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Tag: Rustenburg
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Afrique du Sud : Au massacre de Marikana doit répondre une grève générale ! Pour la nationalisation des mines sous le contrôle des travailleurs !
Le Democratic Socialist Movement condamne le massacre des grévistes de Lonmin. Cet assaut massif de milliers de policiers armés contre des travailleurs largement désarmés ne constitue en rien un accident. Il s’agit d’une tentative préméditée de la classe dirigeante capitaliste visant à restaurer leur règne – la dictature des patrons – en écrasant l’insurrection des mineurs dans le sang. La police, l’armée, le gouvernement, les patrons de Lonmin et toute l’élite capitaliste, nous avons malheureusement à rajouter les dirigeants du Syndicat National des Mineurs (NUM), sont unis du même côté dans cette guerre de classe. Pour eux, la mort de ces plus de trente personnes n’est qu’une légère irritation face à la sauvegarde de la valeur de leurs actions et de la taille de leurs profits. Leur richesse se construit avec la sueur, les larmes et la faim de la classe ouvrière, leur sang même si nécessaire. Il est grand temps pour la classe ouvrière de se lever et de riposter avec une grève générale de toutes les mines du nord oust et les collectivités de travailleurs.
Déclaration du Democratic Socialist Movement (CIO-Afrique du Sud)
La police a bien pu noyer la grève de Lonmin dans le sang pour l’instant, mais cela ne mettra pas fin la guerre qui a éclaté à Rustenburg. Les racines du conflit sont profondément ancrées dans le système capitaliste, dans la crise économique globale et dans la crise de la direction de la classe des travailleurs. Le prix du platine a sérieusement baissé en raison de la crise économique et les patrons des mines s’en prennent aux travailleurs pour le leur faire payer. En diminuant la production, ils espèrent maintenir le prix du platine et leurs profits au plus haut. Les dirigeants syndicaux du Syndicat National des Mineurs (NUM) et du Congrès des syndicats sud-africains (Cosatu) n’ont pas organise la défense contre ces attaques capitalistes, car ils ne voient aucune alternative à la logique du système capitaliste dont ils font de plus en plus partie des gestionnaire dans le cadre de leur alliance avec l’ANC actuellement au pouvoir. La politique de collaboration de classe du Cosatu, des dirigeants aux délégués de base, en est le résultat suicidaire.
En trahissant chaque principe de base de la lutte des travailleurs, les dirigeants du NUM sont devenus les agents des patrons des mines. Au cours de ces dernières années, les travailleurs de Murray et Roberts, Lonmin, Impala, Samancor et Anglo ont été forcés d’entrer encore et encore en rébellion contre les dirigeants du NUM qui avaient conclu des accords avec la direction des mines dans le dos des travailleurs. Cela a forcé les représentants du NUM à prendre l’habitude de s’adresser aux travailleurs armés ou protégés par des véhicules blindés de la police. Les dirigeants du NUM ont tué le syndicat en acceptant d’être au service des patrons, de se faire acheter des maisons et des cars et d’investir l’argent des travailleurs dans des joint ventures avec les patrons.
Le NUM n’ pas offert de voie permettant aux travailleurs d’aller de l’avant sur base d’une unité de classe, et a au contraire permis le maintien de dangereuses tendances tribales utilisées par les patrons pour diviser les travailleurs entre eux et empêcher la liaison avec les communautés locales de travailleurs.
Alors que les travailleurs de Lonmin luttent aujourd’hui pour un salaire de 12500 rands (environ 1.200 euros), le NUM a appelé la police et l’armée à intervenir alors que le dirigeant du syndicat NUM vient juste de recevoir une augmentation mensuelle de 40.000 rands (3.800 euros). En s’impliquant dans la lutte pour effectivement briser la grève de Lonmin, en autorisant ses membres à être utilises par les patrons pour diviser la lutte et en appelant les patrons, la police et l’armée à réprimer la grève, la direction du NUM a franchi la ligne de classe.
L’Association des travailleurs des mines et de la construction (AMCU) a rempli le vide laissé par la trahison des dirigeant du NUM, mais il reste encore à voir si elle pourra unir les travailleurs derrière une réelle alternative.
Le DSM pense que pour que l’AMCU puisse offrir une voie favorable aux travailleurs, elle devra se baser sur un programme qui reconnait que ce qui se produit à Rustenburg est une phase plus intense de la guerre de classe dans laquelle les patrons du secteur du platine, de même que leurs collègues à travers le monde, s’engagent pour faire payer le prix de la crise globale croissante aux travailleurs. Dans cette situation, les syndicalistes doivent prendre le camp de leurs patrons, comme le NUM l’a effectivement fait, ou alors se battre et riposter contre les patrons, contre les fermetures d’entreprises et contre les autres attaques en lançant une campagne de masse pour la nationalisation des mines sous le contrôle et la gestion des travailleurs.
Un syndicat méritant son nom devrait également appeler tous les travailleurs, qu’ils soient membres de l’AMCU, du NUM ou d’un autre syndicat, à s’unir derrière les revendications pour de meilleurs salaires. La crise ne pourra être résolue que par une unité qui défie les lignes des syndicats et des tributs.
