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  • La tournée européenne de Bush s’est achevée aux Royaume-Uni

    La tournée européenne de Bush s’est achevée au Royaume-Uni

    Georges «deubeliou » Bush a achevé les 15 et 16 juin sa tournée européenne d’adieux au Royaume-Uni, après être passé par la Slovénie, l‘Allemagne, l’Italie, le Vatican et la France. A Londres et à Belfast, il a été accueilli par des manifestants anti-guerre, dont nos camarades du Socialist Party of England and Wales et du Socialist Party of Northern Ireland. Voici un petit rapport et quelques photos.

    A Londres, plusieurs milliers de manifestants anti-guerre ont défilé pacifiquement devant la place du parlement pour protester contre la venue de Georges Bush.

    Tandis que Bush le va t’en guerre était diverti au Downing Street par son allié de la coalition Gordon Brown, les manifestants maintenu à l’écart par une lourde présence policière réclamaient le retrait d’Irak des troupes anglaises et américaines.

    Les membres de notre section anglaise, le Socialist Party, ont distribué des tracts contre la guerre et ont vendu plus de 100 journaux aux manifestants et touristes qui étaient présent.

    Plus tard, quand les manifestants ont tenté de marcher sur White Hall, la police anti-émeute a eu recours à la violence pour faire reculer la foule en blessant plusieurs personnes.

    Marasme afghan et menaces contre l’Iran

    L’administration crépusculaire de Bush essaye de transformer l’Irak en avant poste militaire occupé de manière permanente par les USA. Le mois passé, il a été annoncé que pour la première fois il y avait eu plus de mort en Afghanistan qu’en Irak.

    L’insurrection des talibans devient clairement de plus en plus forte (comme en témoigne l’évasion massive de la prison de Kandahar). Le régime corrompu du président Harmid Karzai, soutenu par les USA, a plongé la population dans l’extrême pauvreté et l’insécurité.

    Cependant, en dépit des errances des 7 années d’occupation par la coalition concernant la reconstruction de l’emploi ou la justice sociale, Gordon Brown s’est engagé auprès du canard boiteux G Bush quant à l’augmentation du contingent anglais en Afghanistan qui se trouvera porté à plus de 8000. Cette annonce intervient alors qu’était rapatrié le corps du centième soldat britannique décédé en Afghanistan depuis le lancement de l’intervention en 2001.

    Bush a salué cette annonce, soulignant qu’il était reconnaissant à Gordon Brown d’être "inflexible face au terrorisme".

    Vis-à-vis de l’Iran, Bush a menacé que: "les Iraniens doivent comprendre que toutes les options sont sur la table". Brown a approuvé.

    Ni le bienvenu à Londres, ni le bienvenu à Belfast

    Dans la capitale de l’Irlande du Nord, des centaines de personnes s’étaient également déplacées pour protester contre la venue de Bush.

    Les jours précédents sa venue, Socialist Youth, l’organisation de jeunesse de nos camarades, a milité dans les rues de la ville pour assurer au président américain l’accueil qu’il méritait. Bush a cyniquement utilisé sa venue en Irlande du Nord pour prétendre avoir été un homme de paix en participant au plan prétendument réussi « processus de paix » en Irlande du Nord. Mais Bush restera dans l’histoire le président le plus impopulaire des USA.

    Il laisse derrière lui le souvenir de son inaction lors du désastre de l’ouragan Katrina, de son refus de reconnaître la destruction de l’environnement, de sa participation enthousiaste à l’augmentation de la pauvreté non seulement aux USA mais aussi partout à travers le monde, et bien entendu des désastreuses occupations de l’Afghanistan et de l’Irak.

    Cela n’a pas empêché le premier ministre Peter Robinson (Democratic Unionist Party) et Martin McGuinness (Sinn Fein) d’accueillir Bush les bras ouverts. Mais cela est dans la logique de leur politique néolibérale de privatisation des services publics, de taxes sur l’eau ou encore d’attaques massives contre les travailleurs des services publics. Le Sinn Fein a été particulièrement ridicule en envoyant des représentants et des banderoles aux protestations alors qu’un de ses dirigeants recevait Bush dans le luxe de Stormont Castle.


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  • NON, cela ne veut pas dire oui! Reportage photo 2

    Action au sommet européen

    Le NON irlandais au Traité de Lisbonne a été un choc pour l’establishment européen. C’était donc le sujet de discussion du sommet européen qui se tient actuellement à Bruxelles. Joe Higgins, porte-parole du Socialist Party et de la campagne du NON en Irlande, a milité à ce sommet européen en collaboration avec le MAS/LSP. Environ 25 militants étaient présents pour dire qu’un NON signifie bel et bien un NON.

    La campagne pour le NON du Socialist Party n’était clairement pas basée sur le nationalisme, mais sur la défense des droits des travailleurs

    Des membres d’ATTAC-Angleterre ont également été présents quelques temps.

    Des babrelés pour acceuillir la "libre expression".

    Le matériel du Socialist Party ne se limitait pas à quelques phrases, mais argumentait en profondeur sur la nécessité du NON au Traité de Lisbonne.

    Un conseil pour les dirigeants européens?

    "Nous ne voulons pas de traité simplifié, mais de vrais emplois, avec de vrais salaires!"

    "Résistance Internationale, contre l’Europe du capital!"

    Nathan Hertogen, du CAP, a également pris la parole après Joe Higgins


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  • Cameroun : Grève générale de masse contre la hausse des prix

    Interview d’un socialiste camerounais

    Une grève de masse conte la hausse des prix de l’essence, de la nourriture et d’autres produits de base a paralysé la plupart du Cameroun depuis le lundi 25 février. Quelques concessions mineures ont été accordées mardi soir par le gouvernement (telles que de baisser le prix de l’essence de 600 a 594 francs camerounais) dans une tentative de mettre un terme a la grève, mais sans succès. Du gaz lacrymogène a été lancé sur les manifestants à Douala et à Yaoundé, la capitale, et on dit qu’au moins six personnes ont été tuées.

    Naomi Byron

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    Courrier de lecteur

    Ne pas confondre émeutes et grève générale

    Le titre du dernier article sur la grève au cameroun ne reflète pas correctement la réalité.

    En fait, il n’y a pas eu de grève générale au Cameroun, mais une grève des transporteurs (chauffeurs de taxi pour la plupart), remarquablement suivie. Au moins là-bas, la question du "droit au travail" lors d’une grève ne se pose pas, ou alors à coup de barres de fer dans le pare-brise…

    Il a bien été question d’une extension du mouvement vers le 27/2, mais le syndicat des transporteurs a vite baissé son pantalon quand il a vu que le mouvement lui échappait, et contre une réduction symbolique du pris du carburant (6 FCFA). A propos, le Franc camerounais n’existe pas, il s’agit du franc CFA, monnaie commune à plusieurs pays de la région. 1000 FCFA = 1,5 €.

    Toujours est-il que la grève a empêché beaucoup de travailleurs de rejoindre leur poste…

    Certains ont sans doute refusé de faire 10 km (ou plus) à pied par solidarité, mais on ne peut pas parler de grève générale décidée et organisée consciemment par la classe ouvrière camerounaise dans son ensemble.

    Par contre, l’article passe sous silence certains aspects moins réjouissants de ce mouvement, tels que:

    – Emeutes et pillages dans les quartiers populaires de Douala (capitale économique) et dans d’autres villes

    – Violences et vandalisme dans ces même quartiers.

    – Répression policière dont le bilan, difficile à évaluer, tourne autour d’une vingtaine de morts.

    En conclusion, d’après les nombreux témoignages que j’ai pu récolter, il n’y a pas eu de grève générale, mais une grève sectorielle très bien suivie, sur laquelle s’est greffée un large mouvement de révolte spontanée et anarchique, alimenté par l’inflation galopante et les provocations du pouvoir (projet de modification de la constitution, fermeture d’une chaîne de télé indépendante…).

    Je ne critique pas ici ce mouvement spontané ni même ses manifestations les moins reluisantes, je dis simplement qu’il faut qualifier correctement ces développements.

    Car c’est justement, comme l’explique le camarade camerounais, l’absence d’alternative politique réelle et cohérente, qui donne lieu à ce type de mouvement sans direction ni but précis.

    La conséquence est très claire : aucune avancée pour les revendications de la population, et une répression féroce en prime. Seul point positif, il n’y a pas eu de dérapage ethnique au Cameroun.

    Dans un pays ou la corruption règne en maître, la construction d’un parti ouvrier intègre et indépendant du pouvoir est plus difficile mais d’autant plus indispensable si l’on veut qu’un jour les travailleurs puissent venir à bout des parasites qui les dirigent et des autres serviteurs zélés de l’impérialisme européen.

    J.L.
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    Ce mouvement montre le pouvoir immense que possèdent les masses laborieuses et les pauvres lorsqu’ils entrent en action. Cela fait trop longtemps que le gouvernement de Paul Biya, qui dirige le pays depuis 1982, est resté impuni tandis qu’il ignore la pauvreté et les luttes de la population, qui s’est trouvée de plus en plus désespérée, tandis que l’élite corrompue se remplissait les poches. La situation est aggravée par la faillite des partis d’opposition à réellement représenter les intérêts des travailleurs et des pauvres. Ce mouvement de grève est une réelle opportunité, non seulement pour forcer le gouvernement à baisser les prix, mais aussi pour le début de la fondation au Cameroun d’un parti de masse des travailleurs et des pauvres, basé sur la lutte.

    Naomi Byron (Parti Socialiste d’Angleterre et du Pays de Galle) a pu interviewer Charles Pa Douala:

    « Depuis ce matin (le 26 février), plus aucune voiture ne bouge, et toute activité a stoppé, parce que les gens ne peuvent pas aller au travail. Les routes sont barricadées par la population avec des morceaux de bois et toutes sortes de matériaux, à l’exception de quelques-unes ou les véhicules de la police et de l’armée peuvent passer. Les routes ont été transformées en terrain de football par les enfants. »

    « Il n’y a aucune activité; toutes les boutiques sont fermées. Aujourd’hui seulement, il y a une certaine tolérance – les gens qui vendent de la nourriture ont eu l’autorisation d’ouvrir, mais hier, ils ne pouvaient pas parce que même les magasins d’alimentation étaient bloqués. »

    « Au début, c’est le syndicat des chauffeurs de transport qui a organise la grève a cause de la hausse du prix de l’essence, mais maintenant tout le monde est impliqué. Maintenant que la population a repris la grève, nous demandons la fin de la hausse du coût de la vie. Les prix doivent être abaissés, ceux du pétrole comme ceux des denrées de base comme le savon, l’huile et la farine. »

    « Le prix de l’essence monte tous les mois. Ce qui a vraiment énervé les gens, c’est que le jour de notre victoire contre la Tunisie (pendant la Coupe de football des nations africaines), tandis que nous faisions la fête, le prix du pétrole a encore été augmenté. Certains d’entre nous veulent que le Cameroun soit éliminé de la Coupe des nations, parce que lorsque notre équipe nationale est en train de jouer, tout le monde est content de regarder le match et personne ne s’implique dans les luttes politiques. »

    « En ce moment, le pain coute toujours 150 FC, mais le prix a en fait augmenté parce que les boulangers ont diminué la taille du pain, même si le gouvernement prétend que le volume est resté identique. Le prix de l’huile de palme, dont nous nous servons pour cuisiner, est passé récemment de 500 à 750 FC, alors que nous avons les palmiers qui la produisent ici, au Cameroun. »

    « Le savon, jusqu’il y a peu, coutait encore 250 FC, mais il est maintenant à 350 FC alors que la plupart des Camerounais vivent avec moins d’un dollar par jour. Avec ces hausses de prix, nous ne pouvons plus rien acheter, même pas du savon. C’est pour ça que le gens sont si motivés par cette grève. »

    « Hier, il y avait étonnamment très peu de violence de la part de la police. La police a laissé les manifestants tranquilles, se contentant d’accompagner les cortèges et de modérer les actions. Hier après-midi, dans un quartier de Douala, la foule est parvenue à capturer 21 policiers et les a gardés plusieurs heures avant de les laisser partir. Mais aujourd’hui (mardi 26 février), ils sont venus avec des véhicules armés et des lacrymos pour disperser la foule. Dès qu’ils voient une manifestation, ils tentent de la disperser. La police et l’armée n’ont pas besoin d’utiliser la force, ils ont besoin d’utiliser le dialogue. Mais parce que les décisions ne viennent pas d’eux-mêmes, ils sont obligés de suivre les ordres d’en haut. Cependant, on nous a dit : si vous voyez un officier qui utilise la violence, ne résistez pas ; trouvez simplement son nom et son adresse, et on s’en occupera. Les flics le savent, ils ont tous très peur. »

    « Juste maintenant, à la prison New Bell a Douala, il y avait une grande foule de gens qui se dirigeaient vers la prison, disant qu’ils allaient défoncer les murs et libérer les prisonniers, mais ils ont été interceptés, avec des tirs de semonce pour les dissuader d’avancer. Ils voulaient rentrer dans la prison parce qu’il y a beaucoup de dirigeants du gouvernement qui ont été emprisonnés parce qu’ils ont volé de l’argent de la collectivité; la foule disait que ça ne valait pas la peine de les laisser en prison, mais qu’il valait mieux aller les rechercher et les forcer à rendre l’argent qu’ils ont volé au pays. »

    « Le gouvernement doit tenter de baisser les prix. Ils disent qu’ils n’ont pas un contrôle total sur l’essence, qu’ils ne peuvent pas simplement diminuer les prix comme ça et qu’on doit leur laisser le temps. Mais on leur a donné une liste des prix auxquels les marchandises devraient être vendues pour satisfaire les gens. C’est la solution que nous recherchons. Tant que rien n’est fait, la grève continuera aussi longtemps qu’il le faut. Jusqu’à demain, s’il n’y a aucun développement favorable, les marchés resteront fermés, mais mardi, on les laissera s’ouvrir pour que les gens puissent acheter à manger; le reste de la journée, nous continuerons la grève. C’est un mouvement très populaire, d’un genre qu’ont n’a jamais vu auparavant au Cameroun. C’est une grande première ! »

    « Aujourd’hui, les gens n’ont que très peu de confiance dans les figures de l’opposition, parce qu’ils ont leurs propres problèmes. Ils se concentrent sur la campagne contre la nouvelle constitution proposée par le gouvernement (qui permettrait au président Biya de rester au pouvoir après son mandat actuel qui doit expirer en 2011) mais nous, le peuple, disons que le coût de la vie est trop cher. C’est pourquoi les chefs de l’opposition refusent de diriger ce mouvement, parce qu’ils ont leurs propres intérêts à défendre, tandis que les masses continuent à construire le mouvement tandis que nous discutons. C’est plus puissant que ce que quiconque aurait cru. »

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  • Une crise économique mondiale est-elle inévitable ?

    La base de la croissance économique mondiale de ces dernières années a été l’augmentation du pouvoir d’achat de la population américaine. Cette augmentation reposait sur la croissance de sa richesse virtuelle (sur base de l’envolée des prix des maisons) de pair avec une politique de crédits à bon marché qui incitait les familles à contracter des emprunts. Donc, alors que le salaire réel des familles américaines baissait insensiblement depuis des années, celles-ci ont consommé avec de l’argent qu’elles devaient encore gagner !

    Kristof

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    La Chine: une roue de secours ?

    Selon les économistes bourgeois, la Chine peut, en formant son propre marché intérieur, devenir le moteur de l’économie mondiale et relayer les USA.

    L’impressionnante croissance chinoise est essentiellement basée sur des investissements étrangers, en majorité américains, permettant de produire à bas coût pour l’exportation. La Chine est ainsi fortement dépendante des USA et de l’Europe. Si la croissance ralentit dans ces pays, cela aura un effet majeur sur la Chine.

    Si la Chine veut se doter d’un marché intérieur considérable, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, alors les salaires doivent augmenter de manière importante. Mais cela saperait la base de sa croissance et des profits !

    Dans le passé, la Chine a maintenu une position exportatrice favorable en aidant les Etats-Unis à tenir debout. Elle a financé les déficits de la balance commerciale des USA (800 milliards d’euros par an !) en plaçant son argent dans les banques américaines. La baisse continuelle du dollar rend cela intenable. Quelques banques chinoises auraient déjà commencé à « diversifier » discrètement leurs investissements dans d’autres pays. Si cette tendance continue, le deuxième débouché de la Chine – les USA – se rétrécira et l’Europe, le marché le plus important, partagera les coups et la Chine finira elle aussi par en faire les frais.
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    Crise immobilière aux USA

    Les hausses successives des taux d’intérêt ces derniers mois ont posé de plus de plus de difficultés à un nombre grandissant de familles. Plus d’un million d’Américains ont vu leur maison saisie pour défaut de paiement. Une véritable crise s’est ainsi développée sur le marché immobilier américain. Son intensification au cours de l’été a mis à mal les institutions financières qui gèrent les hypothèques ou qui les revendent sur les marchés financiers. Des dizaines de milliers de personnes ont été licenciées. Une pénurie de crédit s’est développée parce que les banques ont d’un coup exigé des taux plus élevés pour les emprunts à risque. Cela fait que la crise menace de s’étendre vers d’autres secteurs, ce que les différentes banques centrales ont tenté de surmonter en accordant aux banques des crédits d’une valeur de plusieurs centaines de milliards de dollars.

    Le marché américain de l’immobilier est en crise et le bout du tunnel n’est pas proche. Les ventes de maisons ont diminué de 6,5 % en août pour atteindre le niveau le plus bas depuis 2001. Le niveau actuel est 22 % plus bas qu’il y a un an. En août, le prix de vente demandé par les constructeurs de maisons était 7,5 % moins élevé que l’an dernier et en septembre, les ventes de maisons neuves ont atteint leur niveau le plus bas depuis mars 1993. Durant ce même mois de septembre, 223.538 familles n’ont pas pu payer leur hypothèque (le double de septembre 2006 !). La confiance des constructeurs américains de maisons a atteint son niveau le plus bas depuis 22 ans.

    Allan Greenspan, l’ancien président de la FED (la banque centrale américaine), a déclaré que la baisse du marché immobilier « sera plus importante que ce à quoi la plupart des gens s’attendent ». Selon David Rosenberg (de la banque Meryl Lynch), cette chute pourrait même atteindre 20 %, du jamais vu ! Pour Robert Shiller (de la Yale University), l’effondrement des prix de l’immobilier qui s’annonce sera le plus important depuis la « Grande Dépression » qui a commencé avec le krach boursier de 1929.

    La crise immobilière commence donc à gagner en importance et pourrait engendrer un effet boule de neige si de plus en plus de propriétaires immobiliers souhaitaient vendre leur maison rapidement alors qu’il existe déjà actuellement un excès de maisons en vente.

    Suite à la crise du crédit, les banques adoptent dans le monde entier des conditions plus rigoureuses pour accorder des emprunts ce qui, selon la Banque Centrale Européenne, devrait encore s’aggraver au trimestre prochain. Cela n’a pas uniquement des conséquences pour les familles qui veulent contracter une hypothèque, mais aussi pour les entreprises.

    L’économie U.S. s’essoufle

    La crise immobilière et la crise de crédit qui en résulte contaminent aussi d’autres parties de l’économie. La FED a admis à la mi-octobre que l’économie américaine est en train de ralentir. Le FMI a baissé de 0,9 % sa prévision de croissance pour les USA en 2008, la ramenant à 1,9 %, trop peu pour maintenir en équilibre le taux d’emploi. La hausse du chômage est d’ailleurs déjà visible.

    En août, les commandes des entreprises ont connu leur plus forte diminution depuis le début de l’année (-3,3 %). Les profits des banques ont fortement reculé durant le troisième trimestre, de même que ceux d’entreprises de construction comme Caterpillar.

    Les taux d’intérêt peu élevés et les prévisions économiques revues à la baisse ont rendu le dollar moins attractif pour les investisseurs étrangers. Le dollar ne s’effondre pas uniquement face à l’euro mais également vis-à-vis d’autres monnaies. Une économie américaine affaiblie pourrait inciter à ne plus investir dans le dollar, ce qui ne ferait que rendre la probabilité d’une crise mondiale plus tangible.

    Vers une récession mondiale ?

    La crise immobilière aux USA peut – entre autres à cause des conditions de crédit plus rigoureuses – s’étendre vers d’autres pays. Dans les autres pays capitalistes développés, par exemple, les prix immobiliers ont augmenté encore plus rapidement qu’aux Etats-Unis au cours des quinze dernières années (+70% depuis 1990 contre +50% aux USA). En Espagne, en Irlande et en Grande-Bretagne, les prix ont doublé durant cette période et les familles disposent de moins en moins de réserves financières, ce qui rend ces pays d’autant plus vulnérables. Beaucoup de pays ont vu leur position en matière d’exportations s’affaiblir à cause de la faiblesse du dollar. Ainsi l’euro se trouve depuis un moment déjà au-dessus du seuil sensible de 1,40 $/euro.

    Le FMI a accompagné ses prévisions de croissance de déclarations selon lesquelles la crise financière « contraindra les gouvernements sur le plan mondial d’adopter des modifications substantielles à leurs propositions de budget ». Et qui en seront les victimes ? Avant tout les salariés et leurs familles.

