour le profit” sont responsables de la crise, ne seraient pas capables de trouver une issue facile pour sortir de cette crise, et qu’ils chercheraient à en faire payer le cout par les travailleurs.

    Cette crise a été si grave que, au départ, il n’était pas évident de voir comment une dépression de l’ampleur de celle des années ′30 pouvait être évitée. Toutefois, de nombreux gouvernements, après avoir jeté un œil par-dessus le gouffre et ayant aperçu le danger de la répétition d’une dépression qui durerait une décennie entière, ont pris peur et ont mis en place de grands plans d’urgence de relance de l’économie afin d’amortir les pires effets de la crise.

    Les travailleurs payent la facture

    De nombreuses contributions ont illustré à quel point les dirigeants ne sont pas parvenus à protéger les travailleurs et les pauvres. Par exemple, depuis le début de la crise, les plans de relance aux États-Unis ont empêché un million de pertes d’emplois, mais huit millions d’autres emplois ont été perdus depuis 2007. Dans les pays de l’OCDE, c’est 17 millions de travailleurs qui ont été virés des usines. On ne tient pas compte ici des travailleurs qui subissent le travail temporaire et/ou précaire, ce qu’on a commencé à appeler aux États-Unis des “jobs de survie”.

    À la grand’ messe du G20 à Toronto, il y a eu un accord général pour cesser l’intervention politique et financière et les plans de relance, et pour passer à des plans d’austérité, destinés à satisfaire les marchés. Il n’y a pas une confiance totale dans cette politique, qui a eu pour conséquence des coupes énormes dans de nombreux pays, suscitant déjà la colère et l’action de la classe ouvrière.

    Mais la colère, la frustration et l’opposition n’ont pas encore trouvé une expression dans la formation de nouveaux partis de masse de la classe ouvrière. Ce facteur représente un grand obstacle dans la lutte. Comme le document sur les relations mondiales l’a fait remarquer : ‘‘S’il existait des partis de masse de la classe ouvrière – même à l’image des partis ouvrier-bourgeois du passé – alors, en toute probabilité, les idées réformistes de gauche, centristes et révolutionnaires seraient en ce moment en train d’être largement discutées dans la société, et en particulier dans les rangs du mouvement ouvrier organisé.’’

    La Chine

    Un aspect important de la discussion a été le rôle de l’énorme plan de relance en Chine. Celui-ci a été combiné à une expansion massive du crédit, principalement de la part des banques d’État. L’investissement dans la construction de routes, de bâtiments et d’autres projets d’infrastructure a été une tentative de focaliser les mesures d’incitation sur la hausse de la demande intérieure.

    Un impact très important de ce plan a été de donner aux travailleurs la confiance de lutter. L’année 2010 a vu une nouvelle vague de grèves balayer la Chine, d’une nature en grande partie offensive, dans le but d’obtenir de meilleurs salaires. Les travailleurs ont vu l’économie s’accroitre, et en ont réclamé leur part. La croissance de ce mouvement et son développement va être crucial dans le développement de la lutte des travailleurs partout dans le monde.

    Dans sa réponse lors de la discussion, Robert, du Secrétariat International du CIO, a souligné les questions importantes qui sont posées : quel est l’attitude de ces travailleurs par rapport à la lutte pour les droits démocratiques, et syndicaux, par rapport aux syndicats officiels, à l’État et au gouvernement ?

    Toutefois, la discussion a bien clarifié le fait que les conséquences du plan de relance en Chine se sont fait ressentir dans de nombreux domaines. La croissance économique dans toute une série de pays, tel qu’en Allemagne, est liée au plan de relance chinois.

    Anthony, d’Australie, a expliqué le fait qu’une des raisons pour lesquelles l’économie australienne est jusqu’à présent parvenue à éviter les pires effets de la crise qui a touché les autres pays est la force du secteur minier et l’exportation massive de matières premières vers la Chine. Tout ralentissement de la croissance de l’économie chinoise aurait des répercussions désastreuses.

    Après être sortis de 30 ans de guerre civile, la classe ouvrière et les pauvres du Sri Lanka sont confrontés aux conditions les plus difficiles. Siritunga, du Sri Lanka, qui a passé la moitié de sa vie dans cette guerre, a décrit comment les “retombées de la paix” tant promises ne se sont absolument pas concrétisées. Au lieu de cela, le budget de 2010 a vu une hausse des dépenses militaires, qui constituent maintenant près du quart des dépenses de l’État, ce qui illustre la montée de la répression employée par le régime Rajapakse.

    Les puissances régionales, telles que l’Inde et la Chine qui ont soutenu l’effort de guerre, continuent à intervenir au Sri Lanka dans leur propres intérêts économiques et stratégiques, sans que cela ne profite le moins du monde aux populations laborieuses de la région.

    Toute une série de personnes ont pris la parole au sujet de la lutte d’influence entre les États-Unis et la Chine, en particulier dans certaines régions comme l’Asie-Pacifique.

    Derrière les statistiques qui montrent une croissance économique, la Chine est en train d’exporter son modèle de production basé sur la surexploitation de la main d’œuvre, avec des bas salaires et sans aucun droit syndical ou autre pour le personnel.

