Tag: Syndicalisme de combat

  • Plan d’action syndical : pour quoi faire et comment assurer son succès ?

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    Vous en avez entendu parler, un plan d’action a été lancé par les directions syndicales : manifestation nationale le 6 novembre, grèves tournantes les lundis 24 novembre, 1er et 8 décembre et, enfin, grève générale nationale le 15 décembre. Et si ça ne suffit pas, on parle déjà de la possibilité que les grèves tournantes reprennent à partir du lundi 5 janvier. Cela fait très longtemps qu’un tel plan n’avait pas été lancé, l’ampleur des attaques du patronat et du nouveau gouvernement de droite nécessitait une réponse du même niveau. Seul un mouvement de masse pourra stopper les attaques et permettre à une alternative de se construire.

    Par Ben (Charleroi), article tiré de l’édition de novembre de Lutte Socialiste

    Construire l’unité parmi les travailleurs pour gagner face au patronat !

    On entend parfois certains militants dire que ce qu’il faut, c’est ‘‘faire chier les gens’’. Soyons clair, si le but est de construire un mouvement de masse capable de renverser le gouvernement mais aussi de construire une alternative à l’austérité, il faut savoir distinguer de quels gens on parle. Ce qu’il faut faire, c’est polariser le débat, clarifier que le patronat et les travailleurs n’ont pas d’intérêts communs et stimuler le conflit de classe en cours en identifiant clairement l’ennemi. Une fois l’ennemi identifié, il ne faut pas seulement ‘‘le faire chier’’ mais le confronter systématiquement avec pour but de changer le rapport de force en notre faveur. Il faut désarmer la classe dominante en utilisant notre arme la plus puissante : notre nombre.

    Pour cela, il faut organiser les masses. Et la minorité consciente a un grand rôle à jouer pour démasquer les injustices. La tâche peut sembler difficile car il est vrai qu’après des décennies de recul et de défaites, il est compréhensible que beaucoup de travailleurs n’aient plus confiance dans la possibilité d’entrer dans une confrontation victorieuse contre le patronat et le gouvernement. C’est pourquoi les plus conscients doivent montrer l’exemple, prendre des initiatives combatives, celles-ci pouvant inspirer des couches plus larges et redonner confiance dans la lutte. L’objectif doit être de gagner le cœur des masses et de leur montrer que leur frustration provient de l’austérité qu’elles subissent ainsi que du système capitaliste lui-même. Nous devons montrer que des alternatives sont possibles mais qu’elles ne peuvent être concrétisées qu’à travers des luttes de masse.

    Comment préparer les manifs et les grèves ?

    Les dates du plan d’action sont connues, d’autres se rajouteront peut-être, la campagne d’information et de mobilisation est donc lancée. Les distributions de tracts, les stands en rue, les discussions avec les amis et les voisins, les débats sur les réseaux sociaux, les actions de sensibilisation en rue, etc. seront nécessaires car nous ne pouvons pas compter sur les médias traditionnels pour nous informer correctement. Ils sont gagnés aux idées néolibérales et à l’austérité. A nous de défendre le point de vue des travailleurs, des jeunes et des victimes de l’austérité !

    Pour que ce plan devienne une réussite, il faut que les travailleurs et les jeunes se l’approprient. Nous devons le discuter sur les lieux de travail, en assemblées, et chacun doit pouvoir s’exprimer. Là où des étudiants ou des lycéens ont la possibilité de le faire, ils devraient également organiser des assemblées pour rejoindre le mouvement. Pour que ces assemblées soient des réussites, il faudrait que les militants combatifs les préparent convenablement. Les raisons et objectifs du plan d’action doivent être discutés autant que possible et le plan devrait être voté démocratiquement. Celui qui aura voté concernant ce plan d’action respectera mieux sa légitimité, même s’il a voté contre. Celui qui perd le vote pourra encore faire usage de son droit individuel de faire grève mais sans entraver la majorité qui voudra se rendre au travail. Cela nous permettra mieux d’évaluer ensuite la grève et de motiver les collègues pour la prochaine occasion.

    Dans les assemblées, nous devrions aussi discuter de la manière dont le plan va se concrétiser et du rôle que chacun peut et devrait y jouer. Afin de faciliter la mobilisation et pour éviter les divisions entre les différents syndicats mais aussi afin d’inclure dans la lutte les non-syndiqués, un comité de grève pourrait être élu par l’assemblée. Dans la plupart des cas, cette équipe serait certainement composée des délégués en front commun, renforcée par quelques collègues dynamiques, permettant ainsi d’intégrer tous ceux qui veulent prendre part à l’organisation pratique de la grève.

    Une présence massive au piquet de grève pour discuter entre collègues !

    Faire grève, ce n’est pas laisser deux délégués devant l’entreprise afin que tout le monde reste chez soi. Le piquet de grève n’a pas pour seul but de fermer l’entreprise, c’est aussi et surtout un outil pour reconstruire la confiance des travailleurs dans leur propre force.

    Participer à un piquet, c’est avoir l’occasion de discuter avec ses collègues sans la pression habituelle qu’on subit sur son lieu de travail, ça permet de construire la solidarité, d’apprendre à se connaître un peu plus, mais surtout de mener des discussions politiques que l’on n’a pas l’habitude de pouvoir mener durant les journées de travail. Un bon piquet est un piquet où on stimule le débat, où on discute stratégies, objectifs, alternatives, etc. Et il n’est pas rare qu’un bon piquet de grève permette non seulement de faire comprendre que les intérêts du patron et des travailleurs ne sont pas compatibles mais aussi que ce sont les travailleurs qui sont indispensables au fonctionnement de l’entreprise, pas les patrons.

    Plus la participation au piquet est massive, plus facile ce sera de convaincre les collègues indécis d’au moins venir discuter au piquet. Il est même possible que certains qui étaient tentés d’essayer d’aller travailler le jour de la grève changent d’avis en voyant une masse de leurs collègues devant l’entreprise. Et puis c’est quand même pour lutter contre l’austérité qu’on fait grève et qu’on accepte de perdre une partie de notre salaire, pas pour aller faire nos courses pour Saint-Nicolas ou pour Noël.

    Organiser le piquet.

    Évidemment, il ne suffit pas de décréter qu’on veut une présence massive au piquet pour que ce soit le cas. La présence au piquet, c’est une tradition qui doit se construire et ça nécessite une préparation concrète de chaque piquet. On ne peut pas rester toute une journée debout dans le froid à ne rien faire, et encore moins sous la pluie. Prévoir de quoi s’abriter, de quoi se réchauffer, de quoi manger, ça participe aussi à la réussite d’un piquet. Organiser des activités également, des débats, des projections de film de lutte, envoyer des équipes en solidarité aux piquets où il y a moins de gens, etc.

    Et pourquoi ne pas organiser une assemblée générale de bilan de la grève en fin de journée afin de voir comment on peut améliorer l’organisation de la prochaine ? Cela peut d’ailleurs être fait en commun avec tous les grévistes des entreprises voisines, du zoning,…

    Comment réagir face au service minimum ? La grève pour obtenir le service maximum !

    A chaque grève, la question du service minimum revient et c’est d’autant plus le cas avec la volonté du gouvernement de l’imposer à la SNCB.

    Soyons clairs: défendre le service minimum revient à s’attaquer au droit de grève, à vider la grève de son sens et de son utilité. Le service minimum affaiblit les travailleurs dans leur lutte contre le patronat. D’ailleurs, dans de nombreux secteurs, avec les coupes budgétaires et la dégradation des conditions de travail, c’est service minimum toute l’année. En fait, les rares moments où les travailleurs font grève dans ces secteurs, c’est pour revendiquer un service maximum, à travers des refinancements, des améliorations de conditions de travail, etc. Un malade qui doit patienter 2 heures aux urgences ou un navetteur dont le train n’a pas été nettoyé parce que la SNCB veut faire des économies pourrait en témoigner. Toute l’année, des trains sont supprimés ou en retard, et c’est entre autre pour éviter que ça empire que les travailleurs partent en action !

    C’est pourquoi, qu’importe le secteur, les travailleurs ne doivent pas accepter que le gouvernement et le patronat imposent un service minimum. Dans les rares secteurs où un risque d’accident existe, c’est le comité de grève lui-même qui s’arrange pour éviter les problèmes, cela fait partie de l’organisation de la grève.

    Sommes nous trop radicaux ?

    Le patronat et ses médias vont nous accuser d’être des radicaux, de vouloir nous substituer au gouvernement, d’être violents, etc. Mais la violence, elle vient du patronat et du gouvernement, elle vient de l’austérité qu’on doit subir, de la dégradation de nos conditions de travail et de vie. Cette violence, la majorité de la population doit la subir tous les jours en silence.

