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  • Contre le colonialisme : le Congrès des Peuples de l’Orient (1920)

    Un jour dans l’histoire de la lutte des classes

    Il y a 100 ans, du 31 août au 7 septembre 1920, s’est tenu à Bakou (Azerbaïdjan), le Congrès des Peuples de l’Orient qui a rassemblé plus de 2.000 délégués des peuples d’Asie(1). Ce congrès, consacré pour l’essentiel à la lutte contre le colonialisme et la domination impérialiste, a été initié par l’Internationale (3e Internationale).

    Par Guy Van Sinoy

    Le deuxième congrès de la 3e Internationale venait à peine de se tenir (août 1920) et avait notamment imposé aux partis politiques souhaitant rejoindre ses rangs ‘‘de soutenir, non en paroles mais en fait, tout mouvement d’émancipation dans les colonies, de nourrir au cœur des travailleurs du pays des sentiments véritablement fraternels vis-à-vis de la population laborieuse des colonies et des peuples opprimés, d’entretenir parmi les troupes une agitation continue contre toute oppression des peuples coloniaux.’’

    Dès l’ouverture du congrès, Zinoviev, envoyé de la 3e Internationale, exposa clairement l’enjeu : ‘‘Nous voulons en finir avec la domination du capital dans le monde entier. Nous sommes convaincus que nous ne pourrons abolir définitivement l’exploitation de l’homme par l’homme, que si nous allumons l’incendie révolutionnaire non seulement en Europe et en Amérique mais dans le monde entier, si nous sommes suivis par cette portion de l’humanité qui peuple l’Asie et l’Afrique.’’

    Organiser un tel congrès réunissant près de 2.000 délégués parlant une multitude de langues différentes n’était pas une mince affaire, surtout qu’à l’époque il n’existait aucune installation moderne de traduction. Pour diriger le congrès on précéda à l’élection d’un bureau de 32 membres (16 communistes et 16 non-communistes) tous originaires de pays dominés. Chacun intervenait dans sa propre langue, le discours était traduit simultanément vers le russe, et ensuite la traduction russe était à son tour traduite vers les autres langues par des militants répartis dans les différents coins de la salle où les groupes de langue étaient rassemblés.

    Sur les 2,000 délégués, il n’y a que 55 femmes. La déléguée Naciye Hanim présenta le point de vue des femmes : ‘‘La lutte des femmes communistes de l’Orient sera encore plus dure, parce qu’elles auront à combattre, en plus, le despotisme de l’homme. Voici en abrégé nos principales revendications :

    – Complète égalité des droits ;
    – Droit pour la femme à recevoir l’instruction générale ou professionnelle dans toutes les écoles ;
    – Égalité des droits de l’homme et de la femme dans le mariage. Abolition de la polygamie ;
    – Admission sans réserve des femmes à tous les emplois administratifs et à toutes les fonctions législatives ;
    – Organisation dans toutes les villes et villages de comité de protection des droits de la femme ;
    La question du voile doit être placée au dernier plan des priorités.’’

    John Reed(2), délégué du Parti communiste américain parla en ces termes : ‘‘L’Amérique du Nord, est habitée par dix millions de Noirs. Bien que citoyens américains, égaux en droits, les gens de couleur n’ont ni droits politiques, ni droits civils. Afin de donner un dérivatif aux revendications des ouvriers américains, leurs exploiteurs les incitent à persécuter les Noirs, provoquant ainsi sciemment une guerre de races.’’ Il clôturait en soulignant la nécessité de la lutte collective.

    A la fin du congrès, Zinoviev déclara avec enthousiasme : ‘‘Il y a 70 ans, Karl Marx jetait un cri d’appel : ‘‘Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !’’ Nous, ses disciples, ses continuateurs, nous devons compléter cette devise et dire ; ‘‘Prolétaires de tous les pays, opprimés du monde entier, unissez-vous !’
    Il n’y aura pas de deuxième Congrès des peuples de l’Orient car après la mort de Lénine, Staline s’opposera à toute perspective de révolution mondiale. Zinoviev sera arrêté, jugé lors d’un procès truqué et fusillé en 1936…

    1. Entre autres : Arabes, Arméniens, Chinois, Coréens, Géorgiens, Hindous, Ingouches, Israélites, Japonais, Koumyks, Kirghiz, Kurdes, Ossètes, Persans, Russes, Tadjiks, Tchétchènes, Turcomans, Turcs, Uzbeks.
    2. John Reed, journaliste américain auteur du récit sur la Révolution russe 10 jours qui ébranlèrent le monde. Devenu militant communiste, il participe au Congrès de Bakou. Après le congrès, de retour à Moscou, il meurt du typhus le 20 octobre 1920, à l’âge de 33 ans. Les bolcheviks organisent des funérailles officielles et il est enterré sur la Place Rouge, dans la nécropole du mur du Kremlin, comme les révolutionnaires de 1917 dont il avait décrit le combat.

  • Centenaire de la Révolution Russe : la prise du pouvoir en octobre

    La révolution commencée en février a suivi son cours. La monarchie avait été renversée, une formidable liberté de presse, de réunion, existait comme nulle part ailleurs à cette époque. Les travailleurs, les paysans, les soldats, s’étaient dotés de conseils (les soviets) qui leur permettaient à la fois de développer leurs demandes mais aussi d’organiser en partie la société (contestation du pouvoir absolu des officiers dans l’armée, début de répartition des terres à la campagne, organisation du travail dans les usines…). Mais les aspirations fondamentales et les revendications de base de la révolution restaient : la journée de travail de 8 heures, la paix et la terre aux paysans. Le gouvernement provisoire, pas plus que le comité exécutif issu du congrès des soviets de juin, n’avait fait un pas dans ce sens, renvoyant cela à l’élection d’une Assemblée constituante – que le gouvernement refusait par ailleurs d’organiser. Quant à la guerre, toujours aussi absurde et meurtrière, toutes les forces politiques voulait la continuer, exceptés les bolcheviques et une partie des Socialistes-révolutionnaires de gauche.

    Par un coup de force, le chef du gouvernement provisoire, Kerenski, avait fait arrêter de nombreux dirigeants bolcheviques, dont Trotsky ; Lénine a dû se cacher des mois en Finlande voisine, de crainte (justifiée) d’être assassiné. Le journal bolchevique, la Pravda ainsi que d’autres, avaient été interdits. Et toute la fin août avait été marquée par la tentative conjointe mais concurrente de Kerenski d’un côté, et du général Kornilov de l’autre, d’établir une dictature sanglante et répressive.

    C’est la mobilisation en masse des bolcheviques (sur les mots d’ordre « défense de la révolution, pas de soutien à Kerenski, lutte contre Kornilov ») et de centaines de milliers de travailleurs et de soldats qui avaient fait échouer le coup d’État qui aurait débouché sur un régime de type fasciste s’il avait réussi. Cette défense victorieuse de la révolution et de ses acquis démocratiques changea définitivement l’ambiance. Les prisonniers politiques tels Trotsky et beaucoup d’autres furent libérés par les Gardes rouges (les détachements armés d’ouvriers) qui furent essentiels pour défendre la révolution. Les bolcheviques reçurent un soutien croissant grâce à la constance de leurs mots d’ordre. Leur refus de brader les aspirations de la révolution pour des combinaisons avec des partis hostiles aux travailleurs, aux paysans et au peuple, se sont avérés le seul rempart contre les ambitions dictatoriales des classes dirigeantes. La bourgeoisie, représentée par le parti Cadet, ne faisait plus mystère qu’elle était prête à s’allier avec les restes de l’aristocratie pourtant renversée en février, de même qu’à maintenir les alliances avec la France et la Grande Bretagne pour continuer la boucherie qu’était la Ière guerre mondiale. Incapable de prendre une mesure en faveur de masses ouvrières et paysannes, condamnant les soldats à toujours plus de mort et de sacrifice, et à l’autre bout, son refus de soutenir Kornilov et l’exigence d’une dictature pour asseoir le pouvoir de l’alliance de la bourgeoisie et de l’aristocratie, le gouvernement provisoire n’avait plus aucun soutien réel. Son pouvoir pourrissant ne demandait qu’à tomber, mais il fallait pour cela un autre gouvernement, à la tête d’un nouvel État constitué par les masses et à leur service.

    Le pouvoir des soviets

    Le 31 août 1917, le soviet de Petrograd devient à majorité bolchevique et adopte une résolution demandant le passage du pouvoir aux Soviets. Il sera suivi de plus d’une centaine de soviets de province dont celui de Moscou où pourtant les socialistes révolutionnaires, favorables au gouvernement provisoire et à la poursuite de la guerre, étaient dominants. Chaque élection, durant tout le mois de septembre, voit une victoire des bolcheviques. L’agitation grandit tandis qu’à la campagne, les paysans appliquent le mot d’ordre de répartition des terres sans plus attendre les éternelles promesses du gouvernement. Des organisations de masse se constituent, dans les quartiers populaires, parmi les soldats. Les gardes rouges se structurent et s’organisent à la fois en milice pour l’ordre public et contre les agents provocateurs tsaristes mais également pour défendre les usines et les lieux de la révolution (journaux, sièges des soviets ou des partis). Pour Lénine, les conditions sont mûres et elles risquent de pourrir si on laisse les masses dans l’attente. Kerenski s’est arrogé les quasi pleins pouvoirs en se faisant nommer, le 14 septembre, chef des armées avec pour objectif de continuer la guerre.

    Les mots d’ordre des bolcheviques, « le pain, la terre, la paix, et le pouvoir aux soviets » devient celui des masses, y compris dans la base des deux partis « socialistes » qui soutiennent le gouvernement provisoire, les mencheviques et socialistes révolutionnaires.

    Reflet de ce changement continu, Trotsky est élu président du soviet de Petrograd et celui de Moscou devient à majorité bolchevique le 5 octobre. Lénine écrit alors le 29 septembre « la crise est mûre ». En parfait accord avec Trotsky, il ouvre le débat au sein du parti bolchevique sur la prise du pouvoir et le renversement du gouvernement provisoire.

    Il y a d’un côté le gouvernement provisoire dont seule une minorité de la bourgeoisie et les puissances impérialistes défendent une légitimité, et de l’autre le pouvoir des soviets, représentant des millions de travailleurs, de soldats et de paysans, et dont le comité exécutif se refuse à prendre le pouvoir alors que les masses le demandent. Un tel double pouvoir ne peut durer très longtemps et l’indécision est pire que tout. Un nouveau Kornilov pouvait surgir et les manœuvres de Kerenski pour avancer vers une dictature étaient claires.

    Mais la direction du parti bolchevique est encore indécise. Une minorité (dont Kamenev, futur allié de Staline qui finira par le faire exécuter) reste complètement hostile à la prise du pouvoir, d’autres (dont Staline) tergiversent, proposent de ne pas prendre position mais que les organes du parti en « discutent »… Il faudra une intense bataille démocratique dans le parti, avec des avancées et des reculs, pour que la direction soit enfin résolue à aller de l’avant.

    Car les masses s’impatientaient. Kerenski tenta une dernière manœuvre : faire envoyer au front contre l’armée allemande les régiments cantonnés à Petrograd, ceux-là mêmes qui avaient défendu la révolution contre Kornilov. Cette provocation rencontra une vive résistance et les soviets des soldats votèrent désormais à l’unanimité la défiance contre le gouvernement provisoire.

    Prise du pouvoir

    Sous la pression des masses qui en avaient plus qu’assez de la guerre, le comité central des bolcheviques décide dans la deuxième semaine d’octobre de lancer l’insurrection. Pour Lénine, le parti doit prendre le pouvoir, pour Trotsky, le parti doit donner le pouvoir aux soviets. Une position commune émerge, le parti organise l’insurrection et propose à la séance d’ouverture du 2ème congrès pan-russe des soviets, le 25 octobre (7 novembre pour le calendrier occidental) que les soviets prennent le pouvoir. Un comité révolutionnaire est formé, avec à sa présidence Trotsky, et une vaste campagne d’agitation dans toutes les grandes villes est organisée. Des votes en faveur de la prise du pouvoir par les soviets s’organisent un peu partout, remportant enthousiasme et majorité.