    André du Brésil et Patricio du Chili ont tous les deux expliqué comment l’exportation de matières premières vers la Chine a eu un effet d’amortir la crise économique mondiale dans toute une série de pays d’Amérique latine. Au Brésil, un processus de “reprimairisation” de l’économie est en cours (un développement du rôle de la place de l’extraction de matières premières), avec une désindustrialisation de plus en plus grande. Si cette tendance venait à se confirmer, elle sera accompagnée d’attaques sur les droits des travailleurs, d’une dégradation de l’environnement, et de traitements horribles pour les peuples indigènes.

    Des mouvements de masse

    Lors des précédents Congrès du CIO, au début des années ′2000, c’était le processus révolutionnaire en cours en Amérique latine qui se trouvait à l’avant-plan de la lutte. Tandis que ce processus s’est pour le moment temporairement ralenti, c’est la classe ouvrière européenne qui est aujourd’hui entrée en action.

    Là, même en l’absence de leurs propres partis de masse ou même semi-de masse, les travailleurs ont entrepris une action extrêmement audacieuse, et développent d’instinct leurs propres revendications. Andros de Grèce a expliqué comment l’expérience du mouvement de masse en Grèce a mené à ce qu’aujourd’hui, un Grec sur deux est en faveur de la nationalisation des banques, et un sur trois est pour le non-payement de la dette de l’État, pour laquelle on demande à la classe ouvrière de payer la facture. De telles idées ont été capables de se développer même sans que la plupart des partis d’une certaine taille ne les aient mises en avant, à l’exception de la section grecque du CIO, Xekinima.

    Rob de Russie a décrit le massacre affligeant des services publics, des salaires et des pensions qui s’est produit à travers toute l’Europe de l’Est. Dans toute une série de pays, les mouvements de protestation ont été énormes, avec par exemple le mouvement de masse dans les rues de la Lettonie qui a fait tomber le gouvernement. Mais en l’absence de tout parti ouvrier capable de prendre le pouvoir, c’est tout simplement une autre version de l’ancien gouvernement qui a été mise en place.

    La présence du CIO au Kazakhstan signifie qu’il existe le potentiel pour construire un nouveau parti des travailleurs de masse. La campagne ‘Kazakhstan 2012’, dans laquelle sont actifs les membres du CIO, a lancé plusieurs campagnes visant à défendre la population contre les expulsions de domicile, et à construire des syndicats indépendants. Elle se déclare en faveur de la ‘‘renationalisation de tout ce qui a été privatisé, sous le contrôle des travailleurs.’’ 2012 sera la date des prochaines élections présidentielles, où l’on espère que le régime répressif au pouvoir en ce moment sera remplacé. Un nouveau centre syndical y a aussi été récemment fondé.

    Le Moyen-Orient

    Les dernières fuites organisées par Wikileaks ont brutalement mis au grand jour les frictions qui existent entre les différents régimes du Moyen-Orient, comme le CIO l’avait fait remarquer auparavant.

    Yasha d’Israël a expliqué que les derniers documents suggèrent le fait que le régime israélien est sérieusement en train de se préparer à une attaque contre l’Iran, même si ce scénario est improbable. Robert a décrit comment l’intervention américaine en Irak a mené au renforcement du rôle régional de l’Iran. Mais le régime iranien n’est pas stable, comme l’a bien montré le mouvement de 2009.

    La classe ouvrière égyptienne a trouvé sa force dans le nombre de luttes qui se sont déroulées au cours des dernières années. Le taux de participation de 15% à peine lors des dernières élections montre à quel point aucun des partis politiques ne parvient à susciter le moindre enthousiasme parmi les travailleurs et les jeunes. Mais comme l’a fait remarquer Igor de Russie, une fois qu’un mouvement va commencer à se développer contre le régime détesté de Moubarak, la classe ouvrière pourrait jouer un rôle très important.

    Avec la “contagion” de la crise économique qui s’étend à partir de la Grèce jusqu’en Irlande, et maintenant potentiellement à l’Espagne, au Portugal, à la Belgique et au Royaume-Uni, c’est la question de la survie même de l’euro qui est posée.

    Illustrant les tours de passe-passe financiers qui ont conduit à la crise économique, Robin d’Angleterre a décrit comment la valeur notionnelle de tous les “dérivatifs” est équivalente à onze fois la valeur de production annuelle mondiale ! Il a expliqué que la crise économique mondiale en cours en ce moment n’est pas juste une crise cyclique faisant partie du cycle normal de croissance et décroissance du système capitaliste, mais que c’est une crise basée sur l’absence de demande. Les plans d’austérité massifs ont réduit le pouvoir d’achat des travailleurs.

    Aron d’Allemagne a fait une contribution au sujet de la tendance vers des mesures protectionnistes, dans la lutte pour une plus grande part du marché mondial. C’est là la trame de fond derrière la “guerre des devises” qui se déroule en ce moment. Les États-Unis ont lancé un autre tour massif de “facilitation quantitative” (c’est à dire, la création d’argent à partir de rien) et tentent d’inonder le monde de dollars afin d’améliorer leurs opportunités d’exportation. Paraphrasant un politicien américain, Aron a résumé ainsi l’attitude de l’administration américaine : ‘‘C’est notre monnaie, mais c’est votre problème’’.

    Cependant, les États-Unis ne peuvent pas simplement claquer des doigts et s’attendre à ce que le reste du monde accoure se mettre en rang. Peter a expliqué que l’État chinois est loin de se porter volontaire pour prendre les coups, et a exprimé la menace comme quoi si la Chine devait réévaluer sa monnaie, le monde assisterait à la fermeture de 40 millions d’usines chinoises, ce qui pourrait entrainer un mouvement de masse de la classe ouvrière chinoise, une perspective qui suscite des sueurs froides chez les gouvernements de tous les pays.