    Alors soyons clair, quand un système permet aux patronat, aux actionnaires et aux banques de s’enrichir sur le dos de la majorité des travailleurs, des jeunes et des plus pauvres, il est temps que ce système change, il est temps que les travailleurs prennent les choses en mains pour eux-mêmes et qu’enfin il reprennent une juste part de la richesse qu’ils produisent.

     

  • ‘‘Lip, des héros ordinaires’’, leçons d’hier pour les luttes d’aujourd’hui

    Par Nicolas Croes

    Le combat des travailleurs de l’usine horlogère LIP à Besançon fait partie de ces luttes emblématiques qui gardent une force incroyable, même quarante ans après les faits. Si le coeur du conflit était directement lié au maintien de l’emploi, le processus de la lutte a conduit les travailleurs à aller extrêmement loin dans la remise en question de la logique capitaliste. Cette expérience est maintenant déclinée en bande dessinée, une oeuvre qui, au-delà du plaisir de la lecture, constitue un bon outil de réflexion dans le contexte actuel d’avalanche de licenciements collectifs et de fermetures d’entreprises.

    Le combat de Lip avait déjà refait parler de lui il y a quelques années à l’occasion de la sortie d’un film-témoignage : “Les Lip, l’imagination au pouvoir” (Christian Rouaud, 2007). Ce documentaire – que nous conseillons également – laissait la parole aux acteurs majeurs du conflit, notamment Charles Piaget, le ‘‘leader malgré lui’’, et Jean Raguénès le prêtre-ouvrier, interviewé pour le film alors qu’il était au Brésil au côté des paysans sans terre en lutte contre les grands propriétaires. ‘‘Lip, des héros ordinaires’’ aborde la foule des anonymes sans qui rien n’aurait été possible. L’histoire de la BD suit le parcours de Solange, une ouvrière peu politisée soumise à l’autorité de son mari réactionnaire, pour qui le conflit est un profond processus d’émancipation tant au foyer qu’à l’usine.

    ‘‘C’est possible, on fabrique, on vend, on se paie!’’

    En avril 1973, des rumeurs de dépôt de bilan et de licenciements circulent. Peu à peu, la lutte s’organise. Des séances d’information sont organisées dans les ateliers, puis des Assemblées générales sont organisées pour tous les travailleurs. Le 10 juin 1973, les travailleurs occupent leur usine et s’emparent de ce qui sera leur ‘‘trésor de guerre’’ : le stock de montres.

    A partir de ce moment, il y aura au moins cinq Assemblées générales par semaine (parfois plus) jusqu’à ‘‘la réouverture de l’usine’’ le 11 mars 1974. Une semaine après le début de l’occupation, la production de montre est relancée jusqu’au 15 août, quand la police militarisée prendra d’assaut l’usine pour en chasser les travailleurs. La production reprend toutefois clandestinement selon le principe ‘‘l’usine est là où sont les travailleurs’’. La solidarité ne cesse de se développer autour des Lip et, le 29 septembre, une grande marche nationale sur Besançon est organisée, la Marche des 100.000. Finalement, le 11 mars 1974, un plan de reprise assurant la réembauche des travailleurs est mis en oeuvre.

    Les Lip se sont directement confrontés à leur patron, c’est vrai, mais aussi au patronat français tout entier, de même qu’à l’administration, à la justice, à la police et au gouvernement. Leur combat a popularisé des idées remettant en cause la totalité du système économique, comme à travers le slogan ‘‘le patron a besoin de toi, tu n’as pas besoin de lui’’ transposé dans les faits par l’occupation et la reprise de la production. Le camp d’en face en était bien conscient, et c’est ce qui a fait dire à Valéry Giscard d’Estaing, élu président de la République en mai 1974 : ‘‘Les Lip vont véroler tout le corps social. Il faut les punir: qu’ils soient chômeurs et qu’ils le restent.’’ Après le début de la crise économique de 1973-74, cela deviendra une nécessité, et un nouveau conflit s’engagera.

    Démocratie ouvrière et occupation d’usine

    Comme toutes les luttes de travailleurs, la bataille des Lip n’est pas juste un beau conte nostalgique, c’est avant tout une riche expérience à étudier. Un des éléments parmi les plus frappants est celui de la démocratie ouvrière. Durant le conflit de 73-74, il y a eu environ 200 Assemblées générales, ce qui a permis d’assurer l’implication maximale des travailleurs.

    Selon Charles Piaget : sur 1150 employés (ce à quoi il faut retirer une centaine de cadres) la participation aux AG a été de plus de 800 travailleurs jusqu’en octobre 1973; puis de 650 à 750 personnes; et les dernières rassemblaient encore plus de 500 personnes. Voilà une chose qui devrait sérieusement être remise au goût du jour… Impossible de disposer d’un syndicalisme de combat conséquent sans la démocratie ouvrière la plus maximale !

    L’aspect extrêmement collectif du combat, la gestion quotidienne de l’usine occupée ainsi que de la production relancée pour et par les travailleurs ont eu un profond impact sur la conscience des travailleurs. Pour les Lip, dix mois représenté plus que dix années. La confiance en leur force collective et en ce qu’ils pouvaient réaliser ensemble a transformé leur quotidien, a détruit des idées toutes faites, a renforcé la pratique de la solidarité à chaque instant, a créé de nouveaux points de repère.

    Pas mal de leçons peuvent être tirées des luttes de la période des années ‘70, y compris en Belgique. C’est hélas très peu connu, mais notre pays a connu à l’époque une vague de grèves spontanées et d’occupations d’entreprises, méthode particulièrement forte pour contester l’autorité patronale et poser la question du contrôle et de la gestion de l’outil par les travailleurs eux-mêmes.

    Durant la période exceptionnelle de 1970-1971, le nombre de journées de grève a ainsi été égal à celui des 9 années précédentes. Mais, surtout, on estime qu’au moins 80% des grèves ayant éclaté étaient spontanées, et donc non-reconnues par les directions syndicales et en confrontation directe avec ces dernières. De 1966 à 1973, 66 entreprises ont été occupées par leurs travailleurs en Belgique, un phénomène qui a gagné en ampleur par la suite. Lors des premières années de la crise de 1973 (jusqu’en 1975), les travailleurs ont occupé 94 entreprises. En 1976, deux entreprises étaient encore occupées tous les mois et, en 1977 et 1978, un conflit social sur six s’est accompagné d’une occupation.(1)

    Ce qui a manqué dans tout ce processus, c’est un effort suffisant de coordination entre tous ces événements, accompagné de la construction d’un courant de syndicalisme de combat au sein des syndicats.

    Toutes ces questions sont amenées à reprendre plus de vigueur aujourd’hui dans le contexte de la plus grande crise économique depuis les années ‘30. Cette bande dessinée peut contribuer à ce débat de première importance.

    Laurent Galandon et Damien Vidal, Lip. Des héros ordinaires, 2014, Dargaud, 19,99 €. Préface de Jean-Luc Mélenchon.

    (1) Michel Molitor et Annick De Rong “Données relatives aux grèves en Belgique de 1947 1971”, in : Courrier hebdomadaire du Crisp, 28 mars 1975, n?667-678, pp. 9-15. Et ‘‘La Belgique sauvage : L’extrême-gauche en Belgique francophone depuis 1945’’, p. 121, Le Bord de l’eau éditions, 2009

     

  • Hommage : Bob Crow, intransigeant défenseur des intérêts de la classe des travailleurs

    Déclaration du Socialist Party (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre et au Pays de Galles)

    Le Socialist Party a été choqué et profondément attristé par la nouvelle du décès de Bob Crow, secrétaire général du syndicat des chemins de fer et des transports maritimes (RMT). Les réactions qui ont suivi la publication de cette triste nouvelle ont une fois de plus confirmé l’impact majeur qu’il a pu avoir en tant que dirigeant syndical. Il fut sans aucun doute l’un des plus connus d’entre eux en raison de son attitude ferme et conséquente dans la défense de ses affiliés.

    Nos pensées vont à sa famille, et nous envoyons également tous nos vœux de solidarité au syndicat RMT.

    Bob Crow fut un infatigable combattant de la classe ouvrière, et il s’était également fait le champion de nombreuses causes importantes. La presse de droite a tenté de le dépeindre comme un «dinosaure» et un «baron syndical», mais les travailleurs le considéraient comme un héros en raison de la peur qu’a éprouvé le patronat en raison de son activité. Sous sa direction, d’abord comme secrétaire général adjoint, puis comme secrétaire général, le RMT a démontré à plusieurs reprises que les patrons peuvent être poussés à la défaite.

    Le plus récent exemple fut la grève de février dernier organisée par le RMT dans les métros londoniens. Cette lutte fut un phare pour les travailleurs frappés par l’austérité du gouvernement des Conservateurs et des Libéraux. Rien n’a été négligé pour nuire au syndicat et ridiculiser Bob, mais le soutien populaire a prouvé qu’une attitude ferme et déterminée de défense de l’emploi et des droits des travailleurs pouvait jouir d’un grand soutien.