    Il est donc possible que nous soyons à l’aube d’une récession économique. La bourgeoisie réussira-t-elle à la postposer ? Ce n’est pas à exclure, mais les « solutions » au sein du capitalisme sèment inévitablement les graines d’une crise future plus importante encore.


    Files d’attente au Royaume Uni

    La banque britannique Northern Rock illustre la fragilité croissante du système financier. Ses gros profits de l’an dernier ont été réalisés en concluant et en commercialisant des emprunts, surtout hypothécaires. Avec la crise du crédit, la confiance des investisseurs a disparu, créant la panique. La banque centrale du Royaume-Uni, la Bank of England (BoE), a dû se porter à son secours à la mi-septembre en mettant à sa disposition 3 milliards de livres.

    La cotation en Bourse de Northern Rock s’est alors effondrée et se sont formées devant ses guichets d’énormes files (jusque sur la rue !) de clients désirant solder leurs comptes. Ces files n’ont disparu qu’au troisième jour, lorsque le gouvernement s’est porté garant pour la banque.

    Afin d’éviter toute extension, la BoE a finalement renfloué les caisses de Northern Rock de 10 milliards de livres. Le message qui en ressort pour les investisseurs est limpide : prenez des risques, si nécessaire, nous interviendrons avec des moyens publics si vous avez des problèmes !

  • Plus que des Rois et des Reines… La vision marxiste de l’Histoire

    Naomi Byron

    On nous fait croire que le capitalisme est la meilleure manière d’organiser la société, que le socialisme est impossible. On nous fait croire que l’Histoire est faite par des personnalités remarquables comme les rois, les reines et les politiciens, et que les travailleurs n’ont pas le pouvoir de changer la société.

    Certains veulent même nous faire croire qu’il n’existe aucun moyen de comprendre comment se développe la société : les adeptes du post-modernisme, une théorie qui a gagné en popularité dans les années ‘90, affirment qu’il n’y a pas de lois générales qui gouvernent le développement de la société. Ce texte démontre que rien de tout cela n’est vrai.

    Pourquoi étudier l’Histoire ?

    Le capitalisme, le système sous lequel nous vivons aujourd’hui, est inégal et antidémocratique. Pourquoi ? Parce que le capitalisme est une société de classes basée sur l’exploitation de la classe des travailleurs (la majorité de la population) par la classe des capitalistes (une petite minorité de la population) qui possède et contrôle les industries et les institutions financières et qui domine les gouvernements et les institutions politiques.

    On nous fait croire que le capitalisme est la meilleure manière d’organiser la société, que le socialisme est impossible. On nous fait croire que l’Histoire est faite par des personnalités remarquables comme les rois, les reines et les politiciens, et que les travailleurs n’ont pas le pouvoir de changer la société.

    Certains veulent même nous faire croire qu’il n’existe aucun moyen de comprendre comment se développe la société : les adeptes du post-modernisme, une théorie qui a gagné en popularité dans les années ‘90, croient qu’il n’y a pas de lois générales qui gouvernent le développement de la société.

    Rien de tout cela n’est vrai. La théorie du matérialisme historique, développée par Marx et Engels, apporte un cadre d’analyse de la société humaine et des lois de son développement. Cette théorie explique que les sociétés de classes n’ont pas toujours existé, que les premières sociétés humaines n’étaient pas divisées en classes et qu’elles étaient basées sur la coopération et non sur l’exploitation.

    Ce texte a pour but de montrer comment les dirigeants d’aujourd’hui essayent de faire accepter à la population l’idée qu’il n’y a aucune alternative au capitalisme, mais aussi comment la réalité de la vie force la population à chercher une alternative et à expliquer les batailles d’idée que cela engendre. Plus important encore, elle explique les raisons pour lesquelles nous, la classe des travailleurs, avons le pouvoir de renverser le système capitaliste, tous ensemble, et de créer une société qui abolisse l’exploitation de classe, une société qui combine la démocratie, l’égalité et la liberté existant dans les premières sociétés avec les avantages des développements économiques, scientifiques et technologiques modernes : une société socialiste.

    1. La société humaine est basée sur des forces matérielles

    Matérialisme contre idéalisme

    Marx et Engels ont élaboré leur étude de la manière dont se développe la société humaine à travers une lutte acharnée contre les philosophes « idéalistes ».

    Beaucoup de gens pensent que le socialisme est « idéaliste », que c’est une bonne idée mais que c’est irréalisable (ce que Marx et Engels appelait l’« utopisme »). Au contraire, les idées du socialisme et du marxisme sont réalistes et très praticables car elles sont basées sur l’analyse du monde réel et de son fonctionnement.

    Contrairement à la manière dont la plupart des gens comprennent ce mot aujourd’hui, l’« idéalisme » désignait à l’origine un courant de la pensée philosophique. Les idéalistes pensaient que les idées viennent en premier et que la réalité matérielle arrive à l’existence en résultat de ces idées. Un idéaliste (en philosophie) dirait que les changements dans la réalité matérielle sont provoqués par les idées et non par des forces matérielles et que les idées ont une existence indépendante – et même sans relation – avec la réalité matérielle.

    Tout en reconnaissant que les idées jouent un rôle important dans le changement social, les marxistes sont matérialistes (ici aussi dans le sens philosophique du terme). Pour un matérialiste, la société humaine et l’histoire est modelée par des forces économiques et sociales matérielles – des choses et des processus bien réels – et les idées sont le reflet de cette réalité matérielle dans la conscience humaine.

    Les marxistes pensent que la société humaine est basée sur des forces matérielles. En d’autres mots, pour que n’importe quelle société humaine puisse exister, les humains doivent produire les biens de première nécessité qui leur permettent de survivre : la nourriture, un abri, de l’eau,… Ce sont des éléments matériels sans lesquelles nous mourrions. Mais la manière dont nous interagissons pour produire ces biens indispensables – qui sont les gens qui ont le contrôle sur les produits issus du travail et comment utilisent-ils ceux-ci ? – détermine le type de société dans laquelle nous vivons.

    Au commencement : l’évolution

    Sans certains facteurs physiques, la société humaine telle que nous la connaissons ne se serait jamais développée : le vaste cerveau humain, l’appareil phonatoire (la langue, le palais, les dents, les cordes vocales) et les pouces opposables.

    Le développement et la croissance du cerveau et de l’appareil phonatoire sont apparus à cause de la manière dont les humains ont évolué en interaction avec leur environnement. Les premiers humains étaient moins bien adaptés à leur environnement que beaucoup d’espèces. Ils ont compensé ce handicap en travaillant ensemble dans de larges groupes et en développant des outils.

    La croissance de la taille physique du cerveau humain (qui est beaucoup plus grand que celui de n’importe quel autre animal quand on les compare en tenant compte des poids de leurs corps respectifs), est à la fois le résultat du développement de l’intelligence humaine (provoqué par le besoin de coopérer et de fabriquer des outils) et la cause d’une nouvelle croissance. Avec une plus grande quantité de cerveau disponible à l’utilisation, les premiers humains ont eu plus de potentiel pour développer encore plus leur intelligence.

    Le fait d’avoir des pouces opposables nous permet de tenir, de fabriquer et d’utiliser des outils. Sans la belle habileté de manipulation que ceux-ci rendent possible, les premiers humains n’auraient pas été capables de développer et d’utiliser les outils sophistiqués qui leur ont permis de survivre et de prospérer dans un environnement changeant.

    Sans la large gamme de sons que l’appareil phonatoire nous permet de produire, les sociétés primitives n’auraient jamais pu développer les langages complexes qui ont permis de communiquer des idées et de coopérer sur une large échelle.

    En résumé, le développement de nouvelles capacités de faire face à la lutte pour la survie a provoqué des changements physiques. A leur tour, ces changements physiques ont ouvert de nouvelles possibilités pour le développement du langage, de la fabrication d’outils et des capacités mentales (comme la pensée abstraite). Et ces deux processus ont continué de se développer et de se renforcer l’un l’autre.

    Les sociétés de chasseurs-cueilleurs / le communisme primitif

    On nous a enseigné que les sociétés de classes ont toujours existé, que l’exploitation de classe est un aspect naturel et inévitable de la société humaine. Mais ce n’est pas vrai.

    Les premières sociétés humaines étaient des sociétés sans classe basées sur la coopération et le consensus et ne connaissant pas l’exploitation ou l’oppression systématique d’un quelconque groupe sur un autre.

    Ce type de société, habituellement appelée société de chasseurs-cueilleurs, n’a pas été un bref interlude dans l’exploitation et l’oppression que nous connaissons dans les sociétés de classe. Cela a été la seule façon dont les sociétés ont été organisée pendant plus de 100.000 ans, jusqu’à ce que des sociétés de classes commencent à se développer il y a environ 10.000 ans. Même aujourd’hui, il existe encore quelques régions dans le monde où des sociétés de chasseurs-cueilleurs existent encore (quoique ce ne sera peut-être plus le cas pour longtemps, car elles sont toutes sous la pression d’une absorption dans l’économie capitaliste mondiale). Pourquoi les sociétés de chasseurs-cueilleurs fonctionnaient-elles si différemment de la société actuelle ? La réponse tient à la manière dont la production des biens indispensables était organisée.

    Pour tenter de subvenir à leurs besoins, ces groupes combinaient, d’une part, la chasse d’animaux sauvages et la récupération de charognes et, d’autre part, la cueillette de plantes sauvages. Ils étaient à la merci de leur environnement et ne pouvaient stocker de grosses quantités de nourriture sur le long terme, en particulier parce qu’ils voyageaient généralement sur de longues distances à la recherche de nourriture, et ce pendant parfois plusieurs saisons.

    Chacun était intégré à la production des biens de première nécessité (nourriture, abri,…) car autrement tout le monde serait mort de faim. Il n’existait aucun espace dans lequel une élite aurait pu se développer en organisant l’exploitation du travail des autres.

    Il y avait souvent des différences dans le travail que faisaient les gens. Par exemple, dans beaucoup de sociétés de chasseurs-cueilleurs, les femmes semblent avoir consacré plus de temps à la garde des enfants tandis que les hommes se consacraient plus à la chasse, bien que cette division élémentaire du travail était très flexible et n’existait pas partout.

    Cependant, ces différences, là où elles existaient, étaient dues à des raisons pratiques et ne menaient à aucun jugement de valeur sur le statut de chaque type de travail ou des gens qui l’accomplissaient (comme c’est le cas aujourd’hui). C’est seulement quand la société s’est divisée en classes que la garde des enfants et les autres travaux associés aux femmes ont perdu leur valeur et que l’oppression systématique de la femme a commencé.

    Les sociétés de chasseurs-cueilleurs avaient tendance à vivre en petits groupes (la taille de ceux-ci dépendant des ressources dont ils disposaient) qui étaient liés à d’autres petits groupes vivant dans la même région. Les études sur les sociétés de chasseurs-cueilleurs réalisées au siècle dernier montrent que, dans de nombreux cas, celles-ci avaient développé des systèmes complexes de partage des ressources au sein des groupes et entre ceux-ci pour avoir une sorte d’assurance contre les famines et les conflits.

    Dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs, si un groupe se porte bien, il est dans son intérêt à long terme de partager les fruits de ses succès avec d’autres groupes. S’il dispose d’un surplus de nourriture qu’il ne peut pas manger ou conserver, il en donne une partie à d’autres groupes, sachant que les autres feraient pareil s’ils se retrouvaient dans la même situation.

    Ceci représente non seulement une aide pour ces groupes quand la nourriture se fait rare, mais aussi un moyen de réduire les conflits entre eux. Quand chacun dépend de chacun, il est dans l’intérêt de tous d’éviter les conflits.

    Marx et Engels ont décrit ces sociétés de chasseurs-cueilleurs sous le nom de « communisme primitif » parce que la manière dont les biens essentiels étaient produits et distribués dans ces sociétés – leur « mode de production » – produisait en retour une méthode démocratique et coopérative de prise de décision. La citation ci-dessous décrit comment ce processus se déroulait entre des groupes de Boshimans parlant la langue G/wi dans la réserve du Kalahari central du Bostwana à fin des années ‘50 et au début des années ‘60: « Le consensus est atteint au terme d’un processus d’examen des divers scénarios d’action possibles conduisant au rejet de tous sauf un. C’est un processus d’élimination successive de propositions jusqu’à ce qu’il n’en subsiste plus qu’une qui ne rencontre plus d’opposition significative. Celle-ci est alors adoptée par le groupe. Le fait que ce soit le groupe dans son ensemble qui décide est à la fois nécessaire et suffisant pour légitimer ce qui est décidé et pour rendre la décision contraignante pour tous ceux qu’elle concerne ou qu’elle affecte. » (Political process in G/wi bands by George Silberbauer (extrait de Politics and history in band societies, edited by Eleanor Leacock and Richard Lee, published by Cambridge University Press, 1982))

    On nous dit souvent que l’égoïsme, la brutalité et la guerre que nous voyons dans le monde aujourd’hui font partie de la nature humaine, que les humains ne sont pas conçus pour coopérer et vivre en égaux. Mais l’existence de sociétés de « communisme primitif » partout dans le monde pendant une période de temps aussi longue prouve que ce n’est pas le cas.

    La nature humaine a des possibilités quasi-illimitées. La vie dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs n’était certainement pas parfaite. Il devait y avoir des privations et des désaccords entre individus. Mais la manière dont ces sociétés étaient organisées aidait à mettre en évidence les aspects les plus coopératifs et les plus positifs de la nature humaine tout en rejetant au second plan des aspects plus négatifs comme l’égoïsme et la cupidité. Tout comme la société de chasseurs-cueilleurs l’a fait hier, une société socialiste serait capable demain de faire ressortir le meilleur dans la nature humaine

    La révolution néolithique…

    Il y a à peu près 10.000 ans, deux découvertes ont commencé à révolutionner la façon dont les sociétés humaines s’organisaient : la culture de plantes (l’agriculture) et la domestication d’animaux.

    Ces deux innovations, connues sous le nom de révolution néolithique, ont, pour la toute première fois, permis aux humains d’exercer un certain contrôle sur leur environnement. La productivité du travail a augmenté considérablement : les humains n’avaient plus besoin de se déplacer pour trouver de la nourriture aux différents moments de l’année, ils pouvaient cultiver et stocker leurs propres réserves de nourriture. De ce fait, ils n’étaient plus entièrement dépendants des conditions naturelles.

    Ces changements ont mené à l’établissement de campements plus permanents, où les réserves de nourriture pouvaient être stockées et où on pouvait à la fois s’occuper des cultures et des animaux et les défendre contre des attaques. La quantité de nourriture disponible a augmenté considérablement, en même temps que la population humaine dans les sociétés néolithiques se développait rapidement.

    Pour la première fois, la société humaine était capable de produire un surplus permanent (c’est-à-dire une quantité de nourriture et de biens dépassant ce qui est nécessaire à la survie), ce qui a permis à une partie de la société d’être délivrée du travail quotidien qui consiste à produire les biens de base, sans mettre en péril la survie du groupe.

    Une partie de la société a ainsi pu se consacrer bien davantage à des tâches spécifiques et spécialisées, qui allaient de la pratique de rituels dont on pensait qu’ils apportaient de la nourriture et de la chance au groupe, jusqu’à la fabrication d’outils et au développement de nouvelles techniques comme la fonte du métal et la cuisson de la poterie.

    Tout ceci a conduit à des méthodes plus productives d’utilisation du travail humain, comme par exemple l’utilisation d’outils en métal dans l’agriculture.

    A mesure qu’augmentait la productivité du travail et que se complexifiaient certaines sociétés, une couche d’administrateurs s’est développée. Le premier système d’écriture connu dans le monde, par exemple, a été développé par les Sumériens peu avant 3.000 avant JC.

    Le développement de la société sumérienne, qui a émergé entre les fleuves Tigre et Euphrate, non loin de l’actuelle ville de Bagdad, s’est fait sur base de l’irrigation. La création par les habitants de systèmes de canaux pour acheminer l’eau de pluie et l’eau des fleuves vers les champs ou les cultures a eu pour effet d’augmenter massivement le rendement des cultures. Mais, tant pour organiser le travail de creusage des canaux d’irrigation nécessaire à l’entretien d’une population nombreuse et en expansion que pour assurer une distribution efficace de l’eau, la société sumérienne avait besoin d’administrateurs.

    La première écriture sumérienne a pris la forme de symboles, gravés dans des tablettes d’argile pour enregistrer de simples transactions (par exemple un nombre de moutons ou une quantité de céréales). Mais, en quelques centaines d’années, à mesure que les tâches des administrateurs se développaient et se complexifiaient, ces symboles primitifs ont été transformés en un système d’écriture reconnue et comprise par tous les administrateurs sumériens (les compétences de lecture et d’écriture étaient un privilège jalousement gardé).

    …et la naissance de la société de classe

    Les « spécialistes » et les administrateurs qui ont été libérés du travail de production de biens de première nécessité ont joué un rôle extrêmement progressif dans la mesure où ils ont contribué à développer les forces productives.

    Cependant, beaucoup de ces « spécialistes » et de leurs descendants se sont peu à peu accrochés à leurs positions en s’appuyant sur l’accumulation de richesses réalisée, le statut privilégié et la tradition.

    Dans beaucoup de régions, ils ont commencé à devenir une élite dirigeante, une nouvelle classe avec des intérêts différents de ceux des autres dans la société. Ils ont essayé d’établir des lois afin de protéger leur position privilégiée. Parmi ces nouvelles élites, celles qui ont le mieux réussi ont créé des groupes spécialisés de serviteurs/guerriers qu’elles payaient pour renforcer leur domination au sein de la société ainsi que pour protéger celle-ci d’attaques de l’extérieur.

    Tout cela ne s’est pas passé sans résistance. Il semble que, dans certains groupes, les tentatives d’une classe dirigeante émergente pour consolider son pouvoir ont été bloquées et qu’une organisation collective à été réétablie. Cependant ces groupes tendaient à être plus faibles que les sociétés dirigées par une classe dominante où les forces productives avaient été davantage développées. En conséquence, à moins qu’ils soient géographiquement isolées d’autres sociétés plus développées, les groupes de chasseurs-cueilleurs dirigés collectivement ont généralement été absorbées par celles-ci, le plus souvent suite à des défaites lors de guerres et à leur réduction en esclavage.

    Le développement de la société humaine est basé sur le développement des forces productives

    Le développement d’outils, de machines ou de techniques qui accroissent la productivité du travail humain – comme la charrue tirée par un cheval, l’irrigation ou la production industrielle – accroissent également :

    – la taille de la population qu’une société peut supporter,

    – la spécialisation ou la division du travail qui est possible au sein de la société.

    Il a existé beaucoup de manières différentes d’organiser la production dans la société, ce qui a conduit à beaucoup de formes différentes de sociétés de classe. Voici quelques exemples de trois des types de sociétés de classes les mieux connus – l’esclavagisme, le féodalisme et le capitalisme – qui montrent comment la manière dont la production est organisée a modelé chaque société.

    L’esclavagisme : les anciennes sociétés esclavagistes – comme l’Egypte, la Grèce et la Rome antiques – étaient basées sur l’exploitation du travail d’esclaves à une échelle de masse. De grandes villes où vivaient de riches propriétaires étaient entretenues par d’énormes quantités d’esclaves (essentiellement capturés lors des guerres) qui travaillaient la terre et produisaient la plupart des biens – comme les huiles, le vin, les poteries et les bijoux – qui rendaient les sociétés esclavagistes si riches.

    Le féodalisme : les sociétés européennes du Moyen-Age reposaient sur une économie à base paysanne dans laquelle les paysans contrôlaient ce qu’ils produisaient sur leur « propre » lopin de terre mais étaient obligés de donner une partie des fruits de leur labeur au seigneur féodal qui possédait ou contrôlait la terre sur laquelle ils vivaient. Ce surplus accaparé par le seigneur pouvait prendre des formes très diverses : le paysan travaillait un certain nombre de jours sur les terres du seigneur, ou donnait à celui-ci une certaine proportion de la production de l’année ou encore lui payait une rente en argent.

    L’aristocratie de propriétaires terriens était la classe dirigeante sous le féodalisme. Bien que l’Etat était souvent organisé autour de la royauté, la famille royale provenait généralement de l’aristocratie et défendait ses intérêts.

    Le capitalisme : le système économique qui domine le monde aujourd’hui est basé sur la propriété privée des moyens de production (l’industrie manufacturière, les matières premières, les diverses ressources nécessaires à l’industrie et, aujourd’hui, même les graines nécessaires à la production de nourriture !) et l’exploitation du travail de la classe des travailleurs salariés.

    Ces travailleurs, qui ne possèdent ni terre ni richesse substantielle transmise par héritage, ne disposent par eux-mêmes d’aucun moyen de subsistance et sont donc forcés de vendre leur force de travail pour survivre. Les capitalistes achètent celle-ci ; ensuite ils récupèrent leur argent et réalisent des profits en vendant des biens essentiels et d’autres produits à la classe des travailleurs et aux autres classes de la société.

    La lutte des idées dans la société reflète la lutte des classes

    Les idées ne sont en aucune manière neutres ou « au-dessus » de la société. Dans une société de classe, les idées de la classe dirigeante dominent à cause de la domination économique, politique et légale de cette classe (ou, en d’autres termes, de la somme d’argent, de pouvoir et de contrainte dont elle dispose).