    Les conflits

    Mais la guerre des monnaies n’est pas le seul conflit qui menace le monde. La friction entre les Corées du Nord et du Sud pourrait se développer. L’Irak est une plaie béante et Judy d’Angleterre a montré que la guerre d’Afghanistan, qui est maintenant perçu comme la guerre d’Obama, est impossible à remporter pour l’impérialisme.

    Ceci sape le soutien en faveur d’Obama mais, comme Philip des États-Unis l’a dit, ce n’est pas le seul facteur de mécontentement : il y a aussi la colère croissante de la classe ouvrière et de la classe moyenne face au chômage, aux expulsions de domicile, et à d’autres effets de la crise sur leur vie de tous les jours.

    Sur base de cette expérience, c’est un sentiment anti-establishment qui a dominé les élections de novembre aux États-Unis. Le Tea Party, qui cherche à se faire passer comme l’alternative au statut quo tout en étant en réalité lié à des personnes telles que les dirigeants de la chaine Fox News, chaine droitière et pro-capitaliste, pourrait bien tirer profit de ce sentiment et de l’absence d’une alternative ouvrière de gauche. Toutefois, un sondage a révélé la nécessité urgente et le potentiel pour un tel parti, puisque plus de la moitié des personnes qui y ont répondu déclaraient avoir une mauvaise image du Parti démocrate tout comme du Parti républicain. En fait, le Tea Party a lui-même provoqué deux contre-manifestations à Washington.

    La riposte de la jeunesse

    Ty, des États-Unis, a décrit les batailles héroïques qui se sont déroulées dans le secteur de l’éducation. Des étudiants, des enseignants et des parents se sont organisés contre les coupes budgétaires et contre les attaques brutales contenues dans le programme scolaire Charter.

    Même alors qu’ils sont en train de mettre en place des plans de relance pour les grandes boites, les gouvernements vont tenter de forcer leur agenda néolibéral qui consiste à reprendre l’ensemble des précédents acquis de la classe ouvrière, tels que l’éducation, la santé et les pensions.

    Mais l’action estudiantine aux États-Unis n’est qu’un exemple parmi une nouvelle vague de mouvements de la jeunesse qui est en train de se développer. Vincent de Hong Kong a raconté comment 2.000 étudiants chinois ont démoli la cafétéria privatisée de leur campus lors d’une bataille autour de l’augmentation du prix des bouteilles d’eau. Au Royaume-Uni, les étudiants et les lycéens sont en marche en ce moment-même. En Grèce, en Malaisie, en Italie et en Irlande, les étudiants se battent pour leur avenir.

    Au Nigéria, où l’âge moyen est de 19 ans, la lutte pour l’avenir fait partie de la vie de tous les jours. Segun du Nigéria a dépeint l’horreur de la vie des travailleurs sous le capitalisme dans le monde néocolonial. Toutes les promesses rompues en terme de route, d’écoles, etc. a mené certains vieux travailleurs à commencer à penser que la vie était peut-être meilleure du temps de la colonie. Il a décrit à quel point la privatisation et la soif de profit peuvent devenir extrêmes, avec l’exemple d’une route privatisée de 6 km mais qui compte trois péages !

    Cependant, la classe ouvrière a montré sa force potentielle dans les huit fantastiques grèves générales de la dernière décennie. Le défi est maintenant de mobiliser ce potentiel dans une lutte pour changer la société.

    La crise environnementale

    La crise du changement climatique et la destruction de l’environnement ne sont qu’une des nombreuses preuves qui toutes démontrent à quel point l’idée du capitalisme en tant que système progressiste a été discréditée. Bart de Belgique a proposé des mots d’ordre qui puissent trancher à travers le scepticisme qui peut se développer face à des mesures soi-disant “vertes” telles que les taxes environnementales. Les socialistes doivent lier ce problème à celui de la crise générale, en remettant en question le droit à la propriété privée de la recherche scientifique, et avec des revendications telles que des emplois écologiques et la reconversion des usines.

    La discussion a bien confirmé que le sentiment et la compréhension de la classe ouvrière, de la jeunesse et de certaines couches de la classe moyenne est en train de changer et d’évoluer à travers l’expérience de la crise économique, politique et sociale, et surtout l’expérience des luttes émergentes.

    Le sentiment parmi les travailleurs et la jeunesse

    Les sentiments anti-banquiers, anti-establishment et anti-politiciens sont très vivaces. Sascha d’Allemagne a expliqué qu’il y a un potentiel pour un développement très rapide de ce sentiment, et que parmi certaines couches, il a acquis un caractère anticapitaliste plus prononcé. Au fur et à mesure que s’accentue l’expérience de la pire crise depuis les années ′30 et que pleuvent les coupes budgétaires qui s’abattent sur la classe ouvrière, il va y avoir une mise en question de plus en plus grande de la manière dont ces coupes peuvent être combattues et de quelle est l’alternative.

    Mais cela ne veut pas dire que les attaques violentes sur le niveau de vie vont automatiquement conduire à une plus grande volonté de se battre et une plus grande ouverture aux idées socialistes. Il peut y avoir un effet d’hébétement sous le choc de la crise, comme on l’a vu en Grèce au début de la crise. La question de la direction de la classe ouvrière va également jouer un rôle dans l’évolution d’une conscience combative et socialiste.