    Le RMT a mené bataille contre le maire de Londres, le conservateur Boris Johnson. Même la presse capitaliste a reconnu que le syndicat a forcé un élu totalement arrogant et intransigeant à arriver contre son gré à la table de négociation. Cette bataille doit maintenant se poursuivre jusqu’à la victoire du RMT afin de repousser les fermetures de guichets et préserver l’emploi.

    L’approche de Bob quant à la construction de la résistance s’est reflétée dans l’implication du RMT dans la construction du NSSN (National Shop Stewards Network, réseau de national de délégués syndicaux), un réseau visant à donner aux syndicalistes un organisme de lutte contre toutes les attaques des gouvernements pro-capitalistes. Sous sa direction, le RMT fut un défenseur infatigable et presque incomparable des droits syndicaux aux côtés de syndicats tels que le PCS (services publics) et du syndicat des gardiens de prison POA.

    La question de la représentation politique

    En plus d’être un dirigeant sur le plan syndical, Bob Crow, a donné un soutien sans relâche à la lutte pour la construction d’un relai politique pour la classe ouvrière. Le RMT a joué un rôle de premier plan dans des initiatives telles que le TUSC (Trade Unionist and Socialist Coalition) et «No2EU – Yes to worker’s rights», d’importantes étapes dans la voie d’un nouveau parti large des travailleurs.

    Les membres du Socialist Party ont travaillé à ses côtés au sein du RMT, du TUSC et dans le réseau NSSN, en particulier autour de la campagne pour que la fédération syndicale TUC appelle à une grève générale de 24 heures contre l’austérité. En raison de son rôle dans toutes ces initiatives et de bien plus encore, son décès représente une perte énorme.

    Bob Crow a toujours défendu le socialisme en tant que nécessaire alternative au système capitaliste pourri. Le Socialist Party a souvent partagé tribune avec lui, et il a notamment été orateur à plusieurs reprises lors de l’évènement annuel du Socialist Paty, le week-end “socialisme”. C’était encore le cas en novembre dernier. Il a pu compter sur de nombreuses ovations nourries en raison de son attitude combative.

    Son décès est un coup dur pour les membres du RMT, parmi lesquels son intransigeance dans la défense des intérêts des travailleurs lui avait valu un grand respect. Quand il sera question d’élire un nouveau dirigeant, nous ne pouvons qu’espérer que son remplaçant honore sa mémoire par sa combativité et sa volonté de lutter pour le socialisme et la solidarité internationale, à l’instar de l’activité de Bob.

    La mort de Bob Crow est un choc pour la classe ouvrière entière. Si les directions syndicales étaient composées de combattants du type de Bob ou encore de Mark Serwotka et de la direction socialiste de gauche au sein du PCS, la lutte contre l’austérité et le gouvernement Conservateurs-Libéraux serait bien plus avancée.

    A l’occasion de sa mort, Bob Crow nous a rappelé aussi la classe ouvrière britannique peut encore produire des combattants de haut vol. Il nous manquera énormément, mais nous continuerons à nous battre.

  • Manifestation anti-NSV : Appel des syndicalistes contre le fascisme

    Le 20 mars prochain, l’extrême-droite se réunira pour défiler dans les rues d’Anvers, à l’occasion de la marche de la haine annuelle organisée par le cercle des étudiants nationalistes NSV (Nationalistische Studenten Vereniging). Le thème de ce rassemblement n’est pas le plus important, mais pour information, ce sera cette année ‘‘qu’aucun trône ne reste debout’’.

    Un contexte spécifique

    En raison du moment et du lieu, la manifestation anti-NSV a cette année une valeur symbolique supplémentaire : la contre-manifestation passera dans les quartiers populaires de l’antre de la bête tout juste deux mois avant la ‘‘mère de toutes les élections’’. Les slogans centraux (voir ci-dessous) dépassent le cadre purement antiraciste ou antifasciste pour mettre en avant une alternative sociale conséquente contre la droite et l’extrême-droite. Une campagne de porte-à-porte sera menée dans les quartiers où passera la contre-manifestation pour y défendre un programme social.

    N-VA et Vlaams Belang : des vases communicants, et pas uniquement sur le terrain électoral

    Selon ses propres dires, la N-VA s’occupe de problèmes dénoncés par le Vlaams Belang. Pour certains, cela fait de la N-VA une sorte de ‘‘Vlaams-Belang Light’’. Les transfuges ont été nombreux entre le Vlaams Belang et la N-VA et, dans les groupes traditionnels de ‘‘radicaux-nationalistes’’ comme le NSV et le KVHV (Katholiek Vlaams Hoogstudentenverbond, Union estudiantine catholique flamande), le Vlaams Belang n’est pas le seul à être bien représenté, la N-VA y figure également en nombre.

    Anvers, Alost, etc. Des laboratoires pour l’avenir réservé à la Flandre par la droite

    Tout comme Alost, Anvers est un laboratoire où est élaboré le projet d’une Flandre future puissamment ancrée à droite selon les désirs de la N-VA, de l’organisation patronale flamande VOKA et des groupes radicaux tels que le Vlaams Belang et ses organisations satellites (comme le NSV et le Voorpost). A Alost, le groupe ‘‘Noig Verontruste Aalstenaarsdes’’ (les ‘‘Alostois très inquiets’’) a pu constater que depuis les élections communales, la coalition au pouvoir emmenée par la N-VA a appliqué une politique d’intimidation délibérée contre divers groupes de la population, ce à quoi les ‘‘Alostois très inquiets’’ ont réagi via communiqués de presse et actions destiné à mettre en garde la presse, y compris nationale.

    Cette politique a commencé par des taxes supplémentaires pour les night-shops et s’est poursuivie par une chasse à la ‘‘fraude sociale’’ avec un véritable cellule anti-fraude alors que les entreprises locales ont reçu en cadeau une réduction d’impôt de 680.000 €, par des diminutions de subventions pour les organismes sociaux, la réduction des effectifs du personnel communal, par l’implantation d’un nouveau poste de police sur la rive droite ‘‘colorée’’ alors que divers rapports officiels dévoilent des statistiques de criminalités quasi nulles (aucun cas n’a été recensé par surveillance caméra par exemple) et, plus récemment, par une véritable traque aux antennes paraboliques. Prises chacune isolément, ces mesures semblent être conformes à une politique ‘‘sévère mais juste’’. Mais cette combinaison particulière laisse supposer quelque chose de bien différent, qui s’apparente à une politique délibérément basée sur le principe du “Notre peuple d’abord’’ (‘‘Eigen Volk Eerst”) cher au Vlaams Belang. Des exemples similaires peuvent être trouvés à Anvers.

    Dans la cohérence de notre combat syndical, se résigner à regarder sans rien faire ou se croiser les bras en attendant que ‘‘ça passe’’ ne sont pas des options. Il est de notre devoir d’aller à contre-courant pour éviter le pire.

    L’extrême-droite serait-elle devenue négligeable ?

    En Flandre, le vent souffle pour l’instant dans les voiles de la N-VA, mais cela n’est pas destiné à durer éternellement. Une fois qu’éclatera la bulle du ‘‘nationalisme flamand démocratique’’ (c’est-à-dire du néolibéralisme peint en noir et jaune), une variante radicale sera prête à prendre la relève. Nous avons bien pris note de certains sondages qui laissent entendre que le Vlaams Belang flirterait avec le seuil électoral dans certaines provinces. Mais s’il y a bien une chose à apprendre des autres pays européens, c’est que l’extrême droite a les neuf vies d’un chat. En France ou en Autriche, l’extrême-droite a déjà été politiquement enterrée à plusieurs reprises mais, entretemps, le Front National est devenu le plus grand parti dans les sondages d’opinion et le FPÖ autrichien est lui aussi de retour. Il est par ailleurs remarquable de constater que si ces deux partis ont été confrontés à des scissions de groupes qui se disaient plus modérés (le Mouvement National Républicain (MRN) de Bruno Megret en France et le BZÖ de Haider en Autriche), les nouveaux partis plus ‘‘socialement acceptables’’ ont aujourd’hui disparu de la carte, dans l’ombre de leur ancien parti…

    Les groupes fascistes marginaux sont-ils inoffensifs ?