    L’idéologie (le système d’idées) de toute classe dirigeante reflète ses intérêts matériels. Par exemple, les monarchies féodales de nombreux pays à travers le monde ont défendu leur pouvoir et leurs privilèges en faisant appel aux idées et aux institutions religieuses. En Angleterre et en France, l’Eglise a soutenu le « droit divin » de la monarchie féodale à diriger, en affirmant que les hommes et femmes ordinaires n’avaient pas le droit de remettre en question un monarque qui avait été choisi par Dieu.

    Des idées qui sont considérées comme « de bon sens » sont souvent en réalité le produit d’un type particulier de société de classe. Au 4e siècle avant notre ère, le philosophe Platon défendait l’idée que ce qui se passait dans la nature était déterminé par les idées et pas par des forces matérielles. Il croyait en conséquence que les expériences pratiques n’étaient pas indispensables pour développer une compréhension de la manière dont fonctionne les processus naturels : ceux-ci pouvaient être déchiffrés par la pensée.

    Sa vision était conditionnée par le type de société dans lequel il vivait, la Grèce antique, qui était une société esclavagiste dans laquelle le travail physique était considéré comme avilissant et inutile pour l’élite. Il a fallu bien plus d’un millier d’années pour que les conceptions erronées de Platon soient abandonnées et pour que l’importance des méthodes scientifiques de mesure et d’expérimentation soit reconnue.

    Bien que les idées de la classe dirigeante soient dominantes, elles sont constamment remises en cause par d’autres idées. Cette lutte d’idées reflète la lutte entre les classes sociales dans la société. L’opposition à l’idéologie dominante de la classe dirigeante est le reflet des intérêts matériels des autres classes.

    Gouvernement, système légal et idéologie

    Le gouvernement, le système légal et l’idéologie de n’importe quelle société sont appelés la « superstructure ». Celle-ci se développe sur la base économique de la société. La forme que prend la superstructure dans une société est déterminée avant tout par les rapports économiques sur lesquels est basée cette société.

    Cependant, cela ne signifie pas que le système économique détermine tout dans une société. Les traditions locales et la manière dont la société s’est développée jusque là influencent aussi le système politique et légal. Par exemple, beaucoup de sociétés capitalistes ont encore une monarchie qui est en réalité une institution féodale et pré-capitaliste. Les républiques et les monarchies, les démocraties parlementaires, les dictatures militaires et les régimes fascistes sont autant de systèmes de gouvernement utilisés par la classe capitaliste.

    Dans l’Europe d’aujourd’hui, les lois sont essentiellement faites et mises en œuvre par des représentants de la classe dirigeante capitaliste. D’autres classes, comme la classe des travailleurs et les classes moyennes, font bien entendu aussi entendre leur voix, mais la manière dont est constitué le système légal protège les intérêts de la classe dirigeante. Ainsi de nombreux délits contre la propriété privée (comme les vols, les cambriolages,…) sont considérés comme des délits plus sérieux que ceux contre les personnes (les agressions, les coups et blessures, les viols et même les meurtres dans certains cas).

    Cela conduit à des situations étranges, comme en Grande-Bretagne où la majorité des femmes emprisonnées le sont pour des « crimes » liés à la pauvreté comme des vols de nourriture ou l’incapacité de payer des amendes, tandis que les compagnies privées qui gèrent les chemins de fer ne sont pas poursuivies lorsque des gens meurent dans des accidents de train provoqués par une chasse au profit passant avant la sécurité.

    Dans le monde global dominé par les monopoles où nous vivons aujourd’hui, il est légal pour une société multinationale de breveter des plantes existantes, comme les variétés de riz qui ont été cultivées depuis des centaines d’années, et de faire payer les agriculteurs partout dans le monde pour avoir le « droit » de cultiver ces plantes.

    L’idéologie change lorsque les conditions matérielles changent

    Les affirmations suivantes expriment des idées qui sont largement répandues chez nous aujourd’hui. La comparaison avec des idées qui étaient largement répandues à la fin du 19e siècle est frappante.

    Aujourd’hui : Les hommes sont plus forts que les femmes. La cupidité fait partie de la nature humaine; une société égalitaire ne peut donc pas exister. Le racisme existera toujours.

    Au 19e siècle : Les hommes sont supérieurs aux femmes tant du point de vue physique que du point de vue intellectuel. Les Blancs sont supérieurs aux Noirs. La Belgique aide les Congolais en leur apportant la civilisation.

    Ces deux séries d’affirmations reflètent l’idéologie de la classe dirigeante qui affirme que la division et la cupidité sont naturelles et nécessaires. Mais les changements dans les conditions matérielles du capitalisme pendant les cent dernières années ont obligé les commentateurs à modifier la manière dont ils expriment leur idéologie.

    A la fin du 19e siècle, les femmes étaient considérées sur le plan légal comme étant la propriété de leur mari ou pères et n’avaient aucun droit en matière de succession, de vote ou d’études universitaires.

    En 1884-1885, les puissances européennes se sont rencontrées lors d’une conférence à Berlin pour se partager l’Afrique. A la fin du 19e siècle, grâce à leur puissance économique et navale, la Grande-Bretagne dirigeait un Empire qui couvrait un tiers de la surface de la planète. La France possédait, elle aussi, un vaste empire colonial et la Belgique elle-même s’était appropriée en Afrique des colonies qui représentaient cent fois sa propre superficie. Ces empires fournissaient des matières premières et des minerais pour l’industrie de la « mère-patrie » et un énorme marché pour l’industrie de celle-ci. La classe dirigeante essayait de justifier son colonialisme (qui dans beaucoup de cas prenait avant tout la forme d’une occupation militaire) en diffusant des idées ouvertement racistes dans toutes les couches de la société.

    Au cours du 20e siècle, des mouvements de masse pour l’indépendance brisèrent les empires coloniaux et la Grande-Bretagne (sans parler de la France et de la Belgique) fut remplacée par les Etats-Unis en tant que puissance économique mondiale dominante.

    En même temps, les luttes pour les droits des femmes combinées au besoin croissant d’ouvrières dans l’industrie ainsi qu’à la confiance et au pouvoir que leur nouvelle position sur le marché de l’emploi leur donnaient, ont permis aux femmes d’acquérir beaucoup de droits qu’elles n’avaient pas au 19e siècle.

    Ce sont ces changements matériels qui ont obligé les commentateurs capitalistes à adapter la façon dont ils présentent leur idéologie.

    Le pouvoir des idées vient des forces matérielles qu’elles représentent

    Marx et Engels n’ont pas inventé l’idée de socialisme : elle existait déjà depuis longtemps. Des mouvements comme les Diggers, qui avaient lutté pour mettre fin à la propriété privée de la terre durant la Guerre civile anglaise au 17e siècle, avaient mis en avant des idées socialistes de base bien avant eux. Cependant, les premiers mouvements socialistes étaient avant tout utopiques : ils mettaient en avant l’idée d’une société meilleure mais sans avoir une véritable compréhension de comment on pouvait y arriver.

    La contribution de Marx et d’Engels a été de montrer que les idées socialistes ont une base scientifique et objective et de les mettre en contexte en expliquant comment la société humaine s’était développée. Ils ont été capable de développer une idéologie approfondie pour le socialisme : le marxisme.

    La puissance des idées socialistes et marxistes provient du fait qu’elles reflètent et expliquent avec précision les conditions matérielles que la classe des travailleurs connaît sous le capitalisme :

    • L’aliénation, l’exploitation et l’oppression de la classe des travailleurs
    • La nature collective du travail de la classe des travailleurs
    • La contradiction entre l’énorme pouvoir productif du capitalisme et son incapacité à développer les forces productives pour le bien de tous ou à fournir suffisamment de biens de première nécessité pour satisfaire les besoins de chacun ( comme on le voit aujourd’hui dans le fossé entre les riches et les pauvres, qui a atteint un niveau historique).

    Tant que ces conditions matérielles existent, les gens seront obligés de chercher une alternative socialiste. Pourtant, la popularité du socialisme ne sera pas suffisante pour liquider le capitalisme et le remplacer par une forme socialiste d’organisation de la société.

    2. Changer le cours de l’Histoire

    Le changement révolutionnaire – Comment se développe la société

    Au fil du temps, les contradictions inscrites dans les structures économiques, politiques et légales de chaque société de classe s’aiguisent. Elles finissent par devenir un blocage pesant sur les forces productives (la productivité du travail humain) freinant leur développement. La vieille classe dirigeante essaie désespérément de bloquer tout changement afin de défendre son pouvoir et ses privilèges.

    Dans cette situation, la seule voie qui permette à la société d’aller de l’avant est d’écarter cette vieille classe dirigeante du pouvoir et d’installer à sa place une nouvelle organisation de la société. Cela signifie une révolution.

    En Angleterre et en France, la classe capitaliste a conquis le pouvoir politique par une révolution – même si elle préfère parfois qu’on n’en parle pas trop ! La Guerre Civile anglaise au milieu du 17e siècle – où les parlementaires emmenés par Cromwell affrontèrent les monarchistes sur le champ de bataille – tout comme la Révolution française à la fin du 18e siècle – où les insurrections urbaines se combinèrent avec des affrontements militaires entre la République naissante et la noblesse exilée – furent de véritables guerres entre deux classes en opposition frontale – l’aristocratie féodale et la monarchie contre la classe capitaliste montante – qui mobilisaient toutes deux leurs partisans.

    Le système féodal en Europe occidentale avait en réalité commencé à atteindre ses limites de développement beaucoup plus tôt. Les améliorations apportées aux méthodes agricoles ainsi que le défrichement de forêts destiné à fournir davantage de terres pour l’agriculture avaient énormément amélioré la productivité agricole mais ne pouvaient guère aller au-delà dans un système féodal reposant sur de petites parcelles paysannes.

    L’épidémie de peste noire au milieu du 14e siècle provoqua la mort de près de 40% de la population européenne. La raréfaction de la main d’œuvre qui en découla dans les campagnes finit par donner à la paysannerie plus de pouvoir dans leur lutte permanente avec les seigneurs féodaux qui furent obligés de leur concéder de meilleures conditions de travail et des loyers moins élevés pour les terres qu’ils occupaient. Les pauvres sans terre – qui étaient obligés de travailler pour d’autres afin de survivre – purent obtenir de meilleurs salaires tant à la campagne que dans les villes.

    Pendant que la classe féodale déclinait, l’embryon d’une nouvelle classe commençait à se former dans les villes et les bourgs. Encouragés par la croissance du commerce sur une longue distance, artisans et marchands se réunissaient à l’occasion des marchés dans les villes pour vendre leurs produits. Les artisans trouvèrent aussi localement des acheteurs pour leurs productions, particulièrement parmi les seigneurs féodaux et les paysans les plus fortunés.

    Les villes ayant acquis dans la plus grande partie de l’Europe occidentale une relative liberté les mettant à l’abri du contrôle direct des seigneurs féodaux, les artisans et les riches marchands y formèrent bientôt des guildes et des corporations pour protéger leurs intérêts.

    Ces processus – la croissance de la production de biens à vendre sur les marchés et la crise grandissante du pouvoir féodal à la campagne – se renforcèrent mutuellement. Les guildes et les corporations commencèrent à introduire les rapports capitalistes en employant une armée de plus en plus grande de travailleurs salariés.

    Mais le pouvoir économique de cette classe capitaliste embryonnaire avait beau continuer à croître, le gouvernement et le système légal défendaient toujours les intérêts de l’aristocratie féodale. En Angleterre, la lutte pour le pouvoir politique entre la noblesse et la bourgeoisie capitaliste montante fut réglée par une guerre civile. Les bourgeois entraînèrent derrière eux dans leur lutte les sections les plus opprimées de la population. Ils renversèrent la monarchie, installèrent comme autorité politique suprême un parlement (dominé à ce moment par les représentants de la nouvelle classe capitaliste) et établirent un système légal qui défendait leurs intérêts de classe. Néanmoins, des revers dans la lutte obligèrent ensuite la bourgeoisie à passer un compromis partiel avec l’aristocratie, impliquant notamment la restauration de la monarchie, mais sans que sa domination économique soit remise en cause.

    Moins d’un siècle et demi plus tard, la bourgeoisie française, économiquement et idéologiquement plus solide, fut capable de garder le contrôle d’un processus révolutionnaire tumultueux et d’imposer après quelques années un système politique qui écartait définitivement la noblesse du pouvoir.

    Cependant, les sociétés humaines ne se développent pas en ligne droite – en sautant d’un type de société à un autre et en progressant constamment. La société peut aussi reculer.

    Que se passe-t-il quand les révolutions échouent?

    Malheureusement, les révolutions contre l’ordre existant ne réussissent pas toujours. Si des révolutions contre un mode de production dépassé et sa classe dirigeante échouent encore et encore, le système déclinant continuera à sombrer et le niveau de développement de la société peut être rejeté en arrière pour des centaines d’années.

    Les anciennes sociétés esclavagistes de l’Egypte, de la Grèce et de Rome ont été très loin dans le développement de la science, de la technologie et de la littérature. Cet essor culturel était rendu possible parce que ces sociétés étaient basées sur l’exploitation d’immenses armées d’esclaves. A un moment, ces empires puissants ont commencé à être confrontés aux limites de l’esclavagisme (et dans le cas de l’Empire Romain, aux limites d’une expansion territoriale constante).

    Un exemple montrant comment les limites de l’esclavagisme ont freiné la société est le fait que les progrès scientifiques et les inventions produites par la société esclavagiste n’ont pas toujours été utilisées pour augmenter l’efficacité du travail humain. Ainsi, les anciens Egyptiens avaient compris tous les principes nécessaires à la construction de la machine à vapeur tandis que les Romains avaient inventé la roue hydraulique.

    Cependant, aucune de ces inventions n’a été utilisée de façon systématique ou généralisée ; elles n’ont été utilisées que pour produire des jouets pour amuser les riches et les puissants. Ceci s’explique par le fait que le système économique de l’esclavagisme, où le travail de l’esclave coûtait trois fois rien et était facile à se procurer, n’incitait pas à répandre une nouvelle technologie qui aurait pu amener à un développement considérable de la productivité du travail humain et faire avancer fortement la société.

    Au lieu d’être renversées et remplacées par une forme de société plus progressive, les anciennes économies esclavagistes ont commencé à se désagréger jusqu’à ce que, divisées et affaiblies, elles soient conquises par des envahisseurs étrangers. L’effondrement de l’Empire Romain a provoqué un recul important dans une grande partie de l’Europe Occidentale, un recul qui allait durer des siècles avant que celle-ci puisse se développer à nouveau.

    Le capitalisme

    Les réalisations du capitalisme, en termes de développement des forces productives, sont immenses. La mécanisation du processus de production, l’électrification, le développement des chemins de fer, un réseau routier étendu et des véhicules motorisés, l’invention d’ordinateurs et le développement d’une communication virtuellement instantanée aux quatre coins du monde ont transformé le commerce et permis la production de biens et de richesses en des quantités auparavant inimaginables.

    Mais ces avancées ont eu un lourd prix. L’expansion du travail salarié et du « libre marché » ont permis une exploitation encore plus intensive de la classe des travailleurs. Les capitalistes possèdent et contrôlent les outils, les usines et les matières premières (les moyens de production). Les travailleurs eux, n’ayant pas de terres ou de source de revenus indépendante, sont donc obligés de vendre leur travail aux capitalistes pour survivre.

    Les capitalistes, qui sont en compétition les uns avec les autres, essayent de comprimer les salaires de leur main-d’œuvre afin d’augmenter leurs profits. La menace du chômage – et des demandeurs d’emploi qui seraient prêts à travailler pour un salaire plus bas – est utilisée comme un bâton afin de les faire accepter aux travailleurs des conditions de travail et des salaires plus mauvais.

    Dans les premiers temps du capitalisme (c’est-à-dire au début de la révolution industrielle en Angleterre), les conditions de vie et de travail des masses étaient pires que celles qu’avait connue la majorité de la population sous le féodalisme. C’est seulement avec le développement de la lutte des classes, et notamment la création des syndicats, que les travailleurs et les chômeurs ont commencé à améliorer leur situation.

    Les énormes richesses et la puissance qu’elles rendent possibles ont été monopolisés par la classe capitaliste et utilisées pour faire encore plus d’argent en exploitant le travail de la classe des travailleurs. Les premiers pays capitalistes (comme l’Angleterre, la France et la Belgique) ont utilisé leur puissance économique et militaire pour créer des empires en s’emparant d’immenses territoires à l’étranger où les ressources naturelles et le travail de la population indigène ont été exploités impitoyablement pour maximaliser les richesses, le pouvoir et le prestige de la classe dirigeante impériale.

    La classe des travailleurs – « fossoyeurs » du capitalisme

    Marx et Engels ont montré que le capitalisme n’était que la forme la plus récente d’une société d’exploitation de classes. Ils ont aussi expliqué qu’en se développant, le capitalisme semait aussi les graines de sa propre destruction. Le rôle central que la classe des travailleurs en pleine expansion a joué dans le processus de production a ainsi produit une classe qui non seulement peut mettre en cause le rôle des capitalistes, mais qui est aussi capable de créer une société nouvelle et plus progressiste.

    D’un point de vue historique, la réalisation la plus importante du capitalisme a été de développer les forces productives jusqu’à un niveau où une société socialiste est possible. Sans les bases matérielles pour éradiquer la faim, la pauvreté et l’analphabétisme partout dans le monde, une société socialiste est impossible.

    Le capitalisme a réalisé cette base matérielle. Comme le disent les Nations Unies : « On estime que le coût supplémentaire pour réaliser et maintenir l’accès universel à l’éducation de base pour tous, les soins de santé de base pour tous, les soins de santé en matière de gynécologie et d’obstétrique pour toutes les femmes, une alimentation appropriée pour tous et l’accès à l’eau potable et à des installations sanitaires pour tous, est grosso modo de 40 milliards de dollars par an… Ceci représente moins de 4 % de l’ensemble de la fortune des 225 personnes les plus riches. » (Rapport du Développement Humain des Nations Unies, 1997).

    Pourtant, sous le capitalisme, même cette redistribution relativement mineure ne verra jamais le jour. La propriété privée de l’industrie, des transports et des communications freine les forces productives. L’économie moderne mondialisée essaie continuellement de dépasser les limites du capitalisme, comme les frontières nationales ou l’incapacité dans laquelle se trouvent les travailleurs de racheter les produits qu’ils ont produit parce qu’ils ne sont pas payés à la valeur réelle de leur travail. Mais régulièrement, ces limites plongent le système dans des crises.

    La nature parasitaire du capitalisme moderne se révèle à travers le développement massif de la spéculation financière, en opposition à l’investissement dans l’industrie. Les systèmes de communications incroyables qui ont été développés pourraient permettre à une société socialiste de planifier démocratiquement une économie moderne de façon détaillée afin de faire face aux besoins de la population. Mais sous le système capitaliste, ces systèmes de communications sont monopolisés par les plus grandes multinationales qui s’en servent pour s’assurer qu’ils pressent chaque goutte de profit tant de leurs travailleurs que des consommateurs.

    Le rôle des individus dans l’Histoire

    Une révolution n’est pas quelque chose qu’un individu ou une organisation peut faire apparaître d’un coup de baguette magique. C’est un processus qui se développe lorsque les contradictions à l’intérieur d’une société de classes ont atteint un seuil critique : lorsque les masses, qui sentent qu’elles ne peuvent plus supporter plus longtemps leur oppression se soulèvent pour défier la domination de la classe dirigeante alors au pouvoir. (Pour en savoir plus sur ce qui se passe lors d’une révolution, un autre texte se trouvera bientôt sur ce site : Changer le Monde – Le rôle d’un parti révolutionnaire )

    Les marxistes rejettent l’idée, défendue par des historiens du courant dominant, que des individus dotés de fortes personnalités sont à eux seuls responsables des avancées de l’Histoire. Attribuer des événements historiques majeurs aux ambitions ou aux fortes convictions personnelles d’un individu donne une vision mystifiante l’Histoire au lieu d’aider à l’expliquer. Cependant, tandis que nous sommes convaincus, en tant que marxistes, que les révolutions sont faites par les masses, nous comprenons aussi que dans un mouvement de masse ou une révolution – et en particulier à certains moments critiques – l’intervention de certains individus peut faire la différence entre la réussite ou l’échec du mouvement.

    Néanmoins, ceci ne veut pas dire que des individus peuvent, de quelle que manière que ce soit, remplacer des mouvements de masse ou une implication de masse dans une révolution. Des gens qui peuvent aider à orienter des mouvements de masse dans la bonne direction ne tombent pas tout cuits du ciel. Ils sont formés et préparés par la période économique et politique dans laquelle ils ont vécu, et particulièrement par les luttes de classes et les mouvements de masse auxquels ils ont participé. De cette façon, l’expérience et les leçons des mouvements du passé sont absorbées et assimilées par ces individus et réintroduites par ceux-ci dans le mouvement afin d’en assurer le succès.