    Ce qui est propre à cette situation, c’est le potentiel qu’a la classe ouvrière d’infliger des défaites aux gouvernements, divisés et hésitants. Des revirements soudains de tactique de la part de la bourgeoisie peuvent se produire. Tout en essayant de forcer la mise en œuvre de leur agenda néolibéral, ils peuvent passer en un tour de main de la hache de l’austérité à la planche à billets virtuelle afin de se lancer dans de nouveaux plans de relance. Lynn a souligné le fait que toute une série d’économistes qui naguère prêchaient le monétarisme sont maintenant en train d’appeler à de nouvelles mesures de relance.

    Kevin d’Irlande a décrit la situation du sud de l’Irlande comme étant “en gestation d’une révolte”, et la discussion a amené à la conclusion que, en ce qui concerne l’Irlande comme en ce qui concerne les relations mondiales, nous sommes véritablement entrés dans une période différente.

  • Wilders aux Pays-Bas, Tea Party aux USA : Comment expliquer le succès de la droite folle ?

    Pour parvenir à une majorité, le nouveau gouvernement des Pays-Bas, minoritaire, a du faire appel au soutien extérieur du populiste de droite Geert Wilders. Cela lui offre une certaine légitimité sans qu’il ne se brûle complètement au pouvoir. On retrouve un discours populiste similaire au Tea Party aux USA: un mélange de racisme, d’aversion envers les musulmans et de rhétorique prétendant défendre l’homme de la rue.

    Article tiré de l’édition de novembre de Lutte Socialiste

    LA POLITIQUE DE TOLÉRANCE AUX PAYS-BAS

    Le soutien du PVV (parti pour la liberté) de Wilders a été nécessaire pour constituer un gouvernement qui allie libéraux (VVD) et chrétiens-démocrates (CDA). Même si le soutien du PVV est un soutien de tolérance, de l’extérieur du gouvernement, le cabinet Rutte (du nom du premier ministre, VVD) est parfois appelé le‘‘cabinet Wilders’’. Ce gouvernement a l’intention d’opérer des coupes budgétaires à hauteur de 18 milliards d’euros, ce qui signifie une hémorragie dans les budgets des services publics, de l’enseignement, des soins de santé,… Uniquement dans la sécurité sociale, 4 milliards d’euros doivent disparaître. Le PVV essaie d’affirmer sa ‘‘rhétorique sociale’’ en adoucissant les côtés les plus durs des assainissements, les attaques contre les allocations de chômage et la législation sur les licenciements ont ainsi été quelque peu affaiblies. Le PVV veut éviter toute confrontation dure et à grande échelle avec les travailleurs.

    L’accord gouvernemental offre aussi un espace à la propagande raciste de Wilders, dans laquelle marchent le VVD et le CDA. Cette propagande raciste est en même temps utile pour détourner l’attention de la politique d’austérité. Aux Pays-Bas aussi, le plus grand atout de la droite est la faiblesse de la gauche et du mouvement ouvrier. Le programme de la droite n’est pas vraiment novateur, ce n’est qu’une compilation de mesures d’austérité (du néolibéralisme réchauffé) et d’incitations à la division (du racisme) pour éviter d’avoir à faire à une résistance unifiée.

    C’est loin d’être neuf mais, faute de riposte à gauche, c’est une rhétorique dominante. Voilà ce qui a transformé les dernières élections en une course vers les assainissements les plus durs. La droite est capable de gagner cette course sans efforts tandis que la ‘‘droite folle’’ se construit sur base de l’aversion grandissante envers les politiciens traditionnels.

    LE TEA PARTY AMÉRICAIN

    Tout comme Geert Wilders, le Tea Party américain peut compter sur une grande ouverture médiatique. La chaîne Fox joue avec enthousiasme le jeu du Tea Party. Sarah Palin & Co défendent une vision républicaine et conservatrice de la société, avec une couche de racisme et d’aversion envers les politiciens traditionnels. Le Tea Party est un abîme de contradictions. Si leur soutien augmente, c’est loin d’être le cas des mesures asociales que ces conservateurs défendent.

    Il ne faut pas considérer le soutien grandissant pour le Tea Party comme l’expression d’une droitisation de la population. Une polarisation est à l’oeuvre, et les idées socialistes ont un soutien de plus en plus large (un sondage Gallup a démontré que 30% des américains étaient positifs envers l’idée de ‘socialisme’ et même 43% des jeunes).

    Le Tea Party parvient à capitaliser la rage ressentie contre l’establishment, notamment après le sauvetage des banques. Cette récupération se produit avec le soutien d’une partie de l’establishment, comme dans le monde médiatique où on accorde une attention extrême au sujet.

    La politique pro-capitaliste des Démocrates est tout aussi responsable de la crise que celle des Républicains. Eux-mêmes partisans d’une politique de droite, les Démocrates ne représentent pas une alternative contre le message de la droite folle du Tea Party.

    RIPOSTE DE GAUCHE CONTRE LA DROITE FOLLE

    Certaines parties de l’establishment jouent sur l’autorité minée des partis traditionnels en accordant un soutien à des forces de droite populistes, moins stables et plus incertaines. Cela constitue en quelque sorte une soupape de pression pour laisser échapper la vapeur de la colère des électeurs sans menacer fondamentalement la politique au service du capital.