    L’exemple d’Aube Dorée en Grèce constitue un avertissement pour la gauche internationale. Dans le contexte d’une crise profonde, un groupe politique marginal de quelque 200 néonazis est devenu un adversaire redoutable en quelques années à peine, avec notamment une aile paramilitaire fortement armée de 3000 personnes et comprenant 72 bureaux dans divers villes et villages. Son soutien électoral a augmenté dans les mêmes proportions : de 19.636 voix (0,29%) lors des élections nationales de 2009 pour atteindre 440.966 voix (6,97%) en mai 2012, obtenant ainsi 21 parlementaires. Les nouvelles élections survenues un mois plus tard ne leur ont fait perdre que trois sièges. En dépit d’assassinats politiques ainsi que d’autres formes de terreur de rue commis par ses membres et malgré les poursuites engagées contre Aube Dorée sous le chef d’accusation d’organisation criminelle (ce qui pourrait conduire à son interdiction légale), ce parti continue de bénéficier d’un soutien électoral de 10 à 11% dans les sondages. Le parti est déjà préparé pour une éventuelle interdiction; une nouvelle structure a déjà été constituée pour assurer sa participation électorale: ‘‘Nouvelle Aube’’.

    Et chez nous ?

    En Belgique, les terroristes de BBET (Bloed, Bodem Eer en Trouw, Sang-Terre-Honneur et Fidélité, branche flamande du réseau néonazi international Blood and Honour) n’ont été condamné qu’à des peines légères. En octobre 2013, les ‘‘Syndicalistes contre le fascisme’’ avaient encore mené une action lors de la reprise de leur procès, à Termonde. Leur présence discrète était devenue incontournable à la manifestation annuelle du NSV. Cette année, ils seront forcés de s’abstenir…

    Notre appel

    Cet appel est à l’initiative de membres fondateurs des ‘‘Alostois très inquiets’’ ainsi que de membres du SETCa.

    Nous appelons les syndicalistes d’Anvers et d’ailleurs à activement soutenir cette contre-manifestation. Traditionnellement, une large délégation francophone est également présente pour souligner la solidarité entre travailleurs des deux côtés de la frontière linguistique.

    L’appel des ‘‘Syndicalistes contre le fascisme’’ de l’an dernier avait pu compter sur une réponse très positive. Lors de l’édition 2013 de la contre-manifestation, à Louvain, on pouvait voir une délégation officielle du BBTK – Louvain, renforcée par la présence de militants du BBTK – BHV Social Profit, ABVV Brussel, ABVV Metaal, CGSP et quelques membres de la CSC. Nous voulons poursuivre cet effort à Anvers.

    En tant que syndicalistes, nous nous retrouvons pleinement derrière les slogans centraux de la contre-manifestation:

    – Pas de reconnaissance du cercle étudiant fasciste NSV à l’Université d’Anvers !
    – Non aux Sanctions Administratives Communales et à la criminalisation de la jeunesse !
    – Organisons l’opposition aux politiques antisociales !
    – Des emplois, pas de racisme ! Pour des emplois décents, des logements abordables et un enseignement gratuit pour tous !

    Manifestation anti-NSV 20 mars 2014, 19h, gare d’Anvers-Berchem

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    Ci-dessous, vous pouvez trouver une petite sélection de signataires de l’appel de l’an dernier : faites-nous savoir le plus vite possible si vous comptez soutenir l’appel de 2014. Si vous le souhaitez, vous pouvez signer cet appel en votre nom propre, ou en celui de votre délégation syndicale, de votre structure syndicale ou de votre organisation d’inspiration syndicale. Veuillez mentionnez le nom de l’entreprise, de la centrale ou de la section syndicale ainsi que vos mandats syndicaux et envoyez tout cela à l’adresse suivante : bartvanderbiest@hotmail.com

    – Bart Van der Biest: Membre du Comité Exécutif du SETCa-BBTK BHV, secteur social profit, coordinateur SETCa hôpital St.-Maria, membre fondateur de la plateforme antifasciste alostoise “NOIG Verontruste Aalstenaars”
    – Eric Vandepoele: secrétaire social profit SETCa Alost-Termonde-Renaix-Oudenaarde
    – Heidi Joos: membre du comité régional du SETCa Alost-Termonde-Renaix-Oudenaarde, secteur social profit
    – Johan Dumortier: secrétaire Industrie et Finances SECa Alost-Termonde-Renaix-Oudenaarde
    – Sven Robbrecht: secrtaire SETCa-Waasland
    – Evert Persoon: secrétaire SETCa Gand, social profit
    – Stijn Heuvelmans: secrétaire social profit SETCa Louvain
    – Monique Broudehoux: SETCa social profit
    – Jo Janssens: délégué syndical SETCa Sint Kamillus, Bierbeek
    – Stefanie Deberdt: militante SETCa UC Sint-Jozef
    – Sven De Deken: membre du conseil d’entreprise et de la délégation syndicale de l’hôpital Sint Kamillus, Bierbeek
    – Luc Coekaerts: délégué SETCa AB-Inbev Louvain, E OR – OR – CPBW – SD, membre du Comité Exécutif du SETCa-Louvain
    – Karel Meganck: Membre du Comité Exécutif BBTK-SETCa BHV
    – Rob Reynders: secrétaire SETCa BHV social profit
    – Johan Nelissen: membre du Comité exécutif SETCa BHV
    – Wouter Wanzeele: délégué syndical BHV social profit, CAW Archipel
    – Michel Doyen: délégué syndical SETCa BHV, UCL St.Luc
    – Marc Brichaux: secrétaire SETCa Mons-Borinage
    – Stefanie Lagae: militant SETCa-SEL Mons
    – Amarouch Isarti: délégué syndical Z-Safety Services NV, Anvers
    – Tom Claessens: délégué syndical De VoorZorg Anvers et membre du Bureau Exécutif du SETCa Anvers
    – Wouter Gysen: membre du Bureau Exécutif de la CGSP-Cheminot à Anvers, membre du Comité pour la Prévention et la Protection au Travail (Nord-Ouest)
    – Christophe De Brabanter: membre du Bureau Exécutif CGSP-Cheminots Bruxelles
    – Stephan Cautaerts: membre du Bureau Exécutif CGSP-Cheminots Bruxelles
    – Raph Parthoens: militant CGSP-Cheminot, Lier
    – Willy Verbeek: CGSP-Cheminot Anvers, membre du Comité pour la Prévention et la Protection au Travail, président du groupe de travail des machinistes
    – Benjamin Vervondel: délégué CGSP transports publics à Hoboken, membre du Comité pour la Prévention et la Protection au Travail De Lijn à Anvers
    – Luc Wendelen: délégué CGSP transports publics De Lijn à Anvers
    – Peter Van der Biest: délégué CGSP Bruxelles
    – Laurent Grandgaignage: délégué CGSP ALR/LRB Stabroek
    – Stephen Bouquin: professeur de sociologie et d’économie du travail
    – Liesje Ulburghs: déléguée CGSP-enseignement haute école Artevelde, Gand
    – Kristof Bruyland: membre du Bureau Exécutif CGSP-enseignement – Communauté flamande
    – Tim Joosen: délégué syndical CGSP à l’université de Gand
    – Jon Sneyers: délégué CNE/LBC à l’université catholique de Louvain, membre du Comité pour la Prévention et la Protection au Travail à la KU Leuven membre du conseil de direction de la CNE/LBC
    – Jef Maes: membre du Comité pour la Prévention et la Protection au Travail et de la délégation syndicale, CSC alimentation et services, Termonde
    – Tina De Greef: secrétaire syndicale CNE/LBC-NVK BHV, membre du Comité pour la Prévention et la Protection au Travail et du Bureau de direction de la CNE/LBC-NVK
    – Sven Naessens: Centrale Générale Anvers-Waasland

  • Affaire des 5 permanents SETCa BHV : Contester n’est pas condamnable !

    Par une militante SETCa-BHV

    En 2010, le projet de rénovation du bâtiment de la régionale de Bruxelles, situé place Rouppe, proposé par le SETCa fédéral, a fait l’objet d’une contestation de la part des permanents régionaux du secteur Industrie. Ceux-ci étaient évidemment favorables à une rénovation, mais estimaient qu’il devait y avoir moyen de le faire de façon moins onéreuse que proposée. Ils insistaient surtout pour que ce projet, qui aurait de nombreuses conséquences sur l’action syndicale dans les prochaines décennies, soit discuté et débattu, sur base d’alternatives, au sein de l’instance de décision de la section régionale, avec les militants. Il semble que le simple fait d’oser contester et d’exiger le débat démocratique leur ait valu d’être ainsi licenciés pour faute grave.

    Après presque un an de lutte pour leur réintégration auprès des instances et militants du SETCa et de la FGTB, l’affaire a été portée en désespoir de cause devant les tribunaux. Ce n’est que ce 21 janvier qu’est enfin tombé le premier jugement. Ce dernier leur donne raison sur toute la ligne : non seulement les faits ne peuvent aucunement être considérés comme constituant une faute grave, mais il y a en plus abus du droit de licencier et le licenciement est donc considéré comme inexistant.

    Le tribunal estime que les dirigeants du SETCa fédéral n’avaient pas le pouvoir de les licencier, d’autant plus qu’ils n’ont pas obtenu la ratification de cette décision au sein des instances de la section régionale. Au contraire, cette décision a généré de vigoureuses protestations des militants de la régionale et du secteur concerné. En conséquence, le jugement donne aux dirigeants du SETCa quatre mois pour laisser les ‘‘licenciés’’ poursuivre l’exercice de leurs mandats.