    La différence entre la révolution socialiste et toutes les autres révolutions antérieures

    Une révolution socialiste doit être menée par la classe des travailleurs. Les révolutions contre les formes précédentes de sociétés de classes ont chaque fois été menées par une classe minoritaire qui exploitait la colère des masses dans sa lutte pour conquérir le pouvoir politique pour elle-même (par exemple les révolutions capitalistes contre la classe dirigeante féodale).

    Aujourd’hui, dans beaucoup de pays, la classe des travailleurs représente la majorité de la population. Afin de se libérer elle-même de l’oppression et de l’exploitation, la classe des travailleurs doit abolir complètement la société de classes. La révolution socialiste est la première révolution dans l’histoire de l’humanité qui a le pouvoir de mettre un terme à l’exploitation de classe. C’est aussi la première révolution qui est menée par une classe qui est devenue entièrement consciente du rôle historique qu’elle doit affronter.

    Cette conscience n’existe pas encore à l’heure actuelle. L’expérience que les gens ont du système capitaliste les pousse vers des conclusions socialistes de façon différente et à des moments différents. Encourager le développement d’une conscience de classe et d’idées socialistes est l’une des tâches d’un parti révolutionnaire, qui peut rassembler différents secteurs de la classe des travailleurs et de la classe moyenne radicalisée en les unissant dans un combat commun.

    La fin de la société de classes

    Une société socialiste abolirait les classes sociales, permettant à la gestion collective et vraiment démocratique de la société de réapparaître pour la première fois dans l’Histoire depuis les sociétés de chasseurs-cueilleurs. Mais ceci se ferait sur une base matérielle beaucoup plus élevée : au lieu de vivre à un niveau de subsistance quotidienne, en étant entièrement dépendant de l’environnement local, la société serait basée sur des forces productives qui sont à même de procurer plus qu’assez pour satisfaire les besoin de chacun.

    Dans la période de transition entre le capitalisme et le socialisme, c’est-à-dire après une révolution socialiste réussie, l’Etat sera dirigé par la classe des travailleurs (et aussi par la paysannerie pauvre et les masses de sans-terre dans les nombreux pays où ils existent). Mais même cette forme d’Etat – bien qu’il s’agirait d’un Etat basé sur la démocratie des travailleurs plutôt que sur l’exploitation de classe – finira par disparaître lorsque le socialisme, puis une véritable société communiste seront réalisés.

    La base matérielle de l’Etat est la suppression d’une classe (en l’occurrence les capitalistes) par une autre (en l’occurrence les travailleurs, soutenus par d’autres classes opprimées comme la paysannerie et les pauvres sans-terre). A mesure que se développe une société sans classe, disparaît peu à peu la base matérielle pour toute organisation étatique se dressant au-dessus de la population. Les tâches nécessaires que l’Etat accomplit dans une société de classes – la planification, l’administration,… – seront organisées et exécutées par la population dans son ensemble selon ses propres décisions démocratiques.

    « Socialisme ou barbarie »

    Si une révolution échoue à renverser le capitalisme, les conséquences peuvent être gravissimes. Le fascisme et la dictature sont des « solutions » auxquelles la classe capitaliste a souvent recours pour « maintenir l’ordre » après une révolution qui a échoué. Mais si, sur le long terme, aucune révolution ne réussit à établir une société socialiste, même ces perspectives horribles se révèleraient insignifiantes comparées à la désintégration du capitalisme au niveau mondial.

    Car, tout au long de l’Histoire, le potentiel de destruction de l’humanité s’est accru en même temps que se développaient les forces productives. Au fur et à mesure que de nouvelles formes de sociétés de classes émergeaient, l’exploitation des classes opprimées en leur sein s’est intensifiée. L’augmentation de la productivité et de la technologie ont permis à la fois une exploitation et un contrôle des masses de plus en plus complet et la mise en œuvre d’armes de destruction massive de plus en plus puissantes et épouvantables.

    Les armes nucléaires détenues par des gouvernements partout dans le monde pourraient détruire des centaines de fois la planète. La destruction de l’environnement par l’industrie capitaliste va de pair avec la propriété privée et le profit. Comme le système capitaliste titube de crise en crise, l’instabilité croissante qu’il crée augmente le nombre de guerres et de conflits et épuise les ressources naturelles avec de moins en moins de considération pour les générations futures.

    A moins qu’une série de révolutions socialistes de par le monde réussisse à mettre fin au capitalisme, la désintégration d’une société disposant d’une telle force de destruction terrifiante pourrait être un désastre sans précédent dans l’histoire de l’humanité.

    Une société socialiste ne libérerait pas seulement les forces productives des limites du capitalisme, elle ne libérerait pas seulement les humains de l’esclavage salarié et de l’aliénation par le travail sous le capitalisme : elle assurerait aussi que la production et la technologie soient utilisées à des fins constructives et pas à des fins destructives.


    Quelques définitions en bref

    • Réalité matérielle : les choses et les processus dans le monde réel qui peuvent être touchés ou mesurés
    • Mode de production : la manière dont est organisée la production des produits de première nécessité et des autres biens
    • Forces productives : la productivité du travail humain (la quantité de biens produite par une quantité fixée de travail humain) qui est développée et augmentée à l’aide de la technologies, des connaissances scientifiques et des manières plus efficaces d’organiser le travail humain
    • Idéologie : système d’idées
    • Progressiste : qui contribue à faire progresser la société en aidant au développement des forces productives

    Terminologie

    Note de l’auteur : Marx et Engels ont classifié les premiers types de sociétés de classes en barbarie et la montée des anciens empires esclavagistes d’Egypte, de Grèce et de Rome en civilisation. Aujourd’hui, ces termes semblent démodés et teintés par leur association avec l’idéologie de l’impérialisme. J’ai donc utilisé dans cette brochure des termes plus spécifiques qui sont apparus dans les études modernes, respectivement société néolithique et société esclavagiste.

    Note du traducteur :Des passages du texte ont été réécrits pour remplacer des exemples typiquement britanniques par des exemples de valeur plus générale. D’autre part, à la place du terme de classe ouvrière, qui semble réduire la classe aux seuls ouvriers, j’ai préféré employer le terme de classe des travailleurs qui permet d’inclure de manière plus large le grand nombre de salariés (ouvriers, employés, fonctionnaires, enseignants,…) qui sont aujourd’hui victimes de l’exploitation dans le cadre du capitalisme moderne.

    Liste de lecture

    • L’idéologie allemande (première partie) – Marx et Engels
    • Le Manifeste du Parti Communiste – Marx et Engels
    • De la préhistoire à l’Histoire – Gordon Childe
    • L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’Etat – Engels
  • La Russie de Poutine fait couler du sang homosexuel

    "Pédés, pervers!" "Renvoyez les tapettes dans les camps de concentration"… Voilà les cris qui ont déchaîné Moscou lors du 14ème anniversaire de la dépénalisation de l’homosexualité en Russie. Rien (ou presque) ne laissait présager que ce dimanche d’apparence ordinaire serait marqué par des violences homophobes dans la capitale ni que les visages en sang des rescapés homosexuels allaient horrifier l’Europe toute entière à la veille du sommet du G8 en Allemagne.

    Tout remonte à l’année dernière, au moment où des centaines de militants LGBT (lesbiennes, gays, bi’s, trans-genres ou hétéros) se sont rassemblés à Moscou pour la première Gay Pride russe. Cette manifestation avait été interdite. Devant la ténacité des homos à faire valoir leurs droits, celle-ci a quand même eu lieu, mais fût violement réprimée (un article de notre Internationale publié sur ce site relate ces évènements).

    Aujourd’hui, les plaies ayant cicatrisé, les homos ont décidé de revenir à la charge. Au programme cette année, manifester devant le bureau du maire de la ville et lui remettre une pétition pour protester contre l’interdiction de la Moscow Pride 2007.

    Evidemment, les déclarations des politiciens et des religieux ne se sont pas faites attendre. Le mufti suprême de la région de Talgat Tajuddin a également déclaré: "S’ils vont dans la rue, il faudra les frapper. Tous les gens normaux le feront, qu’ils soient musulmans ou orthodoxes." Il a ajouté que le Prophète Mahomet a ordonné de tuer les homosexuels, car "leur comportement conduirait à la fin de l’espèce humaine". Selon l’évêque orthodoxe Daniel Yuzhno-Sakhalinsk, cette marche n’est qu’une "plaisanterie cynique", il a comparé l’homosexualité à la lèpre et a mis en garde la population contre "la propagande du vice".

    Lors de la première Gay Pride, un député nationaliste criait fièrement: "J’ai une solution pour les homos: la Sibérie!". Depuis l’an dernier déjà, le maire de Moscou, Iouri Loujkov, affirme que toute tentative pour organiser une Gay Pride (qu’il qualifie d’"acte satanique" sic!) serait "résolument écrasée". Issu de la droite dure, Igor Artioumov a tenté de légitimer sa récente attaque contre une boîte homo de Moscou en déclarant: "Je proteste contre ces sodomites qui rampent comme des cafards!". Le président russe a lui même sous-entendu lors de sa conférence de presse annuelle que "les homosexuels nuisent à la cause nationale en ne participant pas au renouvellement des générations" etc.

    Les organisateurs de la Gay Pride avaient quant à eux invité les journalistes internationaux, des VIP’s et plusieurs députés d’Angleterre, de Belgique, de France, des Pays-Bas, d’Italie, du Brésil et du Parlement européen, croyant naïvement que leur présence empêcherait que le mouvement soit à nouveau réprimé.

    Mais rien à faire, la Russie de Poutine se la joue dure. Comme en 2006, la disproportion entre le dispositif policier et le petit nombre de manifestants était évidente.

    La presse de droite colporta si bien les menaces homophobes que le rassemblement dégénéra en une véritable chasse aux homosexuels. Des néo-fascistes ont rué de coups les manifestants aux cris de "morts aux homosexuels". A chaque fois, les policiers ont tardé à intervenir. Le député européen Marco Cappato a été agressé par un groupe de néo-nazis alors qu’il parlait à des journalistes. "Que fait la police? Pourquoi ne nous protégez-vous pas?", a-t-il lancé aux policiers qui l’ont ensuite arreté malgrè son immunité parlementaire puis placé dans le même camion que plusieurs militants d’extrême droite.

    En Russie, le climat anti-gay a en effet donné confiance aux fascistes pour entrer en jeu et laisser sortir toute leur haine, sans scrupule. Un groupe de jeunes hommes solidement bâtis se sont présentés équipés de masques chirurgicaux, destinés selon leurs termes à les protéger de la "maladie homosexuelle". D’autres, brandissant fièrement des photos d’Hitler, faisaient le salut nazi en beuglant "nous sommes pour un véritable amour (sic!)". Un homme muni d’un crucifix "venu aider les policiers" a menacé de s’en servir pour frapper tout homosexuel qui croiserait son chemin.

    En plus de recevoir des coups, les homosexuels qui défendaient leurs droits ont été arreté manu militari, jetés dans un camion de la police et emmené sous les yeux de dizaines de journalistes. Plusieurs fachos ont également été interpellés (puis immédiatement relachés) pour avoir frappés des homos ou des députés. La lenteur de l’intervention des policiers leur laissait cependant tout l’espace pour asséner plusieurs coups rapportent les témoins. Selon Scott Long, un militant de Human Rights Watch, ONG de défense des droits de l’homme: "La police n’a pas vraiment essayé de séparer les deux camps et, par conséquent, des gens ont été passés à tabac. Je conseillerais aux autorités russes de protéger la liberté de rassemblement et la liberté d’expression, et de protéger les manifestants."

    "Nous défendons simplement nos droits" a déclaré un jeune homosexuel qui saignait du nez après avoir reçu un puissant coup de poing au visage par un homme hurlant "les homos sont des pervers". "C’est atroce, mais cela ne me fait pas peur. C’est un endroit assez effrayant, un pays assez effrayant pour les homosexuels. Mais nous persisterons jusqu’à ce qu’ils nous permettent d’exercer nos droits", a-t-il ajouté.

    "Il faut que nous nous battions pour faire valoir nos droits!" insistait Lena, toute jeune lesbienne qui avec un groupe de copines aura tenu plusieurs minutes face à des néo-nazis qui les couvraient d’insultes. "Vous êtes des animaux!", "Sales putes!" leur lançaient les crânes rasés, bavant de rage. "C’est plutôt vous les animaux!" répondaient bravement les filles. Cette scène-là s’est achevée par des crachats et quelques coups de pieds dans le dos quand elles ont finalement battu en retraite. "Mais nous reviendrons l’année prochaine, et jusqu’à ce qu’on puisse enfin s’affirmer homo en Russie !" assuraient-elles au journal français LIBERATION.

    Les deux chanteuses russes du groupe TATU qui ont bâti leur célébrité en s’affichant lesbiennes étaient également présentes à la manifestation, assaillies tant par les néofascistes que par les journalistes, celles-ci ont rapidement dû fuir la mêlée. Quelque secondes après son arrivée, le leader du mouvement gay, Nikolaï Alexeïev, a été "emmené sans explication" dans un poste de police du centre de Moscou.

    Un député Vert allemand, Volker Beck, déjà roué de coups lors de la première Gay Pride l’an dernier, a de nouveau été battu par des néo-nazis puis interpellé par la police. Une fois libéré, il a déclaré à la presse avoir été ensuite roué de coups par les policiers. Le député allemand a ajouté que lui et ses compagnons d’infortune s’étaient fait confisquer leur passeport au cours de leur détention. La présidente de son parti a exigé que la chancelière Angela Merkel évoque la question des droits de l’homme avec le président russe lors du sommet du G8 prévu le mois prochain en Allemagne.

    Un célèbre défenseur britanique des homosexuels, Peter Tatchell, à été jeté au sol et frappé à deux reprises. Quand il s’est relevé, couvert de sang, il a été frappé une nouvelle fois à l’oeil et embarqué par deux policiers anti-émeutes qui n’étaient visiblement pas génés par les caméras filmant la scène.

    Des nationalistes ont lancé des oeufs sur une député transexuelle de Rifondazione Comunista, Vladimir Luxuria, qui, tremblante, déclarait après coup: "Dès mon retour, je vais faire pression sur notre parlement pour que le président italien évoque ce grave incident avec Vladimir Poutine lors de sa prochaine visite. Malheureusement Nikolaï Alexeïev (le leader du mouvement) restera cette nuit au poste de police et il y aura un procès lundi car il est accusé d’avoir résisté à la police".

    Cependant, ces réactions homophobes ne reflètent pas forcément l’opinion publique car, selon un sondage récent, 51% des russes pensent que les gays et les lesbiennes devraient avoir les même droits que les autres. Mais il est clair que les déclarations politiques ou autres propagent la haine et la violence dans le pays tout entier. Poutine est d’ailleurs arrivé au pouvoir en attisant la haine et les divisions dans son pays (Tchétchénie, terreur, assassinats politiques, magouilles financières…). Le sommet du G8 nous a montré que sa doctrine était: "diviser pour mieux régner". Tenter de faire pression sur la Russie à cette occasion n’est pas sérieux.

    Que faire, alors?

    Nous devons bien sûr nous organiser pour combattre le racisme sous toutes ses formes. Pour changer la donne, nous devons dépasser le chacun pour soi et rester unis: homos et hétéros, hommes et femmes, travailleurs et chômeurs, flamands et francophones, belges et immigrés… mais ce n’est qu’un début.

    Aucun changement radical n’est possible tant que nos vies seront dirigées par des puissances économiques, comme le G8. Notre rôle en tant que socialistes est de prouver que c’est seulement en combattant le système capitaliste, ainsi que toutes les pourritures toxiques qui émannent de lui et en mettant sur pied une nouvelle société basée cette fois sur la solidarité et l’égalité -une société socialiste-, que ces problèmes seront réglés une fois pour toutes.

  • Changements climatiques : Les prix vont suivre la température

    La question de l’écologie et de la préservation de notre environnement est vue parfois comme un problème secondaire, comme une préocupation réservée à ceux qui n’ont que cela à faire. Le cynisme n’est pas étranger au regard que certains portent sur les modifications du climat : « plus de soleil, plus de bronzage ! ». Pourtant, il s’agit d’un problème crucial et pour notre avenir immédiat également.

    Souvent, les militants écologistes ont été vus comme des farfelus. Mais bon, il est vrai que pour un travailleur aux prises avec l’exploitation qu’il subit sur son lieu de travail – avant de replonger dans la vie familliale et les problèmes des enfants, des factures à payer,… – il n’est pas toujours évident d’être sensible au drame que représente la disparition d’un petit mammifère en Asie. D’autant plus que les solutions proposées par les Verts – « officiels » et autres – n’ont régulièrement été que des délires utopistes ou des taxes supplémentaires (évidemment, uniquement pour les consommateurs afin de ne pas effrayer les principaux pollueurs que sont les entreprises).

    Depuis quelques temps, les rapports du GIEC (Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat), d’autres organismes similaires ou encore ceux de l’ONU ont fait la une de l’actualité. Il est maintenant devenu complètement absurde de nier les effets de l’activité humaine sur la terre. Mais pour beaucoup de gens, les chiffres donnés restent abstraits ou lointains. Pourtant, 50 millions de « réfugiés écologiques » en 2010 à cause des sécheresses et innondations croissantes, ce n’est pas rien. Le culte de l’individualisme qui a déferlé sur la société ces dernières années n’est pas pour rien dans le désintérêt surprenant à l’égard des enjeux du problème.

    Un article paru dans le « Wall Street Journal » et relayé dans le « Courrier International » du 10 au 15 mai donne des données beaucoup plus concrètes sur l’impact du réchauffement climatique sur notre quotidien immédiat. Tout l’article est centré autour de la flambée des prix (l’inflation) alimentaires qui va découler des mauvaises récoltes dues aux températures anormalement élevées et à l’absence de pluie.

    Par exemple, dans le Land de Saxe, dans l’est de l’Allemagne, les prix des denrées alimentaires ont augmenté quatre fois plus que les autres produits de consommation durant le mois de mars de cette année. Et dans l’ensemble du pays, le volume des pluies a été 90% inférieur à la normale durant le mois d’avril. « C’est le mois d’avril le plus sec, le plus chaud et le plus ensoleillé jamais enregistré » déclare le service national de météorologie allemand.

    En France, les températures durant ce mois ont été globalement 10% supérieures aux moyennes saisonnières tandis qu’en Espagne, les bassins de rétention d’eau ne sont remplis qu’à 40% de leur niveau normal. De fait, le mois d’avril 2007 a été le plus sec depuis au moins un siècle en Europe ; jamais en Belgique nous n’avons connu de pareilles chaleurs en avril depuis au moins 1830.

    En Italie, l’organisation patronale redoute les fermetures d’usines durant l’été et le gouvernement est sur le point de décréter l’Etat d’urgence.

    La Banque d’Angleterre a, quant à elle, expliqué que si le Royaume-Uni a eu une inflation de plus de 3% c’était en raison « d’une hausse des prix alimentaires provoquée par une réduction mondiale de l’offre en raison des conditions climatiques ». Et si l’inflation annuelle a atteint 3,1% en mars, les prix de la production agricole ont connu une inflation deux fois supérieure.

    Le tableau est similaire partout en Europe. « L’augmentation des prix est imminente » déclare le patron de Pinguin (conditionneur belge de légumes surgelés). Les prix se situent à « un niveau trompeusement bas depuis des années» dit-il encore.

    Il y a d’ailleurs encore quelques mois, les organisations agricoles misaient sur des récoltes exceptionnelles en raison de l’hiver particulièrement doux que nous avons connu. L’Union Européenne avait même commencé à vendre ses stocks de blé, ce qui avait en conséquence fait diminuer (un peu) les prix.

    Le problème ne se situera pas seulement au niveau de l’alimentation, mais également au niveau de l’électricité car la pénurie d’eau aura aussi des effets sur les centrales électriques.

    A cela, on peut encore ajouter que la canicule de 2003 avait causé plus de 70.000 décès à travers l’Europe et que les services de soins de santé publics se sont dégradés depuis lors…

    Tout ces éléments démontrent que les questions environnementales nous concernent réellement tous. Il est urgent de réfléchir aux solutions à mettre en oeuvre face à la dégradation de l’environnement et ses conséquences, comme par exemple la montée des prix de l’alimentation.

    Conscientiser… ou culpabiliser ?

    De nombreuses campagnes sont mises en oeuvre pour « conscientiser le citoyen ». Il est certain que le gaspillage d’eau et la pollution sont l’oeuvre de toutes les couches de la société, mais en définitive, les véritables responsables ne sont pas les personnes visées par ces campagnes. Culpabiliser le « citoyen » est un moyen commode pour masquer les premiers pollueurs.

    Dans un système basé sur la compétition entre entreprises, il est logique de voir leurs propriétaires faire ce qu’ils peuvent pour éviter de couler. La course aux profits est une nécéssité si un entrpreneur ne veut pas finir dans les poubelles de l’économie. Alors, avec une logique pareille, l’environnement, on s’en préoccupe peu. Pas assez rentable. Frein à la liberté d’entreprendre.

    Alors, comme l’ensemble des politiciens tiennent pour acquis que ce sont les entreprises qui créent l’emploi et qu’il faut les séduire et non les effrayer, on ne fait rien à leur niveau. Et si des lois passent, leur respect est encore tout théorique, sans parler des entreprises qui préfèrent payer des amendes qui reviennent de toute façon moins chères que le respect des normes.