Nous n’avons aucun doute que ce sont les policiers et les agents de sécurité de la mine qui ont attaqué les travailleurs en premier, comme cela a déjà été le cas en de nombreuses reprises dans le passé. Trois travailleurs de M&R à Marikana avaient encore été tués par la police et les agents de sécurité de la mine lors d’une manifestation le premier août. Deux autres travailleurs sur la vingtaine de blesses sont morts par la suite. Nous défendons le droit des travailleurs de se défendre eux-mêmes, de façon disciplinée. C’était une erreur de la part des travailleurs de Lonmin de répondre en tuant deux gardes de sécurité le samedi et deux policiers le lundi. Cela ne fait pas avancer la lutte mais la divise en donnant à la police, aux patrons des mines et à l’Etat de quoi justifier l’écrasement de la grève.
Le DSM appelle les travailleurs de l’AMCU et du NUM à revendiquer de leurs syndicats :
- d’organiser immédiatement des actions de grève de solidarité dans toutes les mines du nord ouest derrière la revendication des travailleurs de Lonmin pour de meilleurs salaires et pour le retrait de l’armée et de la police,
- d’appeler toutes les collectivités de travailleurs de rejoindre les actions de solidarité pour de meilleurs salaries et pour que les richesses du platine soient consacrées à la satisfaction des besoins de tous,
- d’appeler et de préparer une grève générale en protestation contre le massacre et pour de meilleurs salaires
- de mettre sur pied une commission des syndicats et des grévistes pour mener investigation sur le massacre de Marikana,
- d’organiser des comités disciplines d’auto-défense afin de mettre fin à la mort de camarades travailleurs,
- de lancer une campagne d’actions de masse pour la nationalisation des mines sous le contrôle et la gestion démocratique des travailleurs.
Envoyez une lettre de protestation au siège de Lonmin à Londres
L’adresse de contact de Lonmin à Londres est : contact@lonmin.com. Envoyez une copie à : dsmcwi@gmail.com. Voici ci-dessous un exemple de lettre :
Attention: CEO Ian Farmer and Chairman Roger Phillimore,
I/ we …………………….. call on Lonmin to intervene to stop the massacre of its striking workers at Marikana, South Africa immediately. A yet unknown number of striking workers were shot dead on August 16 by police in an orchestrated confrontation which was the direct result of Lonmin’s withdrawal from negotiations with the workers who are striking for a living wage.
We demand that Lonmin steps in to call on the police, army and mine security to withdraw and initiates new negotiations with the representatives chosen by the workers on strike.
We demand that Lonmin withdraws its threat to dismiss all striking workers with immediate effect.
We demand the full satisfaction of the striking workers’ just demands
Only such steps could possibly take away from the fact that Lonmin is currently part of orchestrating a mass murder on largely defenceless workers in defence of its share price.
Yours …
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Afrique du Sud : Bilan des élections locales de mai 2011
L’ANC garde une large majorité, mais son autorité politique est affaiblie
L’analyse officielle du résultat des élections locales du 18 mai en Afrique du Sud est plutôt ennuyeuse. Bien que les élections aient marqué un développement dans un bien plus grand scrutin pour le plus grand parti d’opposition, l’Alliance démocratique (DA), et un léger déclin des voix pour le Congrès national africain (ANC), cela n’est pas en soi une cause de souci pour le parti au pouvoir. L’ANC a, comme d’habitude depuis les premières élections démocratiques en 1994, récolté une écrasante majorité des voix (63%).
Liv Shange, Democratic Socialist Movement, section sud-africaine du CIO
La DA n’est certainement pas en état de rivaliser avec cela, malgré sa percée à 23% (contre 16% lors des dernières élections, en 2006). Cependant, sous la surface, ces élections marquent un important tournant – les mouvements de protestation passifs du passé, tels que l’abstention ou l’apathie pure, ont commencé à se transformer en des tentatives actives d’obtenir une représentation ouvrière indépendante.
Dans un contexte d’intensification des luttes dans les communautés ouvrières pauvres et dans les entreprises, en plus du dégout croissant envers le mode de vie de luxe et de corruption des élites dirigeants, le nombre de candidats indépendants et de nouvelles organisations militantes – la plupart avec une orientation socialiste – s’est élevé à un niveau sans précédent. Plusieurs de ces nouvelles formations ont maintenant obtenu une avancée significative.
Le résultat final des élections a été publié le 24 mai : l’ANC a reçu 63%, contre 66% lors des dernières élections locales en 2006 et des élections parlementaires de 2009. La DA, qui est un parti néo-libéral dominé par des blancs, a gagné des voix après avoir été rejoint par un autre petit parti (les Démocrates indépendants), et a organisé une campagne intense dans le but de se présenter en tant qu’“opposition officielle”. Malgré ses tentatives désespérées de se débarasser de son étiquette pro-apartheid, voter pour la DA est toujours quelque chose d’impensable pour la plupart des noirs. Cependant, il ne faudrait pas exagérer l’importance des gains de la DA, et en particulier sa capacité à construire sur base de cette progression et sans avoir aucune alternative à offrir à la classe ouvrièr. Le fait que la DA soit parvenue à passer la barre des 20% (avec quelques gains dans des quartiers ouvriers noirs) est surtout important pour l’effet que cela a sur la confiance en soi de l’ANC, et pour la manière dont cela va accélérer le processus qui mènera à démasquer ce parti de droite au regard de ceux qui lui ont aujourd’hui donné des votes de protestation ou qui croient réellement que cela va changer quelque chose.