    Nous dénonçons la banalisation de la faute grave et la criminalisation de la contestation utilisées en justice par l’appareil syndical. Cette faute grave n’a donc pas été reconnue. Le jugement vise explicitement à éviter que le spectre de la faute grave ne puisse être utilisé contre les futures luttes syndicales.

    C’est un point capital qui tiendra particulièrement à coeur à tout syndicaliste convaincu. Il faut ici citer un passage essentiel du jugement qui illustre bien à quel point le tribunal a voulu souligner la contradiction de l’accusation de faute grave avec le droit à la contestation qui est l’essence même du syndicalisme : ‘‘Le fait de s’opposer à une proposition tant au niveau du lieu où la question doit être débattue qu’au niveau du fond en y apportant une contradiction étayée, une suggestion constructive d’examens comparatifs par une tierce personne (en l’occurrence un architecte), en s’étant fait conseiller par un avocat fiscaliste ayant mis en garde quant à la fiabilité de la construction fiscale du projet immobilier tel que présenté par le secrétariat fédéral ne peut raisonnablement être considéré comme une faute grave. Admettre le contraire reviendrait à nier tout processus démocratique dans la prise de décision et l’essence même de la concertation sociale.

    Voici qui peut nous rassurer face au grand risque qui planait au-dessus de la tête de tout militant syndical combatif, à savoir : qu’il soit, à l’avenir, possible de considérer toute contestation comme une rupture de confiance dans les relations de travail et par là même, une possibilité de rompre le contrat sans indemnité alors que l’échange de point de vue et la contestation de certaines décisions constituent le fondement même du fonctionnement des organes de concertation
    sociale (Conseil d’Entreprise, CPPT, délégation syndicale).

    Le tribunal juge le licenciement comme inexistant. Voyons ce qu’il en est exactement.

    La faute grave n’a, en effet, non seulement pas été reconnue, mais il y a plus ! Le licenciement des permanents est reconnu comme inexistant, car la tutelle dite ‘‘statutaire’’ a été instaurée à la va-vite, uniquement pour pouvoir prétendre avoir le droit juridique de licencier des permanents régionaux. Cette procédure de mise sous tutelle s’est déroulée au mépris des statuts du SETCa fédéral qui prévoient que lorsqu’une tutelle est instaurée sur une régionale, une convocation doit être envoyée avec ce point à l’ordre du jour et ce, afin que la régionale puisse se préparer en connaissance de cause et préparer ses arguments. Or, un mail en ce sens n’a été envoyé aux différents responsables de la section régionale qu’alors que ceux-ci étaient déjà en réunion, sur base d’un autre ordre du jour ! Le tribunal constate qu’il s’agit donc d’une mise en scène uniquement destinée à donner un vernis de ‘‘légalité’’ à une liquidation programmée et décidée en dehors des instances légitimes.

    Lorsqu’après coup, une semaine après l’annonce du ‘‘licenciement’’, le Comité Exécutif de la section régionale en a été informé par les dirigeants du SETCa fédéral, il y a eu de vives protestations. Ce Comité n’a donc pas ratifié la décision.

    Ce jugement rappelle donc que les instances syndicales doivent être au coeur du processus de décision. D’après les statuts de la FGTB, du SETCa fédéral et du SETCa BHV, la base militante est souveraine et c’est d’elle que découle tout pouvoir par délégation. Ce sont les instances de la section régionale qui élisent les secrétaires permanents et donc elles seules qui peuvent les sanctionner et révoquer leurs mandats. Dans le cas présent, cette base et ces instances ont clairement été courtcircuitées, puisque l’appareil syndical a été jusqu’à annuler les Assemblées et Congrès justement prévus dans les semaines qui suivaient. Il y a là une tendance à appliquer au sein du syndicat, les méthodes patronales qu’on rencontre dans beaucoup d’entreprises.

    Il est important que ces méthodes patronales n’aient pas été acceptées par le tribunal. Cette décision est une bonne occasion de mener débat au sein du SETCa et de la FGTB au sujet de la démocratie syndicale et du rôle de la base contre les excès bureaucratiques de la direction syndicale.

  • Fermeture de l’usine Opel à Bochum – pas de riposte ?

    Pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale, une usine automobile (celle d’Opel à Bochum, qui appartient à General Motors) est sur le point de fermer en Allemagne. Afin de sauver l’emploi, nous défendons la nationalisation des entreprises qui procèdent à des licenciements collectifs, sous le contrôle des travailleurs, avec par exemple l’instauration d’une semaine de travail de 30 heures sans perte de salaire.

    Stephan Kimmerle, Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO)

    Au cours de la nuit du 9 au 10 septembre dernier, 150 travailleurs d’Opel, écœurés par les plans de restructuration, sont entrés en grève spontanée après un meeting de 17 heures organisé par leur comité d’entreprise. Durant le meeting, la colère bouillonnante de ces travailleurs qui réclament la garantie de l’avenir de leurs postes, de leurs familles et de leur région était très visible. Cette grève a toutefois subi d’énormes pressions patronales, sans recevoir le soutien du syndicat. C’est ce qui a permis à la direction de parvenir à mettre fin à la grève et d’empêcher son extension aux travailleurs qui arrivaient le matin.

    La région de la Ruhr, déjà appauvrie, souffrira des énormes conséquences de la fermeture d’Opel. Mais la résistance est des plus limitées, en net contraste avec les traditions militantes de cette usine qui a connu nombre de grèves. Parmi elles, une grève spontanée et non-reconnue par le sommet syndical avait éclaté en 2004 et avait duré 6 jours pour protester contre le licenciement de milliers de travailleurs. Une autre, en 2000, avait résisté à la délocalisation et la division des travailleurs.

    Mais cette fois, aucune résistance n’aura été opposée au coup de grâce contre ces 5000 travailleurs (3200 dans l’usine et environ 2000 chez les fournisseurs directs et les sous-traitants sur le site), malgré des traditions combatives.

    En mars 2013, plus de trois quarts des travailleurs de Bochum avaient rejeté un accord proposé par la direction au syndicat IG Metall et au comité d’entreprise. En échange de vagues promesses, les travailleurs devaient accepter de mettre un terme à la production de voitures en 2016, d’être moins bien payés, et d’abandonner les conventions collectives et toute possibilité de promotion. Alors que toutes les usines d’Opel en Allemagne ont été contraintes par le syndicat et le comité d’entreprise à accepter ce plan, les travailleurs de Bochum ont refusé de financer leurs propres funérailles avec des réductions salariales.

    En riposte, la direction de General Motors a annoncé en avril 2013 la fermeture définitive de l’usine pour fin 2014. 5 mois plus tard, rien n’a changé, et aucune piste n’a été avancée pour contre-attaquer.

    Une attaque de la direction en accord avec les syndicats

    Il y a en Europe un surplus de 7 millions de voitures (Financial Times, 1er août 2013). Sur un marché en déclin généralisé, Opel se porte particulièrement mal. Ses parts de marché en Europe de l’Ouest sont passées de 11% en 2011 à 6,8% au premier semestre 2013. Le syndicat allemand IG Metall a déclaré que les usines Opel en Europe fonctionnent à 50% de leurs capacités.

    General Motors a mis fin à la production à Anvers en décembre 2010. Les travailleurs des autres usines ont été menacés et forcés à accepter des conditions de travail et des salaires inférieurs.

    Au centre du problème, la soumission des syndicats et des comités d’entreprise à la ‘‘course vers le fond’’ : un plan de chantage visant à diviser les travailleurs pour assurer la logique de compétitivité et de profits des patrons.

    En mai 2012, le syndicat britannique Unite a accepté des horaires plus lourds, une perte de salaire, plus de flexibilité, et même un relais des équipes le week-end pour faire gagner à la direction le conflit interne sur les futurs modèles et la production. Pour ‘‘sauvegarder’’ les postes à Ellesmere Port près de Liverpool, Unite a même insisté pour qu’en échange de réductions de salaires, la direction promette de ne plus produire le modèle Astra dans plus d’une usine, alors que la production était encore en cours dans deux autres.

    Certains délégués syndicaux d’Ellesmere Port étaient véritablement convaincus qu’il n’existait pas d’alternative à ces concessions. Mais le rôle des représentants syndicaux devrait être d’expliquer clairement la situation et de préparer les travailleurs à de futures batailles. Mais à la place, ils ont causé un effet démoralisateur et démobilisant en faisant de ces concessions une stratégie pour ‘‘sauver’’ l’emploi. En pratique, une couche de dirigeants d’Unite a accepté cette prétendue ‘‘perte inévitable’’ d’emplois et d’usines dans le cadre de la crise capitaliste de la production automobile en Europe.