    Donc… on s’attaque au « citoyen ». Mais les taxes touchent tout le monde de la même manière : le patron de Fortis paie la même taxe sur sa cannette de Coca que le livreur intérimaire de Pizza Hut. Il en va de même avec les incitants pour produits écologiquement meilleurs, comme par exemple les voitures moins polluantes. Mais, dans les faits, ce n’est même pas le cas. Car quand on a les moyens, ce n’est pas un problème de changer de voiture, d’installer une série de panneaux solaires ou de consommer des produits plus respectueux de l’environnement, mais aussi plus chers. En définitive, quand on « conscientise le citoyen », on attaque en réalité les travailleurs, les chômeurs, les femmes au foyer, les jeunes,… La majorité de la population ne pourra pas adapter son comportement puisqu’elle n’en a pas les moyens, et en a d’ailleurs de moins en moins.

    De toute façon, les nouveaux impôts ne servent bien souvent même pas à augmenter le budget pour la protection de l’environnement.

    Que faire donc ? L’écologie et le capitalisme sont opposés. Lutter pour préserver l’un, c’est détruire l’autre. Le capitalisme est basé sur le gaspillage. La loi du marché et de la concurrence signifie que personne ne sait ce qui est produit avant que cela le soit. Un peu comme si un étudiant allait à son examen de math pour voir ce qu’il doit étudier. Dans ces conditions, on produit trop et sans que cette production ne soit même nécessaire puisque la base est de rapporter aux actionnaires et aux chefs d’entreprises et non de satisfaire les besoins de la population.

    Le système qui préserverait le mieux l’environnement est une économie démocratiquement planifiée, c’est-à-dire où les moyens de produire sont aux mains des travailleurs – et non pas d’une minorité de profiteurs – qui décideraient eux-même de ce qu’ils doivent produire en fonction de leurs besoins. Et parmi ces besoins figure la protection de la planète. L’écologie et le marxisme révolutionnaire sont étroitement liés, contrairement à l’image qu’à pu en donner la caricature productiviste stalinienne des ex-pays « socialistes ». A la lutte pour nos emplois, contre la cherté de la vie, contre le racisme,… doit être liée la lutte pour la préservation de notre éco-système.

  • Opel. De nouvelles attaques sur un scénario bien connu

    VW-Forest a créé un précédent. Avec le soutien du gouvernement et de la direction syndicale, VW a pu imposer une augmentation de la flexibilité et du temps de travail sans augmentation salariale. Les autres entreprises envient évidemment un tel résultat. Opel a décidé de partir à l’attaque.

    Geert Cool

    Concurrence entre filiales

    Opel dépend de General Motors et possède à Anvers une usine de 5.100 travailleurs. La production du nouveau modèle d’Opel Astra va bientôt commencer et la direction a annoncé des mesures « d’assainissement ».

    Cependant, rien n’est encore clair : General Motors veut d’abord regarder ce qu’elle est capable d’obtenir en jouant sur la concurrence entre les salaires et les conditions de travail des sites de Suède, d’Angleterre, de Pologne, d’Allemagne et de Belgique. Hans Demant, un membre de la direction, a ainsi déclaré que la décision sera prise sur base de critères comme « la flexibililté, la productivité, la qualité et les possibilités logistiques ». (Automobilwoche, 5 mars)

    De toute façon, la direction veut travailler avec moins de personnel, d’autant plus qu’elle estime qu’il y aurait actuellement une surcapacité de production de 250.000 voitures. La fermeture de l’usine est improbable, les syndicats ayant à Opel un accord européen pour étendre les assainissements autant que possible à toutes les filiales plutôt que de fermer un site. Une ou deux équipes devraient être virées (à peu près 1.000 emplois par équipe) : ce sont Bochum en Allemagne et Anvers qui courent le plus grand risque de voir chacune une de leurs équipes disparaître.

    GM fait à nouveau des profits…

    Après quelques années de perte, General Motors a dépassé ses prévisions et réalisé un profit net de 950 millions de dollars au quatrième trimestre 2006. Un an avant, la perte était de 6,6 milliards de dollars. Depuis lors, des « assainissements » brutaux ont été effectués en Amérique du Nord. L’entreprise veut, pour la fin 2008, avoir viré un total de 30.000 personnes et avoir fermé neuf filiales. Une bonne partie de ces « assainissements » a déjà été appliquée.

    Il est à craindre que ce soit maintenant au tour de l’Europe. En 2006, « un assainissement des coûts » de 6,8 milliards de dollars a déjà été fait, la direction veut poursuivre cette année dans cette voie pour 9 milliards de dollars. Le profit net réalisé l’an dernier était de 172 millions d’EUR mais la direction en veut visiblement plus.

    … mais ce n’est pas assez

    Pour cela, une partie de la production a été délocalisée vers des pays meilleur marché. En Russie, la production de GM est passée l’année dernière de 40.000 à 100.000 unités.

    Selon une étude allemande, la production d’une voiture en Europe de l’Est coûte 23% moins cher qu’en Allemagne. Les coûts salariaux pour une Golf seraient par exemple de 1.926 EUR en Allemagne contre 770 en Europe de l’Est. Cependant, les salaires ne forment que 15% du coût de production. Mais les matériaux seraient aussi meilleur marché.

    De tels chiffres sont suivis de près par les directions des entreprises. Ainsi, les « assainissements » imposés aux travailleurs de VW-Forest doivent mener à ce que les Audi sortent de la chaîne au coût de 32 EUR par heure et par voiture, 10 EUR de moins qu’en Allemagne.

    Anvers: plus de flexibilité

    A Anvers, les syndicats et la direction ont déjà signé une déclaration d’intention pour, entre autres, introduire plus de flexibilité et limiter les adaptations salariales. Ainsi, il est possible de travailler un samedi tous les mois et, jusqu’à la mi-2009, seules les augmentations prévues par l’indexation seraient accordées. De plus, un accord-cadre se prépare autour de l’outsourcing.

    Un accord a été conclu dans le secteur automobile flamand pour permettre une flexiblité élaborée autour d’un temps de travail variable (avec la possibilité d’une journée de 10 heures) calculé sur six ans, ce qui rend presque impossible d’encore toucher des heures supplémentaires.

    Quelle réponse?

    Où va s’arrêter la spirale infernale des salaires et des conditions de travail? S’en remettre aux directions des entreprises automobiles revient à accepter le niveau le plus bas possible. Contre la politique de division des directions de ce secteur, il FAUT une résistance unifiée.

    • Non aux pertes d’emplois, à l’augmentation de la flexibilité et à l’outsourcing
    • Pour une répartition du travail disponible et une diminution du temps de travail sans perte de salaire
    • Pas de transfert de production vers d’autres filiales sans l’accord des travailleurs
    • Ouverture des comptes des grandes entreprises automobiles pour une transparence de leur situation financière
    • Développement de voitures plus écologiques en utilisant les connaissances des travailleurs de des entreprises automobiles et avec des investissements publics dans la recherche scientifique
    • Pour une planification socialiste sous le contrôle des travailleurs, combinée à un plan de transport par pays et par région sous contrôle public
  • La révolution russe.

    (conférence donnée par Léon Trotsky, en 1932 à Copenhague)

    Léon Trotsky

    « Chers auditeurs, permettez-moi dès le début d’exprimer le regret sincère de ne pas avoir la possibilité de parler en langue danoise devant un auditoire de Copenhague. Ne nous demandons pas si les auditeurs ont quelque chose à y perdre. En ce qui concerne le conférencier, l’ignorance de la langue danoise lui dérobe toutefois la possibilité de suivre la vie scandinave et la littérature scandinave directement, de première main et dans l’original. Et cela est une grande perte !

    La langue allemande à laquelle je suis contraint de recourir ici est puissante et riche. Mais ma “langue allemande” est assez limitée. Du reste, sur des questions compliquées on ne peut s’expliquer avec la liberté nécessaire que dans sa propre langue. Je dois par conséquent demander par avance l’indulgence de l’auditoire.

    Je fus pour la première fois à Copenhague au Congrès socialiste international et j’emportais avec moi les meilleurs souvenirs de votre ville. Mais cela remonte à près d’un quart de siècle. Dans le Ore-sund et dans les fjords, l’eau a depuis plusieurs fois changé. Mais pas l’eau seulement. La guerre a brisé la colonne vertébrale du vieux continent européen. Les fleuves et les mers de l’Europe ont charrié avec eux beaucoup de sang humain. L’humanité, en particulier sa partie européenne, est passée à travers de dures épreuves, est devenue plus sombre et plus rude. Toutes les formes de lutte sont devenues plus âpres. Le monde est entré dans une époque de grands changements. Ses extériorisations extrêmes sont la guerre et la révolution.

    Avant de passer au thème de ma conférence — à la Révolution russe — j’estime devoir exprimer mes remerciements aux organisateurs de la réunion, l’Association de Copenhague des étudiants sociaux-démocrates. Je le fais en tant qu’adversaire politique. Il est vrai que ma conférence poursuit des tâches scientifiques-historiques et non des tâches politiques. Je le souligne aussitôt dès le début. Mais il est impossible de parler d’une révolution d’où est sortie la République des Soviets sans occuper une position politique. En ma qualité de conférencier, mon drapeau reste le même que celui sous lequel j’ai participé aux événements révolutionnaires.

    Jusqu’à la guerre, le parti bolchévique appartint à la social-démocratie internationale. Le 4 août 1914, le vote de la social-démocratie allemande en faveur des crédits de guerre a mis une fois pour toutes une fin à ce lien et a conduit à l’ère de la lutte incessante et intransigeante du bolchevisme contre la social-démocratie. Cela doit-il signifier que les organisateurs de cette réunion commirent une erreur en m’invitant comme conférencier ?

    Là-dessus, l’auditoire sera en état de juger seulement après ma conférence. Pour justifier mon acceptation de l’invitation aimable à faire un exposé sur la Révolution russe, je me permets de rappeler que pendant les 35 années de ma vie politique, le thème de la Révolution russe constitua l’axe pratique et théorique de mes préoccupations et de mes actions. Peut-être cela me donne-t-il un certain droit d’espérer que je réussirai à aider non seulement mes amis et amis d’idées, mais aussi des adversaires, du moins en partie, à mieux saisir maints traits de la Révolution qui jusqu’à aujourd’hui échappaient à leur attention. Toutefois, le but de ma conférence est d’aider à comprendre. Je ne me propose pas ici de propager la Révolution ni d’appeler à la Révolution, je veux l’expliquer.

    La Révolution signifie un changement du régime social. Elle transmet le pouvoir des mains d’une classe qui s’est épuisée entre les mains d’une autre classe en ascension. L’insurrection constitue le moment le plus critique et le plus aigu dans la lutte de deux classes pour le pouvoir. Le soulèvement ne peut mener à la victoire réelle de la révolution et à l’érection d’un nouveau régime que dans le cas où il s’appuie sur une classe progressive qui est capable de rassembler autour d’elle la majorité écrasante du peuple.

    A la différence des processus de la nature, la Révolution est réalisée par des hommes au moyen des hommes. Mais dans la Révolution aussi, les hommes agissent sous l’influence des conditions sociales qui ne sont pas librement choisies par eux, mais qui sont héritées du passé et qui leur montrent impérieusement la voie. C’est précisément à cause de cela, et rien qu’à cause de cela que la Révolution a ses propres lois.

    Mais la conscience humaine ne reflète pas passivement les conditions objectives. Elle a l’habitude de réagir activement sur celles-ci. A certains moments, cette réaction acquiert un caractère de masse, tendu, passionné. Les barrières du droit et du pouvoir sont renversées. Précisément, l’intervention active des masses dans les événements constitue l’élément le plus essentiel de la révolution.

    Mais même l’activité la plus fougueuse peut rester au niveau d’une démonstration, d’une rébellion, sans s’élever à la hauteur de la révolution. Le soulèvement des masses doit mener au renversement de la domination d’une classe et à l’établissement de la domination d’une autre. C’est alors seulement que nous avons une révolution achevée. Le soulèvement des masses n’est pas une entreprise isolée que l’on peut déclencher à son gré. Il représente un élément objectivement conditionné dans le développement de la révolution de même que la révolution est un processus objectivement conditionné dans le développement de la société. Mais les conditions du soulèvement existent-elles, on ne doit pas attendre passivement, la bouche ouverte : dans les affaires humaines aussi, il y a comme le dit Shakespeare, des flux et des reflux : “There is a tide in the affairs of man which, taken at the flood, leads on to fortune.”

    Pour balayer le régime qui se survit, la classe progressive doit comprendre que son heure a sonné, et se poser pour tâche la conquête du pouvoir. Ici s’ouvre le champ de l’action révolutionnaire consciente où la prévoyance et le calcul s’unissent à la volonté et la hardiesse. Autrement dit : ici s’ouvre le champ d’action du parti.

    Le “coup d’Etat”

    Le parti révolutionnaire unit en lui le meilleur de la classe progressiste. Sans un parti capable de s’orienter dans les circonstances, d’apprécier la marche et le rythme des événements et de conquérir à temps la confiance des masses, la victoire de la révolution prolétarienne est impossible. Tel est le rapport des facteurs objectifs et des facteurs subjectifs de la révolution et de l’insurrection.

    Comme vous le savez, dans des discussions, des adversaires — en particulier dans la théologie — ont l’habitude de discréditer fréquemment la vérité scientifique en la poussant à l’absurde. Cette vérité s’appelle même en logique en : Reduction ad absurdum. Nous allons tenter de suivre la voie opposée : c’est-à-dire que nous prendrons comme point de départ une absurdité afin de nous rapprocher plus sûrement de la vérité. En tout cas, on ne peut se plaindre d’un manque d’absurdités. Prenons-en une des plus fraîches et des plus crues.

    L’écrivain italien Malaparte, quelque chose comme un théoricien fasciste — il en existe aussi — a récemment lancé un livre sur la technique du coup d’Etat ; l’auteur consacre bien entendu un nombre de pages non négligeables de son “investigation” à l’insurrection d’Octobre.

    A la différence de la “stratégie” de Lénine qui reste liée aux rapports sociaux et politique de la Russie de 1917, “la tactique de Trotsky n’est — selon les termes de Malaparte — au contraire nullement liée aux conditions générales du pays”. Telle est l’idée principale de l’ouvrage ! Malaparte oblige Lénine et Trotsky, dans les pages de son livre, à conduire de nombreux dialogues dans lesquels les interlocuteurs font tous les deux montre d’aussi peu de profondeur d’esprit que la nature en a mis à la disposition de Malaparte. Aux objections de Lénine sur les prémisses sociales et politiques de l’insurrection, Malaparte attribue à Trotsky soi-disant la réponse littérale suivante : “Votre stratégie exige beaucoup trop de conditions favorables ; l’insurrection n’a besoin de rien, elle se suffit à elle-même”. Vous entendez ? “L’insurrection n’a besoin de rien”. Telle est précisément, chers auditeurs, l’absurdité qui doit nous servir à nous rapprocher de la vérité. L’auteur répète avec persistance qu’en octobre ce n’est pas la stratégie de Lénine mais la tactique de Trotsky qui a triomphé. Cette tactique menace, selon ses propres termes, encore maintenant, la tranquillité des Etats européens. “La stratégie de Lénine — je cite textuellement — ne constitue aucun danger immédiat pour les gouvernements de l’Europe. La tactique de Trotsky constitue pour eux un danger actuel et par conséquent permanent”. Plus concrètement : “Mettez Poincaré à la place de Kerensky et le coup d’Etat bolchévik d’Octobre 1917 eut tout aussi bien réussi”. Il est difficile de croire qu’un tel livre soit traduit en diverses langues et accueilli sérieusement.

    En vain chercherions-nous à approfondir pourquoi en général la stratégie de Lénine dépendant des conditions historiques est nécessaire, si la “tactique de Trotsky” permet de résoudre la même tâche dans toute la situation. Et pourquoi les révolutions victorieuses sont-elles si rares si, pour leur réussite, il ne suffit que d’une paire de recettes techniques ?

    Le dialogue entre Lénine et Trotsky présenté par l’écrivain fasciste est dans l’esprit comme dans la forme une invention inepte du commencement jusqu’à la fin. De telles inventions circulent beaucoup dans le monde. Par exemple maintenant à Madrid un livre est imprimé sous mon nom : La vida del Lenin (“La vie de Lénine”) pour lequel je suis aussi peu responsable que pour les recettes tactiques de Malaparte. L’hebdomadaire de Madrid Estampa présenta de ce soi-disant livre de Trotsky sur Lénine en bonnes feuilles, des chapitres entiers qui contiennent des outrages abominables contre la mémoire de l’homme que j’estimais et que j’estime incomparablement plus haut que quiconque parmi mes contemporains.

    Mais abandonnons les faussaires à leur sort. Le vieux Wilhelm Leibknecht, le père du combattant et héros immortel Karl Leibknecht, aimait répéter : “L’homme politique révolutionnaire doit être pourvu d’une peau épaisse”. Le docteur Stockmann recommandait encore plus clairement à celui qui se propose d’aller à l’encontre de l’opinion sociale de ne pas mettre de pantalons neufs.

    Nous enregistrons ces deux bons conseils, et nous passons à l’ordre du jour.

    Quelles questions la Révolution d’Octobre éveille-t-elle chez un homme qui réfléchit ?

    1) Pourquoi et comment cette révolution a-t-elle abouti ? Plus concrètement : pourquoi la révolution prolétarienne a-t-elle triomphé dans un des pays les plus arriérés d’Europe ?

    2) Qu’a apporté la Révolution d’Octobre ?

    Et enfin :

    3) A-t-elle fait ses preuves ?

    Les causes d’Octobre

    A la première question — sur les causes — on peut déjà maintenant répondre d’une façon plus ou moins complète. J’ai tenté de le faire le plus explicitement dans mon Histoire de la Révolution. Ici, je ne puis que formuler les conclusions les plus importantes.

    Le fait que le prolétariat soit arrivé au pouvoir pour la première fois dans un pays aussi arriéré que l’ancienne Russie tsariste, n’apparaît mystérieux qu’à première vue ; en réalité cela est tout à fait logique. On pouvait le prévoir et on l’a prévu. Plus encore : sur la perspective de ce fait, les révolutionnaires marxistes édifièrent leur stratégie longtemps avant les événements décisifs.

    L’explication première est la plus générale : la Russie est un pays arriéré mais elle n’est seulement qu’une partie de l’économie mondiale, qu’un élément du système capitaliste mondial. En ce sens, Lénine a résolu l’énigme de la Révolution russe par la formule lapidaire : la chaîne est rompue à son maillon le plus faible.

    Une illustration nette : la grande guerre, issue des contradictions de l’impérialisme mondial, entraîna dans son tourbillon des pays qui se trouvaient à des étapes différentes de développement, mais elle posa les mêmes exigences à tous les participants. Il est clair que les charges de la guerre devaient être particulièrement insupportables pour les pays les plus arriérés. La Russie fut la première contrainte à céder le terrain. Mais pour se détacher de la guerre, le peuple russe devait abattre les classes dirigeantes. Ainsi la chaîne de la guerre se rompit à son plus faible chaînon.

    Mais la guerre n’est pas une catastrophe venue du dehors comme un tremblement de terre, c’est, pour parler avec le vieux Clausewitz, la continuation de la politique par d’autres moyens. Pendant la guerre, les tendances principales du système impérialiste du temps de “paix” ne firent que s’extérioriser plus crûment. Plus hautes sont les forces productives générales, plus tendue la concurrence mondiale, plus aigus les antagonismes, plus effrénée la course aux armements, et d’autant plus pénible est la situation pour les participants les plus faibles. C’est précisément pourquoi les pays arriérés occupent les premières places dans la série des écroulements. La chaîne du capitalisme mondial a toujours tendance à se rompre au chaînon le plus faible.

    Si à la suite de quelques conditions extraordinaires ou extraordinairement défavorables (par exemple une intervention militaire victorieuse de l’extérieur ou des fautes irréparables du gouvernement soviétique lui-même) le capitalisme russe était rétabli sur l’immense territoire soviétique, en même temps que lui serait aussi inévitablement rétablie son insuffisance historique, et lui-même serait bientôt à nouveau la victime des mêmes contradictions qui le conduisirent en 1917 à l’explosion. Aucune recette tactique n’aurait pu donner la vie à la Révolution d’Octobre si la Russie ne l’avait portée dans son corps. Le parti révolutionnaire ne peut finalement prétendre pour lui qu’au rôle d’accoucheur qui est obligé d’avoir recours à une opération césarienne.

    On pourrait m’objecter : vos considérations générales peuvent suffisamment expliquer pourquoi la vieille Russie, ce pays où le capitalisme arriéré auprès d’une paysannerie misérable était couronné par une noblesse parasitaire et une monarchie putréfiée, devait faire naufrage. Mais dans l’image de la chaîne, et du plus faible maillon, il manque toujours encore la clé de l’énigme proprement dite : comment dans un pays arriéré, la révolution socialiste pouvait-elle triompher ? Mais l’histoire connaît beaucoup d’exemples de décadence de pays et de cultures avec l’écroulement simultané des vieilles classes pour qui il ne s’est trouvé aucune relève progressiste. L’écroulement de la vieille Russie aurait dû, à première vue, transformer le pays en une colonie capitaliste plutôt qu’en un Etat socialiste.