    Souvent peu expérimentés à la tactique militaire, les détachements de Gardes rouges organisent du mieux qu’ils peuvent des plans d’occupation des endroits stratégiques des villes. A Petrograd, le 24 octobre et le matin du 25, des détachements occupent l’ensemble des bâtiments officiels, sans un coup de feu. Seuls le palais du gouvernement provisoire et les détachements d’élèves officiers sont hostiles. Partout ailleurs, les détachements du comité révolutionnaire militaire sont aidés par les travailleurs. Lorsque s’ouvre le 2ème congrès pan-russe des soviets, Trotsky soumet une résolution prononçant la dissolution du gouvernement provisoire et proclamant le pouvoir aux soviets. Celle-ci est largement majoritaire, seuls une partie des mencheviks et des socialistes révolutionnaires votent contre (moins de 100 mandats sur 562 délégués), et quittent la séance. Pourtant, les bolcheviques proposent que le gouvernement issu des soviets intègre l’ensemble des courants politiques présents au congrès pan-russe, mais seuls les SR dits de « gauche » accepteront.

    L’insurrection a été plus difficile à Moscou où des combats de rue dureront quelques jours. À Petrograd, il n’y eut quasiment aucun coup de feu, au contraire de la révolution de février qui avait vu des centaines de morts. En moins de 48 heures, le congrès des soviets va faire ce que le gouvernement provisoire a été incapable de faire en huit mois : un décret donnant la terre aux paysans pauvres, un autre instaurant la journée de 8 heures, et la souveraineté et l’égalité de tous les peuples de Russie. Sur la guerre, la diplomatie secrète est abolie et le congrès propose l’ouverture immédiate de pourparler de paix, en vue d’une paix équitable, sans indemnité ni annexion.

    Construire le socialisme

    De simples ouvriers, soldats et paysans, grâce à la direction du parti bolchevique et la détermination de ses meilleurs dirigeants dont Lénine et Trotsky, avaient osé. Ils avaient osé prendre les affaires du pays en main, ne plus accepter la domination des forces qui ne gouvernent qu’en fonction des intérêts des classes dirigeantes. Très vite, d’autres mesures seront prises : une égalité complète entre hommes et femmes, la nationalisation des banques, le contrôle des travailleurs sur la production… Mais très vite aussi, la bourgeoisie des grands pays capitalistes se déchaîna contre le pouvoir des soviets. Une infâme guerre civile, avec l’envoi de dizaines de milliers de soldats français, anglais, états-uniens, allemands, japonais, pour appuyer les troupes pro-tsaristes (les « blancs »), fut imposée aux peuples de Russie et au pouvoir révolutionnaire des soviets.

    Mais la vague révolutionnaire gagna d’autres pays, et notamment les empires centraux (Allemagne et Autriche-Hongrie) et le premier résultat international de la révolution d’Octobre fut qu’il a été mis fin à la boucherie qu’était la 1ère guerre mondiale qui aurait certainement encore duré des années sans la révolution d’Octobre.

    La plus grande réalisation humaine de l’histoire allait donner un tournant décisif et dominer tout le 20ème siècle. Des millions de travailleurs, dans les pays dominants comme dans les colonies, allaient se saisir de la victoire d’octobre et menacer l’ordre capitaliste.

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    La mise en place, dans la 2ème partie des années 20, du pouvoir dictatorial de Staline et la bureaucratisation croissante de l’Union soviétique sous sa politique est constamment utilisée aujourd’hui pour dénigrer la révolution d’octobre. C’est évidemment en mettant de côté que les principaux acteurs de la révolution, à commencer par son principal dirigeant, Trotsky, ont justement mené une opposition farouche contre Staline. C’est également en mettant de côté que l’ensemble des pays qui ont vu une période révolutionnaire à la même époque et où les « socialistes » réformistes ont réussi à empêcher que la révolution socialiste triomphe, se sont transformés en pays fascistes : Italie, Allemagne, Espagne, Roumanie… pour aboutir à la terrible 2nde guerre mondiale.

    Le principal dirigeant de la révolution d’Octobre, Trotsky, a montré dans son œuvre magistrale, la Révolution Trahie, quelles sont les bases réelles de la bureaucratie stalinienne. Il a continué inlassablement à défendre les acquis de la révolution d’octobre tout en appelant à ce que les masses se soulèvent contre cette même bureaucratie et que soit repris le chemin vers le socialisme en Union soviétique et dans le monde.

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  • 100 ans après, que retenir de la Révolution Russe ?

    Le 28 juillet 1917, peu avant la révolution d’Octobre, le journal belge Le Bruxellois titrait ‘‘Révolution russe : Le volcan menace’’. Le 10 septembre dernier, Charles Michel définissait le nouvel ennemi de la Belgique : ‘‘Dans plusieurs pays, et en Belgique aussi, nous assistons au retour du communisme, qui écrase les libertés individuelles et a toujours entrainé plus de pauvreté et de régression sociale.’’ Après tout, Charles Michel s’y connaît en régression sociale. Dans la Belgique capitaliste, 15 % des belges vivent sous le seuil de pauvreté et 20 % ‘potentiellement’ en précarité. Son gouvernement de droite dure n’a pas inversé la tendance. Cent ans après la révolution russe, voici l’occasion de revenir sur les conquêtes de celle-ci et sur ce qui l’a rendue possible.

    Dossier de Julien (Bruxelles)

    A la suite de l’insurrection d’Octobre 1917, il a fallu 33 heures au gouvernement soviétique pour poser les bases du nouveau régime. Pour sa première mesure, le Congrès des Soviets lançait un appel ‘‘aux peuples et aux gouvernements de toutes les nations belligérantes’’ [impliquées dans la première guerre mondiale] en vue d’une ‘‘paix démocratique juste’’. Le texte précisait d’ailleurs que cette paix se devait ‘‘d’être immédiate, sans annexions ni réparations’’. Après trois ans de guerre, 15 millions de paysans étaient sur le front et les pertes militaires et civiles s’élevaient respectivement à 1,8 millions et 1,5 millions.

    Le deuxième décret abolissait ‘‘immédiatement et sans aucune indemnité la propriété foncière’’. Il mettait fin à la seigneurie foncière russe et légitimait l’appropriation, effectuée en pratique depuis l’été par les paysans, des terres cultivables ayant appartenu aux grands propriétaires ou à la couronne, voire aux paysans aisés. Avant cela, 30.000 propriétaires possédaient autant de terres que 10 millions de familles.

    Le troisième décret, sur le contrôle ouvrier, assurait la prise en mains de la production pour répondre aux besoins sociaux et ce, en plus de l’instauration de la journée des 8 heures. Dès lors, tous les livres de compte et les stocks furent rendus accessibles aux représentants élus par les ouvriers. En 1918, suite à la nationalisation des principaux secteurs économiques, le Conseil Supérieur de l’Economie Nationale eut pour objectif de planifier la production nationalement. En plus des usines, les banques aussi furent nationalisées et fusionnées dans une banque d’Etat. Par décret, ‘‘les intérêts des petits épargnants seront entièrement sauvegardés’’.

    La Russie de l’époque comptait des centaines de minorités nationales, allant de la Finlande aux peuples Mongols en passant par les Tatars, Estoniens ou encore les Zyrianes. Autant dire qu’ils avaient souffert sous l’aristocratie russe, particulièrement les nations asiatiques de Russie. Le gouvernement soviétique décréta ‘‘l’égalité et la souveraineté de tous les peuples de Russie’’, ‘‘le droit des peuples de Russie à disposer librement d’eux-mêmes, y compris le droit de sécession et de formation d’un Etat indépendant.’’

    En manifestant à Petrograd le 8 mars 1917 (le 23 février dans le calendrier julien alors en vigueur en Russie), les ouvrières de Petrograd ne réalisaient probablement pas que leur action initierait le plus grand évènement de l’histoire de l’Humanité. Par l’action collective, les travailleuses et paysannes russes ont arraché plus de droits que ce que le capitalisme n’a jamais pu assurer et ce au lendemain même de l’insurrection de Petrograd : établissement de l’égalité juridique entres femmes et hommes, accessibilité du divorce pour toutes et tous, préservation de l’emploi en cas de grossesse, possibilité d’assurer des soins à ses enfants pendant les heures de travail, légalisation de l’avortement,… Sur les questions de genres et de sexualité, les Bolcheviks dépénalisèrent l’homosexualité et autorisèrent le changement de sexe sur les papiers d’identité.

    Lénine décrivait ainsi la nécessité d’aller plus loin : ‘‘La femme a beau jouir de tous les droits, elle n’en reste pas moins opprimée en fait, parce que, sur elle, pèsent tous les soins du ménage […] Nous créons des institutions modèles, des restaurants, des crèches, pour affranchir les femmes du ménage.’’ Les Bolcheviks visaient la socialisation des tâches domestiques par le développement des services publics.

    Quand les riches parlent de ‘‘liberté de presse’’, ils entendent ‘‘liberté de presse tant que tu as assez d’argent pour acheter une imprimerie et engager des journalistes’’. Par la collectivisation des imprimeries en 1917, les travailleurs avaient enfin la possibilité de s’exprimer. Les journaux patronaux rependaient rumeurs et calomnies sur le gouvernement bolcheviks en vue de briser le soutien populaire pour ces derniers et de préparer un coup d’Etat. Pour la première fois de l’histoire, la liberté de presse existait pour toutes et tous en Russie.

    Rapidement, les bolcheviks initièrent le premier système d’assurance sociale. Le décret concerné obligeait les employeurs à assumer l’entièreté des cotisations sociales, à verser une somme au moins égale au salaire total en cas d’incapacité de travail ou de chômage. La gestion des caisses d’assurance fut mise dans les mains des assurés.

    Début 1918, l’enseignement fut rendu obligatoire et gratuit. Les ouvriers et paysans avaient enfin accès aux écoles. Les frais universitaires furent abolis et les examens grandement réduits. Pour les nationalités privées d’écriture, des alphabets étaient créés. Dès 12 ans, les élèves étaient invités à participer au contrôle démocratique de leur école avec les travailleurs scolaires. Le nombre de bibliothèque explosa. Le nombre d’école augmenta de 50 % et le budget pour l’éducation fut multiplié par quinze.

    Voici donc une partie des prétendues ‘‘régressions sociales’’ que les Bolcheviks imposèrent suite à la révolution.

    ‘‘Jusqu’au bout’’ ?

    En juillet 2015, au sujet de l’accord conclu avec l’Eurogroupe, le premier ministre grec Alexis Tsipras déclarait avoir ‘‘livré jusqu’au bout un combat juste qui a débouché sur un accord difficile’’. En refusant d’entrer en confrontation avec la Troïka, Syriza a illustré l’impossibilité d’obtenir aujourd’hui des réformes sans mener de luttes révolutionnaires. La concentration des richesses dans les mains d’une poignée d’actionnaires limite les possibilités de réformes. L’année 2017 commençait avec le nouveau record du nombre de personnes possédant autant que la moitié de l’humanité : 8 à peine. Elle finit sur un autre record : celui de la hauteur des dividendes reversés aux actionnaires : 1208 milliards de dollars. Pour aller ‘‘jusqu’au bout’’, il aurait fallu appeler les travailleurs et les jeunes partout en Europe à lutter contre l’austérité et pour une société socialiste.

    Le capitalisme n’est pas un horizon infranchissable. En plus des acquis incroyables de la révolution d’octobre, cette dernière a montré qu’il est possible et nécessaire de renverser ce système.

    De la révolution de Février 1917 allaient sortir deux organes de pouvoir parallèles : les Soviets (conseils ouvriers) et le Gouvernement Provisoire. Là où les Soviets représentaient les ouvriers, paysans et soldats, le Gouvernement Provisoire était une tentative de récupérer le pouvoir par la bourgeoisie. A ce moment, elle espérait développer le capitalisme en Russie comme cela avait été le cas en Belgique ou en France. Les Mencheviks et Socialistes Révolutionnaires (SR) parlaient de socialisme comme quelque chose qui arriverait… mais pas tout de suite. Selon eux, il fallait d’abord développer le capitalisme russe. C’est pourquoi ils sont entrés dans le Gouvernement Provisoire en acceptant que la bourgeoisie russe prenne les choses en mains. Le socialisme dont ils parlaient était alors reporté à belle lurette.

    Pendant des mois, le Gouvernement Provisoire promit : la paix, la redistribution des terres, la journée des 8h, le droit au divorce pour les femmes, la séparation de l’Eglise et de l’Etat,… Mais ces revendications restaient inacceptables pour la bourgeoisie russe et les grands propriétaires terriens.