    En juin 2012, le syndicat IG Metall a accepté de ne pas accorder l’augmentation de 4,3% à laquelle les travailleurs d’Opel avaient droit selon leur contrat. Cela faisait partie du “Deutschland-Plan” (plan pour l’Allemagne) visant à augmenter la compétitivité de l’entreprise face à d’autres entreprises appartenant à General Motors. Ce plan comprenait déjà la fermeture de l’usine de Bochum en 2016. La production de l’Astra, le modèle le plus important pour Opel, sera délocalisé hors d’Allemagne.

    Cependant, la stratégie des concessions ne paie pas. Le ‘‘vainqueur’’ principal (à long terme, il s’agit de toute façon des patrons) semble ne pas être Ellesmere Port, mais bien l’usine polonaise de General Motors à Gliwice. L’année dernière, Ellesmere Port a vu sa production baisser. Les travailleurs ont été contraints à une semaine de 4 jours et la production a cessé durant une semaine.

    Le soutien des dirigeants des comités d’entreprise de Rüsselsheim près de Francfort contre l’usine de Bochum a entraîné l’arrêt de la production de l’Astra et n’a été compensé que par le transfert de la production du modèle Zafira de Bochum à Rüsselsheim. Leur propre avenir est incertain.

    Dans ce jeu du patronat, tous les travailleurs sont perdants, seul leur degré de souffrance change. Les décisions de la direction ont déjà été approuvées de facto par les comités d’entreprise et les syndicats européens.

    Une stratégie pour sauver l’emploi

    Le directeur des comités d’entreprise d’Opel en Allemagne, Wolfgang Schäfer-Klug, a défendu le “Deutschland-Plan’’ et toutes ses concessions pour ‘‘défendre’’ les emplois en Allemagne, tout en critiquant de manière hypocrite le syndicat britannique pour ses concessions.

    Le dirigeant d’IG Metall a même indiqué que les traditions combatives de Bochum ont mené à la fermeture de l’usine. Dans une interview, il a déclaré que ‘‘le radicalisme excessif peut au final remettre le futur d’un site en question.’’ Les patrons de General Motors ont peut-être bien choisi de punir Bochum à cause de son passé rebelle. L’entreprise pense d’ailleurs cesser sa production en Corée du Sud à cause de la force des syndicats et de l’effet des récentes grèves là-bas. Cependant, sans la résistance combative des travailleurs de Bochum, l’usine aurait déjà fermé il y a longtemps ! Il est du devoir des syndicats et des dirigeants comme Wolfgang Schäfer-Klug de défendre ses traditions, pas de les jeter à la poubelle.

    Malgré son argumentaire contre le “Deutschland-Plan’’ et ses encouragements aux travailleurs de Bochum pour qu’ils votent contre, le dirigeant du comité d’entreprise de Bochum, Rainer Einenkel, n’a proposé aucune alternative de lutte. Au contraire, il a appelé à la ‘‘prudence’’, sans faire quoi que ce soit d’autre. Sa stratégie semble être d’espérer renégocier les termes du contrat avec General Motors. Il les appelle à ne pas endommager davantage l’image d’Opel en fermant l’usine de la Ruhr. Il a aussi symboliquement attaqué Opel en justice pour que l’usine ne soit pas fermée.

    Pour une semaine de 30 heures chez General Motors sans perte de salaire!

    Nous avons besoin d’une réelle stratégie pour mettre fin aux plans de la direction et défendre tous les emplois et toutes les usines. Le premier pas, c’est de mobiliser et de contre-attaquer immédiatement. Il faut décréter la grève.

    IG Metall en Allemagne, Unite en Grande-Bretagne, et d’autres syndicats ont le pouvoir d’organiser la résistance. Il faut pousser leur direction vers l’avant. Cependant, les travailleurs de Bochum ne peuvent pas attendre le réveil ou le remplacement de la direction. Il faut un mouvement de la base, qui démarrerait avec une grève et l’envoi de délégués dans d’autres usines pour ouvrir le débat sur la manière de défendre les emplois et les usines. Cela pourrait trouver un écho favorable dans la région de la Ruhr.

    Un tel mouvement a besoin d’une solution pour gagner. A Bochum, les travailleurs peuvent lier leur lutte pour la défense de tous les emplois à la demande du gouvernement fédéral et de l’Etat régional de Rhénanie-Du-Nord-Westphalie de nationaliser l’usine et d’en arrêter le déclin. Sous le contrôle des travailleurs, une stratégie peut être développée afin d’utiliser l’usine et sa main d’œuvre qualifiée pour produire des bien socialement nécessaires, et pas seulement des voitures.

    Comme General Motors ne désire pas continuer à faire tourner ses usines sans licenciements ou attaques sur les droits des travailleurs, elles devraient être nationalisées sous le contrôle des travailleurs. Un plan d’urgence de production pourrait être décidé pour utiliser les ressources de ces travailleurs talentueux et celles des usines. Là où c’est nécessaire, on pourrait remplacer la production de voitures par la production d’autres biens socialement nécessaires. Ces usines ne seraient alors plus sources de chômage, mais d’apprentissage et d’emplois pour les jeunes.

    General Motors a annoncé de nouveaux profits tout en attaquant les emplois et les conditions de travail des travailleurs. Que General Motors rendent ses comptes publics, et pas que eux d’Opel et Vauxhall ! Que les travailleurs sachent où sont allés les gigantesques profits, les baisses d’impôts et les subsides !

    Pour répandre la lutte, il faut aussi une stratégie pour mettre fin à la politique de division. L’argument principal de la direction, et aussi malheureusement celui des syndicats de droite, c’est la crise de surproduction qui touche l’industrie automobile. C’est la base de la stratégie visant à diviser les travailleurs des différentes usines. En ce moment, les travailleurs de Rüsselsheim, Ellesmere Port ou Gliwice espèrent bénéficier d’une certaine manière de la fermeture de Bochum.

    Un premier pas pour mettre fin à cet argument serait une campagne immédiate pour la réduction des heures de travail : pour une semaine de 30 heures sans perte de salaire dans les usines de General Motors (Opel, Vauxhell) en Europe et ailleurs. Cela donnerait un exemple aux travailleurs de l’automobile d’autres entreprises, qui les pousserait à ne pas accepter la surproduction comme un problème, mais à partager la charge de travail et à faire payer les patrons.

    Encore une fois, cela serait bien plus efficace si les directions syndicales faisaient leur travail… Mais sans avoir à les attendre, des visites de délégations de la base dans d’autres usines pourraient élargir le mouvement de protestation. Les militants syndicaux devraient faire campagne pour exiger la fin de la division des travailleurs au sein des syndicats, et défendre les emplois, les conditions de travail et les salaires.

    Cela aidera aussi les travailleurs de Bochum, qui se sentent abandonnés par les collègues des autres usines à cause de la politique des syndicats. Cela mettrait fin à l’isolement et créerait un mouvement de lutte généralisé capable de mobiliser l’énergie nécessaire pour une riposte efficace.

    Il faut une direction combative pour organiser cette lutte unifiée. Cela créerait la base pour mobiliser les travailleurs pour sauvegarder toutes les usines. Les syndicats doivent être transformés en outils combatifs, basés sur la démocratie interne. Ils doivent nouer des liens étroits entre les travailleurs partout en Europe et dans le monde. Un mouvement militant des travailleurs et des syndicats est essentiel afin de lutter pour ces changements, développer de nouveaux liens entre les représentants des travailleurs de différentes usines et de différents pays pour faire tomber les barrières et unir la résistance.

  • Ce jeudi 26 septembre, à Bruxelles, on manifestait contre le gel des salaires

    Entre 100 et 200 militants étaient réunis jeudi dernier devant la Colonne du Congrès à Bruxelles pour manifester contre le gel des salaires. En effet, le gouvernement belge a décidé de bloquer les salaires pour la période 2013-2014 et même au-delà de 2014 en prévoyant de réviser la loi de 1996 sur la compétitivité des entreprises. Pour s’opposer à cette décision politique, la CNE, la régionale bruxelloise de la CGSP-ALR (Administrations Locales et Régionales) et les Comités Action Europe étaient à l’initiative de cette action intitulée “Gelons les profits, pas les salaires ! Contre le gel des salaires, encerclons le Parlement !” Les sections bruxelloises d’EGA et du PSL étaient bien présentes et motivées. Malgré le petit nombre de manifestants, un enthousiasme pour agir concrètement et renverser la vapeur était bien présent.

    Par Maxime (Bruxelles)

    Aujourd’hui, il est important de comprendre l’enjeu que représente cette modification de la loi de 96. Derrière le blocage des salaires, c’est une logique idéologique qui s’inscrit dans les nouvelles politiques néolibérales de “réformes structurelles” et “d’austérité”. Les divers gouvernements belges se sont déjà attaqués aux chômeurs, aux usagers et aux travailleurs des transports en commun, à la culture, aux cheminots, à l’enseignement, à la santé,… Tout ça pour faire des sacrifices “nécessaires” et répondre à des impératifs de ‘‘rigueur’’ budgétaire.