    Une majorité croissante des travailleurs et des jeunes en a plus que marre du chômage massif, des bas salaires et de l’avenir incertain. Si une direction était donnée à cette rage, il serait possible de construire une nouvelle force politique apte à détruire les chimères de la droite. Mais cette riposte ne proviendra pas des forces soi-disant de gauche qui suivent la logique néolibérale. Le mouvement ouvrier doit se remettre au devant de la scène politique, ce qui n’est possible qu’avec un ferme programme de gauche et un soutien large et actif.

  • Ecole d’été 2010 – Crise économique: aucune solution sur base capitaliste

    Aujourd’hui, nous ne parlons pas seulement d’une crise économique, notre environnement est également en jeu. Et si nous analysons les développements actuels, c’est pour nous préparer pour le futur, pour nous préparer à intervenir. Il est vrai qu’il est difficile de déterminer exactement la façon dont les choses peuvent se dérouler, mais il est très clair qu’un certain nombre de pays font face à l’imminence d’une explosion sociale. La crise a déjà entraîné une diminution du niveau de vie de millions de personnes et des dizaines de millions connaissent l’insécurité, la peur du lendemain.

    Vers une plus grande instabilité

    La crise économique mondiale est parfaitement illustrée par la crise que traverse l’Europe. Newsweek et Times (deux magasines américains) ont consacré tous les deux et au même moment leur première page à l’Europe. Il y était notamment dit que le grand secret de l’Europe était que son secteur bancaire était plus touché que Wall Street et que les banques européennes sont tout aussi voraces que les américaines quand il s’agit de jouer avec des actifs toxiques.

    Les commentateurs bourgeois ne peuvent plus maintenant se permettre de parler d’un éventuel progrès, ils ne parlent que d’assainissements. La perte de confiance des classes dirigeantes et de leurs partisans, un peu partout dans le monde, est un élément important qui dans un certain sens exprime le cul-de-sac dans lequel se trouve le capitalisme. Toutefois, nous savons que le système capitaliste ne disparaitra pas de lui même, cela ne pourra arriver que par l’intervention consciente de la classe des travailleurs. Mais la division au sein même des élites dirigeantes est un élément important. Les tensions augmentent (comme les tensions commerciales entre différents pays ou encore les tensions entre différents niveaux de pouvoir). Au niveau international, de façon générale, nous allons vers une période caractérisée par de plus en plus d’instabilité.

    En 1938, Trotsky a publié le ‘‘Programme de transition, L’agonie du capitalisme et les tâches de la IVe Internationale’’ dans lequel il disait notamment que la bourgeoisie ferait tout pour éviter la déroute. C’est encore tout à fait vrai aujourd’hui, et on peut d’ailleurs le voir à la façon dont la bourgeoisie se défend.

    Le pouvoir le plus puissant que le monde ait jamais connu – l’impérialisme américain – est embourbé depuis 10 ans en Afghanistan. Ce que l’impérialisme américain espère, c’est de gagner assez de traitres à ses côtés pour pouvoir aboutir à une situation de ‘calme’ comme en Irak mais, même là, il n’est pas question de victoire. Tout comme Tacite le disait de l’empire romain, c’est une paix de désolations (‘‘ils firent un désert et le nommèrent paix’’). En Irak, la guerre civile a été temporairement gagnée par les chiites. Le pays est divisé sur base communautaire, mais ces délimitations peuvent voler en éclat à tout moment. Au lieu d’un Saddam Hussein, on peut en voir émerger une dizaine.

    Quant à la catastrophe de BP, où l’actionnariat est majoritairement américain, elle constitue une parfaite illustration de l’incapacité du capitalisme à gérer l’environnement. La détérioration de la planète est inévitable dans le système capitaliste. Les problèmes ne vont faire qu’empirer, y compris en termes de guerre. Si ce système continue ses méfaits, nous connaîtrons d’autres guerres pour les ressources, comme la guerre pour le pétrole au Moyen-Orient. Déjà aujourd’hui, il y a de plus en plus de conflits autour de l’approvisionnement en eau potable. On estime actuellement à 50 millions le nombre de réfugiés sur la question de l’eau, et ils seraient issus de 27 pays. Dans ce cadre, le sommet de l’ONU au sujet des changements climatiques de Copenhague a été un échec total.

    D’une politique de stimulants à une politique d’austérité

    L’incapacité du capitalisme à faire la moindre mesure progressive peut se voir concernant la crise économique. Dans un premier temps, on a tenté de se limiter à des plans de relance mais, puisque ces programmes de sauvetage n’ont plus d’effet, dans un deuxième temps, on passe maintenant à des plans d’austérité, à des attaques contre les travailleurs. Lors du dernier G20 à Toronto, les partisans des plans de relance étaient minoritaires, l’optique générale est maintenant de passer à des plans d’austérité très durs. Après ce sommet, seul Obama était en faveur de plans de relance. S’il n’avait pas adopté cette position, il aurait eu des problèmes et se serait retrouvé en minorité, y compris au sein de son parti. Mais le fait même qu’il ait été mis en minorité à Toronto illustre que l’impérialisme américain a perdu sa capacité d’imposer sa volonté.

    A certains moments les assainissements sont très brutaux, comme en Roumanie, à d’autre c’est plus léger. Le gouvernement britannique veut par exemple réduire le déficit budgétaire de 40 à 50% dans les 5 prochaines années. Les conséquences de ce genre de politique ont été illustrées, en Irlande notamment. Il y a quelques semaines, des milliers de personnes y ont manifesté: des parents d’handicapés mentaux qui s’occupent de leur enfant déficient à la maison. Ils avaient une institution où ils pouvaient déposer leur enfant une ou deux nuits pour souffler un peu, et une des premières conséquences des coupes budgétaires était, entre autres, la suppression de cette institution. Angela Merkel a déclaré que l’Allemagne devait donner l’exemple pour le reste de l’Union Européenne avec son plan d’austérité. Ces assainissements vont très certainement empirer la situation dans les autres pays, et pas seulement en Allemagne.