    Voici donc la leçon qu’ont pu tirer les masses russes à l’époque : ses aspirations seraient toujours limitées par les classes dominantes. Début avril 1917, Lénine, de retour d’exil, lança le mot d’ordre ‘‘tout le pouvoir aux soviets’’. Il conclût sur ces mots : ‘‘La révolution russe que vous avez accomplie en a marqué les débuts et a posé les fondements d’une nouvelle époque.’’

    ‘‘L’émancipation des travailleurs sera l’ouvre des travailleurs eux-mêmes’’

    Quand on pense à un ‘parlement’, on imagine un lieu en marbre rempli de politiciens en costard-cravate avec des salaires et avantages mirobolants. Les travailleurs apprennent dès l’enfance que gérer la société, ce n’est pas pour eux, que chacun doit garder sa place.

    Ce statu quo change lors de luttes d’ampleur. Les travailleurs prennent alors confiance et apprennent à gérer des quartiers, des villes,… via des organes d’auto-organisation indépendants de la bourgeoisie. Ces conseils ouvriers ont pris différents noms au cours de l’histoire mais ont toujours reflété l’unité et l’indépendance de la classe ouvrière : cordones industriales dans le Chili révolutionnaire de 1970-73, juntas durant la révolution espagnole de 1936 ou encore Arbeiter und Soldatenrat durant la révolution allemande de 1918. On peut même remonter jusqu’à la Commune de Paris en 1871. A moindre échelle, on peut citer le Soviet de Limerick en Irlande en 1919 ou le Soviet de La Argañosa dans les Asturies en 1934. Plus récemment, la Tunisie a vu émerger des Comités (de Quartier, de Vigilance, de Ravitaillement,…) au cours de la lutte héroïque des travailleurs tunisiens contre la dictature de Ben Ali. Que ce soit via des Comités de grève, des Comités d’usine ou des syndicats, la classe ouvrière a toujours naturellement cherché à s’entre-aider, particulièrement en période de lutte.

    En Russie, les Soviets sont nés avec la révolution de 1905. Au départ, ils visaient à diriger les grèves ; ils étaient nécessaires pour maintenir le piquet et résister à la répression. Avec Octobre, ils seront amenés à gérer les tâches normales d’un Etat officiel à la différence qu’ils impliquaient la majorité dans le processus.

    Absents pendant des années, les soviets refirent surface en février-mars 1917 à Petrograd et dans les principales villes et vers avril-mai dans les campagnes. Dès 1906, Trotsky est convaincu du rôle central qu’allaient prendre les soviets, il les décrivait comme les‘‘organisations-type de la révolution’’.

    Contrairement à la Douma (parlement russe) où les députés étaient élus au suffrage censitaire et non révocables, les soviets impliquaient tous les travailleurs et leur permettaient d’exercer un contrôle sur leurs élus. Assez rapidement, les soviets s’organisèrent à grande échelle via des congrès et des comités exécutifs.

    La situation de double pouvoir prit fin en octobre avec l’insurrection de Petrograd. Là où la Commune de Paris avait laissé Versailles s’organiser et écraser dans le sang la Commune, Lénine et Trotsky comprenaient que la bourgeoisie ferait tout pour prendre complètement le pouvoir, que ce soit en imposant le Gouvernement Provisoire ou via une tentative de coup d’Etat militaire.

    Les 72 jours de la Commune

    De la même manière que nous prenons le temps d’étudier les révolutions (celle de 1917 en particulier), les Bolcheviks étudiaient les expériences révolutionnaires antérieures. L’expérience qui avait alors été le plus loin à l’époque était la Commune de Paris de 1871. Tout comme en février 1917, la spontanéité des masses avait déplacé des montagnes. Mais en s’arrêtant aux premiers succès, en laissant Versailles et ses banques en paix, les Parisiens avaient laissé l’espace à la bourgeoisie de préparer la riposte au bout de 72 jours. Marx avait alors tiré la conclusion que ‘‘la classe ouvrière ne peut pas se contenter de prendre tel quel l’appareil d’Etat et de le faire fonctionner pour son propre compte’’. L’Etat bourgeois doit être brisé. Pour cela, des organisations révolutionnaires suffisamment préparées sont nécessaires. Lénine en prit bonne note.

    Quand la bourgeoisie russe pressa le général Kornilov de marcher sur Petrograd pour mater la révolution, il devint clair qu’elle voulait passer à la vitesse supérieure, le Gouvernement Provisoire ne parvenant pas à endiguer les soviets. Les Bolcheviks vont alors prendre en mains la défense de Petrograd. Ils envoyèrent des militants révolutionnaires discuter avec les troupes de Kornilov et les convaincre non seulement de ne pas tirer sur les travailleurs mais même de rejoindre la révolution. La tentative de coup d’Etat fut un échec total.

    Cet épisode illustre tant la faiblesse du Gouvernement Provisoire que la force des Soviets. Mais la bourgeoisie avait d’autres Kornilov en réserve. Fort du succès de la défense de Petrograd, les Bolcheviks décidèrent de ne plus attendre une nouvelle attaque de la bourgeoisie sous peine de connaître le même sort que les ouvriers de la Commune.

    Le 16 octobre, le Soviet de Petrograd fonda le Comité Militaire Révolutionnaire en vue d’organiser la prise du pouvoir par le prolétariat et sauver la révolution. Avec le soutien des masses d’ouvriers, de paysans et de soldats, ils prirent le palais d’Hiver (siège du Gouvernement provisoire) fin du mois. Bien loin d’un coup d’Etat organisé dans une cave, la prise du Palais d’Hiver fut un épisode politique rendu possible uniquement car les masses n’en pouvaient plus du capitalisme et de ses politiciens. A l’époque, pas plus les Bolcheviks qu’aucun autre parti n’aurait pu faire quoi que ce soit sans le soutien des Soviets.

    Véritable mémoire du mouvement ouvrier, le parti bolchevik a joué un rôle capital dans l’aboutissement de la révolution. Leur slogan ‘pain paix terre’ représentait au mieux les aspirations des masses. Comme nous l’avons vu au début de l’article, les bolcheviks défendirent les droits démocratiques de chacun en vue de permettre l’unification de tous les exploités. Ils prirent toute l’expérience des luttes du passé et prirent part sans ménagement aux luttes en Russie même.

    Staline, Lénine, même combat ?

    La contre-révolution stalinienne a non seulement détruit en bonne partie les acquis d’Octobre mais aussi tué dans l’œuf toute tentative de révolution à l’internationale. Dès 1924, Staline utilisa le mot d’ordre de ‘socialisme dans un seul pays’ en vue de stopper la vague révolutionnaire.
    La révolution d’Octobre avait pourtant besoin de s’étendre à l’échelle internationale. Le capitalisme a mondialisé l’économie et la Russie ne pouvait pas développer sa production de manière indépendante. Surtout en tenant compte du fait qu’elle sortait tout juste de la Première Guerre Mondiale et que 21 armées étaient entrées en croisade contre le jeune Etat soviétique.

    Lénine et Trotsky défendaient la nécessité d’étendre la révolution d’abord à l’échelle internationale puis mondiale pour maintenir les acquis d’Octobre. Fin des années ‘10, sur fond de Première Guerre Mondiale, l’Europe connaissait une vague de révolutions: Allemagne, Italie, Autriche-Hongrie, Irlande,… Lénine fondait de grands espoirs dans la Révolution Allemande. La Révolution Russe servait d’exemple aux travailleurs allemands dans leur tentative de prendre le pouvoir. Une Allemagne socialiste, avec le prolétariat le plus grand et le plus organisé du monde à l’époque aurait donné un essor incroyable à la Russie soviétique non seulement par son avancée économique mais aussi en empêchant les pays capitalistes de s’unir contre celle-ci.

    En 1919, Lénine fonde l’Internationale Communiste en vue d’étendre l’expérience des Bolcheviks et de construire une direction révolutionnaire capable de concrétiser la prise de pouvoir par la classe ouvrière. Malheureusement, l’échec de la révolution allemande, l’assaut de 21 armées sur la Russie Soviétique et, finalement, l’arrivée au pouvoir de Staline et de la bureaucratie ont stoppé ce mouvement. La démocratie ouvrière russe s’est ainsi trouvée isolée et étouffée. Staline n’est pas l’apprenti de Lénine mais son fossoyeur.

    Et aujourd’hui ?

    En dépit d’une crise de proportion historique, le capitalisme ne disparaîtra pas de lui-même. Les travailleurs, les jeunes et les opprimés ont un besoin vital d’organisations qui lient leurs luttes au quotidien pour des meilleures conditions de vie et de travail à l’objectif de transformer durablement la société.

    L’élan révolutionnaire des masses d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient en 2011 avait initialement rencontré un puissant écho à l’échelle internationale, suite à la chute des dictatures de Ben Ali (en Tunisie) et de Moubarak (en Egypte). Mais l’absence d’organisations révolutionnaires avec un enracinement suffisant parmi les travailleurs, les classes populaires et la jeunesse, a ouvert la voie à un retour de la contre-révolution sous différentes formes.

    Partout, la colère des masses gronde. Le seul élément déficient est une alternative politique de masse qui puisse organiser la classe ouvrière, la jeunesse et les pauvres à l’échelle internationale autour d’un programme cohérent de transformation sociale.

    Face au chaos capitaliste, la seule reprise économique viable est celle qui viserait à ce que la classe des travailleurs se réapproprie le contrôle des grandes banques et des secteurs stratégiques de l’économie, et planifie démocratiquement la production, afin de répondre aux besoins de tous et toutes. Le socialisme démocratique permettrait que l’ensemble des ressources et capacités productives modernes soient mis au service de toute la société dans le respect de l’environnement, au lieu d’être siphonné par une minorité qui s’enrichit toujours plus tout en ruinant la vie de l’immense majorité des habitants de la planète.

    Notre organisation socialiste internationale, le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), lutte sans relâche au côté des travailleurs et des jeunes à travers le monde avec ses sections, ses militants et ses sympathisants présents dans une cinquantaine de pays sur tous les continents. Rejoindre ce combat est la meilleure manière de commémorer le centenaire de la Révolution russe.

  • Centenaire de la révolution russe et de la répudiation des dettes

    Le fil rouge de « Socialisme 2017 » organisé ce week-end par le parti Socialiste de Lutte, la campagne ROSA (Résistance contre l’Oppression, le Sexisme et l’Austérité) et les Etudiants de Gauche Actifs sera la révolution Russe.

    Différents ateliers reviendront sur des aspects spécifique de cet événement majeur dans l’histoire de l’humanité. L’un d’eux (le samedi, de 16h à 18h) reviendra tout particulièrement sur le thème de la répudiation des dettes en relation avec la Révolution Russe. Nous avons le plaisir d’y accueillir Nathan Legrand, membre du CADTM (Comité pour l’abolition des dettes illégitimes).

    Début janvier 1918, le gouvernement soviétique suspendit le paiement de la dette étrangère et début février 1918, il décréta la répudiation de toutes les dettes tsaristes ainsi que les dettes contractées par le gouvernement provisoire afin de poursuivre la guerre entre février et novembre 1917. En même temps, il décida d’exproprier tous les avoirs des capitalistes étrangers en Russie afin de les restituer au patrimoine national. En répudiant les dettes, le gouvernement soviétique mettait en pratique la décision prise en 1905 par le soviet de Petrograd et les différents partis qui le soutenaient.

    En guise d’avant-goût à cette discussion, nous vous proposons de vous rendre sur le site du CADTM pour vous plonger dans le feuilleton “Centenaire de la révolution russe et de la répudiation des dettes”. Bonne lecture et à ce week-end !

    >> Programme complet et informations pratiques

     

  • 1917 : Quand la classe des travailleurs a pris le pouvoir

    « Pour nous, il ne s’agit pas de réformer la propriété privée, mais de l’abolir ; il ne s’agit pas d’atténuer les antagonismes de classe, mais d’abolir les classes ; il ne s’agit pas d’améliorer la société actuelle, mais d’en établir une nouvelle ». Karl Marx et Friedrich Engels, Lettre à la Ligue des communistes, 1850

    Dès la fin aout 1917, la crise révolutionnaire en Russie était arrivée à maturité. L’échec du coup d’État du général Kornilov avait rempli de confiance l’avant-garde prolétarienne et renforcé sa détermination. À son tour, la compréhension du lien entre économie et politique, entre la décision du gouvernement de transition de maintenir son engagement dans la guerre ainsi que la propriété privée des usines et des terres, la disette dont souffraient à la fois les travailleurs des villes, les paysans des villages et les soldats dans leurs tranchées – tous ces facteurs pénétraient dans la conscience de millions de gens en exposant l’ampleur des mensonges et des promesses trahies des partis SR (« socialistes-révolutionnaires », parti de gauche non marxiste) et menchévique (ex-fraction réformiste du Parti ouvrier social-démocrate de Russie), qui refusaient de rompre leur coalition avec la bourgeoisie et les grands propriétaires terriens.