    Cette objection est très intéressante. Elle nous mène directement au coeur de tout le problème. Et cependant cette objection est vicieuse, je dirais dépourvue de proportion interne. D’une part elle provient d’une conception exagérée en ce qui concerne le retard de la Russie, d’autre part d’une fausse conception théorique en ce qui concerne le phénomène du retard historique en général.

    Les êtres vivants, entre autres les hommes naturellement aussi, traversent suivant leur âge des stades de développement semblables. Chez un enfant normal de 5 ans, on trouve une certaine correspondance entre le poids, le tour de taille et les organes internes. Mais il en est déjà autrement avec la conscience humaine. En opposition avec l’anatomie et la physiologie, la psychologie, celle de l’individu comme celle de la collectivité, se distingue par l’extraordinaire capacité d’assimilation, la souplesse et l’élasticité : en cela même consiste aussi l’avantage aristocratique de l’homme sur sa parenté zoologique la plus proche de l’espèce des singes. La conscience, susceptible d’assimiler et souple, confère comme condition nécessaire du progrès historique aux “organismes” dits sociaux, à la différence des organismes réels, c’est-à-dire biologiques, une extraordinaire variabilité de la structure interne. Dans le développement des nations et des Etats, des Etats capitalistes en particulier, il n’y a ni similitude ni uniformité. Différents degrés de culture, même leurs pôles se rapprochent et se combinent assez souvent dans la vie d’un seul et même pays.

    N’oublions pas, chers auditeurs, que le retard historique est une notion relative. S’il y a des pays arriérés et avancés, il y a aussi une action réciproque entre eux ; il y a la pression des pays avancés sur les retardataires ; il y a la nécessité pour les pays arriérés de rejoindre les pays avancés, de leur emprunter la technique, la science, etc. Ainsi surgit un type combiné du développement : des traits de retard s’accouplent au dernier mot de la technique mondiale et de la pensée mondiale. Enfin, les pays historiquement arriérés, pour surmonter leur retard, sont parfois contraints de dépasser les autres.

    La souplesse de la conscience collective donne la possibilité d’atteindre dans certaines conditions sur l’arène sociale le résultat que l’on appelle dans la psychologie individuelle, “la compensation”. Dans ce sens, on peut dire que la Révolution d’Octobre fut pour les peuples de la Russie un moyen héroïque de surmonter leur propre infériorité économique et culturelle.

    Mais passons sur ces généralisations historico-politiques, peut-être quelque peu trop abstraites, pour poser la même question sous une forme plus concrète, c’est-à-dire à travers les faits économiques vivants. Le retard de la Russie au XXème siècle s’exprime le plus clairement ainsi : l’industrie occupe dans le pays une place minime en comparaison du village, le prolétariat en comparaison de la paysannerie. Dans l’ensemble, cela signifie une faible productivité du travail national. Il suffit de dire qu’à la veille de la guerre, lorsque la Russie tsariste avait atteint le sommet de sa prospérité, le revenu national était 8 à 10 fois plus bas qu’aux Etats-Unis. Cela exprime numériquement “l’amplitude” du retard, si l’on peut en général se servir du mot amplitude en ce qui concerne le retard.

    En même temps la loi du développement combiné s’exprime dans le domaine économique à chaque pas dans les phénomènes simples comme dans les phénomènes complexes. Presque sans routes nationales, la Russie se vit obligée de construire des chemins de fer. Sans être passée par l’artisanat européen et la manufacture, la Russie passa directement aux entreprises mécaniques. Sauter les étapes intermédiaires, tel est le sort des pays arriérés.

    Tandis que l’économie paysanne restait fréquemment au niveau du 17ème siècle, l’industrie de la Russie, si ce n’est par sa capacité du moins par son type, se trouvait au niveau des pays avancés et dépassait ceux-ci sous maints rapports. Il suffit de dire que les entreprises géantes avec plus de mille ouvriers occupaient aux Etats-Unis moins de 18% du total des ouvriers industriels, et par contre en Russie plus de 41%. Ce fait se laisse mal concilier avec la conception banale du retard économique de la Russie. Toutefois, il ne contredit pas le retard, il complète dialectiquement celui-ci.

    La structure de classe du pays portait aussi le même caractère contradictoire. Le capital financier de l’Europe industrialisa l’économie russe à un rythme accéléré. La bourgeoisie industrielle acquit aussitôt un caractère de grand capitalisme, ennemi du peuple. De plus, les actionnaires étrangers vivaient hors du pays. Par contre, les ouvriers étaient bien entendu des Russes. Une bourgeoisie russe numériquement faible qui n’avait aucune racine nationale se trouvait de cette manière opposée à un prolétariat relativement fort avec de fortes et profondes racines dans le peuple.

    Au caractère révolutionnaire du prolétariat contribua le fait que la Russie — précisément comme pays arriéré obligé de rejoindre les adversaires — n’était pas arrivée à élaborer un conservatisme social ou politique propre. Comme pays le plus conservateur de l’Europe, même du monde entier, le plus ancien pays capitaliste, l’Angleterre me donne raison. Le pays d’Europe le plus libéré du conservatisme pouvait bien être la Russie.

    Le prolétariat russe, jeune, frais, résolu, ne constituait cependant toujours qu’une minorité infime de la nation. Les réserves de sa puissance révolutionnaire se trouvaient en dehors du prolétariat même : dans la paysannerie, vivant dans un semi-servage, et dans les nationalités opprimées.

    La paysannerie

    La question agraire constituait la base de la révolution. L’ancien servage Etatique-monarchique était doublement insupportable dans les conditions de la nouvelle exploitation capitaliste. La communauté agraire occupait environ 140 millions de déciatines. A trente mille gros propriétaires fonciers, dont chacun possédait en moyenne plus de 2 000 déciatines, revenait un total de 70 millions de déciatines, c’est-à-dire autant qu’à environ 10 millions de familles paysannes, ou 50 millions d’êtres formant la population agraire. Cette statistique de la terre constituait un programme achevé du soulèvement paysan.

    Un noble, Boborkin, écrivit en 1917 au Chambellan Rodzianko, le président de la dernière Douma d’Etat : “Je suis un propriétaire foncier et il ne me vient pas à l’idée que je doive perdre ma terre, et encore pour un but incroyable, pour expérimenter l’enseignement socialiste”. Mais les révolutions ont précisément pour tâches d’accomplir ce qui ne pénètre pas dans les classes dominantes.

    A l’automne 1917, presque tout le pays était atteint par le soulèvement paysan. Sur 621 districts de la vieille Russie, 482 — c’est à dire 77% — étaient touchés par le mouvement. Le reflet de l’incendie du village illuminait l’arène du soulèvement dans les villes.

    Mais la guerre paysanne contre les propriétaires fonciers, allez-vous m’objecter, est un des éléments classiques de la révolution bourgeoise et pas du tout de la révolution prolétarienne !

    Je réponds : tout à fait juste, il en fut ainsi dans le passé ! Mais c’est précisément l’impuissance de vie de la société capitaliste dans un pays historiquement arriéré qui s’exprime en cela même, que le soulèvement paysan ne pousse pas en avant les classes bourgeoises de la Russie, mais au contraire les rejette définitivement dans le camp de la réaction. Si la paysannerie ne voulait pas sombrer, il ne lui restait rien d’autre que l’alliance avec le prolétariat industriel. Cette jonction révolutionnaire des deux classes opprimées, Lénine la prévit génialement, et la prépara de longue main.

    Si la question agraire avait été résolue courageusement par la bourgeoisie, alors, assurément le prolétariat russe n’aurait nullement pu arriver au pouvoir en 1917. Venue trop tard, tombée précocement en décrépitude, la bourgeoisie russe, cupide et lâche, n’osa cependant pas lever la main contre la propriété féodale. Ainsi, elle remit le pouvoir au prolétariat, et en même temps le droit de disposer du sort de la société bourgeoise.

    Afin que l’Etat soviétique se réalise, l’action combinée de deux facteurs de nature historique différente était par conséquent nécessaire : la guerre paysanne, c’est-à-dire un mouvement qui est caractéristique de l’aurore du développement bourgeois, et le soulèvement prolétarien qui annonce le déclin du mouvement bourgeois. En cela même réside le caractère combiné de la Révolution russe.

    Qu’il se dresse une fois sur ses pattes de derrière, et l’ours paysan devient redoutable dans son emportement. Cependant il n’est pas en état de donner à son indignation une expression consciente. Il a besoin d’un dirigeant. Pour la première fois dans l’histoire du monde, la paysannerie insurgée a trouvé dans la personne du prolétariat un dirigeant loyal.

    4 millions d’ouvriers de l’industrie et des transports dirigent 100 millions de paysans. Tel fut le rapport naturel et inévitable entre le prolétariat et la paysannerie dans la révolution.

    La question nationale

    La seconde réserve révolutionnaire du prolétariat était constituée par les nations opprimées, d’ailleurs à composition paysanne prédominante également. Le caractère extensif du développement de l’Etat, qui s’étend comme une tache de graisse du centre moscovite jusqu’à la périphérie, est étroitement lié au retard historique du pays. A l’est, il subordonne les populations encore plus arriérées pour mieux étouffer, en s’appuyant sur elles, les nationalités plus développées de l’ouest. Aux 10 millions de grands-russes qui constituaient la masse principale de la population, s’adjoignaient successivement 90 millions d’“allogènes”.

    Ainsi se composait l’empire dans la composition duquel la nation dominante ne constituait que 43% de la population, tandis que les autres 57% relevaient de nationalités de culture et de régime différents. La pression nationale était en Russie incomparablement plus brutale que dans les Etats voisins, et à vrai dire non seulement de ceux qui étaient de l’autre côté de la frontière occidentale, mais aussi de la frontière orientale. Cela conférait au problème nationale une force explosive énorme.

    La bourgeoisie libérale russe ne voulait, ni dans la question nationale, ni dans la question agraire, aller au-delà de certaines atténuations du régime d’oppression et de violence. Les gouvernements “démocratiques” de Milioukov et de Kerensky qui reflétaient les intérêts de la bourgeoisie et de la bureaucratie grand-russe se hâtèrent au cours des huit mois de leur existence précisément de le faire comprendre aux nations mécontentes : vous n’obtiendrez que ce que vous arracherez par la force.

    Lénine avait très tôt pris en considération l’inévitabilité du développement du mouvement national centrifuge. Le parti bolchévique lutta durant des années opiniâtrement pour le droit d’autodétermination des nations, c’est-à-dire pour le droit à la complète séparation étatique. Ce n’est que par cette courageuse position dans la question nationale que le prolétariat russe put gagner peu à peu la confiance des populations opprimées. Le mouvement de libération nationale, comme aussi le mouvement paysan se tournèrent forcément contre la démocratie officielle, fortifièrent le prolétariat, et se jetèrent dans le lit de l’insurrection d’Octobre.

    La révolution permanente

    Ainsi se dévoile peu à peu devant nous l’énigme de l’insurrection prolétarienne dans un pays historiquement arriéré.

    Longtemps avant les événements, les révolutionnaires marxistes ont prévu la marche de la révolution et le rôle historique du jeune prolétariat russe. Peut-être me permettra-t-on de donner ici un extrait de mon propre ouvrage sur l’année 1905 :

    “(…) Dans un pays économiquement plus arriéré, le prolétariat peut arrivé plus tôt au pouvoir que dans un pays capitaliste avancé.

    “(…) La révolution russe crée (…) de telles conditions dans lesquelles le pouvoir peut passer (et avec la victoire de la révolution, doit passer) au prolétariat, même avant que la politique du libéralisme bourgeois ait eu la possibilité de déployer dans toute son ampleur son génie étatique.

    “(…) Le sort des intérêts révolutionnaires les plus élémentaires de la paysannerie (…) se noue au sort de toute la révolution, c’est-à-dire au sort du prolétariat. Le prolétariat arrivant au pouvoir apparaîtra à la paysannerie comme le libérateur de classe.

    “(…) Le prolétariat entre au gouvernement comme représentant révolutionnaire de la nation, comme dirigeant reconnu du peuple en lutte contre l’absolutisme et la barbarie du servage.

    “(…) Le régime prolétarien devra dès le début se prononcer pour la solution de la question agraire à laquelle est liée la question du sort de puissantes masses populaires de la Russie.”

    Je me suis permis d’apporter cette citation pour témoigner que la théorie de la Révolution d’Octobre présentée aujourd’hui par moi n’est pas une improvisation rapide, et ne fut pas construite après coup sous la pression des événements. Non, elle fut émise sous la forme d’un pronostic politique longtemps avant l’insurrection d’Octobre. Vous serez d’accord que la théorie n’a de valeur en général que dans la mesure où elle aide à prévoir le cours du développement, et à influencer vers ses buts. En cela même consiste, pour parler de façon générale, l’importance inestimable du marxisme comme arme d’orientation sociale et historique. Je regrette que le cadre étroit de l’exposé ne me permette pas d’étendre la citation précédente d’une façon plus large, c’est pourquoi je me contente d’un court résumé de tout l’écrit de l’année 1905.

    D’après ses tâches immédiates, la Révolution russe est une révolution bourgeoise. Mais la bourgeoisie russe est anti-révolutionnaire. Par conséquent la victoire de la révolution n’est possible que comme victoire du prolétariat. Or, le prolétariat victorieux ne s’arrêtera pas au programme de la démocratie bourgeoise, il passera au programme du socialisme. La Révolution russe deviendra la première étape de la révolution socialiste mondiale.

    Telle était la théorie de la révolution permanente, édifiée par moi en 1905 et depuis exposée à la critique la plus acerbe sous le nom de “trotskysme”.

    Pour mieux dire : ce n’est qu’une partie de cette théorie. L’autre, maintenant particulièrement d’actualité, exprime :

    Les forces productives actuelles ont depuis longtemps dépassé les barrières nationales. La société socialiste est irréalisable dans les limites nationales. Si importants que puissent être les succès économiques d’un Etat ouvrier isolé, le programme du “socialisme dans un seul pays” est une utopie petite bourgeoise. Seule une Fédération européenne, et ensuite mondiale, de républiques socialistes, peut ouvrir la voie à une société socialiste harmonieuse.

    Aujourd’hui, après l’épreuve des événements, je vois moins de raisons que jamais de me dédire de cette théorie.

    Le bolchévisme

    Après tout ce qui vient d’être dit, est-il encore la peine de se souvenir de l’écrivain fasciste Malaparte, qui m’attribue une tactique indépendante de la stratégie et découlant de recettes insurrectionnelles techniques qui seraient applicables toujours et sous tous les méridiens ? Il est du moins bon que le nom du malheureux théoricien du coup d’Etat permette de le distinguer sans peine du praticien victorieux du coup d’Etat : personne ne risque ainsi de confondre Malaparte avec Bonaparte.

    Sans le soulèvement du 7 novembre 1917, l’Etat soviétique n’existerait pas. Mais le soulèvement même n’était pas tombé du ciel. Pour la Révolution d’Octobre, une série de prémisses historiques était nécessaire.

    1° La pourriture des anciennes classes dominantes, de la noblesse, de la monarchie, de la bureaucratie ;

    2° La faiblesse politique de la bourgeoisie qui n’avait aucune racine dans les masses populaires ;

    3° Le caractère révolutionnaire de la question agraire ;

    4° Le caractère révolutionnaire du problème des nationalités opprimées ;

    5° Le poids social imposant du prolétariat.

    A ces prémisses organiques, on doit ajouter des conditions conjoncturelles hautement importantes :

    6° La Révolution de 1905 fut la grande école ou, selon l’expression de Lénine, la “répétition générale” de la Révolution de 1917. Les soviets, comme forme d’organisation irremplaçable du front unique prolétarien dans la révolution, furent constitués pour la première fois en 1905 ;

    7° La guerre impérialiste aiguisa toutes les contradictions, arracha les masses arriérées à leur état d’immobilité, et prépara ainsi le caractère grandiose de la catastrophe ;

    Mais toutes ces conditions qui suffisaient complètement pour que la Révolution éclate, étaient insuffisantes pour assurer la victoire du prolétariat dans la Révolution. Pour cette victoire, une condition était encore nécessaire :

    8° Le parti bolchévique.

    Si j’énumère cette condition comme la dernière de la série, ce n’est que parce que cela correspond à la conséquence logique, et non parce que j’attribue au parti la place la moins importante.

    Non, je suis très éloigné de cette pensée. La bourgeoisie libérale, elle, peut s’emparer du pouvoir et l’a pris déjà plusieurs fois comme résultat de luttes auxquelles elle n’avait pas pris part : elle possède à cet effet des organes de préhension magnifiquement développés. Cependant, les masses laborieuses se trouvent dans une autre situation, on les a habituées à donner et non à prendre. Elles travaillent, patientes, aussi longtemps que cela va, espèrent, perdent patience, se soulèvent, combattent, meurent, apportent la victoire aux autres, sont trompées, tombent dans le découragement, elles courbent à nouveau la nuque, elles travaillent à nouveau. Telle est l’histoire des masses populaires sous tous les régimes. Pour prendre fermement et sûrement le pouvoir dans ses mains, le prolétariat a besoin d’un parti qui dépasse de loin les autres partis comme clarté de pensée et comme décision révolutionnaire.

    Le parti des bolchéviks que l’on désigna plus d’une fois et à juste titre comme le parti le plus révolutionnaire dans l’histoire de l’humanité, était la condensation vivante de la nouvelle histoire de la Russie, de tout ce qui était dynamique en elle. Depuis longtemps déjà la chute de la monarchie était devenue la condition préalable du développement de l’économie et de la culture. Mais pour répondre à cette tâche, les forces manquaient. La bourgeoisie s’effrayait devant la Révolution. Les intellectuels tentèrent de dresser la paysannerie sur ses jambes. Incapable de généraliser ses propres peines et ses buts, le moujik laissa cette exhortation sans réponse. L’intelligentsia s’arma de dynamite. Toute une génération se consuma dans cette lutte.

    Le 1er Mars 1887, Alexandre Oulianov exécuta le dernier des grands attentats terroristes. La tentative d’attentat contre Alexandre III échoua. Oulianov et les autres participants furent pendus. La tentative de remplacer la classe révolutionnaire par une préparation chimique, avait fait naufrage. Même l’intelligentsia la plus héroïque n’est rien sans les masses. Sous l’impression immédiate de ces faits et de ses conclusions, grandit et se forma le plus jeune frère de Oulianov, Vladimir, le futur Lénine, la plus grande figure de l’histoire russe. De bonne heure dans sa jeunesse, il se plaça sur le terrain du marxisme et tourna le visage vers le prolétariat. Sans perdre des yeux un instant le village, il chercha le chemin vers la paysannerie à travers les ouvriers. En héritant de ses précurseurs révolutionnaires la résolution, la capacité de sacrifice, la disposition à aller jusqu’au bout, Lénine devint dans ses années de jeunesse l’éducateur de la nouvelle génération intellectuelle et des ouvriers avancés. Dans les luttes grévistes et de rues, dans les prisons et en déportation, les travailleurs acquirent la trempe nécessaire. Le projecteur du marxisme leur était nécessaire pour éclairer dans l’obscurité de l’autocratie leur voie historique.

    En 1883 naquit dans l’émigration le premier groupe marxiste. En 1898, à une assemblée clandestine fut proclamée la création du parti social-démocrate ouvrier russe (nous nous appelions tous en ce temps sociaux-démocrates). En 1903, eut lieu la scission entre bolchéviks et mencheviks. En 1912, la fraction bolchévique devint définitivement un parti indépendant.

    Il enseigna à reconnaître la mécanique de classe de la société dans les luttes, dans de grandioses événements, pendant 12 ans (1905-1917). Il éduqua des cadres aptes également à l’initiative comme à l’obéissance. La discipline de l’action révolutionnaire s’appuyait sur l’unité de la doctrine, les traditions des luttes communes et la confiance envers une direction éprouvée.

    Tel était le parti en 1917. Tandis que l’“opinion publique” officielle et les tonnes de papier de la presse intellectuelle le mésestimaient, il s’orientait selon le mouvement des masses. Il tenait fermement le levier en main au-dessus des usines et des régiments. Les masses paysannes se tournaient toujours plus vers lui. Si l’on entend par nation non les sommets privilégiés, mais la majorité du peuple, c’est-à-dire les ouvriers et les paysans, alors le bolchevisme devint au cours de l’année 1917 le parti russe véritablement national.

    En 1917, Lénine, contraint de se tenir à l’abri, donna le signal : “La crise est mûre, l’heure du soulèvement approche”. Il avait raison. Les classes dominantes étaient tombées dans l’impasse en face des problèmes de la guerre et de la libération nationale. La bourgeoisie perdit définitivement la tête. Les partis démocratiques, les mencheviks et les socialistes révolutionnaires, dissipèrent le dernier reste de leur confiance auprès des masses, en soutenant la guerre impérialiste par la politique de compromis impuissants et de concessions aux propriétaires bourgeois et féodaux. L’armée réveillée ne voulait plus lutter pour les buts de l’impérialisme qui lui étaient étrangers. Sans faire attention aux conseils démocratiques, la paysannerie expulsa les propriétaires fonciers de leurs domaines. La périphérie nationale opprimée de l’empire se dressa contre la bureaucratie petersbourgeoise. Dans les conseils d’ouvriers et de soldats les plus importants, les bolchéviks dominaient. Les ouvriers et les soldats exigeaient des actes. L’abcès était mûr. Il fallait un coup de bistouri.