Dans un climat de polarisation sociale et politique croissante, le taux de participation aux élections a été plus élevé que d’habitude lors des élections locales, en même temps que les petits partis d’opposition ont perdu de leur soutien. La chute la plus abrupte a été celle du Parti Inkatha de la liberté (IFP) – un ancien parti séparatiste zoulou anti-apartheid qui avait une forte base dans la province KwaZulu-Natal – qui a maintenant totalement disparu, avec l’effondrement quasi-total de ses voix lors de ces élections. Le parti ne contrôle plus que deux municipalités dans le KwaZulu-Natal ; la plupart seront maintenant dirigées par des coalitions de l’ANC et du NFP (Parti national pour la liberté, une scission de l’IFP).
L’ANC et ses partenaires de l’Alliance tripartite – le Parti communiste d’Afrique du Sud (SACP) et le Congrès sud-africain des syndicats (Cosatu, le plus grand syndicat du pays, et historiquement le plus radical) – ont malgré leur victoire été incapable de cacher leur réconfort, tout en proclamant que les voix en leur faveur prouvent la confiance éternelle que placent les gens dans ce parti. Ils se sont au passage sentis obligés d’annoncer des mesures afin d’endiguer la vague de mécontentement croissante contre la gestion des municipalités par l’ANC. Des politiciens vont être “envoyés” dans les “zones à problèmes” afin d’y écouter le peuple. Un nouveau système de redevabilité va être mis en place aussi vite que possible pour les conseils communaux et les maires.
La nervosité de l’ANC est un signe, malgré la large majorité électorale, de la perte d’autorité politique de plus en plus prononcée de ce parti. De prime abord, un regard de plus près par rapport à l’arithmétique des élections révèle en soi le fait que le parti a reçu sa plus petite part des voix depuis 1994 : 63% des 13,6 millions d’électeurs signifie 8,1 million de voix. 23,7 millions de gens sont inscrits en tant qu’électeurs – en d’autres termes, cela signifie que 10 millions de personnes se sont abstenues ; plus du double des gens qui ont voté pour l’ANC. L’ANC a reçu seulement 25%% des voix de l’ensemble de la population inscrite aux registres électoraux.
Pendant la campagne électorale, il semblait que l’aura de “libérateur” de l’ANC (provenant de son passé de lutte contre l’apartheid, NDT), bien que celle-ci continue à être son meilleur atout, avait perdu une grande partie de son pouvoir d’attraction aux yeux des travailleurs. Dans les derniers jours de la campagne électorale, les tentatives de jouer cette carte ont pris une tournure plus brutale et raciale que jamais – par exemple, Nceba Faku, un dirigeant de l’ANC à Port Elizabeth, a dit que ceux qui n’ont pas voté pour l’ANC (ciblant en particulier les blancs) devraient être “jetés à la mer”. De manière générale, toutefois, la campagne a été caractérisée par une revue à la baisse de l’arrogance habituelle de ce parti, et l’adoption d’une approche plus humble, du style « Nous savons qu’il y a des problèmes mais s’il-vous-plait donnez-nous une autre chance de les résoudre ».
Le meurtre par la police du manifestant Andries Tatane le 13 avril, juste devant les caméras de la télévision, a lui aussi contribué à cette approche plus prudente. Andries Tatane, âgé de 33 ans, faisait partie des dirigeants d’une manifestation pour de l’eau propre pour le township de Meqheleng, dans la petite ville de Ficksburg. Il s’est lui-même désigné comme cible de la démonstration de force de la police en remettant en question l’aspersion d’un vieillard au canon à eau. Les coups et balles des huit policiers qui ont battu à mort un Tatane sans défense ont été vus au journal télévisé par des millions de gens le soir même, ce qui a ému le pays tout entier. Cela a contribué, parmi d’assez larges couches de la population, à une plus grande compréhension de quelle classe le gouvernement représente en réalité.
La violence policière contre les manifestations n’est pas en soi quelque chose de nouveau ; plusieurs manifestants ont été abattus au cours des dernières années. Un délégué du SAMWU (syndicat des travailleurs des administrations communales) avait lui aussi été tué par la police un mois plus tôt lors d’une manifestation des chauffeurs de bus de Tshwane (= nouveau nom de Pretoria, capitale du pays et cinquième plus grande ville avec 2 millions d’habitants, NDT). Après les élections, d’autres manifestants ont encore été abattus par la police, mais bien à l’abri des caméras de télévision cette fois-ci. La répression étatique fait de plus en plus partie d’une tendance générale vers un populisme de droite autoritaire. La police a reçu l’ordre de “tirer pour tuer”, et est entre autres revenue aux grades et à la formation qui étaient en vigueur du temps de l’apartheid.
La manifestation à Meqheleng n’était qu’une des nombreuses actions qui se sont déroulées au cours des mois qui ont précédé les élections, constituant une autre vague de troubles dans ce qui est en réalité un flux général de “protestations concernant la prestation des services” long déjà de plusieurs années – avec des manifestations et parfois de véritables révoltes locales pour de meilleurs services gouvernementaux tels que le logement, l’électricité, l’eau, les égouts ; contre la corruption et les politiciens égoïstes.