    Dossier de Bárbara Areal, Izquierda Revolucionaria (section du Comité pour une Internationale Ouvrière dans l’Etat espagnol)

    En février 1917, une première révolution avait contraint l’empereur à abdiquer et un régime « démocratique » de transition avait été mis en place (comme en Tunisie en 2011 ou au Burkina en 2015…). Cependant, le peuple avait lui aussi créé ses propres organes de pouvoir au cours de la lutte, des assemblées populaires appelées « soviets » (mot russe qui signifie « conseil » et qu’on pourrait aussi traduire par « agora »), et qui faisaient la loi dans les quartiers ouvriers, les zones industrielles mais aussi dans de nombreux villages. On était donc dans une situation inédite de « double pouvoir », qui atteignait son paroxysme au mois de septembre 1917.

    Les institutions et organismes tels que le régime de transition et l’ancienne assemblée nationale perdaient de plus en plus rapidement tout crédit auprès de la majorité de la population, tout comme le « préparlement » convoqué par le chef du gouvernement, Kérensky, dans une tentative désespérée de détourner les masses de l’action révolutionnaire. Véritables théâtres de la tromperie et du mensonge, tous ces organismes avaient démontré leur incapacité à répondre aux besoins d’une population fatiguée des discours creux, que les faits contredisaient décidément à chaque pas : ni terre, ni pain, ni paix, ni droits pour les ethnies opprimées. Aspirations qui n’avaient pas de place dans le cadre du capitalisme russe, et qui poussaient inexorablement en direction d’une nouvelle révolution.

    Toute cette avancée dans la conscience s’est traduite par une croissance de l’autorité politique des bolchéviks (le parti de Lénine et de Trotsky), qui, de petit groupe minoritaire qu’ils étaient, ont rapidement gagné la majorité dans les soviets de Pétrograd et de Moscou (les deux capitales qui servaient de guide politique au reste de la Russie) ainsi que dans de nombreuses autres villes. Cette victoire avait été préparée depuis la base, au cœur du prolétariat, en conquérant en premier lieu les soviets des usines et des quartiers ouvriers, et en démontrant aux masses opprimées que les bolchéviks n’étaient pas comme les autres partis : eux faisaient ce qu’ils disaient ! Et malgré la répression permanente, ils n’ont jamais abandonné les masses, y compris dans les circonstances les plus difficiles.

    À ce point, il est important de noter que, depuis février, la majorité des soviets avait été dirigée par des partis conciliateurs et réformistes tels que les SR et les menchéviks. Ces formations avaient perverti les organes du pouvoir prolétarien en les plaçant au service de la collaboration des classes. La possibilité de ce que les soviets soient convertis en un outil au service de la contrerévolution a été évitée en de nombreuses occasions par Lénine, qui a correctement insisté sur le fait qu’il ne fallait pas avoir le moindre attachement à la moindre forme d’organisation, à partir du moment où celle-ci cesse de jouer le rôle progressiste pour lequel elle avait été créée.

    Mais les réserves de Lénine (qui a même été jusqu’à proposer d’abandonner son mot d’ordre de « Tout le pouvoir aux soviets ! » et de recentrer plutôt les forces du parti sur les comités d’usine pour les reformer en organes de l’insurrection) étaient la conséquence de sa propre expérience pratique. Cependant, l’échec de la tentative de coup d’État en août – le fouet de la contre-révolution – a ré-insufflé aux soviets la sagesse révolutionnaire nécessaire.

    Crise au Comité central bolchévique

    Les leçons à tirer de la révolution d’octobre 1917 en Russie sont tout aussi nombreuses que précieuses, surtout en ce qui concerne le rôle du parti révolutionnaire. Ainsi, une des falsifications les plus nuisibles faites par les staliniens est leur tentative d’occulter la véritable histoire de ce qui s’est produit au sein de la direction bolchévique durant cette année cruciale. Vouloir déduire du triomphe de la révolution que le programme, les méthodes et la tactique appliqués pendant ces dix mois de l’année 1917 ont été adoptés de manière naturelle, calme et unanime par l’ensemble des dirigeants bolchéviques, c’est travestir la vérité. Au contraire, la succession frénétique des évènements et des débats n’a pas manqué de secouer le parti, le plongeant dans des crises constantes.

    La situation objective en septembre s’était grandement transformée. Il ne s’agissait déjà plus, comme le disait Lénine dans ses Thèses d’avril (consultables ici), d’expliquer patiemment aux masses la nécessité de lutter pour la révolution socialiste et de les rendre conscientes de leur tâche historique. La situation avait muri très rapidement. Après la répression sanglante des Journées de juillet (5 jours de révolte contre le gouvernement transitoire à Pétrograd, qui se sont soldés par le massacre de 160 manifestants) et la tentative de coup d’État par le général Kornilov en aout, le pouvoir est passé entre les mains d’une petite clique bonapartiste incarnée par Kérensky, qui menaçait la révolution d’une défaite humiliante et définitive.

    De ce fait, selon les mots de Lénine, il fallait conclure qu’il était complètement impossible d’obtenir un « développement pacifique » de la révolution. L’entêtement des SR et des menchéviks de s’attacher au carrosse de la réaction bourgeoise, en se convertissant en majordomes de M. Milioukov et de son Parti constitutionnel-démocrate, rendait impossible une telle perspective. Lénine l’avait signalé dans toute sa correspondance avec le Comité central bolchévique : il n’y a pas de troisième voie. Soit une dictature bonapartiste de la bourgeoisie, soit les prolétaires prennent le pouvoir en Russie, appuyés par le pouvoir des soviets et la mobilisation des paysans pauvres.

    Tous ses écrits de la fin aout et de début septembre tournent autour de ce thème : préparer les forces du parti et de l’avant-garde pour l’insurrection, puisque les faits confirmaient à chaque étape le soutien de la majorité de la classe prolétaire et des paysans pauvres. Le 12 septembre, Lénine publiait un article intitulé Les bolchéviks doivent prendre en main le pouvoir (lien ici). Deux jours plus tard, il affirmait, dans un article intitulé Le marxisme et l’insurrection (lien ici), que « Toutes les conditions objectives pour la victoire de l’insurrection sont présentes ».

    Ayant opéré un tournant décisif dans l’orientation du parti, Lénine s’est retrouvé confronté à une opposition acharnée de la part de la direction bolchévique. Alors qu’arrivait le moment pour lequel les bolchéviks avaient passé tant d’années à se préparer, pour lequel ils avaient fait tant d’efforts et de sacrifices, bon nombre de leurs dirigeants se retrouvaient pris d’une sensation de vertige qui les paralysait. Staline, qui était à ce moment éditeur en chef du journal bolchévique La Vérité, a autorisé le 30 aout la publication d’un article de Zinoviev contre la proposition d’insurrection.

    Les déclarations se sont succédé dans la bouche des dirigeants les plus célèbres : Zinoviev, Kamenev et les autres, ont accusé Lénine d’aventurisme et de blanquisme. (Auguste Blanqui (1805-81) : révolutionnaire et représentant du communisme utopique français, il désirait la prise du pouvoir via une conspiration armée de la part d’un petit groupe). Toutes leurs justifications pour retarder la.décision se fondaient sur des « raisons » théoriques, sur l’« immaturité » des conditions pour la prise du pouvoir, sur le retard économique de la Russie qui l’empêchait de bâtir un État prolétarien, sur la difficulté de consolider le soutien des masses villageoises ou sur la « puissance » militaire des ennemis de la révolution… En définitive, selon eux, la Russie n’était pas mure pour la révolution socialiste, et il fallait d’abord passer par une phase préalable de développement capitaliste et de démocratie bourgeoise.

    Dans ces circonstances extrêmes, Lénine, refusant de s’avouer vaincu, a agi en conséquence : « Je suis obligé de demander à sortir du Comité central, ce que je fais, et de garder pour moi la liberté d’agitation à la base du parti et au Congrès du parti ». Tout comme lorsque la direction bolchévique l’avait mis en minorité avec ses Thèses d’avril, « Lenine s’appuyait sur les couches inférieures de l’appareil contre les plus hautes, ou bien sur la masse du parti contre l’appareil dans son ensemble ». Même s’il n’a finalement pas dû aller jusqu’à rendre publique sa démission, la lutte interne s’est prolongée jusqu’à la fin de l’insurrection.

    Enfin, lors de sa réunion du 10 octobre (ancien calendrier russe / 23 octobre dans le reste du monde), Lénine a remporté la majorité du Comité central pour organiser et appeler à une insurrection armée. Cette réunion de portée historique comportait quelques particularités. Seuls 12 des 21 membres du CC ont pu y assister. De fait, Lénine lui-même est arrivé rasé, portant des lunettes et une perruque, puisqu’il vivait alors dans la clandestinité. À la fin du débat, 10 membres ont voté pour l’insurrection, 2 contre. Cela n’a pas empêché, une semaine à peine avant la prise du pouvoir, Kamenev de publier une lettre affirmant que : « Non seulement Zinoviev et moi, mais une série de camarades trouvent que prendre l’initiative de l’insurrection armée au moment présent ».

    Toute la pression idéologique exercée par la bourgeoisie et, en particulier, par la petite-bourgeoisie avait percé une brèche au sommet du parti. « Les menchéviks et les SR ont cherché à lier les mains des bolchéviks en parlant de légalité soviétique, qu’ils désiraient transformer de manière indolore en légalité parlementaire bourgeoise. Et avec pareille tactique sympathisait la droite bolchévique ». Ces pressions de la part des autres classes étaient encouragées par le caractère conservateur que tout appareil acquiert au fil des années, y compris celui du parti le plus révolutionnaire.

    La prise du pouvoir

    L’insistance implacable dont a fait preuve Lénine pendant ces semaines cruciales n’était pas non plus le fruit du hasard. Il existait une véritable urgence qui, si on n’y répondait pas, allait connaitre une fin tragique. « La force d’un parti révolutionnaire ne s’accroît que jusqu’à un certain moment, après quoi elle peut décliner devant la passivité du parti, les espoirs des masses font place à la désillusion et, pendant ce temps, l’ennemi se remet de sa panique et tire parti de cette désillusion. ».

    La force de Lénine pour surmonter les hésitations et la peur de la défaite de nombre de ses compagnons, se basait sans doute sur la profondeur de sa théorie et sur son génie tactique, mais aussi, et il est important de le souligner, sur sa confiance dans la capacité révolutionnaire des masses démunies : « Qu’ils aient honte ceux qui disent : “Nous n’avons point d’appareil pour remplacer l’ancien, celui qui inévitablement tend à la défense de la bourgeoisie”. Car cet appareil existe. Ce sont les soviets. Ne craignez point l’initiative et la spontanéité des masses, faites confiance aux organisations révolutionnaires des masses – et vous verrez se manifester dans tous les domaines de la vie de l’État, la même puissance, la même grandeur, l’invincibilité des ouvriers et des paysans, qu’ils ont montrées dans leur union et leur élan contre le mouvement de Kornilov. ».

    Effectivement, il ne s’agissait pas seulement de la classe prolétaire : des dizaines de millions de paysans pauvres brulaient d’impatience et passaient à l’action en occupant les grandes propriétés terriennes et en expulsant leurs propriétaires. Il fallait que les bolchéviks s’unissent à cette gigantesque masse humaine assoiffée de terre et de liberté, en lui démontrant dans la pratique que leur parti avait le programme auquel elle aspirait. La prise du pouvoir par la classe prolétaire serait la manière la plus efficace de le réaliser, scellant l’alliance politique entre les opprimés de la ville et du village.