    Pour tous les gouvernements (avec participation “socialiste”), les recettes de la droite et du patronat sont les pistes pour sortir de la crise de la dette, provoquée elle-même par la crise bancaire de 2008 et le sauvetage des banques qui a suivi. Bien sûr, cette idée de répondre à un problème en l’aggravant ne répond pas à l’idée de renouer avec la croissance créatrice d’emplois… Même si c’est ce que prétendent nos dirigeants.

    Non, ce qui se trame derrière cette logique d’austérité et “d’efforts raisonnables” (pour reprendre certains journalistes si “partiaux”) c’est surtout le maintien des profits des grands capitalistes. Le gouvernement prend des mesures qui vont miner les perspectives économiques en réduisant la consommation des ménages ? Ce n’est pas grave pour le patronat puisque ses profits perdus vont être rattrapés par le fait que toutes les conquêtes sociales du monde du travail vont être détruites! Au nom de la compétitivité évidemment! Le gel des salaires, ce n’est qu’un début… Les coupes budgétaires, les licenciements massifs, les privatisations et les libéralisations vont suivre… Et les travailleurs qui auront la chance de garder un emploi, seront obligés d’accepter un contrat beaucoup plus précaire et sans aucune protection collective.

    Cette logique peut être contrée. Il nous faut renouer avec un syndicalisme démocratique et de lutte. Il nous faut un plan d’action avec des grèves générales discutées et organisées à la base, pour contrer ce gouvernement.

    Voici ci-dessous des photos de la manifestation, prises par Solid Photos.

  • Ils bloquent nos salaires ? Bloquons leur politique !

    Le blocage des salaires imposé par le gouvernement Di Rupo pour les années 2013-2014 (et destiné à perdurer avec la révision de la loi de 1996 sur la formation des salaires) a fait grincer bien des dents, et il y a de quoi. Nos factures, elles, poursuivent leur courbe ascendante, et avec les diverses manipulations du calcul de l’indexation automatique des salaires, celle-ci ne correspond pas à l’augmentation réelle du coût de la vie quotidienne.

    Vous devenez rouges de colère en tenant en main votre facture d’électricité? Soyez certain que cet argent est bien géré : Elia (gestionnaire du transport d’électricité en Belgique) l’a notamment utilisé pour engager son ancien patron, Daniel Dobbeni, comme consultant. Salaire : 400.000 euros pour 170 jours… soit 2.400 euros par jour ! Les syndicats s’opposent bien entendu à ce gel des salaires révoltant, certainement au regard des salaires scandaleux des patrons des entreprises publiques et privées. La presse en a largement fait écho.

    C’est d’abord la centrale des métallos wallons et bruxellois de la FGTB (MWB) qui a déposé une requête auprès du Conseil d’Etat, rejointe ensuite par la centrale des employés de la CSC (la CNE). Ensuite, la FGTB, la CSC et la CGSLB ont ensemble déposé une plainte auprès de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), toujours contre le gel des salaires. Dans ces deux cas, l’argumentation est la même : l’arrêté royal ne respecte pas la liberté de négociation.

    ‘‘Ce gel nous empêche de négocier une hausse des salaires, ce qui est pourtant l’un des droits de base du travailleur. C’est une violation des conventions de l’OIT en matière de liberté de négociation’’, a défendu le président de la CSC Marc Leemans. C’est très correct. Mais, dans le cas de l’OIT, la Belgique peut être condamnée… à rien du tout. Ce ne serait qu’une condamnation morale qui serait ‘‘tout de même un camouflet pour notre pays’’, poursuit Leemans, ‘‘La Belgique se retrouverait alors en compagnie de pays comme la Colombie ou le Guatemala, souvent pointés du doigt par l’OIT.’’ Patronat et gouvernement n’ont qu’à bien se tenir…

    Nous n’avons aucun problème à utiliser tous les moyens qui sont à notre disposition pour défendre les travailleurs, leurs acquis sociaux et leurs droits, y compris la justice belge et l’OIT. Mais soyons clairs : sans le poids de la lutte active du mouvement organisé des travailleurs, jamais nous n’aurions eu la journée des 8 heures, ni même le droit de simplement faire grève !

    Sans construction d’un rapport de force, dans la rue et dans les entreprises, impossible de faire face au tsunami antisocial que nous réservent le patronat et ses marionnettes politiques. Les petits outils juridiques et autres ne doivent servir qu’à renforcer la lutte effective, pas de prétexte pour éviter de mener le combat sur le terrain. Les syndicats avertissent que le système de concertation sociale belge est sans cesse rompu par le patronat et son avidité. Il serait grand temps d’en prendre acte, d’en tirer les conclusions pratiques et d’en revenir au syndicalisme de combat et de lutte qui n’aurait jamais dû être délaissé.

    Avant l’été, tous les appels à l’action avaient pu compter sur une réponse enthousiaste et massive, mais nous en sommes restés à attendre le prochain pas à poser, sans perspectives de plan d’action clair et constructif. Nous avons perdu un temps précieux, mais il n’est pas trop tard pour organiser notre combat.

    Le 26 septembre dernier, une petite manifestation a eu lieu à Bruxelles contre le gel des salaires à l’initiative de la CNE, de la régionale bruxelloise de la CGSP-ALR (Administrations Locales et Régionales) et des Comités Action contre l’austérité en Europe. Ce fut une action limitée mais qui, incontestablement, s’est située dans la voie à suivre pour obtenir un réel résultat : celle de la résistance active.

  • ArcelorMittal – Interview d’un délégué syndical : ‘‘Nous n’avions pas les bonnes stratégies’’

    Ce mois d’octobre, cela fera 2 ans déjà qu’ArcelorMittal a annoncé la fermeture de la phase à chaud liégeoise. Plus d’un an plus tard, la fermeture de 7 des 12 lignes de la phase à froid a également été annoncée. Nous en avons discuté avec un délégué de l’entreprise.

    Interview réalisée par Nicolas Croes

    Quel regard portes-tu sur ces deux années ?

    C’est un regard fort amer. Pourquoi? Je pense que nous avons manqué de certaines stratégies à mettre en place. Avec le front commun, que nous avons voulu soutenir le plus possible malgré les divergences, on n’a pas tout essayé. Il fallait y réfléchir quitte même à y passer des journées entières et des nuits blanches.

    Les médias, c’est un bon exemple. Il fallait mettre à mal l’image de Mittal, c’est un personnage qui tient beaucoup à son image de marque, et cela n’a pas été fait. Il tenait à ce qu’on dise de lui qu’il négociait bien, mais comment voulez-vous discuter avec une multinationale qui ne revient sur aucune de ses décisions et qui ne donne aucune garantie fiable ? Il se réfugie derrière le prétexte de la crise, mais elle a bon dos, la crise. Nous avons quand même un taux de rentabilité de 5 à 7%. Mais Mittal, lui, veut un rendement de 15% à 20%, à l’exemple de ce qui existe dans le secteur minier. Il a d’ailleurs beaucoup investi dans ce secteur.

    Mais nous avons surtout raté l’occasion de créer un précédent européen. Avec une solidarité et une cohésion convenable entre les sites des différents pays, il y avait moyen de freiner le tsunami Mittal. Le précédent aurait été créé si les ministres de l’industrie français, luxembourgeois et belge avaient clairement pris position pour les travailleurs.

    La stratégie syndicale a beaucoup reposé sur l’appel à l’aide aux partis politiques traditionnels, et particulièrement à Jean-Claude Marcourt. Une approche qui s’est révélée payante ?

    Jean-Claude Marcourt est le ministre en charge du dossier à la Région Wallonne, mais nous n’avons globalement pas eu l’appui des politiques du gouvernement wallon, du fédéral et de l’Europe ! Le PS n’est pas à gauche, on le sait. Marcourt a beaucoup joué sur l’espoir qu’il donnait aux travailleurs. Il avance en lançant de la poudre aux yeux. Ce gouvernement wallon est inodore, incolore, insipide !

    A la dernière réunion de la Task Force (qui réunissait des représentants syndicaux des métallos, du gouvernement wallon et de divers organismes publics), Marcourt a donné des espoirs qui ont stupéfait. Patrick Remacle, le journaliste de la RTBF qui a réalisé le reportage ‘‘Ni chaud, ni froid’’, était également présent avec nous et nous a dit ce jour-là ‘‘Marcourt s’est considérablement avancé.’’ Mais le fameux repreneur dont il a été question, Qatar Steel, c’était un mirage ! Aucune multinationale ne veut se mettre Mittal à dos.