L’Afrique du Sud est officiellement le pays le plus inégal du monde. Le pourcent le plus riche de la population possède 70% de l’économie. Les vingt pourcents les plus pauvres en détiennent 1%. Bien que l’Afrique du Sud soit parvenue à éviter les crises bancaires et la crise de la dette d’État qui a frappé d’autres pays pendant la récession économique mondiale toujours en cours, le pays a été fortement frappé par la crise. La production industrielle a chuté de 7% en 2009. Plus d’un million de gens ont perdu leurs emplois entre début 2009 et la mi-2010, s’ajoutant à la masse déjà présente de chomeurs longue durée, faisant passer le taux de chômage à 36% (25% officiellement). Tout comme en ce qui concerne l’économie mondiale dans son ensemble, la récente reprise en Afrique du Sud est faible et limitée. Cette année, on a déjà vu la grève des travailleurs communaux tels que les éboueurs et les chauffeurs de bus ; mais également les positions de plus en plus dures entre les syndicats du métal et des mineurs et leurs employeurs respectifs pourraient vouloir dire que de nouvelles grèves seront bientôt à l’ordre du jour.
La grève des 1,3 millions de travailleurs du secteur public en aout 2010 a été un important tournant dans l’évolution de la manière dont les travailleurs organisés les plus conscients perçoivent le gouvernement ANC de Jacob Zuma. Le président Zuma est arrivé au pouvoir lors des élections générales de 2009 après avoir pris la direction de l’ANC, porté par la quasi révolte du SACP et du Cosatu contre l’ancien président Thabo Mbeki lors de la conférence du parti en décembre 2007. Mais la résistance entêtée du gouvernement Zuma contre les revendications des travailleurs du public, couplée à la dure répression de la grève du public (arrestations de masse, brutalité policière), a porté un coup fatal au mythe de “Zuma, l’ami des travailleurs et des pauvres”.
La pression sur les dirigeants du SACP et du Cosatu, qui avaient guidé leurs membres en troupeau vers le kraal de Zuma, s’est énormément intensifiée dans la période qui a suivi la grève du secteur public. Les divisions au sein du Parti “communiste”, qui fournit au Capital ses ministres les plus fiables dans le gouvernement ANC, deviennent de plus en plus évidentes, comme on l’a vu dans la question des élections. Le SACP ne se présente pas de lui-même aux élections, mais soutient et travaille au sein du parti “progressiste bourgeois” qu’est selon lui l’ANC. Après que les chefs du SACP soient apparemment parvenus à contenir les frustrations de leur base concernant cette question et d’autres, il y a eu plusieurs scissions, avec le départ de groupes qui se sont présentés aux élections par eux-mêmes.
La division entre la direction du SACP et leurs disciples idéologiques du Cosatu devient aussi de plus en plus apparente. En octobre, le Cosatu a organisé une “Conférence de la société civile”, aux côtés de plusieurs mouvements sociaux (comme par exemple la Campagne d’action pour le traitement, qui se bat pour un accès équitable aux soins de santé pour toutes les personnes séropositives). La conférence se présentait comme une tentative d’unir les travailleurs et les pauvres autour d’un nouveau programme politique – et ni l’ANC, ni le SACP n’ont été invités. Cela a provoqué un invraisemblable tollé de la part de la direction de l’ANC, qui a accusé le Cosatu de vouloir effectuer un “changement de régime”.
Un changement de régime et la formation d’un nouveau parti des travailleurs indépendant ne faisait malheureusement pas du tout partie des objectifs des dirigeants du Cosatu. La Conférence de la société civile a été une tentative de relâcher la pression contre toute possibilité d’émergence de véritables efforts de construire une alternative à l’ANC – cette menace étant de plus en plus présente dans l’air. Bien qu’ils soient jusqu’ici en apparence parvenus à éviter ce piège, la conférence a eu à un niveau plus fondamental l’effet opposé, en légitimant l’idée que le mouvement ouvrier pourrait élaborer son propre programme politique sans recourir ni à l’ANC ni à son Alliance.
La réponse paranoïaque de la direction de l’ANC par rapport à la Conférence de la société civile montre bien quel était l’effroi qu’elle ressentait tout en s’avançant vers les élections de mai. Pour éviter l’importante désintégration de sa base électorale et la possible mobilisation hostile des non-électeurs qu’il craignait certainement, le parti au pouvoir a recouru à des mesures extraordinaires : plutôt que de permettre aux structures de l’ANC d’élire elles-mêmes les candidats du parti au gouvernement local comme d’habitude, le processus a été “démocratiquement” ouvert à la participation de communautés entières. Les non-membres de l’ANC ont ainsi reçu l’opportunité de mettre de côté toute une série de politiciens locaux ANC détestés et corrompus et d’élire les candidats de leur choix au nom du parti. Cette soi-disant démocratisation a été dans les faits un coup d’État bureaucratique au sein de l’ANC, privant les membres du parti de leur droit souverain d’élire les représentants de leur propre organisation. Inévitablement, le coup d’État par en-haut du parti a été dans de nombreux endroits accueilli par des contre-coups de la part des couches et factions inférieures au sein de la bureaucratie du parti, ignorant les choix de leurs communautés et mettant en avant leur propre candidat malgré tout. Partout dans le pays, l’imposition des candidats par les structures de l’ANC a été suivie par de violentes manifestations de masse.