    Le soulèvement ne fut possible que dans ces conditions sociales et politiques.

    Et il fut aussi inéluctable. Mais on ne peut plaisanter avec l’insurrection. Malheur au chirurgien qui manie négligemment le bistouri. L’insurrection est un art. Elle a ses lois et ses règles.

    Le parti réalisa l’insurrection d’Octobre avec un calcul froid et une résolution ardente. Grâce à cela précisément, elle triompha presque sans victimes. Par les soviets victorieux, les bolchéviks se placèrent à la tête du pays qui englobe un sixième de la surface terrestre.

    Il est à supposer que la majorité de mes auditeurs d’aujourd’hui ne s’occupaient en 1917 encore nullement de politique. Cela est d’autant mieux. La jeune génération a devant elle beaucoup de choses intéressantes, mais aussi des choses pas toujours faciles.

    Mais les représentants des vieilles générations dans cette salle se rappelleront certainement très bien comment fut accueillie la prise du pouvoir par les bolchéviks : comme une curiosité, un malentendu, un scandale, le plus souvent comme un cauchemar qui devait se dissiper au premier rayon de soleil. Les bolchéviks se maintiendraient 24 heures, une semaine, un mois, une année. Il fallait repousser les délais toujours plus… Les maîtres du monde entier armaient contre le premier Etat ouvrier : déclenchement de la guerre civile, nouvelles et nouvelles interventions, blocus. Ainsi passa une année après l’autre. L’histoire a eu à enregistrer entre temps quinze années d’existence du pouvoir soviétique.

    Oui, dira quelque adversaire : l’aventure d’Octobre s’est montrée beaucoup plus solide que beaucoup d’entre nous le pensions. Peut-être ne fut-ce pas complètement une “aventure”. Néanmoins la question conserve toute sa force : qu’a-t-on obtenu pour ce prix si élevé ? Peut-être a-t-on réalisé ces tâches si brillantes annoncées par les bolchéviks à la veille de l’insurrection ? Avant de répondre à l’adversaire supposé, observons que la question en elle-même n’est pas nouvelle. Au contraire, elle s’attache aux pas de la Révolution d’Octobre depuis le jour de sa naissance.

    Le journaliste français Claude Anet qui séjournait à Petrograd pendant la Révolution, écrivait déjà le 27 Octobre 1917 :

    “Les maximalistes (c’est ainsi que les français appelaient alors les bolchéviks) ont pris le pouvoir, et le grand jour est arrivé. Enfin, me dis-je, je vais voir se réaliser l’Éden socialiste qu’on nous promet depuis tant d’années… Admirable aventure ! Position privilégiée !”, etc., etc., et ainsi de suite. Quelle haine sincère derrière ces salutations ironiques ! Dès le lendemain de la prise du Palais d’Hiver, le journaliste réactionnaire s’empressait d’annoncer ses prétentions à une carte d’entrée pour l’Éden. Quinze années se sont écoulées depuis l’insurrection. Avec un manque de cérémonie d’autant plus grand, les adversaires manifestent leur joie maligne qu’aujourd’hui encore le pays des Soviets ressemble très peu à un royaume de bien-être général. Pourquoi donc la Révolution et pourquoi les victimes ?

    Bilan d’Octobre

    Chers auditeurs, je me permets de penser que les contradictions, les difficultés, les fautes et les insuffisances du régime soviétique ne me sont pas moins connues qu’à qui que ce soit. Personnellement, je ne les ai jamais dissimulées, ni en paroles ni en écrits. Je pensais et je pense que la politique révolutionnaire — à la différence de la politique conservatrice — ne peut être édifiée sur le camouflage. “Dire ce qui est” doit être le principe le plus élevé de l’Etat ouvrier.

    Mais il faut des perspectives dans la critique, comme dans l’activité créatrice. Le subjectivisme est un mauvais aiguilleur, surtout dans les grandes questions. Les délais doivent être adaptés aux tâches et non aux caprices individuels. Quinze années ! Qu’est-ce pour une seule vie ? Pendant ce temps, nombreux sont ceux de notre génération qui furent enterrés, chez les survivants les cheveux gris se sont beaucoup multipliés. Mais ces mêmes quinze années : quelle période minime dans la vie d’un peuple ! Rien qu’une minute sur la montre de l’histoire.

    Le capitalisme eut besoin de siècles pour s’affirmer dans la lutte contre le moyen âge, pour élever la science et la technique, pour construire les chemins de fer, pour tendre des fils électriques. Et alors ? Alors, l’humanité fut jetée par le capitalisme dans l’enfer des guerres et des crises ! Mais au socialisme, ses adversaires, c’est-à-dire les partisans du capitalisme, n’accordent qu’une décade et demi pour instaurer sur terre le paradis avec tout le confort. Non, nous n’avons pas à assumer sur nous de telles obligations. Nous n’avons pas posé de tels délais. On doit mesurer les processus de grands changements avec une échelle qui leur soit adéquate. Je ne sais si la société socialiste ressemblera au paradis biblique. J’en doute fort. Mais dans l’Union soviétique, il n’y a pas encore de socialisme. Un Etat de transition, plein de contradictions, chargé du lourd héritage du passé, en outre, sous la pression ennemie des Etats capitalistes y domine. La Révolution d’Octobre a proclamé le principe de la nouvelle société. La République soviétique n’a montré que le premier stade de sa réalisation. La première lampe d’Edison fut très mauvaise. Sous les fautes et les erreurs de la première édification socialiste, on doit savoir discerner l’avenir.

    Et les calamités qui s’abattent sur les êtres vivants ?

    Les résultats de la Révolution justifient-ils peut-être les victimes causées par elles ? Question stérile et profondément rhétorique : comme si les processus de l’histoire relevaient d’un plan comptable ! Avec autant de raison, face aux difficultés et peines de l’existence humaine, on pourrait demander : cela vaut-il vraiment la peine d’être sur la terre ? Lénine écrivit à ce propos : “Et le sot attend une réponse”… Les méditations mélancoliques n’ont pas interdit à l’homme d’engendrer et de naître. Même dans ces jours d’une crise mondiale sans exemple, les suicides constituent heureusement un pourcentage peu élevé. Mais les peuples n’ont pas l’habitude de chercher refuge dans le suicide. Ils cherchent l’issue aux fardeaux insupportables dans la Révolution.

    En outre, qui s’indigne au sujet des victimes de la Révolution socialiste ? Le plus souvent, ce sont ceux qui ont préparé et glorifié les victimes de la guerre impérialiste ou du moins qui s’en sont très facilement accommodés. C’est notre tour de demander : la guerre s’est-elle justifiée ? Qu’a-t-elle donné ? Qu’a-t-elle enseigné ?

    Dans ses 11 volumes de diffamation contre la grande Révolution française, l’historien réactionnaire Hyppolyte Taine décrit non sans joie maligne les souffrances du peuple français dans les années de la dictature jacobine et celles qui la suivirent. Elles furent surtout pénibles pour les couches inférieures des villes, les plébéiens, qui, comme sans-culotte, donnèrent à la Révolution la meilleure partie de leur âme. Eux ou leurs femmes passaient des nuits froides dans des queues pour retourner le lendemain les mains vides, au foyer familial glacial. Dans la dixième année de la Révolution, Paris était plus pauvre qu’avant son éclosion. Des faits soigneusement choisis, artificiellement compilés, servent à Taine pour fonder son verdict destructeur contre la Révolution. Voyez-vous, les plébéiens voulaient être des dictateurs et se sont jetés dans la misère !

    Il est difficile d’imaginer un moraliste plus plat : premièrement, si la Révolution avait jeté le pays dans la misère, la faute en retombait avant tout sur les classes dirigeantes qui avaient poussé le peuple à la révolution. Deuxièmement : la grande Révolution française ne s’épuisa pas en queues de famine devant les boulangeries. Toute la France moderne, sous certains rapports toute la civilisation moderne sont sorties du bain de la Révolution française !

    Au cours de la guerre civile aux Etats-Unis, pendant l’année soixante du siècle précédent, 50 000 hommes sont tombés. Ces victimes se justifient-elles ?

    Du point de vue des esclavagistes américains et des classes dominantes de Grande-Bretagne qui marchaient avec eux — Non ! Du point de vue du négre ou du travailleur britannique Complètement ! Et du point de vue du développement de l’humanité dans l’ensemble — il ne peut aussi là-dessus y avoir de doute. De la guerre civile de l’année 60, sont issus les Etats-Unis actuels avec leur initiative pratique effrénée, la technique rationaliste, l’élan économique. Sur ces conquêtes de l’américanisme, l’humanité édifiera la nouvelle société.

    La Révolution d’Octobre a pénétré plus profondément que toutes celles qui la précédèrent dans le saint des saints de la société, dans les rapports de propriété. Des délais d’autant plus longs sont nécessaires pour que se manifestent les suites créatrices de la Révolution dans tous les domaines de la vie. Mais l’orientation générale du bouleversement est maintenant déjà claire : devant ses accusateurs capitalistes, la République soviétique n’a aucune raison de courber la tête et de parler le langage de l’excuse.

    Pour apprécier le nouveau régime au point de vue du développement humain, on doit d’abord répondre à la question : en quoi s’extériorise le progrès social, et comment peut-il se mesurer ?

    Le critère le plus objectif, le plus profond et le plus indiscutable, c’est le progrès qui peut se mesurer par la croissance de la productivité du travail social. L’estimation de la Révolution d’Octobre, sous cet angle, est déjà donnée par l’expérience. Pour la première fois dans l’histoire, le principe de l’organisation socialiste a montré sa capacité en fournissant des résultats de production jamais obtenus dans une courte période.

    En chiffres d’index globaux, la courbe du développement industriel de la Russie s’exprime comme suit : Posons pour l’année 1913, la dernière année avant la guerre, le nombre 100. L’année 1920, le sommet de la guerre civile est aussi le point le plus bas de l’industrie : 25 seulement, c’est-à-dire un quart de la production d’avant guerre ; 1925, un accroissement jusqu’à 75, c’est-à-dire jusqu’aux trois-quarts de la production d’avant-guerre ; 1929, environ 200 ; 1932, 300 ; c’est-à-dire trois fois autant qu’à la veille de la guerre.

    Le tableau devient encore plus clair à la lumière des index internationaux. De 1925 à 1932, la production industrielle de l’Allemagne a diminué d’environ une fois et demie, en Amérique environ du double ; dans l’Union soviétique, elle a monté à plus du quadruple ; le chiffre parle pour lui-même.

    Je ne songe nullement à nier ou dissimuler les côtés sombres de l’économie soviétique. Les résultats des index industriels sont extraordinairement influencés par le développement non favorable de l’économie agraire, c’est-à-dire du domaine qui ne s’est pas encore élevé aux méthodes socialistes, mais qui fut en même temps mené sur la voie de la collectivisation, sans préparation suffisante, plutôt bureaucratiquement que techniquement et économiquement. C’est une grande question qui, cependant, déborde les cadres de ma conférence.

    Les chiffres des indices présentés appellent encore une réserve essentielle. Les succès indiscutables et brillants à leur façon de l’industrialisation soviétique exigent une vérification économique ultérieure du point de vue de l’harmonie réciproque des différents éléments de l’économie, de leur équilibre dynamique et, par conséquent, de leur capacité de rendement. De grandes difficultés et même des reculs sont encore inévitables. Le socialisme ne sort pas dans sa forme achevée du plan quinquennal comme Minerve de la tête de Jupiter ou Vénus de l’écume de la mer. On est encore devant des décades de travail opiniâtre, de fautes, d’amélioration et de reconstruction. En outre, n’oublions pas que l’édification socialiste, d’après son essence, ne peut atteindre son achèvement que sur l’arène internationale. Mais même le bilan économique le plus défavorable des résultats obtenus jusqu’à présent ne pourrait révéler que l’inexactitude des données, les fautes du plan et les erreurs de la direction, il ne pourrait contredire le fait établi empiriquement : la possibilité d’élever la productivité du travail collectif à une hauteur jamais existante, à l’aide de méthodes socialistes. Cette conquête, d’une importance historique mondiale, personne et rien ne pourra nous la dérober.

    Après ce qui vient d’être dit, à peine faut-il s’attarder aux plaintes selon lesquelles la Révolution d’Octobre a mené la Russie au déclin de la culture. Telle est la voix des classes régnantes et des salons inquiets. La “culture” aristocratico-bourgeoise renversée par la révolution prolétarienne n’était qu’une simili-parure de la barbarie. Pendant qu’elle restait inaccessible au peuple russe, elle apportait peu de neuf au trésor de l’humanité.

    Mais aussi en ce qui concerne cette culture tant pleurée par l’émigration blanche, on doit préciser la question : dans quel sens est-elle détruite ? Dans un seul sens : le monopole d’une petite minorité sur les biens de la culture est anéanti. Mais tout ce qui était réellement culturel dans l’ancienne culture russe est resté intact. Les Huns du bolchevisme n’ont piétiné ni la conquête de la pensée ni les oeuvres de l’art. Au contraire, ils ont soigneusement rassemblé les monuments de la création humaine et les ont mis en ordre exemplaire. La culture de la monarchie, de la noblesse et de la bourgeoisie est maintenant devenue la culture des musées historiques.

    Le peuple visite avec zèle ces musées. Mais il ne vit pas dans les musées. Il apprend. Il construit. Le seul fait que la Révolution d’Octobre ait enseigné au peuple russe, aux dizaines de peuples de la Russie tsariste, à lire et à écrire, se place incomparablement plus haut que toute la culture russe en serre d’autrefois.

    La Révolution d’Octobre a posé la base pour une nouvelle culture destinée non à des élus mais à tous. Les masses du monde entier le sentent. D’où leurs sympathies pour l’Union soviétique, aussi ardentes qu’était jadis leur haine contre la Russie tsariste.

    Chers auditeurs, vous savez que le langage humain représente un outil irremplaçable, non seulement pour la désignation des événements, mais aussi pour leur estimation. En écartant l’accidentel, l’épisodique, l’artificiel, il absorbe en lui le réel, il le caractérise et le ramasse. Remarquez avec quelle sensibilité les langues des nations civilisées ont distingué deux époques dans le développement de la Russie. La culture aristocratique apporta dans le monde des barbarismes tels que tsar, cosaque, pogrom, nagaika. Vous connaissez ces mots et vous savez ce qu’ils signifient. Octobre apporta aux langues du monde des mots tels que bolchévik, soviet, kolkhoz, Gosplan, piatiletka. Ici la linguistique pratique rend son jugement historique suprême !

    La signification la plus profonde, cependant plus difficilement soumise à une mesure immédiate, de chaque révolution consiste en ce qu’elle forme et trempe le caractère populaire. La représentation du peuple russe comme un peuple lent, passif, mélancolique, mystique est largement répandue et non par hasard. Elle a ses racines dans le passé. Mais jusqu’à présent, ces modifications profondes que la Révolution a introduites dans le caractère du peuple ne sont pas suffisamment prises en considération en Occident. Pouvait-il en être autrement ?

    Chaque homme avec une expérience de la vie peut éveiller dans sa mémoire l’image d’un adolescent quelconque connu de lui qui — impressionnable, lyrique, sentimental enfin — devient plus tard, d’un seul coup, sous l’action d’un fort choc moral, plus fort, mieux trempé, et n’est plus à reconnaître. Dans le développement de toute une nation, la Révolution accomplit des transformations morales du même genre.

    L’insurrection de février contre l’autocratie, la lutte contre la noblesse, contre la guerre impérialiste, pour la paix, pour la terre, pour l’égalité nationale, l’insurrection d’Octobre, le renversement de la bourgeoisie et des partis qui tendaient aux accords avec la bourgeoisie, trois années de guerre civile sur une ceinture de front de 8 000 kilomètres, les années de blocus, de misère, de famine et d’épidémies, les années d’édification économique tendue, les nouvelles difficultés et privations ; c’est une rude, mais bonne école. Un lourd marteau détruit le verre, mais il forge l’acier. Le marteau de la Révolution forge l’acier du caractère du peuple.

    “Qui le croira ?” On devait déjà le croire. Peu après l’insurrection un des généraux tsaristes, Zaleski, s’étonnait “qu’un portier ou qu’un gardien devienne d’un coup un président de tribunal ; un infirmier, directeur d’hôpital ; un coiffeur, dignitaire ; un enseigne, commandant suprême ; un journaliste, maire ; un serrurier, dirigeant d’entreprise”.

    “Qui le croira ?” On devait déjà le croire. On ne pouvait d’ailleurs pas ne pas le croire, tandis que les enseignes battaient les généraux, le maire, autrefois journalier, brisait la résistance de la vieille bureaucratie, le lampiste mettait de l’ordre dans les transports, le serrurier, comme directeur, rétablissait l’industrie. “Qui le croira ?” Qu’on tente seulement de ne pas le croire.

    Pour expliquer la patience inhabituelle que les masses populaires de l’Union soviétique montrèrent dans les années de la Révolution, nombre d’observateurs étrangers font appel par ancienne habitude à la passivité du caractère russe. Anachronisme grossier ! Les masses révolutionnaires supportèrent les privations patiemment mais non passivement. Elles construisirent de leurs propres mains un avenir meilleur et elles veulent le créer à tout prix. Que l’ennemi de classe essaie seulement d’imposer à ces masses patientes du dehors sa volonté ! Non, mieux vaut qu’il ne l’essaie pas!

    Pour conclure, essayons de fixer la place de la Révolution d’Octobre non seulement dans l’histoire de la Russie, mais dans l’histoire du monde. Pendant l’année 1917, dans l’intervalle de 8 mois, deux courbes historiques se rencontrèrent. La Révolution de février — cet écho attardé des grandes luttes qui se sont déroulées dans les siècles passés sur les territoires des Pays-Bas, d’Angleterre, de France, de presque toute l’Europe continentale — se lie à la série des révolutions bourgeoises. La Révolution d’Octobre proclame et ouvre la domination du prolétariat. C’est le capitalisme mondial qui subit sur le territoire de la Russie sa première grande défaite. La chaîne cassa au plus faible maillon. Mais c’est la chaîne et non seulement le maillon qui cassa.

    Vers le socialisme

    Le capitalisme comme système mondial s’est historiquement survécu. Il a cessé de remplir sa mission essentielle ; l’élévation du niveau de la puissance humaine et de la richesse humaine. L’humanité ne peut stagner sur le palier atteint. Seule une puissante élévation des forces productives et une organisation juste, planifiée, c’est-à-dire socialiste, de production et de répartition, peut assurer aux hommes — à tous les hommes — un niveau de vie digne, et conférer en même temps le sentiment précieux de la liberté en face de leur propre économie. De la liberté sous deux sortes de rapports : premièrement, l’homme ne sera plus obligé de consacrer la principale partie de sa vie au travail physique. Deuxièmement, il ne dépendra plus des lois du marché, c’est-à-dire des forces aveugles et obscures qui s’édifient derrière son dos. Il édifiera librement son économie, c’est-à-dire selon un plan, le compas en main. Cette fois, il s’agit de radiographier l’anatomie de la société, de découvrir tous ses secrets et de soumettre toutes ses fonctions à la raison et à la volonté de l’homme collectif. En ce sens, le socialisme doit devenir une nouvelle étape dans la croissance historique de l’humanité. A notre ancêtre qui s’arma pour la première fois d’une hache de pierre, toute la nature se présenta comme la conjuration d’une puissance mystérieuse et hostile. Depuis, les sciences naturelles en collaboration étroite avec la technologie pratique ont éclairé la nature jusque dans ses profondeurs les plus obscures. Au moyen de l’énergie électrique, le physicien rend maintenant son jugement sur le noyau atomique. L’heure n’est plus loin où, en se jouant, la science résoudra la tâche de l’alchimie, transformant le fumier en or, et l’or en fumier. Là où les démons et les furies de la nature se déchaînaient, règne maintenant toujours plus courageusement la volonté industrieuse de l’homme.

    Mais tandis qu’il lutta victorieusement avec la nature, l’homme édifia aveuglément ses rapports avec les autres hommes, presque comme les abeilles ou les fourmis. Avec retard et beaucoup d’indécision, il aborda les problèmes de la société humaine. Il commença par la religion pour passer ensuite à la politique. La réforme représenta le premier succès de l’individualisme et du rationalisme bourgeois dans un domaine où avait régné une tradition morte. La pensée critique passa de l’Eglise à l’Etat. Née dans la lutte contre l’absolutisme et les conditions moyenâgeuses, la doctrine de la souveraineté populaire et des droits de l’homme et du citoyen grandit. Ainsi se forma le système du parlementarisme. La pensée critique pénétra dans le domaine de l’administration de l’Etat. Le rationalisme politique de la démocratie signifiait la plus haute conquête de la bourgeoisie révolutionnaire.