    Marcourt avait analysé plusieurs schémas et celui qu’il voulait retenir était de garder l’ensemble du bassin avec un haut-fourneau en activité… Après, il n’est plus revenu sur ce schéma qui sauvait pratiquement tous nos emplois. C’est un véritable scandale de nous avoir traité comme ça. Ne sauver que le bassin avec les cinq lignes stratégiques dans le froid, c’est du court terme. Avec les 5 lignes du Froid qui restent, on ne parle que de sauver 845 ‘‘ETP internes’’ (Equivalents temps plein internes). Pourquoi parle-t-on ainsi et pas de CDI ArcelorMittal ? C’est parce qu’il y a des temporaires dans ce diktat de Mittal ! A cela il faut rajouter les emplois qui seraient prévus par la reprise de la cockerie et de l’énergie par le groupe Oxbow Mining LLC. Le discours de la direction d’ArcelorMittal, ce sont des phrases du genre : ‘‘Mettre en place une organisation LEAN et un nouveau fonctionnement permettant à Liège de retrouver une rentabilité positive.’’ Et quoi, ça existe la rentabilité négative ? Quant au LEAN (organisation du travail en structure allégée), ça veut dire une flexibilité et une externalisation à outrance.

    C’est sur ces 845 ETP que Mittal joue beaucoup maintenant afin de faire pression sur les syndicats pour qu’ils acceptent le plan social et industriel ?

    Mittal a joué sur le saucissonnage de notre entreprise avec une grande stratégie. D’abord l’annonce dans le Chaud en prenant l’emploi dans le Froid en otage, puis maintenant avec la fermeture de 7 des 12 lignes du Froid. C’était très tactique de sa part. Si tout avait été annoncé d’un coup, le choc aurait été trop grand, et la riposte aussi !

    Nos hauts dirigeants syndicaux ont eu peur d’actions plus résolues. Faire des manifestations, nous, on veut bien, mais il faut faire des actions intelligentes. Ça commence à bien faire. Nous étions d’accord pour aller au Parlement wallon à Namur, au Parlement européen à Strasbourg, voire même au siège d’ArcelorMittal au Luxembourg (où nous ne sommes finalement pas allés). Mais il ne fallait pas s’arrêter là. A Strasbourg, c’était certain que le comité d’accueil des CRS allait être violent après ce que l’on avait déjà subi à Namur.

    Il fallait aller vers les autres sites de Mittal. C’était ça, aller vraiment au combat. Il fallait mener la guerre à l’intérieur de son groupe, en arrêtant les lignes et en occupant les sites, en faisant des actions en même temps à Sidmar, Florange voire même Brème ou Dunkerque. Mais les délégations syndicales ont refusé d’étendre le conflit dans cette voie. La solidarité entre sites n’a jamais été construite. Chacun tire la couverture à soi, et Mittal sait jouer là-dessus. Mais avec un blocage de Sidmar et de Florange, il y avait moyen de le faire plier. En ayant mené ces actions, comme Mittal a des entreprises dans toute l’Europe, même la presse chinoise aurait parlé de nous ! Nous n’avions pas suffisamment d’experts de qualité en sidérurgie et d’avocats spécialisés pour nous appuyer dans notre combat ! Nous aurions dû nous inspirer du combat des travailleurs de Continental, les Contis, en France !

    Les politiques laissent couler les travailleurs comme à Carsid, à Caterpillar et à Ford-Genk. Pour ne prendre que le cas de la sidérurgie wallonne, nous n’avons plus aujourd’hui de haut-fourneau allumé. Il ne reste plus que ceux de Sidmar à Gand. C’est un véritable scandale.

    Que penses-tu du mot d’ordre de nationalisation des sites ?

    Aujourd’hui, nous payons les politiques menées dans le passé. En Wallonie, nous aurions dû avoir depuis des années une sidérurgie publique wallonne en rassemblant les deux grands bassins de Liège et de Charleroi, avec une stratégie à long terme. Cela signifie une synergie totale entre les deux sites. Nous possédons de grandes infrastructures fluviales, ferroviaires et routières. Nous avons la technologie, un grand savoir faire, nous sommes à la pointe, avec un centre de recherche très calé. Nous aurions pu développer des produits à haute valeur ajoutée dans les secteurs sidérurgiques et métallurgiques. D’ailleurs, Mittal ne veut que prendre tout notre savoir et le développer ailleurs.

    Mais il n’y a pas eu de stratégie industrielle ces trente dernières années, en Wallonie, en Belgique et en Europe. C’est ça le néolibéralisme, c’est violent, c’est une vision à court terme. L’Union Européenne n’a pas d’alternative à la mondialisation, elle n’a aucune volonté de revenir sur cela. La crise actuelle est pourtant révélatrice de l’échec de ce modèle. L’Europe n’a pas de volonté pour le bien-être des travailleurs, elle brade tous nos acquis sociaux sur l’autel de la course au profit. Bien sûr, nous devons commercer avec le monde entier, mais pas sur les bases du capitalisme.

    Je ne suis pas contre l’Europe. Mais on a un euro des spéculateurs et une Union Européenne de la Bourse. Par exemple, les services publics sont détruits par les directives européennes, cela crée d’énormes dégâts sociaux. Nous n’avons pas de bonnes lois de protection sociale, il n’y a même pas de discussions pour un salaire-minimum européen, tout est fait pour démolir les lois sociales existantes. On nous présente le Modèle allemand comme le meilleur, mais je suis content qu’on commence dans les médias à parler des salaires de misère en Allemagne et du nombre incroyable de travailleurs précaires. Ce modèle allemand vit au détriment de tous les autres pays européens et de ses propres travailleurs.

    Selon toi, que faut-il construire aujourd’hui pour renforcer le combat des travailleurs d’ArcelorMittal et d’ailleurs ?

    Nous n’avons pas d’Europe sociale, mais nous n’avons pas non plus d’Europe syndicale. C’est ça qui est triste. C’est le grand virage que nous avons raté à ce niveau là. Ce syndicalisme européen reste à construire mais pour cela il faut des dirigeants syndicaux combatifs au niveau national et européen.

    La question vient aussi de l’alternative politique, on doit construire – en Belgique et dans toute l’Europe – une vraie gauche, avec une vraie politique sociale, en regroupant les organisations de la gauche radicale. On a besoin d’une nouvelle gauche unie dans le combat.


    Le PSL défend, pour sauver l’emploi, la nationalisation de la sidérurgie sous le contrôle démocratique des travailleurs, sans rachat ni indemnité, avec comme première étape en ce sens l’occupation de l’entreprise par les travailleurs.

    Plus d’informations:

  • Nouvelle manifestation des métallos d'ArcelorMittal à Namur

    Ce lundi, quelques centaines de travailleurs d’ArcelorMittal se sont rendus à Namur afin de soutenir leurs représentants à la table de négociation avec des représentants de la direction de la multinationale et du gouvernement wallon.

    En mars dernier, suite à une autre manifestation des métallos, nous avions écrit dans notre rapport : “Nombreux sont ceux qui – en plus du manque de perspective claire pour la poursuite du combat – nous ont parlé de la présence particulièrement limitée à cette action. Le sort de l’acier liégeois concerne pourtant directement des milliers de personnes. L’égoïsme serait-il donc tellement répandu ? N’est-ce pas plutôt l’expression d’une lassitude et d’un découragement après avoir été baladés vers Namur, Strasbourg ou encore Bruxelles ? Depuis le début du conflit, en octobre 2011 déjà, beaucoup se sont sentis comme pris au piège dans un sombre tunnel sans percevoir la moindre lumière au loin, sans échéancier d’action clair, sans débat sur la stratégie à adopter, sans construction effective d’un véritable rapport de force. La lutte peut tenir un moment sur le sens du devoir et la colère, deux éléments qui sont très certainement présents chez les métallos, mais il est maintenant plus que temps de sérieusement organiser la lutte, au risque de voir le noyau dur se retrouver à courte échéance totalement isolé de la majorité des travailleurs.”

    “(…) Si longtemps après le début du combat, tous les travailleurs ont un avis sur la manière dont la lutte a été orientée jusqu’ici. Pourquoi ne pas commencer par organiser des assemblées générales sur les différents sites, en plus petits nombre, afin de laisser la parole aux travailleurs ? Ce serait aussi un excellent moyen de remobiliser les nombreux métallos qui se sont mis sur le bord du chemin.”

    Il nous semble aujourd’hui que ces lignes ont gardé toute leur pertinence.

    • Pour des assemblées générales démocratiques et l’élaboration d’un plan d’action avec l’implication de l’ensemble des travailleurs !
    • Pour l’occupation des sites et leur transformation en centres névralgiques d’une campagne massive pour la nationalisation de la sidérurgie sous le contrôle des travailleurs, et en tant que premier pas en cette direction ! Organiser, mobiliser, occuper et exproprier pour nationaliser !
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