Tandis qu’approchait le jour des élections, la situation devenait si instable que le président Zuma s’est senti obligé d’intervenir avec la promesse que les candidats “imposés par l’ANC” seraient remplacés une fois que les élections seraient terminées. Il n’avait probablement même pas un mandat de la part de son parti pour proclamer cette mesure d’urgence, qui, comme on aurait pu s’y attendre, est aujourd’hui en train d’attiser l’incendie du factionnalisme au sein de l’ANC et de l’Alliance plutôt que de l’éteindre. Par exemple, la première réunion du Conseil municipal dans la ville de Bizana (200 000 habitants, NDT) dans la province du Cap-Est a dû être reportée au 1er juin, après que l’Hôtel de ville ait été bloqué par une foule en colère qui a été jusqu’à lancer une bombe au pétrole. La police a répondu par des tirs de balles en caoutchouc et par l’arrestation de 38 manifestants.
Lors des précédentes élections, la position plus ou moins organisée par les organisations basées sur des communautés ouvrières impliquées dans des protestations de “prestation de services” a été de punir l’ANC en boycottant les élections. Cette position a été clairement résumée dans le slogan de l’organisation des habitants de bidonvilles Abahlali Base Mjondolo Movement : « Pas de terrain, pas de maison – pas de vote ! » À côté des tentatives de forcer l’ANC à accepter les candidats “du peuple”, ces élections ont été marquées par un tournant parmi les communautés en lutte vers une remise en question plus active de l’ANC. Le nombre de candidats indépendants s’est accru de 14% comparé aux élections locales de 2006 (parmi de tels candidats il y a bien sûr certains opportunistes, mais ces candidats représentent pour la plupart des communautés organisées et combatives dans leurs districts respectifs). De plus, près d’un millier de candidats ont été présentés par diverses organisations militantes telles que les “forums de communauté” et autres “associations de résidents préoccupés”. Parmi celles-ci, il y avait aussi quelques organisations à orientation socialiste, y compris des scissions du SACP. Par exemple, le parti Mpumalanga à Moutse, dans la province de Mpumalanga, a été formé deux mois avant les élections sur base d’un véritable effondrement local de l’Alliance tripartite. Ce parti a gagné 12 sièges au conseil municipal, avec le soutien d’environ 11 000 personnes ! (sur environ 200 000 habitants, NDT)
Un exemple qui illustre bien notre propos est celui du quartier de Khutsong dans le township de Merafong, au sud de Johannesburg. Ici, les habitants, organisés dans le Forum pour la démarcation de Merafong, ont organisé un boycott total des élections en 2006 (seule une poignée de votes ont été effectués), en protestation contre le “transfert” de leur township, qui est passé de la province de Gauteng (la province de Pretoria, qui est la plus riche du pays) à la province du Nord-Ouest (la plus pauvre du pays), via le redessinement des frontières provinciales. Cela a au final mené à une victoire – l’ANC a reculé et l’ensemble de Merafong a été incorporé dans la province de Gauteng. C’était une importante victoire symbolique – mais concrètement vide de sens, puisque les besoins de la classe ouvrière continuent à être négligés dans toutes les provinces quelles qu’elles soient. En même temps, le Forum pour la démarcation de Merafong s’est transformé en un Forum pour le développement de Merafong, dont la direction a été largement cooptée par l’ANC. Mais il est ici remarquable de constater que les militants impliqués dans ce mouvement de protestation, qui a été un exemple pour l’ensemble des communautés de toute l’Afrique du Sud, se sont basés sur leur expérience pour créer l’Association civique de Merafong (MCA) afin de poursuivre la lutte, y compris en se présentant aux élections plutôt qu’en les boycottant. La MCA a obtenu un score honorable en récoltant les voix de plus de 600 personnes (sur 200 000 habitants, NDT).
Le Democratic Socialist Movement (DSM), section sud-africaine du Comité pour une Internationale ouvrière, a soutenu lors de ces élections les campagnes du Mouvement Opération Khanyisa (OKM) à Thembelihle et à Soweto dans la banlieue de Johannesburg, ainsi que des candidats indépendants à Soweto et la Coalition verte-socialiste à Durban – tous ces groupes étant basés sur des plateformes combatives et acquis aux principes du droit de révocation, d’absence de privilèges, etc. Avec un total de 4400 voix (y compris les voix de listes de représentation proportionnelle et les voix pour les candidats des quartiers), l’OKM est parvenue à conserver son siège de représentation proportionnelle que le parti détient depuis 2006, et a été le principal rival de l’ANC dans les quartiers dans lesquels il s’est présenté. Le DSM est également en contact avec d’autres organisations qui ont présenté des candidats, comme le récemment formé Mouvement citoyen socialiste (SCM), qui s’est construit sur base des mouvements de protestation virulents des dernières années dans la municipalité de Balfour de la province de Mpumalanga. Le SCM est parvenu à obtenir un peu plus de 9% des voix à Balfour ! Le DSM espère pouvoir construire sur base de ces petits pas en avant et de la hausse de la conscience politique qu’ils représentent en prenant l’initiative de rassembler au cours des prochains mois autant de ces organisations que possible, ensemble avec les syndicats de la base, les jeunes et les étudiants, pour établir une stratégie et concentrer la lutte pour une alternative politique pour la classe ouvrière.