    Essai après essai, les entreprises veulent augmenter leur profitabilité, avec l’aide des gouvernements. Dans les environs de Venise, une commune a été jusqu’à interdire de faire des châteaux de sable. La raison est toute simple: les amendes rapportent de l’argent. Cela indique à quel point de désespoir se retrouvent parfois confrontées les autorités. Ce n’est certes pas un élément de ce type qui va déclencher une révolution, mais il suffit parfois d’une étincelle, aussi absurde soit-elle. Le doute qui subsiste dans l’esprit de la bourgeoisie est de savoir jusqu’où elle sera capable d’attaquer les travailleurs sous l’argument "Vous êtes obligés d’accepter les coupes, sinon c’est la Grèce qui vous attend". Cette menace est même utilisée aux Etats-Unis.

    La Grèce est le maillon faible du capitalisme européen. La situation qui s’y développe est un test pour la bourgeoisie et pour la classe ouvrière, mais aussi pour le CIO: comment une de ses sections peut-elle réagir et adapter son intervention dans une telle situation. La grève du 5 mai était la plus grande depuis 25 ans, de même que la taille des manifestations. L’attaque du Parlement avait été le fait de travailleurs du service public. Il y a aussi eu des mouvements de masse dans les secteurs de l’enseignement, des hôpitaux,… En fait, tous les secteurs les plus importants, du privé ou du public, ce sont mis en action durant cette période. A Athènes, il y a eu des mobilisations contre le gouvernement chaque semaine. Nous sommes dans une phase où les commentateurs ont peur que l’expérience grecque rate son coup à cause d’une trop grande mobilisation. Les jeunes, les travailleurs et les commentateurs font le parallèle avec l’Argentine du début de ce siècle. Mais le gouvernement tient bon, parce que les directions syndicales n’ont aucune idée de la manière de réagir, aucune réelle stratégie ni alternative.

    Nos slogans sont "abolition de la dette – nationalisation du secteur financier", tout en appelant à des actions communes pour rassembler les grévistes. La lutte est actuellement en pause, mais le sentiment général est que les luttes recommenceront en septembre. Nous devons aussi renforcer la revendication de nationalisation sous le contrôle démocratique de la population du secteur financier. C’est une revendication qui avait suscité un grand enthousiasme quand Joe Higgins en avait parlé lors d’un grand meeting de la formation large de gauche grecque Syriza. Nous sommes les seuls à accorder autant d’attention à cela. Une banque publique ou des mesures visant à rester dans le cadre de la compétition entre banques sont des mesures insuffisantes.

    De sombres perspectives économiques

    Tous ces budgets d’austérité seront incapables de solutionner quoi que ce soit. Les capitalistes se réfèrent à la Suède ou au Canada au début des années ‘90, et ils caricaturent ce qui y a été réalisé. A l’époque, le capitalisme était en croissance, différence fondamentale avec aujourd’hui. Les éléments actuels de rémission du capitalisme sont avant tout circonstanciels et non structurels, on ne parle pas de croissance des moyens de productions.

    De toute façon, avant même de discuter de cette soi-disant reprise économique, de sa nature et de sa durée, il faut bien se rendre compte que, pour l’écrasante majorité des travailleurs et des jeunes, la reprise économique n’a pas ouvert de meilleures perspectives d’avenir. Cela est tout au plus considéré comme un évènement temporaire. Même dans les pays où la reprise a été plus importante, quand on regarde les chiffres, on se rend compte qu’il s’agit pour beaucoup d’un écran de fumée. Ainsi, dans les médias, on s’est moqué de la reprise économique allemande comme d’un conte de fée. Cette année sera certes un record en termes d’exportations des automobiles allemandes, mais les ventes au sein même du pays vont reculer de 30% pour cette année. La fragilité de la reprise est notamment illustrée par l’utilisation de la capacité de production de l’économie allemande, qui se situe sous les 80% alors que la moyenne était précédemment de 84%. De plus, aucune certitude n’existe quant à la durée de cette reprise économique. Nous devons regarder tous ces chiffres avec beaucoup de prudence. Par exemple, selon les chiffres, le pays qui a connu la plus forte progression de sa production industrielle est Singapour (+64% en une année), mais ce n’est que le reflet de l’ampleur de la chute connue l’année d’avant! Aucun commentateur bourgeois n’a en fait de réelle confiance dans le système. Le dernier rapport du FMI a d’ailleurs revu à la baisse ses prévisions économiques.

    Le mieux auquel s’attendre, c’est une stagnation avec un chômage de masse. Mais nous nous dirigeons vers une nouvelle récession, et très probablement vers une nouvelle crise bancaire. Les Etats réinterviendront encore avec l’argent de la collectivité (comme ils l’ont déjà fait), mais une nouvelle crise bancaire combinée à une récession aurait un grand effet. Le résultat serait une nouvelle dégradation importante du niveau de vie des masses, mais l’impact politique serait également énorme. Ce serait une défaite gigantesque pour la classe capitaliste et cela provoquerait une remise en question encore plus grande du système capitaliste, avec la recherche d’une alternative.