    Au début d’octobre, le gouvernement de Kérensky, dans une manœuvre désespérée, a annoncé vouloir envoyer au front les deux tiers de la garnison militaire de Pétrograd, en raison de sa sympathie pour le bolchévisme. Cependant, non seulement les troupes sont restées en ville, mais le conflit qui se dessinait entre le soviet de la capitale – aux mains des bolchéviks – et le gouvernement a permis la mise en place, le 7 octobre (20 octobre), du Comité militaire révolutionnaire, un organisme qui s’est dépêché de nommer des commissaires politiques dans toutes les unités et institutions militaires ; c’est-à-dire, un état-major révolutionnaire ou, comme Trotsky l’a qualifié, l’« organe soviétique légal de l’insurrection ».

    L’insurrection prévue dans un premier temps pour le 15 octobre (28 octobre) a été reportée de dix jours pour la faire coïncider avec l’ouverture du second Congrès des soviets. Dans tout ceci, il faut, une fois de plus, insister sur la véritable position politique de Lénine, implacable ennemi du « crétinisme parlementaire » : « Pour nous, ce qui importe, c’est l’initiative révolutionnaire, dont la loi doit être le résultat. Si vous attendez que la loi soit mise par écrit et si vous ne développez pas vous-mêmes une énergie révolutionnaire, vous n’aurez ni la loi, ni la terre. ». Trotsky se souvient qu’« en voulant faire coïncider la prise du pouvoir avec le 2e Congrès des soviets, nous n’avions nullement l’espoir naïf que ce congrès pouvait par lui-même résoudre la question du pouvoir. […] Nous menions activement le travail nécessaire dans le domaine de la politique, de l’organisation, de la technique militaire pour nous emparer du pouvoir. ».

    Tout était prêt, et le 25 octobre (7 novembre) a été lancée l’insurrection sous la direction du camarade Léon Trotsky et de ses collaborateurs du Comité militaire révolutionnaire : « …des dizaines et des dizaines de milliers d’ouvriers armés constituaient les cadres de l’insurrection. Les réserves étaient presque inépuisables. L’organisation de la Garde rouge restait, évidemment, fort loin de la perfection. Mais, complétée par les prolétaires les plus capables de sacrifice, la Garde rouge brulait du désir de mener cette fois la lutte jusqu’au bout. Et c’est ce qui décida de l’affaire. ». Aucune goutte de sang n’a été versée lors de l’insurrection à Pétrograd, contrairement à Moscou, où la naïveté de la direction révolutionnaire a facilité la mise en liberté de nombreux cadres militaires de l’ancien régime qui ont organisé des forces pour passer à la contrattaque.

    La révolution d’octobre a été tout le contraire d’un coup d’État, comme voudraient nous le présenter les historiens bourgeois et leurs portevoix au sein de la gauche réformiste. En réalité, ce qui a déterminé la victoire d’octobre 1917 a été le soutien immensément majoritaire des travailleurs et des paysans pauvres à l’appel des bolchéviks. Le deuxième Congrès des soviets, qui s’est tenu du 25 au 27 octobre 1917 (du 7 au 9 novembre), a approuvé la dissolution du gouvernement de transition et la création du Conseil des commissaires du peuple, tout en ratifiant les deux fameux décrets présentés par Lénine concernant le repartage des terres aux paysans pauvres et le retrait de la Russie de la Première Guerre mondiale.

    Le premier État prolétarien de l’histoire finissait ainsi de naitre. Comme l’a signalé Rosa Luxemburg depuis sa prison : « Les bolcheviks ont, de même, posé immédiatement comme but à cette prise du pouvoir le programme révolutionnaire le plus avancé : non pas défense de la démocratie bourgeoise, mais dictature du prolétariat en vue de la réalisation du socialisme. […] Lénine, Trotsky et leurs camarades ont démontré qu’ils avaient le courage, l’énergie, la perspicacité et l’intégrité révolutionnaire nécessaires pour diriger leur parti à l’heure historique de vérité ».

    (Sauf indication contraire, toutes les citations dans cet articles sont tirées des deux ouvrages suivants de Trotsky : Les leçons d’Octobre et L’histoire de la révolution russe)

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    Le fil rouge du week-end “Socialisme 2017” qui se tiendra à Bruxelles les 21 et 22 octobre sera le centenaire de la Révolution Russe. Divers ateliers spécifiques reviendront sur différents aspects de la révolution.

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  • [Socialisme 2017] La Révolution Russe – Le plus important événement de l’Histoire

    Aucune personne sérieuse ne niera qu’il est impossible de comprendre l’histoire contemporaine sans comprendre la place qu’a eu la Révolution Russe de même que les grands événements historiques auxquels elle a donné naissance. Mais cela va bien au-delà : la Révolution d’Octobre fut la première tentative consciente de construire une démocratie des travailleurs. Elle initia un véritable incendie révolutionnaire qui a parcouru le monde mais, hélas, la révolution est restée isolée dans le pays arriéré qu’était la Russie de l’époque, ce qui a ouvert la voie à la contre-révolution bureaucratique stalinienne.

    Octobre fut la démonstration éclatante qu’il était possible de briser les chaînes du capitalisme et du féodalisme. Qu’il était possible que les masses fassent irruption sur l’arène de l’histoire et prennent leur destin en main. Qu’il était possible de révolutionner non seulement l’économie, mais aussi l’art et même les relations humaines. Aujourd’hui encore, cet événement fait trembler les puissants.

    Dans ce 21e siècle où 8 personnes possèdent plus que la richesse de la moitié la plus pauvre de l’Humanité, dans ce monde où sévissent la guerre, la misère et les destructions écologiques, les leçons d’Octobre sont une source d’espoir autant qu’un guide pour l’action.

    La Révolution Russe sera le fil rouge du week-end Socialisme 2017 les 21 et 22 octobre prochains. Cet événement unique en son genre débutera par une séance d’ouverture qui abordera l’importance de la Révolution Russe dans l’histoire de l’humanité et aujourd’hui. Nous aurons l’occasion d’y entendre un militant marxiste de Moscou, Rob Jones,  mais aussi Anja Deschoemacker, porte-parole du PSL à Bruxelles, et enfin Emily Burns, animatrice nationale de la campagne ROSA (Résistance contre l’Oppression, le Sexisme et l’Austérité).

    Cette session ne sera toutefois encore qu’un léger avant-goût de ce week-end qui s’annonce inoubliable…

    Samedi 21 octobre (11h) : plénière d’ouverture. La Révolution Russe – Le plus important événement de l’Histoire, avec

    • Anja Deschoemacker (porte-parole du PSL à Bruxelles),
    • Emily Burns (animatrice nationale de la campagne ROSA)
    • Rob Jones (Alternative Socialiste, Moscou)

    Plus d’infos ? Programme complet ? Par ici !

  • Russie 1917. L’art révolutionné par les soviets

    Le cuirassé Potemkine

    En février 1917, la révolution russe a mis fin à la dictature tsariste. En octobre de la même année, sous la direction des bolcheviks, la révolution a abouti à la prise de pouvoir par les soviets et à la constitution du premier Etat ouvrier au monde. La société s’est retrouvée sens dessus dessous : les travailleurs disposaient du pouvoir grâce à la démocratie directe exercée dans les conseils de masse, les ‘‘soviets’’ en russe. Le temps était à la libération et à l’espoir.

    En dépit des difficultés – le pays était ruiné par la guerre mondiale, à laquelle a succédé une guerre civile combinée à l’intervention militaire des puissances capitalistes – ce qui a été réalisé donne le tournis. L’enseignement a été modernisé et ouvert à de larges couches de la population. Les enfants ont été encouragés à faire de la musique, du théâtre, à s’intéresser à la littérature et à l’art dans le cadre d’une approche universelle du développement humain. Des trains d’agitation ont traversé le pays pour aider à diffuser les objectifs de la révolution : prise de décision démocratique, réforme agraire, égalité femmes-hommes, droit à l’autodétermination des peuples, solidarité internationale, etc.
    La disparition de la censure du tsarisme et les espoirs liés à la construction d’une nouvelle société ont provoqué une éruption de créativité et de discussions. Grâce à la nationalisation des secteurs clés de l’économie et à la mise en place d’une économie planifiée, des ressources ont été libérées pour cela.

    C’est ainsi que l’artisan d’avant-garde Vera Ermolaeva a fondé, en 1918, le ‘‘Collectif Aujourd’hui’’ afin de publier des livres pour enfants. En 1922, il y avait plus de 300 maisons d’édition à Moscou et Petrograd. Ermolaeva a aidé Kazimir Malevitch à mettre sur pied le collectif d’artistes ‘‘Unovis’’ (les Champions du Nouvel Art) dirigé par les étudiants. Ces initiatives étaient liées à l’usine de porcelaine de Lomonosov et, de ce fait, l’art était immédiatement diffusé à grande échelle. Le Musée expérimental et interactif de la Culture Artistique était destiné à placer l’art sous le contrôle des artistes. Lioubov Popova a appliqué son art innovateur aux projets du créateur radical de théâtre Vsevolod Meyerhold. Son style était visuel, audacieux et énergique. Le public était impliqué dans les pièces mais pas de façon condescendante ou paternaliste. L’affiche emblématique du film révolutionnaire Le Cuirassé Potemkine de Sergei Eisenstein réalisée par Varvara Stepanova donne un aperçu de l’esprit de l’époque.

    L’approche générale était de relier l’art, l’architecture, la technique et la production. L’Union soviétique a créé l’art le plus moderne de la planète, en impliquant des milliers de travailleurs et de jeunes dans des activités créatives, dans la science et dans la technologie.

    L’isolement de la révolution à la seule Russie était cependant problématique pour le nouvel Etat ouvrier. Il fallait gagner la guerre civile et reconstruire l’économie, dans un pays arriéré et ravagé par les conflits armés. Les travailleurs n’avaient pas assez de temps et d’énergie pour s’adonner pleinement à la gestion de la société. Une caste bureaucratique – avec le soutien croissant des services de sécurité – a commencé à usurper le pouvoir.

    Léon Trotsky, de concert avec Lénine et de nombreux autres bolcheviks et ouvriers, se sont battus pour défendre la démocratie ouvrière et la révolution internationale. C’est ainsi qu’est née ‘‘l’Opposition de gauche’’ contre Staline, son ‘‘socialisme dans un seul pays’’ et la caste bureaucratique.

    L’élan révolutionnaire international s’est malheureusement provisoirement tari et, en Russie, la population était épuisée. Les partisans de Staline dans la bureaucratie ont utilisé cette période pour marginaliser ‘‘l’Opposition de Gauche’’, jusqu’à la répression physique. La liberté d’expression subit un assaut généralisé. En 1926, le Musée de la Culture Artistique a été fermé. Malevitch a été arrêté en 1930. En 1934, le régime stalinien a déclaré que le ‘‘réalisme socialiste’’ était le seul style artistique admis en plus de la ‘‘littérature prolétarienne’’. Ermolaeva a été arrêtée en 1934 et exécutée en 1937. Le théâtre de Meyerhold a été fermé en 1938 et le producteur de théâtre lui-même a ensuite été arrêté et exécuté. Les artistes et les écrivains ont reçu l’ordre de glorifier le régime et Staline tout particulièrement. Comme Trotsky l’a résumé ce fut ‘‘une sorte de camp de concentration pour l’art’’.

    Trotsky a laissé un héritage important concernant la prise du pouvoir par la classe ouvrière au moyen d’un programme démocratique, socialiste et internationaliste. Mais son analyse de l’art et de sa relation avec la révolution et la société est également une forte contribution au marxisme.

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    Lors du week-end “Socialisme 2017” qui se tiendra à Bruxelles les 21 et 22 octobre, un parcours spécifique comportant différents ateliers sera consacré à la relation entre l’art et la révolution.

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  • Lénine: le dictateur originel ?

    Lénine et Trotsky

    En pleine exaltation suite à la prise de Bagdad par les troupes américaines le 10 avril 2004, le secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfeld, a proclamé que ‘‘Saddam Hussein rejoint désormais Hitler, Staline, Lénine, Ceausescu dans le panthéon des dictateurs brutaux qui ont été mit en échec’’. Près d’un siècle après la mort de Lénine, les classes dirigeantes le lient toujours aux dictateurs les plus horribles du 20e sicèle. Per-Åke Westerlund (section suédoise du Comité pour une Internationale Ouvrière) examine les raisons qui se cachent derrière ces décennies de calomnie.