    Mais entre la nature et l’Etat se trouve l’économie. La technique a libéré l’homme de la tyrannie des anciens éléments : la terre, l’eau, le feu et l’air, pour le soumettre aussitôt à sa propre tyrannie. L’homme cesse d’être l’esclave de la nature pour devenir l’esclave de la machine et, pis encore, l’esclave de l’offre et de la demande. La crise mondiale actuelle témoigne d’une manière particulièrement tragique combien ce dominateur fier et audacieux de la nature reste l’esclave des puissances aveugles de sa propre économie. La tâche historique de notre époque consiste à remplacer le jeu déchaîné du marché par un plan raisonnable, à discipliner les forces productives, à les contraindre d’agir avec harmonie, en servant docilement les besoins de l’homme. C’est seulement sur cette nouvelle base sociale que l’homme pourra redresser son dos fatigué et — non seulement des élus — mais chacun et chacune, devenir un citoyen ayant plein pouvoir dans le domaine de la pensée.

    Mais cela n’est pas encore l’extrémité du chemin. Non, ce n’en est que le commencement. L’homme se désigne comme le couronnement de la création. Il y a certains droits. Mais qui affirme que l’homme actuel soit le dernier représentant le plus élevé de l’espèce homo sapiens ? Non, physiquement comme spirituellement, il est très éloigné de la perfection, cet avorton biologique dont la pensée est malade et qui ne s’est créé aucun nouvel équilibre organique.

    Il est vrai que l’humanité a plus d’une fois produit des géants de la pensée et de l’action qui dépassent les contemporains comme des sommets sur des chaînes de montagne. Le genre humain a le droit d’être fier de ses Aristote, Shakespeare, Darwin, Beethoven, Goethe, Marx, Edison, Lénine. Mais pourquoi ceux-ci sont-ils si rares ? Avant tout, parce qu’ils sont issus à peu près sans exception des classes les plus élevées et moyennes. Sauf de rares exceptions, les étincelles du génie sont étouffées dans les profondeurs opprimées du peuple, avant qu’elles puissent même jaillir. Mais aussi parce que le processus de génération, de développement et d’éducation de l’homme resta et reste en son essence le fait du hasard ; non éclairé par la théorie et la pratique, non soumis à la conscience et à la volonté.

    L’anthropologie, la biologie, la physiologie, la psychologie ont rassemblé des montagnes de matériaux pour ériger devant l’homme, dans toute leur ampleur, les tâches de son propre perfectionnement corporel et spirituel, et de son développement ultérieur. Par la main géniale de Sigmund Freud, la psychanalyse souleva le couvercle du puits nommé poétiquement “l’âme” de l’homme. Et qu’est-il apparu ? Notre pensée consciente ne constitue qu’une petite partie dans le travail des obscures forces psychiques. De savants plongeurs descendent au fond de l’Océan et y photographient de mystérieux poissons. Pour que la pensée humaine descende au fond de son propre puits psychique, elle doit éclairer les forces motrices mystérieuses de l’âme et les soumettre à la raison et à la volonté.

    Quand il aura terminé avec les forces anarchiques de sa propre société, l’homme s’intégrera, dans les mortiers, dans les cornues du chimiste. Pour la première fois, l’humanité se considérera elle-même comme une matière première, et dans le meilleur des cas comme une semi-fabrication physique et psychique. Le socialisme signifiera un saut du règne de la nécessité dans le règne de la liberté, aussi en ce sens que l’homme d’aujourd’hui plein de contradictions et sans harmonie frayera la voie à une nouvelle race plus heureuse ».

  • Québec. Une élection aux enjeux très importants

    Déclaration du Comité exécutif du Parti Communiste du Québec à la veille des élections du 26 mars.

    Nous publions cet article de la part du Parti Communiste du Québec. Il s’agit d’une déclaration de son Comité Exécutif à l’occasion des élections du 26 mars. Le PCQ collabore à la construction d’un parti de gauche plus large qui s’appelle « Québec Solidaire » et qui se présentera lors de ce scrutin.

    Introduction du MAS/LSP

    Le PCQ a entammé des discussions avec plusieurs organisations de gauche sur le plan international. L’une d’entre elles est le Comité pour une Internationale Ouvrière (Committee for a Workers’ International) dont le MAS/LSP est la section belge. Nous trouvons que la déclaration du PCQ est une contribution intéressante, tout en reconnaissant que le MAS/LSP n’a pas pu suffisamment étudié les spécificités locales et ne peut donc pas s’engager sur l’ensemble des positions prises dans ce texte.

    Nous pouvons nous imaginer que certains lecteurs feront le parallèle avec la situation en Belgique et se poseront donc la question de savoir pourquoi offrir une tribune à un parti qui se dit indépendantiste, voir même en faveur du séparatisme du Québec, même si ce parti affirme, avec justesse, que la libération nationale, pleine et entière, est indissociable d’une prise du pouvoir politique par les travailleurs.

    Notre position sur la question nationale est toujours concrète et dépend de la situation sur le terrain. Si, en ce moment, le MAS/LSP ne défend pas le séparatisme, ni même la poursuite de transferts de pouvoirs vers les régions en Belgique, ce n’est nullement à cause d’un attachement à l’Etat bourgeois belge. Bien au contraire, c’est la raison pour laquelle le MAS/LSP n’est pas signataire, contrairement à certains dirigeants syndicaux, des pétitions qui plaident en faveur de l’unité de la Belgique sur base de l’Etat actuel.

    Si nous nous opposons aujourd’hui à un transfert de compétences vers les régions, c’est justement parce que ceux qui le proposent veulent s’en servir pour créer des conditions de travail, des systèmes de sécurité sociale, des marchés de travail, des concertations sociales et des salaires concurrentiels afin de mieux diviser les travailleurs. Le fait que même en Flandre 74% de la population s’oppose actuellement à un nouveau transfert de compétences aux régions alors que tout les partis traditionnels flamands le défendent sous une forme ou l’autre, indique la justesse de notre position.

    Mais cela ne veut évidemment pas dire que le MAS/LSP s’opposerait dans toutes les conditions à la régionalisation, voir même au séparatisme, là où il y a réellement un sentiment d’oppression nationale. L’unité des travailleurs ne s’impose pas. Au contraire, l’unité n’est possible que sur une base volontaire, ce qui sous-entend la reconnaisance du droit à l’autodétermination, même jusqu’au séparatisme.

    Les camarades du PCQ ont un site et nous invitons nos lecteurs à aller le visiter http://www.pcq.qc.ca

    Le site de Québec Solidaire: http://www.quebecsolidaire.net


    Déclaration du Comité exécutif du PCQ à la veille des élections du 26 mars

    Une élection aux enjeux très importants

    Par le Comité exécutif central du PCQ

    Les élections au Québec sont en branle. Jean Charest cherche à être réélu, André Boisclair essaie de prouver à ses propres troupes qu’il est capable de l’être, tant qu’à Mario Dumont il traîne encore dans le populisme le plus crasse. Une belle campagne électorale pour les humoristes et les caricaturistes se déploie devant nos yeux!

    Le Mike Harris du Québec

    La situation au Québec est complexe. Après les pires sauvageries anti-syndicales et le charcutage des acquis sociaux des quarante dernières années, Charest tente de réussir l’exploit de Mike Harris : se faire élire de nouveau en présentant une hystérie néolibérale comme étant la révolution du bon sens. Dans les publicités qui ont précédé les élections, Charest expliquait à la population que le Québec va bien et que le Québec va mieux.

    Pourtant le Québec va mieux uniquement pour les grandes entreprises. La sous-traitance fleurit partout au Québec depuis la modification à l’article 45 : donc les conditions de travail s’effondrent. Charest chantait lors des élections précédentes que sa priorité était la santé. Malheureusement la bactérie C difficile n’a jamais fait autant de ravage et les salles d’urgences ne sont pas moins engorgées.

    Charest avait promis des défusions municipales massives pour se rallier les populistes de la droite qui voyaient une tragédie dans les dites fusions municipales qui ne sont qu’un fait social accompli depuis plus de deux décennies. Pourtant les défusions se sont faites au compte goûte grâce a un système référendaire spécial, mais surtout spécialement douteux. Le mandat de Jean Charest n’a donc pas été le mandat de l’accomplissement de ses promesses à l’électorat mais celui de l’accomplissement de ses engagements pris en coulisse envers le patronat.

    Ce qui est pourtant surprenant c’est que Jean Charest et les libéraux risquent de gagner à nouveau! Malgré ses promesses de dégel des frais de scolarité qui déjà suscitent une résistance du mouvement étudiant. Charest ne semble avoir rien compris du message envoyé lors de la dernière grève étudiante; ce qui prouve que cette victoire ne sera pas vraiment dû à Jean Charest lui même mais plutôt à ses adversaires.

    Le PQ face à lui-même

    Le nouveau chef du Parti Québécois, André Boisclair, ne réussit toujours pas à satisfaire ses propres troupes. Le Parti québécois réussit encore tant bien que mal à convaincre les syndicats qu’il est un parti indépendantiste, mais la "famille" péquiste en est encore à s’arracher les cheveux.

    Premièrement, les déclarations ouvertement antisyndicales de Boisclair avant les élections n’ont en rien aidé. André Boisclair a entre autres déclaré que "c’était finie l’époque ou les négociations entre le PQ et les syndicats se finissaient par des soupers bien arrosés"! Les dirigeants syndicaux des grandes centrales l’ont "avalé de travers". Certains ont même déclaré que "les progressistes ne s’empresseraient pas d’aller voter pour le Parti Québécois aux prochaines élections."Sans compter que le PQ ne s’est jamais prononcé sur le dossier Olymel et que André Boisclair a clairement dit qu’un gouvernement péquiste ne reviendrait pas sur la modification à l’article 45. De quoi à créer des remous!

    Le mythe selon lequel le Parti Québécois est une coalition de classes qui lutte pour l’indépendance du Québec s’effrite. Le PQ montre plus que jamais son visage de parti bourgeois aux travailleurs. Sans compter que dans la plateforme du PQ le mot référendum a été changé par consultation populaire. Le PQ ne sait plus sur quel pied danser pour rallier les travailleurs à son projet de "souveraineté association". De toute façon, n’est-il pas normal que les indépendantistes soient sceptiques face à un projet à demi ou au tiers indépendantiste sans aucune garantie de gains sociaux?

    Les plus récents appels d’André Boisclair à tous les "progressistes", pour qu’ils retournent au PQ, sonnent faux. Jamais le chef du PQ n’utilisaient ce terme avant; le fait qu’il le fasse aujourd’hui tend à montrer que cela ne va probablement pas aussi bien pour son parti qu’il le prétend.

    L’ADQ : être plus à droite que la droite

    Si beaucoup d’indépendantistes n’iront pas voter aux prochaines élections, certains nationalistes se laisseront peut-être tenter par l’Action démocratique du Québec (ADQ). Ce parti né d’une scission du Parti libéral au début des années 90 sombre de plus en plus dans le populisme le plus crasse. Quelques mois avant les élections, Mario Dumont est parti en croisade contre les accommodements raisonnables. Cette exploitation des préjugés xénophobes a malheureusement été profitable à sa formation. Dumont, tout comme Charest d’ailleurs, a applaudi un arbitre qui a expulsé une joueuse musulmane d’un terrain de soccer parce ce qu’elle portait le foulard. Le fait que partout sur terre cette jeune fille aurait pu jouer au soccer en paix, comme tout le monde, n’a pas ébranlé les adéquistes qui ont, tout comme leur chef, applaudi ce geste intolérant à souhait.

    Nationaliste, mais pas indépendantistes, Dumont se fait le chevalier du "fédéralisme d’ouverture". C’est tout aussi logique que le cannibalisme végétarien, mais nous en sommes pas à la première absurdité de l’ADQ. Cette position de Mario Dumont, qui est proche du beau risque de René Lévesque et des pitreries chauvines de Maurice Duplessis, pousse Jean Charest à taxer Dumont de l’épithète de "séparatiste." Le Parti libéral du Québec n’ayant survécu jusqu’ici uniquement grâce à son anti-indépendantisme maladif, rien de surprenant que Jean Charest imagine des séparatistes partout. Qui sera le prochain ? Peut-être le Juge Gomery ou la reine d’Angleterre en personne. On a cessé depuis longtemps de se surprendre des déclarations des chefs fédéralistes.

    L’ADQ périclitait financièrement il a un an, mais les animateurs de radio d’extrême droite de la région de Québec ont permis à ce parti de survivre jusqu’à aujourd’hui; c’est sûrement parce qu’ils s’y reconnaissent. Ce parti n’hésite jamais à nager sur toutes les vagues de mécontentements quitte à utiliser l’ignorance et les préjugés les plus immondes pour gagner de la popularité. Un candidat libéral a même comparé Dumont à Jean-Marie Le Pen au début de la campagne. La comparaison est peut-être exagérée, mais l’ADQ occupe un rôle politique un peu semblable au Front National : être plus à droite que la droite pour rendre la droite plus socialement acceptable.

    À propos du Parti Vert

    L’élection 2007 voit par contre arriver du sang neuf au point de vue politique : le Parti Vert gagne beaucoup de popularité. L’opinion publique étant de plus en plus alarmée par le réchauffement climatique, ce parti ne pouvait que gagner l’attention de l’électorat. Cela dit, les Verts québécois sont très différents des Verts que l’on peut trouver en Europe. Ce parti n’amène pas de réelles solutions. Si un candidat du Parti Vert est élu, ne vous attendez pas a ce qu’ils soit surnommé le "khmer vert" comme cela s’est vu en France.

    Les Verts, qui en Europe font souvent alliance avec les communistes et les altermondialistes, refusent ici toute alliance avec Québec solidaire; ceux et celles qui dirigent cette formation représentent un courant très petit-bourgeois, ils intègrent dans leur programme le principe de pollueur payeur, mais seulement pour ce qui est des individus (qui rouleraient par exemple en SUV ou qui ne prendraient pas le transport en commun); les compagnies ne sont pas visées. Étrange, ne trouvez-vous pas ? Le Parti Vert ne se gène pas en même temps pour critiquer le programme de Québec solidaire comme trop radical et socialisant, notamment en ce qui concerne le projet de nationalisation de l’éolien.

    Les Verts au Québec, tout comme leur homonyme au fédéral, ne comprennent pas et ne veulent surtout pas comprendre que le dossier environnementale est indissociable de la lutte aux inégalités sociales.

    Le refus très clairement exprimé par le chef du Parti Vert, Scott MacKay, d’endosser même la possibilité d’une éventuelle alliance avec Québec solidaire, telle qu’envisagée dans un reportage du journal Le Devoir et publié le 17 mars, confirme l’attitude très sectaire de la direction actuelle du Parti vert ; d’un simple point de vue légal, une telle entente de dernière minute n’aurait pas été possible à cause du trop court délai d’ici aux élections; le Parti Vert, par la voie de son chef, aurait quand même pu démontrer un peu plus d’ouverture d’esprit, au moins sur le principe, face à une telle éventualité puisque Québec solidaire est lui-même écologique; mais c’est plutôt le contraire qu’il a fait. En agissant ainsi, le chef du Parti Vert oeuvre objectivement contre la cause écologique.

    Une autre vision

    Le parti, et de loin le plus intéressant, est le nouveau parti de gauche : Québec solidaire. Québec solidaire (QS) est né de la fusion du mouvement Option citoyenne qui était dirigé par Françoise David, ainsi que du parti Union des force progressistes (UFP) dont le principal porte parole était Amir Khadir. QS amène une toute nouvelle vision de la politique au Québec. Bien sûr la plateforme à tendance écologiste, féministe et social progressiste est audacieuse. On y trouve entre autres le projet de Pharma Québec, une société d’État qui aurait pour tâche de produire des médicaments pour le système de santé publique. Une économie pour le système de santé qui s’évaluerait à 1 milliard de dollars, somme qui bien sûr serait investi pour des dépenses autres dans le dit système de santé.

    Mais Québec solidaire ne fait pas qu’innover du point de vue social et environnemental. Plus Vert que les verts, Québec solidaire est aussi réellement indépendantiste contrairement au Parti Québécois (PQ). La stratégie dit "de la constituante" montre que Québec solidaire est bel et bien déterminé à en finir avec la prison que représente pour les Québécois la structure politique fédérale. Québec solidaire fera bien sûr un référendum, mais ce référendum aura pour fonction de sanctionner une constitution d’un Québec indépendant qui aura été écrite suite à une vaste consultation populaire établie sur 12 à 18 mois pour que les travailleurs québécois soient les bâtisseurs de leur nouveau pays. Une constitution écrite par et pour les masses populaires ne peut pas perdre un référendum; les travailleurs n’iront certes pas sacrifier "leur propre enfant" après avoir mis autant d’effort pour le mettre au monde. C’est une stratégie que bien sûr le Parti Québécois ne peut se permettre.

    À cause de son caractère de classe le PQ ne peut donner le mandat aux travailleurs de mettre directement leur nez dans l’écriture de la loi fondamentale de l’État; ce serait du suicide! Mais Québec solidaire, n’étant pas un parti bourgeois, peut se le permettre et se fera un plaisir de le faire. Sans être nationaliste, Québec solidaire est le seul parti politique de masse réellement indépendantiste actuellement au Québec.

    Un État construit sur l’oppression nationale

    Il ne faut pas oublier que l’État fédéral canadien est construit sur l’oppression nationale. Comme le disait Stanley Ryerson dans son livre "Capitalisme et confédération", c’est pour assimiler les francophones et se débarrasser des autochtones que la couronne britannique mit sur pied la "confédération" canadienne. La destruction de cet État impérialiste passe donc par la question nationale. L’indépendance du Québec ne peut que mener qu’à une remise en cause de l’état bourgeois canadien; un tel mouvement pourrait être la bougie d’allumage d’un vaste mouvement de libération des nations d’Amérique du Nord. Ce n’est pas pour rien que l’ensemble de la bourgeoisie au Canada s’y oppose catégoriquement et que la bourgeoisie nationale québécoise a toujours d’autre chose de plus urgent à faire que l’indépendance du Québec. On ne peut pas arracher un morceau de cette envergure au beau milieu du Canada sans que l’État fédéral en soit ébranlé. Et c’est justement parce que la bourgeoisie ne veut rien savoir de l’indépendance du Québec que seul un parti des travailleurs pourra mener ce mouvement jusqu’au bout. Une libération nationale, pleine et entière, est indissociable d’une prise du pouvoir politique par les travailleurs, et une prise du pouvoir politique par les travailleurs est indissociable de la lutte de libération nationale québécoise.

    Québec solidaire n’est pas un parti homogène. Plusieurs tendances y cohabitent. Plusieurs courants socialistes y sont d’ailleurs représentés : Gauche socialiste de la quatrième internationale, Socialisme International, le Collectif pour une masse critique ainsi que le Parti communiste du Québec y font un travail résolu. Bien que la question des collectifs ne soit toujours pas réglée, le Parti communiste est fier de mettre tous ses efforts pour que Québec solidaire puisse s’implanter le plus possible sur le terrain et même faire élire des candidats. André Parizeau et Francis Gagnon Bergman, membres du comité exécutif et du comité central du Parti communiste du Québec, se présentent d’ailleurs aux élections sous la bannière de Québec solidaire. Pour les marxistes, Québec solidaire joue un rôle de premier plan historiquement parlant puisqu’au Québec la culture de parti de classe n’existe pas.

    La plupart des dirigeants au sein du mouvement syndical ont été pendant des années en appui au Parti québécois; sauf que même les plus fervents défenseurs du PQ d’hier doivent aujourd’hui reconnaître qu’il devient de plus en plus difficile de justifier le maintien d’un tel appui; on parle de plus en plus d’un appui circonstanciel et critique, en prétextant le fait qu’il n’y aurait pas vraiment d’autre alternative capable de prendre le pouvoir à court terme; avec le temps, cela est devenu un appui beaucoup plus tiède; d’autres se cantonnent désormais dans un neutralisme, qui n’a pas vraiment sa place, mais qui démontre néanmoins un malaise très clair face au PQ.

    Un vide à gauche

    Une telle situation pourrait, en définitive, devenir très profitable pour Québec solidaire. Il existe de plus en plus un vide à gauche que Québec solidaire peut combler. Les défis sont grands. Pour la première fois au Québec, un parti qui veut devenir un parti de masse, n’est pas dirigé par la bourgeoisie. Les travailleurs apprennent enfin à s’organiser sur leur propre base dans toutes les régions du Québec, sans trembler devant les impératifs des transnationales. Et, au sein même des syndicats, on commence également à discerner un mouvement pour se rapprocher de Québec solidaire; ce mouvement est encore faible, mais il existe.

    Québec solidaire n’a pas pour autant un programme socialiste. Mais il n’est pas impossible que, dans le futur, le projet socialiste devienne partie prenante du programme de Québec solidaire. Actuellement les débats vont bon train au coeur de l’organisation et au jour le jour, les militants du parti s’enrichissent politiquement. C’est là que le rôle des marxistes dans QS est d’une importance déterminante. Beaucoup de membres de Québec solidaire sont des gens qui, ne s’étant jamais reconnus dans le discours des politiciens bourgeois, sentent qu’ils ont leur place en politique grâce à ce parti. Donc beaucoup d’entre eux sont en plein apprentissage face à la politique. C’est là que les marxistes ont un rôle important jouer.

    Montréal 18 mars 2007

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