    La dette publique a remplacé la crise des dettes financières. Mais quelle classe sociale est responsable de cette dette publique? D’un pays à l’autre, les conditions sont différentes, mais c’est généralement une conséquence du renflouement des banques. C’est encore une conséquence du fait que l’Etat a dû garantir la faillite financière et immobilière. Nous devons expliquer que la crise n’est pas provoquée par les pensionnés grecs ou par les travailleurs des services publics. Il y a 3 ans, en 2007, tous les Etats avaient un déficit d’à peine plus de 1%. Depuis lors, la moyenne est montée de 1.7% à plus de 8%, malgré l’absence d’augmentation des pensions par exemple.

    Les plans d’austérité vont encore aggraver les conséquences de la crise. Les keynésiens classiques ont raison de dire que le problème fondamental, c’est la demande insuffisante. Le prix Nobel d’économie Paul Krugman a raison d’affirmer que les capitalistes sont repartis vers la politique de Hoover en 1929: liquider les acquis des travailleurs. Il a aussi raison quand il indique que les politiques actuelles vont poser les bases d’une seconde crise, beaucoup plus profonde.

    En cas d’augmentation des dépenses publiques: qui va payer ? Si on fait payer les bourgeois, ils vont se retirer et arrêter d’investir. L’idée générale est de s’en prendre aux travailleurs et à leurs familles, mais il faut s’attendre à ce qu’un tsunami de résistance accompagne le tsunami d’austérité. De plus, malgré toutes les coupes, les déficits des budgets des Etats seront encore plus profonds à la fin de l’année qu’au début et les milliards retirés de l’économie par les plans d’austérité vont peser sur elle. La Chine est le seul pays à avoir connu une bonne reprise sur base des investissements d’Etat, mais cette reprise se place dans le contexte d’une grosse surchauffe de l’économie.

    Remontée de la lutte des classes

    Quant aux travailleurs, l’impact de la crise les frappe de plein fouet. Ceux qui retrouvent un emploi après l’avoir perdu connaissent des conditions de travail bien pires. En Grèce, la possibilité d’un effondrement complet des conditions de travail n’est pas à exclure. En Espagne, 90% des emplois disparus concernaient les couches de travailleurs précaires, mais une bonne partie de la population connait ces conditions. Tous les regards se portent vers le sud de l’Europe, et l’atmosphère combative qui y existe est inspirante. En Angleterre, certains Tories (les conservateurs) ont même été jusqu’à dire qu’ils allaient faire des manifestations contre leur propre gouvernement suite à l’annonce d’attaques contre les budgets des écoles! Tout a été utilisé pour décrédibiliser le mouvement qui se développe en Grèce. Mais toute cette propagande capitaliste a ses limites. Jusqu’ici, les capitalistes se basaient beaucoup sur l’idée que les richesses se répartiraient, que ‘‘demain sera meilleur’’. Cette idée est en train d’être réduite en morceaux.

    Aujourd’hui, les protestations se généralisent. Grèce, Portugal, Espagne, France,… les luttes se développent, mais les directions syndicales jouent un rôle de frein. Lors d’une grande manifestation à Bologne, en Italie, le dirigeant syndical local a notamment dit "personne ne remet en cause qu’il doit y avoir des coupes budgétaires, mais il faut les faire autrement". Avec des dirigeants pareils, on n’est pas encore sortis de l’auberge. Quand Rosa Luxembourg décrivait le rôle des dirigeants sociaux-démocrates durant la première guerre mondiale, elle était particulièrement virulente. Mais que dirait-elle aujourd’hui? L’attitude des dirigeants syndicaux actuels est de compliquer la situation. En Belgique, cela a laissé une certaine ouverture pour approfondir la crise communautaire et aux USA cela s’exprime avec le Tea Party. En Hongrie et en Grèce, l’extrême-droite se renforce. Des questions comme l’immigration commencent à devenir des questions clés, auxquelles nous devons apporter une attention toute particulière.

    Le mouvement de résistance ne se développe pas partout de la même manière. En Grande-Bretagne par exemple, les mesures mises en avant par le gouvernement actuel sont les plus dures depuis 1922, ce qui avait jeté les bases pour la grande grève générale de 1926. Nous en sommes encore loin aujourd’hui. Le niveau de conscience des masses a fortement chuté depuis la chute du mur. Avant, une grève générale posait très rapidement la question du pouvoir et de la confrontation avec l’Etat capitaliste. D’une certaine manière, toutes les grèves générales font cela. Mais l’absence actuelle d’un facteur subjectif de masse, même sous la forme d’un parti réformiste très confus, complique les choses.

    Le capitalisme est incapable de résoudre les problèmes qu’il engendre. Il connaît sa plus grande crise, mais la conscience des masses n’est pas à la hauteur de la situation. Cela ne signifie toutefois pas dire qu’on ne peut pas vaincre la bourgeoisie, comme en France, en 1995, quand le premier ministre Alain Juppé avait connu une défaite avec son ‘‘plan Juppé’’.