    Vladimir Lénine, le principal dirigeant de la révolution russe, a judicieusement observé à la mi-1917 : «Du vivant des grands révolutionnaires, les classes d’oppresseurs les récompensent par d’incessantes persécutions ; elles accueillent leur doctrine par la fureur la plus sauvage, par la haine la plus farouche, par les campagnes les plus forcenées de mensonges et de calomnies. Après leur mort, on essaie d’en faire des icônes inoffensives, de les canoniser pour ainsi dire, d’entourer leur nom d’une certaine auréole afin de “consoler” les classes opprimées et de les mystifier ; ce faisant, on vide leur doctrine révolutionnaire de son contenu, on l’avilit et on en émousse le tranchant révolutionnaire». (L’Etat et la révolution)

    Lénine est décédé le 21 janvier 1924, étant alors gravement malade et s’étant éloigné du travail politique depuis la fin de 1922. Cependant, depuis sa mort, les classes dirigeantes n’ont jamais essayé de le canoniser. Leur crainte de la révolution russe, «dix jours qui ébranlèrent le monde», les a amené à continuer avec «la plus sauvage malice, la haine la plus furieuse et les campagnes de mensonges et de calomnies les plus scrupuleuses». Jamais avant ou après, les capitalistes n’étaient plus près de perdre leurs profits et leur pouvoir à l’échelle mondiale que pendant la période 1917-20.

    Les campagnes anti-léninistes sont utilisées pour effrayer les travailleurs et les jeunes des idées et des luttes révolutionnaires. Pour les socialistes d’aujourd’hui, il faut répondre aux mensonges et aux calomnies dirigées contre Lénine et la révolution russe.

    L’image d’une ligne ininterrompue passant par Lénine, Staline, et continuant vers Leonid Brezhnev et Mikhaïl Gorbatchev, est peut-être la plus grande falsification de l’Histoire. Des publications comme ‘Le livre noir du communisme: Crimes, terreur, répression – par Stéphane Courtois, Nicolas Werth, Jean-Louis Panne, Andrzej Paczkowski, Karel Bartosek, Jean-Louis Margolin (Robert Laffont, 1997) – ne dit rien sur la politique des bolcheviks dirigés par Lénine ou des décisions prises immédiatement après la révolution d’octobre 1917. Ils cachent les énormes luttes des années 1920, initiées par Lénine lui-même, pour empêcher la montée du stalinisme. Ils ne peuvent pas expliquer la guerre civile unilatérale de Staline menée dans les années 1930 contre quiconque était lié à Lénine.

    A l’opposé, l’historien EH Carr fait la distinction entre Lénine et Staline. Il décrit comment le régime de Lénine encourageait la classe ouvrière à participer activement aux affaires du parti et de la nation. Cette position sur la démocratie et les droits des travailleurs était complètement opposée à la dictature établie par Staline. Ce sont les conseils ouvriers, les soviets, qui ont pris le pouvoir en octobre 1917, et ce sont leurs délégués élus et révocables qui formèrent le gouvernement. Les droits des travailleurs, y compris le droit de grève, ont été consacrés. La mise en place de comités d’usine et de négociation collective a été encouragée. Les bolcheviks n’étaient pas favorables à l’interdiction des autres partis, pas même des partis bourgeois, tant que ceux-ci ne rentraient pas en lutte armée. Au début, la seule organisation interdite était les Cent-Noirs, parti proto-fasciste spécialisé dans les attaques physiques contre les révolutionnaires et dans les pogroms contre les juifs.

    La contre-révolution stalinienne

    Le gouvernement bolchevik s’est avéré être le plus progressiste de l’histoire dès ses premières mesures. Il s’agissait de nouvelles lois sur les droits des femmes, le droit au divorce et à l’avortement. L’antisémitisme et le racisme étaient interdits par la loi. Les nations opprimées avaient le droit de décider de leur sort. C’était le premier état qui tentait de créer un nouvel ordre socialiste, en dépit de terribles conditions matérielles.

    L ‘Union soviétique de Lénine et son programme politique ont été brisés par le stalinisme. L’arrivée au pouvoir de la bureaucratie stalinienne signifiait une contre-révolution dans tous les domaines, à l’exception de l’économie nationalisée. Les droits pour les travailleurs, les femmes et les nations opprimées étaient tous placés sous le talon de fer. Au lieu de «disparaître», ce qui était le point de vue de Lénine pour l’appareil de l’État ouvrier, il devînt une machine militaire et policière oppressante aux proportions gigantesques. Le stalinisme était une dictature nationaliste, un organisme parasite vivant sur le corps de l’économie planifiée.

    Ce n’était pourtant pas un développement inévitable de la révolution ouvrière. Le stalinisme est né dans des circonstances concrètes: l’isolement de la révolution – en particulier la défaite de la révolution allemande de 1918 à 23 – et l’arriération économique de la Russie. Le stalinisme, cependant, ne pouvait pas prendre le pouvoir sans résistance, sans une contre-révolution politique sanglante. Les purges de Staline et les chasses aux sorcières en 1936-1938 n’étaient pas des actions aveugles, mais la réponse de la bureaucratie à une opposition croissante à son règne. Le principal accusé dans ces démonstrations de pouvoir était l’allié de Lénine à partir de 1917, Léon Trotsky et ses partisans, emprisonnés et exécutés par milliers. Trotsky – qui a défendu et développé le programme de Lénine et des bolcheviks – a été expulsé de l’Union soviétique en 1929 et assassiné sur ordre de Staline à Mexico en 1940. Trotsky est devenu l’ennemi principal du régime de Staline parce qu’il avait dirigé la révolution en 1917 aux côtés de Lénine (alors que Staline avait hésité et était resté en marge). Il a analysé et exposé en détail le régime de terreur de Staline et il avait un programme pour renverser le stalinisme et pour restaurer la démocratie ouvrière.

    Les politiciens bourgeois et les sociaux-démocrates d’Europe de l’ouest ont également attaqué Trotsky en tant que leader marxiste révolutionnaire. Ils ont compris que ses idées n’étaient pas seulement une menace pour Staline, mais aussi pour le pouvoir des capitalistes. Pendant les Procès de Moscou en 1936, le gouvernement norvégien n’a pas permis à Trotsky, qui était alors en Norvège, de se défendre publiquement. Lorsque Staline, en 1943, a clôturé l’Internationale communiste (créée en 1918 pour relier des groupes révolutionnaires à travers le monde), afin de parvenir à une alliance avec les États-Unis et la Grande-Bretagne, le New York Times a déclaré que Staline avait finalement renoncé à l’idée de Trotsky d’en arriver à une révolution mondiale.

    L’ancien chef d’espionnage de Staline, Leopold Trepper, a écrit plus tard: “Mais qui a protesté à cette époque? Qui s’est levé pour exprimer son indignation? Les trotskistes peuvent revendiquer cet honneur. À l’instar de leur chef, qui a été récompensé pour son entêtement d’un coup de pic à glace, ils ont combattu le stalinisme jusqu’à la mort et ils ont été les seuls à faire … Aujourd’hui, les Trotskistes ont le droit d’accuser ceux qui hurlaient autrefois avec les loups “. (The Great Game, 1977) Nous pouvons comparer son commentaire avec celui de Winston Churchill, qui, dans les années 1950, a qualifié Staline de «grand homme d’Etat russe».

    Avant la contre-révolution politique du stalinisme, la direction de Lénine et Trotsky ne s’orientait pas selon leurs propres intérêts personnels. Leurs principes guidaient leurs actions, surtout pour faire avancer la lutte des travailleurs à l’échelle mondiale. Ils admettaient quand ils avaient dû se retirer ou se compromettre.

    Le stalinisme, d’autre part, a utilisé les conditions des années de guerre civile et de famine massive pour construire un système politique entièrement nouveau. La société stalinienne a été décrite comme un idéal parfait, un monde de rêve. La dictature a été introduite, non seulement en Union soviétique, mais dans tous les partis «communistes» à l’échelle internationale. Cela a continué même lorsque l’économie des pays staliniens étaient à son apogée dans les années 1950 et 1960. Les débats et les traditions vivantes du parti bolchevik ont été arrêtées dès les années 1920 et 1930.

    C’est seulement dans les discours que le stalinisme était connecté à la révolution, à Marx et à Lénine. Il les a transformés en icônes religieuses parce que cela contribuait à renforcer le régime. La bureaucratie voulait prendre le crédit de la révolution. Le résultat final, cependant, était de discréditer les concepts mêmes du marxisme et du «léninisme» dans l’esprit des travailleurs et des opprimés à l’échelle mondiale. Le «léninisme» est devenu le slogan d’une dictature parasitaire.

    Cette falsification stalinienne des idées de Lénine et du marxisme a été acceptée sans contestation par les sociaux-démocrates et les classes dirigeantes à l’international. Ils avaient tout intérêt à cacher les vraies idées de Lénine. Trotsky et ses partisans ont défendu l’héritage politique de Lénine et se sont opposés au culte de la personnalité que Staline a construit. Contrairement aux critiques superficielles des politiciens occidentaux, Trotsky avait un programme scientifique et de classe contre le stalinisme. Trotsky, par exemple, a mis en garde contre la collectivisation forcée de Staline en 1929-1933 (alors que certains propagandistes anti-léniniste affirment que c’était Lénine qui a forcé la collectivisation).

    Dans le livre, La Révolution trahie, écrit en 1936, Trotsky explique en détail comment les politiques de Staline sont opposées à celles de Lénine: sur la culture, la famille, l’agriculture, l’industrie, les droits démocratiques et nationaux, etc. Sur tous les problèmes internationaux, le stalinisme a cassé avec le programme et les méthodes de Lénine, tout particulièrement sur la nécessité de l’indépendance de la classe ouvrière dans la révolution chinoise de 1925-27, la lutte contre le fascisme en Allemagne, la révolution espagnole dans les années 1930 et dans toutes les autres luttes décisives. Les commentateurs anti-léniniste d’aujourd’hui, en soulignant que la lutte révolutionnaire est « irréaliste », se retrouve dans le camp de Staline contre Lénine et Trotsky.

    1917: Qu’en est-il sorti?

    La révolution de février 1917 a renversé le régime dictatorial du tsar. Pourtant, le gouvernement provisoire qui a remplacé le tsar continua les politiques qui avaient conduit à la révolution. Les horreurs de la première guerre mondiale se sont poursuivies, la question foncière est restée sans solution, l’oppression nationale a été intensifiée, la faim dans les villes a empiré, il n’y avait pas d’élections et une répression massive était dirigée contre les travailleurs et les paysans pauvres. Ces développements, à peine mentionnés par les historiens bourgeois, ont jeté les bases du soutien de masse aux bolcheviks et à la révolution d’octobre.

    La droite s’appuie sur de simples slogans et sur des livres comme Le livre noir du communisme dans une tentative de calomnier les bolchéviks. Nicolas Werth, auteur du chapitre sur les bolcheviks, esquive la question des politiques menées durant l’automne de 1917. Il passe brièvement les décrets sur la paix et les terres convenus lors du deuxième congrès soviétique, réunion qui a élu le nouveau gouvernement dirigé par Lénine .

    C’est à cette occasion qu’ont été adoptées les politiques demandées par les pauvres depuis février et qu’ils ont déjà commencé à mettre en œuvre une redistribution drastique des terres. Ce sont les bolcheviks qui ont effectivement mis en œuvre le slogan des Socialistes Révolutionnaires dans l’intérêt des 100 millions de paysans et sans terre. Les SR avaient un large soutien parmi les paysans, mais se divisaient selon les lignes de classe en 1917. Son aile de gauche a rejoint le gouvernement soviétique – avant d’essayer de le renverser en 1918. Trente mille riches propriétaires, haïs par toutes les couches de la paysannerie, ont perdu leurs terres sans compensation.

    Le décret du gouvernement bolchevik sur la paix était une décision historique, espérée par des millions de soldats et leurs familles depuis plus de trois ans. Cet effet de la révolution russe et de la révolution allemande un an plus tard, en mettant fin à la première guerre mondiale (en novembre 1918), est complètement enterrée par les campagnes de calomnies contre Lénine et la révolution.

    Werth, dans Le livre noir, écrit que les bolcheviks “semblaient” appeler les peuples non russes à se libérer. En fait, le gouvernement a déclaré toutes les personnes égales et souveraines, a préconisé le droit à l’autodétermination pour tous les peuples, y compris le droit de former leurs propres États et l’abolition de tous les privilèges nationaux et religieux.