Le nouveau Front démocratique de gauche (DLF), qui a été lancé en janvier 2011 et dans lequel le DSM a participé depuis sa création en 2008, a malheureusement manqué l’opportunité de tenter de rassembler les nombreux mouvements de protestation isolés qui continuent à ébranler les communautés ouvrières pauvres, les entreprises et les institutions éducationnelles. À la suite de l’intervention du DSM, le DLF s’est vu contraint d’affirmer son soutien à des candidats indépendants, socialistes et combatifs lors de ces élections, mais dans la pratique, cela n’a pas été plus loin qu’à quelques déclarations de circonstance dans sa mailing list.
Le potentiel pour un nouveau parti ouvrier a cependant été mis en évidence par les succès de, par exemple, le SCM et le parti Mpumalanga. Bien que les dirigeants syndicaux gardent toujours la plupart des travailleurs organisés enfermés au sein de l’Alliance tripartite, il est évident que les tensions que cela crée en son sein, et en particulier à l’intérieur des syndicats Cosatu, deviennent de plus en plus intenables. Le syndicat des travailleurs communaux SAMWU a menacé de lancer une grève nationale quelques jours à peine avant les élections, après avoir annoncé quelques semaines plus tôt qu’il devenait impossible de convaincre les travailleurs d’aller voter pour l’ANC. Le gouvernement est intervenu avec des promesses, et la grève a été annulée à la dernière minute, mais une fois qu’un tel défi politique a été lancé, il ne peut pas être retiré aussi facilement. Quelles que soient les autres considérations qui ont pu influencer cette pirouette de la part de la direction du SAMWU, cela reflète les tentatives de la part des travailleurs de tester la marge de manœuvre politique au sein de leurs syndicats.
L’Alliance avec l’ANC signifie que les dirigeants du Cosatu œuvrent souvent directement à l’encontre des intérêts de leurs membres, en important dans les entreprises les luttes entre les diverses factions pro-capitalistes de l’ANC, et en transférant leur collaboration de classe politique avec le représentant favori des patrons – l’ANC – sur le plan de la collaboration de classe concrète avec les patrons eux-mêmes. Il est honteux de constater que les dirigeants du Cosatu se trouvent souvent en train de se concentrer sur la construction de relations mutuellement bénéficielles avec les capitalistes plutôt que d’élaborer un programme pour une action de front uni des travailleurs contre tous les représentants du patronat. Le dernier de ces développements, qui est aussi le plus révoltant, a été le licenciement de l’ensemble des 9000 travailleurs de la mine de Karee à Rustenburg par la compagnie Lonmin (le troisième producteur mondial de platine) après que ceux-ci soient partis en grève spontanée – provoquée par la collaboration de leurs propres dirigeants nationaux du Syndicat uni des travailleurs des mines (NUM, la plus grosse centrale du Cosatu) avec la direction de l’entreprise, qui vise à supprimer l’élection démocratique des délégués par les travailleurs. Les travailleurs de Karee ont aussi vu le lien avec l’ANC et ont été chahuter le bureau de vote local le jour des élections en signe de protestation.
Les élections locales de 2011 ont été organisées sur un fond de contradictions de classe croissantes et de fissures dans le mythe selon lequel le gouvernement ANC est l’ami des travailleurs et des pauvres, contradictions qu’elles ont elles-mêmes renforcées. Malgré le soutien et la protection des dirigeants du SACP et du Cosatu, l’ANC se révèle de plus en plus être l’ami du grand patronat et de ses propres comptes en banque – bien loin du changement espéré par de nombreuses personnes lorsque Mbeki a été “révoqué” de la présidence en 2008. Tandis que l’establishment politique célèbre la “maturité” de la jeune démocratie sud-africaine, ce sont dans les faits les illusions de 1994 qui ont mûri en désillusion et confusion, et maintenant de plus en plus en une colère organisée. Une révolte de la base au sein d’une des centrales de Cosatu pourrait être le point tournant dans la recherche d’un nouveau parti capable d’unir les travailleurs en lutte, les jeunes et les chômeurs via un programme socialiste. Le fait que de nouvelles organisations de gauche aient progressé lors de ces élections constitue les premiers pas, bien que petits et dispersés, dans cette direction. Il faut maintenant une force capable d’unir ces organisations de masse et d’élaborer un programme conjoint tout en forgeant les sièges communaux qui ont été gagnés en un fer de lance pointant vers la formation d’un nouveau parti ouvrier socialiste de masse.
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Afrique du Sud – appel à la solidarité : A la mine de Rustenburg, patrons et dirigeants syndicaux unis contre les travailleurs !
L’ensemble des 9000 travailleurs de la mine de Karee de l’entreprise Lonmin, à Marikana non loin de Rustenburg, en Afrique du Sud, ont été licenciés ce 24 mai pour leur participation à une “grève illégale”. Ils ont eu jusqu’au 31 mai pour demander leur réintégration, en compétition avec de nouveaux candidats. Le licenciement de masse de l’ensemble de la main d’œuvre opéré par Lonmin dans sa mine de Karee, suivi par la réintégration sélective, a clairement pour but d’intimider les travailleurs, de créer des divisions entre les chômeurs et les employés de la mine, et de briser leur esprit militant.
Par Liv Shange, Democratic Socialist Movement (DSM, CIO-Afrique du Sud)
Il est en outre honteux de constater que les patrons sont soutenus par la direction du syndicat de ces travailleurs, la National Union of Mineworkers (NUM – Union nationale des travailleurs des mines).