    Nouveaux partis des travailleurs, ouverture pour les idées socialistes

    Un des points cruciaux pour reconstruire la conscience des masses est la création et le développement de nouvelles formations politiques larges capables d’orienter des couches larges de la population dans les luttes afin qu’elles puissent apprendre de leur expérience pratique de lutte. Mais il existe le danger de l’électoralisme. Le point le plus important est de maintenir une orientation claire vers les entreprises et le monde du travail. Ces nouvelles forces peuvent se développer très vite, mais également s’effondrer très vite, comme l’illustre l’exemple de Rifondazione Comunista en Italie. Cette formation avait un grand potentiel, qui a beaucoup souffert de sa participation au gouvernement capitaliste de Prodi ainsi qu’à des coalitions locales. Aujourd’hui, l’état général de l’opposition est tel qu’il n’est pas impossible que Berlusconi remporte d’autres victoires malgré les scandales, les conséquences de la crise économique, les attaques contre les travailleurs,…

    L’espace laissé vacant par le mouvement ouvrier se rempli d’autre chose, et nous avons eu différents exemples dans plusieurs pays. Nous pouvons comprendre ces développements au vu de la pourriture des anciens dirigeants politiques. En Italie, il y a le Mouvement Violet. Vu la chute du PRC, il est quasiment inévitable de voir même des couches syndicales développer un état d’esprit antiparti et antipolitique. On peut également voir se développer des tendances au terrorisme, comme en Grèce où l’on assiste à des attentats contre des commissariats ou des banques. L’absence de formulation d’une riposte face à la crise par les directions syndicales est à dénoncer dans ces actes. Les camarades grecs ont ainsi parlé de dirigeants syndicaux qui appelaient à faire grève, mais qui étaient incapable de participer aux actions car les travailleurs les attaquaient dès qu’ils les voyaient pour leur mollesse.

    Pour l’instant, ce sont surtout les organisations d’extrême droite ou populistes de droite qui connaissent une petite poussée. Même si des organisations de gauches de masses existaient, avec le racisme latent dans la société, ces organisations auraient de toute façon connu une poussée dans un premier temps. La question nationale refait également son apparition (Ecosse, Belgique, Pays Basque,…)

    Les choses ne se développent pas qu’en Europe. Au Moyen-Orient, face à la corruption des régimes en place, de plus en plus de travailleurs sont ouverts à nos idées. En Russie, une opposition se développe contre Poutine. Au Kazakhstan également, avec une petite organisation, nous avons pu lancer une organisation ouvrière de masse, Kazakhstan 2012. En Chine, de gigantesques usines existent, avec des conditions de travail véritablement horribles. Des filets ont par exemple été fixés sous les fenêtres d’une usine Foxconn où 12 travailleurs se sont suicidés cette année. L’Etat est bien conscient du problème et essaye de créer de nouveaux syndicats "patronaux", pour tenter d’étouffer la contestation. Mais les grèves continuent de se développer.

    Dans toute une série de pays, de grands mouvements ont déjà pris place. Plusieurs syndicats ont déjà appelé à une grève générale en septembre. Dans d’autres pays, on parle surtout de manifestation ou de journée d’action (de la part des directions syndicales), d’où l’importance de la manifestation du 29 septembre à l’appel de la Confédération Européenne des Syndicats. Il est important de voir comment nous allons intervenir dans ces évènements et comment cadrer cela dans les évènements qui forment la conscience et la combativité de la classe ouvrière. Nous ne devons pas seulement intervenir pour construire le mouvement mais aussi pour voir quel élément mettre en avant et pourquoi. Il est important de comprendre que les attaques antisociales peuvent provoquer différents types de réactions à différents moments.

    Cette crise économique et sociale a aussi son impact politique avec la chute du soutien des partis au pouvoir en Allemagne, en France, en Italie ou même au Japon. La semaine dernière, des élections se sont déroulées pour le parlement japonais. Le premier ministre, élu depuis juillet seulement, a reçu une raclée électorale de grande ampleur, parce qu’il a commencé à parler d’assainissements et du doublement d’une taxe. Quant aux conservateurs britanniques, ils avaient banni le terme "austérité" de leur vocabulaire pendant la campagne, mais ce n’était qu’une opération de communication. Dans différents pays, il y a de grands changements d’état d’esprit très rapide, et une des conséquences de ce processus est que cela mine le soutien des gouvernements en place. Du point de vue des mouvements futurs, l’intervention des camarades de Chypre était intéressante, avec un gouvernement de centre-gauche qui essaye de prendre des mesures également contre les riches, mais qui est de suite bloqué au Parlement. Ce qui est encore possible, ce sont des gouvernements élus sur base de populisme,… mais qui peuvent provoquer des mouvements sociaux importants. C’est entre autres le cas de la Grèce, où le gouvernement est en place depuis 9 mois seulement, élu sur base du moindre mal et de la promesse de ne pas appliquer l’austérité, et a suscité des mouvements sociaux de grande ampleur.

    Ce que le capitalisme nous propose, c’est un monde où chacun est en lutte contre chacun. Notre tâche est de préparer la classe ouvrière pour prendre le pouvoir et s’émanciper. En ce sens, la moindre erreur théorique se paye très cher dans la pratique. Mais nous avons réussi à démontrer ce que nous sommes capables de faire. Dans une telle période, un petit groupe avec des idées claires et qui est enraciné dans les masses peut avoir un impact énorme. A la fin des années ’80, dans des circonstances spécifiques, nous avons pu diriger un mouvement de masse contre la Poll Tax en Angleterre, un mouvement qui a rassemblé 18 millions de personnes, et nous étions à l’époque quelques milliers dans le pays. Cette école d’été a pour vocation de nous préparer à cela. A travers son expérience de lutte, la classe ouvrière va arriver à la conclusion que la seule façon de sortir de ce système, c’est la voie vers le socialisme.

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