    Les décisions d’abolir la peine de mort dans l’armée et d’interdire le racisme, qui montrent les intentions réelles du régime ouvrier, ne sont mentionnées nulle part dans Le livre noir. Il en va de même pour la Russie soviétique qui est le premier pays à légaliser le droit à l’avortement et au divorce. Entièrement nouveau, c’était le droit pour les organisations de travailleurs et les gens ordinaires d’utiliser des imprimeries, rendant à la liberté de la presse plus que des mots vides. Le fait que les critiques puissent être soulevées dans les rues est vérifié par de nombreux rapports de témoins. Les mencheviks réformistes et les anarchistes opéraient en toute liberté et pouvaient, par exemple, organiser des manifestations de masse aux funérailles de Georgi Plekhanov et du Prince Kropotkine (respectivement en 1918 et 1921).

    Au troisième congrès soviétique, le premier après octobre 1917, la majorité bolchevik a augmenté. Le nouveau comité exécutif élu lors de ce congrès comprenait 160 bolcheviks et 125 sociaux révolutionnaires de gauche. Mais il y avait aussi des représentants de six autres partis, dont deux leaders mencheviks. La démocratie soviétique s’étendait dans toutes les régions et tous les villages, où les travailleurs et les paysans pauvres établissaient de nouveaux organes du pouvoir, des soviets locaux qui renversaient les anciens dirigeants. La loi soviétique signifiait que certains groupes privilégiés plus petits dans la société n’avaient pas le droit de vote : ceux qui embauchaient d’autres personnes à but lucratif ou vivaient sur le travail d’autres, des moines et des prêtres, et des criminels. Cela peut être comparé à la plupart des pays européens où, à cette époque, la majorité des travailleurs et des femmes manquaient de droits syndicaux, ainsi que du droit de vote.

    Lénine a expliqué l’importance historique de la révolution : “Le premier au monde (rigoureusement parlant le deuxième, puisque la Commune de Paris avait commencé la même chose), le pouvoir des Soviets appelle au gouvernement les masses, notamment les masses exploitées. Mille barrières s’opposent à la participation des masses travailleuses au parlement bourgeois (lequel, dans une démocratie bourgeoise, ne résout jamais les questions majeures; celles- ci sont tranchées par la Bourse par les banques). Et les ouvriers savent et sentent, voient et saisissent à merveille que le parlement bourgeois est pour eux un organisme étranger, un instrument d’oppression des prolétaires par la bourgeoisie, l’organisme d’une classe hostile, d’une minorité d’exploiteurs ».

    Dans le même temps, Lénine avait toujours une perspective internationaliste. Il a même mis en garde contre l’utilisation de l’expérience russe comme modèle à suivre partout : « La démocratie prolétarienne, dont le gouvernement soviétique est l’une de ses formes, a apporté un développement et une expansion de la démocratie sans précédent dans le monde, pour la grande majorité de la population, pour les personnes exploitées et travailleuses ». « Que les exploiteurs soient privés du droit de vote, c’est, notons-le, une question essentiellement russe, et non celle de la dictature du prolétariat en général » (La révolution prolétarienne et le Renégat Kautsky, 1918).

    Lénine a noté qu’une victoire pour la classe ouvrière « dans au moins un des pays avancés » changerait le rôle de la révolution russe : « La Russie cessera d’être le modèle et deviendra une fois de plus un pays arriéré » (Le gauchisme : la maladie infantile du communisme, 1920).

    Une « Croisade » anti-soviet

    À Pétrograd, les représentants des travailleurs ont pris le pouvoir en octobre, presque sans effusion de sang. En tout cas, les bolcheviks étaient trop indulgents avec leurs ennemis. A Moscou, les généraux qui ont tenté d’arrêter les travailleurs armés n’étaient pas emprisonnés s’ils promettaient de ne pas récidiver !

    D’autre part, les ennemis de la révolution russe agissaient selon la devise : contre les bolcheviks toutes les méthodes sont permises, a noté Victor Serge dans son livre, L’An 1 de la Révolution Russe (1930). D’abord, ils espéraient que l’armée écraserait le nouveau gouvernement directement après octobre. Lorsque cela a échoué, ils ont provoqué des soulèvements et des sabotages, tout en réarmant une armée «blanche» contre-révolutionnaire.

    Les nationalités opprimées- les pays baltes, la Finlande, l’Ukraine, etc. – avaient été dominées par le gouvernement provisoire mis en place en février 1917. Compte tenu de la possibilité d’une autodétermination nationale après octobre, la bourgeoisie nationale s’est distinguée et non par le souhait pour l’indépendance, mais en invitant les troupes impérialistes à attaquer le gouvernement révolutionnaire. En Ukraine, l’armée allemande a exprimé sa gratitude en interdisant la « rada » (parlement) qui l’avait invitée. Les droits nationaux n’étaient pas garantis en Ukraine jusqu’à ce que le pouvoir soviétique sous les bolcheviks ait prévalu.

    L’auteur suédois anti-Léniniste, Staffan Skott, prouve sans conteste l’effet libérateur de la révolution, et comment cela a été écrasé plus tard par Staline: « Sous le tsar, les langues ukrainienne et biélorusse n’étaient pas autorisées. Après la révolution, la culture indépendante dans les deux pays s’est développée rapidement, avec la littérature, le théâtre, les journaux et l’art. Staline, cependant, ne voulait pas que l’indépendance n’aille trop loin et devienne une véritable indépendance. Après les années 1930, il n’y avait pas beaucoup de littérature ukrainienne et biélorusse – presque tous les auteurs avaient été abattus ou envoyés dans des camps de prisonniers pour mourir ».

    Après octobre, « les gens de l’aile gauche des socialistes révolutionnaires » ont été les seuls à coopérer avec les bolcheviks, écrit Werth dans le Livre noir du communisme, pour créer une impression d’isolement bolchevik. Mais il doit admettre qu’à la fin de 1917, il n’y avait pas d’opposition sérieuse capable de contester le gouvernement. La faiblesse de la violence contre-révolutionnaire, à ce stade, donne également une image fidèle des intentions des bolcheviks. Si l’objectif de Lénine était de commencer une guerre civile – ce que le Livre noir et d’autres prétendent – pourquoi la guerre civile n’a-t-elle pas commencée avant la seconde moitié de 1918 ?

    Au premier semestre de 1918, un total de 22 individus ont été exécutés par les « Rouges » – moins que dans le Texas sous le gouverneur George W. Bush. La politique pacifique dominait encore. Il y avait des débats animés dans les soviets entre les bolcheviks et les autres courants politiques.

    Cependant, la caste d’officier et la bourgeoisie en Russie et internationalement étaient déterminées à agir militairement. La guerre civile en Finlande au printemps 1918, où les blancs ont gagné au prix de 30 000 travailleurs et de paysans pauvres tués, était une répétition générale de ce qui se passerait en Russie. Dans le but d’envahir et de vaincre la révolution russe, une nouvelle alliance a rapidement été formée par les deux blocs impérialistes qui étaient en guerre les uns avec les autres pendant trois ans (15 millions sont morts dans la première guerre mondiale). La propagande de guerre britannique contre l’Allemagne a totalement ignoré l’invasion allemande de la Russie au printemps de 1918.

    C’est Churchill qui, en 1919, a inventé l’expression « la croisade antisoviétique des 14 nations ». À cette époque, le gouvernement soviétique était entouré par les généraux blancs, Pyotr Krasnov et Anton Dénikine, au Sud, l’armée allemande à l’Ouest et les forces tchèques à l’Est.

    La majeure partie de l’invasion a eu lieu en 1918. Des troupes britanniques sont arrivées au port de Murmansk, au nord-ouest de la Russie, en juin. Deux mois plus tard, les forces britanniques et françaises ont pris le contrôle d’Arkhangelsk, les États-Unis s’y sont joins plus tard. Les États-Unis, avec 8 000 soldats et le Japon avec 72 000, ont envahi Vladivostok dans l’Extrême-Orient en août. Les forces allemandes et turques ont occupé la Géorgie, plus tard sous contrôle britannique. La Géorgie est devenue la base de l’armée du général Denikin. Entre autres, la Roumanie était une légion d’anciens prisonniers de la République tchèque, de Pologne, de Hongrie, de Bulgarie et des pays baltes.

    Le 30 août 1918, le chef bolchevik, Moisei Uritsky, a été assassiné, et Lénine a été gravement blessé lors d’un attentat. Deux mois plus tôt, l’aile droite des socialistes révolutionnaires avait tué un autre bolchevik, V. Volodarsky, commissaire de presse pour le soviet de Pétrograd. La souplesse croissante des partis d’opposition fut de nouveau prouvée à Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan. Les bolcheviks ont perdu leur majorité dans le soviet de Bakou, où les mencheviks et les socialistes révolutionnaires ont accueilli les troupes britanniques pour « établir la démocratie ». Contrairement à la mythologie, les dirigeants bolcheviks ont démissionné pacifiquement, mais ont ensuite été arrêtés et exécutés sur l’ordre du général britannique W Thompson. Les réalités de la guerre civile ont triomphé de la préparation des bolcheviks pour offrir aux autres partis la possibilité de gagner une majorité dans la classe ouvrière.

    La « terreur rouge » proclamée par les bolcheviks en septembre 1918 n’avait rien de commun avec ce que l’on appelle aujourd’hui le terrorisme. La « terreur rouge » était publique, convenue par le pouvoir soviétique et dirigée contre ceux qui avaient déclaré la guerre contre le gouvernement et les soviets. C’était en défense de la révolution et de la libération des opprimés, contre l’exploitation impérialiste des colonies et des esclaves.

    Les exemples de la Finlande et de Bakou ont montré jusqu’à quel point la « terreur blanche », les généraux contre-révolutionnaires, étaient prêts à aller. Même Werth dans Le Livre Noir est obligé de se référer à l’ambiance dans le camp blanc : « En bas avec les Juifs et les commissaires », était l’un des slogans utilisés contre Lénine et Grigori Zinoviev, un bolchevik proéminent (finalement inculpé dans l’un des procès spectacle de Staline et exécuté en 1936). La brutalité de la guerre civile en Ukraine ne peut s’expliquer que par l’antisémitisme de la contre-révolution. Les soldats blancs se battaient sous des slogans tels que « l’Ukraine aux Ukrainiens, sans bolcheviks ou juifs », « Mort à l’écume juive ».

    L’Armée rouge a écrasé les soulèvements cosaques qui étaient liés aux forces de l’amiral Alexandre Kolchak. Le livre noir prétend que les cosaques étaient particulièrement persécutés, mais leurs intentions étaient claires et sans compromis : « Nous les cosaques … sommes contre les communistes, les communes (l’agriculture collective) et les juifs ». Werth estime que 150.000 personnes ont été tuées dans les pogroms antisémites conduits par les troupes de Dénikine en 1919.

    Une autre alternative?

    En Russie en 1917 et les années suivantes, il n’y avait aucune possibilité d’une « troisième voie » entre le pouvoir soviétique et une dictature réactionnaire de la police militaire. Les menchéviks et les socialistes révolutionnaires, en particulier, ont quand même essayé de le tester. Déjà pendant la première guerre mondiale, les principales parties de la direction menchevique avaient capitulé et ont rejoint le camp chauviniste ou patriotique, soutenant la Russie tsariste dans la guerre impérialiste. Lorsque les soviets ont dissous l’Assemblée constituante en janvier 1918, les deux parties ont entamé des négociations avec des représentants français et britanniques. En coopération avec le Parti des Cadets bourgeois (Démocrates constitutionnels), ils ont créé une nouvelle assemblée constituante à Samara, en Russie du Sud-Ouest, en juin 1918, sous la protection de la République tchèque. Cette assemblée a dissous les soviets dans la région. Des massacres ont été menés contre les bolcheviks. Même les journaux de l’assemblée elle-même se référaient à « une épidémie de lynchages ».