Les travailleurs ont été licenciés ce 24 mai pour avoir participé à une grève déclarée illégale par le tribunal, et sont maintenant forcés de reproposer leur candidature pour leurs emplois, en compétition avec d’autres travailleurs au chômage. Lundi dernier, 6000 d’entre eux avaient été réengagés ; la direction a fait savoir dans la presse qu’elle allait au final réengager 9000 personnes une fois qu’elle aurait terminé sa chasse aux sorcières.
Les conditions de réembauche sont pour l’instant très floues ; la direction envoie des messages contradictoires (selon la dernière communication, les conditions d’avant le licenciement resteraient les mêmes). Mais une porte-parole de la compagnie a dit que ‘‘La réintégration n’est pas garantie pour les personnes licenciées’’ (journal “The Star” du 26 mai). Les travailleurs ne sont pas non plus au courant des critères utilisés lors du processus de sélection. Jusqu’ici, 325 des travailleurs licenciés se sont vus refuser la réintégration ; les militants syndicaux sont clairement ciblés par ces refus. Alors que des travailleurs nouvellement recrutés commençaient à arriver à la mine lundi, les actions de la direction ont maintenant ajouté la menace d’expulsion des logis de la compagnie en plus de celle du chômage.
La grève spontanée a été provoquée par l’annonce de la direction qu’elle ne reconnait plus la direction de la direction de la section de Karee de la NUM, vu qu’elle a été désavouée par la direction régionale de la NUM. La direction régionale a refusé d’accepter le résultat de l’élection des délégués à Karee, en a informé la direction, et c’est cela qui a dans les faits encouragé la direction à licencier les travailleurs.
Cela faisait quelque temps que les mineurs de Karee étaient en désaccord avec la direction régionale de la NUM. Les délégués de la mine de Karee avaient dénoncé et combattu la corruption qui est devenue beaucoup trop courante dans la relation confortable qui s’est développée entre les patrons et les représentants syndicaux de la régionale de Rustenburg, comme c’est d’ailleurs le cas partout en Afrique du Sud.
Les travailleurs expliquent que c’est le refus de la part de ces délégués de se voir offrir des pots-de-vin en échange de leur “gentillesse”, et leur lutte déterminée pour améliorer les conditions de travail et de vie, qui les ont rendus très populaires parmi les travailleurs, mais aussi persona non grata du point de vue non seulement des patrons de la mine, mais aussi de leur propre direction syndicale.
Lorsque leur mandat a expiré en avril, tous les délégués sauf deux (qui étaient permanents au bureau régional de la NUM) ont été réélus par les travailleurs lors d’un meeting de masse, contrairement à ce qu’affirme la direction de la NUM dans les médias. La direction régionale de la NUM a refusé d’accepter ce fait, a suspendu deux de ces délégués populaires pour “mauvaise conduite”, sans plus de précision, et a tenté d’imposer de nouvelles élections, desquelles étaient exclues les personnes qui avaient déjà été réélues. La grève a été provoquée lorsque la direction de Lonmin a profité de cette occasion pour discipliner sa main d’œuvre dont elle jugeait la combativité inquiétante, en annonçant immédiatement d’elle-même l’action de la direction régionale de la NUM aux travailleurs.
Cela faisait des années que la direction de la mine cherchait à coopérer avec les dirigeants de la NUM, mais à Karee, elle n’y était pas parvenue. Elle a ensuite lancé des attaques draconiennes sur les concessions qui avaient été faites précédemment au syndicat, ce qui du point de vue des travailleurs était une tentative de discréditer la délégation si populaire et si inamovible. Cela incluait entre autres une baisse drastique des primes pour heures supplémentaires, et le renvoi automatique de tout travailleur avec plus de 21 jours de maladie.
Non seulement la direction de la NUM en-dehors de Lonmin n’a pas protesté contre les licenciements, mais il est clair que cette décision de la direction a même bénéficié de son soutien. Malgré leur annonce selon laquelle ‘‘Nous ferons en sorte que tous les travailleurs soient réintégrés’’ (The Star du 26 mai), Lesiba Seshoka, le porte-parole national de la NUM, a été cité dans le magazine Mining Review du 27 mai avec ces mots : ‘‘Malheureusement, la compagnie ne peut pas garder de telles personnes, et doit les laisser partir’’, ajoutant que ‘‘Le syndicat ne peut pas soutenir des gens qui se trouvent du mauvais côté de la loi.’’ Les dirigeants de la NUM affirment également que le conflit à Lonmin était une affaire interne à la NUM, qui n’avait rien à voir avec la direction de la mine – dénonçant de fait la grève et soutenant l’action brutale de la direction contre les travailleurs, se mettant du côté des patrons à l’encontre de leurs propres membres ! Lorsque les patrons attaquent les travailleurs dans le contexte d’une dispute interne au syndicat, le premier devoir d’une direction syndicale digne de son nom est de défendre ses membres, et non pas de collaborer avec l’ennemi de classe.
Lonmin a aussi interdit à son personnel de se réunir en groupes de plus de sept personnes. Plusieurs délégués se cachent, vu que des rumeurs circulent comme quoi on cherche à les tuer. Les dirigeants de la NUM sur les plans régional et national soutiennent dans les faits la répression de la direction, disant aux travailleurs qu’ils n’ont qu’à retourner à leur puits et à accepter les conditions imposées par les patrons, quelles qu’elles soient.