    L’argument final de la campagne anti-Léniniste et antirévolutionnaire est que le « communisme » a tué plus de 85 millions de personnes – l’anticommuniste, RJ Rummel, dit 110 millions. Mais même un examen des chiffres donnés dans Le Livre Noir contrecarre la revendication que le stalinisme et le régime de Lénine étaient une seule et même chose. Stéphane Courtois affirme que 20 millions de victimes du communisme ont été tuées en Union soviétique. Pour la période 1918-23, cependant, le nombre de victimes serait « des centaines de milliers ». Ce chiffre de la guerre civile peut être comparé, par exemple, aux 600 000 morts par les bombardements américains du Cambodge dans les années 1970, ou les deux millions de tués à la suite du coup d’Etat militaire en Indonésie dans les années 1960. Le Livre noir place la responsabilité de toutes les victimes de la guerre civile en Russie, y compris les 150 000 assassinés dans les pogroms organisés par l’armée blanche, sur Lénine et les bolcheviks. Selon Serge, 6 000 ont été exécutés par les autorités soviétiques dans la deuxième moitié de 1918, alors que la guerre civile faisait rage, moins que le nombre de morts en une seule journée à la bataille de Verdun lors de la première guerre mondiale.

    Dans leur « comptage des morts », les universitaires anti-léninistes finissent par enregistrer que la plupart des décès « causés par le communisme » énumérés dans Le Livre Noir ont pris place sous Staline ou des régimes staliniens subséquents. Cela, cependant, ne change pas la position de Courtois ou d’autres anti-communistes. Ils ne mettent pas en garde contre le stalinisme, mais contre « le désir de changer le monde au nom d’un idéal ».

    L’Armée rouge l’a emporté durant la guerre civile en raison du soutien massif de la révolution socialiste, tant en Russie qu’à l’étranger. C’était la menace de la révolution à la maison qui obligeait les puissances impérialistes à se retirer de la Russie. Dans les six mois suivant le lancement de l’Internationale communiste en 1918, un million de membres s’y sont joints. La moitié d’entre eux vivaient dans des pays et des régions précédemment régis par le tsar russe. Les nouveaux partis communistes à l’échelle internationale n’ont cependant pas l’expérience des bolcheviks, qui ont construit le parti au cours de deux décennies de luttes, la révolution en 1905, le soutien massif des bolcheviks en 1913-14, etc. Les défaites des révolutions dans le reste de l’Europe – surtout en Allemagne – ont jeté les bases du stalinisme. Il est maintenant temps pour une nouvelle génération de socialistes d’apprendre les vraies leçons de Lénine et des Bolcheviks, en prévision des événements imminents.

  • Podcast: “Russian Revolution’s relevance today”

    Ce podcast (en anglais) a été produit par Socialist Alternative (USA) et est une excellente introduction à la Révolution Russe de 1917 et à la pertinence des leçons à en tirer pour les combats d’aujourd’hui.

  • Barcelone. Plus de 600 personnes au meeting du CIO consacré à la révolution russe!

    Le 19 juillet dernier, le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) et Izquierda Revolucionaria avaient organisé ensemble un meeting en défense de la révolution d’octobre 1917. Ce rassemblement international fut un succès massif. Plus de 600 travailleurs, jeunes et militants de nos organisations et de l’ensemble de la gauche ont envahi la salle principale des Cocheras de Sants. L’atmosphère était électrique pour entendre cette défense d’Octobre et du marxisme internationaliste révolutionnaire.

    Les camarades qui ont pu prendre la parole étaient, par ordre d’intervention : Ana Garcia, secrétaire générale du Sindicato de Estudiantes, Paul Murphy, député marxiste Irlandais, qui vient de remporter une victoire historique contre l’establishment qui a tout fait pour l’emprisonner lui et d’autres activistes pour avoir lutté avec succès contre l’implantation d’une taxe sur l’eau (JobstownNotGuilty); Juan Ignacio Ramos, secrétaire général d’Izquierda Revolucionaria; Peter Taaffe, fondateur du Militant et secrétaire général du Socialist Party (Section sœur du PSL en Angleterre et au pays de Galles) et enfin Kshama Sawant, élue marxiste au conseil de la ville de Seattle aux Etats-Unis, l’une des figure les plus importantes de la gauche américaine.

    Il est difficile de décrire l’impact des intervenants qui, pendant 2 heures, ont couvert de nombreux sujets de la révolution d’Octobre à la lutte des classes aujourd’hui. Tous les orateurs ont insisté sur l’héritage extraordinaire du bolchevisme, les idées de Lénine et Trotsky et l’exemple de dizaines de milliers de combattants anonymes, de si importantes leçons pour ceux qui se battent actuellement pour un monde socialiste.

    La bannière de la révolution d’Octobre est selon nous un guide pour l’action. Lorsque les travailleurs et les jeunes de Russie ont pris le pouvoir, ont exproprié les capitalistes, ont donné les terres aux paysans, des droits aux femmes et défendu l’autodétermination des nations opprimées, ils ont montré dans leurs actes et non seulement en paroles qu’il est vraiment possible de changer la réalité et d’abattre le capitalisme.

    La victoire d’Octobre a ébranlé le monde, a inspiré les travailleurs et la jeunesse et a donné espoir à l’humanité. L’idée du socialisme avait quitté le domaine de la théorie pour devenir une tâche pratique. Cette révolution fut la plus démocratique, la plus participative et la plus généreuse de l’histoire.

    Les orateurs ont également abordé l’effondrement de l’URSS et des régimes staliniens en Europe de l’Est qui ont cédé place à une vicieuse contre-révolution capitaliste. La bureaucratie, qui avait depuis longtemps abandonné l’internationalisme prolétarien pour la théorie anti-marxiste du “socialisme dans un seul pays”, a détruit la démocratie ouvrière pour établir un état autoritaire. Cette bureaucratie avait écrasé et emprisonné les véritables Bolsheviks et trahi la révolution. Lors de la chute du mur de Berlin, elle s’est transformée en une nouvelle classe capitaliste.

    À cette époque, la bourgeoisie internationale a crié victoire et les dirigeants des organisations traditionnelles de gauche – les anciens partis communistes, la social-démocratie, ainsi que les syndicats – se sont fortement orientés vers la droite et ont accepté le dogme du néolibéralisme. Mais au milieu de la tempête de la réaction et de l’abandon de la lutte, les marxistes ont résisté. Nous savions que le triomphe apparent du capitalisme serait temporaire et qu’une nouvelle crise dissiperait toutes les illusions.

    Tous les orateurs ont souligné comment, depuis dix ans, le capitalisme mondial connaît sa pire récession depuis 1929. L’équilibre interne du système a été rompu. Un chômage de masse de masse se développe, de même que les inégalités, les guerres aux milliers de morts et de réfugiés, ou encore la catastrophe écologique qui se propage comme une peste.

    La base matérielle de la société détermine la conscience, comme l’a dit Marx. La crise a accéléré tous les processus de la lutte des classes et a entraîné une reprise de la lutte sans précédent au cours des 40 dernières années. La conscience de millions de travailleurs et surtout de jeunes a avancé, de même que la polarisation sociale. Le capitalisme a été jeté dans une période d’incertitude et de pessimisme.

    Mais l’expérience de ces années a également montré que si nous voulons un vrai changement, la rhétorique et les discours ne suffisent pas. L’exemple de la Grèce est frappant. Jusqu’à un certains point, Syriza et Tsipras ont soutenu les travailleurs. Mais il manquait à Tsipras une politique révolutionnaire. Il a accepté la logique du système capitaliste et a honteusement capitulé face à la Troïka et a poursuivi la politique d’austérité.

    La lutte de classe, avec ses montées et ses chutes spectaculaires, et l’exemple de la manière dont on construit les forces du marxisme, montrent qu’il faut non seulement intervenir énergiquement dans le mouvement mais aussi défendre une politique socialiste conséquente. C’est ce qu’a expliqué Kshama Sawant, à propos du travail des marxistes dans le conseil de Seattle. Kshama a été l’une des dirigeantes de la campagne pour les 15 dollars de l’heure comme salaire minimum qui a été acquis à Seattle. Elle est aussi l’une des figures proéminentes des grandes mobilisations contre les politiques réactionnaires de Trump. Elle a expliqué comment utiliser une position élue afin de relever le niveau d’organisation et de conscience. Il en va de même pour Paul Murphy dans la lutte contre la taxe sur l’eau qui a provoqué une réaction brutale de l’Etat. La façon dont la section irlandaise du Comité pour une Internationale Ouvrière a mené campagne contre la criminalisation de la protestation a réussi à vaincre ces attaques et à obtenir l’acquittement de tous les accusés dans le procès des activistes de Jobstown (en savoir plus). Ce grand triomphe illustre comment les méthodes bolcheviques peuvent faire face à la réaction avec succès.

    Peter Taaffe a donné une excellente explication des idées principale du bolchévisme, soulignant l’importance de l’existence d’un parti révolutionnaire pour transformer complètement une situation. C’est la tâche centrale de notre époque : construire des partis révolutionnaires partout dans le monde, à travers une intervention patiente dans la lutte de classe et dans les nouveaux phénomènes politiques qui se développent suite à la crise du système et de la social-démocratie. La position du Socialist Party (CIO en Angleterre et au Pays de Galles) appelant à un gouvernement Corbyn sur base d’un programme socialiste contre les coupes d’austérité est un chemin concret pour avancer en dialoguant avec les aspirations de millions de travailleurs et de jeunes qui veulent faire tomber les Tories et transformer la société.

    Ana Garcia a mis l’accent sur le rôle clé de la jeunesse dans tous les événements qui ont pris place en Espagne dernièrement. Les enfants de la crise comprennent très bien que ce système n’a rien à leur offrir. Ils ont été la colonne vertébrale de la rébellion sociale qui a mis à mal le PP. Le syndicat des étudiants a joué un role dirigeant dans cette bataille, défendant un programme révolutionnaire et anti-capitaliste, se basant sur la puissance de la jeunesse.

    Ana a expliqué comment 25 grèves générales ont été organisées dans les écoles et universités qui ont vidé les classe et rempli les rues contre ce gouvernement héritier du franquisme. Des millions de jeunes veulent un changement profond et radical, mais ce changement ne peut être atteint en respectant la logique du capitalisme. C’est impossible. Nous voulons une éducation gratuite publique, mais nous voulons aussi de la santé, du travail et un logement décent. Nous voulons mettre fin à toute l’oppression de classe, de genre et nationale et construire un autre monde. Et nous savons que cela n’est possible qu’avec une lutte pour le socialisme. C’est pourquoi le Sindicato de Estudiantes défend les idées du marxisme et du bolchevisme.

    La défense du droit à l’autodétermination en Catalogne a été présente tout au long du meeting, à partir des mots d’ouverture de Borja Latorre et surtout dans l’intervention de Juan Ignacio Ramos. Pour Izquierda Revolucionaria, le peuple catalan a le droit de décider, et cela ne devrait pas être conditionné par une acceptation par l’État. Ce droit doit être gagné par la mobilisation et la lutte des masses.

    Nous ne pouvons pas nous subordonner à la bourgeoisie catalane, aux nationalistes de droite comme PDeCat, champions de l’austérité et de la répression. Nous nous battons pour une Catalogne socialiste, une République socialiste, pour unir les forces des travailleurs et des jeunes de Catalogne avec celles du reste de l’Etat espagnol, pour gagner une véritable démocratie qui ne peut être que le socialiste. Une étape clé est la chute des gouvernements réactionnaires de Rajoy à Madrid, mais aussi de Puigdemont en Catalogne, nous ne pouvons accomplir cela que par la lutte de masse en cassant avec la paix sociale défendue par les dirigeants syndicaux.

    Ce grand rassemblement a commémoré le centenaire de la Révolution russe, mais c’était aussi l’anniversaire d’une autre grande révolution: trois ans de lutte armée contre le fascisme dans les tranchées de rue et les usines de Catalogne, du Pays Basque et de toutes les parties de l’Etat espagnol.

    Cette lutte héroïque reste une source d’inspiration pour poursuivre leur lutte afin de rendre hommage aux centaines de milliers assassinés par la dictature, qui n’ont reçu aucune reconnaissance.

    Le rassemblement s’est terminé en soulignant l’idée qui a traversé tous les discours. Aujourd’hui, toutes les conditions matérielles objectives existent pour le socialisme. Ce ne sont pas des conditions objectives qui entraînent des opportunités perdues, mais le manque de direction révolutionnaire.

    C’est notre tâche: contribuer à la construction de ce facteur subjectif sans sectarisme, en tendant la main à tous ceux qui souhaitent changer la société.

    Le meeting s’est terminé après 21 heures, avec l’Internationale chantée avec émotion en plusieurs langues par plus de 600 personnes, mettant fin à un événement profondément rouge et internationaliste.

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