Voici une sélection de ce que les travailleurs ont raconté au DSM lorsque nos camarades ont visité la mine le 27 mai :
‘‘Nous avons tout fait pour pouvoir leur parler. Mais ça fait des années que la direction régionale ne s’est pas adressée à nous, les membres ; ils ne communiquent que via la direction. Ce sont les patrons de la mine qui se sont baladés dans le puits avec un haut-parleur pour nous annoncer que nous avons une délégation, et que les camarades avaient été suspendus.’’
‘‘Lorsque la direction régionale est venue vendredi 20 mai, elle est arrivée à bord d’un Hippo (véhicule blindé utilisé par la police pour réprimer les manifestations du temps de l’apartheid) entouré de policiers ! Ses membres sont revenus lundi lors de notre meeting de masse, à nouveau avec leur Hippo et la police. Nous étions 9000, et nous leur avons demandé de venir discuter avec nous, mais ils ont refusé. Au lieu de ça, ils ont juste passé leur tête par la fenêtre et fait un speech au micro pendant deux heures. Puis ils sont partis, sans nous donner aucune chance de répondre.’’
‘‘Ils ont ensuite raconté qu’ils avaient presque été tués durant ce meeting, mais on ne les a même pas menacés. On a demandé à Vavi, le secrétaire général du Congrès syndical d’Afrique du Sud (Cosatu, duquel la NUM est la plus grande centrale) d’intervenir, mais il a refusé de venir. Au lieu de ça, il a seulement envoyé un sms, qui disait ‘‘Votez ANC, et tout ira bien’’.’’
La grève a commencé le lendemain des élections locales du 18 mai. Le jour des élections, les mineurs de Karee avaient manifesté jusqu’au bureau de vote du coin pour demander l’attention de Vavi.
Trahis par leurs dirigeants syndicaux, et soumis à l’intimidation de la direction de la mine, les travailleurs de Karee sont pourtant déterminés à riposter. La demande de réintégration n’est qu’une retraite tactique afin de maintenir l’unité et de se regrouper.
Le Democratic Socialist Movement et le Syndicat des travailleurs du métal et de l’électricité d’Afrique du Sud (MEWUSA), un syndicat avec lequel nous collaborons étroitement, sont en contact permanent avec les travailleurs. La trahison de ses membres par la NUM est jusqu’ici la preuve la plus flagrante de la corruption qui dévore les syndicats sud-africains de l’intérieur. Avec ses 300.000 membres, la NUM est le plus grand syndicat d’Afrique du Sud, et était jadis la centrale la plus radicale et la plus militante du Cosatu.
Le Cosatu a été formé en 1985 sur base d’un programme socialiste et de contrôle ouvrier. Aujourd’hui, la logique de collaboration de classe avec le parti pro-capitaliste qu’est le Congrès National africain (ANC), et par conséquent avec les grandes entreprises, se reflète de plus en plus sur ses positions politiques et sur sa capacité organisationnelle. Idéologiquement démoralisés après la fin de l’apartheid, où le capitalisme s’est maintenu sans qu’aucune alternative ne soit proposée contre ce système, les dirigeants syndicaux cherchent systématiquement un arrangement avec les patrons. La corruption et la trahison des luttes au jour-le-jour sont devenues les caractéristiques dominantes de la direction de ce syndicat. La NUM se démarque à présent non pas par sa combativité, mais en tant que syndicat le plus ouvertement droitier, qui mène maintenant campagne contre la revendication de la nationalisation des mines de la Ligue de la Jeunesse ANC !
Malgré sa taille, cette dernière dépend aujourd’hui plus de ses investissements dans des entreprises que des cotisations de ses membres. Afin de protéger la relation mutuellement profitable avec les patrons de Lonmin, la direction de la NUM joint donc ses efforts à ceux du capital et de l’État dans sa tentative de forcer les travailleurs de Karee à la soumission, et semblent prêts à aller jusqu’à cannibaliser leurs propres sections afin d’atteindre cet objectif.
Le DSM a une jeune section à Rustenburg après y avoir établi une section de la MEWUSA l’an dernier (là aussi, après que 4000 travailleurs aient été licenciés d’une mine de Murray and Roberts en conséquence directe de la trahison des dirigeants de la NUM), qui intervient dans cette lutte du mieux qu’elle peut avec nos faibles forces. Alors que leur propre syndicat leur est hostile de manière active, les travailleurs de Karee ont désespérément besoin de solidarité. À cause de la lourde répression par leur direction, les travailleurs n’ont pas encore pu se réunir pour décider de revendications, etc. Les messages de solidarité peuvent être envoyés via dsmcwi@gmail.com
Les messages de protestation sont à envoyer à :
Centrale des mineurs NUM: zmakua@num.org.za – ou son porte-parole national, Lesiba Seshoka : +27 (0)82 803 6719
Fédération syndicale Cosatu : Patrick@cosatu.org.za
Lonmin (les patrons de la mine) :
Direction de Londres : contact@lonmin.com / tél. +44 (0)20 7201 6000 – Afrique du Sud : tél. +27 (0)11 2188300 / fax. +27 (0)1 2188310